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Construction et représentation spatiale de l'interactivité numérique par manipulation d'informations 2D et 3D

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Academic year: 2021

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CONSTRUCTION ET

REPRESENTATION

SPATIALE

DE L’

INTERACTIVITENUMERIQUE

PAR

MANIPULATION D’INFORMATIONS 2D ET 3D

Mémoire présenté

à la Faculté des études supérieures de l'Université Laval

pour l’obtention

du grade de maître ès sciences ( M. Sc. )

Ecole d'architecture

FACULTE D’AMÉNAGEMENT, D'ARCHITECTURE ET DES ARTS VISUELS UNIVERSITE LAVAL

NOVEMBRE 2001

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L'idee d’un modèle d’espace abstrait pour interagir avec des ensembles d'information numérique est à la source du développement du sujet de ce mémoire. La revue de littérature réalisée sur les nouvelles formes de transmission et de production de l’information et du savoir permet de qualifier le médium électronique qu’est Internet d'espace collectif, que l'on nomme aussi couramment «cyberespace». Ce dernier fait partie de la prochaine génération d’interfaces et leur qualité dépend essentiellement des contenus présentés et des notions d'interactivité et d’interaction. Par un examen des implications des notions d'espace, de réel et de virtuel, le mémoire démontre qu'un espace d'informations se développe et se déploie sous de multiples formes. En situation interactive, l’utilisation d’un feed-back visuel peut augmenter la perception de cet espace d’information en tant qu’un tout et développe des métaphores spatiales propres à ce système. Le prototype proposé s'attache à définir l'interactivité numérique au travers d'un langage spatial et visuel, en relation avec le cyberespace. Il consiste à fournir un modèle délivrant en temps réel une réponse visuelle (2D ou 3D) des interactions d'un utilisateur avec ce dernier, lui permettant d’avoir une perception globale de l'activité en cours.

Pierre Côté Directeur

Mélina Giannakis Candidate

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REMERCIEMENTS

En même temps que ce mémoire pose un deuxième jalon à mon parcours universitaire, il marque la fin d’un an et demi de vie au Québec. Cette aventure de vie transatlantique a été appuyée par de nombreuses personnes que je tiens à remercier dans cet avant-propos, à commencer par mes parents, sans le soutien desquels, tant financier que moral, ce travail n'aurait pas vu le jour. En particulier, j'aimerais remercier mon papa, qui dès le plus jeune âge de ses enfants, par le premier biais d’une console raccordée à un téléviseur, nous a ouvert la voie de l'informatique. De même, pendant maintenant près de cinq années, Ertu me suit dans mes entreprises et contribue à de nombreux niveaux à mes travaux.

Je remercie chaleureusement Pierre Côté dont l’ouverture d’esprit et les qualités tant au niveau de la personne que de la pédagogie m'ont procuré un support constant. Mes remerciements s’adressent également à Luc Noppen et à Lucie Morisset : leur accueil

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chaleureux et leurs initiatives pour nous intégrer Ertu et moi à la vie québécoise ont été des plus dignes de cette dernière.

Je tiens à souligner aussi l'aide fournie par Pierre Côté, Carole Després, Luc Noppen et Denise Piché au niveau de l'octroi de la bourse de l’Université Laval exemptant les étudiants étrangers de frais de scolarité supplémentaires, celle-ci m’ayant permis de continuer des études déjà entamées. Dans la même lignée s’inscrivent le Commissariat Général aux Relations Internationales (CGRI) de la Communauté française de Belgique ainsi que le Centre interuniversitaire d’Etudes sur les Lettres, les Arts et les Traditions (CELAT) qui m'ont offert deux autres bourses.

Enfin, je remercie Hassoun Karam qui m'a apporté une lecture différente d'une partie de mon travail. Il sera le dernier que je citerai explicitement, mais mes pensées vont également à tous ceux qui m'ont aidé, de près ou de loin, tout au long de mes études.

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Table des matières

Résumé... "

Remerciements... Table des matières... v

Liste des figures... ^111

INTRODUCTION... 2

Chapitre 1 : Brève genèse de l’interactivité numérique 9 1.1 Introduction... 9

1.2 Informatique et interface homme-machine... 10

1.2.1 L’aventure informatique : une détonation de l’armée américaine... 10

1.2.2 L’heure de gloire des interfaces... 13

1.3 Cybernétique... 17

1.3.1 Naissance de la cybernétique... 17

1.3.2 Système, rétroaction, information codée... 19

1.3.3 Causalité circulaire et nouveau paradigme de la communication... 20

1.3.4 Cybernétique et systémique... 22 1.4 Interactivité et interaction... 23 1.4.1 Interaction... 23 1.4.2 Interactivité... 25 1.4.3 L'effort interactif... 27 1.4.4 Formes d’interactivité... 29 1.4.5 Degrés d’interactivité... 30

1.5 Concepts théoriques de l’interface homme-machine... 32

1.5.1 L’effet « tous azimuts »... 33

1.5.2 Les modélisations du système interactif... 34

1.5.2.1 L’interacteur... 34

1.5.2.2 Une façon de modéliser un système interactif... 37

1.5.3 Etapes de réalisation de l’interface usager... 42

1.5.3.1 Phases de la conception d’une interface... 42

1.5.3.2 Caractéristique d’une bonne interface usager... 48

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Chapitre 2 : L’espace interactif 51

2.1 Introduction... 51

2.2 Environnement, espace, interface... 53

2.3 Espace et réalité : espace dans la réalité et réalité de l’espace... 57

2.3.1 Les plus anciennes conceptions de l’espace... 57

2.3.2 Des deux « réalités » médiévales à l’espace perspectif... 59

2.3.3 Le XVIIè siècle philosophique... 61

2.3.4 Sous le contrôle de Kant... 62

2.4 Espace et virtuel : espace dans le virtuel et virtualité de l’espace... 64

2.4.1 Les architectes du virtuel... 64

2.4.2 < Réalité virtuelle >... 66

2.4.3 Réalité A Potentiel A Virtuel... 70

2.5 Bref retour aux philosophes... 73

2.6 Interactivité, spatialisation, énaction... 76

2.6.1 L’espace-information... 76

2.6.2 Topographies virtuelles... 77

2.6.3 Précédents en matière de topographies virtuelles, cartographie de réseau et étude de l’interactivité numérique... 79

2.6.4 Enaction et représentation de l’interactivité numérique... 82

Chapitre 3 : Précédents et outils choisis 86 3.1 Introduction aux chapitres 3 et 4... g^ 3.2 VRML... 37

3.2.1 Définition et bref historique... 37

3.2.2 Quelques concepts de base du VRML... 39

3.2.3 Eléments du graphe de scène... 91

3.2.4 Forces et faiblesses générales du VRML dans le cadre de l’étude... 95

3.3 HTML, JavaScript et SVG... 97

3.3.1 HTML : histoire et concepts de base... 98

3.3.2 Les différentes versions du HTML... 99 3.3.3 JavaScript... ]qq

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Chapitre 4 : Description et évaluation du prototype 110

4.1 Méthodologie systémique... 110

4.2 Cadre d'élaboration du prototype et objectits... 112

4.3 Description et évaluation du prototype... 114

4.3.1 Version HTML... 115

4.3.2 Version VRML... 123

4.3.2.1 Petite histoire du prototype... 124

4.3.2.2 Le prototype 3D actuel... 128

4.4 Evaluation des deux versions... 135

CONCLUSION... 142 ADDENDA... 147 BIBLIOGRAPHIE... 149 ANNEXES... 161 Annexe A... 162 Annexe B... 163

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Liste des figures

I - Loi de Fitts... 35

2- Le modèle du processeur humain (Gillet, 1995)... 36

3 - Modélisation d’un système interactif... 38

4 - Les différents prototypes selon Nielsen (1993)... 47

5- Ecran et espace (Gardies, 1993)... 55

6 - Le concept d'objet en JavaScript... 101

7 - Comparaison entre JavaScript et Java... 104

8 - Navigateurs et compatibilités (Flanagan, 1998)... 105

9 - Arborescence du site HTML... 118

10 - Structure générale du site HTML... 119

II - Menu arborescent du site HTML... 119

12- Répartition des informations du site HTML (personnelle)... 120

13 - Echanges entre JavaScript et HTML... 121

14 - Carte interactive... 123

15-Changement de texture selon position d’un curseur... 125

16 - Apparition d’éléments animés dans une scène... 125

17 - Translation et rotation d’objets... 126

18 - Changement de couleur activé par un clic... 126

19 - Interactions des technologies VRML, HTML et panoramiques... 126

20 - Un essai de modèle interactif : le rubicube... 127

21 - Métaphore spatiale du prototype actuel... 128

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Gaston Bachelard, L'air et

les

songes.

Ce

mémoire

est

dédié àmongrand-père, quim

’assiste

pas

à pas,

même

s’il

n

est plus

là.

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(11)

En s'insérant dans la société ou plus particulièrement dans un groupe social dont les pratiques quotidiennes ont développé un imaginaire collectif, l’individu, cesse, dans la majorité des cas, d'être créatif, pour devenir un spectateur passif de cette structure imaginaire. S’il ne participe plus à la construction de son imaginaire, il bloque son évolution dans le temps devenant ainsi un des nombreux pions manipulés par une minorité. Sa structure mentale se transforme en un monolithe aux contours nets, ne laissant plus de place à l'expérience. Cet imaginaire collectif se transforme radicalement d'une époque à l'autre et la mutation du XXIième siècle est déjà souvent comparée à celle qui a eu lieu au XIVième siècle, lorsque l'on passa des moines copistes à l'imprimerie.

La mutation en cours, basée sur les progrès technologiques, dépasse largement le cadre technologique. Ce changement de civilisation est culturel, politique, économique et touche également nos modes de représentation, notre rapport à l'espace et au temps. Internet et le virtuel sont de nouveaux mondes, de nouveaux espaces à explorer, pour lesquels l'imaginaire collectif n’en est qu'à sa première phase d'élaboration. C'est en ce sens que tout comme à la découverte des lois de la perspective ou autre point clé de l’histoire, une porte s’ouvre sur de nouvelles conceptions, ou du moins sur une réévaluation des concepts établis. Sans avoir une telle prétention, ce mémoire tend à une exploration de l’espace numérique, au travers d’un de ses éléments fondateurs : l'interactivité. Pour mener à bien cette conquête de l'espace, une compréhension profonde des implications des notions d'espace, de réel et de virtuel est nécessaire. Là se situe un autre des objectifs de ce mémoire.

Le concept d'interactivité et celui d'interaction, qui lui est directement lié, ne sont pas des phénomènes nouveaux. En effet, de façon générale, notre expérience du monde est pétrie d’interactivité. La notion d'interactivité est en réalité une notion assez floue, à tel point que l'on peut dire que tout est interaction (Balpe, 1990). Une confusion grandissante affecte les définitions de l'interactivité interhumaine par l'intermédiaire de différents média plus ou moins combinés, de l'interactivité homme-machine et de l'interaction elle-même. Le mémoire s'appliquera donc à clarifier ces concepts en établissant des définitions adéquates au sein de cette étude. Ce travail montrera d'autre part pourquoi et comment l'informatique peut être considérée, depuis ses débuts, comme un puissant accélérateur de virtualité, et que l'interactivité, qui traverse tous les aspects de l'informatisation de la société, en est le moteur : la construction d’un environnement de manipulation virtuelle n’était pas un fondement historique de l'informatique, mais comme le rappellent les

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ouvrages de Philippe Breton (1990) ou les descriptions enthousiastes du journaliste Howard Rheingold (1993) cette démarche a constitué au fil des années la branche la plus créative et la plus novatrice des théories sur les interfaces homme-machine et a ouvert la voie de l'interactivité à l’aide de représentations graphiques d’environnements virtuels.

Le prototype informatique, qui fait partie intégrante de ce mémoire, propose à l’utilisateur une représentation de son interactivité dans un espace virtuel : en effet, l’hypothèse de départ de ce travail repose sur la construction de l’interactivité numérique au travers d'un langage spatial et visuel qui amènerait à une des multiples interprétations que l’on peut avoir du cyberespace. Le prototype utilise le feed-back visuel pour augmenter la perception de l’espace d’information qui se développe avec Internet et le virtuel et propose des métaphores spatiales relatives à ce système. L’objectif visé dans le prototype consiste à fournir un modèle délivrant en temps réel une réponse visuelle (2D ou 3D) des interactions d’un utilisateur avec ce dernier, lui permettant d’avoir une perception globale de l’activité en cours. La qualité du résultat dépend essentiellement des contenus présentés et de la question de l’interface personne-machine. Le mémoire s’applique donc à étudier les concepts théoriques relatives à la conception d’une interface personne- machine. Dans le chapitre 1 étudiant ces notions théoriques sont également établis des critères d’évaluation à la lumière desquels est considéré le prototype dans le chapitre 4. Au niveau des contenus, le prototype a été intégré à un projet de recherche dont le but est de mettre en place un site web mettant en relation les expertises francophones au niveau du patrimoine architectural du XXième siècle. L’option choisie fut celle d’exploiter la manipulation de données, tant 2D que 3D : le prototype comporte en effet deux parties, complémentaires, l’une présente une interface 2D et l’autre une interface 3D. Par ailleurs, le défi consistait également à exploiter au maximum les capacités interactives du VRML (Virtual Reality Modeling Language).

L’inspiration générale de ce mémoire provient de la conception théâtrale de l’interactivité de Brenda Laurel (1993) dans Computer as a Theater et d’Alice au pays des merveilles et Ce au'Alice trouva de l'autre côté du miroir de Lewis Carroll (1977) : la possibilité de renvoyer l'interactivité numérique à un espace imaginaire, entre réel et symbolique, où informations et connaissances sont partagées, a motivé l'entreprise dont le résultat est ici présenté. Penser l’interactivité en terme d'espace ne paraît en effet pas impossible lorsqu’on pense à I’« espace cybernétique», ou «cyberespace», de William Gibson (1985). Le problème réside en réalité dans la construction et la représentation de

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cet espace. Dans l’idée de construire et de représenter l'interactivité en tant qu’expérience propre à chaque individu, les recherches effectuées ont conduit au domaine des sciences cognitives, et plus particulièrement à la théorie de l’énaction de Francisco J. Varela (1989 et 1996). Il a semblé important d’également situer, à la fin du deuxième chapitre (point 2.5.4), les origines du travail.

Par ailleurs, l’apport de la systémique est fondamental dans la démarche entreprise. La systémique s’étaye sur l’histoire du lien, non plus comme une ligne vers la vérité mais une spirale où toute connaissance n’est que provisoire et valide dans son contexte. Elle propose la modélisation comme méthode pour aborder la complexité et la globalité; les problématiques s'envisagent à un niveau macroscopique, où l’incertitude est acceptée au sein d’un schéma de connaissances. Par la modélisation, il est possible de dresser la carte des relations et interactions de chaque élément constituant un phénomène, plutôt que d'opérer par décomposition isolatrice de chacun de ces éléments. Les modèles élaborés sont des modèles ouverts à d’autres systèmes. La notion de cyclicité entre prototypage, évaluation et simulation vient remplacer la linéarité du cause à effet (Le Moigne, 1999). Cet apport de la systémique se fait notamment ressentir par la nécessité d’un modèle interactif pour étayer notre démarche, par son évaluation et sa simulation. En accord avec cette démarche systémique, le mémoire rend compte dans son développement tant de questions théoriques que de leurs rapports avec le prototype informatique; le prototype, quant à lui, ne constitue pas la démonstration pratique des concepts théoriques exposés dans la partie écrite, mais vient plutôt les éprouver, particulièrement en ce qui concerne la version 3D en VRML, et vient appuyer les hypothèses. Aussi, les deux derniers chapitres du mémoire sont consacrés à la description du prototype et procède à une évaluation du résultat obtenu. Il faut d’ailleurs souligner que la vocation d’un prototype n’est pas de fournir une optimisation d’un produit, mais d’en présenter les potentialités offertes.

La pertinence d’une telle recherche au niveau architectural a plusieurs fondements. Considérée au sein de cet univers d’informatisation et de « nouvelles technologies », l’architecture se développe sous des angles nouveaux. On voit l’émergence d’un certain nombre de techniques cybernétiques et leurs applications dans le monde de l’informatique bouleverser à nouveau les «fondations» de l’architecture. Alors que l'architecture traditionnelle se construit au moyen de pierres et de briques, les espaces virtuels sont faits de constructions électroniques : on pense par exemple à City of

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Bits. Space, Place, and the Infobahn de William J. Mitchell du MIT (1995). La métaphore spatiale semble si bien fonctionner qu'il est tentant de prendre au pied de la lettre l'architecture comme on la côtoie d'habitude comme base de construction électronique. Les espaces virtuels peuvent effectivement servir certaines fonctions du réel, en remplacer d'autres et définitivement en créer de nouvelles. Mais la forme et la fonction ne sont pas couplées de la même façon pour l'espace virtuel et pour l'espace physique. Il n'y a pas de raison suffisante qui détermine la modélisation des espaces virtuels à l'image de ceux conçus en matériaux lourds qui subsistent au dehors dans les intempéries. Sans aucun doute, une nouvelle porte s'ouvre à la création. La conception du cyberespace appelle à l'utilisation d'un autre langage. Les univers virtuels permettent en effet de représenter de nouveaux types d'espaces, non explorés, par exemple les espaces non-euclidiens comme le bord d'un trou noir. Une corrélation entre les espaces architecturaux euclidiens et des espaces architecturaux non euclidiens, qui restent encore à définir, ouvre la voie à une autre vision de l'architecture. Il n'est pas étonnant que les facultés universitaires d'architecture et les architectes eux-mêmes s'intéressent à la notion de virtualité. Pour plusieurs d'entre eux l'espace virtuel est une donnée fondamentale et correspond au développement les plus prometteurs de leur discipline. John Beckmann (1998) a dirigé une publication très pertinente sur le sujet qui déborde nettement le cadre stricte de la discipline architecturale. Mais il reste que l'espace «réel» et l'espace «virtuel», l'un comme l'autre, sont utilisés et vécus par un grand nombre de personnes qui se croisent, discutent au café comme dans une « chat room », échangent des informations, en bref tentent de communiquer. Après tout, l'objectif de l’architecture n'est-il pas d'abriter ou de marquer les comportements humains que ce soit dans l'espace réel ou virtuel ? Comme le soulignent particulièrement Paul Virilio et Adrien Sina dans un de leurs entretiens (1996, Annexe B), le cyberespace demande l'attention particulière des architectes au risque de causer de grandes pertes à cette profession et à la société en général.

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Ce mémoire comporte quatre chapitres: les deux premiers s'attachent aux concepts théoriques, alors que les deux derniers sont orientés vers l’application pratique. Chacun des chapitres comporte une introduction, explicitant son contenu et les raisons qui poussent à les aborder.

Les chapitres 1 et 2 du mémoire s'attachent à explorer et à définir les concepts théoriques relatifs à l’étude. Le premier chapitre montre que l'interactivité numérique prend racine dans l'histoire des technologies et de la cybernétique, antérieure à la seconde moitié du vingtième siècle. Par ailleurs, la systémique, qui fonde la démarche de cette recherche, constitue le renouveau, dans les années soixante de la cybernétique qui elle-même est née d’une conjonction de découvertes et de courants de pensée dans les années d’après-guerre. Certains concepts fondamentaux issus de la cybernétique s'avéreront d'un grand éclairage pour notre recherche. Le rôle central de l’interface dans le domaine qui nous intéresse amène d'autre part, dans ce premier chapitre, à en examiner l’histoire et les concepts théoriques. Enfin, à la lueur de ces analyses, une définition de l’interaction et de l’interactivité sera fournie : la confusion est en effet grande au niveau de ces termes et d'autre part, la nécessité de poser des bases solides à ce niveau s'avère impérative pour étayer la recherche.

Dans le deuxième chapitre est envisagée la problématique engendrée par la notion d'espace, qui est une des préoccupations majeure au cœur de l'architecture, et qui met en évidence l'évolution des conceptions du rapport au monde, donc à la réalité. La lunette de la philosophie a été choisie pour clarifier les conceptions abordées. En effet, il ne s'agit pas dans ce travail de l’espace en tant que notion scientifique, mais plutôt d’espace vécu, qui modèle et est modelé par nos expériences. Penser l'espace pose des difficultés considérables, et les réflexions quant à la réalité et au rapport à l'espace des philosophes abordés, Aristote, Descartes et Kant, influence encore nos modes de penser. Il y a de plus une parenté historique entre ces penseurs qui révèle une sensibilité particulière. Ensuite, à l’apparent opposé, la dimension topologique et spatiale du virtuel viendra compléter l'approche théorique spatiale. Dans le troisième point du chapitre 2, nous verrons combien l'apport des différents philosophes est présent lorsqu’on tente de définir la notion d’espace virtuel et enfin, la dernière section ce deuxième chapitre définit la théorie de l'énaction, et clarifient ses rapports avec l'interactivité et la notion d'espace.

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Les chapitres 3 et 4 du mémoire visent à présenter le prototype informatique. Ainsi, dans le troisième chapitre sont définis les langages et formats de fichier, leurs origines respectives, leurs avantages et leurs inconvénients, ainsi que la raison pour laquelle ils ont été choisis pour l’élaboration du prototype. Le quatrième chapitre présente en détail le prototype, la méthodologie d’élaboration, le cadre de sa réalisation, les modalités et choix effectués, les difficultés rencontrées lors de la réalisation et une évaluation des résultats.

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Chapitre 1 : Brève genèse de l'interactivité numérique

1.1 Introduction

Les premiers ordinateurs des années 40 ont été conçus pour répondre à un souci de productivité dans le domaine du calcul. La construction d'un environnement de manipulation virtuelle n'était pas un fondement historique de l'informatique, mais comme le rappellent les ouvrages de Philippe Breton (1990) ou les descriptions enthousiastes du journaliste Howard Rheingold (1993), cette démarche a constitué au fil des années la branche la plus créative et la plus novatrice des théories sur les interfaces hommes- machine. Au delà des prospectives envisagées par Vannevar Bush (1945, Annexe B), ils rappellent que des personnalités comme celle de Douglas Engelbart et Ivan Sutherland ont ouvert à la fin des années soixante la voie de l'interactivité opératoire homme- machine a l'aide de représentations graphiques d'environnements virtuels. Ce premier chapitre montrera de quelle façon le passage aux interfaces graphiques place concrètement le fonctionnement et l'utilisation de la machine dans le domaine d'une réalité virtuelle : par l'intermédiaire de sa représentation, l'utilisateur va agir dans cet espace.

Par ailleurs, la systémique, qui fonde notre démarche, constitue le renouveau, dans les années soixante de la cybernétique qui elle-même est née d’une conjonction de découvertes et de courants de pensée dans les années d'après-guerre: la Théorie Mathématique de la Communication de Claude Shannon, la mise au point de système rétroactif par Norbert Wiener et le développement des premiers ordinateurs par John Von Neumann ou Alan Turing, l'apport des psychiatres, des neurologues et psychologues tels Warren Weaver, Paul Watzlawick, Gregory Bateson, et des anthropologues. Cette conjonction, qui n'est pas fortuite, vu qu'elle hérite du contexte particulier de bouillonnement et de croisements de perspectives en réaction à la barbarie nazie, a également bâti les fondations de la société occidentale et technologique dans laquelle nous vivons aujourd'hui. Certains concepts fondamentaux issus de la cybernétique et de la systémique s'avéreront d’un grand éclairage pour cette recherche.

A la lueur de ces analyses, le mémoire s'attache à fournir une définition de l’interaction et de l’interactivité : la confusion est en effet grande au niveau de ces termes

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et d’autre part, la nécessité de poser des bases solides à ce niveau s’avère impérative pour étayer la démarche entreprise.

Enfin, dans le dernier point de ce premier chapitre, seront envisagés les aspects théoriques relatifs à la conception d’une interface personne-machine. Cela a été dit plus haut, l'interface homme-machine tient une place particulière dans l’univers informatique. Elle construit de plus un ensemble de liens fonctionnels entre l'ordinateur et ses applications et l'usager, impliquant qu'une attention suffisante doit être portée aux besoins et aux habitudes de ce dernier durant le processus de développement de l'interface. Bien que ce domaine d'étude soit dénommé « Interaction homme-machine », il est focalisé sur une catégorie particulière de machines : les systèmes de traitement de l'information interactifs. Certaines spécificités de ces outils permettent de les distinguer des « machines » au sens large, objets d'attention de l'ergonomie. L'interface utilisateur n'est pas un accessoire mais joue un rôle central : s'il est possible de pallier aux limites d'une machine «ordinaire» en agissant avec d'autres outils ou manuellement, il est en revanche impossible de pallier aux insuffisances d'une interface qui ne permettrait pas d'accéder à certains états recherchés des données manipulées. Alors que des questions de complétude d'accès peuvent souvent être écartées de la conception de « machines » celles-ci peuvent se révéler cruciales dans l'interaction humain-ordinateur. Ces aspects sont particulièrement utiles dans la conception du prototype proposé.

1.2 Informatique et Interface Homme-Machine

1.2.1 L’aventure informatique : une détonation de l'armée américaine

De tout temps l'homme a essayé de concevoir des machines capables d'effectuer des tâches seules. On retrouve ce désir d'automatisation au travers des âges; d'un côté des chercheurs essaient de concevoir des automates, de l'autre des mathématiciens cherchent à mécaniser les calculs, comme Biaise Pascal avec sa première calculatrice, la « Pascaline ».

Au début des années 40, les premiers ordinateurs modernes pesaient plusieurs tonnes, étaient peu fiables, et leur consommation d’énergie était celle d'une locomotive électrique... ce qui est bien imaginable en sachant qu'ils étaient réalisés à partir de composants des postes de radio de nos grands-parents : les tubes à vides. La deuxième

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génération d’ordinateurs apparut en 1948. On remplaça les tubes à vides par des transistors et un progrès décisif a été accomplit par l’invention du circuit imprimé (technique consistant, en gros, à souder divers composants sur le circuit imprimé sur un support isolant). Le passage de la deuxième génération à la troisième, en 1965, a plus été marqué par une meilleure façon d'utiliser l'ordinateur que par une innovation matérielle majeure : les langages évolués se généralisent. C’est en 1971 que l'invention par Intel de la puce intégrant plusieurs circuits intégrés donna naissance à la quatrième génération d’ordinateurs (Fontolliet, 1985).

En réalité, la seconde guerre mondiale a joué un rôle décisif dans l'invention de l’ordinateur moderne. Plusieurs chercheurs, dont John Von Neumann, travaillaient aux côtés de l'armée pour mettre au point des machines - modèles réduits du cerveau humain - permettant d'en comprendre mieux le fonctionnement et d'en faire un auxiliaire puissant dans la résolution de certains problèmes abstraits ou nécessitant la manipulation d'un très grand nombre de données. En 1943, le Balistic Research Laboratory, dont John Von Neumann était membre, était complètement débordé : il produisait 15 tables de calcul de tir par semaine alors que la demande était de 40. Pour la réalisation d’une table numérique « avec simplement deux facteurs (portée du projectile et altitude de la cible), il fallait calculer entre 2000 et 4000 trajectoires possibles pour chaque couple projectile- canon, chaque trajectoire exigeant 750 multiplications de 10 chiffres» (Breton, 1990, p.117). Des calculateurs humains, en majorité des femmes diplômées des collèges américains, étaient embauchés par centaines. En moyenne un calculateur humain mettait 3 jours pour calculer une seule trajectoire alors qu'un analyseur différentiel calculait en quinze secondes. Cependant, il fallait une à deux heures de câblage à chaque nouvelle opération (Breton, 1990).

L'ENIAC (Electronic Numerator, Integrator, Analyzer and Computer) opéra la transition entre les derniers calculateurs et les premiers ordinateurs. La construction de l'ENIAC démarra en juin 1943 à la Moore School de l’université de Pennsylvanie et fut achevée en novembre 1945. L'ENIAC avait une grande vitesse de fonctionnement, était programmable et universel. Mais pour programmer l'ENIAC il fallait tourner à la main des milliers de commutateurs et brancher spécialement des centaines de câbles.

Lors de sa première démonstration publique en 1946, l'ENIAC additionna 5000 nombres en une seconde et calcula en 20 secondes la trajectoire d'un projectile qui

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mettait 30 sec pour atteindre sa cible. C'était une machine énorme composée de 40 panneaux disposés en fer à cheval qui pesaient environ 30 tonnes et avaient une surface au sol de 160 m2. Ses 1700 tubes à vide dégageaient suffisamment de chaleur pour chauffer un immeuble. C'est d'ailleurs de ces tubes à vide que vient le nom de « Bug » en informatique : en effet, des cafards, « Bugs » en américain, se logeaient sur les circuits entre les tubes à vide, ce qui erronait les données de travail de l'ordinateur. On disait, mais c'est une légende, que lorsqu'elle se mettait en marche toutes les lumières du quartier de Philadelphie Ouest s'éteignaient (Université de Pennsylvanie, 1997, http://www.seas.upenn.edu:8080/~museum/overview.html).

En parallèle, en Angleterre la machine Colossus, mise au point par Alan Turing, était utilisée au nord de Londres pour le décryptage des messages de la marine allemande. Ces messages étaient décodés par une série de machines appelées Enigma qui à l'aide de clés et de plusieurs millions de permutations décryptaient automatiquement les messages allemands. Le 20 Avril 1951 un test eu lieu au cours duquel un avion fit inopinément irruption dans le ciel du Massachusetts. Repéré par un radar d'alerte il apparut sous forme d'un point brillant sur un écran du « Whirlwind », prototype des ordinateurs destinés à cet usage, avec la mention T (pour target : cible). Un avion intercepteur dont le point sur le radar était accompagné d'un F (pour fighter : intercepteur) est alors dirigé sur la cible. L'ordinateur calcule la trajectoire d'interception et guide l'intercepteur sur la cible. L'innovation centrale était ici que, pour la première fois dans l'histoire de l'humanité, un dispositif non humain était utilisé pour traiter de l'information et décider de la réponse approprié en temps réel et dans un environnement changeant. Le système Whirlwind est le premier qui allie traitement numérique et représentation selon des procédures interactives. Howard Rheingold (1993) indique d’ailleurs que c'est avec ces simulateurs de vols que les technologies numériques rejoignent les arts de la Représentation et du Spectacle, avec notamment de nombreuses implications sur l'image cinématographique.

Le plus intéressant pour nous est que ce système permet aussi de simuler une situation virtuelle. Ce système va aussi être à la base d'une organisation en réseau particulière abordant du coup les problématiques de la télécommunication. En définitive, ce système permet d'envisager par l'intermédiaire de ses interfaces, de ses mémoires, d’utiliser la puissance de calcul et la logique de traitement de l'information de l'ordinateur pour amplifier le raisonnement humain et lui simuler le comportement de système réel et

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virtuel. Il devient le lieu d’une mise en application des concepts de la cybernétique, dont il sera question plus loin, instituant une interaction intelligente entre l’homme et la machine.

Les avancées de l'électronique et de l’informatique vont permettre à partir des années soixante d’utiliser l’ordinateur non comme un outil, mais comme un média. Si de son coté l’armée n'abandonne pas totalement son implication dans les programmes de recherche scientifique, elle a, à cette époque, suffisamment porté l’émergence de l'informatique pour que désormais elle débouche sur des applications civiles concrètes, donc sur de nouveaux investisseurs.

1.2.2 L'heure de gloire des interfaces

L’apport des investissements militaires américains a été essentiel au développement de l'informatique; on pense par exemple à l’ancêtre d’Internet, Arpanet. Seule l’armée était capable de réunir autant de fonds et de perspectives pour passer si rapidement à une recherche appliquée sans un réel souci de rentabilité économique. Au sortir de cette impulsion, il existait d'une part une compétence théorique et investigatrice due à l'implication des laboratoires de recherche universitaires, et d’autre part, le développement de ces technologies offrait au secteur économique un terrain rentable à labourer (Breton, 1990).

Entre les années soixante et les années soixante-quinze, une génération de chercheurs va ouvrir la voie de l’interactivité en changeant le statut de la machine. D’un outil de calcul elle devient un système de représentation, ce qui implique que ce n’est plus l'homme qui doit s’adapter au fonctionnement de la machine, mais le contraire.

La référence de départ est généralement Vannevar Bush. Bush était chargé de coordonner l'activité des quelques 6000 scientifiques américains appliquant les résultats scientifiques à la conduite de la guerre. En 1945, il publie un article, As We May Think , indiquant que nous ne pensons pas d'une manière linéaire et hiérarchique, mais par association (Bush, 1945, Annexe B). Un système de représentation nous permettant de rechercher des documents devrait non pas fonctionner par la façon dont ils sont classés, mais par les liens qui les traversent. Ce système est nommé par Bush le a/vtemex»,

«Memory Expander», et est généralement considéré comme le premier prototype

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Cette idée a été révélatrice pour l'un des plus importants pionniers des technologies interactives : Douglas Engelbart, du Stanford Research Institute est un des premiers à voir dans l’ordinateur la possibilité d’être un outil de représentation. Opérateur radar pendant la seconde guerre, il se dit que si les ordinateurs, dont on parle, peuvent produire un résultat imprimé, ce résultat doit pouvoir être projeté sur un écran. Il imagine alors un système permettant d’utiliser l’ordinateur comme système de coopération entre la gestion (stockage, manipulation) des données (graphiques, textuelles...) par la machine et la possibilité d’y accéder et d’intervenir à partir de leur représentation graphique. L’idée qu’introduit Douglas Engelbart est d'utiliser l’ordinateur pour construire et représenter un univers hypothétique dans lequel on peut intervenir. Grâce à l’image vidéo cet univers peut être recalculé en temps réel : on voit, avec le traitement numérique, un déplacement de l’univers de l’expérience vers sa représentation numérisée. Par l'interaction homme-machine, cet univers devient exploratoire.

Avec Ivan Sutherland et Georges Evans en 1962, c’est une autre piste qui se dessine sur l'écran. Au Massachusetts Institute of Technology (MIT.) de Boston, ces deux pionniers ont en effet décrit les bases d'un système appelé « Sketchpad », le « bloc à dessin », sur un gros ordinateur de la défense américaine, le TX-2. Ce programme permettait de faire du dessin technique à l'écran, avec l'aide d'un crayon lumineux; il pouvait en outre copier et coller n'importe quelle forme dessinée à l'écran. Il est l'ancêtre des programmes de dessin assisté par ordinateur. A cette époque, on osait seulement imaginer que l'ordinateur puisse manipuler autre chose que du texte; l'unique moyen que l'utilisateur avait de communiquer avec l'ordinateur était d'entrer ligne après ligne un ensemble de commandes. Les ordinateurs de l'époque fonctionnaient encore avec des cartes perforées et des grosses bandes magnétiques à accès séquentiel; c'était le règne du traitement en lots : on mettait une pile de cartes perforées dans la machine et on attendait le résultat pour se rendre compte éventuellement qu'on avait fait une erreur de perforation sur une ou plusieurs cartes et qu'il fallait alors recommencer (Palfreman et Swade, 1991).

Ivan Sutherland et Georges Evans venaient d'inventer une nouvelle façon d’entrer en relation avec l'ordinateur : toute représentation pouvant être numérisée pouvait entrer dans l'ordinateur sous forme de données. Alors, toute action sur ces données pouvant faire l’objet d’une mathématisation permettait d’agir dessus. Tout programme partageant l’automatisation et les décisions d'actions sur les données ouvrait la porte à l'interactivité.

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Mais cette brillante réalisation n'a pas eu une influence immédiate en raison du fait que très peu de gens avaient accès à un ordinateur aussi puissant pour l'époque que le TX-2 et que les langages de programmation d'alors, Fortran et Cobol, n’avaient pas la souplesse requise pour réaliser des projets dans la veine de Sketchpad.

Douglas Engelbart, continua sur la lancée des travaux de Sutherland et Evans et est considéré de nos jours comme le premier informaticien à s’être intéressé de près au mode graphique comme interface homme-machine. Il imagina un terminal permettant à l'utilisateur d'accéder à toute la surface de l'écran et non uniquement à la dernière ligne. La technologie « point à point », « bitmap », naquit grâce à lui : le terminal qu'il conçut est composé de milliers de points, chaque point pouvant être adressé séparément par le système. Partant du principe que l'utilisateur pense en termes de page, dans la rédaction d'un document par exemple, Douglas Engelbart définit la notion de « fenêtre », chaque fenêtre pouvant contenir une page différente d'un document. L'interface graphique naquit donc d'une métaphore, la métaphore d'une page de papier transposée sur un terminal d'ordinateur. C'est également Engelbart qui inventa le concept de «souris» que nous connaissons. Par ailleurs, la souris n'a subi que peu d'améliorations fondamentales depuis cette époque et il est intéressant de remarquer la façon dont elle s'est imposée comme moyen d’interaction entre l'utilisateur et la machine au détriment de la tablette graphique ou du stylo optique par exemple.

On doit également à Engelbart, la première opérationnalisation d'un système hypertexte. Il s’agit du système «Augmenta commercialisé par McDonnel Douglas. Ce système était très sophistiqué. Il comprenait une banque de données centrale emmagasinée dans un grand ordinateur auquel étaient reliés des terminaux personnels. Cette banque comprenait des fichiers communs accessibles par les usagers en mode lecture et écriture. Elle contenait des rapports, des analyses, des index, des notes, des procès-verbaux de réunions, des articles de revues scientifiques ou de magazines professionnels. La banque permettait de conserver des messages électroniques pour de courte période de temps, préfigurant le courrier électronique d’aujourd'hui. Elle permettait également de référer à des documents externes au système comme des livres, des films, des rapports de recherche, des vidéos, etc. De plus, chaque usager possédait un espace personnel dans la banque, dans lequel il pouvait conserver des notes, des idées, son courrier et ses fichiers personnels. Tous ces documents étaient reliés entre eux par des liens et des nœuds dont Engelbart est l'inventeur (Bordeleau, 1994).

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Le premier ordinateur équipé d'une interface graphique fut conçu au PARC, le Palo Alto Research Center, le laboratoire de recherche de Rank Xerox. Bien entendu, les chercheurs du PARC continuèrent sur la lancée des travaux d'Engelbart et conçurent un langage permettant de manipuler des fenêtres et des objets graphiques: le langage «SmalITalk ». L'« Alto » fut en, 1972, le premier ordinateur sur lequel ils expérimentèrent ce langage. En septembre 1974, on annonça le développement du premier programme de type What You See Is What You Get (WYSIWYG) pour micro-ordinateur : « Bravo ». Ce fut Bravo qui fonctionna sur le micro-ordinateur Alto de Xerox. L'Alto ne fut commercialisé qu'en 1979, mais vu son prix exorbitant, seuls des initiés fortunés tels que la Maison Blanche pouvaient se permettre ce luxe (Gillet, 1995).

Apple décida de céder une partie de ses part à Rank Xerox et accéda ainsi aux travaux du PARC. Steve Jobs, convaincu que Rank Xerox ne profite pas au maximum des atouts de l'Alto et de son interface graphique, imposa l’interface graphique sur l'ordinateur en cours de construction chez Apple, le « Lisa ». Il fut ensuite évincé du projet « Lisa » et se consacra au projet Macintosh, qui obtenu le succès commercial qu'on lui connaît. La première généralisation de l'interface graphique est due au succès de Macintosh.

En 1981, Steve Jobs dévoila son produit fétiche à Bill Gates. En effet, à cette époque Microsoft travaillait sur la première version de Windows et Steve Jobs désirait que Microsoft développe des logiciels pour Macintosh. Microsoft accepta et participa même à l’amélioration de l'interface graphique. Un accord est cependant conclu entre Apple et Microsoft, stipulant que la présentation de Windows devait être différente de celle du Macintosh et que le produit ne devait pas être lancé avant 1983.

Une longue période s'écoula avant que Microsoft arrive à sortir une version déterminante de Windows, la version 3 en 1990. Cette version marqua réellement l'explosion de l'interface graphique, mais il fallu attendre Windows 95, la quatrième version de Windows, pour assister enfin à une certaine homogénéité entre les interfaces du Macintosh et du PC (Gillet, 1995).

Le but ici n’étant pas d'établir la genèse complète de l'interface graphique mais plutôt de situer les racines de cette dernière en vue d'une compréhension effective de ce qu'elle est et de ce qu'elle représente de nos jours, cette étude ne s’avancera pas ici dans la description des événements plus proches de notre époque.

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Au vu de ce qui fut énoncé ci-dessus , il est assez facile de démontrer que l'avènement des interfaces dites « wimp » (pour « Window, Icons, Menus & Pointers » : Fenêtres, icônes, menus et pointeur) et de la manipulation directe, le «wysiwyg» ont certainement contribué à l’essor de l'informatique et à son devenir en tant que phénomène de société. Ces systèmes ont apporté de nombreux points positifs, aidant les utilisateurs novices. En voici un résumé :

• Les systèmes de fenêtrages permettent de restituer dans l'interface la versatilité de l'outil informatique: tout travail professionnel n'est en effet que rarement mono tâche et concentré sur un seul objet. Les systèmes de fenêtrage permettent à l'utilisateur de naviguer dans les outils logiciels en fonction de ses besoins.

• La manipulation directe, le «wysiwyg» et l'emploi de métaphores aident les utilisateurs novices à se former par des suites d’essais et d'erreurs, à obtenir rapidement et facilement les résultats cherchés et enfin à se forger un modèle conceptuel clair et cohérent de l'outil qu’ils manipulent.

1.3 Cybernétique

Le courant cybernétique, qui aura eu le mérite à partir des années 50 de proposer des concepts clés ouvrant vers de nouvelles approches des problématiques, offre, entre autres, des bases théoriques à une vision de l’interactivité où le mythe de la «machine humaine» ne sommeille que d'un oeil. Sans pour autant prôner un état « humain » de la machine, ou encore un anthropomorphisme de cette dernière, l’intérêt principal réside dans les concepts fondamentaux de ce courant qui coulent des fondations dans un terrain encore inconnu à l'époque, tout en allant au-delà de l'aspect fonctionnel de la « machine-outil ».

1.3.1 Naissance de la cybernétique

La cybernétique est née d’un renouvellement de la pensée scientifique, renouvellement rendu possible en grande partie grâce à l’effervescence multidisciplinaire et au choc intellectuel dû à la guerre 1939-1945. Joël De Rosnay (1995, p. 387) la définit comme étant « la science de la régulation des organismes et des machines ». De nombreux ouvrages s’y sont consacrés, notamment celui de Philippe Breton (1997),

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L’utopie de la Communication : le mythe du village planétaire , où il reprend la naissance d’une nouvelle idéologie issue de la cybernétique de Norbert Wiener, considéré comme le fondateur de ce mouvement, ou encore celui de Steve Joshua Heims (1991), The cybernetics group. Chez Joël De Rosnay (1975) et Jean-Louis Le Moigne (1999) quelques rappels des apports conceptuels de ce courant sont également présentés. Le présent développement sur la cybernétique constitue de façon générale une « revue de littérature » de ces auteurs.

Le mot cybernétique vient du grec kubernètikos qui, au sens premier, signifie le pilotage d'un navire, l'art de la timonerie et, dans un sens dérivé, l'art de gouverner les hommes. On trouve la comparaison chez Platon dans un texte, intitulé Clitophon :

« ... et en confiant, comme s'il s'agissait d'un navire, le gouvernail de sa pensée à un autre : à celui qui connaît l'art de gouverner les hommes, cet art que maintes fois, Socrate, tu désignes du nom d'art politique. » (Platon, cité par Mengal, 1998, Annexe B)

Au 19e siècle les Anglais l'utilisaient pour désigner la « science du gouvernement des hommes ». C'est lors de la traduction de l'anglais cybernetics que le mot français cybernétique fera une nouvelle apparition. En anglais, le mot apparaît en 1948 dans un ouvrage du mathématicien Norbert Wiener intitulé Cybernetics : or Control and Communication in the Animal and the Machine.

Aux États-Unis, à la suite de la deuxième Guerre mondiale, les sciences sociales vécurent une période faste en terme de nombre de praticiens, de financement, de prestige et d'influence auprès des pouvoirs publics et privés américains. Elles vont convaincre les élites que la société a besoin des sciences sociales pour tirer les bonnes leçons du conflit monstrueux qui venait de se terminer. Toutefois, comme l'explique Heims (1991), le climat d'après-guerre était teinté d'un grand conservatisme sur les campus américains. Les critiques sociales seront bannies de certaines facultés. L'attitude générale était à une hostilité envers toute innovation sociale, dont le communisme. La guerre froide avait son « front » académique. C'est dans ce climat que les scientifiques, partis sur les champs de bataille en Europe ou en Asie, revinrent au pays. Plusieurs chercheurs des sciences naturelles et sociales avaient vécu ensemble la guerre, apprenant à travailler en équipe. C'est ce petit noyau de collaboration interdisciplinaire, qui a germé pendant la

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guerre, qui éclata pour devenir le groupe des cybernéticiens. Car au-delà de l'optimisme technocratique de l’époque, un espace fut consacré à de nouvelles recherches, à de nouvelles idées. Sans la guerre et le climat d'après-guerre, ce regroupement n'aurait peut- être jamais eu lieu ?

Les chercheurs de plusieurs disciplines ont tissé les premiers liens entre les sciences sociales et behaviorales (psychiatrie, psychologie). Un groupe d'hommes et de femmes formèrent alors un réseau d'échanges scientifiques. Parmi ceux-ci on retrouve les mathématiciens Norbert Wiener et John Von Neumann, les ingénieurs Julian Bigelow et Claude Shannon, les neurobiologistes Rafael Lorente de No et Arturo Rosenblueth, le neuropsychiatre Warren McCulloch et le physicien Walter Pitts. De 1946 à 1953 une série de conférences, les conférences Macy, auxquelles le texte fondateur de Wiener doit énormément, réunirent ces scientifiques. Une poignée d'autres chercheurs provenaient également des sciences sociales : Lawrence Frank, Margaret Mead et Gregory Bateson. Deux grands objectifs animaient ce groupe : le premier vise tout d'abord une volonté de faire éclater les cloisonnements disciplinaires, le second relève de l'éthique scientifique. Au sortir de la seconde guerre mondiale, la participation importante des scientifiques aux projets militaires avait conduit de nombreux chercheurs à poser le problème de la responsabilité du scientifique dans l'usage fait de ses travaux. En effet, les scientifiques sont sortis du domaine pur des idées, ils ont participé directement au conflit, à la responsabilité de son déroulement. Ce qui fit naître une interrogation éthique sur leur rôle dans la société.

1.3.2 Système, rétroaction, information codée

Un exemple simple, repris ici à Paul Mengal (1998, Annexe B), permet de comprendre les concepts fondamentaux de la cybernétique à partir des premiers travaux de Wiener sur les fonctions aléatoires. Le temps de formation d'un pilote étant très long et sa perte très coûteuse, LUS Air Force en vint à la conclusion qu’il est préférable de fabriquer des bombes que l’on peut envoyer à longue distance. Par conséquent, il s’agissait de contrer les nombreux aléas auxquels sont soumis les projectiles, pour éviter toute erreur de cible. Or, si l’on mesure l'altitude précise d'un avion à chaque instant, que l'on nommera ici altitude nominale, on constate qu'elle varie plus ou moins au gré des variations atmosphériques dans l'environnement de l'appareil. Les valeurs des écarts à l’altitude nominale pendant un laps de temps t est une fonction aléatoire du temps. Le but alors est de concevoir un système qui enregistre l'altitude de l'avion à chaque moment et

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qui confronte cette valeur à l'altitude nominale; si l’écart est considérable, le système réorientera l'avion à l’altitude nominale. Selon Mengal (1998, Annexe B), il serait possible de dégager de cet exemple trois concepts fondamentaux de la cybernétique : système, rétroaction (feed-back) et information codée. Un système, dans sa forme la plus simple, se compose d'une entrée (input) dans un dispositif qui réalise une ou plusieurs opérations et une sortie (oufpuf). L’entrée est ici l’altitude actuelle de l’avion, le système calcule la différence entre cette valeur et la valeur de l’altitude nominale et la sortie fournit l’écart entre les deux valeurs. Il y a rétroaction (feed-back ) dans la mesure où la valeur de sortie permet de modifier la valeur de l'entrée. L’information codée est rendue nécessaire car un tel système ne peut tolérer un langage enclin à interprétation.

Il s'agit de poursuivre une finalité, c'est-à-dire d'évoluer vers un état à atteindre ou de maintenir un comportement malgré les perturbations dues au milieu extérieur. La rétroaction, autrement dit action en retour (feed-back) modifie le comportement du système par des mesures et des ajustements. La notion de mémoire en cybernétique a pour but de profiter de stratégies antérieures qui se sont révélées avantageuses. De façon plus générale, le dispositif de feed-back assure la maintenance du système cybernétique dans lequel des parties intègrent des informations extérieures et prennent des décisions, et d’autres parties, asservies, exécutent les décisions. Ces trois concepts fondamentaux de la cybernétique constituent la base de l'interactivité entre un homme et une machine.

1.3.3 Causalité circulaire et nouveau paradigme de la communication

En 1946, les discussions du groupe s’orientèrent vers le débat au niveau de la causalité circulaire. Wiener (1965) suggéra des formulations plus grandes en complexité et en subtilité que les théories causales traditionnelles, tout en reconnaissant la prédictibilité scientifique inhérente à ces théories. Il expliqua que dans la pensée traditionnelle depuis les Grecs anciens une cause A résulte en un effet B. Avec la causalité circulaire A et B sont mutuellement cause et effet l'un de l'autre. Non seulement A affecte B mais par B il agit en retour sur lui-même (la rétroaction négative). Le concept de causalité circulaire semblait approprié pour beaucoup des sciences humaines. Il signifiait que A ne peut agir sur B sans s'affecter lui-même. Dans le prototype informatique proposé, et dans l’interactivité numérique en général, il s'agit précisément d'un principe de causalité circulaire : l'utilisateur ne peut agir sur le système sans être affecté par ce dernier dans la poursuite de ses actions.

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Wiener (1965) expliqua d'autre part que les mécanisme d'auto-régulation peuvent se retrouver autant dans les machines que chez les hommes. Le concept de causalité circulaire pouvait donc être autant applicable aux êtres inanimés qu'aux êtres vivants. Il fit observer que les intérêts théoriques et pratiques concernent la plupart du temps les communications. Il présenta les idées fondamentales de ce qui sera appelé plus tard la théorie de l'information et la théorie de la communication. Le concept de causalité circulaire fut adopté immédiatement comme concept central du nouveau paradigme, le paradigme cybernétique de la communication.

La cybernétique apporta en effet un sens nouveau à la communication, un champ d'étude qui pouvait maintenant considérer les machines ou les objets comme étant des acteurs au même titre que les êtres humains. Pour Wiener (1965), la nature des interlocuteurs passait au second plan de l'analyse d'une communication. Ce sont les formes, les modèles et les noeuds des réseaux, où s'opèrent les processus de traduction entre deux interlocuteurs, qui intéresseront les cybernéticiens et leurs héritiers. La notion d'information apparaît donc centrale. Elle intervient sous trois formes : en tant qu'objet soumis à des opérations (calculateur), en tant que programme, et en tant que médium de la régulation. Mais dans les trois cas, nous avons affaire à une élaboration transformatrice. Le problème scientifique essentiel réside dans le traitement de /'information, problème auquel les « concepteurs d’interactivité » sont confrontés tous les jours.

L'influence du paradigme cybernétique a été immense, des années 50 jusqu'à nos jours. Dans les années 1960, Gregory Bateson démontra que les buts des actions humaines doivent s'intégrer aux écosystèmes de manière harmonieuse. Selon lui les entrepreneurs avaient tort de penser en termes linéaires de cause à effet et d'ignorer les circularités cybernétiques. Ce faisant ils se trompaient sur les conséquences de leurs actions et risquaient de détruire l'environnement duquel dépend leur propre vie. Une telle réflexion se retrouve d’ailleurs chez de nombreux architectes de notre époque, tels que le groupe Futur Systems, pour citer un exemple. Plus près de nous, la théorie du chaos, développée par James Gleick (1989), se revendique aussi de la cybernétique et de la systémique. Elle se définit comme « l'étude des systèmes non-linéaires ». La cybernétique a par ailleurs directement influencé le développement des logiciels de formation assistée, de représentation de connaissances, de modélisation cognitive, de travail coopératif assisté par ordinateur et de modélisation neuronale. Le développement de l'informatique et de

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l'intelligence artificielle n'aurait pas été ce qu'il fut sans la contribution des cybernéticiens. À peine un an ou deux après la publication du livre Cybernetics de Wiener en 1948, les circuits électroniques faisaient leur apparition.

Sans perdre de vue l’étymologie du mot qui vient du grec Kubernèsis (diriger, gouverner), la cybernétique peut être vue comme une théorie de la communication qui abolit les différences entre monde vivant et machines. Il n'est plus question d'établir les spécificités de chaque domaine, mais, au contraire, d’adopter une grille de lecture capable de rendre compte des deux mondes : c’est également en ce sens que les principes de la cybernétique rejoignent la démarche d’élaboration de ce travail.

1.3.4 Cybernétique et systémique

Lq cybernétique q profondément influencé le renouveou scientifique à partir des années cinquante, mais l’unité du courant va s’étioler avec la disparition de ses pères fondateurs. Néanmoins cette pensée va essaimer dans la science et la société. Avec les années soixante-dix, le renouveau de la pensée cybernétique s'opère au travers de la systémique.

La systémique s'étaye sur l'histoire du lien, non plus comme une ligne vers la vérité mais une spirale où toute connaissance n'est que provisoire et valide dans son contexte. Elle propose la modélisation comme méthode pour aborder la complexité et la globalité; les problématiques s'envisagent à un niveau macroscopique, où l'incertitude est acceptée au sein d'un schéma de connaissances. Par la modélisation, il est possible de dresser la carte des relations et interactions de chaque élément constituant un phénomène, plutôt que d'opérer par décomposition isolatrice de chacun de ces éléments. Les modèles élaborés sont des modèles ouverts à d'autres systèmes. La notion de cyclicité entre prototypage, évaluation et simulation vient remplacer la linéarité du cause à effet (Le Moigne, 1999).

La cybernétique offrait une méthode pour le traitement scientifique d'un système, dqns Iqquelle la complexité est trop importcnte pour être ignorée (Ashby,l 965), lq systémique qborde plusieurs systèmes ouverts qui communiquent avec d'outres systèmes. L’apport essentiel de la systémique à la cybernétique est la définition de la notion

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d’ouverture et les différentes interrelations qui organisent la globalité à partir de l’infra et vice versa.

«La nouvelle approche propose des moyens d’agir sur la complexité. Elle tente d expliquer comment se réalise la transition entre une organisation d'un niveau donné et celle dont elle constitue les éléments de construction. » (Joël De ROSNAY, 1995, p. 21 )

De façon générale, le courant systémique reprend les fondements de la cybernétique en y apportant des concepts critiques et enrichis. L’apport fondamental de la systémique est celui de la limite de nos connaissances : on ne peut tout connaître d’un système, car sa totalité nous échappe par les liens qu'il entretient avec les autres systèmes.

Le chapitre 4, consacré au prototype informatique, montrera de quelle manière cette démarché systémique est fondamentale au sein de notre recherche.

1.4 Interactivité et Interaction

L'interactivité est un terme qui semble posséder plus d’une définition, dont chacun a une idée plus ou moins précise. Jusqu’à présent, dans notre brève genèse de l’informatique, les deux termes interactivité et interaction ont été utilisés de façon distincte, mais sans que la formulation de cette distinction soit explicite. Ce choix résulte en effet d’un souci de justesse quant à la définition de ces concepts de façon contextuelle : en effet, il a semblé plus approprié de positionner le cadre d'apparition de ces notions au sein de l’univers informatique avant de se lancer dans une caractérisation qui autrement aurait sans doute pu paraître arbitraire, d’autant plus qu’elles recouvrent un champ très vaste. Une définition «de base» sera donc donnée ici, c’est-à-dire une définition sur laquelle il sera possible de s’appuyer afin de parvenir à nos objectifs.

1.4.1 Interaction

Le Petit Robert (2000) définit l’interaction comme étant une action réciproque entre plusieurs choses. En psychologie sociale, l'interaction désigne un phénomène essentiel de la psychologie de groupe, la positivité des échanges (interact, interactiveness en anglais), l’influence stimulante que l’idée de l’un a sur les autres et inversement. En psycholinguistique, notamment dans l’analyse conversationnelle, on étudie les interactions dans les échanges entre deux ou plusieurs personnes (LIMSI, 2001, Annexe B). En

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psychopédagogie, l’interaction prend en compte les dimensions de l'individu et du groupe comme moteur, producteur d'un sens et pas seulement comme émetteur ou récepteur d'une réponse (Nimier, 1991, Annexe B).

Il y a donc, dans le phénomène d'interaction, interdépendance entre les partenaires, rapport de pouvoir égalitaire ou non, symétrique ou dissymétrique, entre émetteur et récepteur, autrement dit un processus d'action réciproque. Ainsi, l'interaction ne nécessite donc pas l'utilisation de «machines interactives» et inversement, ces dernières n’entraînent pas automatiquement des interactions. Il est donc possible de définir l'interaction comme étant « la mise en relation dynamique de deux ou de plusieurs agents par le biais d'un ensemble d'actions réciproques» (Boissier, 1999, Annexe B); il y a interaction lorsque la dynamique propre d'un agent est modifiée par les influences des autres. En effet, la notion d'interaction exprime notamment le fait que les participants à un échange exercent en permanence les uns sur les autres un réseau d'influences mutuelles : parler c'est échanger, et c’est changer en échangeant. En dehors des interactions humaines en présence, on étudie les interactions homme-machine, qui relèvent de la recherche en ergonomie et en informatique. Ainsi, considérée dans le domaine informatique, l'interaction comprend les moyens d'action entre l'usager et l'ordinateur avec son logiciel.

Une brève remarque sera faite ici quant à l’utilisation du terme «agent» lorsque l'on traite d'interaction homme-machine. Brenda Laurel (1993, p. 47) propose d'employer le mot « agent » à la place de celui d' « utilisateur ». Le terme « utilisateur » ne décrit finalement qu'une manipulation de la machine. L'agent est donc « one who initiâtes and performs actions » (quelqu'un qui initie des actions et les exécute). Cette notion d’agent, lorsqu’il s’agit d'interactivité, ne décrit pas l'utilisateur ou la machine de façon distincte, mais potentiellement les deux. Ainsi, la modélisation des actions de l'utilisateur et de l’ordinateur en tant que « personnages » dans la machine devient possible (Laurel, 1991, pp.355-365). La notion d'interface se trouve de cette façon transportée à un autre niveau, dans une autre scène, celle de la représentation où ordinateur et utilisateur peuvent interagir dans le même espace : c’est un des objectifs qu'il a été tenté d’atteindre dans la réalisation du prototype informatique.

Le terme « interacteur », qui sera utilisé à plusieurs reprises dans ce développement semble plus adéquat que celui d'« utilisateur », ou d'« agent ». L’acteur est une réalité de

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premier ordre selon la terminologie de Paul Watzlawick (1978). L'acteur peut-être une personne prenant part au déroulement de la médiation par sa présence directe (utilisateur) ou transmise (dans l'espace ou le temps) par le dispositif (programmeur). Dans certains cas, le dispositif peut-être associé à un acteur dans la mesure où il interprète et produit du contenu symbolique. Un acteur n'est donc pas seulement quelqu'un qui agit, mais également quelqu'un qui occupe un persona, un personnage; « interacteur» permet alors d'identifier l'être humain qui agit, mais «interacteur» permet aussi d’insister sur le persona que l'individu occupe en agissant - ou en n'agissant pas. Brenda Laurel elle- même opère ce glissement d' « interaction » vers « interacteur » dans son introduction pour une conférence au sujet de interfaces et même en inscrivant sur l'étiquette qui indique sa profession le terme « Interactivist » (Laurel, 1991, p. 355).

1.4.2 Interactivité

Un des tous premiers termes utilisés pour caractériser le couple action-rétroaction entre humain et système informatique est interactivité, terme aux interprétations variées comme l'ont bien compris les revendeurs de logiciels désireux d'attirer le client. Dans une acception courante, est interactif un système qui permet des interactions, au sens d'influences réciproques. L'utilisation du terme d'interactivité, symbole de la nouvelle modernité, et de ses déclinaisons, en fait un fourre tout idéologique depuis une trentaine d'années. Ainsi, dans les années 70, certains n'hésitaient pas à qualifier d'interactif un dispositif informatique qui pouvait commander plusieurs appareils permettant de créer un environnement multimédia dans les conditions d'alors : magnétoscope, magnétophone, etc. Aujourd'hui, cette même acception d'interactivité peut correspondre au fait que le système offre à l'utilisateur un moyen d'accès à différentes représentations (images, textes, sons) d'une même réalité. Si un film classique proposait auparavant un seul montage d'images, une application interactive permet désormais d'accéder à un ensemble de montages (au sens d'associations diverses d'éléments) dont la séquence d'occurrences successives n'est pas déterminée à l'avance. Ce principe général peut adopter des réalisations concrètes très variées, depuis le choix parmi un ensemble prédéterminé de parcours linéaires, jusqu'à la simulation programmée des évolutions d'un monde virtuel (Durand, Laubin et Leleu-Merviel, 1997, Annexe B).

La notion d'interactivité est généralement plus liée à l'informatique : on qualifie en effet les ordinateurs de médias interactifs ou de technologies interactives. Au premier

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abord, on juge souvent un produit multimédia plus interactif qu'un autre, sans être capable de bien préciser ce que l’on entend par là (le terme est en tout cas connoté positivement). D'après Le Petit Robert, l'interactivité est l'activité de dialogue entre un individu et une information fournie par une machine. Jean-Louis Weissberg (1999) affirme d’ailleurs que l’interactivité est une catégorie propre à l'informatique des années quatre-vingt. Selon lui, elle tentait de désigner à l’époque une forme de communication entre programmes et sujets humains alors qu’un bouillonnement dans l'invention de nouvelles interfaces dites «intuitives» (souris, menus déroulants, etc.) battait son plein. D'après Sansot (cité par Peraya, 1999, Annexe B), l’interactivité constitue plutôt «une relation instrumentale entre l’homme et des machines asservies à ses demandes d’information ». Cette position semble quelque peu radicale, d’autant plus que l’essor actuel de ce qu'il est convenu d'appeler le «multimédia», des «nouvelles technologies» nous permet d'élargir considérablement la façon de concevoir l'interactivité. En effet, si le préfixe latin «inter» est savant et signifie « entre, parmi », l'interactivité se voudrait plutôt « activus », à savoir pratique, par opposition à théorique. Traduite littéralement du latin, « pratique à l'intérieur de deux », l'interactivité se définit d'une manière encore plus complexe, savante et plurielle, et nombreux sont les auteurs à se prononcer et à définir à leur manière l'interactivité. Si le terme, et la notion même d’interactivité apparaît avec la généralisation de l'outil informatique et l'explosion des technologies de l'information, le phénomène, lui, est vieux comme l’échange. Dès qu'il y a relation entre deux êtres, on peut considérer qu'il y a interactivité. A notre époque, cette relation s’étend à l'échelle mondiale, via Internet et la transmission instantanée de donnée au travers de média tels que l'ordinateur, la machine ou le téléphone (Cathelat étal. , 1998).

La position adoptée consistera donc à dire que l'interactivité regroupe un ensemble de processus qui sont dépendants les uns des autres, entre au moins deux composntes (l’une d’elles pouvant être humaine) d’un système. Cette interrelation entre les processus est plus ou moins complexe. La complexité de l'interactivité dépend de la capacité de chaque être à générer des réponses plus ou moins contextuelles, adaptées ou intelligentes. Le paradigme cybernétique propose de penser les êtres de la communication à partir du comportement relationnel des éléments d'un système. Ainsi la notion d’être s’étend aux humains, aux autres êtres vivants et à certaines machines. Il peut s’agir d'un être biologique naturel ou d’un système artificiel.

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Par ailleurs, le principe d'interactivité a donné prise à de multiples dérives selon un processus de transposition mécanique de l’instrument à son usage : par exemple le caractère unidirectionnel d’un dispositif de communication visuelle est parfois transposé mécaniquement sur la relation qu’entretient l’interacteur avec son écran informatique1. Le point 1.3.3 s'attachera à clarifier les relations de l’interactivité à la passivité (souvent mises en opposition) et de l'interactivité au multimédia (souvent amalgamées), mais le point de vue systémique sera dès à présent adopté : sous cet angle systémique, on peut entendre l'interactivité comme un « type de relation entre deux systèmes qui fait que le comportement d'un système modifie le comportement de l'autre » (Notaise, Barda, Dusantes, 1996, p. 479) . Dans cette définition basique, on constate que l'interactivité implique polarité et dynamique. Dans un système interactif interviennent forcément au moins deux parties, deux pôles que l'on peut dès lors définir en terme de récepteur et d'émetteur. Ces positions d’émetteur et de récepteur étant interchangeables - pensons au principe de rétroaction (feed-back) - un système interactif n'est dès lors pas unidirectionnel.

A ce sujet, voir DELEUZE, G. (1983). Cinéma 1 : L'image mouvement. Paris : Editions de Minuit.

1.4.3 L'effort interactif

L’interactivité renvoie donc généralement aux interactions possibles, et au couples action-rétroaction qui y sont associés. Cependant, l’interactivité, cet « inter-activus », est lié au concept d'action tout autant qu'à celui d’effort. La réflexion suivante à ce propos est largement inspirée du travail de Douglas Stanley, étudiant à l'Université de Paris 8, ayant fait son D.E.A. (Diplôme d'Etudes Approfondies) sous l'égide du Laboratoire d'esthétique de l'interactivité.

Stanley (1997, http://www.labart.univ-paris8.fr/~douglas/essais/), dit que l'approche de l'interactivité, c'est à la fois la façon dont l'interactivité fonctionne, le mouvement de rapprochement de l’interacteur envers le dispositif interactif, et le rapprochement que l'interactivité fait de deux mondes incompossibles, c'est-à-dire celui de l’interacteur et celui du programme.

L’effort est selon Stanley à distinguer du travail, ainsi que de la passivité qui l’éloigne de l’action. L’effort, c’est ce qui se passe entre cause et effet. Il est la force moins la

Figure

Figure 1 : Loi  de  FittsLOI DE FITTS : T = 1 log2 ( 2D/L )
Figure 2  : Le  modèle du  processeur humain (Gillet,  1995)
Figure  3 : Modélisation d'un système interactif. Les flèches indiquent  les relations de  dépendance  de chaque  modèle.
Figure  4  : Les différents prototypes  selon  Nielsen  (1993)
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