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Le Sacré-Cœur Notes théologiques

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Academic year: 2022

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Notes théologiques

par Jean-Marc Rulleau

Cet article ne prétend pas faire un exposé complet de la théologie du Sacré- Cœur, mais il en présente certains aspects propres à susciter la réflexion, éventuellement à soulever quelques questions, mais surtout, nous l’espérons, à réchauffer la dévotion envers notre divin Sauveur.

D

IEU seul est objet de culte et d’adoration. Il n’y a et il ne saurait y avoir qu’un seul culte 1, celui de Dieu. Ce culte, en soi, devrait être très simple, suprêmement simple. Est-il autre chose en effet que l’expression du rapport de la créature intelligente à son créateur ? Ce rapport à Dieu est essentiellement le même pour tous les hommes : « Il appartient à la religion de révérer le Dieu unique selon une seule raison : en tant qu’il est premier principe de la création et du gouvernement des choses 2. » La rédemption ne contredit en rien cette unité et cette simplicité du culte divin. En effet, si Dieu est créateur et sauveur, il l’est par l’unique médiateur Jésus-Christ.

Cependant l’unique vraie religion, qui est celle du Christ, présente paradoxalement une certaine multiplicité. Cette multiplicité apparaît entre autres dans la diversité des dévotions. Ne distingue-t-on pas, en effet, l’adoration du Christ lui- même, de sa croix, de ses saintes plaies, de son précieux sang, du saint-sacrement, du Sacré-Cœur, etc. ?

Sans vouloir répondre à cette question dans toute son ampleur, contentons- nous de considérer le culte du Sacré-Cœur. Par son caractère sensible, par le fait même qu’il a pour objet une partie du corps du Christ, ce culte n’est-il pas en opposition avec la dignité, la simplicité et la pureté du culte qui n’est dû qu’à Dieu seul ?

1 — On distingue le culte de latrie, qui est propre à Dieu, et le culte de dulie qui s’adresse aux hommes. Les saints sont vénérés par un culte de dulie. Le culte proprement religieux est le culte de latrie. C’est le sens que nous utilisons ici (ST II-II, q. 103, a. 3 ; III, q. 25, a. 2).

2 — « Ad religionem autem pertinet exhibere reverentiam uni Deo secundum unam rationem, inquantum scilicet est primum principium creationis et gubernationis rerum. » (ST II-II, q. 81, a. 4)

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Suscité dans l’Église par le Saint-Esprit, il ne repose cependant pas (ou pas seulement) sur des révélations privées, si sûres et éminentes soient-elles. Il jaillit aux sources mêmes de la Révélation.

A sainte Gertrude qui demandait à saint Jean : « Pourquoi donc avez-vous gardé (sur le mystère du cœur du Christ) un si profond silence ? Dans vos écrits, on n’en peut rien saisir, rien du tout ; nous aurions pu cependant en tirer profit. », celui-ci répondit : « Ma mission était que je manifeste à la jeune Église, par une seule parole, le Verbe incréé de Dieu le Père, et que cette parole soit capable de satisfaire l’intelligence du genre humain tout entier jusqu’à la fin du monde, bien que personne ne parvienne jamais à la comprendre en plénitude. Quant à la douce éloquence de ces pulsations, elle est réservée aux temps actuels, afin qu’en les écoutant, le monde, déjà vieilli et engourdi dans son amour pour Dieu, puisse retrouver sa ferveur 3. »

Cette révélation du Sacré-Cœur, l’apôtre saint Jean l’a reçue en se reposant sur la poitrine du Sauveur : « L’un des disciples se reposait sur le sein de Jésus ; c’était celui que Jésus aimait 4. » Seul apôtre qui ait suivi Jésus jusqu’au pied de la croix, il a rendu témoignage de l’ouverture de ce cœur : « L’un des soldats lui ouvrit le côté de sa lance, et il en sortit aussitôt du sang et de l’eau. Et c’est celui qui a vu qui rend témoignage ; et son témoignage est véridique 5. »

Pour exposer ce mystère du Sacré-Cœur, nous pourrions procéder a priori, à partir d’une définition. Mais ce n’est pas ainsi que le Christ a enseigné. Il a élevé graduellement ses disciples des réalités les plus humbles aux mystères les plus sublimes.

I Le Sacré-Cœur, symbole de l’amour du Christ

Nous l’avons dit, saint Jean est le témoin du Sacré-Cœur. Il est le témoin par excellence de l’amour du Christ, tout comme il est le témoin par excellence du mystère de l’incarnation, contre les premiers hérétiques : « Et le Verbe s’est fait chair 6 », « tout esprit qui confesse que Jésus-Christ est venu dans la chair est de Dieu 7 ».

Jésus-Christ n’est pas un mythe, une allégorie ou l’expression d’une expérience religieuse. Le Sacré-Cœur n’est donc pas une allégorie ou un mythe. Il est une réalité bien charnelle et bien concrète. C’est tout simplement le cœur de chair, l’organe de chair du corps de Jésus. Car Jésus est véritablement homme. Il n’est pas une idée, un idéal, mais un homme ayant vécu ici-bas, avec un corps en tous points

3 — Sainte Gertrude, Le Héraut, 4,4, trad. Clément, Sources Chrétiennes nº 255, p. 67.

4 — « Erat ergo recumbens unus ex discipulis eius in sinu Iesu, quem diligebat Iesus. » (Jean 13/23) 5 — « Sed unus militum lancea latus eius aperuit, et continuo exivit sanguis et aqua. Et qui vidit, testimonium perhibuit: et verum est testimonium eius. » (Jean 19/34-35)

6 — « et Verbum caro factum est. » (Jean 1/14)

7 — « Omnis spiritus qui confitetur Iesum Christum in carne venisse, ex Deo est. » (I Jean 4/2)

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semblable au nôtre. L’histoire de son enfance, les faits de la vie publique nous le manifestent. Jésus est sujet aux mêmes nécessités physiques que nous : il éprouve la faim, la soif et la fatigue. Après sa résurrection, il se fait toucher, palper à plusieurs reprises par ses disciples, il mange avec eux pour bien leur prouver qu’il n’est ni un fantôme, ni un esprit, mais un homme véritable, avec un corps véritable : « Comme ils se refusaient encore à croire et demeuraient dans la joie et l’étonnement, il leur dit : Avez-vous ici quelque chose à manger 8 ? » Les apôtres n’ont pas eu une hallucination, ni une vision. Jésus est véritablement ressuscité. Et son ascension ne change rien à la vérité de son corps.

C’est pourquoi, même (et surtout) dans la gloire, son cœur de chair existe toujours et continue de battre en sa poitrine. Ce cœur, physiquement absent de cette terre, existe et vit au ciel glorieusement.

a) Amour sensible

Pourquoi donc adorer spécialement une partie, un simple organe de ce corps ? Pourquoi ne pas adorer simplement le corps ? C’est que le cœur a dans le corps une fonction éminente. Cette fonction, bien que purement organique, donne au cœur d’être le symbole de toute l’affectivité sensible. Il serait exagéré de dire que le cœur est l’organe de cette affectivité, l’organe de l’amour sensible. Néanmoins son fonctionnement est tellement lié aux mouvements de cette affectivité et de cet amour qu’il en est considéré comme le symbole.

Or le Christ, ayant une âme et un corps humains, a une affectivité sensible. La divinité ne remplace pas l’âme humaine. Sans âme humaine, le Christ ne serait pas véritablement homme 9. Mais l’âme humaine est une âme animale et donc sensible. Le Christ a donc un amour sensible. Le cœur est le symbole de cet amour. Et l’affectivité sensible du Christ est particulièrement forte. En effet, conçu du Saint-Esprit, le corps du Christ est parfait, sans aucun défaut. Il est supérieurement doué en ce qui concerne toutes les qualités corporelles qui conviennent à la nature humaine. D’où une très grande perceptibilité, quant à la sensation externe 10 et quant à la sensibilité intérieure.

N’imaginons donc pas le Christ comme un stoïcien impassible et inhumain, un être irréel désincarné. La sensibilité n’est pas l’essentiel du psychisme humain. Cette partie de son être lui est, du reste, commune avec les animaux. Néanmoins elle constitue la personnalité psychologique. L’opération du Saint-Esprit ne fait que la

8 — « Adhuc autem illis non credentibus, et mirantibus præ gaudio, dixit : Habetis hic aliquid quod manducetur ? » (Luc 24/41)

9 — ST II, q. 5, a. 3 et a. 4.

10 — « Nam et secundum corpus erat optime complexionatus, cum corpus eius fuerit formatum miraculose operatione Spiritus Sancti. (…) Et ideo in eo maxime viguit sensus tactus, ex cuius perceptione sequitur dolor. » « Car son corps aussi était remarquablement constitué, puisqu’il avait été formé miraculeusement par l’opération du Saint-Esprit.(…) C’est pourquoi le sens du toucher, dont la perception est à l’origine de la douleur, était chez lui extrêmement parfait. » (ST III, q. 46, a. 6)

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rendre plus parfaite. Dès le commencement de sa vie, le Christ a été le sujet de tendres affections envers ses parents, envers son peuple, envers tous les hommes.

A son exemple, n’allons pas imaginer que la sainteté soit l’insensibilité. Être impassible au bonheur ou au malheur, à la souffrance ou à la joie, n’est pas un signe de vertu, mais un signe d’égoïsme. Le chrétien se réjouit avec ceux qui sont dans la joie, et pleure avec ceux qui pleurent 11.

b) Amour de charité

Mais la vie affective d’un homme ne se réduit pas à l’amour sensible, quoique concrètement les deux soient inséparables. C’est pourquoi, symbole de l’amour sensible, le cœur est aussi symbole de l’amour spirituel, de l’amour de volonté. Le Christ, ayant une âme humaine douée d’une volonté humaine 12, a un amour humain, un amour spirituel et surnaturel.

L’union de cette âme et de cette volonté à la personne du Verbe donne à sa charité une perfection infinie. La charité du Christ est la charité par excellence. Dieu est la Charité subsistante ; Dieu s’identifie à l’Amour. Cette Charité divine est communiquée à l’âme du Christ.

Dans l’âme du Christ, la charité est bien une qualité distincte de son être. En cela elle n’est pas infinie 13. Mais l’union hypostatique étant l’union suprême pouvant exister entre Dieu et une nature créée, la charité de l’âme du Christ est la charité créée par excellence. En cela, elle est infinie.

En effet la charité est l’amitié de l’homme avec Dieu fondée sur la communication de la béatitude 14. Toute amitié est fondée sur une communication, sur un bien communiqué 15, « partagé ». La charité est l’amitié entre l’homme et Dieu 16, fondée sur l’unité dans une vie commune, la béatitude : l’homme est appelé à participer à la béatitude de Dieu 17. Dieu communique à l’homme son bonheur ; c’est ce qui fonde l’amour de l’homme envers Dieu. Or Dieu communique à l’âme du Christ plus que la béatitude : il lui communique son être même. Ce n’est plus seulement une unité de vision et d’amour, c’est une unité d’être et de subsistance 18. C’est pourquoi, non seulement cette charité est plus grande que celle de toute créature, non seulement elle est plus grande que toutes ces charités réunies (pour autant que l’on puisse s’exprimer ainsi), mais elle est la charité plénière, capitale et exemplaire, qui se diffuse et se diversifie dans tous les membres vivants du Corps Mystique, tous

11 — « Gaudere cum gaudentibus, flere cum flentibus. » (Ro 12/15) 12 — ST III, q. 5, a. 4.

13 — ST III, q. 7, a. 11.

14 — ST II-II, q. 23, a. 1.

15 — Aristote, Ethique à Nicomaque, VIII, c.2 et commentaire de saint Thomas, l. 2.

16 — ST II-II, q. 23, a. 1.

17 — ST I-II, q. 3, a. 1, ad 1.

18 — ST III, q. 17.

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les membres de l’Église triomphante, souffrante et militante, et qui pourrait encore se diffuser à l’infini.

Cette charité domine et gouverne toute l’affectivité sensible du Christ 19. Il n’y a pas place dans le Christ pour les élans passionnés ou langoureux que l’on trouve dans le théâtre, la littérature ou une certaine piété sentimentale. Les extrémités et les folies de l’amour sensible que nous connaissons n’existent pas dans le Christ. C’est pourquoi nous contemplons dans le Sacré-Cœur un amour pleinement humain, pleinement sensible et surnaturel, et pourtant infiniment plus grand, plus noble et plus pur que tout ce que nous pouvons expérimenter ou même concevoir. Toute représentation est défaillante devant ce mystère.

c) Amour du Christ pour son Père

Cet amour infini du Christ-homme est d’abord envers son Père. Sans doute la figure du Sacré-Cœur évoque-t-elle tout d’abord pour nous la miséricorde. Néanmoins ,ce serait tomber dans l’humanisme que d’oublier que cette miséricorde, comme toute vraie miséricorde, s’enracine dans l’amour de Dieu. Dieu est l’objet premier de la charité, l’amour du prochain en étant la conséquence 20.

L’amour de Dieu est au principe de toute la vie intérieure du Christ, au principe de la vie du Sacré-Cœur. C’est cet amour qui est à l’origine de la passion. En effet, la passion du Christ fut tout à la fois un acte d’obéissance et un acte d’amour.

Réparant la désobéissance d’Adam, elle fut un acte d’obéissance : « Il s’est fait obéissant jusqu’à la mort, et la mort de la croix 21. » Mais il y a plusieurs manières d’obéir. L’obéissance la plus parfaite est celle qui a l’amour pour principe. L’esprit moderne, dialectique et révolté, oppose obéissance et amour. Dans le Christ, la charité est principe de l’obéissance. « Ce fut un même motif pour le Christ de souffrir la passion par charité et par obéissance ; car ce n’est que par obéissance qu’il accomplit les préceptes de la charité ; et il fut obéissant par amour envers le Père qui ordonnait 22. »

Par cette charité infinie et capitale, le cœur du Christ assume la contrition de tous les hommes. L’amour a pour principe la connaissance. La contrition a pour principe la connaissance du péché et la connaissance de l’amour de Dieu. L’homme ignore l’abîme du péché et l’abîme de l’amour divin. Il est incapable d’éprouver le regret et la contrition de son péché au degré qui conviendrait. C’est le cœur de Jésus qui l’éprouve à sa place. Car il sait ce qu’est le péché, il sait ce qu’est l’amour de

19 — ST III, q. 15, a. 4.

20 — « Ratio autem diligendi proximum Deus est. » « C’est Dieu qui est la ratio de l’amour du prochain. » (ST II-II, q. 25, a. 1)

21 — « Factus obediens usque ad mortem, mortem autem crucis. » (Phil 2/8) « Hoc mandatum accepi a Patre meo. » « J’ai reçu ce commandement de mon Père. » (Jn 10/18)

22 — « Eadem ratione Christus passus est ex caritate, et obedientia : quia etiam præcepta caritatis nonnisi ex obedientia implevit; et obediens fuit ex dilectione ad Patrem præcipientem. » (ST III, q. 47, a. 2, ad 3)

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Dieu. Et cette connaissance n’est pas une science abstraite, faite de déductions syllogistiques, mais une intuition très profonde, unie à la charité, et saisissant ce mystère par la connaturalité que donne la charité infinie 23. Sa science souveraine à laquelle ce mystère d’amour et de mal est évident, et pour qui aucun secret ni aucune pensée ne sont cachés, est principe de cette contrition infinie pour les péchés du monde. Et tous les péchés commis depuis le péché originel jusqu’à la fin du monde lui sont connus en particulier. Le Christ avait devant les yeux toute l’histoire de l’univers.

Il considérait tout le mal commis sur terre, depuis la plus petite lâcheté jusqu’aux crimes politiques et aux hérésies qui font basculer les nations dans l’impiété.

L’horrible réalité est présente à ses yeux : le mépris et la haine de l’amour divin, la destruction de l’œuvre de Dieu dans une créature, dans des institutions entières, dans l’Église. Nous pouvons concevoir quelque chose d’approchant en considérant les souffrances que nous éprouvons nous-mêmes au spectacle de la crise de l’Église, de la destruction des nations chrétiennes, de la chute d’un membre de notre famille.

Mais, bien que tous les péchés des hommes soient la cause des souffrances du Christ, par le symbole du Sacré-Cœur, le Christ entend signifier plus spécialement sa douleur pour les outrages envers le Saint-Sacrement 24. Pourquoi particulariser ainsi les péchés envers le Saint-Sacrement, pourquoi leur donner cette importance particulière ? C’est ce que nous verrons plus tard, mais il importait dès à présent de le noter.

Certains de ces pécheurs seront sauvés ; le règne de Dieu finira par s’établir ; Dieu permet le mal pour en tirer un bien 25. Mais celui qui communie à l’amour divin ne peut rester indifférent au péché, quel qu’en soit, en définitive, l’aboutissement historique. Le Christ s’offre à la place de l’humanité pour faire acte de réparation, supportant le poids du péché, assumant les conséquences du péché et, en premier lieu, la rupture entre Dieu et sa créature : la vie de la créature privée de Dieu. Le Christ éprouve l’abandon de son Père sous le poids des péchés des hommes : « Mon âme est triste jusqu’à la mort 26, » « Mon Dieu, mon Dieu pourquoi m’avez-vous abandonné 27 ? » Cette passion du cœur de Jésus ne peut se décrire. Elle dépasse infiniment notre entendement. C’est un mystère à contempler, une révélation à

23 — ST II-II, q. 45, a. 2.

24 — « Mon divin Sauveur me fit connaître que ces instruments de sa passion signifiaient que l’amour immense qu’il a pour les hommes avait été la source de toutes les souffrances et de toutes les humiliations qu’il a voulu souffrir pour nous; que, dès le premier instant de son incarnation, tous ces tourments et ces mépris lui avaient été présents, et que ce fut dès ce premier moment que la croix fut, pour ainsi dire, plantée dans son cœur; qu’il accepta dès lors pour nous témoigner son amour, toutes les humiliations, la pauvreté, les douleurs que sa sacrée humanité devait souffrir pendant tout le cours de sa vie mortelle, et les outrages auxquels l’amour devait l’exposer jusqu’à la fin des siècles sur nos autels, dans le très saint et très auguste Sacrement. » (Sainte Marguerite-Marie, Lettre au P. Rollin, 1674 in Terrien, La dévotion au Sacré-Cœur, p. 168)

25 — ST I, q. 2, a. 3, ad 1.

26 — « Tristis est anima mea usque ad mortem. » (Mt 26/38) 27 — « Deus, Deus meus ut quid dereliquisti me. ?» (Mt 27/46)

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recevoir. La Sainte Écriture nous le livre, en particulier dans les psaumes 21 et 30 et le Livre de Job.

d) L’Amour du Christ pour les hommes et pour l’Église

Cette brisure du cœur de Jésus est d’autant plus forte que lui-même est de notre race. C’est le même amour qui se porte sur son Père et sur ses frères les hommes 28.

Avant même cette passion, c’est toute la vie et toute la prédication du Christ qui révèlent l’amour de son cœur envers les hommes pécheurs.

De cette masse pécheresse le Christ tire son Église. Cet amour envers le genre humain pécheur est donc en premier l’amour envers l’Église. Cet amour est si fort que l’amour conjugal lui est assimilé : « Maris, aimez vos épouses comme le Christ aime l’Église et s’est livré pour elle 29. » Cet amour du Sacré-Cœur envers l’Église et tous les hommes est la manifestation de l’amour de Dieu. C’est pour cela que Dieu a choisi de nous sauver par la passion du Christ alors qu’un autre mode de salut était possible : par la passion du Christ, « l’homme connaît combien il est aimé de Dieu et il est incité à l’aimer en retour. (…) C’est pourquoi l’Apôtre saint Paul dit : “Dieu prouve ainsi sa charité envers nous : alors que nous étions ses ennemis, le Christ est mort pour nous” 30. »

Lorsque nous essayons de concevoir cet amour de miséricorde, nous avons tendance à l’imaginer comme un amour abstrait et universel envers l’Église et envers toute l’humanité en général. C’est oublier que le Christ connaît chacun des hommes, chacun d’entre nous en particulier. Ainsi en est-il de son amour. Une science abstraite et universelle, ignorante des individus, serait imparfaite. Un amour abstrait et universel ne serait pas un véritable amour. Car, si l’on peut connaître une idée abstraite, on aime des êtres concrets et individuels. Donc cet amour du cœur du Christ se porte sur chacun des hommes, sur chacun de nous en particulier. Notre vie intérieure est patente à la science du Christ et, en conséquence, son cœur est atteint par chacun de nos actes, par chacun des péchés commis du début à la fin du monde.

Expiant ainsi tous nos péchés, le Christ assume toutes nos infirmités qui sont la conséquence du péché. Il n’assume pas spécifiquement chacune des peines de l’humanité ; cette multiplicité matérielle serait sans intérêt et même contradictoire 31. Mais il en assume toutes les détresses intérieures. Nous en trouvons l’expression dans

28 — ST II-II, q. 25, a. 1.

29 — « Viri, diligite uxores vestras, sicut et Christus dilexit Ecclesiam, et seipsum tradidit pro ea. » (Eph. 5, 25) « Qui habet sponsam, sponsus est. » « C’est l’époux qui possède l’épouse. » (Jn 3/29)

30 — « Per hoc homo cognoscit quantum Deus hominem diligat, et per hoc provocatur ad eum diligendum.

(…) Unde Apostolus dicit (Rom 5/8-9) : “Commendat suam caritatem Deus in nobis, quoniam, cum inimici essemus, Christus pro nobis mortuus est”. » (ST III, q. 46, a. 3)

31 — « Quia multæ passionum species sibi invicem contrariantur, sicut combustio in igne et submersio in aqua. » « Car plusieurs espèces de passion sont contradictoires les unes les autres, comme la combustion dans le feu et la submersion dans l’eau. » (ST III, q. 46, a. 6)

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les psaumes : « Sauvez-moi, ô Dieu, car les eaux sont entrées jusqu’à mon âme. Je suis enfoncé dans une fange profonde et il n’y a pas où je puisse prendre pied 32. » C’est pourquoi il peut dire en toute vérité : « Venez à moi, vous tous qui peinez et qui ployez sous le fardeau, et je vous soulagerai 33. » Combien il importe de prêcher cela aujourd’hui que beaucoup sont brisés et écrasés par la dictature du monde moderne, de son économie et de son mode de vie. « Car nous n’avons pas un grand prêtre qui ne puisse compatir à nos infirmités : il a été éprouvé en tout de la même manière que nous, le péché excepté 34. »

Tout l’amour surnaturel dont une nature humaine est capable, toute la souffrance réparatrice, miséricordieuse et compatissante que puisse contenir un cœur humain, voilà ce que vit et ce que symbolise le cœur de Jésus. Cela, la nature divine ne pouvait l’éprouver. Il fallait l’incarnation et la passion.

Mais gardons-nous de réduire ce mystère à des dimensions purement humaines.

32 — « Salvum me fac, Deus : quoniam intraverunt aquæ usque ad animam meam. Infixus sum in limo profundi : et non est substantia. ». (Ps 68) Qu’il soit dit, entre parenthèses, qu’il est profondément regrettable que le psautier soit si peu connu et prié par l’ensemble des chrétiens, qui sont ainsi privés de la prière même du Christ et de l’Église, dont la profondeur, la beauté et en même temps la simplicité ne saurait être égalée par les paroles humaines.

33 — « Venite ad me omnes qui laboratis, et onerati estis, et ego reficiam vos. » (Mt 11/28) Il faudrait traduire reficiam par referai, reconstituerai, réparerai.

34 — « Non enim habemus pontificem, qui non possit compati infirmitatibus nostris : tentatum autem per omnia pro similitudine absque peccato. » (Héb 4/15)

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II Le Sacré-Cœur, le Verbe et l’Église

a) Le Sacré-Cœur symbole de l’amour divin

Le Sacré-Cœur n’est pas seulement symbole de l’amour humain. Il est aussi symbole de l’amour divin.

Comment le Sacré-Cœur, réalité de nature purement humaine, peut-il aussi symboliser et désigner l’amour divin ? Dans le langage usuel, le cœur signifie aussi la personne dans tout son être et dans toute sa vie intérieure. C’est que le cœur est le premier à vivre et le dernier à mourir. Or le Christ n’est pas une personne humaine, mais une personne divine. Son cœur symbolise donc aussi la personne divine dans sa vie d’amour.

Comment concevoir cette vie d’amour en Dieu ? L’amour produit en celui qui aime comme une « impression » de la chose ou de la personne aimée dans son affection, comme un « poids » par lequel la chose ou la personne aimée sont « dans » celui qui aime 35. La « psychologie » divine nous est impénétrable. Mais Dieu a daigné nous révéler sa vie intime. L’amour infini dont il s’aime et dont il nous aime, cet amour qui est à l’origine de toute la création et de la rédemption, ne s’achève pas dans une impression affective, mais dans une personne consubstantielle au Père et au Fils. « Lorsque dans l’océan se heurtent et se confondent deux courants opposés, la violence de leur étreinte s’achève en une gerbe immense qui semble vouloir conquérir le ciel. On a comparé quelquefois l’Esprit divin à ce jaillissement. Le Père et le Fils, essentiellement unis en un même amour, ne sont qu’un seul principe de la spiration de l’Esprit. L’Esprit qui est appelé “Sainteté de Dieu” procède de leur union dans la même unité essentielle, Charitas de Charitate 36 » .

Il s’ensuit que le Sacré-Cœur est le symbole de la spiration du Saint-Esprit. Il n’est pas le symbole du Saint-Esprit ; ce serait contradictoire par rapport à la théologie trinitaire et à celle de l’incarnation. Il est le symbole de la spiration, symbole de l’acte par lequel le Père et le Fils, dans un même acte « produisent » le Saint-Esprit 37. Dans cet acte du Père et du Fils nous sommes aimés de toute éternité. Le Sacré-Cœur est la révélation et le symbole de cet acte qui est au principe de notre existence et de notre salut. L’amour de Dieu était déjà révélé, mais demeurait voilé dans l’Ancien Testament. Il se révèle ici dans toute sa dimension trinitaire.

35 — « Ita ex hoc quod aliquis rem aliquam amat, provenit quædam impressio, ut ita loquar, rei amatæ in affectu amantis, secundum quam amatum dicitur esse in amante. » (ST I, q. 37, a. 1)

36 — La Sainte Trinité et la vie surnaturelle, par un chartreux, Egloff, p. 28.

37 — De par la distinction des trois personnes de la Trinité, on est conduit à distinguer en Dieu deux amours : l’amour essentiel et l’amour dit « notionnel » (ST I, q. 32, a. 2 et a. 3 ; q. 37, a. 1 ; q. 41, a. 1).

L’amour essentiel est l’amour unique des trois personnes, Père, Fils et Saint-Esprit. Selon cet amour les trois personnes ne se distinguent aucunement. L’amour notionnel est l’acte commun et identique du Père et du Fils duquel procède le Saint-Esprit (ST I, q. 27, a. 3 ; 36, a. 4). Le Père et le Fils sont un seul principe du Saint-Esprit, et ils le sont selon l’amour (alors que le Père est le principe du Fils selon l’intelligence).

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b) Le Sacré-Cœur, Verbe de Dieu

Dans l’homme, nous distinguons la personne, la faculté d’aimer (la volonté) et l’acte même de l’amour. Mais en Dieu tout est substantiel. « Tout ce qui dans les créatures a un être accidentel, si l’on en transfère la notion au plan des réalités divines, y possède un être substantiel : rien n’est en effet en Dieu comme un accident dans son sujet, mais tout ce qui est en Dieu est identique à son essence 38. » L’amour divin du Christ est absolument identique à la personne du Verbe en tant qu’elle aime. Car en Dieu l’être, la personne, les facultés et les opérations sont absolument identiques 39. En nous, l’amour est quelque chose qui demeure en celui qui aime, mais qui s’en distingue néanmoins de par son rapport à l’objet aimé. Mais, en Dieu, il faut dire plus : l’amour est subsistant 40. Ce mystère trinitaire pourrait être exposé longuement.

Pour nous restreindre à l’objet de cette étude, contentons-nous de considérer que l’acte d’amour par lequel le Verbe nous aime de toute éternité n’est pas réellement distinct de sa personne même. Le Sacré-Cœur symbolisant l’amour du Fils de Dieu symbolise donc la personne même du Fils de Dieu. Le cœur de chair du Christ est donc le symbole du Verbe de Dieu.

Mais il faut dire plus. Ce cœur de chair, comme toute partie physique et matérielle de son corps, est uni au Verbe de Dieu. Jésus-Christ est le Verbe de Dieu.

Toutes les parties de son corps existent et vivent par l’être même de Dieu. L’être concret qui existe, et dont le cœur est une partie corporelle, est le Verbe de Dieu. Le Christ n’a qu’un seul être 41. L’être concret, ce qui existe et qui vit véritablement, ce n’est pas un corps, une âme ou un cœur, c’est quelqu’un. Or ce « quelqu’un » est le Verbe de Dieu. Celui dont la souffrance réparatrice, miséricordieuse et compatissante, nous a ouvert l’accès à la Vie n’est autre que le Verbe de Dieu.

C’est pourquoi voir dans le Sacré-Cœur le cœur de chair du Christ n’est pas faux ; mais insuffisant. Le Sacré-Cœur est plus qu’un cœur de chair, plus qu’un symbole de l’amour humain, plus qu’un symbole de l’amour divin : le Sacré-Cœur est le Verbe de Dieu 42.

Le culte du Sacré-Cœur est donc le culte du Verbe, le culte de Dieu. Il ne s’oppose donc en rien à la dignité et à la pureté du culte divin. En effet, le culte s’adresse « proprement à la totalité de la chose subsistante : nous ne disons pas que l’on honore la main d’un homme, mais que c’est l’homme qui est honoré. Et si parfois

38 — « Quidquid autem in rebus creatis habet esse accidentale, secundum quod transfertur in Deum, habet esse substantiale : nihil enim est in Deo, ut accidens in subiecto, sed quidquid est in Deo, est eius essentia. » (ST I, 28, a. 3)

39 — ST I, q. 3, a. 7.

40 — ST I, q. 37, a. 1, ad 2.

41 — ST I, q. 17, a. 2.

42 — Ceci explique que nous écrivions toujours le mot « Sacré-Cœur » avec des majuscules, alors que l’organe physique du cœur du Christ s’écrit avec une minuscule, comme les autres membres physiques de son corps qui sont créés (NDLR).

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il arrive que l’on dise que c’est la main ou le pied de quelqu’un qui sont honorés, on ne le dit pas du fait que ces parties sont honorées pour elles-mêmes, mais parce qu’en ces parties c’est le tout qui est honoré 43. » Ce qui est dit de ces parties corporelles vaut évidemment pour le cœur par rapport à une personne humaine et, a fortiori, par rapport au Verbe assumant la nature humaine, avec son corps. C’est donc le Verbe de Dieu qui est honoré dans cette partie du corps de son humanité qu’est le cœur et dans cette « partie psychologique » qu’est sa charité. Autrement dit, si l’on distingue la divinité, l’âme, le corps, le cœur de Jésus, son précieux sang et, éventuellement d’autres parties, il ne faut pas oublier que toutes ces « choses » ne sont pas concrètement distinctes. Il n’y a en fait qu’une seule réalité concrète et existante : le Verbe de Dieu qui subsiste dans une nature humaine. A proprement parler on n’adore pas, on n’aime pas la divinité, le corps, l’âme, l’amour sensible ou la charité du Christ. On adore et on aime Jésus-Christ, tout simplement.

c) Le Sacré-Cœur, Verbe de Dieu incarné et manifesté

Faut-il en conséquence renoncer à considérer ce cœur de chair et la psychologie humaine du Christ ? Le cœur de chair du Christ n’est-il donc qu’un accessoire sensible du culte du Sacré-Cœur ? Devons-nous éliminer de notre contemplation cette vie d’amour vécue par Jésus dans sa nature humaine, qui nous a conduits à découvrir l’amour du Verbe ? Ce serait rendre l’incarnation inutile : « Ce que nous avons vu de nos yeux, ce que nous avons contemplé, et ce que nos mains ont touché du Verbe de vie, (…) nous vous l’annonçons 44. »

Saint Thomas, à propos du culte du Christ en général, donne la réponse suivante : « En celui qui est honoré, on peut considérer deux réalités, à savoir : celui à qui s’adresse l’honneur, et la cause de l’honneur 45. » Autrement dit, il faut distinguer : – celui qui est adoré, l’être concret subsistant, qui est le Verbe de Dieu – et la cause ou le motif de cette adoration 46. Cette manière d’exprimer les choses peut paraître un artifice logique. L’expression métaphysique est sans doute abstraite ; d’autant plus que, concrètement, terme d’une action et motif de cette action sont donnés simultanément. Mais c’est l’expression du simple bon sens. Je dois distinguer la personne à laquelle je m’adresse d’une part et, d’autre part, la raison pour laquelle je m’adresse à elle. Et la raison pour laquelle je m’adresse à elle déterminera la nature

43 — « Proprie autem honor exhibetur toti rei subsistenti : non enim dicimus quod manus hominis honoretur, sed quod homo honoretur. Et si quandoque contingat quod dicatur honorari manus vel pes alicuius, hoc non dicitur ea ratione quod huiusmodi partes secundum se honorentur : sed quia in istis partibus honoratur totum. » (ST III, q. 25, a. 1)

44 — « Quod vidimus oculis nostris, quod perspeximus, et manus nostræ contrectaverunt de verbo vitæ, (…) annuntiamus vobis. » (I Jn 1/1 et 3)

45 — « In eo qui honoratur, duo possumus considerare : scilicet eum cui honor exhibetur ; et causam honoris. » (ST III, q. 25, a. 1)

46 — On distingue de même : la personne qui est l’être concret subsistant ; sa nature ou son essence, selon laquelle elle existe. En scolastique on parlerait de quod et de quo.

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de mon action. La personne peut être unique ; les raisons pour lesquelles je m’adresse à elle peuvent être multiples.

Celui à qui s’adresse le culte du Sacré-Cœur est l’unique personne du Verbe de Dieu. Ce pour quoi ce culte lui est adressé peut être multiple. Quel est l’objet (quo) ou le motif du culte du Sacré-Cœur ? Nous l’avons découvert successivement : son amour sensible, son amour de charité et son amour divin, symbolisés par le cœur de chair.

Exposer ainsi la cause du culte du Sacré-Cœur, n’est-ce pas réintroduire la multiplicité que nous avions éliminée ? N’est-ce pas donner au culte du Sacré-Cœur un caractère humain, sentimental, charnel ? Le culte du Sacré-Cœur serait un par son terme (le Verbe) mais multiple par son objet (quo) ou sa cause. Au culte de latrie, propre à Dieu, s’ajouterait un culte de dulie de l’humanité du Christ, et ce à plusieurs chefs.

Ce serait le cas si ces diverses réalités (amour divin, amour de charité, amour sensible, cœur de chair) étaient comme juxtaposées, indépendantes les unes des autres. Le culte du Sacré-Cœur aurait plusieurs objets ; ou bien il faudrait le réduire au culte de la seule divinité du Christ, en considérant comme adjacents ou secondaires sa charité et son amour humains.

Or, tout en restant distincts, amour divin, charité, amour sensible, cœur de chair sont unis selon l’unité d’ordre de l’incarnation. Cette unité est mystérieuse.

C’est le mystère même de l’incarnation. Le culte du Sacré-Cœur est bien un, de par l’unité de la divinité, de l’âme et du corps du Christ. Nous sommes ici confrontés au mystère de l’incarnation, à l’ordre de l’union hypostatique. Ces diverses réalités ne sont pas disparates et disjointes, mais elles sont ordonnées selon l’ordre même de l’union hypostatique. Ce n’est pas dissoudre Jésus-Christ que de dire qu’il est Dieu et homme, ayant une âme, un corps et des organes corporels. Ce n’est pas dissoudre le culte du Sacré-Cœur que de lui reconnaître pour objet (quo) ou pour cause, tout ensemble l’amour divin, l’amour de charité et l’amour sensible, manifesté et symbolisé par le cœur de chair.

Toutes ces réalités sont ordonnées dans l’union personnelle au Verbe. Le cœur de chair bat selon les affections de la sensibilité. Cette sensibilité est, nous l’avons vu, parfaitement gouvernée par la charité. Et la charité est à l’unisson de l’amour divin.

Cet ordre d’affections est le reflet de l’ordre dans l’être : le corps et l’âme du Christ sont unis par eux-mêmes, comme en tout homme, et sont assumés par le Verbe 47, c’est-à- dire réunis par le Verbe à sa propre personne. Tel est le mystère de l’incarnation. La théologie distingue les principes ; mais la vie et la piété sont concrètes.

En conséquence, le symbolisme du Sacré-Cœur n’est pas non plus contradictoire. Le cœur de chair du Christ symbolise tout à la fois, mais de manière ordonnée, son affection sensible, sa charité, son amour divin et sa personne divine.

47 — ST III, q. 5 ; 6.

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« Le signe est ambigu, prêtant occasion à l’erreur, lorsqu’il signifie une pluralité de choses dont aucune n’est ordonnée à l’autre. Mais quand il signifie une pluralité telle qu’il en résulte une unité d’ordre, alors le signe n’est pas ambigu, mais certain : ainsi le nom d’homme signifie l’âme et le corps en tant que la nature humaine en est constituée 48. »

A la question : « qui est le Sacré-Cœur ? » nous avons répondu : le Verbe de Dieu. A la question : « qu’est-ce que le Sacré-Cœur ? » nous devons donc répondre : l’amour du Verbe incarné, principe de sa charité et symbolisé par son cœur de chair.

Le culte du Sacré-Cœur est le culte du Verbe de Dieu. Il n’a pas d’autre objet (« quod ») que le culte de Dieu, purement et simplement. Il ne corrompt pas la simplicité et la pureté de l’unique culte divin. Mais cette adoration est fondée sur la contemplation du mystère d’amour dans toute son étendue divine et humaine. C’est ce qui donne à la dévotion au Sacré-Cœur d’être à la fois théologique et profondément humaine, universelle et intime, ecclésiale et personnelle. Cette dévotion peut ainsi être vécue dans la diversité des situations et des psychologies humaines. Chacun peut percevoir diversement l’infinie simplicité du même mystère. Ce culte peut ainsi prendre diverses formes et convenir à tous les âges de la chrétienté et à tous les états de vie. Et si l’unité de la Tradition limite les divergences des théologiens, la vie concrète du mystère du Sacré-Cœur épouse la diversité des âmes et des expériences mystiques.

d) Le cœur du Christ principe et symbole de la vie de l’Église

Enracinée dans le mystère de l’incarnation, la dévotion au Sacré-Cœur est aussi enracinée dans le mystère de l’Église. Il n’y a, en définitive, qu’un mystère : le mystère trinitaire qui se révèle et qui se diffuse. Le Père engendre et envoie le Fils selon l’incarnation ; le Père et le Fils spirent et envoient le Saint-Esprit dans l’Église 49. C’est cela le secret de Dieu qui nous a été révélé : « Le mystère qui était caché depuis l’origine du temps et des générations est maintenant manifesté à ses saints 50. »

Le Sacré-Cœur révèle l’amour qui est au principe de cette diffusion du mystère trinitaire : amour créateur, amour miséricordieux re-créateur, amour sanctificateur et glorificateur.

48 — « Tunc est signum ambiguum, præbens occasionem fallendi, quando significat multa quorum unum non ordinatur ad aliud. Sed quando significat multa secundum quod ex eis quodam ordine efficitur unum, tunc non est signum ambiguum, sed certum : sicut hoc nomen homo significat animam et corpus prout ex eis constituitur humana natura. » (ST III, q. 60, a. 4)

49 — ST I, q. 43.

50 — « Mysterium, quod absconditum fuit a sæculis, et generationibus, nunc autem manifestatum sanctis eius. » (Col 1/26)

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La manifestation du Sacré-Cœur nous montre bien qu’il n’est pas une chose passée, mais une réalité présente. Telle est la promesse du Christ : « Je suis avec vous jusqu’à la fin du monde 51. » Ce mystère s’accomplit par l’Église. Toute la vie de l’Église est la vie du Christ continuée : « Notre-Seigneur Jésus-Christ, en tant qu’il est un homme parfait et total, est tête et corps. (…) Le corps de cette tête est l’Église ; non pas celle qui est en ce lieu, mais celle qui est en ce lieu et par toute la terre ; ni celle qui est en ce temps, mais celle qui existe depuis Abel jusqu’à ceux qui naîtront à la fin du monde et qui croiront dans le Christ ; tout le peuple des saints est celui d’une seule cité, cette cité est celle du Christ, et le Christ en est la tête 52. »

La vie de l’Église est issue du cœur du Christ. En effet l’ouverture du cœur est le sceau ultime de la passion, comme le terme et le résumé de toute la passion. Cette ouverture du cœur se produit alors que tout a été consommé. Désormais le Christ ne souffre plus ; son séjour aux enfers n’est en rien douloureux, mais commence la manifestation de sa gloire. Alors, comme Ève était issue du côté d’Adam endormi, ainsi l’Église est issue du côté du Christ. Cette naissance de l’Église s’opère par l’eau et le sang.

« Ils sont trois à rendre témoignage sur terre : l’Esprit, l’eau et le sang : et ces trois ne sont qu’un 53 ». L’Esprit rend témoignage en tant qu’il est envoyé dans l’Église et demeure le principe vital de l’Église. L’eau du baptême et l’eau de la grâce rendent témoignage par l’illumination, la vie, la résurrection. Le sang de l’eucharistie et du sacrifice rend témoignage par l’oblation, la douleur, la mort au péché et au monde. Il y a toujours dans la vie chrétienne et dans la vie de l’Église ces deux aspects : l’aspect « positif » de résurrection, d’illumination, de gloire ; et l’aspect

« négatif » de mort, d’obscurité, de douleur. Et ces trois, l’Esprit, l’eau et le sang, ne sont qu’un. La mission du Saint-Esprit est la vie de l’Église par la grâce et par la liturgie, dont le baptême est le principe (premier sacrement par lequel on entre dans l’Église et dans la liturgie) et dont l’eucharistie est le terme (le plus grand des sacrements, le sommet de la liturgie).

Le Sacré-Cœur est donc le symbole de tout le mystère chrétien 54 ; il est le passage de la douleur à la gloire, de la vie terrestre du Christ à sa vie glorieuse par

51 — « Ego vobiscum sum omnibus diebus, usque ad consummationem sæculi. » (Mt 28/20)

52 — Saint Augustin, in Ps 90 – RJ 1479 : « Dominus noster Iesus Christus, tamquam totus perfectus vir, vir et caput et corpus. (…) Corpus huius capitis Ecclesia est, non quæ hoc loco est, sed quæ hoc loco et per totum orbem terrarum; nec illa quæ hoc tempore, sed ab ipso Abel usque ad eos, qui nascituri sunt usque ad finem et credituri in Christum, totus populus sanctorum ad unam civitatem pertinentium, quæ civitas est Christi, cui caput est Christus. »

53 — « Et tres sunt, qui testimonium dant in terra : Spiritus, et aqua, et sanguis : et hi tres unum sunt. » (I Jn. 5/8)

54 — « La fête du Sacré-Cœur n’a pas pour objet un mystère particulier dont la sainte Église n’ait pas fait spéciale mémoire aux jours solennisés par elle; c’est comme un résumé des autres fêtes, où l’on célèbre différents mystères : car elle a pour but d’honorer l’immense charité par laquelle le Verbe s’est fait chair pour notre salut, a institué le sacrement de l’autel, a porté nos péchés et s’est offert en mourant sur la croix à son divin Père comme victime et comme sacrifice. » (Congrégation des Rites, Gardellini, Décret., III, n°

4549 in Terrien, op. cit. p. 82)

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l’Église. La vie de l’Église procède de la mort du Christ. Mais,aussi vrai que le Saint- Esprit continue d’être envoyé à l’Église, l’ouverture du Sacré-Cœur est permanente.

Issue du Sacré-Cœur, l’Église continue sans cesse d’être vivifiée. Et comme « la fin correspond au principe 55 », la vie de l’Église se termine au Sacré-Cœur. Toute l’Église est orientée, tendue vers le Sacré-Cœur. Le culte du Sacré-Cœur est le retour de l’épouse vers l’époux.

C’est ce qui s’accomplit éminemment dans l’eucharistie. C’est pourquoi le Sacré-Cœur se révèle comme particulièrement atteint par les offenses contre ce sacrement. L’eucharistie est le sacrifice du Christ réellement présent. Elle n’est pas seulement présence réelle et substantielle du corps et du sang du Christ. Elle est une présence agissante. Elle est le Sacré-Cœur sacramentellement présent et agissant. Elle est le Sacré-Cœur qui se donne à nous pour que nous vivions de lui, pour que nous nous assimilions à lui, pour que nous nous changions en lui.

III Vivre le mystère du Sacré-Cœur

Pourquoi ne pas concevoir alors la dévotion au Sacré-Cœur sur le modèle de la liturgie eucharistique, sur le modèle du saint-sacrifice de la messe ? Le saint- sacrifice contient tous les aspects que prend cette dévotion. Selon l’ordre de la liturgie, la sainte messe comporte la contemplation, l’offrande, la consécration et la communion.

Contemplation

Nous adorons le cœur du Christ comme étant la vie éternelle d’amour du Dieu trinitaire qui se donne à nous. Il nous parle dans l’Évangile. Mais chaque âme est un nouvel Évangile que le Christ écrit. Sa voix est toujours vivante. Dans la contemplation, le cœur de Jésus révèle son secret.

Offrande

Les membres de l’Église constituent une seule victime et un seul prêtre avec le Christ. Nous nous offrons comme compagnons de l’agonie du Christ. C’est ici que le mot « consoler » prend sa pleine signification. Il ne s’agit pas de diminuer les souffrances du Christ, de diminuer son fardeau, mais d’en prendre sa part, de se

« La fête du Sacré-Cœur ne représente pas une grâce spéciale, mais la source même des grâces dans toute sa plénitude. Ce n’est pas un mystère particulier dont on y fait mémoire, mais le principe même de tous les mystères. Toutes les grâces et tous les mystères contenus dans le Christ et dans le sanctuaire de son Cœur sacré, tous les biens que l’amour du très aimant Rédempteur a fait couler à flots sur les hommes, toute la passion intérieure de l’amour crucifié qui est le Christ : voilà ce que la fête du Cœur de Jésus représente à notre mémoire, à nos méditations, à nos hommages. » (Réponse du postulateur des évêques de Pologne au promoteur de la foi, n° 20 in Terrien op. cit. p. 113)

55 — « Cum finis respondeat principio. » (ST I, q. 103, a. 2)

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laisser prendre par le Sacré-Cœur pour qu’il nous unisse à son agonie réparatrice, pour que nous soyons avec celui qui est seul (cum solo), en particulier en réparation du mépris dont est l’objet son œuvre 56. Dans son agonie et sa passion, le Christ voyait et unissait à son offrande tous les hommes qui répondraient à son appel :

« L’opprobre et la misère ont brisé mon cœur ; j’ai attendu quelqu’un qui prendrait part à ma tristesse, et il ne s’en est pas trouvé ; j’ai cherché un consolateur, mais en vain 57. »

Consécration

La consécration, c’est la transformation et la sanctification dans le Christ :

« Ce n’est plus moi qui vit, c’est le Christ qui vit en moi 58. » Il faut laisser le Christ exercer sur nous son sacerdoce éternel 59 et nous transformer en lui 60. La consécration d’une personne, d’une famille, d’une œuvre, d’une cité ou d’un pays, c’est l’offrir au Sacré-Cœur pour qu’il en fasse un prolongement de son corps, pour qu’il l’assimile à sa propre vie : « Je vis, et vous vivrez 61 » ; « Qu’ils soient un, comme vous, Père, vous êtes en moi, et que je suis en vous, qu’eux aussi soient un en

56 — « Une fin principale de cette dévotion, c’est d’expier par nos hommages d’adoration, de piété et d’amour le crime d’ingratitude, si commun parmi les hommes, et d’apaiser la colère de Dieu par le très Sacré-Cœur de Jésus. » (Léon XIII, Lettres apost. 28/6/1889 in Terrien, op. cit., p. 206) « Voici ce Cœur qui a tant aimé les hommes, qu’il n’a rien épargné, jusqu’à s’épuiser et se consommer pour leur témoigner son amour; et pour reconnaissance je ne reçois de la plupart que des ingratitudes par leurs irrévérences et leurs sacrilèges, et par les froideurs et mépris qu’ils ont pour moi dans ce sacrement d’amour. Mais ce qui m’est encore plus sensible est que ce sont des cœurs qui me sont consacrés, qui en usent ainsi. C’est pour cela que je te demande que le premier vendredi de l’octave du Saint-Sacrement (c’est-à-dire le deuxième vendredi après la Fête-Dieu) soit dédié à une fête particulière pour honorer mon Cœur, en communiant ce jour-là, et en lui faisant réparation d’honneur par une amende honorable pour réparer les indignités qu’il a reçues pendant le temps qu’il a été exposé sur les autels. » (Vie et œuvres de sainte Marguerite-Marie, II, p. 355/414 in Terrien, op. cit., p. 206) « Tu te lèveras entre onze heures et minuit pour te prosterner pendant une heure avec moi, la face contre terre, tant pour apaiser la divine colère, en demandant miséricorde pour les pécheurs, que pour adoucir en quelque façon l’amertume que je sentais de l’abandon de mes apôtres. » (Vie et œuvres de sainte Marguerite-Marie, I, p. 178 ; II, p. 328 in Terrien, op. cit., p. 216)

57 — « Improperium exspectavit Cor meum et miseriam, et sustinui qui simul mecum contristaretur et non fuit; consolantem me quæsivi et non inveni. » (Ps 68/21)

58 — « Vivo autem, iam non ego : vivit vero in me Christus. » (Gal 2/20) 59 — « Configuratus morti eius », « configuré à sa mort. » (Phil 3/10)

60 — « Une fois, étant devant le saint-sacrement, je me trouvai tout investie de cette divine présence, mais si fortement que je m’oubliai de moi-même et du lieu où j’étais, et je m’abandonnai à ce divin Époux, livrant mon cœur à la force de son amour. Il me fit reposer fort longtemps sur sa divine poitrine, où il me découvrit les merveilles de son amour et les secrets inexplicables qu’il m’avait toujours tenus cachés, jusqu’alors qu’il me l’ouvrit pour la première fois. (…) Il me demanda mon cœur, lequel je le suppliai de prendre; ce qu’il fit, et le mit dans le sien adorable, dans lequel il me le fit voir comme un petit atome qui se consumait dans cette ardente fournaise, d’où le retirant comme une flamme ardente en forme de cœur, il le remit dans le lieu où il l’avait pris en me disant : ‘Voilà, ma bien-aimée, un précieux gage de mon amour, qui renferme dans ton côté une petite étincelle de ses plus vives pour te servir de cœur et te consommer jusqu’au dernier moment”. » (Vie et œuvres de sainte Marguerite-Marie, II, p. 325 in Terrien, op. cit. p. 188. Cf aussi Raymond de Capoue, Vie de sainte Catherine de Sienne, II, c.6, p. 197)

61 — « Ego vivo, et vos vivetis. » (Jn 14/19)

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nous. (…) Qu’ils soient un, comme nous aussi nous sommes un. Que je sois en eux, et vous en moi ; qu’ils soient consommés dans l’unité 62. »

Communion

Cette consécration conduit à la communion et à la glorification dans l’unité de la charité dès ici-bas. L’âme unie ainsi au Sacré-Cœur vit avec lui, coopère à l’accomplissement de sa gloire. Elle a part à l’acte de sa miséricordieuse création, rédemption et sanctification.

Vivre le mystère du Sacré-Cœur, c’est agir avec lui, restaurer son règne dans la famille, dans l’éducation, dans l’économie, dans la culture, dans la cité. L’homme consacré devient son auxiliaire pour créer la grâce et vivifier les âmes, dans l’acte divin de la rédemption perpétuée, dans l’acte divin de sanctification.

✩ ✩

« Vous voulez donc que je vous dise pourquoi et comment on doit aimer Dieu ? Je réponds brièvement : « La raison pour laquelle on aime Dieu, c’est Dieu lui- même ; et la mesure de cet amour, c’est de l’aimer sans mesure 63. » Aimer Dieu, cela semble bien abstrait. « Dieu, personne ne l’a jamais vu 64. » C’est pourquoi Dieu s’est incarné et a rendu son amour visible. L’amour de Dieu s’est rendu sensible et visible dans le cœur de Jésus.

Actuellement vivant dans la gloire, il est le symbole de toute la vie intérieure du Christ (affectivité sensible, charité adoratrice, expiatrice et miséricordieuse), symbole enfin de l’amour divin. Par lui, nous pénétrons jusqu’au cœur de la Trinité.

Mais ce cœur est plus qu’un symbole. Il est le Verbe même de Dieu, qui constitue « avec » lui une seule réalité subsistante. C’est pourquoi le culte du Sacré- Cœur n’altère pas la pureté et la noblesse du culte divin. Le Sacré-Cœur est le Verbe de Dieu dans le mystère de son amour incarné et rédempteur, principe de la vie et de la gloire de l’Église.

A une époque où l’intelligence se pervertit et où les structures du raisonnement sont bouleversées, au moment où les esprits sont alourdis de matérialisme et incapables d’élévation spirituelle, c’est au cœur de l’homme qu’il faut désormais s’adresser. Non qu’il faille renoncer à guérir et à sanctifier l’intelligence.

Non que la réforme de l’intelligence ne soit absolument nécessaire à toute conversion.

Mais cette intelligence s’ouvrira et se sanctifiera par un regard vers le Sacré-Cœur. Le Sacré-Cœur révèle l’Amour trinitaire, l’Amour incarné et sauveur, l’Amour qui

62 — « Ut omnes unum sint, sicut tu, Pater, in me, et ego in te, ut et ipsi in nobis unum sint. (…) Ut sint unum, sicut et nos unum sumus. Ego in eis, et tu in me : ut sint consummati in unum. » (Jn 17/21-23) 63 — Saint Bernard, Traité de l’amour de Dieu, ch.1, trad. Albert Béguin, Seuil, p. 29.

64 — « Deum nemo vidit unquam. » (I Jn 4/12)

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vivifie l’Église et qui s’y donne, l’Amour qui sauve et qui divinise les plus humbles réalités de ce monde, l’Amour qui fonde et qui restaure la civilisation.

C’est pourquoi le Christ, sans ajouter à la Révélation, close à la mort de l’apôtre saint Jean, a fait découvrir à son Église le trésor que ce même saint Jean lui avait déjà légué. L’Église est issue du Sacré-Cœur. Dans l’illumination et le sacrifice, elle accomplit ce mystère et retourne à la source d’où elle est issue 65.

En route vers la gloire du ciel, vers la louange éternelle, vers l’eucharistie éternelle : « Je monte vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu 66. » L’épouse resplendit de la gloire de l’époux : elle est revêtue de grâce et de beauté en sa présence. Elle gravit la montagne sainte et elle y demeure. Il lui révèle les divines perfections, il la plonge dans l’atmosphère divine, là où il n’y a ni temps, ni lieu.

✩ ✩

Prière pour les prêtres

« Domine Iesu, Redemptor noster amantissime et Sacerdos in æternum, nos supplices tuos, quos appellare amicos et sacerdotii tui participes facere dignatus es, propitius respice. Tui sumus, tui perpetuo esse volumus, ideo sacratissimo Cordi tuo, quod tamquam unicum salutis perfugium laboranti humano generi ostendisti, dedicamus nos hodie totos et addicimus. Tu, qui sacerdotibus, Cordis tui cultoribus, uberes divini ministerii fructus promisisti, fac nos, quæsumus, idoneos in vinea tua operarios, vere humiles et mites, spiritu devotionis et patientiæ plenos, ita flagrantes amore tui, ut eumdem caritatis ignem in animis fidelium excitare et fovere non cessemus. Nostra igitur corda incendio tui Cordis innova, ut iam nihil aliud studeamus, quam tuam promovere gloriam et animas tibi lucrari, quas pretioso sanguine redemisti. Miserere, Pastor bone, præsertim sacerdotum, fratrum nostrorum, si qui ambulantes in vanitate sensus sui te et dilectam Sponsam tuam, Ecclesiam, lacrimabili defectione contristarunt. Concede nobis ad tuum complexum eos reducere, aut certe ipsorum expiare delicta, resarcire damna et dolorem, quo te afficiunt, amoris nostri consolatione minuere. Sine denique, te quisque nostrum exoret his Augustini verbis : O dulcis Iesu, vivas tu in me et concalescat spiritu meo vivus carbo amoris tui, et excandescat in ignem perfectum ; ardeat iugiter in ara cordis mei, ferveat in medullis meis, flagret in absconditis animæ meæ ; in die

65 — « In exitu creaturarum a primo principio attenditur quædam circulatio vel regiratio, eo quod omnia revertuntur sicut in finem in id a quo sicut principio prodierunt. » « Dans la provenance des créatures à partir du premier principe, il y a comme une circulation ou encore un retour, du fait que toutes choses reviennent comme à leur fin vers le principe d’où elles sont issues. » (I Sent., d. 14, q. 2, a. 2)

66 — « Ascendo ad Patrem meum, et Patrem vestrum, Deum meum et Deum vestrum. » (Jn. 20/17)

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consummationis meæ consummatus inveniar apud te, qui cum Patre et Spiritu Sancto vivis et regnas in sæcula sæculorum. Amen 67. »

Seigneur Jésus, notre très aimant Rédempteur et grand Prêtre éternel, nous vous supplions de regarder favorablement ceux que vous avez daigné appeler vos amis et que vous rendez participants de votre sacerdoce. Nous sommes à vous, nous voulons être continuellement à vous, c’est pourquoi, à votre Sacré-Cœur, que vous avez désigné au genre humain éprouvé comme l’unique refuge salutaire, nous nous consacrons et dévouons aujourd’hui tout entiers.

Vous qui avez promis aux prêtres qui honoreraient votre Cœur les fruits abondants du divin ministère, rendez-nous, nous vous en prions, aptes à travailler à votre vigne, vraiment doux et humbles, remplis de l’esprit de dévotion et de patience, et tellement embrasés de votre amour que nous ne cessions de susciter et d’entretenir dans les âmes de vos fidèles le feu de ce même amour. Renouvelez donc nos cœurs par l’embrasement de votre Cœur, pour que désormais nous ne recherchions rien d’autre que de promouvoir votre gloire et de vous gagner les âmes que vous avez rachetées par votre précieux sang. Ayez surtout pitié, bon Pasteur, de nos frères prêtres qui, suivant l’illusion de leur propre sentiment, vous ont, par une lamentable défection, contristé ainsi que votre épouse bien-aimée, la sainte Église. Accordez-nous de les ramener dans votre giron ou, du moins, d’expier leurs transgressions, de réparer leurs torts et d’atténuer, par la consolation de notre amour, la douleur qu’ils vous causent.

Permettez enfin que chacun de nous vous implore avec ces paroles de saint Augustin : « O doux Jésus, vivez en moi ! Que le feu de votre amour réchauffe mon âme, que véritablement il l’embrase ; qu’il brûle toujours sur l’autel de mon cœur, pénétrant, enflammant mes entrailles jusqu’au plus intime de moi-même ; et qu’ainsi, au jour de ma consommation, je sois trouvé consumé auprès de vous, qui, avec le Père et l’Esprit-Saint, vivez et régnez dans les siècles des siècles. Amen ».

67 — S.P.A. 24/10/1935 – Bréviaire Romain, éd. Desclée, 1942, p. 275.

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