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Ouvrages de vulgarisation scientifique : contraintes et possibilités de traduction pour le traducteur non spécialiste Analyse de la traduction du guide animalier Wild Animals

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Ouvrages de vulgarisation scientifique : contraintes et possibilités de traduction pour le traducteur non spécialiste Analyse de la traduction

du guide animalier Wild Animals

CHARDON, Marie Edwige

Abstract

Le présent travail consiste en une réflexion sur les différentes pistes permettant au traducteur non spécialiste d'aborder au mieux les textes de vulgarisation scientifique. La partie théorique traite des caractéristiques générales des ouvrages de vulgarisation scientifique et du rôle de vulgarisateur, puis se focalise sur le profil du traducteur non spécialiste et présente les différents outils et stratégies de vulgarisation scientifique. La partie pratique présente le contexte de production de l'ouvrage Wild Animals et propose une analyse de différents passage présentant un intérêt particulier dans le cadre de la traduction des ouvrages de vulgarisation scientifique.

CHARDON, Marie Edwige. Ouvrages de vulgarisation scientifique : contraintes et

possibilités de traduction pour le traducteur non spécialiste Analyse de la traduction du guide animalier Wild Animals. Master : Univ. Genève, 2012

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:20411

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Marie Chardon

Ouvrages de vulgarisation scientifique : contraintes et possibilités de traduction

pour le traducteur non spécialiste Analyse de la traduction EN-FR du guide

animalier Wild Animals

Mémoire présenté à la Faculté de traduction et d’interprétation pour l’obtention du Master en traduction, mention traduction spécialisée

Directrice de mémoire : Mme Mathilde Fontanet

Jurée :

Prof. Aurélie Picton

Université de Genève Janvier 2012

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~ 1 ~ Remerciements

Je tiens à remercier Mme Fontanet, ma directrice de mémoire, pour sa disponibilité et ses encouragements. Ses remarques et ses suggestions m’ont permis d’orienter ma réflexion et m’ont été profitables lors de l’élaboration et de la rédaction du présent mémoire.

Mes remerciements vont également à M. Chakhparonian pour ses conseils avisés et à Mme Picton, qui a accepté au pied levé d’être la jurée de mon mémoire.

Enfin, un grand merci à mes parents, sans qui je n’aurais jamais pu réaliser un tel chemin, et à mes amis, qui m’ont soutenue tout au long de ce parcours.

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~ 2 ~ I. Introduction

Toute personne ayant dû un jour s’atteler à la difficile tâche que constitue la rédaction d’un mémoire sait combien il est important de choisir le bon sujet, celui qui passionne, qui interroge, qui surprend. Un sujet qui donne un sens à ce travail et qui pousse à poursuivre ses recherches dans les moments de doute et d’égarement. Il nous est donc apparu assez tôt que, dans notre cas, ce sujet devait s’apparenter de près ou de loin au domaine scientifique, car nous avons depuis toujours un grand attrait pour les sciences, et plus particulièrement la biologie et la zoologie. Au cours de nos études, nous n’avons presque jamais traduit de textes portant sur ces domaines. Aussi avons-nous souhaité savoir ce que la traduction de tels textes pouvait impliquer. Ne disposant malheureusement pas de connaissances scientifiques très poussées et n’ayant jamais suivi de formation scientifique, nous avons décidé de nous tourner vers les ouvrages de vulgarisation scientifique, qui nous ont semblé plus abordables en tant que non-spécialiste. C’est de là que notre problématique est progressivement apparue : comment un traducteur ne disposant pas de connaissances approfondies dans un domaine doit-il aborder un texte de vulgarisation portant sur ce domaine ? Quels sont les problèmes auxquels il peut être confronté et que doit-il prendre en considération pour bien traduire ?

Une fois cet axe de recherche posé, nous nous sommes tout d’abord mise en quête d’ouvrages relatifs à la traduction de la vulgarisation scientifique. Nous avons été surprise de constater que, hormis quelques articles, le sujet n’a quasiment pas été abordé. On trouve bien quelques publications concernant la traduction scientifique et technique mais, là encore, leur nombre n’est pas extrêmement élevé. Bien qu’un grand nombre d’ouvrages de vulgarisation soient publiés et traduits, il semblerait que leur traduction soit bien souvent confiée à un spécialiste du domaine possédant des connaissances dans les deux langues concernées, ce qui expliquerait l’absence d’articles et d’ouvrages consacrés à ce sujet.

Par conséquent, pour tenter d’explorer notre problématique, il nous a semblé judicieux de partir du général pour aller vers le particulier, c’est-à-dire de poser un cadre théorique et contextuel avant de passer à une étude plus pragmatique, davantage axée sur les caractéristiques textuelles et linguistiques des ouvrages de vulgarisation. La première partie du présent travail aura donc comme point de départ des réflexions sur la

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vulgarisation scientifique, activité relativement bien documentée, en débutant par les aspects théoriques couvrant les différentes facettes de la vulgarisation, à savoir ses objectifs, ses limites et ses modalités d’exécution avant d’aborder les enjeux liés à la traduction des ouvrages de vulgarisation. Nous établirons ensuite le profil du traducteur non spécialiste et nous passerons en revue les différents outils et procédés communément utilisés dans les ouvrages de vulgarisation scientifique. Dans la seconde partie de notre travail, nous illustrerons ces propos par une analyse de la traduction d’un guide animalier.

Cette analyse nous permettra d’observer les possibilités qui s’offrent au traducteur non spécialiste dans la pratique, ainsi que les différentes stratégies que ce dernier peut adopter dans le but de mieux aborder un texte dont la teneur et la forme lui sont relativement peu familières.

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~ 4 ~

II. Caractérisation de la vulgarisation scientifique II. 1. Eléments de définition

II. 1. 1) Aperçu historique

Dans notre incursion dans le monde de la vulgarisation scientifique, nous souhaitons tout d’abord retracer brièvement le chemin parcouru ainsi que les étapes marquantes qui ont permis à la vulgarisation scientifique de se développer et d’atteindre le statut qu’on lui connaît aujourd’hui.

Il faut tout d’abord mentionner qu’au cours de l’Histoire, plusieurs termes ont été employés pour désigner l’acte de vulgarisation, notamment « populariser » et

« interpréter » (terme qui n’était toutefois pas propre au domaine scientifique)1. En anglais, c’est d’ailleurs le terme « popularisation » qui est utilisé de nos jours. Comme l’explique Yves Jeanneret2, le verbe « vulgariser » a longtemps été connoté négativement. L’activité a en effet longtemps été assimilée à une action peu louable, visant à tenter sans grand succès d’instruire les couches inférieures de la société, et souffre encore aujourd’hui d’une image négative aux yeux de certains.

Cette image n’a pourtant pas empêché la vulgarisation scientifique de se développer et de prendre diverses formes. Avec les premiers grands ouvrages scientifiques, déjà, le besoin est apparu de rendre les informations scientifiques plus abordables pour un public plus large, et ce dans des styles variés (dans son ouvrage De la nature des choses, Lucrèce explique la science sous une forme poétique ; Pline l’Ancien rédige Histoire naturelle dans un style descriptif ; quant à Galilée, il a recours à des dialogues à des fins didactiques). Par la suite, la vulgarisation scientifique a continué à se développer pour atteindre son âge d’or, au XIXe siècle, grâce à des scientifiques comme Jonathan Swift, Georges-Louis Leclerc de Buffon ou Charles Darwin mais aussi des écrivains tel que Jules Verne ou Lewis Carroll.3 A l’heure actuelle, la vulgarisation scientifique est omniprésente et ne se limite plus aux ouvrages imprimés mais elle s’est adaptée aux nouvelles technologies. Toutefois, si l’on en

1 JEANNERET Yves, Ecrire la science : formes et enjeux de la vulgarisation, PUF, Paris, 1994, p.14.

2 Ibid., p. 14.

3 LASZLO Pierre, La vulgarisation scientifique, PUF, Paris, 1993, pp. 17-27.

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~ 5 ~

croit Pierre Laszlo4, certains spécialistes comme les sociologues Bourdieu et Moles ou l’épistémologue Baudouin Jurdant considèrent que la vulgarisation scientifique est plus utilisée pour asseoir un certain pouvoir et engendrer du profit que pour véritablement transmettre des connaissances. Quoi qu’il en soit, il reste néanmoins des travaux de qualité menés par des spécialistes et qui permettent à la vulgarisation scientifique de se maintenir et de s’affirmer comme un genre littéraire à part entière. Ce point est d’ailleurs au centre d’un débat dont fait notamment état Baudouin Jurdant dans son ouvrage Parler la science, mais auquel nous préférons ne pas prendre part, faute de temps.

II. 1. 2) Qu’est-ce que la vulgarisation scientifique ?

Mais qu’entend-on exactement par vulgarisation scientifique ? Considérons tout d’abord la définition de ce terme telle qu’elle nous est donnée dans le Trésor de la Langue française :

Fait d’adapter des notions, des connaissances scientifiques ou techniques afin de les rendre compréhensibles au non-spécialiste ; reformulation d’un discours spécialisé qui consiste généralement à le débarrasser de ses difficultés spécifiques, de ses caractères techniques afin de le rendre accessible au grand public.5

Cette définition met en lumière deux points importants : premièrement, le texte de vulgarisation scientifique, quel qu’il soit, part toujours soit d’un texte purement scientifique, soit d’un concept ou d’un état de fait scientifique, dont on n’aura pas nécessairement rendu compte par écrit mais qui auront néanmoins été analysés et théorisés par la communauté scientifique. Selon Marie-Françoise Mortureux, le discours de vulgarisation est « un discours second dont la production, le fonctionnement et la légitimité renvoient à des discours primaires »6. En effet, on constate qu’il s’appuie sur une base existante, à savoir les publications scientifiques, et en extrait certaines idées qui seront par la suite adaptées pour les non-spécialistes. Comme le dit Daniel Jacobi :

4 Ibid., p.4.

5 QUEMADA Bernard [dir.], Trésor de la langue française : dictionnaire de la langue du XIXe et du XXe siècle (1798-1960), Editions du Centre national de la recherche scientifique, Paris, Gallimard, 1994, p. 1379.

6 MORTUREUX Marie-Françoise, « La vulgarisation scientifique, parole médiane ou dédoublée » in : JACOBI Daniel, SCHIELE Bernard, Vulgariser la science, le procès de l’ignorance, collection Milieux, éd.

Champ Vallon, Seyssel, 1988, p.119.

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~ 6 ~

Le texte vulgarisé est toujours pris dans un ensemble plus large, un système de renvois à d’autres livres et d’autres textes. Il n’est qu’un élément d’une totalité.7

La notion importante ici est donc celle d’intertextualité. Cette intertextualité existe d’une part entre le texte vulgarisé et les textes scientifiques sur lesquels il s’appuie et d’autre part, sur tous les ouvrages vulgarisés déjà existants, qui se fondent eux-mêmes sur des discours et des idées scientifiques. A notre sens, les textes scientifiques peuvent donc être considérés comme des sources primaires dont l'une des applications est de fournir la matière à vulgariser.

Deuxièmement, on constate que l’idée de reformulation est centrale lorsque l’on parle de vulgarisation scientifique. Comme nous venons de le voir, une fois la matière

« extraite » des publications scientifiques, il faut encore la traiter, la remodeler afin qu’elle soit assimilable par le profane. Les éléments doivent être repris de sorte que le lecteur non spécialiste puisse faire des liens avec ce qu’il connaît déjà. S’il y a donc bien transformation du message, on ne peut toutefois parler uniquement de reformulation au sens linguistique, telle qu’elle est évoquée dans la définition précitée. Lors du processus de vulgarisation, on assiste certes à une simplification au niveau du langage mais elle est conditionnée par tout un travail d’adaptation qui se base sur les connaissances du public- cible, ainsi que sur le contexte socioculturel. Nous reviendrons plus en détail sur cette idée d’adaptation du message en vulgarisation et lors de la traduction des ouvrages de vulgarisation dans notre partie analytique.

On constate donc un rapport très étroit entre le discours scientifique à proprement parler et le discours de vulgarisation. La question qui se pose alors est quelles sont les différences entre ces deux types de discours, le second découlant du premier.

II. 1. 3) Science : pistes épistémologiques

Afin de pouvoir établir les principales différences entre les deux types de discours, il nous faut tout d’abord tenter de définir globalement les principales caractéristiques du discours scientifique et évoquer quelques uns des débats dont la science fait l’objet. Ces

7JACOBI Daniel, Textes et images de la vulgarisation scientifique, Peter Lang, Berne, 1987, p. 75

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quelques points permettront également de poser certaines bases nécessaires quant à l’appréhension du texte de vulgarisation scientifique puisque celui-ci est lié au discours

« purement » scientifique.

1) La science ou les sciences ?

Le premier point consiste justement à savoir s’il faut parler de la science ou des sciences. En effet, certains spécialistes estiment que l’on ne peut utiliser le terme

« science » au singulier pour se référer à toutes les branches de la science puisque chaque domaine a un mode de fonctionnement qui lui est propre et des méthodes bien différentes.

Ces différences, qui sont parfois très grandes, résultent selon eux en des difficultés de communication entre les domaines et donc en une imperméabilité plus ou moins grande.

Parler de la science ne serait donc pas justifié puisque les différentes sciences censées la constituer n’ont que peu de points communs et ne se situent pas toutes au même niveau.

Or, pour d’autres auteurs et scientifiques, comme Gilles Granger, s’il est vrai que les méthodes et les finalités peuvent varier, les branches de la sciences ont toutes une visée commune, qui les rapproche et qui permet de créer des liens entre elles. Dans son ouvrage La science et les sciences, il parle de la science en ces mots :

C’est en effet comme manière de viser ses objets que la pensée scientifique se différencie essentiellement de toute autre espèce de connaissance […]. Il y a bien des méthodes scientifiques, mais un esprit et un seul type de visée proprement scientifique.8

Pour lui, toutes les sciences sont à la recherche d’une réalité. Si la science a souvent recours à des représentations abstraites, elle a pour but la production de concepts qui sont censés décrire ou organiser des données concrètes. De plus, la science a comme objectif de décrire et expliquer et non pas d’agir, en tout cas pas directement. Il y a une recherche du savoir et de la compréhension du monde qui nous entoure, comme l’explique Claude Bernard dans son ouvrage Introduction à la médecine expérimentale :

Au fond, toutes les sciences raisonnent de même et visent au même but. Toutes veulent arriver à la connaissance de la loi des phénomènes de manière à pouvoir prévoir, faire varier ou maîtriser ces phénomènes.9

8GRANGER Gilles-Gaston, La science et les sciences, Presses universitaires de France, Paris, 1993, p. 45

9BERNARD Claude, Introduction à l’étude de la médecine expérimentale, Flammarion, Paris, 1984, p. 47

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Ces observations nous laissent à penser que, si une distinction peut effectivement être établie entre la science, en tant qu’hyperonyme englobant les différents types de sciences et les sciences, en tant que domaines plus ou moins distinctement séparés de par leurs méthodes, il est possible d’appréhender toutes les sciences sur un même plan du fait de leur visée commune. Les sciences sont donc perméables à un certain degré. On remarque d’ailleurs que, sur un plan discursif, il existe des relations d’intertextualité entre elles. Ce sont ces relations qui rendent possible l’activité de vulgarisation, étant donné que cette dernière va souvent établir des liens entre plusieurs domaines de recherche.

2) Le « fait » scientifique

Pour beaucoup, les « faits » scientifiques se basent sur des propositions qui, après avoir été soumises à une analyse et à des observations, sont déclarées vraies et représentatives de la réalité et donc reconnues par les spécialistes des différents domaines. Ces faits sont considérés comme découlant d’observations objectives.

Cependant, selon Gérard Fourez, « ce que l’on appelle un fait est déjà un modèle théorique d’interprétation »10. Toute observation ou constatation, qu’elle soit scientifique ou non, fait déjà appel à des connaissances, à des expériences préalables et une certaine perception du monde. Nous nous fondons sur ces connaissances pour déduire une affirmation. Si deux personnes doivent faire des observations sur un objet en ne possédant pas les mêmes connaissances ou le même ressenti vis-à-vis de cet objet, leurs conclusions pourront être différentes, d’où la nécessité d’une vérification et d’une théorisation. Ce que l’on appelle un « fait » est en réalité une idée, c’est-à-dire un élément empreint de subjectivité qui peut être remis en question. Le terme « fait » est donc trompeur dans la mesure où il laisse à penser qu’il décrit la réalité. Or, à ce stade, il n’est pas encore prouvé qu’il soit vrai ou réel.

On a ici affaire à un fait brut qu’il faut vérifier. Une fois cette étape passée, on se trouve alors face à un fait théorisé, qui est donc affranchi du caractère unipersonnel et par là- même subjectif. C’est uniquement à partir de ce moment que l’on peut parler de fait au sens de description de la réalité.

3) Méthode empirique vs. Méthode théorique

10 FOUREZ Gérard, La construction des sciences : introduction à la philosophie et à l’éthique des sciences, De Boeck Université, Bruxelles, 1988, p. 33

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En ce qui concerne la recherche scientifique, on constate qu’il existe deux perspectives opposées. Pour certains, comme Solange Gonzalez11, le savoir scientifique repose sur une base empirique, c’est-à-dire que tout énoncé scientifique ou fondement de théorie ne peut être validé qu’après avoir subi de nombreuses observations et avoir été soumis à des mécanismes expérimentaux. C’est donc la pratique et l’expérience qui permettent d’énoncer des théories et des lois générales.

La deuxième catégorie, quant à elle, est d’avis que, si l’on passe effectivement par une phase empirique destinée à la validation d’une hypothèse, il y a eu avant cette phase ce que l’on pourrait appeler une théorisation préalable, qui va être infirmée ou confirmée par la phase pratique et expérimentale. Les expérimentations ne sont donc qu’un moyen de validation et ne permettent pas de créer une théorie mais simplement de la vérifier. Pour ces scientifiques, c’est bien la théorie qui préexiste à la pratique.

Si, comme le montre Anatole Abragam dans son article « Théorie ou expérience : un débat archaïque »12, les scientifiques sont divisés sur la question, leur orientation va conditionner leur manière de penser et, par conséquent, d’exposer leurs idées, ce qui pourra également avoir un impact sur les textes de vulgarisation scientifique.

4) La notion de réalité

Selon Yves Jeanneret, « la réalité est disponible, mais invisible ; le geste de la science la rend visible. »13 La science aurait donc la capacité de faire apparaître la réalité en conceptualisant des idées. Si le langage permet effectivement de modeler notre conception du monde et de nous permettre une représentation concrète des objets qui nous entourent, il ne nous donne pas accès à LA réalité mais à un sentiment partagé de réalité. A ce sujet, Gérard Fourez explique que « le sentiment de réalité est un sentiment subjectif et affectif qui fait que nous avons confiance dans le monde tel que nous le voyons »14. Tout est là encore question d’interprétation. La réalité correspond à une perception partagée par la majorité des individus. Notre vision du monde est conditionnée par un certain nombre de

11GONZALEZ Solange [dir.], Epistémologie et histoire des sciences, Vuibert, Paris, 2010.

12 ABRAGAM Anatole, « Théorie et expérience : un débat archaïque », in : Hamburger Jean [dir.], La philosophie des sciences d’aujourd’hui, Bordas, Paris, 1986, pp. 21-37.

13JEANNERET Yves, Ecrire la science : formes et enjeux de la vulgarisation, PUF, Paris, 1994, p. 68.

14 FOUREZ Gérard, La construction des sciences : introduction à la philosophie et à l’éthique des sciences, De Boeck Université, Bruxelles, 1988, p. 40

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paramètres qui font qu’il est très difficile de remettre en question un état de fait que l’on a toujours considéré comme correspondant à la réalité.

En sciences, la notion de réalité est intimement liée à la représentation de ce qui est vrai ou faux. La vérité s’inscrit dans la réalité. On considére une proposition comme vraie ou fausse en fonction d’une réalité établie. En ce sens, comme la réalité elle-même est subjective, la vérité l’est aussi. Le « vrai » objectif n’existe pas. Les observations scientifiques doivent donc s’articuler autour de cette vision structurée du monde.

II. 1. 4) Distinction entre discours scientifique et discours de vulgarisation scientifique

A partir de ces quelques points, nous pouvons décrire les principales caractéristiques du discours scientifique et observer les différences par rapport aux textes de vulgarisation scientifique.

Les différences que nous allons évoquer émanent du fait que les objectifs principaux des deux genres textuels ne sont pas les mêmes. A ce sujet, Yves Jeanneret écrit :

La recherche scientifique ne se distinguera pas de la vulgarisation comme le savoir pur de son expression rhétorique, mais comme deux médiations différentes pour construire, corrélativement, des représentations de mots et des représentations de choses.15

En effet, le texte scientifique est rédigé par et pour des spécialistes qui possèdent des connaissances très pointues dans un ou plusieurs domaines. De ce fait, les ouvrages scientifiques se caractériseront généralement par un langage très abstrait et se destinent à un public plutôt restreint et bien délimité. Ils décrivent des concepts très élaborés et hiérarchisés et font donc appel à un vaste réseau de connaissances spécialisées. En outre, le discours scientifique se veut certes informatif et démonstratif, mais il a également une portée rhétorique. Même si les auteurs de ces textes tendent à rester objectifs lorsqu’il s’agit de présenter des données, ils doivent défendre leurs idées et amener des preuves visant à convaincre leur lectorat que ce qu’ils avancent peut être validé.

15 JEANNERET Yves, Ecrire la science : formes et enjeux de la vulgarisation, PUF, Paris, 1994, p. 85.

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En revanche, le texte de vulgarisation scientifique s’adresse aux non-spécialistes et ne cherche pas à faire de ses lecteurs des spécialistes, mais uniquement à les informer de la manière la plus intelligible possible sur un certain sujet. Toute la difficulté réside donc dans la manière de transformer les informations afin qu’elles soient accessibles au profane.

La vulgarisation doit remplir un rôle que l’on pourrait qualifier de sociologique, comme l’explique Richard-Emmanuel Eastes :

Vulgariser pourra signifier à la fois transmettre des connaissances, susciter d’autres formes de raisonnement, éveiller la curiosité et le sens critique, donner un aperçu de la vie du scientifique, faciliter le débat démocratique sur des problèmes de société, instruire à la

« complexité » et à la relativité de la « vérité scientifique », mettre en

« appétit de savoirs », répondre à des interrogations éthiques et métaphysiques, divertir, faire rire ou rêver…16

On constate que la liste est longue et n’est pas exhaustive, mais qu’un point précis revient quasi-systématiquement, à savoir le fait que la vulgarisation constitue une introduction au monde scientifique. Elle permet d’entrer en contact non seulement avec la science, mais également avec tout ce qu’elle implique dans d’autres domaines de la société. C’est pourquoi le discours doit être simplifié et rendu accessible afin de ne pas décourager le lecteur et il doit être attrayant afin de capter l’attention de ce dernier.

II. 1. 5) Fonctions et implications de la vulgarisation scientifique

D’après Bruno Dufay17, il est possible de diviser l’acte de vulgarisation scientifique en quatre phases :

- la phase d’attention (l’auteur doit susciter et retenir l’intérêt de son lectorat) ; - la phase de communication (l’auteur doit faire passer une information sur un certain sujet) ;

- la phase d’assimilation (il doit trouver un moyen de rendre cette information intelligible au lecteur) ;

16 EASTES Richard-Emmanuel, « Contribuer au partage de la culture scientifique… », in : l’actualité chimique, n° 280-281, novembre-décembre 2004, consulté le 26 juillet 2011, <http://www.dctc.puc- rio.br/prof.com.ciencia/Artigos/Partage%20culture%20scientifique_AC_Eastes.pdf>

17 DUFAY Bruno, Apprendre à expliquer, l’art de vulgariser, Eyrolles, Paris, 2005, p. 34-37.

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- la phase d’appropriation (le lecteur doit pouvoir se servir des informations nouvellement acquises et porter un regard critique sur elles).

Quant à Yves Jeanneret18, il estime que, pour que l’acte de communication recherché par le discours de vulgarisation soit réussi, il faut que ce discours réponde à trois exigences : l’exigence narrative (qui implique que le texte doit être construit comme une sorte d’histoire, de manière structurée et suivant une certaine logique), l’exigence argumentative (qui veut que l’auteur réussisse à formuler ses idées de manière à ce que le lecteur puisse comprendre le cheminement de pensée et les relations existant entre les différentes idées), et l’exigence didactique (qui consiste à ce que la forme du texte permette au lecteur d’assimiler les concepts de manière naturelle et simple). Ces trois aspects ont effectivement toute leur importance puisque, comme nous l’avons vu plus haut, les objectif du lecteur de vulgarisation sont variés et peuvent être multiples. En fonction du public- cible, il conviendra de mettre plus l’accent sur l’une ou l’autre de ces exigences. Si l’objectif du texte n’est pas seulement d’enseigner quelque chose au lecteur, mais aussi de le divertir, on se focalisera sur l’aspect narratif du texte, en le structurant comme un récit ou même en lui donnant une forme romanesque. En revanche, si l’on souhaite amener le lecteur à se familiariser avec une forme de raisonnement nouvelle, on privilégiera l’argumentation, qui sera particulièrement réfléchie et méthodique, de manière à rappeler la rhétorique des textes purement scientifiques.

Au-delà de ces aspects fondamentaux, la vulgarisation a également une vocation culturelle puisqu’une meilleure connaissance du monde scientifique peut permettre au profane de mieux appréhender certains problèmes ou débats actuels, qu’ils soient politiques, économiques ou sociaux, comme les questions relatives à l’environnement (engendrer des connaissances sur les domaines liés à l’énergie peut par exemple permettre de mieux orienter ses choix pour une meilleure qualité de vie). La vulgarisation scientifique est en constante évolution et doit s’adapter aux nouvelles voies de la science ainsi qu’aux nouveaux médias de transmission de l’information.

II. 1. 6) Vulgarisation scientifique et enseignement des sciences

18 JEANNERET Yves, Ecrire la science : formes et enjeux de la vulgarisation, PUF, Paris, 1994, p. 322.

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L’un des objectifs des supports de vulgarisation scientifique étant la transmission de connaissances scientifiques, l’on peut se demander ce qui les différencie des supports d’enseignement, où la fonction didactique est essentielle.

Le public visé par l’enseignement correspond à des tranches d’âge et à des niveaux de connaissances bien délimités. Que l’on parle d’enseignement au niveau de l’école obligatoire ou au niveau universitaire, il est assez facile de circonscrire le public-cible. Les notions scientifiques sont introduites graduellement ; l’enseignant peut poser des jalons, expliquer certains concepts servant de base à la compréhension d’autres concepts qui seront expliqués lors de cours ultérieurs. Il existe une possibilité pour l’apprenant de poser des questions, de demander des précisions. En outre, celui-ci doit compléter ce qu’il apprend par un travail « pratique » destiné à vérifier ses acquis. Le but premier de l’enseignement est de former des spécialistes et leur apprendre à se familiariser avec les méthodes et les modes de réflexion scientifique. Comme le dit Baudoin Jurdant,

« l’enseignement se fait initiation à une certaine parole et à une certaine pratique qui convergent dans une certaine mentalité (souvent dite « esprit scientifique ») »19. Les supports d’enseignement doivent permettre à l’apprenant de comprendre la manière dont les concepts scientifiques sont appréhendés pour pouvoir les réutiliser et faire des liens entre eux. De ce fait, en fonction du niveau d’apprentissage, les textes auront un niveau d’abstraction plus ou moins élevé.

Quant aux ouvrages de vulgarisation scientifique, ils se destinent à un public beaucoup plus hétérogène, comme nous le verrons dans notre section consacrée au public-cible. Etant donné que le vulgarisateur ne peut donner d’explications a posteriori, il doit présenter certains concepts en se basant sur les connaissances supposées de son lectorat et en gardant à l’esprit qu’il doit s’adapter à un public parfois très large en fonction du type de texte. Les textes de vulgarisation scientifique doivent donner un aperçu de ce qu’est la science et de certains de ses enjeux. Selon Daniel Jacobi20, on pourrait même considérer la vulgarisation scientifique comme une introduction à la science, mais elle ne peut en aucun cas prétendre remplacer un enseignement scientifique.

19JURDANT Baudoin, « Vulgarisation scientifique et idéologie », in : Communications n° 14, 1969, p. 154, consulté le 20 juillet 2011, < http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/comm_0588- 8018_1969_num_14_1_1203>

20 JACOBI Daniel, Textes et images de la vulgarisation scientifique, Peter Lang, Berne, 1987,p. 9.

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~ 14 ~ II. 1. 7) Types de vulgarisation scientifique

S’il existe bien des caractéristiques et des fonctions propres au discours de vulgarisation scientifique, on notera qu’il existe différents types de vulgarisation ainsi que différents types d’ouvrages de vulgarisation scientifique et surtout différents publics. Il est donc essentiel de prendre en compte toutes ces composantes avant de se lancer dans un travail de vulgarisation ou de traduction de vulgarisation.

Comme pour la documentation scientifique, aucun document de vulgarisation n’est identique. Dans son ouvrage Scientific and technical translation, Isadore Pinchuck écrit :

There is no such thing as a uniform scientific document that is used in all circumstances. Each type of document […] has its own characteristics, as regards both content and language.21

Cette affirmation est justifiée car même si tous les supports de vulgarisation scientifique traitent effectivement de thèmes liés aux différentes branches de la science, ils ne sont pas confrontés aux mêmes contraintes et ces contraintes s’exercent sur le document dans son ensemble, tant sur le fond que sur la forme. Les enjeux sont donc différents et, par conséquent, les techniques de vulgarisation aussi.

Selon Pierre Laszlo, deux tendances prédominent dans les ouvrages de vulgarisation : la vulgarisation encyclopédique et la vulgarisation dite existentielle.22 La première classe est constituée par tous les ouvrages publiés présentant les informations de manière ordonnée. Dans ce type d’ouvrage, l’aspect divertissant est relativement peu présent. On cherche avant tout à présenter un maximum d’informations de manière structurée. D’ailleurs, le lecteur qui choisit ces supports est motivé avant tout par un désir de savoir et non d’être diverti. Ce lecteur est prêt à fournir des efforts dans une lecture parfois un peu ardue puisque les informations qu’il va trouver le guideront et l’aideront dans sa quête de connaissances. Dans cette catégorie, on trouve bien évidemment les articles d’encyclopédie, qui peuvent être considérés comme des « tranches de savoir »23, c’est-à-dire qu’ils ont pour but premier de répondre aux interrogations du lecteur sur un sujet précis et de satisfaire sa soif d’apprendre. Le lecteur y a facilement accès aux informations. De plus, les concepts définis renvoient à d’autres concepts et le lecteur curieux pourra donc s’informer de manière exhaustive. La lecture d’un article d’encyclopédie suppose néanmoins une envie préalable d’apprendre, une curiosité de la

21PINCHUCK Isadore, Scientific and technical translation, Andre Deutsch Limited, 1977.

22 LASZLO Pierre, La vulgarisation scientifique, PUF, Paris, 1993, p.4.

23 Ibid., p.52.

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part du lecteur puisque celui-ci entreprend la démarche d’aller chercher les informations et qu’il doit les assimiler sans aide, en autodidacte.

La seconde classe regroupe les supports qui transmettent un certain savoir, mais qui cherchent à le faire sous une forme attrayante et parfois originale pour le public-cible. La transmission de connaissances est supposée se faire pratiquement sans que le public ne s’en rende compte. L’objectif est de lui faire oublier au maximum tous les aspects repoussants des supports scientifiques (terminologie complexe, supports visuels obscurs,…) et de lui présenter l’information scientifique comme un élément à sa portée.

C’est le cas par exemple avec les supports pour musées. Comme l’explique Laszlo, l’idée du musée consiste à « montrer des concepts en action ».24 Le visiteur vient avec une volonté d’apprendre et le musée met en place un système de visualisation, d’expérimentation et d’explications écrites les concernant. L’apprentissage devient donc pratique, concret et autonome (voire ludique, dans certains cas). Par conséquent, c’est la clarté qui va primer ici puisque les informations écrites sont complémentaires aux informations visuelles et pratiques. Elles viennent préciser ce que le visiteur a vu.

Même si, dans les deux cas, c’est au lecteur de franchir le pas, ses motivations à le faire peuvent varier suivant la situation dans laquelle il se trouve. La situation n’est en effet pas la même s’il doit par exemple rassembler des éléments sur un domaine dans le but de faire une présentation ou s’il a entendu parler d’un phénomène et aimerait simplement en savoir plus pour sa propre culture générale. Il est donc essentiel de bien cerner à quel type de support l’on a affaire afin de permettre une communication optimale du message.

Dans la section qui va suivre, nous nous penchons en détail sur le rôle que tiennent les récepteurs des textes de vulgarisation scientifique. Dans un souci d’harmonisation et de clarté, nous parlons donc de lecteurs non spécialistes ou de profanes pour nous référer au public-cible puisque nous avons constaté au fil de nos lectures que le terme « profane » était fréquemment employé et qu’il semble être admis dans le domaine scientifique pour désigner une personne dont les connaissances scientifiques sont limitées.

II. 2. Le public-cible

II. 2. 1) Importance du public-cible

24 Ibid., p.51

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Dans Textes et images de la vulgarisation scientifique, Daniel Jacobi explique que : déborder la vulgarisation conduit à déborder le terrain linguistique strict pour s’intéresser aux acteurs : producteurs et lecteurs, aux conditions de production, aux stratégies.25

En effet le texte de vulgarisation scientifique répond à un certain nombre de critères et sa rédaction dépend de facteurs divers comme le type et la fonction des textes. Le facteur le plus important qui va conditionner le travail de vulgarisation et garantir ou non la réussite du projet est sans nul doute le public auquel le texte est destiné. Dans les textes scientifiques, le destinataire, bien qu’important, ne pose pas réellement problème puisque l’on s’adresse toujours à un spécialiste, qui, même s’il est spécialisé dans un domaine précis, pourra comprendre une publication traitant d’un autre domaine, étant donné que la base des connaissances acquises est plus ou moins la même.

En revanche, le public de la vulgarisation scientifique est beaucoup plus hétérogène. A ce sujet, Yves Jeanneret écrit que « le lectorat de la vulgarisation n’est pas une masse homogène, mais un ensemble composite. […] Le destinataire d’un article est protéiforme »26. Il n’y a donc pas un public, mais un ensemble de publics, eux-mêmes composés d’individus tous différents les uns des autres et ayant donc des attentes différentes. Or, pour obtenir une vulgarisation de qualité, il faut pouvoir cerner son public.

Avant de se lancer dans un travail de vulgarisation scientifique ou de traduction de vulgarisation, Daniel Jacobi27 estime qu’il convient donc de se poser les questions suivantes : qui sont les lecteurs, quelle utilisation sont-ils susceptibles de faire des documents qu’ils s’approprient, que savent-ils et ne savent-ils pas et quel est le média par lequel l’information va être transmise. En fonction du type et de la fonction du texte, le discours de vulgarisation doit viser et définir un public et n’exclure aucun des lecteurs faisant partie de ce public ainsi défini. Sur quels critères peut-on alors se baser pour tenter de cerner le plus précisément possible le public-cible ?

II. 2. 2) Eléments de définition du public-cible

25JACOBI Daniel, Textes et images de la vulgarisation scientifique, Peter Lang, Berne, 1987,p. 14

26 JEANNERET Yves, Ecrire la science : formes et enjeux de la vulgarisation, PUF, Paris, 1994., p.170

27 JACOBI Daniel, « La visualisation des concepts dans la vulgarisation scientifique », in : Culture technique, n° 14, Les vues de l’esprit, CRTC, 1994.

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En vulgarisation scientifique, comme l’explique Sophie Malavoy dans son Guide pratique de la vulgarisation scientifique28, il importe de bien connaître son lecteur.

Lorsque l’on réfléchit aux moyens permettant d’établir une sorte de « carte d’identité » d’un public, certains facteurs semblent évidents comme l’âge et le bagage cognitif des destinataires. Ces deux éléments vont en effet jouer un rôle majeur : l’écolier de 12 ans et l’enseignant à la retraite n’appréhendent pas le monde et les informations qu’on leur transmet de la même façon. Ce qui les sépare, c’est leurs expériences respectives de la vie et donc leur manière de penser et de réfléchir. En se basant sur cette expérience, chaque individu développe un langage qui lui est propre. Toutefois, les différences entre individus ne se bornent pas à leur âge ou leurs connaissances préalables. Il faut aussi garder en tête des facteurs moins évidents de prime abord. Dans son ouvrage Apprendre à expliquer : l’art de vulgariser29, Bruno Dufay dresse une liste des différents aspects à garder à l’esprit comme la motivation de l’individu, ses attentes, ses modes de pensée ou encore ses éventuelles lacunes. Cette liste, qui n’est probablement pas exhaustive, illustre bien la diversité des éléments à prendre en compte.

Quoi qu’il en soit, ces éléments mettent en lumière le caractère psychologique et sociologique de la vulgarisation, une facette à ne pas sous-estimer. Bruno Dufay30 explique également que la vulgarisation scientifique est une activité sociale, tournée vers les individus, quel que soit leur niveau. Elle vise à rapprocher la science du profane et à donner une chance à tous de pouvoir avoir accès à des connaissances qui peuvent sembler inaccessibles au premier abord. Les lecteurs y gagnent car ils s’ouvrent à un domaine nouveau et à une nouvelle forme de réflexion, mais ils ne sont pas les seuls gagnants. Les scientifiques bénéficient aussi de l’effort de vulgarisation dans la mesure où les recherches qu’ils mènent et les découvertes qu’ils font ne sont plus confinées à la seule sphère scientifique, mais peuvent également être comprises et reconnues par la population elle- même. Cela peut donc susciter un intérêt pour certaines sciences méconnues et favoriser la recherche dans de nombreux domaines. Il ne faut pas considérer la vulgarisation scientifique comme une simple transmission de savoir, mais plutôt comme une opportunité pour les spécialistes de sensibiliser le public aux enjeux de la science ainsi que de faire reconnaître l’utilité de leur travail et de replacer leurs recherches dans un contexte social.

L’activité de vulgarisation et de traduction n’est pas le parent pauvre des sciences ; elle

28 MALAVOY Sophie, Guide pratique de vulgarisation scientifique, Acfas, Québec, 1999, p.8.

29 DUFAY Bruno, Apprendre à expliquer, l’art de vulgariser, Eyrolles, Paris, 2005, p. 204.

30 Ibid., p. 44

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n’est pas là pour donner une vision réductrice du domaine scientifique, mais pour lui ouvrir des perspectives.

II. 2. 3) Classification des publics et degrés de vulgarisation scientifique Si chaque ouvrage et chaque support appelle un public différent, plus ou moins large et uniforme, il existe des classifications relativement générales ainsi que des degrés de vulgarisation qui permettent de donner une première orientation au travail et de restreindre le public-cible et ses attentes. On notera ici deux manières principales de classer les ouvrages de vulgarisation scientifique : du point de vue de l’auteur ou du point de vue du destinataire. Dans son ouvrage Textes et images de la vulgarisation scientifique31, Daniel Jacobi explique que l’on peut distinguer cinq formes de communication émetteur/destinataire :

- Le spécialiste s’adresse à d’autres spécialistes de la même discipline ; - Le spécialiste est face à des chercheurs, mais d’un autre domaine ;

- Le spécialiste écrit pour un public cultivé, mais qui ne pratique pas d’activité scientifique ;

- Le spécialiste s’adresse à un public disposant d’une culture générale limitée ; - Le spécialiste s’adresse à des « semi-illettrés » (par exemple de jeunes enfants).

Les deux premiers cas de figure s’appliquent évidemment à des publications pointues qui relèvent des textes purement scientifiques. Pour les trois autres situations, on remarque que c’est le niveau de connaissances qui va déterminer la catégorie à laquelle appartient le lecteur. Même si ce seul facteur ne suffit pas à définir avec précision tous les destinataires, il permet à l’auteur de mieux définir ce qu’il va pouvoir exprimer dans son travail et de quelle manière il pourra le faire.

Si l’on se place maintenant du côté du destinataire, Sophie Malavoy délimite trois degrés principaux de vulgarisation32 :

- La haute vulgarisation, qui concerne un public « relativement ciblé composé de personnes dites instruites sans être pour autant des spécialistes des sujets traités ni

31JACOBI Daniel, Textes et images de la vulgarisation scientifique, Peter Lang, Berne, 1987.

32MALAVOY Sophie, Guide pratique de vulgarisation scientifique, Acfas, Québec, 1999, p.8

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même des disciplines abordées. »33 On pense notamment ici à des lecteurs universitaires par exemple.

- La vulgarisation grand public, qui correspond à un auditoire plus large.

L’information est plus diluée et présuppose moins de connaissances chez le lecteur.

- La vulgarisation pour enfants : ces ouvrages constituent avant tout un éveil aux sciences.

Daniel Jacobi a d’ailleurs réparti cette dernière catégorie en trois sous-parties34 :

 Enfants de 3 à 5 ans : ne savent pas encore lire ; une autre personne fait la lecture de l’ouvrage. Les livres sont destinés à développer la curiosité et le goût de la lecture.

 Enfants de 5 à 8 ans : apprentis lecteurs, les enfants commencent à acquérir une autonomie au niveau de la lecture.

 Enfants et adolescents de 8 à 15 ans : lecteurs qui développent des penchants et des passions pour certains domaines.

Si l’analyse de ces ouvrages présente un intérêt certain et a notamment été traitée en détail par Daniel Jacobi dans son ouvrage Les sciences communiquées aux enfants, les techniques de vulgarisation diffèrent de celles utilisées dans la majorité des ouvrages à destination des adultes, c’est pourquoi nous ne nous y attarderons pas.

En ce qui concerne la frontière entre haute vulgarisation et vulgarisation grand public, elle permet certes de poser une limite à un public très large, mais elle reste floue puisque la notion de « personnes instruites » demande à être précisée : le fait d’avoir poursuivi des études universitaires suffit-il à qualifier une personne d’instruite ? Ou entend-on par là une personne s’étant beaucoup documentée sur certains sujets ? Nous pensons que ces classifications, bien qu’utiles pour procéder à une première sélection, doivent s’accompagner d’autres considérations afin de satisfaire les attentes du plus grand nombre de lecteurs possible.

Maintenant que l’on perçoit mieux l’importance du public-cible et l’utilité de le définir aussi précisément que possible, observons l’impact que cette réflexion va apporter sur les choix de l’auteur ou du traducteur.

33 Ibid., p. 8

34JACOBI Daniel, Les sciences communiquées aux enfants, PUG, Paris, 2005, p.7

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II. 2. 4) Conséquences sur les choix du vulgarisateur

L’étude approfondie du lectorat et de ses différentes caractéristiques va permettre à l’auteur d’orienter la situation d’énonciation. Par une série de réflexions, il va pouvoir écarter certaines classes de lecteurs pour se focaliser sur d’autres. Ces choix d’orientation sont toujours complexes dans la mesure où le risque de ne pas inclure certains lecteurs est grand. Même une fois le public-cible déterminé (et par là même les connaissances de ce public), il faut garder à l’esprit que, en plus d’être plus ou moins limitées, ces connaissances sont parfois erronées. Le lecteur peut en effet avoir lu d’autres ouvrages qui n’étaient pas adaptés à son niveau et qu’il a mal compris. Sa représentation de certains concepts va donc en souffrir. Une fois toutes ces précisions obtenues, l’auteur va faire des choix, tant au niveau stylistique que sémantique, qui permettront une compréhension et une assimilation maximale chez le destinataire. Yves Jeanneret considère que :

Si l’auteur choisit de traiter un thème, il présuppose sa pertinence, c’est-à-dire qu’il postule que le lecteur l’ignore, mais s’y intéresse ; s’il définit un terme, c’est qu’il le juge extérieur aux ressources lexicales de son destinataire, tout en suggérant que ce terme est assez essentiel pour justifier l’effort d’un apprentissage.35

Tout l’enjeu pour l’auteur est donc de savoir quels sujets peuvent être abordés, avec quelle profondeur et de quelle manière. Le but n’est pas de redonner au lecteur des informations qu’il connaît déjà, mais de le plonger dans des faits nouveaux, qui vont par conséquent lui demander un travail de réflexion. Une fois cette toile de fond posée, l’auteur doit encore travailler la forme, établir par quels procédés les informations seront transmises le plus efficacement. On voit là toute la portée didactique et pédagogique de la vulgarisation puisqu’il s’agit de cerner les difficultés auxquelles le destinataire peut être confronté lors de la lecture afin de les contourner et de réussir à faire passer le message informatif, quelle que soit sa substance.

Nous avons donc tenté de passer en revue un certain nombre d’éléments dont l’auteur de vulgarisation doit tenir compte avant de se lancer dans son travail. Cette réflexion menée avant la rédaction permet de jeter les bases du travail et l’orienter du mieux possible. Or, comme nous l’avons vu, l’activité de vulgarisation reste très complexe et devrait dans

35JEANNERET Yves, Ecrire la science : formes et enjeux de la vulgarisation, PUF, Paris, 1994, p. 281

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l’idéal prendre en compte un très grand nombre d’aspects. Cet idéal est-il réalisable ou utopique ?

II. 3. Obstacles et perspectives de la vulgarisation scientifique II. 3. 1) Limites et difficultés

Le débat visant à établir si la vulgarisation scientifique est une activité possible ou illusoire a toujours existé. Le principal argument avancé contre la vulgarisation est que le langage et le style scientifiques ont été créés avec des intentions particulières et qu’ils jouent un rôle bien établi. L’activité scientifique requiert une grande précision et le discours scientifique est pensé pour répondre à ce besoin. Le jargon employé se compose de termes très abstraits et pouvant être très spécialisés et très précis dans leur contexte. De plus, certains termes techniques peuvent être polysémiques et il est nécessaire de définir le domaine dans lequel ils sont employés (par exemple, un diaphragme peut être soit un orifice, soit une membrane ; quant au verbe « isoler », il peut signifier selon le contexte

« repérer », « calorifuger » ou « mettre hors circuit »)36. Toute la difficulté de la vulgarisation consiste à reformuler ce langage, à rendre ces notions grâce à d’autres termes et d’autres moyens linguistiques accessibles pour le grand public. Selon certains, c’est précisément cette phase de reformulation qui serait problématique. En effet, les différents procédés utilisés pour « simplifier » le langage scientifique vont nécessairement donner lieu à des écarts de sens plus ou moins grands et plus ou moins importants37 et peuvent conduire à des erreurs au niveau de la compréhension. Cet aspect ne doit pas être sous- estimé, surtout par le traducteur. En effet, celui-ci doit reformuler un message d’une langue B à une langue A en sachant que ce message est déjà une reformulation en langue B. On assiste donc à une sorte de double reformulation. Or, plus on reformule, plus le risque de commettre des erreurs est grand. Nous reviendrons plus en détail sur cet aspect du rôle du traducteur. En ce qui concerne les modifications de sens, la question est la suivante : ces écarts de sens, si infimes soient-ils, nuisent-ils à la compréhension du lecteur et jusqu’à quel point une modification sémantique peut-elle être tolérée ?

36 Exemples tirés de Claude Bédard, La traduction technique : principes et pratiques, Linguatech, 1986, p. 10

37LOFFLER-LAURIAN Anne-Marie, « Vulgarisation scientifique : formulation, reformulation, traduction », in: Langue française, n°64, 1984, pp. 109-125.

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Si un tel questionnement s’avère légitime, les objections de certains scientifiques mettent en lumière un autre problème d’ordre sociologique. Selon Pradal,

il existe, sur le plan du langage et de l’expérience, un fossé profond entre l’homme de science dans sa spécialité et le grand public, et cette séparation est pleine de dangers pour notre civilisation et la science elle- même.38

En effet, le monde scientifique semble inaccessible à la plupart des personnes qui n’ont pas été formées dans ce domaine. Le grand public a parfois du mal à comprendre l’engouement des spécialistes pour telle ou telle matière (l’image du savant fou est un bon exemple de l’incompréhension du public pour le travail du scientifique). Il y a donc souvent une réaction de rejet, d’autant que, pour un grand nombre de personnes, le souvenir de leur apprentissage des sciences n’est pas des plus agréables. Quant à ceux qui consacrent leur vie à des projets de recherche, ils en viennent quelque fois à perdre le sens des réalités extérieures et éprouvent des difficultés à communiquer avec des non-initiés. Si ces phénomènes ne sont en aucun cas généralisés, ils dénotent un réel écart dans la manière d’appréhender et donc de penser le monde. Le scientifique désireux de transmettre son savoir au profane devra acquérir une vue d’ensemble et changer sa façon d’appréhender les choses pour se mettre à la place de son lecteur, afin de lui donner envie de comprendre pourquoi les activités scientifiques existent et pourquoi elles prennent la forme qu’on leur connaît. On constate là toute la complexité du processus et la difficulté de satisfaire les deux parties. Toutefois, on entrevoit aussi la capacité de la vulgarisation à réduire le fossé entre spécialistes et profanes, voire à les réunir sur un terrain d’entente.

II. 3. 2) Perspectives

En vérité, l’impact de la vulgarisation scientifique et son utilité dépendent de la perspective sous laquelle on observe celle-ci et du rôle que l’on veut bien lui donner.

Penser qu’un texte de vulgarisation doit être aussi précis et rigoureux que les textes scientifiques sur lesquels il se fonde est certainement illusoire. Comme nous l’avons expliqué précédemment, le lecteur ne deviendra pas spécialiste en lisant des ouvrages de

38 JACOBI Daniel, SCHIELE Bernard, Vulgariser la science, le procès de l’ignorance, collection Milieux, éd. Champ Vallon, Seyssel, 1988, p. 15

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vulgarisation et cela n’a d’ailleurs jamais été la vocation de ce type d’ouvrage. C’est ce que Daniel Jacobi explique concernant le rôle de la vulgarisation :

La vulgarisation scientifique est capable d’enrichir les représentations communes que nous avons de la nature et des phénomènes, de les orienter même dans la direction de la science, mais elle ne saurait les remplacer par celles des savants.39

La vulgarisation n’a pas pour but de remplacer le langage scientifique à proprement parler, mais de fournir une certaine quantité d’informations sur un sujet déterminé et bien délimité dans une langue et un style compréhensibles pour le grand public. Plutôt que d’opposer science et vulgarisation scientifique, il est possible de les considérer dans une relation de complémentarité. Comme l’explique Yves Jeanneret, la vulgarisation n’est pas « le sous- produit plus ou moins impur de la science »40, elle n’essaie pas de se placer à son niveau.

Elle cherche simplement à exprimer la science de manière différente pour un public différent. Dans le processus de reformulation, il y aura inévitablement des déformations et des modifications de sens, mais elles ne doivent pas être considérées comme inacceptables et rendant l’ouvrage indigne d’être lu. Toute forme de transmission d’informations possède des limites et des faiblesses. A ce sujet, Anne-Marie Loffler-Laurian écrit :

Chaque discours s’adapte non seulement aux contraintes mais aussi aux usages et aux modes de pensée de chaque groupe linguistique. La reformulation, en ce sens, est une nécessité. S’il peut y avoir perte ou déformation d’information dans ce processus, c’est un « mal nécessaire ».41

Lorsque l’on vulgarise, il faut immanquablement procéder à des choix afin que le message soit transmis de la meilleure manière possible. Anne-Marie Loffler-Laurian sous-entend ici que le vecteur de transmission est secondaire, du moment qu’il permet une communication optimale entre l’émetteur et le destinataire. Il ne faut pas non plus oublier que la science fait partie de la culture et qu’elle tient aujourd’hui une place non négligeable au sein de la société. Les citoyens ont donc un droit de regard sur cette activité. Comme l’écrit Patricia Vendramin,

39JACOBI Daniel, Textes et images de la vulgarisation scientifique, Peter Lang, Berne, 1987, p.9

40 JEANNERET Yves, Ecrire la science : formes et enjeux de la vulgarisation, PUF, Paris, 1994. p. 214

41 LOFFLER-LAURIAN Anne-Marie, « Vulgarisation scientifique : formulation, reformulation, traduction », in: Langue française, n°64, 1984, pp. 109-125, p.124

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la culture scientifique est investie d’un rôle comparable à celui de la culture politique, elle permet de devenir un citoyen actif et efficace par rapport aux questions scientifiques et techniques.42

On constate ici qu’il est même essentiel que les acteurs de la société disposent d’un minimum de connaissances scientifiques afin d’être plus à même de gérer certaines situations auxquelles ils peuvent devoir faire face (s’il s’agit par exemple de s’exprimer lors d’un vote sur une question à caractère technique). Qu’on le veuille ou non, la science est devenue un « fait de société »43 qui nous concerne tous et elle représente un patrimoine commun. Par conséquent, il importe de ne pas dénigrer ou abandonner l’activité de vulgarisation scientifique, mais de bien l’encadrer et de mieux expliquer ses tenants et aboutissants aux différents acteurs, qu’ils soient producteurs ou destinataires de vulgarisation.

II. 3. 3) Propositions pour optimiser l’activité de vulgarisation

Les propositions qui vont être abordées ici ne visent pas à clore le débat relatif à la pertinence de la vulgarisation, mais ont pour objectif de faciliter la diffusion des connaissances et leur assimilation en ciblant mieux les contraintes et les enjeux rencontrés par les différents acteurs de la vulgarisation. Nous reprenons ici les considérations faites entre autres par Thouin et Dufay, qui nous ont semblé pertinentes.

En relatant notamment le point de vue des érudits et des épistémologues, Bruno Dufay44 a mis en évidence le fait que bon nombre de ces derniers ne voient pas l’activité de vulgarisation d’un très bon œil. Certains spécialistes estiment que la vulgarisation ne peut pas fonctionner car elle associe plusieurs domaines scientifiques fonctionnant sur des principes et des méthodes incompatibles et le jargon et les concepts utilisés ne peuvent être retransmis à l’aide d’éléments de la vie courante.

Quant à Thouin45, il constate qu’il existe parfois chez les spécialistes un manque d’intérêt à se lancer dans la rédaction d’un ouvrage de vulgarisation. Or, comme nous l’avons vu, même s’il est vrai que le domaine des sciences est vaste et que les différents

42 VENDRAMIN Patricia, VALENDUC Gérard, L’écho des savants : la communication scientifique et le grand public, Fondation Travail-Université, EVO, Bruxelles, 1996, p.5

43 Ibid., p.5

44 DUFAY Bruno, Apprendre à expliquer, l’art de vulgariser, Eyrolles, Paris, 2005, pp. 166-181.

45 Informations tirées de THOUIN Marcel, La vulgarisation scientifique, œuvre ouverte, in : Québec français, n° 123, Les Publications Québec français, 2001, p. 52-54, consulté le 13 juin 2011,

<http://id.erudit.org/iderudit/55900ac>

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domaines ne sauraient être étiquetés tous de la même manière, il existe néanmoins une visée commune à toutes les sciences et c’est cette visée qui permet la création de liens interdisciplinaires. En outre, la vulgarisation scientifique n’a pas seulement une utilité pour les lecteurs, mais elle profite aussi aux spécialistes dans la mesure où le fait de vulgariser le résultat de leurs recherches leur permet d’expliquer la pertinence de celles-ci et leur raison d’être à un public large et leur donnera donc un certain statut.

Du point de vue du public, Thouin explique que la vulgarisation doit permettre au lecteur de se sentir concerné par ce qu’il lit. Il doit pouvoir être capable de réutiliser les connaissances acquises. C’est pourquoi il faut faire appel à des notions qui sont familières pour le public, mais aussi exploiter les préoccupations locales afin de le toucher plus directement et l’impliquer plus dans la lecture, permettre une lecture active. A cette fin, on peut replacer les informations dans leur contexte historique et tenter de mettre en œuvre des moyens permettant au lecteur de faire lui-même des observations et des déductions.

Enfin, il ne faut pas chercher à présenter les informations sous forme de vérité totalement objective et figée puisque, comme nous l’avons déjà précisé, la notion de « vrai » est subjective et peut donc être remise en question. On préférera donc adopter un point de vue plus réservé, critique parfois, sans négliger l’importance des données économiques, sociales, politiques et éthiques. En avertissant le lecteur qu’il doit porter un regard critique sur les informations qu’il reçoit, il pourra faire une lecture plus avisée et être plus sélectif par rapport aux faits qui lui sont présentés.

Par ce tour d’horizon, nous avons souhaité replacer la vulgarisation scientifique dans son contexte et passer en revue les grands principes la concernant. Cela va maintenant nous permettre de nous focaliser sur le rôle et la tâche du vulgarisateur lui-même pour pouvoir mieux situer le rôle du traducteur de vulgarisation scientifique et des stratégies qu’il devra mettre en place, aussi bien au niveau de la langue source que de la langue cible.

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III. La traduction des ouvrages de vulgarisation scientifique III.1. Le rôle du vulgarisateur

III.1. 1) Le vulgarisateur : un médiateur

Comme nous l’avons déjà évoqué, une large part du problème de la transmission des informations scientifiques réside dans le caractère plus ou moins « traduisible » de la science et dans l’existence d’une frontière avec le « monde » des spécialistes, une sorte de

« mur d’incompréhension » auquel se heurtent les non-initiés. Le caractère dialogique de la vulgarisation est donc non négligeable et les deux voix doivent être entendues. Si l’on s’en réfère à Sandrine Reboul-Thouré46, le vulgarisateur peut être considéré comme un médiateur qui permet la rencontre entre les deux parties, avec d’un côté, toute une palette d’intervenants (des spécialistes, mais aussi des hommes politiques ou des industriels pour les questions de société, comme le nucléaire aujourd’hui) et, de l’autre, l’individu lambda se sentant concerné par tel ou tel phénomène scientifique. En effet, on a tendance à oublier que la vulgarisation scientifique n’est pas utile qu’au profane, mais qu’il y a bien une communication bidirectionnelle. Le lecteur profite certes des informations qui lui sont transmises, mais l’assimilation de ces informations lui permet de mieux comprendre les enjeux de la science et donc l’utilité de certains travaux scientifiques. En outre, pour Jacobi et Schiele47, la réception des ouvrages de vulgarisation par le grand public doit permettre aux scientifiques de comprendre les réactions du public et de mieux s’adapter à lui. Il existe donc une relation d’échange direct entre spécialiste et profane. Les deux parties peuvent bénéficier de l’effort de vulgarisation.

C’est dans ce contexte qu’il nous faut placer le vulgarisateur. Il est un intermédiaire faisant la navette entre scientifiques et profanes, un intervenant dont l’objectif est de créer des liens entre les deux parties. En ce sens, Jacobi et Schiele le qualifient de « troisième

46 REBOUL-TOURÉ Sandrine, « Ecrire la vulgarisation scientifique aujourd’hui », colloque Sciences, Médias et Société, 15-17 juin 2004, Lyon, ENS-LSH, consulté le 20 juin 2011, <http://sciences-medias.ens- lsh.fr/article.php3 ?id_article=65>

47 JACOBI Daniel, SCHIELE Bernard, Vulgariser la science, le procès de l’ignorance, collection Milieux, éd. Champ Vallon, Seyssel, 1988, p. 15

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