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Sur l’indiscernabilité des corpuscules
Paulette Février
To cite this version:
SUR
L’INDISCERNABILITÉ
DES CORPUSCULESPar PAULETTE FÉVRIER.
Sommaire. - Ce travail a pour but l’étude des conséquences de l’hypothèse de l’indiscernabilité pour les
corpuscules de même espèce en vue d’une construction plus intuitive des théories atomiques; cette
construc-tion sera conduite de façon à ce que la constante de Planck n’intervienne que dans les parties purement
quan-tiques et soit éliminée chaque fois qu’elle ne joue pas un rôle essentiel. C’est ainsi qu’habituellement l’indiscer-nabilité des corpuscules de même espèce est présentée comme une conséquence de la Mécanique ondulatoire, alors qu’on peut la considérer comme indépendante des considérations quantiques.
En premier lieu sont examinés les principes de l’Atomisme, puis une définition précise des notions de discernabilité et d’indiscernabilité est donnée ; on étudie alors la liaison entre ces notions et d’une part les
principes de l’atomisme, d’autre part la notion d’ordre.
On est ainsi conduit à énoncer un principe dit « principe de Dalton renforcé » d’après lequel les corpuscules de même espèce sont indiscernables. Ce point de vue est comparé avec celui que préconise M. Langevin.
Dans une seconde partie est étudié le caractère objectif de l’indiscernabilité. Après avoir précisé les
élé-ments essentiels d’une théorie physique, on definit ce qu’est un changement de théorie et l’on démontre qu’une théorie supposant l’indiscernabilité n’est pas réductible à une théorie supposant la discernabilité.
Enfin, dans une troisième partie, il est démontré qu’une mécanique ponctuelle exige la discernabilité.
1. Les
principes
de l’atomisme.1.
Corpuscules.
-L’hypothèse
atomiste modernerepose sur l’existence de
parties
insécables
dans lessystèmes
physiques, parties auxquelles
on donne lenom de
corpuscules.
Elles’appuie
donc sur cepremier
principe :
PRINCIPE 1. - Tous les
systèmes
physiques
sontfortriés
d’un nombrefini
decorpuscules.
A ces
corpuscules
onpeut
appliquer
ce queLeib-niz
(1)
disait des atomes ou substancessimples :
« ... Làoù il
n’y
apoint
departies
iln’y
a niétendue,
nifigure,
ni divisibilité
possible
».Si nous supposons construit un espace
physique
dans
lequel
nousreprésentons
lessystèmes
à notrePchelle,
tous lessystèmes
physiques
ycompris
lesatomes étant
constitués
decorpuscules,
ceux-ci devrontaussi être
représentés
dans cet espace. Enappliquant
à notre cas lepoint
de vue deLeibniz,
lescorpuscules,
n’admettant pas departies,
n’ont ni étendue nifigure;
nous ne pouvons donc les
représenter
que par despoints.
Eneffet,
on nepossède
aucunprocédé
pourmesurer l’étendue des
corpuscules
insécables et lesreprésenter
par desfigures
géométriques
détermi-nées
(2).
Si l’on effectue des mesures deposition,
avecune
légère imprécision expérimentale,
onpeut
ne pasréussir à locatiser les
corpuscules
mieax que dans unecertaine
i él,ion,
parexemple
dans unesphère
derayon ro. Dans ce cas il sera
possible
d’attacher cenombre ro au
corpuscule
comme délimitant le minimumde la
région
d’incertitude delocalisation,
mais on ne se(1) Moîtadologt’e, thèse 3.
(2) G. BACHELARD. L’expérience de l’espace dans la Physique contemporaine Paris, 1937).
trouvera jamais
en contradiction enfigurant
uncor-puscule
par unpoint.
En
appliquant l’hypothèse
atomiste àl’interpréta-tion des lois des
proportions
définies et desproportions
multiples,
Dalton(1)
fut conduit à admettre quecha-cune des
parties
élémentaires dont secomposent
lesdivers corps est formée par une sorte déterminée de
particules identiques,
d’où le deuxièmeprincipe
del’atomisme,
que l’onpeut
énoncer sous laforme
sui-vante :
PRINCIPE 2CG
(PRINCIPE
DEDALTON).
- 10 Lescor-puscules
sont d’un nombrefini
d’espèces ;
20 Lescor-puscitles
de mêmeespèce
sontidentiques.
Le mot «
identique »
doit êtrepris
dans ce sens : uncorpuscule
d’unsystème
physique
peut
êtreremplacé
par un autre de même
espèce
sans que lesystème
étudié soit altéré. Ce
principe
doit être maintenu pour rendrecompte
des lois fondamentales de la chimiemalgré
les modificationsapportées
aux théoriesato-miques depuis
Dalton.2. Discernabilité et indiscernabilité. - Soit
un
corpuscule pris
dans un ensemble de Ncorpuscules.
Nous dirons
qu’il
est discernable dans cet ensembles’il y a au moins un genre de mesure tel
qu’il
donnepour ce
corpuscule
un résultat différent de celuiqu’il
donnerait pour tout autrecorpuscule
de l’ensemble. Ladiscernabilité,
comme toutepropriété
physique,
nepeut
nousapparaître
qu’au
moyen de résultats demesures, donc c’est seulement à ces résultats que nous
pouvons faire
appel
pour la définir. Parexemple,
soit lvcorpuscules
de masse m, et un d’une massediffé-rente en effectuant une mesure de masse on aura
(1) Cf. Jean PERRIV. Les p. 15 Paris, lY2ï).
308
un moyen de discerner le
corpuscule
de masse 1~1 danscet ensemble de 7V -~- 1
corpuscules.
Précisons la notion de discernabilité dans les
défi-nitions suivantes : DÉFINITION 1. -- Un
corpuscule
appartenant
à uncertain ensemble sera dit discernable des autres
cor-puscules
de cetensemble,
s’il y a au moins uncarac-tère lié à des résultats
d’expériences
parlequel
ildiffère des autres
corpuscules.
DÉFINITION 2. - Un
corpuscule
appartenant
à uncertain ensemble sera dit indiscernable des
corpuscules
d’un sous-ensemble de l’ensemble considéré s’il n’existe aucun caractère lié à des résultats
d’expé-riences par
lequel
il diffère de tout autrecorpuscule
du sous-ensemble.
Dans le cas où le sous-ensenibie se trouve être
l’ensemble
lui-même,
aucuncorpuscule
de l’ensemblen’est discernable des
autres ;
nous avons alors unensemble de
corpuscules
indiscernables.Au
contraire,
lescorpuscules
d’un ensemble de Ncorpuscules
sont tous discernables les uns des autressi chacun d’eux est discernable dans cet
ensemble,
c’est-à-dire si à chacun d’eux on
peut
attacher uncaractère
qui
ledistingue
desautres ;
dans ce cas nous avons un ensemble decorpuscules
discernables.3. L’indiscernabilité et le second
principe
de l’atomisme. -D’après
leprincipe
de Dalton énoncéplus
haut,
pour descorpuscules
de mêmeespèce
les seuls caractèresdistinctifs
possibles
sont liés alzmou-vement, par
exemple
àla
localisation ou à laquantité
cle mOllvernent. Comme pour les
pions
d’unjeu
dedames,
on nepeut
distinguer
deuxcorpuscules
de mêmeespèce
que par leurspositions respectives
à lacondition que ces
positions
restent connues au coursdu
temps.
Si lescorpuscules
d’ure certaineespèce
possèdent
différents étatsinternes,
on pourraconsi-dérer des
sous-espèces,
chacune étant attachée à unétat interne. Deux
particules
dans le même état interneséiont alors
identiques
et les conclusions ci-dessus semaintiendront avec la division en
sous-espèces ;
cequi
se trouvera suffisant pour l’utilisation que nous ferons de l’énoncé
précédent.
Si l’on suppose que les
corpuscules
sontrégis
par les lois de lamécanique classique,
lespositions
sontconnues en fonction du
temps ;
alors lescorpuscules
de même
espèce,
bienqu’identiques,
sont discer-nables. Onpourrait,
dans cet atomismeclassique,
figurer
lescorpuscules
par dessphères,
un rayon etune couleur
particuliers
étant attribués àchaque
espèce ;
à deuxcorpuscules
de mêmeespèce
corres-pondent
deuxsphères
de même rayon et de mêmecouleur;
à deuxcorpuscules
d’espèces
différentescorrespondent
deuxsphères
de rayons et de couleursdifférents. Si l’on
adopte
cettereprésentation
de l’ato-mismeclassique,
deuxcorpuscules
de mêmeespèce
peuvent
toujours
être substitués l’un à l’autre sansqu’il
en résulte une modification dans lespropriétés
du
système
considéré.Cependant
cette identité denature n’entraine pas l’indiscernabilité au sens que nous avons
précisé
plus
haut,
car nous pouvonstou-jours
attribuer auxcorpuscules
ainsireprésentés
des numéros d’ordre. Comme nous avonssupposé
que lescorpuscules
obéissaient à lamécanique classique,
il estpossible
de suivre leurspositions respectives
et deconserver ainsi leurs numéros d’ordre. Ceci fournit un
caractère
expérimental
distinctif pourchaque
cor-puscule ;
ils sont donc discernables.4. Ordre et discernabilité. - L’intervention
d’un ordre pour établir la discernabilité des corpus-cules nous conduit à examiner de
façon précise
les liensqui
unissent les notions d’ordre et dediscerna-bilité.
Considérons
uniquement
des ordinationsayant
unesignification physique,
c’est-à-dire telles que l’ordre attribué aux différentscorpuscules
dusystème
consi-déré soit en liaison avec des résultats
d’expériences.
Nous
rejetons
ainsi des ordinations formelles sanssignification physique qui
n’ont pas à intervenir. Sinous avons pu établir une ordination
ayant
unesigni-fication
physique
entre lescorpuscules
d’unsystème
nous avons par là un caractère distinctif pour
chaque
corpuscule :
ils sont donc discernables.Si nous avons un ensemble de
corpuscules
contenantun sous-ensemble de
corpuscules indiscernables,
comme ceux de ce sous-ensemble nepossèdent
aucuncaractère
distinctif,
il nepeut
y avoir aucuneordina-tion
ayant
unesignification physique,
car celle-cicréerait des caractères distinctifs.
Si nous considérons un ensemble fini de
corpuscules
discernables,
nous pouvonsprendre
l’ensemble descaractères distinctifs et l’ordonner. Nous obtenons
ainsi une ordination pour les
corpuscules.
Enfin,
si entre les éléments d’un ensemble decorpuscules
on nepeut
établir aucune ordinationayant
une
signification physique,
c’est quechaque
corpuscule
de l’ensemble nepossède
pas un caractèredistinctif
les éléments de l’ensemble ne sont pas tous
discer-nables les uns des autres, il existe au moins un
sous-ensemble contenant
plus
d’un élément tel que tout élément de ce sous-ensemble soit discernable desautres éléments de ce sous-ensemble. D’où ce
théo-rème :
THÉORÈME 1. - Sozt
un ensemble
fini
decorpits-cules :
a)
Si entre les éléments de cet ensemble il y a uneordination ayant une
signification physique,
cesélé-ments sont tous discernables.
b)
Si tous les élélnents de l’ensemble sont discernables les uns des autres, onpeut
établir entre ces éléments uneordination ayant une
physique.
c)
Si entre les élénîents de cet ensemble il n’existe pas d’ordination ayant unesignification physiqiie,
les élé-rnents de l’eitsemble jze sont pas tons discernables les unsconte-nant
plus
d’un élément tel que tout élément de cesous-ensemble soit indiscernable des alrtres élérnents de cc
sous-ensemble.
d)
S’il y a lin sous-ensemble dont les éléments sontindiscernables,
on nepeut
établir une ordination ayant unesignification physique
entre les éléments de l’en.semble considéré.
Ce théorème montre
qu’un
ordre ouplus
exacte-ment lapossibilité
d’une ordinationayant
unesigni-fication
physique
constitue un critère de ladiscerna-bilité :
possibilité
d’ordination et discernabilité sontphysiquement
équivalents.
5.
Principe
de Dalton etmécanique
ondula-toire. -Supposons
maintenant que lescorpuscules
au lieu d’obéir à une
mécanique ponctuelle
suiventles lois d’une
mécanique
ondulatoire. En vertu de l’indéterminismequantique
nous ne pourronsplus
les suivre au cours dutemps.
Sitôtqu’il
y aura unerégion
de
l’espace
où deuxcorpuscules
de mêmeespèce
pour-ront se trouver
ensemble,
aucune ordination de cesdeux
corpuscules
ne pourra être maintenue etl’im-possibilité
de les suivre individuellement faitperdre
tout caractère
distinctif, puisque
de tels caractères nesauraient être liés
qu’au
mouvement en vertu duprincipe
deDalton,
comme nous l’avons faitremar-quer
plus
haut,
d’où ce résultat :THÉORÈME 2. - Si les
corpuscules
obéissent aux lois d’unemécanique ondulatoire,
leprincipe
de Dalton apour
conséquence
que lescorpuscules
de mêmeespèce
sont indiscernables.~
Ainsi,
suivant que l’onadopte
pour lescorpuscules
une
mécanique ponctuelle
ouondulatoire,
lescorpus-cules de même
espèce
sontidentiques
et discernablesou indiscernables. Mais nous pouvons
développer
unepartie
des théoriesatomiques
sans avoir besoin depréciser
les lois de lamécanique
àlaquelle
les corpus-cules sont soumis. Dèslors,
laquestion
se pose desavoir si nous devons
partir uniquement
des deuxprincipes
énoncésplus
haut,
ou si nous devonsren-forcer le second
principe
de tellefaçon
qu’il
contienne la conclusion du théorèmeprécédent,
autrement ditdevons-nous substituer au terme «
identiques
» duprincipe
de Dalton le terme « indiscernables » ? Leprincipe
renforcé s’énoncerait :PRINCIPE 2 b. - 10 Les
corpuscules
sont d’un nombrefini
d’espèces;
20 Lescorpuscules
de mêmeespèce
sontindiscernables.
On
peut
distinguer
ceprincipe
duprincipe
de Daltonclassique,
parcequ’on
est conduit à desformules,
con-trôlables
expérimentalement,
différentes selon quel’on
adopte
l’un ou l’autre.Si l’on
adopte
leprincipe
renforcé on ne pourra,même par des
repérages
de laposition
descorpuscules
d’un ensemble de Ncorpuscules,
fixer un ordre entre les éléments de cet ensemble. Eneffet,
si à un certainmoment on mesure ces
positions
on obtiendra commerésultat 7V
positions,
c’est-à-dire Npoints
géomé-triques.
Engéométrie,
bien que lespoints
soient tousidentiques,
on sait lesdistinguer
et on sait établir entreeux un ordre dans un ensemble fini. Cet ordre ainsi
établi est
purement
abstraitpuisqu’il
n’est pas lié àun caractère
expérimental. Supposons
que lemouve-ment des
corpuscules
soitrégi
par unemécanique
ondulatoire ;
dans ce cas, on nepeut
suivre lescor-puscules
au cours dutemps.
Si l’on effectueultérieu-rement une nouvelle localisation des
corpuscules,
ouobtient à nouveau N
points géométriques
et onpeut
les
ordonner,
mais cet ordre est sans liaison avecl’ordre établi
précédemment,
cequi
lui retire toutesignification physique.
Il y a des cas où le nouvel ordreest en liaison avec le
précédent,
s’il ne s’est pasproduit
de collisions dans
l’intervalle ;
mais ce sont des excep-tions. Il nepourrait
enacquérir
que s’il n’était pasarbitraire,
c’est-à-dire s’il était lié à l’ordreprécé-demment établi.
Si nous
adoptons
leprincipe
renforcé sanspréciser
les lois de la
mécanique,
l’ordre fixé auxcorpuscules
au moment d’une localisation n’a pas designification
physique,
cequi
entraîne aussi dans ce cas que l’ordreétabli à un certain instant est sans liaison avec un
ordre établi
antérieurement,
d’où la même conclusion. Ce raisonnement suppose que lescorpuscules
de mêmeespèce
peuvent
se trouver en une mêmerégion
et ne sont passéparés
par une barrièreinfranchis-sable.
En
effet,
si l’on suppose descorpuscules
de mêmeespèce,
chacunséparé
des autres par des barrièresinfranchissables,
onpeut
assigner
àchaque
corpus-cule un numéro d’ordre : celui
qu’on
peut
attacher àla
région
del’espace
limitée par des barrières danslaquelle
il se trouve. Dans ce cas il y adiscernabilité,
et dans ce cas
seulement,
car dès que deux corpus-cules de mêmeespèce
peuvent
se trouver dans un;même
région
ils sont indiscernables.Si l’on sait
qu’entre
deux instants t1, t2, deuxcor-puscules
nepeuvent
se trouver dans une mêmerégion,
tout se passe comme sipendant
cet intervalle detemps
ils étaientséparés
par une barrièreinfranchissable,
une ordination se conservependant
l’intervalle t1, t2.6. Individualité et indiscernabilité. -
L’hy-pothèse
de l’indiscernabilitépeut
êtreinterprétée
comme un renoncement à suivre l’individualité des
corpuscules
(1),
cequi équivaut
en fait à unrenonce-ment à l’individualité
elle-même,
car uneindividua-lité n’offre d’intérêt que si l’on a la preuve
qu’elle
subsiste.
1B1.
Langevin
a insisté sur l’intérêtqu’il
y aurait à édifier les théoriesatomiques
actuelles enpartant
de ce renoncement à l’individualité descorpuscules,
c’est-à-dire enadoptant
l’indiscernabilité descorpus-cules de même
espèce
commeprincipe
fondamental.310
En
effet,
on nepeut
dire que l’on soit arrivé à unecompréhension parfaite
des théoriesquantiques
etbien des difficultés restent à surmonter. Pour
beau-coup de
physiciens
laprincipale
de celles-ci est l’indé-terminismequantique.
M.Langevin
a lié cesdifl’I-cultés à une
conception
trop
étroite de l’individualitédes
corpuscules.
Il s’estexprimé
ainsi(1) :
« La crise actuelle des
quanta
est intimement liée...à un
découpage
trop
absolu de cequi
nous entoure.C’est la
conception
de l’individualité descorpuscules
qui
est à la base des difficultés que nous rencontrons ».Nous nous proposons de montrer dans ce travail
qu’il
estpossible
de réédifier les théoriesatomiques
àpartir
du renoncement à l’individualité descorpus-cules comme le souhaite M.
Langevin.
Nous devons donc
partir
duprincipe
de Daltonren-forcé que nous avons énoncé
plus
haut. Cetteconstruc-tion
présente
l’avantage
de ne faire intervenir laconstante de Planck
qu’après
la mise en évidence detoutes les
conséquences
de l’indiscernabilité.Au
contraire,
la méthode utilisée habituellement enphysique quantique
consiste à introduire d’abord lamécanique
ondulatoire et par suite l’indéterminismequantique.
L’indiscernabilitén’apparait,
comme nousl’avons
indiqué plus
haut,
que comrne une consé-quence duprincipe
de Daltonclassique
et de l’indé-terminisme. Mais enagissant
ainsi on masque les consé-quencesqui
sont propres àl’indiscernabilité ;
pourparler
comme M.Bouligand,
on ne met pas enévi-dence le domaine de causalité de l’indiscernabilité
(2).
La méthode de construction
préconisée
parLan-gevin
a donc pouravantage
de faire ressortir d’unefaçon
précise
tout cequi
peut
être déduit del’hypo-thèse
d’indiscernabilité,
sans faireappel
à l’indéter-minismequantique
ni à aucunprincipe
de laméca-nique
ondulatoire.Auparavant,
nous devons montrer le caractèreirré-ductible du
principe
de Dalton renforcé(P2 b)
auprincipe classique
de Dalton(P2
a),
c’est-à-direéta-blir
l’objectivité
des notions de discernabilité etd’in-discernabilité.
Il. Caractère
objectif
de l’indiscernabilité. 7. Théoriephysique. -
Nous allons montrerqu’on
nepeut
transformer une théoriesupposant
l’indiscernabilité des
corpuscules
de mêmeespèce
en une théoriesupposant
la discernabilité sans modifierdes résultats contrôlables
expérimentalement.
Autre-ment dit la discernabilité descorpuscules
ou leurindiscernabilité traduit des
propriétés physiques,
liées à des résultatsd’expériences.
C’est ce que nousvou-lons entendre par caractère
objectif.
(1) P. Relativl’té, conclusion générale (_Bclualités
scientifiques, fasc. 45, 1932).
(2) G. BOULIGAND : La catcsalité des théories lnathétnatiques
(Actualités scientifiques et industrielles, fasc. 184 (1934).
Auparavant,
il fautpréciser
certainesnotions ;
nous supposerons
qu’une
théoriephysique
contient :1 ° des résultats de mesures ; 20 des
prévisions ;
30 des loisphysiques,
satisfaisant aux conditions suivantes :A)
Un résultat de mesure r sur unsystème
peut
êtreconsidéré comme une fonction du
système
physique
observé S et de
l’appareil
de mesure utilisé A :B)
Uneprévision
faite pour une certainegrandeur
physique
concernant unsystème S’,
àpartir
d’uncer-tain résultat de mesure, est considérée comme une
fonction de la
grandeur
G pourlaquelle
on fait laprévision
q:, de l’instant t pourlequel
on lafait,
dusystème
observéS,
du résultat r, de la mesure effectuéeà
l’instant to :
,- T"t 1 - . - . 1
c)
Les 1,)t’sphilsiqltcç
s’expriment
au moyen desconditions
imposées
aux fonctions F etf.
8.Changement
de théorie. - Unchangement
des lois
physiques
ou de leurreprésentation
se traduitpar une modification des
fonctions f
et F.Cechange-ment,
que l’onpeut
appeler
unchangement
de théoriephysique,
peut
être considéré comme une transfor-mation desfonctions f
et F. Nous pouvons schéma-tiser un telchangement
par 1*’écriture :les
arguments
des fonctionsf
etf’
d’unepart,
~~’ et1/,
d’autre
part,
étantrespectivement
les mêmes. Si cette transformation est tellequ’il
y ait pour les deux théoriescorrespondance
biunivoque
entre les résultats de mesure r et r’ et entre lesprévisions
et~’’,
les deux théories seront en un certain sensiso-morphes.
A tout énoncé lié à des caractèresexpéri-mentaux de l’une
correspond biunivoquement
unénoncé
(lié
à des caractèresexpérimentaux)
de l’autre.LEMME 1. - deux théories ne sol2t
pas
iS0l1l0rphes
(ait
sensindiqué), il Y
aurapossibilité
def aire
unedis-titiction entre elles
expérimentalement
lorsqu’il s’agita
d’étudier LLr2
systèlne
physique
S.En
effet,
si elles ne sont pasisomorphes,
il y aplu-sieurs énoncés de
l’une,
soit sur les résultats de mesures, soit sur lesprévisions, qui
necorrespondent
qu’à
unseul énoncé de
l’autre ;
or, ce sont là des énoncés véri-fiablesexpérimentalement.
Ceci ne veut naturellement pas dire que deux
théo-ries
isomorphes
ne peuvent pas êtredistinguées
expé-riméntalement ;
parexemple,
l’unepeut
être telle que pour tout résultatexpérimental numérique
r’ onait r’ _
?r;
il y aisomorphie
et distinctionexpéri-mentale. Mais
parmi
les théoriesisomorphes
onpeut
distinguer
cellesqui
ne diffèrent que par la forme etsont telles que l’on a
toujours 1.
= r’ et s =9:’,
parLe lemme
précédent
peut,
suivant cettedéfinition,
s’énoncer :l’. - Deux théories
non
isomorphes
(au
sens‘
ne peuvent être
physiquement identiques..
’
). Caractère
objectif
de l’indiscernabilité. -Si l’onpeut
transformer une théoriesupposant
l’indis-cernabilité des
corpuscules
de mêmeespèce
en unethéorie
supposant
la discernabilité de telle manièrequ’elles
soientphysiquement identiques,
c’est que ladiscernabilité et l’indiscernabilité n’ont aucune
objec-tivité. aucun caractère
physique, puisqu’on
ne pourrapas obtenir un critère
expérimental
pour décider entre les deuxhypothèses.
Si,
aucontraire,
nous prouvonsqu’il
n’est paspos-sible d’effectuer une telle
transformation,
c’est que l’indiscernabilité ou la discernabilité ont un caractèreobjectif,
contrôlableexpérimentalement.
Si nouspou-vons prouver que deux
théories,
l’unesupposant
l’indiscernabilité,
l’autre ladiscernabilité,
nepeuvent
être
isomorphes,
en vertu du lemmeprécédent
elle nepourront
êtrephysiquement identiques.
Cecidémon-trera le caractère
objectif
(ou
encorephysique)
desnotions de discernabilité et d’indiscernabilité.
D’après
lepremier principe,
unsystème S
estcom-posé
d’un certain nombre decorpuscules
dediffé-rentes
espèces :
A)
discernabilité,
lesystème SI
danslequel
les n,;
corpuscules
del’espèce Ej
sont écrits dansl’ordre :
est différente du
système 8,
où il y a unepermutation
de deux de ces
corpuscules,
parexemple ;
Dire que le
système S2
est différent deS,
revient àdire.
d’après
la définition que nous avonsposée
de ladiscernabilité,
qu’expérimentalement
on pourra lesdistinguer
l’un del’autre,
c’est-à-dire que l’on pourratrouver au moins une
grandeur Gpo
et unegrandeur
dont le résultat de mesure
à to
est r, telles que :B)
indiscernabilité,
d’après
la définition quenous en avons
donnée,
unepermutation
decorpus-cules de même
espèce
laisseinchangé
tout cequi
atrait aux caractères
expérimentaux,
c’est-à-dire auxrésultats de mesures et aux
prévisions.
Donc,
pourtout
roupie
degrandeurs
G p,
on aura dans ce cas :Si i’on
change
de théoriephysique
de lafaçon
indi-quée
auparagraphe
précédent,
on ne pourra en aucun cas fairecorrespondre biunivoquement
la totalitédes énoncés d’une théorie où il y a indiscernabilité des
corpuscules
à la totalité de ceux d’une théorie où il y adiscernabilité,
en vertu du fait que dans un cas. au moins on
a, pour une théorie :
et pour l’autre :
en vertu du caractère
expérimental
attaché à ladéfinition de
l’indiscernabilité;
donc àplusieurs
énoncés d’une théoriecorrespond
un seul énoncé del’autre;
iln’y
a pasisomorphie
parconséquent,
et les théories ne sont pasphysiquement
identiques.
D’où le lemme :LEMME 2. - Une théorie
supposant
l’indiscernabi-lisé descorpuscules
de mêmeespèce
nepeut
êtreiso-morphe
à une théoriesupposant
la discernabilité.D’après
le lemme1,
ce résultat établit que deuxtelles théories ne
peuvent
êtrephysiquement
iden-tiques ;
donc,
en tenantcompte
de ce que nous avonsdit
plus
haut,
nous concluonsque la
discernabilité etl’indiscernabilité sont des
propriétés
physiques,
objec-tives,
et non despropriétés
formelles ;
on nepeut
passer de I’une à l’autre par un artifice de formalisme. D’où ce théorème :
THÉORÈME 3. --- Une théorie
supposant
l’indiscer-nabilité descorpuscules
de mêmeespèce
nepeut
êtrephysiquement identique à
une théoriesupposant
ladiscernabilité ;
ou encore : Une théoriesupposant
t’indis-cernabilité des
corpuscules
de mêmeespèce
nepeut
êtr,~isomorphe
à une théoriesupposant
la discernabilité.Ceci
n’empêche
pasqu’entre
unepartie
d’une théoriesupposant
ja discernabilité et unepartie
d’une théoriesupposant
l’indiscernabilité,
onpuisse
établir unecor-respondance
biunivoque,
comme le prouvel’exemple
de M. LéonBrillouin,
qui
a établi lés formules dessta-tistiques quantiques
enpartant
de l’une ou de l’autrehypothèse (1).
Dans ce cas, la discernabilité oul’indis-cernabiJité ne
joue
pas un rôleessentiel;
mais on nepourra pas étendre la
correspondance
à la totalité deces théories
puisque
la discernabilité a été définiecomme liée à des caractères
expérimentaux.
III.
Mécanique ponctuelle
et discernabilité.10.
Mécanique ponctuelle.
- D’unefaçon
géné-rale,
nousappellerons Ifécanique ponctuelle
unethéo-rie
physique
tellequ’à partir
de certaines mesuresini-tiales il est
possible
de donner en fonction dutemps
les
positions
des éléments dusystème
physique
observé. Au moyen d’une dérivation parrapport
autemps
(lorsque
la dérivéeexiste)
on obtient les vitesses en fonction dutemps.
Remarquons
que :(1) Léon BR ILLO U 11’B. Statistiques quantiqzies et réactions
312
THÉoRÈmE 4. - Une théorie
permettant
d’exprimer
la vitesse en
fonction
dutemps
est unemécanique
ponc-tuelle
(suivant
la définition iciposée)
si les mesures depositions
peuvent
êtreeffectuées
simultanément avec lesmesures servant de conditions initiales à la vitesse.
En
effet,
il suffira deprendre
laprimitive
de lavitesse et de fixer les constantes
d’intégration
par lespositions
initiales.Une
représentation
ponctuelle
ayant
étéadoptée
pour les
corpuscules
suivant cequi
a été dit auxpara-graphes
1, 2,
unemécanique ponctuelle
d’unsystème
de
corpuscules
sera telle que l’on aura :t :
temps
del’horloge
del’observateur ;
ro : résultatde la mesure faite à to ; on aura :
... ,.
Inversement,
si l’on donne lesvitesses,
on aura :Au lieu des vitesses on
peut
considérerde,s
grandeurs
dites
quantités
de mouvementqui
sont des fonctionsbiunivoques
et bicontinues des vitesses :Par
exemple
enmécanique classique :
en
mécanique
de la relativité restreinte :En inversant ces
formules,
desquantités
demou-vement on tire les vitesses :
Donc dans l’énoncé
précédent
onpeut
substituer leterme «
quantité
de mouvement o au terme « vitesse o.11.
Mécanique ponctuelle
et discernabilité. -Si le mouvement descorpuscules
d’unsystème
estrégi
par unemécanique
ponctuelle,
onpeut
à unins-tant t1
fixer un ordre aux npoints figurant
les corpus-cules dusystème,
et cet ordre se trouvera conservé au cours dutemps
puisque
l’on pourra suivre lespositions
des différents
corpuscules
au cours de l’évolution. L’ordre ainsi introduitprend
alors unesignification
physique,
du fait de cetteconservation ;
on peututiliser cet ordre pour numéroter les coordonnées des
corpuscules
comme nous l’avons fait auparagraphe
précédent.
On voit donc que :THÉORÈME 5. - Une
mécanique
ponctuelle
exige
la discernabilité descorpuscules.
Ce théorème entraîne immédiatement le corollaire suivant :
COROLLAIRE 1. - Sz les
corpuscules
de mêmeespèce
d’un
système
sontincliscernables,
aucunsystème
contenantplusieurs
corpuscules
de mêmeespèce
ne peut êtrerégi,
par une