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Conclusions générales

BOISSON DE CHAZOURNES, Laurence

BOISSON DE CHAZOURNES, Laurence. Conclusions générales. In: Dubin, L., Bodeau-Livinec, P., Iten, J.-L. & Tomkiewicz, V. Colloque de Paris 8 Vincennes - Saint-Denis - L'entreprise multinationale et le droit international . Paris : Editions Pedone, 2017. p. 511-518

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:95505

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CONCLUSIONS GENERALES

par

Laurence BOISSON DE CHAZOURNES Professeure à l'Université de Genève

Qu'il me soit permis tout d'abord de chaleureusement remercier Laurence DUBfN et ses collègues de nous avoir conviés à réfléchir à un thème auquel notre société n'avait encore jamais consacré un colloque, bien que le thème, cela a été souligné, soit relativement ancien. Ce fw·enl des journées denses à la fois par la richesse des propos, mais aussi par les nombreux questionnements soulevés pour lesquels nous n'avons pas de répoMe, du moins pas encore. Le thème de l'entreprise multinationale et du droit international est en effet constitué de nombreuses zones d'ombre et ne se laisse que difficilement appréhender, sinon harponner par le droit international. Harponner est un mot utilisé à escient.

Je dois en effet avouer que dès la première lecture du très beau rapport de Laurence DUBIN1, une allégorie ne m'a pas quittée. C'est celle de la lutte entre le vieil homme, l'espadon et les requins dans le roman emblématique de

HEMINGWAY2Non que les acteurs se ressemblent, mais il y a en commun entre le vieil homme et nous-mêmes, internationalistes, cette volonté de saisir, de capter, de maîtriser un acteur, dans notre cas l'entreprise multinationale, tout en ne pouvant en fin de compte réaliser cet objectif complètement. Cette difficulté tient aux particularités des entreprises multinationales. Les nombreuses contributions aux Actes du colloque les soulignent, qu'il s'agisse de la taille économique des entreprises multinationales, de leur ampleur en termes de ressources humaines (que l'on envisage le nombre de salariés, mais aussi les autres personnes liées par d'autres types de relations de travail avec ces entreprises). D'autres particularités tiennent aux multiples configurations juridiques : mère, filiale, société auxiliaire, groupe de sociétés, par exemple, et les difficultés qui naissent en matière de responsabilité du fait de ces divers démembrements. Ces problèmes sont so11lignés avec acuité par Régis BISMUTH3

La question de la sphère d'influence géographique, financière ou politiq~e des entreprises multinationales et l'utilisation de nouvelles technologies, telles les

' 1.. DUBf]'j, :1 Raripon intrmludil » cc volum~.

1:. HEMl:>JGWA ,. I"' 11i1?tl //0111111t· :/la mer. (oil. Folio, 2007, 160 p.

1 R BISMUTH. "La Rcspo11~:1b1!1tli (lm1it.:1:) de l'entreprise multinationale et son organisation 111ri<liquc lnto;m.: -qm:h.111..;, ïlcx1011~ n111U11r d'un accident de l'histoire», cc volume.

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utilisations de Big Data ou les Blockchains4, rendent également difficile la captation de ces entités dans leur unité par le droit international.

Dans le cadre des présentes conclusions, on soulignera tout d'abord la question de l'absence d'une définition univoque en droit international pour l'entreprise multinationale, puis on s'interrogera sur le droit applicable à ses activités ainsi que sur les conditions de mise en œuvre de ce droit.

1.

NON-EXISTENCE D'UNE DÉFINITION UNIVOQUE Un premier aspect à souligner tient à l'aspect notionnel. Y. K.ERBRAT5

a bien montré la relative absence de définition juridique. Il a en même temps noté l'existence de définitions situées, si l'on pense au droit fiscal, au droit des investissements ou encore aux instruments de la responsabilité sociale.

Toutefois, la question qu'on peut se poser est celle de savoir si cette non- existence de définition univoque constitue un problème. Ce n'est en effet pas le propre de l'entreprise multinationale de ne pas bénéficier d'une définition univoque en droit international, que l'on pense à la notion de peuple ou à celle de minorité en droit international, ou encore à celle de groupe armé non- intemational. L'on saisit alors que l'entreprise multinationale partage un destin semblable à ces entités. Cela ne signifie pas que les entreprises multinationales n'aient pas d'identité juridique internationale. Elles en ont une, et des aspects saillants de cette identité apparaissent selon les corps de normes qui les appréhendent.

Une autre observation tient à ce que les corps de normes internationales ne différencient que rarement les entreprises multinationales d'autres entreprises.

Les entreprises quelle que soit leur taille, se retrouvent toutes assemblées sous l'égide des patronymes du secteur privé, du marché ou des entreprises commerciales. L'on peut penser au droit de l'OMC qui ne distingue pas les entreprises multinationales d'autres entreprises6 ou au droit de l'environnement.

Cette non-distinction entre entreprises, quelle que soit leur taille, est-elle justifiée ? Je ne le pense pas. On peut évoquer à cet effet le marché des crédits d'émission de C02 et la grande tentation des sociétés transnationales de bénéficier en interne entre société mère, filiales et succursales de ces avantages.

Il y a là des risques d'abus de concurrence qui devraient être soulignés.

Cela dit, des efforts sont accomplis pour capter l'entreprise multinationale en son entier. Nicola BONUCCI, reprenant l'antienne «International Law is back», souligne ce retour avec l'adoption d'une Convention multilatérale pour la mise en œuvre des mesures relatives aux conventions fiscales pour prévenir l'érosion de la base d'imposition fiscale et le transfert des bénéfices. Celle-ci promeut des

"X. COMTESSE, J. HUANG, F. NEMETI, Data Entrepreneurs, les révolutionnaires du numérique, Editions G d'Encre, 2016.

, Y KERBRAT, «Les manifestations de la notion d'entreprise multinationale en droit international », ce volume.

6 V TOMKIEW!CZ, « La place des entreprises multinationales dans l'OMC», ce volume.

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normes minimales qui devraient trouver un reflet dans la pratique des Etats, notamment dans le monde foisonnant des traités bilatéraux. 7

(

Un secteur d'activité mériterait plus d'attention. Il s'agit de celui des multinationales de la sécurité, opérant en temps de conflit anné ou en temps de paix (que l'on pense à la surveillance des prisons) à la faveur desquelles les Etats se déchargent de l'exercice de leurs fonctions régaliennes. Des violations de droit peuvent être commises. On peut à cet effet évoquer les violations engendrées par l'entreprise Blackwater - laquelle a pris récemment le nom intriguant d' Academi - en Irak en 20078.

Des distinctions demandent à être revisitées. H. GHERARI a évoqué les

«entreprises commerciales d'Etat» visées à l'article XVII du GATT9, ainsi que les fonds souverains. Les activités de ces entités sont prises en compte dans certains accords commerciaux préférentiels10. Pourraient-elles être associées aux sociétés transnationales publiques comme on Les concevait en 1970? Et que dire des sociétés multinationales très liées à un pouvoir politique, telle l'entreprise Gazprom?

Il.

DROITS APPLICABLES AUX ENTREPRISES MULTINATIONALES

Dans un second temps, nous évoquerons les droits (selon la te1minologie employée par le professeur Alain PELLET) qui ont à faire avec l'entreprise multinationale. Les organisateurs du colloque nous ont permis de croiser nos regards, analysant tant le droit international public dans ses diverses perspectives, que le droit international privé11 et le droit public, notamment le droit fiscal. Les représentants du secteur privé nous ont aussi apporté leurs perspectives. Peut-être nous a t-il manqué le regard d'un ou d'une pure privatiste qui nous fasse mieux comprendre ce que l'on pourrait qualifier, à titre de métaphore bien sûr, de péché originel, à savoir cette fameuse autonomie de la volonté en arrière-fond de L'approche contractuelle qui préside aux activités commerciales.

Quoi qu'il en soit, ces regards croisés ont permis de saisir le caractère sectoriel, sinon parcellaire, de l'appréhension par le droit international, qu'il soit public ou privé, de la société multinationale et d'ainsi comprendre la difficulté à avoir un regard juridique d'ensemble sur la chaine de production et les règles applicables.

7 N. BONUCC!, «La lutte contre \'optimisation fiscale à travers les instmments de l'OCDE», ce volume.

"M. UBEDA-SAILLARD, « La responsabilité des entreprises en zone de conflit armé», cc volume.

9 Voir le Mémorandum d' Accord sur l'interprétation de l'article XVll du GA TT.

'0

H. GHERARl, «Les entreprises multinationales et les accords commerciaux préférentiels», ce volume.

11 E. PATAUT, «Les rattachements de l'entreprise: le point de vue du droit international privé», ce volume

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Ces regards juridiques ont également souligné le pluralisme des corps de normes qui trouvent application. Au-delà de la variété des corps de normes applicables, la distinction entre droit dit contraignant et droit dit non- contraignant a été évoquée. Cette distinction n'a peut-être pas toujours pu faire ressortir les subtilités du droit en ce domaine. Je voudrais pour clarifier cette question faire tout d'abord un aparté sur les sources du droit international.

Nos discussions ont fait preuve en quelque sorte de tropisme à la faveur de l'instrument conventionnel. Nous avons parlé de traités bilatéraux, régionaux et multilatéraux en abondance. Nous n'avons que très peu parlé de la coutume internationale, y compris dans sa dimension intransgressible selon les termes de la CIJ12, ni des principes généraux du droit. Pourtant, il me semble que si, à l'instar de Laurence DUBIN, nous voulons voir les entreprises multinationales sujets de droit international, à savoir qu'elles soient assujetties à des règles de droit international, l'instrument conventionnel est certainement l'un des moyens pour ce faire, mais il y a aussi d'autres sources du droit international. Les principes généraux du droit ou encore la coutume internationale peuvent être opposables aux entreprises multinationales. Je voudrais à cet effet citer la sentence arbitrale Phoenix qui rappelle la nécessité de conformité des investissements au droit international, y compris au droit international coutumier.

Le tribunal dans l'affaire Phoenix Ltd l'a ainsi exprimé:

lt is evident to the Tribunal that the same holds true in international investment law and that the ICSID Convention 's jurisdictional requirements - as well as those of the BIT- cannot be read and interpreted in isolation/rom public international law, and its general principles. To take an extreme example, nobody would s11ggest that ICSID protection sho11ld be granted to investments made in violation of the most jimdamental ru/es of protection of human rights, like investments made in pursuance

of torture or genocide or in support of slavery or trafficking of human organs. 13 Revenons à la distinction entre droit contraignant et droit non-contraignant, entre droit dur et droit mou ou aux autres terminologies utilisées, comme celles de normes juridiques par opposition aux normes éthiques ou techniques. En ce domaine, il y a foisonnement normatif, et je ne pense pas que la catégorie

« fourre-tout» du droit non-contraignant ou droit souple soit toujours adéquate14.

Parmi les instruments évoqués, nombre d'entre eux, à mon sens, transcrivent des principes généraux du droit15 ou des principes coutumiers.

12 Au sujet des règles de droit international humanitaire notamment, la Cour a déclaré que « [c]es règles fondamentales s'imposent d'ailleurs à tous les Etats, qu'ils aient ou non ratifié les instruments conventionnels qui les expriment, parce qu'elles constituent des principes intransgrcssibles du droit international coutumier», Ucéité de la menace ou de l'emploi d'armes nucféaires, avis co11s11!1atif, C.l.J. Recueil 1996, p. 226, par 79.

13 PhoenL-ç Action, Ltd v. Czech Republic, Aff. CIRDI No. ARB/06/5, sentence du 15 avril 2009, par. 78.

14 L. BOfSSON DE CHAZOURNES, «Standards et normes techniques dans l'ordre jurid[quc contemporain : quelques réflexions», in L. BOISSON DE CHAZOURNES el M. KOHEN (dir.), fnternallonal Law and the Questfor ils !mp/emenlation. le droit intemational et la quête de sa mise en oeuvre: Liber Amicornm Vem Gowlland-Debbas, Lciden, Brill, 2010, pp. 351-376.

15 V. H. ASCENSIO, «Le Pacte mondial et l'apparition d'une responsabilité internationale des entreprises» 111 L. BOISSON DE CHAZOURNES et E. MAZUYER (dir.), le pacte mondial des

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Si l'on prend en considération par exemple le Pacte mondial, celui-ci reprend des principes qui ont été reconnus par des juridictions nationales et internationales comme relevant du droit coutumier, qu'il s'agisse de l'obligation de conduire une étude d'impact, du principe de la participation du public ou de celui de l'interdiction du travail forcé. S'agissant d'autres instruments de droit dit non-contraignant, ne peut-on considérer qu'en y souscrivant, les entreprises engagent leur bonne foi, en termes juridiques, qu'elles acceptent d'être redevables (on pense à l'affaire Nike, mettant en exergue le caractère commercial du discours de l'entreprise relatif aux normes de travail16 et de la possibilité de sanction sous ce couvert). Il y a là des demi-teintes qui montrent que les couleurs de la palette juridique ne se limitent pas au noir el au blanc ou au blanc et au noir, pour utiliser d'autres métaphores que celles du droit dur ou du droit mou.

A ce tableau de couleurs dans lequel les demi-teintes devraient être plus présentes, il faut ajouter celles issues des initiatives privées ou publiques-privées qui peuvent produire certains effets juridiques'".

Parlant des droits, le droit national doit être mentionné. Il est beaucoup évoqué. Le droit national est en quelque sorte le relais de référence du droit international applicable aux entreprises multinationales. Il est intéressant, à cet égard, de remarquer que les instruments de droit international ont beaucoup modélisé et internationalisé le droit national. L'état du droit a changé depuis 1970, et notamment depuis l'affaire de la Barcelona Traction. La Cour avait alors souligné que l'ordre juridique central de référence pour les questions de droit des sociétés était le droit interne, puisque le droit international n'avait pas son mot à dire. L'institution judiciaire avait indiqué :

50. Pour aborder maintenant l'affaire sous l'angle du droit international, la Cour doit, comme elle l'a déjà indiqué, partir du fait que la présente espèce met essentiellement en jeu des facteurs tirés du droit interne - à savoir ce qu'il y a de distinct et ce qu'il y a de commun entre la société et l'actionnaire - que les Parties ont pris chacune pour prémisse de leur raisonnement tout en eu donnant des interprétations très divergentes. Si la Cour devait se prononcer sans tenir compte des institutions de droit interne, elle s'exposerait à de graves difficultés juridiques et cela sans justification.

Elle perdrait contact avec le réel, car il n'existe pas en droit international d'institutions correspondantes auxquelles la Cour pourrait faire appel. C'est pourquoi, comme il est indiqué plus haut, non seulement la Cour doit prendre en considération le droit interne mais encore elle doit s'y référer. C'est à des règles généralement acceptées par les systèmes de droit interne reconnaissant la société a>ionyme, dont le capital est représenté par des actions, et non au droit interne d'un Etat donné, que le droit international se réfère. Quand elle fait appel à ces règles, la Cour ne saurait les modifier et encore moins les déformer18.

La situation actuelle n'est plus la même. Le droit international occupe la part belle, même si le droit national reste un pilier important de règlementation.

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13ruylant, 201 1, pp. IC17 l R4

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" H. 1\$Cf:NSIO. « Les uctiv1Lés nommt1v1.o~. <les llmrcpds~ 1m11linul11111olc~ » •<=volume.

11 11a~œfo11a Th1ct11111, /,ig/it :1111l l'm1·1!1 l 'm11pa11y. l.11111tt1d 1rr.!r l '/,/ Recu.:il llJl/J. p. 37 par 50.

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Ill.

ENTRE OBÉISSANCE ET ADHÉSION

Un troisième et dernier point a trait à la mise en œuvre du droit, et notamment à l'importance du tiers garant du respect des engagements pris par les entreprises multinationales. Je me limiterai aux mécanismes de réaction mettant en cause les entreprises multinationales, sans pour autant considérer que les Etats ne puissent engager leur responsabilité en ce domaine. Toutefois, Pierre

BODEAU-LIVINEC a bien montré combien les critères d'attribution tels que codifiés dans les ArUcles sur la responsabilité de l'Etat pour fait imemat ionulemem illiclfe de la Commission du droit international 19, peuvent diffü~ile'?ent ~em1eth"e d'~puter à un .Etat les ~ct~o:is d'entre.prises multmat1onales-0L 'udopt1on eventuelle d'un mstrument Jund1que contraignant sur les sociétés transnationales et autres entreprises et les droits de l'homme permettrait de saisir en droit positif certaines obligations en ce domaine21

Là encore, en lien avec ce qui vient d'êtrè dit sur le droit interne comme relais des normes de droit internationales, le juge national est sollicité de toutes parts, qu'il s'agisse du juge civil ou du juge pénal, voire du juge administratif-2.

Les divers intervenants lui ont fait assumer divers rôles, et peut-être trop de rôles, en un domaine où les autorités étatiques exécutives et législatives n'assument pas suffisamment leurs responsabilités. L'on pensera à toutes les questions juridiques liées à l'optimisation présentées par Marc PELLETIER23, pour lesquelles les autorités politiques ont pu faire des compromis, des marchandages, voire commettre des lâchetés en matière fiscale ou de droit du travail pour profiter des avantages de la loi du marché. Le législateur peut aussi être en retard face aux demandes de la société, si l'on pense à l'encadrement juridique des activités des entreprises de sécurité en temps de conflit armé, et notamment atL'<

possibilités de recours à la force par ces dernières, comme L'a observé Muriel

UBEDA-SAILLARD24. Toutefois, le législaleu1· peut aussi faire acte d'innovation. On évoquera à cet effet la loi française relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d'ordre qui vise à consacrer des obligations de prévention des violations de droits de l'homme25

'9 Les Articles sont annexés à la résolution 56/83 del' Assemblée générale du 12 décembre 200 \.

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P. BODEAU-LIVINEC, «La responsabilité des Etats à raison des activités des entreprises multinationales >>, ce volume.

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L'ENTREPRISE MULTINATIONALE ET LE DROIT INTERNATIONAL

Le juge peut lui aussi être innovateur. Les cas présentés par les chercheurs ont pu souligner ces traits. L'on pense notamment à la décision haguoise en l'affaire Shell26.

On a peu parlé du juge international. Il pourrait, lui aussi, avoir à se prononcer. Pensons aux tribunaux d'investissement et aux accords qu'ils doivent interpréter à la lumière du droit international. Makane Moïse MBENGUE a évoqué des instruments de protection des investissements qui contiennent des obligations pour les investisseurs27 Ces dernières peuvent revêtir des configurations juridiques variées. L'auteur évoque les obligations de diligence due, de résultat et celles de nature horizontale28. L'institution des contre- réclamations pourrait aider à les mettre en œuvre. Ces responsabilités pourront également être prises en compte dans le cadre de l'appréciation de standards de protection tel celui du traitement équitable et raisonnable. Il y aurait de ce fait un effet miroir dans l'appréciation des obligations des Etats et celles des investisseurs.

Nous n'avons pas évoqué le droit des marchés publics ou les passations de marché. Ceux-ci sont de plus en plus assortis de conditionnalités sociales et environnementales. Des différends pounaient surgir notamment entre entreprises et organisations internationales. On peut penser aux contrats de passation de marché conclus par la Banque mondiale et assortis de clauses d'arbitrage.

Aux côtés des juges, il y a d'autres mécanismes de contrôle du comportement des entreprises multinationales, comprenant des organes quasi-judiciaires, tels les comités de sanction des institutions financières internationales en matière de lutte contre la corruption29. Il y a aussi les institutions de reporting ou d'accountability. Mais l'on passe là d'un mode de mise en œuvre reposant sur l'obéissance à un mode qui repose sur l'adhésion30. L'adhésion ou la non- adhésion produisent des effets. Il est intéressant dans ce contexte de penser aux nombreux « tiers » qui peuvent contrôler ou dénoncer une non-adhésion, que ce soit des organisations internationales comme la Société financière internationale (SFI) avec les principes <l'Equateur, ou des Organisations non gouvernementales (ONG), voire la « toile ». Leur mobilisation peut avoir des effets détonateurs importants en matière de réputation (telle une chute de valeur des actions). Les praticiens nous ont rappelé son importance. Il me semble que nous juristes, nous devrions plus porter notre attention sur le concept d'adhésion. Dans le domaine du reporting, l'on ne parle pas de sanction, mais d'impact, d'effectivité ou de compensation. Pour ce faire, on a recours à des indicateurs qui sont« fabriqués»

26 C. BRIGHT, «Affaire Shell aux Pays-Bas (Tribunal ùc district de La Haye): Quèlqncs réflexionti »,cc volume.

'7 M. M MBENGUE, «Les obligations des investisseurs étrangers>>, cc volume.

"Ibid.

29 L. BO[SSON DE CHAZOURNES cl E. FROMAGEAU, « Balancing the Seules: The W'Jl'ld Bank Sanctions Process and Acccss Lo Remcdies », E11ropea11 Journal of [11/ematirmal Law]()/], no 4, pp. 963-989.

3'' P DEUMIER, « La queslion de la sanction dans le Pacte mondial » in L. BOISSON DE CHAZOURNES cl I~. MAZUYER (dir.), le pacte 111011dial dris Nations Unies JI) ans apres, The g/ohal compact of the United Nations 10 yeurs qfier, Bruxelles, Bruylan1, 2011, p. 159.

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en référence à des normes juridiques et d'autres normes sociales. L'on peut prendre pour preuve les indicateurs qui ont trait à la satisfaction des Objectifs du développement durable (ODD) auxquels ont souscrit les Etats et d'autres acteurs publics, ainsi que des représentants du secteur privé. Ce sont des notions reposant sur une approche managériale qui sont utilisées, mais elles ont de la résonance dans un monde fondé sur l'économie libérale. Peut-être permettraient- elles d'affûter les instruments à disposition pour mieux ancrer l'entreprise multinatioflale dans l'ordre juridique international.

L'approche par adhésion peut rencontrer des limites. La stratégie de l'obéissance pcmrrait avoir son mot à dire dans les domaines dans lesquels le droit s'impose à l'entreprise multinationale. L'approbation des Principes directeurs des Nations Unies relatifa aux entreprises et aux droits de l'homme par le Conseil des droits de l'homme en ·201131 entraîne l'entreprise multinationale à « accept[ er] de se soumettre sur la base du volontariat au respect des droits de l'homme». En bien des aspects, toutefois, n'est-on pas au-delà de la bonne volonté, face à un domaine d'obligations juridiques qui exige que l'entreprise multinationale s'y soumette? Le prisme des institutions du contentieux éventuellement saisies d'une telle question pourrait apporter une réponse.

11 V. la Résolution l 7/4 du Conseil des droits de l'homme du 16 juin 2011

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