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Bilinguisme et traduction : aperçu de la gestion des interférences dans la perspective de la traduction

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Master

Reference

Bilinguisme et traduction : aperçu de la gestion des interférences dans la perspective de la traduction

ALEXANDER, Mélanie Nais

Abstract

Le bilingue dispose de l'étonnante capacité de pouvoir utiliser deux langues sans pour autant les confondre. Ce travail présente le phénomène du bilinguisme et les mécanismes utilisés par le cerveau pour gérer la coexistence de deux langues. Il permet également de mieux comprendre comment le cerveau bilingue parvient à limiter les interférences que la connaissance de deux langues risque inévitablement de provoquer. Les connaissances exposées sont ensuite mises à profit pour formuler des suggestions permettant de mieux tenir compte du fonctionnement du cerveau bilingue dans l'enseignement et la pratique de la traduction.

ALEXANDER, Mélanie Nais. Bilinguisme et traduction : aperçu de la gestion des interférences dans la perspective de la traduction. Master : Univ. Genève, 2011

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:15895

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Mélanie Alexander

Bilinguisme et traduction : aperçu de la gestion des interférences dans la perspective de la traduction

Mémoire présenté à l’École de traduction et d’interprétation pour l’obtention du Master en traduction, mention traduction spécialisée

Directrice de mémoire : Mme Mathilde Fontanet

Jurée :

Prof. Hannelore Lee-Jahnke

Université de Genève

janvier 2011

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Remerciements

Je tiens tout d’abord à remercier Mme Fontanet et Mme Lee-Jahnke pour leur disponibilité et l’intérêt qu’elles ont porté à mon travail.

Je souhaite également remercier mon père, qui a contribué à éveiller ma curiosité pour ce sujet, et ma mère, qui a toléré mon exposition presque permanente de livres dans son salon.

Enfin, je tiens également à remercier Julien Chouquet, qui m’a aidée dans ma recherche documentaire, ainsi que toutes les personnes de mon entourage qui m’ont soutenue tout au long de la rédaction de ce mémoire.

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Introduction

Le cerveau est un organe à la fois mystérieux et fascinant. Centre de l’intelligence humaine, il ne cesse d’étonner les chercheurs par sa complexité et sa multitude de capacités. Depuis plusieurs siècles, les scientifiques étudient cette merveille de la nature et apprennent à mieux la comprendre. Il reste pourtant encore de nombreux points à éclaircir. L’étude du fonctionnement des langues dans le cerveau est plus récente et ce n’est que depuis quelques décennies, avec le développement des techniques d’imagerie médicale, que les chercheurs ont véritablement pu progresser dans ce domaine. Toutefois, un grand nombre de théories sont encore fondées sur des hypothèses qui restent à confirmer par des démonstrations pratiques. La recherche neurolinguistique a donc encore de beaux jours devant elle. Aussi peut-il paraître ambitieux d’aborder un tel sujet au terme d’études de traduction, sans avoir pratiquement aucune connaissance préalable en la matière. Notre ambition, par ce travail, n’est bien entendu pas de devenir experte en neurolinguistique, mais avant tout de comprendre dans les grandes lignes ce qui se passe dans le cerveau du bilingue et de rendre ce sujet plus accessible. C’est pourquoi, tout au long de notre travail, nous ne nous attarderons pas sur les considérations scientifiques ou techniques mais nous concentrerons sur les conclusions des chercheurs plutôt que sur les démarches qu’ils ont réalisées pour y parvenir.

Nous sommes convaincue que l’intérêt que nous portons à ce sujet constitue la meilleure des motivations. En effet, à l’origine de ce mémoire se trouve avant tout une curiosité certaine, car nous nous sommes toujours demandé comment le cerveau humain pouvait, sans grande difficulté apparente, distinguer plusieurs langues, passer de l’une à l’autre et traduire.

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Tout au long de nos études à l’ETI, nous avons appris à traduire et étudié les théories de la traduction. Alors que les différentes hypothèses traductologiques sur le processus de traduction nous ont été présentées, la neurolinguistique a, quant à elle, à peine été évoquée.

Or, nous considérons qu’il peut être très enrichissant pour un traducteur de comprendre ce qui se passe concrètement dans son cerveau lorsqu’il traduit, ou simplement lorsqu’il utilise une de ses langues. Nous nous demandons également si les enseignants en traduction ne devraient pas davantage s’intéresser au fonctionnement du cerveau pour pouvoir optimiser la formation des traducteurs en tenant compte des réalités biologiques.

Si les enseignants de langues se tournent de plus en plus vers les connaissances scientifiques pour améliorer les techniques d’apprentissage des langues, les connaissances en neurolinguistique du bilinguisme ne sont encore que très peu exploitées dans le domaine de la traduction. Bien que la traductologie puisse être utile aux futurs traducteurs, nous trouvons regrettable qu’elle constitue la seule base de leur formation théorique.

Aussi souhaiterions-nous tirer quelques conclusions de notre travail de recherche, de manière à proposer, en toute humilité, quelques pistes pour l’enseignement de la traduction et déterminer si certains facteurs pourraient prédisposer un bilingue à la traduction.

Notre travail sera composé de cinq parties. La première sera consacrée à la neurolinguistique car il nous semble indispensable d’exposer l’état des connaissances dans ce domaine avant de nous intéresser au bilinguisme en particulier. Dans cette première partie, nous consacrerons également une section à la mémoire, qui joue un rôle non négligeable dans le bilinguisme. La deuxième et la troisième parties traiteront respectivement du bilinguisme et de sa gestion dans le cerveau bilingue. Après avoir présenté la notion de bilinguisme, nous exposerons les connaissances actuelles relatives aux mécanismes permettant au bilingue de séparer ses langues, de passer de l’une à l’autre et de traduire. La quatrième partie de notre travail sera consacrée à l’influence que les

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langues peuvent avoir les unes sur les autres dans le cerveau du bilingue et aux interférences qui peuvent en découler. Enfin, dans la dernière partie de notre travail, nous partirons des connaissances exposées dans les quatre autres parties pour proposer des réponses aux questions suivantes : Le parcours linguistique d’un bilingue peut-il avoir une influence sur ses capacités à traduire et sur les difficultés qu’il rencontre pour limiter les interférences de la langue source ? Comment l’enseignement de la traduction peut-il tenir compte du fonctionnement du cerveau du traducteur ? Et enfin, au regard de nos conclusions, quelles remarques pouvons-nous formuler quant à l’enseignement de la traduction à l’ETI ?

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1. Quelques notions de neurolinguistique

1.1 Petit rappel de connaissances

Compte tenu du caractère particulièrement technique de notre sujet, nous jugeons utile d’exposer quelques notions fondamentales d’anatomie et de biologie avant de commencer notre travail à proprement parler afin d’en faciliter la compréhension1.

Le cerveau est le centre de contrôle de notre corps : grâce à lui, nous pouvons penser, parler, ressentir des émotions, bouger et accomplir des tâches dont nous ne sommes même pas conscients, comme faire fonctionner nos organes vitaux.

Le cerveau comporte deux hémisphères, qui occupent chacun une moitié de la boîte crânienne. Chaque hémisphère régit un côté du corps humain (le côté opposé) par l’intermédiaire du système nerveux, un vaste réseau de nerfs qui permet de relier tous les points du corps aux neurones, qui se situent dans le cerveau. Les neurones sont des cellules comme les autres, avec une membrane cellulaire et un noyau, mais ils comportent en sus deux types d’extension, qui leur permettent de transmettre les influx nerveux : d’une part, les dendrites, qui recueillent les informations pour les acheminer au neurone et, d’autre part, l’axone, qui permet au neurone de les transmettre à un autre neurone ou à tout autre type de cellule. La connexion entre deux neurones s’appelle une synapse. En réalité, les neurones ne se

1Les connaissances exposées dans cette section sont tirées du site internet http://lecerveau.mcgill.ca/ (section intitulée « Du simple au complexe ») et du chapitre 2 du livre Language and the Brain de L. K. OBLER et K. GJERLOW.

Figure A : un neurone source : http://lecerveau.mcgill.ca

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touchent pas pour communiquer, mais utilisent des neurotransmetteurs qui sont des molécules libérées par le neurone.

La surface du cerveau prend la forme de replis sinueux. Ces creux et bosses sont appelés respectivement sillons ou scissures et gyrus. Les principales scissures permettent de diviser le cerveau en quatre lobes externes : le lobe frontal, le lobe pariétal, le lobe occipital et le lobe temporal. Un cinquième lobe, le lobe limbique, se situe plus à l’intérieur du cerveau, entre les lobes temporaux, pariétaux et occipitaux.

1.2 Neurolinguistique et évolution des techniques

La neurolinguistique, comme son nom l’indique, est une discipline qui regroupe la neurologie et la linguistique. Elle est née du besoin de mieux comprendre comment les fonctions liées au langage s’organisent dans le cerveau afin de pouvoir traiter les troubles du langage2. Néanmoins, les applications de cette discipline vont bien au-delà et les connaissances qu’elle nous apporte peuvent influencer des domaines aussi variés que la psychologie, la médecine et l’enseignement.

L’intérêt porté au fonctionnement du langage et aux pathologies qui y sont liées n’est pas récent. En effet, en 3000 avant J.-C. déjà, un scribe égyptien remarquait qu’une blessure du crâne pouvait faire perdre l’usage de la parole et, au Ve siècle avant J.-C., c’était au tour

2L. K. OBLER et K. GJERLOW, Language and the Brain, 1999, p.1

Figure B : les lobes du cerveau humain source : http://www.futura-sciences.com

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d’Hippocrate de faire des observations similaires3. Toutefois, ce n’est qu’au XIXe siècle, avec le développement des techniques médicales, que la neurolinguistique prend véritablement son essor, notamment grâce au médecin français Paul Broca, qui, en 1861, parvient à localiser un « centre du langage », situé dans le lobe frontal de l’hémisphère gauche4. Cette découverte est suivie en 1874 par celle du neurologue allemand Carl Wernicke, qui distingue un deuxième centre du langage dans une région plus postérieure du cerveau5. Cette zone, par opposition à l’aire de Broca, présentée comme le « centre de l’expression », est liée à la compréhension. Les découvertes de ces deux chercheurs donnent une impulsion au courant localisationniste, qui soutient que les différentes fonctions cérébrales sont localisées dans des zones précises du cerveau, s’opposant aux théories globalistes, qui veulent que toutes les fonctions cérébrales soient liées6.

Il va sans dire que l’avancée des connaissances en neurolinguistique a toujours été limitée par les techniques à disposition. Jusqu’au milieu du XXe siècle, les connaissances en neurolinguistique se fondaient exclusivement sur l’observation de patients souffrant de lésions cérébrales et, plus particulièrement, ceux atteints d’aphasie, autrement dit de troubles du langage liés à une atteinte cérébrale. Il existe de nombreux types d’aphasies et les troubles qu’elles engendrent sont très variés, allant de la perte totale de la parole à des déficits plus ou moins sévères de la compréhension ou de l’expression7. Pendant longtemps, les chercheurs n’ont pas eu d’autre possibilité que d’observer le lien entre la localisation des lésions cérébrales et les troubles dont les patients étaient atteints pour comprendre l’organisation des fonctions liées au langage.

3J.-J. FELDMEYER, Cerveau et pensée : la conquête des neurosciences, 2002, p. 188.

4Ibid.,p.187.

5Ibid.,p.189.

6Ibid., p.191.

7F. FABBRO, The Neurolinguistics of Bilingualism : An Introduction, 1999, chapitre 5.

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Par la suite, de nouvelles techniques ont permis de distinguer de manière plus sûre les fonctions liées à l’hémisphère droit de celles liées à l’hémisphère gauche. Dans les années 1960, le test de Wada, consistant à injecter un anesthésique dans une des artères carotides, a permis d’effectuer des tests où le patient n’avait accès qu’à l’un de ses hémisphères8. Des techniques utilisant des stimuli auditifs ou visuels ont également été utilisées, exploitant le fait que l’œil et l’oreille droits ont des connexions plus importantes avec l’hémisphère gauche, et vice-versa. Enfin, l’observation de patients « split-brain », c’est-à-dire dont les connexions entre les deux hémisphères ne sont plus possibles, a également apporté de précieuses connaissances9. C’est aussi à cette époque qu’a été utilisée pour la première fois la technique de la stimulation électrique du cortex, qui consiste à stimuler différentes régions du cerveau par le biais d’ondes électriques (le cerveau ne contenant pas de récepteurs de la douleur) et d’observer les conséquences sur la parole. Cette technique a par la suite été développée et a permis aux chercheurs de beaucoup avancer dans la recherche sur le cerveau, bien que les résultats soient limités du fait du manque de précision des zones activées10. Cependant, ce n’est que récemment, avec le développement des techniques d’imagerie médicale, telles que l’imagerie par résonnance magnétique fonctionnelle (fIRM), la tomodensitométrie (scanner) ou la tomographie par émission de positons (PET) que l’on a véritablement été en mesure d’observer ce qui se passe à l’intérieur du cerveau au moment même où il accomplit une tâche. Enfin, de nouvelles technologies permettant de mesurer l’activité électrique du cerveau, notamment l’électroencéphalographie (EEG), sont également aujourd’hui largement utilisées par la recherche neurolinguistique11.

8http://lecerveau.mcgill.ca/flash/capsules/outil_bleu19.html

9L. K. OBLER et K. GJERLOW, op. cit., pp. 29-32.

10F. FABBRO, op. cit., pp. 64-67.

11Ibid.,pp. 62-64.

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1.3 Fonctionnement général du langage

Comme nous l’avons énoncé précédemment, les premières avancées significatives en termes de localisation des aires du langage ont été les découvertes des aires de Broca et de Wernicke, qui interviennent respectivement dans la production du langage et dans sa compréhension. Bien que la recherche ait démontré depuis qu’elles ne sont pas les seules aires responsables du langage, il est largement admis que ces deux régions cérébrales jouent un rôle central dans le processus de production et de compréhension du langage. Autour du sillon central de l’hémisphère gauche se trouve une boucle de fibres nerveuses appelée faisceau arqué. C’est à son extrémité frontale que se trouve l’aire de Broca. L’aire de Wernicke, quant à elle, se situe à l’autre extrémité du faisceau arqué, dans la partie supérieure et postérieure du lobe temporal12.

Dans les années 1960, le neurologue américain Norman Geschwind découvre l’importance d’une autre zone : le lobule pariétal inférieur. Celle-ci est connectée par des fibres nerveuses à la fois à l’aire de Broca et à celle de Wernicke. De plus, elle se situe à l’intersection des cortex auditifs, visuels et somatosensoriels (cf. annexes, figure N). Le lobule pariétal inférieur joue un rôle fondamental dans l’identification des mots et concepts (leurs caractéristiques, leur aspect visuel etc.)13. C’est donc dans cette zone du cerveau que sont sélectionnés les mots à utiliser en fonction de leur signification. Parmi les autres zones

12http://lecerveau.mcgill.ca/flash/d/d_10/d_10_cr/d_10_cr_lan/d_10_cr_lan.html

13http://lecerveau.mcgill.ca/flash/i/i_10/i_10_cr/i_10_cr_lan/i_10_cr_lan.html Figure C : les aires de Broca et de Wernicke

source : http://lecerveau.mcgill.ca

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qui jouent un rôle dans le langage, on peut citer certaines régions préfrontales, qui se chargent de la cohérence logique du discours, ainsi que différentes régions à la base du lobe frontal et dans la partie inférieure du lobe temporal qui interviennent dans le classement des mots en catégories (verbes, noms propres, noms d’objets etc.)14.

Chez la majorité des individus, les principaux centres du langage se situent dans l’hémisphère gauche. En utilisant le test de Wada, les chercheurs ont montré que 92 à 96%

des droitiers étaient latéralisés à gauche en ce qui concerne le langage15. Pour ce qui est des gauchers, les résultats des études divergent, mais on sait qu’un certain nombre d’entre eux sont latéralisés à gauche et que les autres sont soit latéralisés à droite, soit ambilatéraux à divers degrés. En d’autres termes, leurs fonctions du langage sont réparties entre les deux hémisphères. Même chez les personnes qui font partie de la catégorie la plus répandue, l’hémisphère droit a un rôle à jouer dans la production et la compréhension du langage. En effet, c’est dans cet hémisphère que se situe la fonction pragmatique ainsi que le centre des émotions, qui sont tous deux indispensables à la communication16. Privé de son hémisphère droit, un individu latéralisé à gauche serait incapable d’interpréter le sens d’un message en fonction de son contexte ou de saisir l’ironie.

Dans les années 1960-1970, Norman Geschwind propose un premier modèle d’organisation du langage, inspiré de ses propres recherches et de celles de Wernicke, d’où son nom de modèle Wernicke-Geschwind. Ce modèle part du principe que le langage est organisé en une série de modules correspondant chacun à une aire et à une fonction et qui forment une chaîne différente selon qu’il s’agit d’écouter, de lire, de parler ou d’écrire17.

14http://acces.inrp.fr/acces/ressources/neurosciences/neuro_apprentiss_2/cas_langage/structures_langage/stru ctures_langage

15http://lecerveau.mcgill.ca/flash/i/i_10/i_10_cr/i_10_cr_lan/i_10_cr_lan.html

16Ibid.

17Ibid.

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Les circuits suivants sont ainsi décrits :

• L’écoute : l’information est tout d’abord perçue par le cortex auditif, qui la transmet à l’aire de Wernicke. Celle-ci se charge alors d’associer les sons entendus à un mot conservé en mémoire.

• La lecture : le mot est traité par le cortex visuel puis est transmis au gyrus angulaire (situé dans le lobule pariétal inférieur) qui en déchiffre l’orthographe et lui attribue certaines caractéristiques. Enfin, le mot passe par l’aire de Wernicke, qui l’associe avec la forme auditive correspondante.

• La parole : le point de départ de l’information est l’aire de Wernicke, où est sélectionné le mot, qui passe ensuite par l’aire de Broca, laquelle planifie l’élocution du mot et transmet l’information au cortex moteur.

• L’écriture : l’information sélectionnée par l’aire de Wernicke passe par le gyrus angulaire, qui lui associe une forme écrite. Celle-ci est ensuite transmise à l’aire de Broca, qui se charge d’ordonner les tâches motrices nécessaires à l’écriture du mot.

Ce modèle a cependant ses limites, puisqu’il suppose que chaque étape ne peut être réalisée qu’une fois la précédente achevée, ce qui s’est révélé être inexact18. Dans les années 1980, le neurologue Marsel Mesulam élabore un modèle « en réseau » où l’information est traitée par paliers de complexité. Selon ce modèle, plus l’information est complexe, plus elle devra

18Ibid.

Figure D : le circuit du langage dans une conversation selon le modèle Wernicke-

Geschwind

source : http://lecerveau.mcgill.ca

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passer par un nombre important de zones en amont des aires de Broca et de Wernicke, qui constituent les deux « épicentres » du traitement sémantique19. Ce modèle réintroduit l’idée qu’une région cérébrale n’est pas nécessairement attachée à une seule fonction et que les connexions entre les différentes régions dépendent de la tâche à effectuer. À l’heure actuelle, certains spécialistes ont tendance à préférer l’hypothèse d’une organisation du langage distribuée sur différentes aires qui travaillent en parallèle et interagissent par le biais d’assemblées neuronales.

1.4 Mémoire et apprentissage

La mémoire est la capacité qui nous permet de conserver et de restituer des souvenirs.

Notre connaissance du monde étant basée sur l’expérience et l’apprentissage, c’est une faculté indispensable à l’espèce humaine. Lorsque l’on parle de langue, la mémoire est également incontournable, car c’est elle qui nous permet d’apprendre et de pouvoir réutiliser les mots, les règles de syntaxe et toutes les autres composantes d’une langue, qu’il s’agisse de notre langue maternelle ou d’une langue seconde.

Jusqu’au milieu du XXe siècle, on se représentait la mémoire comme un ensemble de souvenirs flottant à la surface du cerveau ou enfouis dans ses profondeurs et auxquels on pouvait accéder avec plus ou moins de facilité. Ce n’est que dans les années 1950 que le neurochirurgien canadien Wilder Penfield a réussi à localiser la mémoire dans les lobes temporaux en employant la technique de la stimulation électrique du cerveau20. C’est en réalité la partie interne des lobes temporaux, appelée hippocampe à cause de sa forme similaire à celle de l’animal marin du même nom, qui joue un rôle central dans le processus de la mémoire. Les souvenirs ne sont pas pour autant localisés dans

19http://lecerveau.mcgill.ca/flash/a/a_10/a_10_cr/a_10_cr_lan/a_10_cr_lan.html

20J-J. FELDMEYER, op. cit., pp. 210-211.

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l’hippocampe ; il est vrai qu’il tient une place centrale dans leur « encodage » mais leurs traces sont ensuite dispersées en divers endroits du cortex. L’hippocampe n’est d’ailleurs pas seul responsable de la mémoire, car d’autres structures, telles que l’amygdale (qui joue un rôle dans le contrôle des émotions) ou le thalamus, sont également impliquées (cf.

annexes, figure O)21.

On peut distinguer la mémoire à court terme et la mémoire à long terme. La mémoire à court terme est celle qui nous permet de retenir temporairement une information (pas plus d’une minute), par exemple une liste de mots. Une fois ce court laps de temps écoulé, l’information est oubliée si nous ne faisons pas d’effort conscient pour nous la rappeler. Ce type de mémoire sollicite des régions du lobe préfrontal et ne passe pas par l’hippocampe, puisque le travail d’encodage du souvenir n’est pas nécessaire22. Cette mémoire est celle employée lors de la traduction à vue ou de l’interprétation consécutive. Ce n’est cependant pas celle qui nous intéresse dans notre travail et nous ne nous attarderons pas dessus.

La mémoire à long terme correspond à la mémoire telle qu’on l’entend au sens courant.

C’est celle qui nous permet de retenir les événements passés, les connaissances apprises, les habiletés manuelles et bien plus encore. La mémoire à long terme semble disposer d’une capacité de stockage illimitée qui, chez une personne en bonne santé, ne diminue qu’avec l’âge. Plusieurs types de mémoires sont inclus dans la mémoire à long terme23. On peut tout d’abord distinguer la mémoire explicite (ou déclarative) et la mémoire implicite (ou non-déclarative). La mémoire explicite comprend ce dont nous pouvons nous souvenir consciemment et ce que nous pouvons décrire. Elle inclut la mémoire épisodique, en d’autres termes le souvenir des événements vécus, ainsi que la mémoire sémantique qui

21Ibid., pp.215-216.

22http://lecerveau.mcgill.ca/flash/d/d_07/d_07_cr/d_07_cr_tra/d_07_cr_tra.html

23http://lecerveau.mcgill.ca/flash/a/a_07/a_07_p/a_07_p_tra/a_07_p_tra.html

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correspond à nos connaissances du monde (le sens des mots, la fonction des choses, les concepts etc.).

La mémoire implicite, par opposition à la mémoire explicite, contient tout ce que nous ne pouvons pas décrire. Elle se divise

elle aussi en plusieurs sous-catégories : la mémoire procédurale (les habiletés, les actes que nous exécutons de manière automatique), les conditionnements émotionnels, les réflexes conditionnés et l’effet d’amorçage (un phénomène de facilitation qui survient lorsque nous avons préalablement accès à des informations pertinentes dans le contexte, comme, par exemple, une identification plus rapide du mot « maîtresse » lorsqu’il est précédé du mot

« école » ou la reconnaissance plus rapide d’un terme auquel nous avons déjà été confrontés24.

La notion d’apprentissage est indissociable de celle de mémoire. En effet, l’apprentissage est le processus qui consiste à conserver des informations en passant par une modification de la structure cérébrale, tandis que la mémoire est la capacité de faire ressurgir ces informations25. Ainsi, si la mémoire n’existait pas, tout apprentissage serait par définition inutile. L’inverse est également vrai puisque c’est à partir de l’apprentissage que la mémoire se construit. Si la répétition constitue l’un des moyens les plus efficaces pour conserver une information en mémoire, il ne faut pas perdre de vue que la mémoire humaine est avant tout associative26. Contrairement à l’idée que l’on peut se faire de la

24J.-J. FELDMEYER, op. cit., p. 223.

25http://lecerveau.mcgill.ca/flash/i/i_07/i_07_p/i_07_p_tra/i_07_p_tra.html

26Ibid.

Figure E : la mémoire à long terme source : http://lecerveau.mcgill.ca

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mémoire, celle-ci ne fonctionne pas comme une archive de données. Chaque fois que nous apprenons quelque chose, un certain nombre de neurones forment de nouvelles connexions, modifiant de manière infime les circuits nerveux de notre cerveau27. Prenons l’exemple de l’apprentissage d’un nouveau mot dans une langue

étrangère. Un groupe de neurones va établir des connexions correspondant à ce mot en particulier et à ses caractéristiques (orthographe, prononciation, représentation, fonction et ainsi de suite). Si ce mot n’est plus employé par la suite, les connexions vont s’affaiblir et finir par totalement s’effacer, provoquant son oubli complet. En revanche, si le mot est régulièrement entendu ou employé, les connexions correspondantes vont se renforcer et le mot deviendra de plus en plus facile d’accès. Puisque la mémoire fonctionne par association, il lui est plus facile de retenir une information si elle peut la rattacher à un élément déjà

acquis, car les neurones pourront également établir des connexions avec ce dernier. Si l’on reprend l’exemple de notre mot, il est plus facile d’apprendre un verbe dans une langue étrangère lorsque nous connaissons déjà le substantif correspondant. Le terme « plasticité » désigne la capacité du cerveau de modifier ses structures au fur et à mesure de l’apprentissage28. Il semblerait que le cerveau de l’enfant possède une meilleure plasticité que celui de l’adulte, ce qui expliquerait la plus grande facilité d’apprentissage des plus jeunes.

27http://lecerveau.mcgill.ca/flash/d/d_07/d_07_cl/d_07_cl_tra/d_07_cl_tra.html

28http://lecerveau.mcgill.ca/flash/i/i_07/i_07_cl/i_07_cl_tra/i_07_cl_tra.html

Figure F : la formation d'un réseau de neurones

source : http://lecerveau.mcgill.ca

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2. Le bilinguisme

2.1 Définition du bilinguisme

Avant tout chose, il nous semble indispensable de définir ce que nous entendons par le terme « bilinguisme ». Cette notion peut en effet désigner un large éventail de capacités linguistiques. Dans l’esprit collectif, le bilingue est une personne qui maîtrise parfaitement deux langues (ou plus). Cependant, cette définition n’apporte aucune clarification si l’on ne répond pas préalablement à la question suivante : qu’est-ce que la maîtrise parfaite d’une langue ? Il va sans dire que, dans le sens strict du terme, la maîtrise « parfaite » d’une langue ne peut jamais être atteinte. On a donc tendance à considérer que la maîtrise de la langue maternelle correspond à une maîtrise parfaite de la langue. Pourtant, là encore, il subsiste des différences considérables entre locuteurs d’une même langue. De plus, la notion de langue maternelle n’est elle non plus pas clairement définie. Dans un contexte unilingue, il s’agit de la première langue apprise par un enfant, qui correspond généralement à la langue parlée par les parents. Dans un contexte plurilingue, la distinction entre langue maternelle et langue seconde est plus difficile à établir et plusieurs questions doivent préalablement être examinées. Peut-on avoir plusieurs langues maternelles ? Le cas échéant, comment établir les critères pour déterminer si une langue peut être considérée comme une langue maternelle (degré d’exposition, âge d’apprentissage, maîtrise et ainsi de suite) ? Comme nous pouvons le constater, il n’est pas si aisé de donner une définition du bilinguisme.

Tout au long du XXe siècle, les bilingues étaient considérés comme des cas d’exception et, aujourd’hui encore, beaucoup sont convaincus qu’ils ne représentent qu’une minorité de la population. Pourtant, en 1982, le psycholinguiste François Grosjean estimait que les

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bilingues constituaient déjà plus de 50% de la population29. Or, en tenant compte de facteurs tels que la mondialisation et le brassage des cultures, on peut sans risque affirmer que cette proportion n’a fait qu’augmenter depuis. Comment peut-on expliquer une telle divergence de point de vue ? Tout d’abord, par l’absence de définition précise de la notion de bilinguisme, précédemment évoquée. La deuxième explication est d’ordre politique30. En effet, dans l’esprit collectif, la notion de langue est trop souvent rattachée à celle d’État et le rôle des langues non officielles, autrement dit des dialectes, est souvent minimisé sous bien des aspects. Le bilinguisme en est un exemple car on oublie souvent que les personnes parlant une langue et un dialecte, voire deux dialectes, sont des bilingues au même titre que les autres. Enfin, dans le domaine médical, les études de cas d’aphasie chez des sujets bilingues n’ont pendant longtemps constitué qu’une très faible proportion des cas étudiés.

L’explication est simple : bien souvent, les neurologues ne prenaient pas la peine de se renseigner sur le passé linguistique de leurs patients et partaient du principe que ces derniers parlaient uniquement la langue du milieu hospitalier dans lequel ils étaient soignés, s’ils ne manifestaient pas de signes permettant de supposer qu’ils avaient, ou du moins avaient eu, des connaissances dans d’autres langues. Ainsi, de nombreux patients présentés comme des monolingues dans les études sur l’aphasie étaient sans doute des bilingues

« passés inaperçus ».

Aujourd’hui, les neurologues sont conscients que la réalité est tout autre puisque les bilingues semblent être devenus la norme plutôt que l’exception. Preuve en sont les difficultés rencontrées par les chercheurs pour trouver de « vrais » monolingues pour participer à leurs études comparatives31.

29F. GROSJEAN, Life with Two Languages: An Introduction to Bilingualism, 1982, cité d’après F. FABBRO.

30Explication proposée par F. FABBRO, op. cit., chapitre 11.

31F. FABBRO, op. cit., p. 105.

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Les linguistes ne s’accordant pas toujours sur la définition du bilinguisme, ils ont distingué différents types de bilingues en se basant sur divers critères. Une des distinctions que l’on retrouve le plus souvent dans la littérature tient compte de l’âge d’apprentissage de la langue seconde (L2). Elle suppose l’existence d’un âge critique qui constituerait la limite entre deux types de bilingues : les bilingues « précoces » ou « naturels » (early bilinguals en anglais) et les bilingues « tardifs » (late bilinguals en anglais)32. La section qui suit sera consacrée à cette distinction. Un autre critère est celui du niveau de compétence de la L233. Ainsi, les bilingues « équilibrés » (balanced bilinguals) maîtrisent leur L2 aussi bien que leur langue maternelle (L1) tandis que les bilingues « dominants » (dominant bilinguals) ont une langue plus forte que l’autre34. Naturellement, un bilingue ne peut jamais avoir un niveau de compétence strictement identique dans deux langues : d’une part, du fait des différences qui existent entre les langues et, d’autre part, parce que ses compétences évoluent constamment. Lorsque l’on parle de bilingues équilibrés, il s’agit donc de bilingues ayant une maîtrise comparable de leurs deux langues et qui ont généralement eux-mêmes le sentiment d’avoir un niveau « égal » dans leurs deux langues.

D’autres critères, tels que le degré d’exposition, le contexte d’apprentissage, la connaissance de la culture ou la proximité des langues peuvent être appliqués pour classifier les différents types de bilingues et déterminer les personnes qui ne le sont pas.

Toutefois, notre objectif ici n’est pas de dresser une liste de tous les types de bilingues mais bien de montrer que le bilinguisme est une réalité plus complexe qu’il n’y paraît et dont les limites ne sont pas toujours bien définies.

32Ibid., p. 107.

33 Tout comme la notion de « bilinguisme », le « niveau de compétence » est une notion extrêmement large et variable qui doit prendre en compte de nombreux éléments. La maîtrise d’une langue varie sensiblement d’un individu à l’autre et ne peut être évaluée avec exactitude et de manière objective.

Dans notre travail, lorsque nous utilisons l’expression « niveau de compétence », il ne s’agit pas du niveau de compétence en soi mais du niveau de maîtrise de la L2 comparé à celui de la L1.

34F. FABBRO, op. cit., p. 107.

(21)

Si certains ont une vision très restreinte du bilinguisme, estimant que seuls les individus qui ont été dès leur naissance en contact avec deux langues et en ont une maîtrise comparable –autrement dit les bilingues précoces et équilibrés – peuvent être considérés comme tels, pour d’autres, le seul fait d’avoir des connaissances dans plusieurs langues est synonyme de bilinguisme. Citons par exemple la linguiste américaine Carol Myers-Scotton, pour qui une personne capable de tenir une conversation limitée dans plusieurs langues peut être considérée comme bilingue :

We’ll say that bilingualism is the ability to use two or more languages sufficiently to carry on a limited casual conversation35.

Comme nous l’avons vu, il n’existe pas de définition unique du bilinguisme. Dans notre travail, nous désignerons par le terme « bilingue » toute personne pouvant comprendre deux langues et s’exprimer avec aisance dans celles-ci. Cette définition exclut les personnes qui n’ont que des connaissances limitées dans une seconde langue et reste assez large pour inclure l’ensemble des sujets qui nous intéressent particulièrement, c’est-à-dire toutes les personnes qui exercent la traduction ou se destinent à l’exercer.

Par définition, le « bilinguisme » implique la présence de deux langues, par opposition au

« multilinguisme » ou « plurilinguisme », qui se rapporte à plusieurs langues. Bien que nous étudions la « cohabitation » de deux langues dans le cerveau, nous partons du principe que celui-ci fonctionne de la même manière pour une troisième ou quatrième langue (et ainsi de suite). Aussi, lorsque nous parlons de « bilingues », faisons-nous par extension allusion aux trilingues, quadrilingues etc.

35C. MYERS-SCOTTON, Multiple Voices. An Introduction to bilingualism, 2006, citée d’après M. MARIANI.

(22)

2.2 Bilingues précoces et bilingues tardifs

2.2.1 Deux types de bilingues

En 1974, le linguiste canadien Brian Harris a établi une distinction entre les bilingues

« naturels » qui, dès leur naissance, ont été élevés en présence de deux langues et, de ce fait, sont à l’aise dans deux cultures36 et les autres bilingues, qui ont acquis leur seconde langue après la première. Cette différenciation a été largement reprise par les linguistes, qui utilisent également l’expression bilingues « précoces » pour désigner les bilingues naturels, par opposition aux bilingues « tardifs », soit tous les autres bilingues.

Bien que la distinction entre bilingues précoces et bilingues tardifs soit essentiellement basée sur l’âge d’acquisition de la L2, il faut aussi tenir compte du fait qu’elle implique généralement une différence dans le contexte d’apprentissage. En effet, si les bilingues précoces acquièrent leurs deux langues dans le cadre familial, cela est rarement le cas pour les bilingues tardifs qui apprennent généralement leur L2 dans un cadre scolaire ou par immersion, par exemple lorsqu’une famille part vivre dans un pays étranger. Nous verrons par la suite que les différentes modalités d’apprentissage de la L2 peuvent jouer un rôle significatif sur le bilinguisme et ne doivent pas être négligées.

Dans l’esprit collectif, le bilinguisme précoce est souvent associé à une plus grande maîtrise de la L2. S’il est vrai que la majorité des bilingues précoces ont un niveau de compétences élevé, découlant de manière logique du fait que leur exposition à la L2 dure souvent plus longtemps et est plus intense, ce n’est pas systématiquement le cas, et les bilingues précoces ne sont pas toujours des bilingues équilibrés. Ainsi, si la grande

36B. HARRIS, « La traductologie, la traduction naturelle », in Cahiers linguistiques 3, 1974, cité d’après H. LEE-JAHNKE.

(23)

majorité des bilingues équilibrés sont des bilingues précoces, tous les bilingues précoces ne sont pas nécessairement des bilingues équilibrés.

Pour établir une distinction entre bilingues précoces et bilingues tardifs, il est indispensable de définir une limite qui marque le passage d’une catégorie à l’autre. Cette « période critique » ayant fait l’objet de nombreux débats parmi les spécialistes, nous avons décidé de lui consacrer la partie suivante.

2.2.2 L’hypothèse de la période critique

Nul besoin d’être expert en langues ou en enseignement pour constater que les enfants ont beaucoup plus de facilité que les adultes à apprendre, notamment lorsqu’il s’agit d’une nouvelle langue. C’est cette constatation qui a conduit les neurologues à élaborer l’hypothèse de la période critique (HPC), selon laquelle le cerveau de l’enfant se modifie au cours de son développement, avec pour conséquence une diminution de sa capacité d’apprentissage, passé un certain âge.

L’idée de l’existence d’une période critique pour l’apprentissage des langues n’est pas récente. En 1959, Penfield et Roberts faisaient déjà remarquer que la capacité d’apprentissage des langues chez l’enfant diminuait progressivement une fois passé l’âge de neuf ans :

for the purposes of learning languages, the human brain becomes progressively stiff and rigid after the age of nine37.

Tandis que Lenneberg (1967), l’un des premiers défenseurs de la HPC, fixait le terme de la période critique à la puberté, d’autres la situent beaucoup plus tôt, autour de l’âge de deux ans38. L’existence même d’une période critique a été remise en cause par certains.

Hyltenstam et Abrahamsson, par exemple, privilégient une hypothèse selon laquelle le

37W. PENFIELD et L. ROBERTS, Speech and Brain Mechanisms, 1959, cités d’après D. SINGLETON.

38D. SINGLETON, «The Critical Period Hypothesis : Some Problems», in Interlingüística, 2007, p. 49.

(24)

mécanisme d’apprentissage des langues se détériore progressivement depuis la naissance39. La quasi-impossibilité de mener des expériences sur des enfants en bas âge, pour des raisons aussi bien éthiques que pratiques, a constitué un frein pour les recherches sur la période critique. En réalité, les conclusions auxquelles sont parvenus les scientifiques se fondent principalement sur l’observation des performances d’adultes. Malgré l’absence de consensus sur la question, actuellement un grand nombre de neurologues situent la fin de la période critique entre 6 et 8 ans.

Les capacités concernées par l’HPC font également l’objet d’un débat. La plupart des chercheurs s’accordent à dire que la période critique agit en premier lieu sur les capacités phonologiques, autrement dit la prononciation40. En effet, il est rare de trouver des bilingues tardifs qui puissent se faire passer pour des locuteurs natifs car une trace d’accent subsiste pratiquement toujours. C’est en ce qui concerne les capacités syntaxiques et lexicales que les opinions divergent. Certains affirment que, passé un âge donné, il n’est plus possible d’assimiler les connaissances lexicales et syntaxiques d’une langue pour parvenir au même niveau de maîtrise qu’un locuteur natif. D’autres considèrent que cela reste possible à tout âge mais dépend plutôt d’autres facteurs, tels que la motivation, le contexte d’apprentissage et les capacités personnelles41.

Différentes hypothèses ont été avancées pour expliquer les changements supposés par l’HPC : d’une part, des explications d’ordre biologique (une diminution de la plasticité du cerveau, l’aboutissement de la latéralisation des fonctions langagières, la fixation des structures liées au langage ou encore une modification de la structure des cellules) et,

39K. HYLTENSTAM et N. ABRAHAMSON, « Maturational Constraints in SLA», in The Handbook of Second Language Acquisition, 2003, cités d’après D. SINGLETON.

40D. SINGLETON, op. cit., p.50.

41Ibid.

(25)

d’autre part, des justifications psychologiques (notamment l’affirmation de l’identité linguistique ou des facteurs affectifs et motivationnels)42.

2.3 Représentation des langues dans le cerveau bilingue

2.3.1 Un ou plusieurs systèmes du langage

La représentation des langues dans le cerveau bilingue a toujours été un sujet de débat chez les psycholinguistes. Pendant longtemps, deux hypothèses étaient en concurrence en ce qui concerne le stockage du lexique dans le cerveau43. Selon la première (the One-Store Hypothesis), les mots et les concepts qui y sont liés sont stockés dans un réservoir commun

dans lequel le bilingue puise les informations qu’il nécessite, quelle que soit la langue qu’il utilise. Cette hypothèse suppose que les différentes langues connues par une personne font partie d’un seul et même

système. À l’inverse, la seconde hypothèse (the Two- Store Hypothesis) part du

principe que chaque langue est un système propre et que les informations sont stockées dans des réservoirs distincts en fonction de la langue.

En 1978, le canadien Michel Paradis a proposé une nouvelle hypothèse (the Three-Store Hypothesis), qui constitue une voie intermédiaire entre les deux hypothèses citées

42Ibid., pp.50-52.

43M. PARADIS, A Neurolinguistic Theory of Bilingualism, 2004, p. 195.

Figure G : les deux hypothèses de la représentation du langage source : M. PARADIS, A Neurolinguistic Theory of Bilingualism, p. 196

(26)

précédemment 44 . Selon lui, les bilingues possèdent deux systèmes distincts qui comprennent chacun le lexique, la syntaxe et tous les éléments qui composent la langue.

Toutefois, les concepts, les perceptions et tout autre type de représentations mentales sont stockés dans un réservoir à part, auquel le bilingue peut accéder à travers l’une ou l’autre de ses langues. Ce modèle, aujourd’hui largement admis, a été étayé par des études démontrant que des patients aphasiques pouvaient facilement identifier des représentations conceptuelles bien qu’ils soient incapables de les formuler avec des mots45. Il est important de préciser que, si les concepts font partie d’un système unique, cela ne signifie pas pour autant qu’un mot et un équivalent dans l’autre langue se référent nécessairement au même concept46.

L’hypothèse des trois systèmes s’inscrit dans la théorie plus générale des sous-systèmes, également élaborée par Michel Paradis. Il s’agit d’un modèle d’organisation des fonctions cognitives qui les décrit comme un ensemble de systèmes et de sous-systèmes. Selon celui- ci, le langage est un système (tout comme le système conceptuel ou celui chargé de l’articulation) qui se divise en plusieurs systèmes correspondant à chacune des langues parlées par une personne. Ces systèmes se divisent eux-mêmes en sous-systèmes tels que les systèmes syntaxique, phonologique ou lexical47.

44Ibid., pp. 196-197

45Ibid., p. 197.

46Ibid., p. 198.

47Ibid., p. 130.

Figure H : l'hypothèse de Michel Paradis

source : M. PARADIS, A Neurolinguistic Theory of Bilingualism, p.197

(27)

2.3.2 L’accès aux concepts

Si l’hypothèse des trois systèmes permet de mieux comprendre la représentation des langues dans le cerveau, elle ne donne pas réponse à tout. Certains psycholinguistes, comme Judith F. Kroll et Natasha Tokowicz, se sont par exemple demandé si les bilingues procédaient de la même manière dans leurs deux langues pour accéder aux concepts48. Des recherches comparant le temps nécessaire à des étudiants en langue pour traduire des mots de L2 en L1 et pour nommer des images en L2 ont permis d’arriver à la conclusion que les personnes qui commencent à apprendre une

langue doivent passer par la L1 pour pouvoir relier un mot en L2 au concept correspondant49. En d’autres termes, le débutant doit d’abord traduire dans sa tête pour comprendre ou retrouver un mot en L2.

Plus le niveau de langue est avancé, plus les liens entre les mots en L2 et les concepts se renforcent et le passage par la L1 ne devient plus indispensable.

Malheureusement, à notre connaissance, aucune étude n’a été menée pour déterminer si, chez les bilingues tardifs, des traces de l’utilisation de la L1 dans l’apprentissage de la L2 subsistent ou si leur processus de conceptualisation devient en tout point comparable à celui des monolingues ou des bilingues précoces.

48J. F. KROLL et N. TOKOWICZ, « The Development of Conceptual Representation for Words in a Second Language », in One Mind, Two Languages: Bilingual Language Processing, 2001, pp. 49-71.

49Ibid.

Figure I : schéma des liens conceptuels et lexicaux

source : J. F. KROLL et N. TOKOWICZ, « The Development of Conceptual Representation for Words in a Second Language », in One Mind, Two Languages :

Bilingual Language Processing, p. 51

(28)

2.3.3 Le rôle de la mémoire

Comme nous l’avons décrit dans notre premier chapitre, il existe différents types de mémoires. C’est la distinction entre mémoire explicite et mémoire implicite qui nous intéresse particulièrement lorsque l’on parle de bilinguisme. Lorsque les enfants apprennent leur langue maternelle, ils ne sont pas conscients des règles de syntaxe qu’ils utilisent. Ce n’est qu’après leur entrée à l’école qu’ils vont apprendre les règles qui sous- tendent la langue pour leur permettre de mieux la maîtriser. Ainsi, le langage d’un enfant en bas âge, bilingue ou non, repose presque exclusivement sur la mémoire implicite. Le cas opposé est un étudiant en langues qui est en contact avec la langue étrangère uniquement dans la salle de classe. Dans un premier temps, sa connaissance de la langue se limite aux règles et au lexique appris. C’est donc sa mémoire explicite qui est largement sollicitée.

L’existence d’une règle explicite n’exclut pas la présence d’une règle implicite et vice- versa50. Ce sont deux processus différents pour arriver au même résultat. Ainsi, si un enfant apprend une règle de grammaire, ce n’est pas pour autant que la règle implicite correspondante va disparaître et c’est d’ailleurs toujours ce processus inconscient et automatisé que son cerveau va privilégier. En règle générale, plus une personne fait appel à des procédures implicites lorsqu’elle s’exprime, plus elle va gagner en fluidité. Cependant, selon Michel Paradis, une bonne maîtrise de la langue n’implique pas nécessairement un recours à la mémoire implicite :

In fact, fluency and accuracy are not necessarily indicators of implicit linguistic competence. The former may be the result of speedier processing and the latter the result of efficient monitoring of such speeded-up […] performance51.

En réalité, l’utilisation de l’une ou l’autre des procédures dépend plus du contexte d’apprentissage que de la performance. Plus le contexte d’apprentissage est formel, plus le

50M. PARADIS, op. cit., p.41.

51Ibid., p.40.

(29)

recours à la mémoire explicite va être important52. Par conséquent, dans la majorité des cas, les bilingues précoces ont davantage recours à des règles implicites que les bilingues tardifs, dont les compétences reposent de manière plus équilibrée sur les deux types de mémoires.

2.4 Organisation des langues dans le cerveau bilingue

2.4.1 Différences entre bilingues et monolingues

Chez la majorité des personnes, les fonctions du langage sont localisées dans l’hémisphère gauche (cf. section 2.3). Les spécialistes se sont longuement demandé s’il en était de même pour les bilingues. Les premiers à s’être prononcés sur la question de la latéralisation du bilinguisme, parmi lesquels Freud (1891) et Pitres (1895), estimaient que les langues secondes étaient nécessairement situées dans les même zones du cerveau que la langue maternelle53. En 1959, le neurologue V. Gorlitzer von Mundy a avancé l’hypothèse que la langue seconde n’était pas latéralisée de la même façon que la langue maternelle54. Ce point de vue a par la suite longtemps été partagé par la majorité des linguistes. Citons par exemple Albert et Obler, qui, après avoir recensé les cas d’aphasiques bilingues dans la littérature, sont parvenus à la conclusion que les bilingues sont souvent moins latéralisés à gauche que les monolingues :

Language organization in the brain of the average bilingual may be more bilateral than in that of a monolingual55.

52S. JARVIS et A. PAVLENKO, Crosslinguistic Influence in Language and Cognition, 2008, pp. 206-207.

53F. FABBRO, op. cit., p. 207

54Ibid., p. 209.

55M. L. ALBERT et L. K. OBLER, The Bilingual Brain: Neuropsychological and Neurolinguistic Aspects of Bilingualism, 1978, p. 253.

(30)

Cependant, les chercheurs ont fini par remettre en question cette vision, au vu des résultats contradictoires obtenus par les études sur la latéralisation chez les bilingues. En 1984, Robert J. Zatorre remettait déjà en cause leur fiabilité :

les contradictions évidentes rencontrées dans la littérature spécialisée proviennent presque certainement d’insuffisances méthodologiques et conceptuelles ou d’analyse56 .

Aujourd’hui, en l’absence de données cliniques en faveur d’une participation plus importante de l’hémisphère droit chez les bilingues, la majorité des linguistes estime que le bilinguisme n’a pas d’influence sur la latéralisation des fonctions liées au langage57.

Actuellement, les questions au centre de la recherche sur l’organisation cérébrale du bilinguisme sont de savoir si la L2 est localisée dans les mêmes zones que la langue maternelle au sein de l’hémisphère dominant et si des facteurs tels que l’âge d’acquisition ou le niveau de compétence peuvent influencer l’organisation des structures cérébrales liées à la L2. Dans les faits, peu d’études ont été menées pour comparer l’organisation des structures cérébrales liées au langage chez les monolingues et chez les bilingues et les chercheurs ont encore beaucoup à faire dans ce domaine. Néanmoins, des études ont permis d’observer des différences dans le degré d’activation de certaines zones, par exemple dans le cortex frontal inférieur gauche (LIFC) qui semble s’activer de manière plus intense et plus étendue chez les bilingues58.

Différentes hypothèses ont été proposées quant à la localisation des langues chez les bilingues. L’une des premières a été élaborée par Scoresby-Jakobson (1867), qui estimait que le centre du langage pour la langue maternelle se situait dans l’aire de Broca, tandis que les autres langues étaient principalement représentées dans les zones antérieures à

56R. J. ZATORRE, « La représentation des langues multiples dans le cerveau : vieux problèmes et nouvelles orientations », in Langages, 1983, p.29.

57M. PARADIS, op. cit., pp. 104-105.

58I. KOVELMAN et al., « Bilingual and Monolingual Brains Compared: a Functional Magnetic Resonance Imaging Investigation of Syntactic Processing and a Possible “Neural Signature” of Bilingualism », in Journal of Cognitive Neuroscience, 2008, p.14.

(31)

l’aire de Broca59. D’autres, comme Adler (1889), pensaient que les différentes langues étaient localisées dans les mêmes zones cérébrales mais qu’elles utilisaient des circuits neuronaux distincts60. Les recherches en imagerie cérébrale ont suggéré que cette dernière hypothèse était la plus proche de la réalité :

Both languages systems seem to be represented as distinct microanatomical subsystems located in the same gross anatomical areas 61.

Cependant, localiser ces aires avec précision n’est pas chose facile car les zones activées varient souvent d’un individu à l’autre et les nombreux facteurs à prendre en compte, aussi bien au niveau des sujets d’étude (âge d’acquisition, contexte d’acquisition, degré d’exposition à la langue, niveau de compétence, capacités individuelles, niveau d’instruction etc.) que de l’étude elle-même (tâche à accomplir, matériel, contexte etc.) ne facilitent pas la tâche des neurolinguistes.

2.4.2 Facteurs pouvant influencer l’organisation des langues

Si les études comparant l’organisation cérébrale des monolingues et des bilingues sont rares, nombreux sont les chercheurs qui se sont penchés sur les différences dans la représentation des langues entre les bilingues précoces et les bilingues tardifs. Les résultats obtenus ne sont pas toujours cohérents, mais ces différences pourraient en partie être expliquées par le fait que les tâches effectuées pendant les expériences varient beaucoup (mots ou phrases, production ou compréhension et ainsi de suite). Toutefois, au premier abord, les études paraissent indiquer que l’âge d’acquisition a bel et bien une influence sur la représentation des L2 dans le cerveau bilingue.

59F. FABBRO, « The Bilingual Brain: Cerebral Representation of Languages », in Brain and Language, 2001, p. 212.

60Ibid.

61M. PARADIS, op. cit., p. 116.

(32)

En 1997, une expérience effectuée à l’aide d’un PET-scan et comparant l’activation des aires de Broca et de Wernicke chez des bilingues précoces et tardifs a montré que, pendant des tâches de production en L1 et en L2, les zones activées autour de l’aire de Broca sont pratiquement les mêmes chez les bilingues précoces tandis qu’elles sont séparées de manière distincte chez les bilingues tardifs62. D’autres études ont également permis de constater que les zones associées respectivement à la mémoire déclarative et à la mémoire implicite ne s’activaient pas de la même façon en fonction de l’âge d’acquisition, confirmant l’hypothèse selon laquelle les personnes apprenant une langue à l’âge adulte sollicitent surtout la mémoire explicite alors que les bilingues précoces utilisent davantage leur mémoire implicite63.

Une activité plus importante dans l’hémisphère droit a parfois été remarquée chez les bilingues tardifs64. Néanmoins, Michel Paradis fait remarquer qu’elle est certainement le signe d’un recours plus important à des procédés pragmatiques plutôt que celui d’une différence dans la latéralisation des fonctions liées au langage :

[…] greater right-hemisphere activation in late bilinguals than in unilinguals and early bilinguals can be seen as indicating that they use their pragmatic ability as a compensatory mechanism […] 65.

Certains linguistes se sont demandé si les différences relevées entres les bilingues précoces et les bilingues tardifs étaient réellement liées à l’âge d’acquisition ou si d’autres facteurs entraient en jeu. Daniela Perani a notamment fait remarquer que les chercheurs soutenant que la L2 n’est pas localisée de la même manière chez les bilingues tardifs s’étaient souvent focalisés sur l’âge d’acquisition dans leurs expériences, sans pour autant vérifier

62K. H. S. KIM, et al., « Distinct Cortical Areas Associated with Native and Second Languages », in Nature, 1997.

63C. WEBER-FOX et H. NEVILLE, « Maturational Constraints on Functional Specializations for Language Processing », in Journal of Cognitive Neuroscience, 1996, D. PERANI et al., « Brain Processing of Native and Foreign Languages », in NeuroReport, 1996, et S. DEHAENE et al., « Anatomical Variability in the Cortical Representation of First and Second Language », in NeuroReport, 1997, cités d’après M. PARADIS.

64PERANI, op. cit., et DEHAENE et al., op. cit., cités d’après M. PARADIS.

65M. PARADIS, op. cit., p.182.

(33)

que les compétences des deux groupes testés étaient comparables. Aussi a-t-elle mené une étude comparative dont les participants étaient des bilingues précoces ou tardifs ayant une maîtrise de la L2 élevée et comparable66. Elle a alors pu constater que les mêmes zones s’activaient chez les bilingues tardifs et chez les autres bilingues, donnant à penser que ce n’est pas l’âge d’acquisition qui influence la représentation de la L2, mais le degré de maîtrise de la L2. Toutefois, cette conclusion ne peut être généralisée car les tâches effectuées par les sujets de cette étude étaient exclusivement des tâches de compréhension.

D’autres chercheurs, comme Franco Fabbro, ont également émis l’hypothèse que le contexte d’acquisition de la L2 pouvait jouer un rôle:

When a second language is learned formally and mainly used at school, it apparently tends to be more widely represented in the cerebral cortex than the first language, whereas if it is acquired informally, as usually happens with the first language, it is more likely to involve subcortical structures […]67.

En effet, comme nous l’avons vu plus haut, la distinction entre les bilingues précoces et les bilingues tardifs correspond souvent à une différence dans les modalités d’apprentissage de la L2.

Dans une recherche visant à évaluer l’influence de l’âge d’acquisition et de l’exposition à la L268, Daniela Perani est parvenue à des résultats allant à l’encontre de la théorie selon laquelle le niveau de compétence serait à l’origine des différences dans l’organisation cérébrale des bilingues précoces et des bilingues tardifs. Les sujets de cette étude avaient un niveau de compétence élevé et comparable. Pourtant, des différences ont pu être observées. D’une part, des activations plus importantes étaient présentes chez les bilingues n’ayant pas appris la L2 dès la naissance, même si leur âge d’apprentissage se situait

66D. PERANI et al., « The Bilingual Brain : Proficiency and Age of Acquisition of a Second Language », in Human Brain Mapping, 2003.

67F. FABBRO, op. cit., p. 214

68D. PERANI et al., « The Role of Age of Acquisition and Language Usage in Early, High-Proficient Bilinguals : An fMRI Study During Verbal Fluency », in Brain, 1998.

(34)

autour de trois ans. Cela laisse à penser que l’âge d’acquisition à son rôle à jouer, même s’il se situe avant le terme supposé de la période critique. D’autre part, certaines zones, notamment le LIFC, présentaient des activations plus intenses lorsque les sujets bilingues utilisaient la langue à laquelle ils étaient le moins exposés. Cette étude laisse donc à penser que l’âge d’acquisition et l’exposition plutôt que le niveau de compétence sont les facteurs qui influencent l’organisation cérébrale des bilingues:

[…] more extensive cerebral activations are associated with the language acquired as second even if mastered with equal level of proficiency. This effect appears to be modulated by exposure, as it is less evident in bilinguals who are more extensively exposed […]69.

En conclusion, les neurolinguistes ont encore beaucoup à faire pour comprendre l’organisation des langues chez les bilingues et pour identifier avec certitude les facteurs qui peuvent l’influencer. Il est très probable que l’âge d’acquisition, le niveau de compétence et les modalités d’acquisition jouent un rôle dans l’organisation de la L2 chez les bilingues, mais nombre d’études restent à faire pour pouvoir l’affirmer avec certitude.

69Ibid., p. 180.

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