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Chapitre 1 : Brève genèse de l’interactivité numérique

2.1 Introduction

a II avait opéré en tripe d'adrénaline pratiquement permanent un sous-produit de la jeunesse et de la compétence, branché sur une palatine de cyberspace maison qui projetait sa conscience désincarnée au sein de l'hallucination consensuelle qu'était la matrice. » (Gibson, 1985)

L'hypothèse de William Gibson (1985) reste évidemment du domaine de l'imaginaire. Mais pour combien de temps encore ? Alphonse de Lamartine disait : «Les utopies ne sont souvent que des vérités prématurées. » et les avancées technologiques nous permettent d’entrevoir la réalisation de la fiction de William Gibson. Par ailleurs, l’hypothese de William Gibson a ceci de séduisant qu'elle offre la possibilité de radicaliser les questions quant au rapport que nous entretenons avec le monde : il y a là la promesse d’un monde immatériel qui pourrait remplacer presque entièrement notre monde actuel. Jean-Claude Dussault (1997, p. 59) affirme même que «l'aventure des mondes virtuels fournit à l'homme la preuve qu'il est à l'étroit dans ses limites individuelles ».

La notion de présence dans un contexte « virtuel » fait également partie de notre quotidien : les logiciels (gratuits !) tels que ICQ (prononcer «I seek you»), MSN, ou celui développé par Infonie, par lesquels l'utilisateur connecté à Internet est instantanément renseigné sur les personnes en ligne au même moment, et par lesquels il est possible d’entrer, en temps réel, en communication textuelle, vocale, visuelle ou encore par tableau blanc (outil de dessin et de texte) avec les autres personnes, connectées ou non, sont la preuve la plus évidente d’une présence induite par une connexion au réseau Internet. Présence, participation, temps réel, connexion au réseau, tant de termes qui suscitent l’utilisation de la notion d’espace pour les caractériser, et il suffit de naviguer quelque peu sur le Nef, la toile, pour s'en rendre compte au travers de tout ce qui y est dit et écrit. La notion d’espace, dans ce contexte « virtuel » prend une importance capitale.

Ce deuxième chapitre examinera la thématique de l’espace «réel » pour ensuite aborder le « virtuel », et, pour ce faire, certains auteurs classiques de la philosophie pourront apporter leur aide. En effet, notre civilisation occidentale a traditionnellement toujours travaillé avec/dans/pour le monde physique. Notre corps matériel a fourni des

fondements qui, semble-t-il, ne peuvent être transcendés. La notion de virtualité irait à première vue à l'encontre de ces racines traditionnelles : alors que le corps est au centre de toute conception, elle subvertit ce que nous croyons être essentiel à la nature humaine en aspirant à la désincarnation de notre être. Les philosophes abordés dans ce travail ont eux aussi tenté, à leurs époques, de comprendre le monde dans lequel ils vivaient, selon les changements que les avancées des savoirs et des techniques apportaient. Notre époque vit également une profonde mutation, celle de la « révolution numérique ». La façon de procéder dans cette tentative de compréhension de l’espace virtuel se réclame d'une pensée en dialogue avec son passé, un passé que notre présent englobe encore à certains niveaux, et qui nous influence.

En rapport direct avec ce qui précède, ce deuxième chapitre mettra en place une réflexion sur l’interactivité permettant des expériences concrètes de l’espace électronique comme extension mentale de l'espace matériel. L'interactivité numérique permet l'exploration du cyberespace; les outils de fonctions et d'actions offerts par une interface deviennent nos «sens virtuels». L’interactivité, tout en étant l'outil du passage du monde réel au monde virtuel, constitue un instrument nous permettant de changer notre rapport au monde - réel ou virtuel - et peut être considéré comme un espace intermédiaire à ces deux dimensions. Otto Rôssler (1998, p. 172), comme Platon l'avait déjà fait, affirme, par exemple que le monde « n’est pas le monde dans lequel nous vivons, mais l'interface à travers laquelle nous percevons et agissons ». Et les outils électroniques sont l'interface de certains processus «symboliques et expressifs», mettant ainsi en place un système relatif dépendant d'un observateur particulier pour lequel l'univers projeté est perçu à travers l’interactivité numérique. Dans son roman, William Gibson exploite les notions d'espace mental, de réseau, de mémoire et de numérisation, de manière à tisser les liens complexes qui les unissent et de les fondre dans un concept alliant espace et information qu’il appelle matrice ou hallucination consensuelle. L'interactivité, ce que McLuhan (1964) appelait la participation, entre l'homme et la technologie se qualifie à travers une stimulation simultanée de différents processus cognitifs. Le prototype montre d’autre part que les mondes virtuels organisent l'information en temps réel en reliant les flux de données, et rendant perceptible ces liens à travers un espace modélisé, mais à la fois cognitif et mental. Au travers de la structuration de l’information dans le prototype interactif ef de leur relation au concept d’espace, nous verrons comment les utilisateurs s’engagent dans le processus interactif en investissant le dispositif interactif comme un espace. Sur ces bases sera entreprise, dans les deux derniers chapitres de ce mémoire, la construction et la

représentation de cette espace sur le principe de l'énaction inspiré de Francisco Varela (1988, 19889, et 1993).

En résumé, le premier point de ce chapitre insistera sur la notion d’espace appliquée à l’interface et sur les raisons qui mènent à discuter les notions d’espace réel et virtuel. Les deuxième et troisième sections envisagent l'espace réel, sous la lunette des philosophes, et l'espace virtuel, sa définition, et ses fondements ainsi que la relation de l’architecte aux univers virtuels. La question de l'intérêt de modéliser l'interactivité numérique sera abordée et il sera montré la cartographie des réseaux et les topographies virtuelles n’en sont pas à leurs premiers essais. Le quatrième point de ce chapitre soulignera les racines de l'espace virtuel déjà présentes chez les philosophes étudiés. Enfin, la dernière section de ce chapitre étudie les relations entre l’interactivité, l’espace et la théorie de l'énaction de Varela.