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Oncologie : Article pp.177-182 du Vol.8 n°3 (2014)

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SYNTHÈSE /REVIEW ARTICLE

L ’ annonce de mauvaises nouvelles : émotions et feed-back dans la formation des médecins

Breaking Bad News: Emotions and Feedback in Medical Training

D. Albarracin · S. Jouffre

Reçu le 10 juin 2014 ; accepté le 23 juillet 2014

© Springer-Verlag France 2014

RésuméL’annonce de mauvaises nouvelles suscite des émo- tions négatives chez les médecins, dont les effets peuvent être réduits dans le cadre de formations utilisant des métho- des telles que les simulations de consultation et les groupes de discussion. Le but de notre article est de rappeler la néces- sité d’améliorer la prise de conscience des émotions chez les médecins, grâce au feed-back du formateur et des pairs lors des séances de discussion groupales.

Mots clésÉmotions · Annonce de la mauvaise nouvelle · Groupe de discussion · Formation médicale · Feedback

AbstractBreaking bad news elicits negative emotions for doctors. Favoring doctors’awareness of these negative emo- tions by training courses can reduce their negative effects.

These training courses are based upon simulated consulta- tions and group discussion between pairs. We ought to stress the necessity to improve personal awareness of unrecogni- zed emotions in medical practice. We argue that group dis- cussion implying peer and supervisor feedback can lead to improve personal awareness teaching.

KeywordsEmotions · Breaking bad news · Group discussion · Medical training · Feedback

Introduction

Les difficultés de communication du médecin avec ses patients ne sont pas rares. Elles concernent autant les étu- diants que les praticiens confirmés, puisqu’elles ne dispa- raissent pas toujours avec l’expérience [1]. Dans des spécia- lités telles que l’oncologie, le médecin annonce des

mauvaises nouvelles, portant sur un diagnostic ou un pro- nostic péjoratif, aux patients et à leurs proches de manière quotidienne [2]. Il s’agit de situations stressantes [3,4], source de souffrance pour médecins et étudiants, dont les premières rencontres avec des patients gravement malades mobilisent des émotions négatives, fort déstabilisantes.

Razavi et Delvaux ont pu démontrer que l’effet cumulatif du stress dû aux problèmes de communication avec les patients et leurs proches conduit à l’épuisement des profes- sionnels [5], dont les émotions compromettent leur propre bien-être et celui de leurs patients [6], provoquant des ten- sions dans la relation de soin [7] et conduisant à un style de communication inadéquat.

Si la formation générale des médecins se concentre sur les soins techniques au détriment des problèmes psychologiques liés à la pratique [5], des programmes spécifiques portant sur la communication et l’annonce de mauvaises nouvelles se développent partout dans le monde, destinés aux étudiants et aux médecins confirmés. Ces formations renforcent les compétences générales de communication des profession- nels travaillant dans le domaine de l’oncologie [8,9], grâce à des méthodes actives d’apprentissage pour adultes : ces programmes s’avèrent particulièrement utiles lorsqu’ils s’appuient sur des simulations de consultations, avec des acteurs jouant le rôle des patients et de leurs proches [10,11].

Parfois, les simulations sont suivies de séances de discus- sion en petit groupe, durant lesquelles les participants expri- ment les sentiments éveillés par le jeu de rôle, partagent leur expérience avec leurs pairs et le formateur, reçoivent d’eux commentaires et feed-back. Il s’agit d’un moment primordial de la formation, focalisé sur l’expression des pensées et des émotions suscitées par les simulations, complémentaire du travail fondé sur l’amélioration des performances et des habilités à communiquer.

Le but de notre article est celui de rappeler, d’une part, la nécessité d’améliorer le vécu émotionnel des méde- cins — qu’ils soient encore étudiants ou bien praticiens expérimentés — et, notamment, la prise de conscience de

D. Albarracin (*) · S. Jouffre

Département de psychologie CeRCA, UMR,

CNRS 6234 Université de Poitiers, F-86000 Poitiers, France e-mail : dolores.albarracin@univ-poitiers.fr

DOI 10.1007/s11839-014-0481-3

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leurs émotions lors des formations à la communication de mauvaises nouvelles. Nous savons, en effet, que les consé- quences délétères des émotions négatives diminuent dans le cadre de programmes favorisant leur prise de conscience [12]. D’autre part, nous souhaitons insister sur le fait que les techniques de discussion en petit groupe sont particuliè- rement adaptées pour développer cette prise de conscience : le feed-back du formateur et celui des pairs offrent au méde- cin une opportunité unique de partager ses pensées, émo- tions et croyances liées à la pratique professionnelle [13].

Émotions du médecin et styles de communication

Malgré l’expérience, la récurrence des annonces de mauvai- ses nouvelles dans des spécialités telles que l’oncologie compromet le bien-être du médecin. Meier et al. [6] identi- fient clairement dans leur modèle dédié à l’étude du vécu psychique du médecin les facteurs déclencheurs de son mal-être, les symptômes de celui-ci, mais également les conséquences émotionnelles suscitées par la pratique de l’annonce de mauvaises nouvelles. Les auteurs soulignent que ces situations provoquent chez le médecin des émotions négatives, dont le stress, la peur de ne pas être assez empa- thique [14], des doutes sur ses compétences, des sentiments de culpabilité, ou encore, l’angoisse d’être malade à son tour [6]. Les étudiants en médecine n’en sont pas épargnés, puisque leurs premières rencontres avec des patients mobili- sent des émotions déstabilisantes, ajoutées à des conditions de travail difficiles, pouvant conduire, comme chez leurs aînés, à l’état de burnout ou, dans les cas les plus dramati- ques, à la tentative de suicide [15].

Ces émotions négatives peuvent compromettre le bien- être général du praticien, au-delà de la situation spécifique de l’annonce d’une mauvaise nouvelle. En effet, dans l’en- quête de Ptacek et al. [16], la majorité des médecins affir- ment que le stress vécu par l’annonce ne se limite pas au temps de l’annonce, mais apparaît lors de la phase de prépa- ration et perdure après la rencontre avec le patient. Le fait que le stress du médecin déborde le cadre de l’annonce peut ainsi affecter négativement la relation du médecin avec d’autres patients [16], ses relations professionnelles avec ses pairs et ses relations familiales.

Les émotions négatives du praticien affectent également la qualité des soins. Fallowfield et al. et, plus récemment, Butow et al. ont remarqué que les médecins rencontrent, en général, des difficultés pour répondre aux émotions du patient [1,10], surtout lorsque les professionnels sont en proie à des émotions négatives. Dans leur enquête quantita- tive portant sur 38 médecins ayant une pratique d’annonce de mauvaises nouvelles en oncologie (diagnostic initial, rechute, inefficacité du traitement ou mort imminente), Pta-

cek et al. [16] observent que les médecins reconnaissent que leur stress lors de l’annonce de mauvaises nouvelles a un impact négatif sur le propre stress des patients.

La communication médecin–patient s’en trouve affectée, surtout lorsque les émotions du praticien l’empêchent de garantir une attitude empathique à l’égard du patient : par exemple, la peur de perdre la maîtrise des échanges peut pous- ser le médecin à renforcer de manière inadaptée son contrôle de l’entretien, interrompant les propos du patient, ne répon- dant pas clairement à ses questions, changeant facilement de sujet [12]. Un autre risque est celui d’instaurer un style de communication excessivement centré sur l’émotion, condui- sant le médecin à insister sur la tristesse de l’annonce et à démontrer un excès de sympathie à l’égard du patient [17].

Ces conséquences néfastes ont conduit à préconiser l’adoption d’une attitude centrée sur les besoins du patient.

En effet, des recherches encouragent chez le médecin un style de communication centré sur le patient, lequel exige de la part du praticien des comportements affectifs positifs et mesurés, tels que l’empathie, la réassurance, une attitude d’ouverture et de disponibilité [17,18]. Les patients et leurs proches préfèrent ce style de communication du médecin, et cela d’autant plus que le pronostic est mauvais [10]. Ainsi, Schmidt-Mast et al. relèvent que des étudiantes se voyant annoncer, dans le cadre d’une étude expérimentale, un diag- nostic de cancer mammaire évaluent le médecin et l’inter- action plus positivement, sont davantage satisfaites et témoi- gnent d’une augmentation moins importante de leur propre vécu émotionnel négatif face au médecin centrant sa communication sur le patient plutôt que sur la maladie [17].

Le style de communication empathique facilite l’expres- sion des émotions chez les patients atteints de cancer [19], en même temps qu’elle contribue au bien-être des profession- nels eux-mêmes, comme le remarquent Balez et al. à propos des étudiants en médecine [20]. Mais l’empathie sollicite fortement la composante affective du médecin, dont il est utile qu’il prenne conscience : en effet, il existe une relation entre la prise de conscience des émotions chez le médecin et la qualité de la communication avec ses patients [6,21]. La capacité à reconnaître et à répondre aux émotions du patient, et l’attitude empathique du médecin sont en lien étroit avec sa capacité à reconnaître et à prendre en compte ses propres émotions [22].

La prise de conscience des émotions dans les programmes de formation

Les émotions du médecin occupent donc une place centrale dans la relation de soin. Cependant, lorsqu’il n’en a pas conscience, leur incidence négative n’est pas reconnue et rien n’est fait pour y remédier.

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Il est pourtant possible de pallier les effets négatifs des émotions grâce aux formations à la communication, dont l’utilité a été démontrée [1]. Les workshops actuels utilisent des méthodes actives d’apprentissage, lesquelles s’avèrent efficaces lorsqu’elles sont centrées sur les besoins spéci- fiques du médecin [2]. Ainsi, il est courant de proposer des simulations de consultation avec des acteurs jouant le rôle des patients et de leurs proches, dont l’efficacité a été scien- tifiquement avérée [23]. L’intérêt d’associer une formation pratique à l’enseignement théorique a été étudié par Razavi et al., lesquels ont démontré l’effet positif sur l’expression des émotions, à la fois chez le médecin et le patient, des workshops qui associent théorie et simulations de consulta- tions [19]. Plus récemment, l’impact positif des simulations a été remarqué par Libert et Reynaert [24], et également par Balez et al. [20].

Libert et Reynaert observent que ces programmes s’avè- rent efficaces lorsqu’ils comportent au moins 20 heures de formation intensive par jeu de rôle, durée nécessaire pour induire un changement dans les stratégies de communication du médecin [11,24,25]. Puisque les formations courtes ne produisent pas de changements significatifs [25], il faut envisager des workshops de consolidation, comme ceux mis en place par Razavi et al. en Belgique, comportant des sessions bimensuelles d’une durée de 2,5 jours pendant trois mois, avec simulations et feed-back fourni par les partici- pants [25].

Ce type de formation permet de développer l’empathie du médecin, dont des compétences telles que la reconnaissance des émotions, leur clarification, leur discrimination [19].

L’effet positif est renforcé lorsque les simulations sont sui- vies de sessions de discussion en petit groupe, pendant les- quelles les participants expriment les sentiments éveillés par les simulations et bénéficient des commentaires empathiques d’un formateur, médecin et/ou psychologue, ainsi que de leurs pairs. Plusieurs formations de ce type existent actuel- lement en France, à l’image de celle proposée à la faculté de médecine de Brest, où les étudiants bénéficient de séances de debriefing réunissant médecins, psychologues et acteurs ayant participé aux simulations [26].

Il s’agit d’un retour d’expérience qui favorise un travail sur le ressenti émotionnel des étudiants, mais Balez et Ber- thou constatent que, si ledebriefingest une étape essentielle de la formation, il reste peu développé [26]. Pourtant, cette méthode offre au médecin l’opportunité de partager avec des pairs ses pensées, émotions et croyances liées à la pratique [13]. Dans ce cas, le formateur aide les participants à recon- naître les expériences personnelles éveillées par la formation [27], à nommer les émotions qui lui sont liées et à accepter leur normalité. Si les expériences douloureuses du passé sont utilisées de manière constructive, avec sensibilité, elles peuvent mener à de profonds insights chez le participant.

Comme le soulignent Smith et al., l’un des objectifs de ces

formations est celui d’améliorer la prise de conscience des émotions négatives tout en encourageant le médecin à tra- vailler pour les changer [12].

Cet objectif est poursuivi lors d’un processus en plusieurs étapes, sous la supervision d’un formateur : par son attitude bienveillante, celui-ci favorise, tout d’abord, la reconnais- sance des émotions (identification des émotions ressenties, de leurs conséquences comportementales et de leurs origines) ; ensuite, il encourage la prise de conscience des émotions ressenties comme problématiques (incongruentes avec les commentaires, les comportements et le vécu du patient) ou facilitatrices (congruentes avec les commentaires, comporte- ments et le vécu du patient) ; il incite, enfin, à la modification des émotions problématiques et encourage les émotions faci- litatrices. Le but n’est donc pas psychothérapeutique—il ne vise pas le changement de la personnalité—mais une meil- leure connaissance des comportements, pensées et émotions exerçant une influence dans la relation aux patients. Tout en renforçant la confiance du médecin en ses propres capacités, ces techniques permettent de rendre conscientes les émo- tions conduisant à des réponses inadaptées dans la relation de soin [12] et facilitent la levée d’éventuelles résistances du participant quant à la mise en place des comportements connus pour faciliter l’interaction avec le patient [13].

Une formation efficace à la communication doit donc développer, à la fois, les aptitudes comportementale, cogni- tive et affective des médecins, ce qui peut modifier leurs attitudes et croyances [27]. En ce qui concerne la compo- sante affective, il est évident qu’une réflexion sur les émo- tions des participants n’est pas sans risques. Si l’utilité des simulations de consultations a été démontrée, il est égale- ment admis qu’elles puissent susciter des émotions négati- ves chez certains médecins, parfois de détresse intense lorsqu’elles ravivent des expériences personnelles doulou- reuses [12,23] ou, tout simplement, lorsqu’elles renforcent le manque de confiance du participant en ses compétences professionnelles.

Quand les émotions négatives des médecins sont igno- rées, la formation peut provoquer des résultats contre- productifs. Par conséquent, il est important que le formateur encourage, grâce à son écoute et à sa position éthique de non-jugement, la reconnaissance des problèmes posés par la simulation ainsi que leur résolution à l’aide d’un feed- back empathique, lequel diminue les effets potentiellement délétères de la formation [23].

Le rôle du feed-back lors des séances de discussion en groupe

Le feed-back est un élément central de la formation médi- cale, mais sa définition est loin d’être univoque pour les chercheurs, les formateurs et les médecins. La revue de la

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littérature de van de Ridder et al. [28]—conduite dans le but de comparer les définitions du feed-back utilisées dans des domaines aussi vastes que la médecine, la biologie, la musique, la littérature, les sciences sociales et de la commu- nication—indique que la notion de feed-back est souvent utilisée, sans pour autant être définie [29]. Dans le domaine de la formation médicale, les auteurs proposent d’utiliser le terme feed-back pour qualifier une information spécifique résultant de la comparaison entre la performance observée du médecin et une performance standard, donnée dans le but d’améliorer la performance de celui-ci [28]. Mais, au-delà de l’information transmise, les auteurs rappellent l’importance de revenir aux origines linguistiques du terme feed-back, centré sur la notion d’un cycle d’apprentissage, un mouvement de rétroaction permettant d’observer autre- ment les résultats de la formation [28].

De nombreuses formations à l’annonce de mauvaises nouvelles proposent un feed-back centré sur les résultats de la performance des participants aux simulations, ce qui est logique puisque l’objectif principal de ces formations est d’améliorer les habilités du médecin à communiquer aux patients un diagnostic ou un pronostic péjoratif. Pourtant, une formation exclusivement fondée sur la performance aurait pour conséquence de négliger les émotions des méde- cins : il est donc nécessaire d’y associer d’autres formes de feed-back, destinées à favoriser l’expression de leurs émo- tions [30].

Selon van de Ridder et al. [28], il existe différentes tech- niques pour garantir l’efficacité du feed-back, dont le travail d’équipe avec des collègues. En effet, toute formation devrait offrir au participant l’opportunité de recevoir le feed-back des pairs et celui des formateurs [29], ce qui est possible dans les workshops qui organisent des séances de discussion en petit groupe, pendant lesquelles les partici- pants expriment les émotions éveillées par les simulations, reçoivent les commentaires des pairs, prennent conscience, grâce aux échanges, des attitudes et émotions interférant dans la relation avec leurs patients [28].

Aux États-Unis, le programme de formationOncoTalken est un exemple saisissant [21]. Lors des sessions de groupe réunissant un nombre restreint d’oncologues, le formateur propose des exercices destinés à encourager l’expression des émotions, non pas dans le but de les faire disparaître mais de développer une prise de conscience qui facilitera la pratique, l’apprentissage [21]. L’utilisation du groupe pré- sente ici un avantage inestimable : l’ensemble du groupe apprend et enseigne en même temps, grâce aux pairs qui formulent des commentaires et proposent des suggestions.

Dans un contexte empathique favorisant les échanges, les commentaires d’un pair peuvent avoir plus d’influence que les commentaires d’un enseignant : le feed-back du groupe peut ainsi représenter la partie la plus importante de l’ensei- gnement [21].

Mais le feed-back groupal ne permet pas seulement aux médecins de prendre conscience des émotions qui favori- sent ou empêchent une communication réussie avec leurs patients ; il constitue également un précieux support de réconfort et d’encouragement [23]. Il est admis que le groupe renforce la relation avec les pairs, produit des effets positifs sur l’identité professionnelle, améliore le bien-être des médecins [15]. D’après la revue de la littérature effectuée par Rosenbaum et al. [30] sur les différentes formations à l’annonce de mauvaises nouvelles, la plupart des évaluations effectuées sur les programmes comportant des activités en petits groupes ont indiqué des changements positifs dans la confiance en soi des participants [30]. Une seule étude a observé une absence de différence significative dans la confiance en soi après discussion en petit groupe, ce que les auteurs attribuent au manque de feed-back et de mise en pratique des compétences acquises dans le cadre de la formation [31].

Les séances de discussion en petit groupe permettent à chacun de bénéficier de l’interaction empathique avec le formateur et avec ses pairs. Elles encouragent un processus de feed-back enrichi, à la fois, par la communication d’infor- mations et par la relation entre les acteurs de la communica- tion [32].

L

évaluation de l

efficacité du feed-back groupal portant sur les émotions

Des formations consacrées à la communication médecin– patient et à l’annonce de mauvaises nouvelles intègrent des séances de discussion en petit groupe, dans le but de favori- ser la prise de conscience des ressentis du participant.

Cependant, ces séances n’ont jamais fait l’objet d’une éva- luation destinée à prouver leur efficacité dans l’amélioration des aptitudes à communiquer du médecin. Le besoin de développer des études randomisées permettant d’évaluer les différentes techniques de formation à la communication en oncologie, dont les jeux de rôle et les groupes de discus- sion, avait déjà été souligné par Razavi et Delvaux [5]. En ce qui concerne les séances de discussion en groupe, force est de constater qu’elles n’ont toujours pas fait l’objet d’une évaluation rigoureuse.

Il est vrai que peu de formations à la communication dans le domaine de l’oncologie ont été validées de manière expé- rimentale, selon les exhaustives revues de la littérature effec- tuées par Gysels et al. [33], et Stiefel et al. [34]. La diversité des programmes existants, leur variété en termes de durée, d’objectifs et de méthodes rendent difficile cette évalua- tion [33]. Mises à part quelques rares exceptions, dont les travaux de Fallowfield et al. [1], l’efficacité des formations à la communication en oncologie a été mesurée dans le

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cadre d’études non randomisées, sans groupe témoin ni com- paraison prétest/posttest.

Concernant l’effet positif de la discussion entre pairs, Smith et al. observent que les effets bénéfiques de l’identifi- cation des émotions négatives sont plus importants lorsqu’elle résulte des simulations [12], mais ce type d’études mériterait d’être développé. Il en ressort donc le besoin d’évaluer l’effi- cacité d’une formation à l’annonce des mauvaises nouvelles offrant la possibilité d’un feed-back des pairs et du formateur lors d’une séance de discussion consacrée à l’expression et à la prise de conscience des émotions suscitées par les simula- tions. L’objectif serait d’évaluer si le feed-back groupal por- tant sur la prise de conscience des émotions améliore les capa- cités empathiques du médecin, favorise le développement d’un style de communication centré sur le patient et produit un effet bénéfique sur les émotions du médecin.

Conclusion

Afin d’accroître l’efficacité des formations à la communication en oncologie, Libert et Reynaert soulignent la nécessité de mieux comprendre les mécanismes en jeu dans le processus d’apprentissage [24]. Selon les auteurs, la prise de conscience par les médecins de leurs caractéristiques psychologiques constitue l’un des facteurs déterminants de ce processus [24].

En même temps que la reconnaissance des propres carac- téristiques personnelles, la prise de conscience des émotions suscitées par l’annonce de mauvaises nouvelles doit être encouragée chez les oncologues. Nous savons, en effet, que leur reconnaissance est d’autant plus importante que les émotions non conscientes du médecin peuvent avoir des conséquences négatives sur son bien-être, ainsi que sur la qualité de la relation aux patients [6]. La prise de cons- cience des émotions peut être améliorée grâce au feed-back du formateur et des pairs lors des séances de discussion en petit groupe : si les bienfaits du feed-back groupal sont avé- rés sur les habiletés communicationnelles ainsi que sur les émotions du médecin, cette technique de formation devrait être davantage utilisée pendant les études de médecine et tout au long de la carrière médicale.

Liens d’intérêts :les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.

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