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AEIS Jérome SACKUR Professeur à l’école Polytechnique Directeur d’Etudes à l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, Laboratoire de Sciences Cognitives et Psycholinguistique/Ecole Normale Supérieure

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Texte intégral

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AEIS

Jérome SACKUR

Professeur à l’école Polytechnique

Directeur d’Etudes à l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales,

Laboratoire de Sciences Cognitives et Psycholinguistique/Ecole Normale Supérieure Présentation du 3 octobre 2016

Temps, subjectivité et Métacognition

(dans le cadre de recherche empirique sur la conscience)

L’Orateur précise qu’il se présente en tant que « psychologue », lui-même n’étant pas directement neuroscientifique.

« Métastress » est le nom du projet de recherche auquel il participe.. Il est destiné à mesurer l’influence du stress sur la Métacognition: à quel point le stress modifie-t-il la connaissance de nous-même ?

Le plan de l’exposé est en 3 parties :

1. La méthode contrastive​, à l’échelle de la seconde ; elle insiste sur l’aspect conscient : est-ce qu’un stimulus, une représentation mentale, est accessible au participant, est-ce que cette personne peut rapporter ce stimulus, peut-elle s’en souvenir ?

2. La dynamique de la conscience​, à l’échelle de la minute.

3. La subjectivité​ : dans quel état subjectif est la personne dans ce moment de conscience (la méthode contrastive étant là insuffisante).

1 - La méthode contrastive

Dans l’approche prônée par le behaviorisme, la question de la conscience du sujet n’a pas de pertinence, car tout est comportement. Elle n’est pas du tout requise, contrairement à l’approche introspectionniste, où elle est au centre de l’investigation.

Dans le cognitivisme, on évite les deux écueils ; la conscience est une propriété que certains processus ou représentations peuvent avoir : certaines représentations mentales peuvent être conscientes, d’autres non. Le champ de la recherche se définit alors vers ce qui fait qu’une représentation est consciente ? Quelles conséquences cela va-t-il avoir ? Que pourra-t-on remarquer de son implémentation cérébrale par rapport à une représentation qui ne serait pas consciente ?

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Un exemple d’un processus conscient Dans une expérience classique de la psychologie cognitive on s’interroge pour savoir 1 comment on fait pour manipuler mentalement des objets tridimensionnels. Pour cela, on demande aux gens de dire si les dessins d’objets tridimensionnels (ex : des assemblages de cubes) représentent les mêmes objets ou s’ils sont différents (par symétrie). Le résultat intéressant est que les temps de réponse pour déterminer si les objets sont les mêmes ou différents, sont linéairement reliés à la différence angulaire entre les deux représentations.

Cette forte linéarité entre temps de réponse et différence angulaire, suggère que les sujets tentent de superposer les objets en leur faisant faire mentalement une rotation de vitesse déterminée que l’on peut calculer.

Les gens sentent très bien cette rotation, en ont une totale conscience puisqu’ils la rapportent. L’introspection des sujets est complètement cohérente avec ce modèle de « rotation mentale » proposé pour les processus mentaux mis en œuvre : il explique les observations (la relation linéaire), et il est le seul.

Un exemple d’un processus inconscient.

Une autre expérience (Steinberg) concerne la récupération de la mémoire du travail. On présente un item au sujet qui doit dire si cet item appartient, ou pas, à une liste qu’on lui a d’abord présentée puis que l’on a fait disparaître. Le temps de réponse est linéairement relié à la longueur de la liste. Le processus mental que les sujets mettent en œuvre est une récupération exhaustive où les sujets passent en revue l’intégralité des items de la liste, pour parvenir à la réponse présent/absent. Mais cette fois-ci les sujets n’ont pas conscience de ce passage en revue : la conscience est absente du processus mental mis en œuvre.

Comparer processus conscients et processus inconscients Le contraste entre une situation consciente ou inconsciente devient une variable expérimentale (ce qui n’est le cas ni dans le behaviorisme, où l’on ne se préoccupe pas de la question, ni dans l’introspectionnisme qui exige la conscience dès lors que l’on fait de la psychologie). Ce sont des situations que l’on peut comparer. Dès les années 1980, Anthony Marcel contrastait ainsi les situations où les sujets avaient conscience d’un stimulus/et ceux2 qui y étaient inconscients, et il regardait si les stimuli inconscients, subliminaux, pouvaient néanmoins influencer le comportement.

Lionel Naccache (dans un article de 1998 ) présente un nombre au sujet, entre 1 et 9, sa3 tâche étant alors de dire s’il était plus grand ou plus petit que le nombre 5 ; sans que le sujets le sache, avant ce nombre “cible”, est présenté un premier nombre “amorce”, affiché

1 Roger N. S. Shepard and Jacqueline Metzler, Mental Rotation of Three-Dimensional Objects, Science, New Series, Vol 171, No. 3972, pp 701-703

2Anthony Marcel est un psychologue britannique qui a contribué aux premiers débats sur la nature des processus perceptifs inconscients (cf Wikipedia).

3 Le lecteur pourra se reporter à différents articles : Stanislas Dehaene, Lionel Naccache et al. Imaging unconscious semantic priming, letters to nature

, 1998 ; Lionel Naccache, Corrélats cérébraux de

l’amorcage sémantique inconscient, médecine/sciences

1999; 15 : 515-8 ; Lionel Naccache, Stanislas

Dehaene, La perception subliminal, un aperçu sur l’insconscient,Pour la Science

, N° 302, décembre

2002 ….

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rapidement entre deux “masques” constitués de chaines de caractères sans signification.

Lorsque le temps de présentation du nombre amorce est de l’ordre de 40 millisecondes, l’encadrement de sa présentation par les deux “masques” suffit pour empêcher que le sujet en ait une perception consciente, du moins la plus part du temps. Le sujet a l’impression de voir une sorte de papillotement, il ne voit plus qu’il y a eu un nombre présenté et est incapable de dire quel était ce nombre. L’image du nombre amorce est alors “subliminale”.

Les résultats de l’expérience montrent alors (statistiquement) que les sujets sont légèrement plus rapides à répondre lorsque le nombre amorce était inconscient et du même côté de la référence 5 que la cible, et légèrement plus lents lorsque le nombre amorce toujours inconscient, était du côté opposé . Lorsque le nombre amorce a été consciemment perçu malgré le masquage, on constate également une différence dans le même sens, c.a.d. un temps plus grand lorsque le nombre amorce et le nombre cible sont de part et d’autre de 5.

Mais cette fois la différence est plus marquée, de l’ordre de 40 milli-secondes, contre 20 millisecondes dans le cas inconscient.

Un autre résultat est la constatation que la prise de conscience de la cible, nombre entièrement conscient, est légèrement plus rapide (24 milliseconde), lorsqu’elle était du même coté de 5 que l’amorce subliminale inconsciente, que lorsqu’elle était du coté opposé.

Ces expériences sont typiques de la méthode contrastive : on part d’un stimulus conscient, et on “contraste” avec ce qui se passe lorsque le même stimulus devient inconscient. Pour un stimulus masqué, l’activation résultante est réduite au cortex occipital postérieur ; dès que le stimulus est démasqué, donc conscient, le sujet active un réseau cérébral beaucoup plus important, qui s’étend notamment au cortex frontal. Cela suggère qu’il y a vraiment deux types de processus bien différents : lorsque le sujet prend conscience d’un stimulus, il y a une sorte d’activation cérébrale généralisée, allant des aires pariétales aux lobes frontaux ; lorsque les stimuli restent inconscients, l’action cérébrale reste confinée aux aires postérieures et ne s’étend pas au lobe frontal.

C’est un résultat que l’on obtient par la méthode contrastive, comparant les traitements dont sont susceptibles les stimuli conscients et les stimuli inconscients.

Cas d’un enchaînement de tâches.

Une autre expérience enchaîne des tâches de plus en plus complexes (à partir d’un certain4 stimulus initial) ; on masque ensuite le stimulus pour voir ce que le sujet est capable de faire dans ce cas, donc sans en avoir eu conscience.

Dans une première étape, on demande au sujet de nommer le stimulus, le chiffre 2 par exemple présenté à l’écran, et on compare la fréquence de la réponse « 2 », dans le cas où le stimulus a été masqué ou pas.

Dans une étape plus complexe, on demande au sujet de nommer le stimulus après lui avoir fait effectuer une transformation arithmétique arbitraire, imposée, par exemple lui ajouter le nombre 3. Poursuivant dans l’échelle de la complexité, on demande au sujet d’enchaîner

4 Cf Sackur, J. & Dehaene, S. The cognitive architecture for chaining of two mental operations. Cognition

, 111(2), 187-211, 2009

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l’opération de transformation arithmétique, puis la comparaison avec un nombre fixé.

L’hypothèse est que la réussite d’une tâche enchaînée, où le résultat d’une opération cognitive sur le premier stimulus devient le stimulus pour la seconde opération, requiert que le sujet ait conscience de ce sur quoi il travaille, et qu’à partir du moment où il n’en a pas conscience, il ne peut réussir l’enchaînement.

Dans l’expérience, le sujet devait aussi dire s’il avait conscience du stimulus, est-ce qu’il avait vu ou pas le stimulus ? Ce contraste est basé sur le rapport du sujet. C’est un débat sans fin avec certains philosophes, qui objectent : « oui mais ce rapport n’est pas un bon critère de conscience parce que je peux très bien avoir conscience de quelque chose et être incapable de le rapporter ». La réponse à cette objection est : comment voulez-vous que l’on sache si le sujet en a conscience ou pas, nous sommes expérimentalistes, nous avons besoin d’un critère, même s’il est pauvre, mais c’est le seul que nous puissions avoir : est-ce que le sujet a quelque chose qui correspond à une impression dont il peut parler ensuite.

Sans entrer dans le détail, explicitons un peu ce qui se passe : lorsqu’on présente au sujet par exemple le stimulus « 2 » (un peu) masqué, et que l’on enregistre ses réponses d’une manière systématique, il dit plus souvent « 2 » que dans l’hypothèse d’une pure réponse au hasard. Parfois le sujet voit le stimulus et n’a donc aucun problème pour le nommer ; quand il ne le voit pas, son attitude naturelle est de dire : « je ne peux pas répondre puisque je n’ai rien vu ; la consigne est alors : « si tu ne le vois pas, laisse-toi aller et essaye de deviner ». On constate qu’avec un certain entraînement, la performance vient très vite. La répartition des réponses suivant que le sujet affirme « j’ai vu » ou « je n’ai pas vu » pour distinguer le caractère conscient ou inconscient, est essentielle : il faut s’appuyer sur cette distinction sur le rapport du sujet.

Extension des études aux nourrissons, qui ne peuvent pas parler Les études précédentes ont pu être transférées chez des nourrissons de 12 mois qui ne peuvent pas dire s’ils ont conscience ou pas. On utilise alors les quinze ans de travaux sur les activations cérébrales manifestant une « signature de la conscience », observée par électroencéphalogramme : on observe effectivement chez ces nourrissons, deux types de signatures cérébrales, l’une correspondant à une signature consciente car correspondant, chez les adultes, au cas où ils disent « j’ai bien vu » : le nourrisson est censé, lui aussi, avoir eu cette expérience de bien voir. Il s’agit donc d’une extrapolation basée sur le rapport d’un adulte normal.

Il y a cependant des discussions sur ces méthodes et sur ces résultats. Avec Stanislas Dehaene, nous défendons l’idée qu’il y a une dichotomie assez forte, en forme de basculement : on montre que l’activation reste « postérieur occipital » tant que l’énergie du stimulus reste inférieure à un certain seuil ; lorsqu’on passe ce seuil, tout le cerveau est concerné. Mais cette idée peut être contestée; on peut dire par exemple que cela dépend un peu des modes de masquage, de la manière dont on s’y prend pour rendre un stimulus inconscient. Certains modes de masquage conduisent à une sorte de conscience partielle, sur une gamme relativement continue. Dans d’autres modes de masquage cela peut être tout, ou rien : tout=parfaitement vu, en pleine conscience ; rien, totalement inconscient ; il y a alors peu de réponses intermédiaires. C’est un sujet qui reste ouvert.

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L’étude de sujets dans des états particuliers Une autre étude porte sur la complexité du traitement neural dans différents états de conscience, ou bien avec des sujets qui ont été anesthésiés, ou bien en sommeil, ou bien des patients comateux. La méthode est assez surprenante mais efficace. Elle est basée sur l’envoi d’impulsions « TMS », Stimulation Trans-crânienne Magnétique : à l’aide d’une bobine électromagnétique, on envoie un champ magnétique sur le cerveau, champ qui active les neurones et y crée une grosse perturbation. Si on le fait autour du cortex frontal moteur, on peut par exemple avoir des mouvements des doigts suffisamment précis.

On observe par électro-encéphalogramme la perturbation créée par cette impulsion TMS et on essaye de la quantifier. L’impulsion est extrêmement brève : de l’ordre de 50 millisecondes. Par contre, la perturbation conséquente dure plus longtemps, environ 1 seconde. Un algorithme de compression est alors appliqué aux données encéphalographiques recueillies ; la compression sera d’autant plus performante que la perturbation sera moins complexe ; Si la perturbation est complexe, la compression sera mauvaise. On regarde alors un index de qualité de compression, le « PCI » : 1) sur des sujets sains en veille où la complexité est importante ; 2) chez des sujets sains en train de dormir en sommeil non paradoxal ; 3) chez des sujets anesthésiés ; 4) chez des sujets dans des états végétatifs. Donc dans différents états de conscience correspondant à différentes catégories cliniques.

Cette étude contrastive est extrêmement puissante, bien adaptée à l’étude de la gradualité des états de conscience et au repérage des discontinuités ; on peut aller dans le cerveau, dans la complexité cognitive ; on peut étudier l’aspect de la conscience graduelle, ou tout ou rien ; à chaque fois on trouve deux situations extrêmement proches, dans les cas où le sujet est conscient/ou inconscient.

La méthode est très bien adaptée à la délimitation des états conscients, mais elle n’est pas adaptée à l’étude de leur dynamique. Elle fournit une vision de la conscience comme une série d’instantanés. La durée dans laquelle le sujet reste dans l’un de ces états est laissée de côté. Par exemple, dans la tâche de comparaison avec enchaînement d’opérations, le sujet pour accomplir la tâche prend moins d’une seconde et demie ; on considère chaque petit moment d’une seconde et demie comme un moment de conscience. On se moque de savoir comment évolue la conscience du sujet à travers cette durée.

Par ailleurs on se moque aussi de la subjectivité. Le seul point important, c’est le rapport du sujet lorsqu’il dit « je suis conscient » ou « je ne suis pas conscient», « j’ai vu » ou « je n’ai pas très bien vu », mais on se moque de savoir quel effet ça lui fait. Il y a t-il des différences de contenu subjectif d’un état conscient à l’autre ? Le ressenti est-il le même ? Ce qui intéresse est seulement de pouvoir classer les essais en « conscient » ou « inconscient ».

La complexité de la subjectivité elle-même est quelque chose qui est passée sous silence.

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2 - L’étude de la dynamique de la conscience

Quelques travaux ont commencés sur une échelle plus longue, autour de la minute. On utilise une technique d’échantillonnage appelée « l’expérience de sampling », dans le cadre d’études sur le « rêve éveillé» ; quelle que soit la tâche qu’on est en train d’accomplir, il y a des moments où l’on pense à autre chose, puis on revient à la tâche. Le phénomène lui-même a une dynamique, relativement lente.

L’expérience “sampling”

L’expérience « sampling » consiste à interroger le sujet en lui demandant périodiquement, selon un processus aléatoire, « qu’a-t-il en tête à ce moment-là ?». On exige du sujet l’exécution d’une tâche extrêmement rébarbative, un “go no go”, où il doit appuyer systématiquement sur la barre d’espace de l’ordinateur dès qu’il y a un chiffre qui apparaît à l’écran (toutes les 2 secondes ½ environ). C’est quelque chose d’extrêmement régulier, ennuyeux, qui demande un minimum de vigilance. Le sujet va se mettre à penser à autre chose. On l’interrompt et on lui pose la question : « étiez-vous concentré sur la tâche ? » ou

« pensiez-vous à autre chose » ? L’idée est de retrouver la dynamique de la concentration des sujets. Un sondage toutes les 35 ou 40 secondes (intervalle impossible à raccourcir dans la pratique) est insuffisant. Il faut être plus précis. On va exploiter une information complémentaire, la variabilité des temps de réaction : lorsque le sujet est concentré, cette variabilité est plus faible.

Un ajustement sur des modèles markoviens.

On considère que chaque fois que le sujet appuie sur un bouton, il existe une certaine probabilité de transition dans l’état opposé, et la probabilité complémentaire de rester dans le même état. Le modèle de dynamique est alors une chaîne de Markov. L’hypothèse est alors que dans l’état « concentré » les temps de réponses suivent une certaine distribution ; dans l’état « déconcentré » ils suivent une autre distribution. On compare différents modèles qui contrastent ces différentes lois et on en infère le modèle de Markov (probabilités de transition) qui s’ajuste le mieux aux observations de cette succession de temps de réponses.

Autrement dit, on détermine les paramètres du modèle de Markov à partir des courbes de variabilité des temps de réponse.

Pour chaque sujet, on réussit ainsi à obtenir une sorte de tracé de la probabilité que le sujet ait été concentré ou déconcentré à chaque instant sur la durée de l’expérience, qui est de 45 minutes. Le résultat de l’algorithme dit par exemple: le sujet commence par être déconcentré, puis bascule dans l’état concentré, ensuite il revient, à tel moment, à la déconcentration. On a trouvé ainsi 11 secondes, en moyenne, pour les épisodes de déconcentration et 18 secondes pour un épisode de concentration.

D’autres chercheurs, avec des modèles plus puissants (exploitant des données encéphalographiques ou d’imagerie cérébrale), retrouvent des résultats similaires, avec des fluctuations de l’ordre de la demie-minute, sorte d’ondes dans lesquelles on reste concentré pendant une durée de l’ordre d’une vingtaine de secondes. Cela suggère une sorte de régularité de la dynamique de la conscience.

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Etudier différents types de déconcentration D’autres études sur la « rêverie éveillée » posent la question : que fait-on, à quoi pense-t-on quand on est déconcentré ?

Une expérience a ainsi été menée avec des enfants assez âgés et hyperactifs ; la tâche demandée est toujours sur d’appuyer sur la barre d’espacement, lorsqu’un certain chiffre s’affiche. Mais cette fois, quand on les interroge à intervalles réguliers, on leur pose des questions plus fines que l’alternative « concentré /non concentré », en leur proposant cinq choix possibles, en ouvrant ainsi la possibilité de réponse : « je ne pense à rien » ; l’étude a aussi été réalisée avec des gens du Laboratoire, sans pathologie psychiatrique, permettant des comparaisons. Quatre groupes d’enfants étaient questionnés ; un groupe sain ; un groupe sous contrôle hospitalier, des patients ADHD ( Attention Déficit Hyperactivity Disorder) mais traités, et des patients ADHD non traités.

On étudie la proportion de réponses « blanc » = je ne pense à rien (vide mental). On constate que les enfants ADHD non traités répondent beaucoup plus souvent (2 fois plus) qu’ils n’avaient rien en tête ; sur les autres catégories, il n’y a pas de différence énorme, sauf que les enfants ADHD traités avaient plus de rêveries éveillées que tous les autres.

De quoi s’agit-il à propos de cette espèce de vide mental que les sujets rapportent. Il y a 3 hypothèses principales :

1. ces enfants-là ont une moins bonne métacognition : ils savent moins bien ce qu’ils avaient en tête à ce moment-là

2. c’est vraiment des moments où ils n’ont rien en tête, ce qui suggère qu’il pourrait y avoir une sorte de syncope dans le cours de la conscience ; on ne peut se souvenir de ces moments de la vie mentale parce qu’on ne s’en rend pas compte ; nous nous en apercevons uniquement parce que nous sondons les gens.

3. il n’y a rien à rapporter - ou bien c’est confus ; c’est juste le fait d’un cycle plus rapide de la conscience.

Le modèle markovien n’était pas adéquat, dans ces études, parce que les stimuli apparaissaient trop rapidement par rapport à l’âge des enfants, entre 6 et 12 ans.

D’autres modèles pour la dynamique de la conscience Le modèle de dynamique de la conscience présenté conçoit cette dynamique comme une série d’étapes discrètes : le système cognitif est en transition entre des états qui sont clairement identifiés avec des probabilités de transition d’un état vers un autre. La dynamique de la conscience, voire celle de la perception, serait une succession de moments psychologiques identifiables et séparés les uns des autres.

Dans un modèle alternatif, la dynamique de la conscience n’est pas une dynamique de type markovien, de transitions entre des états clairement identifiés, mais plutôt la dynamique d’un flux : nous aurions ainsi des flux continus de conscience avec des variables qui pourraient prendre des valeurs sur un continuum

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Si on reprend schématiquement les tâches telles qu’on les fait effectuer traditionnellement, on a des instants où l’on demande au sujet dans quel état il se trouve. On pourrait imaginer qu’il y a une sorte de variable interne continue, qui fluctue de manière souple et que le sujet place un critère de décision pour rapporter s’il est concentré on déconcentré : si cette variable interne est en deçà de ce critère-là, je vais rapporter que je suis déconcentré ; si c’est au-delà, je rapporterai l’inverse.

Comme on sonde les sujets de façon espacée, on ne peut pas savoir si ce sont des états discrets ou si c’est quelque chose qui varie de manière continue. Le cerveau ne nous aide pas non plus, car lorsqu’on regarde les activités cérébrales, elles sont tellement bruitées et complexes qu’il est impossible de trancher la question. De plus, le sujet pourrait faire varier ce critère.

Par ailleurs, il se pourrait que cette variable interne non seulement varie continuellement, mais qu’elle soit bruitée, c’est-à-dire qu‘il peut y avoir un bruit local. Aussi bien, pour une même valeur du critère et la même valeur moyenne de la variable, le sujet pourra parfois rapporter qu’il est concentré ou parfois déconcentré. C’est un problème habituel dans l’observation d’un processus stochastique continu, à l’aide d’un effet de seuil.

Une expérience sur le suivi d’un stimulus continu.

Dans une expérience, on demande au sujet de suivre en continu un stimulus continu ; à la fin, on lui dit “on a repéré que vous passez 70% du temps à penser à autre chose” ; à un autre sujet on dit « on a repéré que vous passez 30% du temps à penser à autre chose ».

En fait, on n’en sait rien ; mais on souhaite que les sujets manipulent leur propre réponse en fonction de ce qui leur a été suggéré. Dans les deux expériences, il y a des régularités qui laisse penser qu’en fait, les sujets ne rêvent (objectivement) pas plus lorsqu’on leur suggère d’être libéraux dans leurs critères de réponse ; ils ont simplement adopté un critère plus laxiste ; mais si les sujets suivent ce qu’on leur demande de faire, c’est quelque chose qui se surimpose à la véritable valeur de leur concentration ou de déconcentration : c’est donc qu’ils sont capables de faire cette manipulation arbitraire du critère de réponse. Les sujets manipulent leurs réponses d’une manière qui laisse penser qu’il n’y a pas une succession d’états discrets, car sinon ils n’auraient pas pu faire de manière systématique cette modulation : si vous êtes dans un état ou dans un autre bien séparé, vous ne pouvez pas estimé être plus ou moins dans cet état ; 5

En conclusion Ce sont des pistes de recherche qui sont en train d’être explorées. Nous sommes en face de deux choses un peu bizarres dans la dynamique de la conscience, il peut y avoir des trous, et cela suggère un état discret, et que par ailleurs, on peut dans certains cas montrer qu’il y a quelque chose de continu. On essaye de rassembler les deux situations dans un même modèle général (les trous peuvent simplement être des périodes de transition. Il y a

5 Un intervenant fait remarquer que dans la perception visuelle, cette conception continue ne marche pas à son avis : on peut totalement n’avoir aucune conscience qe quelque chose qui est sous nous yeux

; quand il y a détournement de l’attention, le sujet n’a aucune conscience de ce qui se passe. Il y a une spécificité de la conscience perceptuelle qui fait que dans certains cas, c’est vraiment tout ou rien.

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effectivement des syncopes). Ce sont des questions complètement ouvertes ; les différentes expériences ne sont pas complètement cohérentes et il manque des ponts.

L’une des choses que l’on a pu montrer est que la réponse de la pupille est un excellent indice de concentration, avec une stratégie de réponse libérale ou conservatrice. Au bip indiquant au sujet qu’il doit répondre, la pupille se dilate lorsque le sujet appuie sur le bouton. On a une sorte d’index neurophysiologique, la pupille étant directement reliée à de nombreux centres cérébraux.

Pour résumer, nous avons des indices indirects en faveur du continu ; en fait les sujets sont capables de manipuler leurs critères de réponse et cela ne va pas vraiment sens dans le cas d’un modèle discret ; cela suggère que cet état interne doit varier de manière continue. Il y a aussi un indice direct, un peu complexe, où les sujets utilisaient ce qu’ils venaient de faire dans le passé pour leurs réponses concentré/non concentré, et ils le faisaient plus ou moins selon qu’on leur demandait d’être conservateur ou non. C’est comme s’ils avaient une sorte d’intégration de leurs performances passées pour répondre.

Mais Il faut que la psychologie cognitive aille au-delà. L’étude de la conscience n’est pas simplement l’étude de le conscience perceptuelle et l’étude d’une succession d’instantanés de conscience que l’on mettrait bout à bout, dont il faudrait simplement étudier l’enchaînement. On ne peut se contenter d’analyses du seul rapport « accès conscient » versus « non accès conscient ». Il faut analyser finement l’état subjectif dans lequel se trouvent les sujets ; heureusement, il existe des méthodes pour ce faire.

--- DISCUSSION

Question 1

Vous avez un financement de la DGA concernant l’entraînement des pilotes d’avion de combat. Cet entraînement n’est pas seulement sur simulateur ; à un moment, il faut qu’il soit en situation réelle et les seules ressources qui sont mobilisables sont les réflexes acquis. Si l’on fait une analogie avec les ordinateurs, vous n’avez accès qu’à ce qui est dans le casque, le reste étant inaccessible : le stress fait que vous ne pouvez pas réfléchir, ça va trop vite,cela va trop vite ; es ce que vous avez une étude là dessus ?

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Réponse : nous avons une étude là-dessus ; c’est de la métacognition. Mon projet de recherche actuellement, effectivement financé par la DGA, porte là dessus. et nous travaillons avec l’ONERA ; nous avons envie de travailler avec des simulateurs de vol. Il y aurait une diminution de la métacognition dans un état de stress. Ce que nous avons fait est de présenter un stress classique à nos sujets en faisant passer un faux entretien d’embauche ; pendant 10 minutes environ, on leur fait faire de l’arithmétique mentale ; et on regarde le taux de cortisol (significatif d’un niveau de stress) ; puis on leur donne demande d’exécuter une tâche psycho-physique élémentaire : on leur présente très rapidement deux stimuli, deux “patch”, l’un étant légèrement plus contrasté que l’autre, ils doivent dire lequel.

On calibre la difficulté de façon à ce qu’il y a 71% de réponses correctes ; et après ils doivent dire s’ils sont très confiants ou moyennement confiants dans leurs réponses autrement dit s’ils sont sûrs d’avoir bien répondu, ou s’ils ont l’impression d’avoir répondu au hasard.

On remarque alors que sur les taux de réponses correctes à la première question (lequel est le plus contrasté) il n’y a aucune différence entre ceux qui répondent beaucoup au stress préalablement effectué, ou qui répondent moyennement ou pas du tout. Par contre, une mesure de la métacognition qui est la réponse à la question du second ordre, (êtes vous confiants ?) est totalement corrélée à la concentration au cortisol, donc à la réponse au stress.

Toutes ces études posent le problème de l’avantage et du coût d’avoir une métacognition (une connaissance, une conscience du degré de fiabilité d’une décision induite par un réflexe en l’occurrence, par rapport au fait de se confier au simple réflexe acquis dans un apprentissage antérieur ? la métacognition peut-elle permettre d’éviter certaines erreurs, et cela de façon suffisamment fréquente dans les situations réelles pour que l’avantage de la métacognition l’emporte sur son coût ? Est-ce que l’on peut arriver à ce que le bénéfice de la flexibilité cognitive des études de métacognition qui permettraient d’éviter certaines erreurs, soit supérieur ? Parfois, ceci est un coût, parfois un bénéfice

Question 2

Sans faire de parallèle avec le risque des pilotes de chasse, il semble que chez les sportifs de très haut niveau, l’entraînement règle, dans la conscience (par un processus conscient) , les réflexes des mouvements dans leur détail. Par contre, le jour de la compétition, il y a un

“surconscient” qui prend le relais: plus rien n’existe, des bruits extérieurs de la foule par exemple ; selon que vous êtes bien concentré ou non, vous gagnez ou vous perdez.

N’est-ce pas parallèle comme démarche ? Cela n’a rien d’essentiel comme pour les pilotes, mais par contre pour gagner, c’est le même processus.

Réponse ​: dans la psychologie cognitive il y a une notion qui permet de formaliser un peu ça, c’est la notion de flux : c’est un peu le contraire du rêve éveillé qui est le fait que la conscience fluctue entre des choses différentes ; chez les sportifs de haut niveau, il y a un moment où il n’y a pas de fluctuation, qui est l’état recherché ; c’est très difficile à étudier en laboratoire, sauf à discuter avec des patients. Un autre exemple est celui des acteurs de théâtre, ou encore des golfeurs qui, lorsqu’ils prennent conscience de leur mouvement perdent leur capacité : il ne faut pas penser à ce moment là !

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Question 3

Cette question revient sur le passage de l’état conscient à l’état inconscient : La réponse revient à l’échelle de temps. Pendant très longtemps, la conscience était limitée à la question de la perception : à des échelles de temps pertinentes avec la perception, soit de l’ordre du dixième de seconde. Si l’on passe à des échelles de temps qui sont plus grandes, peut-être n’y a-til pas de transitions qui soient brutales, absolues. Une anecdote qui se raconte toujours dans les milieux de la psychologie cognitive, le pilote automobile Schumacher, qui faisait de l’autohypnose, c’était quelque chose qui d’après lui, l’aidait à se focaliser sur la course qu’il allait entreprendre. C’est une opération très rapide mais qui prend quand même quelques minutes et qui lui permettait d’être dans ce flux (dont on parlait plus haut) pendant la course. Dans ce cas là le passage n’est pas d’un coup.

Question 4

Pour rebondir sur ce qui vient d’être dit à propos de l’autohypnose, avez-vous travaillé avec des gens qui sont des « professionnels » de l’hyper conscience et de l’hyper concentration, comme les moines tibétains ou Mathieu Ricard, où l’activité cérébrale est modifiée (observation par IRM, qui montrent que quand ils ont ces pratiques, ils modifient les structures cérébrales) ?

Réponse : Les structures, je ne sais pas, l’activité oui. Je travaille sur des choses un peu analogues, mais il y a un bénéfice pour moi car c’est plus rapide, plus facile, c’est beaucoup plus contrôlable et où l’on n’a pas besoin d’avoir des heures d’entraînement. Mais c’est un peu le même but. On avait un projet qui n’a pas très très bien marché, sans qu’on sache déterminer pourquoi. Projet de voir si on peut, par l’hypnose, aider des gens à stabiliser leur flux mental. ; cela suggère que chaque personne arrive avec une signature de sa volatilité personnelle, et on tente d’arriver à stabiliser les choses, à aider les gens à être plus concentrés. La tâche demandée aux gens était de garder en tête une image qu’on leur avait montrée, jusqu’à des délais de l’ordre de 35 à 40 secondes, pour voir sous hypnose s’il y avait une meilleure rétention, une meilleure stabilisation de l’image. La réponse est non.

Mais les sujets préféraient l’hypnose, comme beaucoup plus agréable. Le bénéfice n’était pas là où on l’attendait dans le processus cognitif de rétention.

Question 5

Quel est le rôle de la mémoire ? Je suis conscient parce que j’ai perçu quelque chose et que je l’ai retenu (ex des perceptions dans le cas d’une anesthésie, ou bien dans le cas d’un boxeur mis KO et qui va retenir des paroles prononcées dans le premier rang des spectateurs ), où il y a des choses que l’on perçoit et que l’on retient)

Réponse : oui, mais une grande partie de ce que j’ai dit confond trois notions : rapportabilité, accès conscient, et mémoire à court terme ; affirmer être conscient de c’était toujours, “rapporter quelque chose qui vient de se passer une seconde avant”, c’est encore dans la mémoire de travail ; c’est complètement lié : mémoire de travail et conscience sont dans ce cas là quasiment identiques : si on identifie conscience et rapportabilité, on identifie du même coup conscience et mémoire de travail, à court terme. Mais si on s’intéresse à la

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subjectivité, ce n’est pas simplement la mémoire, car l’état conscient dans lequel vous étiez à ce moment ou vous avez eu l’expérience consciente, n’est pas forcément la capacité que vous aviez à rapporter.

Dernier élément ; il y a une question qui commence à être étudiée, c’est la mémoire de travail inconsciente. Cela suggère que la conscience n’est pas simplement le pouvoir de se souvenir de quelque chose, mais que c’est vraiment une propriété différente de la rapportabilité.

Les chercheurs le savent bien, qui trouvent souvent le lendemain la solution de leur problème ! Cà arrive, rarement il est vrai, mais parfois c’est faux !

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