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V. Analyse de la traduction de Wild animals

V. 2. Gestion de la contrainte d’espace

Nous allons à présent nous pencher sur une autre caractéristique essentielle du guide, à savoir la contrainte d’espace. Le guide est en effet un concentré d’informations et doit pouvoir transmettre le maximum de connaissances possibles dans un espace restreint.

Cela pose déjà certains problèmes lors de la rédaction de l’ouvrage, mais ces problèmes sont encore plus présents lors de la traduction. Sachant qu’il faut la plupart du temps plus de mots en français qu’en anglais pour exprimer la même idée, le traducteur doit trouver des formulations courtes sans perdre ni le sens, ni la densité d’information et en gardant un message intelligible. La reformulation joue donc un rôle clé dans la traduction des ouvrages présentant des contraintes d’espace importantes. Il s’agit d’utiliser des techniques syntaxiques variées afin de produire des phrases aussi concises que possible. Le traducteur doit donc avoir une faculté de synthétisation sans pour autant sacrifier des éléments informatifs utiles au lecteur. Toute la difficulté consiste à évaluer ce qui doit être conservé et ce dont on peut faire l’économie dans le texte d’arrivée.

Dans l’ouvrage que nous analysons, la contrainte se ressent bien évidemment au niveau du texte descriptif, surtout en ce qui concerne les encarts en bas de page, ainsi que les premières double pages visant à expliquer le fonctionnement du guide et à faire un point sur les différentes classes. Les informations y sont particulièrement condensées et ont toute leur importance puisqu’elles ont une fonction introductive et vont conditionner la lecture.

Pour pouvoir rendre toutes les données informatives, le traducteur dispose de plusieurs procédés et techniques :

~ 62 ~ mentionner à la fois le singulier et le pluriel sans devoir préciser à nouveau le substantif.

Quant aux pronoms adverbiaux tels que y (exemple 2) et en, ils permettent d’effectuer la reprise d’un élément précédemment mentionné et évite une répétition qui, en plus de prendre plus de place, donne de la lourdeur au texte en français. De même, on remarque dans l’exemple 3 que le remplacement des relatives introduites par qui par un groupe prépositionnel permet de réduire le nombre de caractères là où l’aire textuelle est très restreinte. Enfin, dans l’exemple 4, pour mettre en évidence les différences entre deux espèces voisines, le traducteur a choisi de ne pas préciser le type de profil pour chacune des deux espèces, mais de ne mentionner que les caractéristiques d’une espèce, en utilisant une formulation comparative. Comme les informations ont déjà été données dans le texte, il n’est pas nécessaire de les repréciser dans la note. Pris séparément, les gains d’espace peuvent sembler dérisoires, mais ils ne sont en réalité pas négligeables, car la zone de texte étant limitée, chaque caractère compte.

Outre le fait d’utiliser des tournures concises en français, afin de contourner la contrainte d’espace, le traducteur peut avoir recours à certains procédés de traduction :

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La modulation

Selon Vinay et Darbelnet, la modulation est « une variation dans le message, obtenue en changeant de point de vue, d’éclairage »91 Elle permet de donner une solution de traduction fluide et compréhensible en français, en se dégageant du texte source. Nous présenterons plus loin des exemples montrant que la modulation est un procédé qui s’avère très utile dans les textes de vulgarisation. En ce qui concerne directement la contrainte d’espace, ce procédé présente également l’avantage de permettre, dans certains cas, de fournir une

Introduction (p. 9) Although not always providing conclusive

Ours brun (p. 85) The large feet with powerful claws are put to

Dans les exemples précités, une traduction littérale aurait effectivement été possible et correcte grammaticalement parlant, mais elle n’aurait pas été idiomatique, ce qui aurait pu engendrer des problèmes de compréhension chez le lecteur. Le premier exemple montre qu’il est possible de passer de tout un segment à un seul adjectif, qui ne transmettra pas expressément le même message, mais qui, une fois inscrit dans la phrase, fera passer exactement la même idée. Les temps et les voix doivent également être pris en

91VINAY J. P., DARBELNET J., Stylistique comparée de l’anglais et du français, Didier, Paris, 1977, p. 51

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considération : dans l’exemple 2, l’utilisation du conditionnel à la voix passive en français permet de rendre à la fois l’idée contenue dans « it is suggested that » et « may be derived ». Les éléments d’information se trouvent en quelque sorte regroupés. Quant au dernier exemple, il permet également un gain de place, en transformant le sujet anglais en groupe circonstanciel, afin d’aller à l’essentiel. Ces changements de point de vue peuvent permettre au lecteur de voir les informations sous un autre jour et peut-être ainsi mieux les assimiler.

Introduction (p.8) Rabbits and hares – small to medium-sized mammals

2 Introduction (p.7) Tail length (where present and distinct from the body)

4 Ours brun (p. 85) Hunted to extinction over much of its former

L’omission, tout comme l’ajout, peut se justifier dès lors que l’information omise n’est pas vitale pour la compréhension du lecteur et que, dans notre cas, elle ne constitue pas un élément clé dans l’identification des espèces. Comme nous l’avons vu précédemment, elle peut être tout à fait bienvenue si deux éléments se recoupent et font double emploi. Pour des questions de place, le traducteur peut être amené à sacrifier une information considérée

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comme secondaire au bénéfice d’une autre, plus importante et qui nécessite une description plus précise.

Dans les phrases analysées ci-dessus, on constate que le traducteur a supprimé des informations là où elles n’étaient pas essentielles et où, dans la logique des choses, la phrase se comprend exactement de la même façon avec ou sans le segment supprimé. Par exemple, dans l’exemple 1, le traducteur a choisi de ne pas traduire « in many ways ». Ce détail très général n’est en effet pas essentiel et n’apporte pas d’information capitale au lecteur. En outre, comme l’espace dans la page d’introduction est particulièrement restreint, le traducteur doit faire des choix en conséquence. De même, dans l’exemple 2, l’information « where present » peut être omise car on comprend implicitement qu’elle ne sera indiquée que si l’espèce possède une queue. Il en va de la même manière concernant les barrages des castors (exemple 3), puisque qu’il est communément admis qu’ils sont construits sur des rivières. Il n’y a donc pas besoin de préciser le lieu.

Dans les deux derniers exemples (4 et 5), on remarque que le traducteur est resté plus général et moins précis que l’original. Cependant, les omissions faites ici ne posent pas de problème majeur pour la compréhension. En ce qui concerne la taille du phoque commun, on perd certes l’idée de la comparaison avec les autres espèces de la même famille, mais la notion de petite taille est conservée. Cette précision doit effectivement être maintenue puisqu’elle est l’un des critères d’identification et, a fortiori, de distinction avec les autres espèces pouvant lui ressembler. Le lecteur pourra ainsi savoir qu’un phoque de plus grande taille ne pourra pas être identifié comme étant un phoque commun. L’important est donc surtout de conserver l’indication relative à la morphologie de l’animal. Le lecteur comprendra implicitement que, si ce phoque est qualifié de petit, c’est qu’il existe des espèces voisines plus grandes.