Expos´e I :
D´efinition locale du transfert et construction de ses noyaux locaux
Laurent Lafforgue
Expos´ e ` a l’IH´ ES le 3 juin 2008
1 Anneaux et groupes ad´ eliques
On se placera toujours sur le corps des fonctionsF d’une courbeX projective, lisse et g´eom´etriquement connexe sur un corps finiFq.
On note|X|l’ensemble des places deF identifi´ees aux points ferm´es deX, c’est-`a-dire aux points de la courbeX `a valeurs dans les extensions finies du corps de baseFq.
Pour toute placex∈ |X|, on note :
• deg(x) la dimension surFq du corps de d´efinitionκ(x) dex, avec donc|κ(x)|=qdeg(x)=qx,
• x:F×→Zla valuation d´efinie comme l’ordre d’annulation en le pointxdeXdes fonctions rationnelles non nulles, et| • |x=qx−x(•)la norme ultra-m´etrique associ´ee,
• Fxle compl´et´e deF pour la norme| • |x,
• Ox ={ax ∈ Fx | x(ax) ≥0} l’anneau des entiers de Fx, et mx = {ax ∈ Fx | x(ax) ≥ 1} son id´eal maximal, avec doncOx/mx=κ(x).
On rappelle que l’expression “pour presque toute place x” signifie “pour toutes les placesx∈ |X| sauf un nombre fini d’entre elles”.
On dispose de l’anneau topologique des ad`eles deF A=AF =n
(ax)x∈|X|∈ Y
x∈|X|
Fx
ax∈Ox pour presque toute placexo ,
et de son sous-anneau ouvert compact des entiers ad´eliques OA=OAF = Y
x∈|X|
Ox.
On connaˆıt le r´esultat suivant qui est `a la base de toute la th´eorie automorphe :
Proposition I.1.–
(i)Le groupe additifF est un sous-groupe discret de A. De plus, le quotient F\Aest compact.
(ii)Le groupe multiplicatifF× est un sous-groupe discret deA×.
(iii)Le groupe matricielGL2(F)est un sous-groupe discret de GL2(A).
Dans cet ´enonc´e,
A×=n
(ax)∈ Y
x∈|X|
Fx×
ax∈Ox× pour presque toute placexo
est le groupe topologique des ´el´ements inversibles de A. Il contient comme sous-groupe ouvert compact maximal le groupe des ad`eles entiers inversibles
OA×= Y
x∈|X|
O×x .
En toute placex, la valuation d´efinit un isomorphisme x(•) =Fx×/Ox×→Z.
La d´efinition deA× autorise `a combiner toutes les valuations pour d´efinir un homomorphisme de degr´e
deg : A× → Z
(ax)x∈|X| 7→ −X
x
deg(x)·x(ax).
On connaˆıt encore la “formule du produit” :
Proposition I.2.–Le sous-groupe discret F× deA× est contenu dans le noyauA×0 de l’homomorphisme de degr´e
deg :A× →Z.
De plus, le quotientF×\A×0 est compact.
Dans toute la suite, on noteraH = GL2consid´er´e comme un groupe alg´ebrique.
Ainsi,
H(A) = GL2(A) =n
(gx)x∈|X|∈ Y
x∈|X|
GL2(Fx)
gx∈GL2(Ox) pour presque toute placexo est le groupe topologique des matrices carr´ees inversibles de rang 2 `a coefficients dansA. Il contient comme sous-groupe ouvert compact maximal le groupe des matrices `a coefficients entiers ad´eliques inversibles
K0H= Y
x∈|X|
GL2(Ox).
En toute placex, GL2(Ox) =K0,xH est un sous-groupe ouvert compact maximal de GL2(Fx) =H(Fx).
D’apr`es la proposition I.2, le sous-groupe discret H(F) = GL2(F) deH(A) = GL2(A) est contenu dans le noyau GL2(A)0 de l’homomorphisme compos´e
GL2(A)−→det A×−→deg Z.
Le quotient GL2(F)\GL2(A)0 n’est pas compact mais il est de volume fini pour les mesures de Haar de GL2(A).
Consid´erons enfin une extension E deF de degr´e 2, que l’on suppose partout non ramifi´ee. Autrement dit,E est le corps des fonctions rationnelles sur un revˆetementX0 fini ´etale de degr´e 2 de la courbeX.
Pour toute placex∈ |X|, consid´erons l’alg`ebreEx=E⊗F Fx. Deux cas sont possibles :
•Premier cas :L’alg`ebreEx est le produit de deux corps isomorphes `aFx. Cela signifie qu’il existe dans le revˆetement X0 deux points ferm´esx1 et x2 au-dessus du pointxde X. Leurs corps de d´efinition κ(x1) et κ(x2) s’identifient `a κ(x) et les compl´etions associ´ees Ex1 et Ex2 s’identifient `a Fx, avecEx=Ex1×Ex2. On dit alors que la placexest scind´ee dans E. On note OEx=OEx1 ×OEx2 =Ox×Ox.
• Second cas : L’alg`ebre Ex est un corps, extension de degr´e 2 de Fx. Cela signifie qu’il existe dans le revˆetementX0 un unique point ferm´ex0 au-dessus du point ferm´exdeX. Son corps de d´efinitionκ(x0) est une extension de degr´e 2 de κ(x) et la compl´etion associ´eeEx0 s’identifie `a Ex. On dit alors que la place x est inerte dansE. On noteOEx=OEx0.
On remarque que le produit tensorielE⊗FAF s’identifie `a l’anneau des ad`elesAEdu corps de fonctions E.
Dans toute la suite, on notera
G= ResE/FGL1
le groupe alg´ebrique surF qui se d´eduit de GL1par restriction des scalaires `a la Weil deE`aF. Cela signifie que pour touteF-alg`ebreA, on a
G(A) = GL1(E⊗F A). En particulier, on a en toute placex
G(Fx) = Ex×
=
Ex×1×Ex×2=Fx××Fx× sixse scinde dansE en deux placesx1 et x2, Ex×0 sixest inerte dansE et quex0 est l’unique place qui la rel`eve.
De plus,Ex× poss`ede un sous-groupe ouvert compact maximal qui est K0,xG = OE×
x
= (OE×
x1 ×O×E
x2
=Ox××Ox× sixest scind´ee, OE×
x0 sixest inerte.
On dispose aussi du groupe topologique ad´elique G(A) = A×E
= n
(tx)x∈|X|∈ Y
x∈|X|
Ex×
tx∈O×E
x pour presque toute placexo et de son sous-groupe ouvert compact maximal
K0G = Y
x∈|X|
K0,xG = Y
x∈|X|
OE×
x.
En toute placex∈ |X|, on dispose de l’homomorphisme de norme local Nm : Ex× → Fx×
tx 7→ Nm(tx) = d´eterminant de l’endomorphisme de multiplication partx dansExvu comme espace vectoriel de dimension 2 surFx.
Il envoieO×E
x dansOx×.
Le produit des homomorphismes de norme locaux en toutes les placesx∈ |X|d´efinit un homomorphisme de norme global
Nm :G(A) =A×E →A×F. Il envoie le sous-groupe ouvert compact maximalK0G dansO×
A et le sous-groupe discret E× dansF×.
2 Alg` ebres de Hecke sph´ eriques et formes automorphes non ra- mifi´ ees
En toute place x, on note d×tx la mesure de Haar sur Ex× qui attribue le volume 1 au sous-groupe ouvert compact maximalO×E
x. On note Hx,∅G l’alg`ebre de convolution des fonctions `a support compact sur Ex× = G(Fx) qui sont invariantes par K0,xG = O×E
x. Cette alg`ebre a un ´el´ement unit´e qui est la fonction caract´eristique 1IGx,∅ deK0,xG .
Quand la placexdeF se scinde dansE en deux placesx1 etx2, on a un isomorphisme Ex×/O×E
x=Ex×1/OE×
x1 ×E×x2/O×E
x2 =Fx×/Ox××Fx×/O×x
x(•)×x(•)
−−−−−−→∼ Z×Z
si bien queHGx,∅ s’identifie `a l’alg`ebre de groupe de Z×Z. La mesure d×tx est le produit des mesures de Haard×t1 etd×t2 surEx×1=Fx× etEx×2 =Fx× qui attribuent le volume 1 `aOE×
x1 =O×x et OE×
x2 =Ox×. Quand la placexdeF est inerte dansE, on a un isomorphisme
Ex×/OE×
x=Ex×0/O×E
x0
x(•)◦Nm
−−−−−→∼ 2Z si bien queHx,∅G s’identifie `a l’alg`ebre de groupe de 2Z.
On d´eduit de ces consid´erations : Lemme I.3.–
(i)Quand la place xdeF se scinde dansE en deux placesx1 etx2, l’application ϕx7→
Z
t=(t1,t2 )
∈E× x=F×
x×F× x
d×t1·d×t2·ϕx(t1, t2)·X1x(t1)·X2x(t2)
d´efinit un isomorphisme
SGx :HGx,∅−→∼ C[X1±1]⊗C[X2±1] =C[X1±1, X2±1].
(ii)Quand la placexdeF reste inerte dansE, l’application ϕx7→
Z
t∈Ex×
d×t·ϕx(t)·Xx(Nm(t)) d´efinit un isomorphisme
SxG:HGx,∅−→∼ C[X±2] =C[X±1,−X±1]S2.
Le groupe topologique localement compactG(A) =A×E peut ˆetre muni de la mesure de Haard×tqui est le produit sur toutes les placesx∈ |X|des mesuresd×txsur lesG(Fx) =Ex×. Elle attribue le volume 1 au sous-groupe ouvert compact maximalK0G= Q
x∈|X|
K0,xG .
On noteHG∅ l’alg`ebre de convolution des fonctions `a support compact surG(A) =A×Equi sont invariantes parK0G=O×
AE. Cette alg`ebre a un ´el´ement unit´e qui est la fonction caract´eristique 1IG∅ deK0G. On a une d´ecomposition naturelle
HG∅ = O
x∈|X|
HGx,∅
avec
1IG∅ = O
x∈|X|
1IGx,∅.
Tout caract`ereχ
A×E/O×A
E →C×
peut aussi bien ˆetre vu comme une repr´esentation irr´eductible, de dimension 1, de l’alg`ebre HG∅. Il se d´ecompose canoniquement en un produit
χ= O
x∈|X|
χx o`u chaqueχxest un caract`ere
Ex×/O×E
x →C×
ou, ce qui revient au mˆeme, une repr´esentation irr´eductible, de dimension 1, de l’alg`ebre Hx,∅G .
Quand la placexest scind´ee dansEen deux placesx1etx2, se donner une telle repr´esentation irr´eductible χx de l’alg`ebre HGx,∅ −→∼ C[X1±1, X2±1] ´equivaut `a se donner les images zx1(χx), zx2(χx) ∈ C× des deux variablesX1, X2.
Quand au contraire la placexest inerte dansE, se donner une repr´esentation irr´eductibleχxde l’alg`ebre HGx,∅−→∼ C[X±1,−X±1] revient `a se donner au signe pr`es l’image±zx(χx) de la variableX.
Un caract`ere global χ : A×E/O×
AE → C× est unitaire si et seulement si tous ses facteurs locaux χx : Ex×/OE×
x →C× le sont.
Et un caract`ere localχx :Ex×/O×E
x →C× est unitaire si et seulement si ses “valeurs propres”zx1(χx), zx2(χx) [resp.±zx(χx)] sont de module 1.
On pose la d´efinition suivante :
D´efinition I.4. – On appelle repr´esentations automorphes de HG∅ ses repr´esentations irr´eductibles (de di- mension1) qui apparaissent dans la d´ecomposition spectrale de l’espace de Hilbert
L2(G(F)\G(A)/K0G) =L2(E×\A×E/OA×
E) muni de l’action deH∅G par convolution.
Autrement dit, ce sont les caract`eres unitaires χ:E×\A×E/O×
AE→C×.
Disons que deux caract`eres automorphes χ, χ0 : E×\A×E/OA× → C× sont dans la mˆeme classe si leur quotientχ0·χ−1se factorise `a travers l’homomorphisme de degr´e
E×\A×E/O×
AE
−→Nm F×\A×F/O×
AF
−→deg Z.
Il r´esulte de la proposition I.2 qu’il n’existe qu’un nombre fini de classes de caract`eres automorphes E×\A×E/O×
AE →C×.
Passons maintenant au groupeH.
En toute place x, on note dgx la mesure de Haar sur H(Fx) = GL2(Fx) qui attribue le volume 1 au sous-groupe ouvert compact maximalK0,xH = GL2(Ox). On noteHHx,∅ l’alg`ebre de convolution des fonctions
`
a support compact surH(Fx) qui sont invariantes `a gauche et `a droite par K0,xH . On l’appelle l’alg`ebre de Hecke sph´erique de H(Fx). Elle admet pour ´el´ement unit´e la fonction caract´eristique 1IHx,∅ deK0,xH .
Rappelons la d´ecomposition d’Iwasawa :
Lemme I.5.–Tout ´el´ement gx deH(Fx) = GL2(Fx)peut s’´ecrire sous la forme gx=
µ1 0 0 µ2
· 1 u
0 1
·g∅ avecµ1, µ2∈Fx×,u∈Fx,g∅ ∈GL2(Ox).
De plus, si on note
• d×µ1 oud×µ2 la mesure de Haar surFx× qui attribue le volume 1`aO×x,
• du la mesure de Haar additive deFx qui attribue le volume1 `aOx,
• dg∅ la restriction de dgx `aGL2(Ox),
on dispose de la formule suivante d’int´egration des fonctionshxlocalement constantes `a support compact sur H(Fx) = GL2(Fx)
Z
H(Fx)
dgx·hx(gx) = Z
Fx××Fx×
d×µ1·d×µ2· Z
Fx
du· Z
GL2(Ox)
dg∅·hx
µ1 0 0 µ2
· 1 u
0 1
·g∅
.
Rappelons maintenant l’´enonc´e du th´eor`eme de Satake :
Th´eor`eme I.6.– L’application hx7→
Z
Fx××Fx×
d×µ1·d×µ2· Z
Fx
du·hx
µ1 0 0 µ2
· 1 u
0 1
·X10x(µ1)·X20x(µ2)·q
x(µ2 )−x(µ1 )
x 2
d´efinit un isomorphisme
SxH:HHx,∅−→∼ C[X10±1, X20±1]S2.
En particulier, l’alg`ebre de Hecke sph´eriqueHHx,∅ est commutative.
Le groupe topologique localement compact H(A) = GL2(A) peut ˆetre muni de la mesure de Haar dg qui est le produit sur toutes les placesx∈ |X| des mesuresdgx sur les H(Fx) = GL2(Fx). Elle attribue le volume 1 au sous-groupe ouvert compact maximal
K0H = Y
x∈|X|
K0,xH = GL2(OA).
On note H∅H, et on appelle alg`ebre de Hecke sph´erique globale, l’alg`ebre de convolution des fonctions `a support compact surH(A) = GL2(A) qui sont invariantes `a gauche et `a droite par K0H = GL2(OA). Cette alg`ebre admet pour ´el´ement unit´e la fonction caract´eristique 1IH∅ deK0H.
On a une d´ecomposition naturelle
HH∅ = O
x∈|X|
HHx,∅
avec
1IH∅ = O
x∈|X|
1IHx,∅,
si bien que, comme produit tensoriel d’alg`ebres commutatives,HH∅ est elle-mˆeme une alg`ebre commutative.
Toute repr´esentation irr´eductibleπ de cette alg`ebre commutative HH∅ est n´ecessairement de dimension 1. Elle se d´ecompose canoniquement en un produit tensoriel
π= O
x∈|X|
πx
o`u chaqueπxest une repr´esentation irr´eductible (de dimension 1) de l’alg`ebre HHx,∅.
Se donner une telle repr´esentation irr´eductible πx de l’alg`ebre HHx,∅ −→∼ C[X10±1, X20±1]S2 ´equivaut `a se donner, `a l’ordre pr`es, les imagesz1(πx),z2(πx)∈C× des deux variablesX10,X20.
On pose la d´efinition suivante :
D´efinition I.7. – On appelle repr´esentations automorphes de HH∅ ses repr´esentations irr´eductibles (de dimension1) qui apparaissent dans la d´ecomposition spectrale de l’espace de Hilbert
L2(H(F)\H(A)/K0H) =L2(GL2(F)\GL2(A)/GL2(OA))
muni de l’action deH∅H par convolution `a droite.
Consid´erons une repr´esentation irr´eductible π = N
x∈|X|
πx de l’alg`ebre HH∅ . Elle est caract´eris´ee par la donn´ee, pour toute placex∈ |X|, des deux “valeurs propres de Hecke”z1(πx),z2(πx) bien d´efinies `a l’ordre pr`es.
On appelle “forme automorphe propre” deπtoute fonction h:H(F)\H(A)/K0H →C
telle que, pour toute placex∈ |X|et tout ´el´ementhxde l’alg`ebre de Hecke sph´erique locale HHx,∅, on ait la formule suivante pour le produit de convolution
h∗hx=SxH(hx)(z1(πx), z2(πx))·h . Citons le “th´eor`eme de mutiplicit´e 1” de Piatetski-Shapiro :
Th´eor`eme I.8. – Pour toute repr´esentation automorphe π de HH∅, l’espace de ses “formes automorphes
propres” est de dimension1.
3 D´ efinition locale du transfert de Langlands
Rappelons que nous travaillons sur les deux groupes alg´ebriques surF G= ResE/FGL1 et H = GL2.
En toute placex∈ |X|, nous allons d´efinir un homomorphisme d’alg`ebres commutatives ρ∗x:Hx,∅H → Hx,∅G
qui va constituer la r`egle locale de Langlands pour le transfert automorphe par induction deG`a H.
Posons :
D´efinition I.9.–En toute place x∈ |X|, on appelle homomorphisme de transfert par induction deG`a H et on note
ρ∗x:Hx,∅H → Hx,∅G l’homomorphisme d´efini de la mani`ere suivante :
(i)Si la place xse scinde dansE en deux placesx1 etx2, avec les isomorphismes SxH:HHx,∅−→∼ C[X10±1, X20±1]S2,
SxG:Hx,∅G −→∼ C[X1±1, X2±1], ρ∗x est donn´e par la substitution des variables (`a l’ordre pr`es)
X10 7→X1, X20 7→X2.
(ii)Si la placexest inerte dans E, avec les isomorphismes
SxH:HHx,∅−→∼ C[X10±1, X20±1]S2, SxG:HGx,∅−→∼ C[X±1,−X±1]S2, ρ∗x est donn´e par la substitution des variables (`a l’ordre pr`es)
X10 7→X , X20 7→ −X .
La composition avec ρ∗x : Hx,∅H → HGx,∅ permet d’associer `a tout caract`ere χx de HGx,∅ vu comme un homomorphisme d’alg`ebres
HGx,∅→C un caract`ere deHHx,∅ not´e (ρx)∗χx.
Autrement dit, pour tout caract`ere non ramifi´e χx:Ex×/O×E
x→C×, (ρx)∗χx est l’unique repr´esentation irr´eductibleπxdeHHx,∅ telle que :
• Si la placexse scinde dansEen deux placesx1etx2, on a ´egalit´e `a l’ordre pr`es des paires de valeurs propres de Hecke
(z1(πx), z2(πx)) = (zx1(χx), zx2(χx)).
• Si au contraire le placexest inerte dansE, on a ´egalit´e `a l’ordre pr`es des paires (z1(πx), z2(πx)) = (zx(χx),−zx(χx)).
Le but de cette s´erie d’expos´es est de pr´esenter une nouvelle d´emonstration purement ad´elique du th´eor`eme suivant :
Th´eor`eme I.10.–Pour tout caract`ere automorphe non ramifi´e χ= Y
x∈|X|
χx:E×\A×E/O×A
E→C×, il existe une (unique) repr´esentation automorpheπ= N
x∈|X|
πxde l’alg`ebre de Hecke sph´eriqueHH∅ du groupe H(A) = GL2(A)telle que
∀x∈ |X|, πx= (ρx)∗χx.
Remarque.Ce th´eor`eme implique que, pour tout caract`ere automorpheχ= Q
x∈|X|
χxcomme dans l’´enonc´e, il existe une forme automorphe non nulle (et unique `a multiplication pr`es par un scalaire)
h: GL2(F)\GL2(A)/GL2(OA)→C telle que, en toute placex∈ |X|, on ait
•
h∗hx=SHx(hx)(zx1(χx), zx2(χx))·h , ∀hx∈ HHx,∅, sixse scinde dansE en deux placesx1 et x2,
•
h∗hx=SHx(hx)(zx(χx),−zx(χx))·h , ∀hx∈ HHx,∅, sixreste inerte dansE.
Mais r´eciproquement, si on prouve l’existence d’une forme automorphe h v´erifiant une telle propri´et´e relativement `a un caract`ere automorphe χ de A×E/O×
AE, la repr´esentation irr´eductible π deHH∅ engendr´ee par cette formehsera n´ecessairement automorphe, c’est-`a-dire apparaˆıtra dans la d´ecomposition spectrale hilbertienne deL2(H(F)\H(A)/K0H). Cela r´esulte de ce que toutes les valeurs propres zx1(χx), zx2(χx) ou
zx(χx) ont 1 pour module.
4 Fonctions sph´ eriques et fonctions de Whittaker
En toute place x∈ |X|, construisons sur G(Fx)/K0,xG et H(Fx)/K0,xH des formes propres relatives aux caract`eres unitaires des alg`ebres de Hecke sph´eriques localesHGx,∅ etHHx,∅.
Lemme I.11.–
(i)Si la placexse scinde dansEen deux placesx1etx2, etλ•= (λ1, λ2)est un couple de nombres complexes de module1, la fonction
ΦGx,λ• : Ex×=E×x
1×Ex×
2 =Fx××Fx×→C t= (t1, t2)7→λx(t1 1)·λx(t2 2)
est caract´eris´ee par les trois propri´et´es suivantes :
• elle est invariante par Kx,0G =O×E
x1 ×OE×
x2 =O×x ×O×x ;
• ΦGx,λ•∗ϕx=SxG(ϕx)(λ1, λ2)·ΦGx,λ•,∀ϕx∈ HGx,∅;
• ΦGx,λ•(1) = 1.
(ii)Si au contraire la placexreste inerte dans E, et que λest un nombre complexe de module 1, la fonction ΦGx,λ : Ex× → C
t 7→ λx(Nm(t)) est caract´eris´ee par les trois propri´et´es suivantes :
• elle est invariante par Kx,0G =O×E
x;
• ΦGx,λ∗ϕx=SxG(ϕx)(λ2)·ΦGx,λ,∀ϕx∈ HGx,∅;
• ΦGx,λ(1) = 1.
Apr`es le groupe multiplicatif G(Fx), passons au groupe matricielH(Fx) = GL2(Fx).
Nous avons besoin de choisir un caract`ere additif continu non trivial ψ:Fx→C×.
On rappelle que le conducteurNψ d’un tel caract`ereψ est l’unique entier tel queψsoit trivial sur le sous- groupe ouvert compact{u∈ Fx | x(u)≥ Nψ} mais non trivial sur {u∈ Fx | x(u)≥ Nψ−1}. Quand le conducteurNψ est nul, on dit que le caract`ereψ est r´egulier.
Pour n’importe quel ´el´ementγ0∈Fx× de valuationNψ, on peut ´ecrire ψ(u) =ψ0(γ0−1·u), ∀u∈Fx, o`uψ0 est un caract`ere r´egulier deFx.
Utilisant le d´ecomposition d’Iwasawa des ´el´ementsg∈H(Fx) = GL2(Fx), g=
µ1 0 0 µ2
· 1 u
0 1
·g∅,
telle que rappel´ee dans le lemme I.5, on peut ´enoncer la proposition suivante qui explicite et caract´erise ce que l’on appelle les fonctions de Whittaker :
Proposition I.12.–Soitλ•= (λ1, λ2)une paire de nombres complexes de module 1.
Consid´erons la fonctionWx,λH,ψ
• d´efinie par la formule Wx,λH,ψ
•(g) =ψ µ1
µ2 ·u −1
·q
x(µ2 )−x(µ1 )
x 2 · X
n1 +n2 =x(µ1µ2 ) x(µ1 )≥n1,n2≥x(µ2 )
λn11·λn22
en tout ´el´ement g=
µ1 0 0 µ2
· 1 u
0 1
·g∅, dans le cas o`u le caract`ere ψest r´egulier ;
puis, dans le cas d’un caract`ere non trivial g´en´eral ´ecrit sous la forme ψ(u) =ψ0(γ0−1·u) avec γ0 ∈ Fx×, x(γ0) =Nψ etψ0 r´egulier, par la formule
Wx,λH,ψ
•(g) = Wx,λH,ψ0
•
γ0−1 0
0 1
·g
= Wx,λH,ψ0
•
1 0 0 γ0
·g
·(λ1λ2)−Nψ. Alors cette fonction
Wx,λH,ψ
•:H(Fx) = GL2(Fx)→C,
dite fonction de Whittaker, v´erifie les propri´et´es suivantes, qui la caract´erisent :
• elle est invariante `a droite par Kx,0H = GL2(Ox);
• Wx,λH,ψ
•
1 u 0 1
·g
=ψ(u)−1·Wx,λH,ψ
•(g),∀u∈Fx;
• Wx,λH,ψ
•∗hx=SxH(hx)(λ1, λ2)·Wx,λH,ψ
•,∀hx∈ HHx,∅;
• on a Wx,λH,ψ
•(1) = 1 si ψ est r´egulier et Wx,λH,ψ
•
γ0 0 0 1
= 1 dans le cas d’un caract`ere non trivial g´en´eral ´ecrit sous la formeψ(u) =ψ0(γ−10 ·u)avec ψ0 r´egulier.
Insistons sur le fait que la fonction de WhittakerWx,λH,ψ
• ne d´epend pas de l’ordre des deux composantes deλ•= (λ1, λ2).
5 Noyaux locaux de la fonctorialit´ e
La d´efinition des homomorphismes de transfert
ρ∗x:Hx,∅H → Hx,∅G
par substitution des valeurs propres de Hecke conduit `a poser la d´efinition suivante : D´efinition I.13.– On appelle noyaux locaux de la fonctorialit´e les fonctions
Kx,PG,H,ψ
x :G(Fx)×H(Fx)→C d´efinies de la mani`ere suivante :
• Dans le cas o`u la placexse scinde dansE en deux placesx1 etx2, Kx,PG,H,ψ
x ((t1, t2), g) = Z
|λ1|=1=|λ2|
dλ1·dλ2·Px(λ1, λ2)·ΦGx,λ
•(t1, t2)·Wx,λH,ψ
•(g) o`u
Pxest un polynˆome, ´el´ement deC[X1±1, X2±1], (t1, t2)d´ecritG(Fx) =Ex×=Ex×1×Ex×2 =Fx××Fx×, g d´ecritH(Fx) = GL2(Fx),
λ•= (λ1, λ2)d´ecrit le produit de deux copies du cercle unit´e deC×,
dλ1 etdλ2 d´esignent la mesure invariante de volume1 sur le cercle unit´e deC×.
• Dans le cas o`u la placexreste inerte dansE, Kx,PG,H,ψ
x (t, g) = Z
|λ|=1
dλ·Px(λ2)·ΦGx,λ(t)·Wx,(λ,−λ)H,ψ (g) o`u
Pxest un polynˆome pair, ´el´ement deC[X±2], t d´ecritG(Fx) =Ex×,
g d´ecritH(Fx) = GL2(Fx), λd´ecrit le cercle unit´e deC×,
dλ d´esigne la mesure invariante de volume 1sur ce cercle unit´e.
La raison pour laquelle on baptise ces fonctions Kx,PG,H,ψ
x :G(Fx)×H(Fx)→C
du nom de “noyaux locaux de la fonctorialit´e” est fournie par le lemme suivant : Lemme I.14.–
(i)Si la place xest scind´ee dans E,Px est un polynˆome de deux variables etλ•= (λ1, λ2)est un couple de nombres complexes de module1, on a
Z
Fx××Fx×
d×t1·d×t2·Kx,PG,H,ψ
x ((t1, t2), g)·ΦGx,λ•(t1, t2) =Px(λ1, λ2)·Wx,λH,ψ
•(g).
(ii)Si la place xest inerte dansE,Px est un polynˆome pair d’une variable et λest un nombre complexe de volume1, on a
Z
E×x
d×t·Kx,PG,H,ψ
x (t, g)·ΦGx,λ(t) =Px(λ2)·Wx,(λ,−λ)H,ψ (g).
Ce lemme signifie en effet que les noyaux d’int´egration
Kx,PG,H,ψ
x :G(Fx)×H(Fx)→C transforment tout vecteur propre
G(Fx)/K0,xG →C d’un caract`ere non ramifi´eχxdeG(Fx) en un vecteur propre
H(Fx)/K0,xH →C de la repr´esentation irr´eductibleπx= (ρx)∗(χx) deHx,∅H .
Les noyaux
Kx,PG,H,ψ
x :G(Fx)×H(Fx)→C sont invariants `a droite par K0,xG ×K0,xH .
Pour toute fonction sph´eriquehx∈ HHx,∅, on a la formule Kx,PG,H,ψ
x ∗hx=Kx,PG,H,ψ
x ∗−1(ρ∗x)(hx)
o`u le premier produit de convolution ∗ est relatif `a la variable gx ∈H(Fx), et le second∗−1 `a la variable t−1x ∈G(Fx) :
(Kx,PG,H,ψ
x ∗hx)(t, g) = Z
H(Fx)
dgx·Kx,PG,H,ψ
x (t, g·gx−1)·hx(gx) (Kx,PG,H,ψ
x ∗−1ϕx)(t, g) = Z
G(Fx)
d×tx·Kx,PG,H,ψ
x (t·t−1x , g)·ϕx(t−1x ) Enfin, on a pour toute fonction sph´eriqueϕx∈ HGx,∅
Kx,PG,H,ψ
x ∗−1ϕx=Kx,PG,H,ψ
x·SxG(ϕx).
6 Echange par transformation de Fourier ´
En toute placex∈ |X|, on dispose de l’homomorphisme local de trace Tr : Ex → Fx,
tx 7→ Tr(tx) = trace de l’endomorphisme de multiplication partx dansEx
vu comme espace vectoriel de dimension 2 surFx. Il envoieOEx dansOFx.
Dans le cas o`u la place xse scinde dans E en deux places x1 et x2, l’homomorphisme de trace s’´ecrit simplement
Tr : Ex=Ex1×Ex2 =Fx×Fx → Fx, t= (t1, t2) 7→ t1+t2. Ayant choisi un caract`ere additif continu non trivial
ψ:Fx→C×, on dispose du caract`ere additif non trivial induit par composition
ψ◦Tr :Ex→C×.
On rappelle qu’on a not´eNψle conducteur du caract`ereψ. MunissonsExde la mesure de Haar additive dtqui attribue au sous-groupe ouvert compactOEx le volumeqNxψ.
Ces choix ´etant faits, on peut rappeler la d´efinition de la transformation de Fourier relative `a ψ◦Tr sur Ex:
Proposition I.15.–La transformation f 7→
fˆ:t07→fˆ(t0) = Z
Ex
dt·f(t)·ψ◦Tr (tt0)
d´efinit un automorphisme de l’espace des fonctions localement constantes `a support compact surEx. On l’appelle laψ-transformation de Fourier sur Ex.
Son automorphisme r´eciproque n’est autre que laψ-transformation de Fourier sur¯ Ex : f 7→
t0 7→
Z
Ex
dt·f(t)·ψ¯◦Tr (tt0)
Le but du prochain expos´e est de d´emontrer le th´eor`eme suivant :
Th´eor`eme I.16.–En toute place x∈ |X|, pour tout polynˆomePx (en deux variables ou une seule suivant quexest scind´ee ou inerte dansE), pour tout caract`ere multiplicatif unitaire (´eventuellement ramifi´e)
ω:Fx×→C×,
et pour tout ´el´ementg∈H(Fx) = GL2(Fx), les deux fonctions suivantes surEx× t7→ω(Nm(t))−1· |Nm(t)|−x12 ·
Z
Fx×
dµ·ω(µ)·Kx,PG,H,ψ
x
t,
µ 0 0 1
·g
t7→ω(Nm(t))· |Nm(t)|−x12 · Z
Fx×
dµ·ω(µ)·Kx,PG,H,ψ¯
x
t−1,
0 1 1 0
· µ 0
0 1
·g
se prolongent par continuit´e en des fonctions localement constantes `a support compact surEx.
De plus, la seconde de ces fonctions est la ψ-transform´ee de Fourier de la premi`ere, `a un signe pr`es qui vaut
• 1 si la placexest scind´ee dansE,
• (−1)Nψ si la placexest inerte dans E.