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Chapitre 1 : Brève genèse de l’interactivité numérique

2.6 Interactivité, spatialisation, énaction

2.6.2 Topographies virtuelles

Selon Mark Nunes (1999, Annexe B), la représentation que nous avons d’Internet nous appelle à envisager la communication médiatisée par ordinateur en terme d'espace et cette spatialité s’inscrit directement à l’intérieur du médium. Rob Shields (2001, Annexe B) indique d’ailleurs que cette spatialité inscrite dans un médium n’est pas nouvelle, le téléphone par exemple a depuis longtemps cette prétention à la spatialité. Selon lui, la différence en ce qui concerne Internet réside dans la spatialisation de la communication au sein même d’un environnement à variables multiples par rapport à une ligne bipolaire d’échange, à quoi vient s’ajouter l’aspect visuel et le sentiment de présence. Il est donc permis de dire que l’interactivité numérique participe directement de cette spatialité.

Mark Nunes d’autre part ajoute qu’une topographie très pertinente s'installe lorsqu'on parle de métaphores spatiales. Ces métaphores ne se limitent pas à qualifier l’espace, mais qu'elles créent l'espace et confèrent au cyberespace une substance au travers de topographies virtuelles, expressions performatives qui projettent et créent simultanément un espace. Cet auteur rejoint ainsi d’une double manière notre conception du topos et du tropos virtuels.

Par ailleurs, l’exemple qu’il cite au sujet de la campagne de Microsoft en 1995 «Where do you want to go Today» , les expressions «autoroutes de l'information», ou encore «surfer sur le net» amène à une autre réflexion. En effet, le langage utilisé pour qualifier l'interaction avec un univers virtuel permet de proposer l’interactivité comme une expérience concrète de l'espace électronique.

Dans un processus de communication, l’interactivité proposée conditionnent les modes d'échange et d'accès à l'information et génère des relations fondées sur le principe qu'à une action correspond une réaction. Philippe Quéau (2000, Annexe B) souligne d’ailleurs à ce propos que c’est ce principe d’action qui distingue le virtuel des représentations non numériques. L'introduction de la topographie dans un processus interactif nous permet non seulement de qualifier les différentes structures d'information, mais aussi de décrire certaines implications spatiales. En effet, cela a déjà été dit, il est souvent plus facile de se représenter un problème spatialement pour arriver à la solution : l’exemple le plus simple est celui d’une personne qui doit retrouver une adresse avec quelques indications qualitatives telles que à gauche, près de, à côté de, à droite. En

situation interactive, c’est le même problème qui se pose : l'utilisateur doit s'orienter pour arriver à trouver ce qu’il cherche, et il se construit ainsi graduellement une carte mentale d'actions et d'orientations qui dans le cas du cyberespace, se rapportent à des expériences et ambiances en temps réel. Aussi, les cartes du site que l’on retrouve sur les sites web ont pour vocation l’aide à la navigation, elles aident l’utilisateur à se situer et à comprendre la structuration de l’information (Eick, 2001). Les expressions «naviguer» ou «surfer sur le net» décrivent cette nécessité d'utiliser l'espace en tant qu'outil de gestion des informations, des pensées et de la mémoire. Selon Peter Anders (1998) créer des liens d’un objet à un autre forme dans notre esprit l’espace qui les contient. Cette assertion représente parfaitement un des objectifs du prototype informatique : c'est par son interactivité avec le prototype informatique, par la création de liens d'une information à une autre, l'utilisateur crée véritablement l'espace qui contient l'information. La spatialité liée à la notion d’interactivité numérique est un phénomène que nous ressentons, mais qui n'a pas de forme ou de représentation précise. Le prototype complétant ce mémoire offre un moyen de visualiser l'interactivité, et au-delà, de l'expérimenter sous forme d'un espace, exacerbant ainsi le caractère spatial, la spatialité de l’interactivité numérique.

Dans le même ordre d’idées, l'hypertexte, qui est à la base de l'interactivité numérique, peut être considéré, d’après la définition de Pierre Lévy (1990) du connexionnisme, comme un ensemble de noeuds connectés par des liens. Les noeuds peuvent être des mots, des pages, des images, des graphiques, des séquences sonores, etc. Naviguer dans un hypertexte, c'est donc dessiner un parcours dans un réseau qui peut être aussi complexe que possible, car chaque noeud peut contenir à son tour tout un réseau.

La « cartographie» de l'espace numérique est d’ailleurs devenue un domaine de recherche novateur, touchant en grande partie les architectes, et qui s'articule autour de la visualisation et de la conceptualisation des données et des réseaux d’information comme fondements de nouvelles compréhensions de l'espace. L'évidence que les concepts d'espace mental et de cyberespace sont directement liés, et d’autre part l’inspiration de modèles architecturaux et urbains souvent utilisée pour décrire l'organisation du cyberespace démontrent l'utilité de l'introduction des nouvelles technologies dans la pratique et la conception de l'architecture.

Parallèlement à cela, un autre axe de recherche, la visualisation de l'activité de l’utilisateur en ligne, est en pleine expansion. Stephen G. Eick (2001) explique à ce sujet que le principal problème pour les développeurs de visualisation de l’information est le manque de représentation physique et naturelle de cette dernière, vu que les données son! pa? nature non spatiales. Dans le cas le plus classique, les concepteurs d’interfaces sont confrontés à la représentation de la structure d’un espace d'information, comme c'est le cas pour un site web, et plus encore, dans notre prototype informatique. Le défit consiste a trouver des métaphores pour présenter l'information et à développer des maniérés de manipuler ces métaphores afin de donner du sens à l’information (Eick, 2001 ).

Cette étude a également été confrontée au défit dont parle Stephen G. Eick, et particulièrement dans la présentation des informations et le mode d’accès à ces informations. La représentation de l'interactivité se fait par la métaphore classique de l'hypertexte, les nœuds et les liens, telle que présentée par Pierre Lévy. Cette dernière manipule en effet des représentations du réseau que la plupart des gens connaissent et auxquelles ils sont habitués. Nous verrons également dans les deux derniers chapitres quels sont les intérêts d’une telle mise en œuvre.

2.6.3 Précédents en matière de topographies virtuelles, cartographie de réseau et étude