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NDOLOUM Casimir CIP Promotion Louis Pasteur (2017-2018)

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Texte intégral

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Université de Strasbourg

Ecole nationale d’administration

Juin 2018

Master spécialité Administration et finances publiques

Parcours Administration Publique Spécialisée

Soutenu par :

NDOLOUM Casimir

CIP Promotion Louis Pasteur (2017-2018)

Sous la direction de :

Michel MANGENOT

Professeur de science politique à l’Université Paris 8, Institut d’études européennes Membre du Centre de recherches sociologiques et politiques de Paris

Vice-président de l’Association française de science politique

De la problématique du système de recrutement des agents

à la professionnalisation de la Fonction publique au Tchad

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Dédicace

A ma mère DEMOUNDOU Sophie et à mon père NODJIMGOTO Joseph Franco,

Pour la vie reçue et entretenue par vos soins ;

Pour votre affection qui a considérablement inspiré ma personnalité par ce que vous m’aviez constamment appris à percevoir le bonheur dans le travail toujours bien fait et à lire la réussite dans l’accumulation des épreuves affrontées,

Avec vous, j’ai appris à croire en moi et à voir le soleil qui se lève, les étoiles et la lune qui déchirent les ténèbres plutôt que le crépuscule affligeant.

Que ce pas soit le soulagement de vos peines!

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Remerciements

Mes reconnaissances à Monsieur Michel MANGENOT pour avoir accepté de m’encadrer dans cette entreprise. La simple expression de sa volonté à m’accompagner, malgré ses multiples occupations, m’a poussé à l’audace et inspiré ce travail ;

Mes remerciements à Monsieur Fabrice LARAT, Directeur adjoint chargé des masters et de la recherche pour sa précieuse contribution à la formulation de mon thème ;

A Madame Cécile BOSS, la Référente pédagogique des élèves internationaux pour sa réceptivité et sa patience durant toute ma formation ;

Merci à la Direction générale et à tout le personnel de l’Ecole nationale d’administration pour les sacrifices consentis à me communiquer la passion du travail bien fait et à rendre mémorable mon passage à l’ENA ;

A mon binôme et frère, François LEVERGER pour la sympathie durant tous ces moments de stress ;

A mon épouse ALLAHRA YELKOM Sainte pour le bonheur et la motivation que m’a procurée sa douce et rassurante présence durant ma formation ;

A mes oncles MBAÏHOUNDAM Pierre et tante NODJIALGOTO Blandine, pour les secours multiples tout au long de mon aventure.

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Liste des sigles et abréviations

ANT Armée Nationale Tchadienne

CADHP Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples CAP Commissions administratives paritaires

CCFP Comité consultatif de la fonction publique CED Commission d'équivalence de diplômes.

CIMAPE Commission Interministérielle chargée de l’Assainissement du fichier du Personnel de l’État

CM Conseil médical

CSR Comité de suivi des recommandations DRH Direction des Ressources Humaines

DUDH Déclaration Universelle des Droits de l'Homme

DUDHC Déclaration Universelle des Droits de l'Homme et du Citoyen ENAM École nationale d’administration et de la magistrature

ENASS École national des agents sanitaires et sociaux ENFJ École nationale de formation judiciaire

GNNT Garde nationale des nomades du Tchad

GPEC Gestion prévisionnelle des emplois et des compétences PR Président de la République

SIGASPE système intégré de gestion administrative et salariale du personnel de l'État SNRP Stratégie Nationale de Réduction de la Pauvreté

XAF Sur le marché des devises, sigle désignant le franc CFA de la Banque des États de l'Afrique Central

CESRAP Cellule technique chargée du suivi et de la mise en œuvre de la réforme de l’administration

BEPC Brevet d’étude du premier cycle

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5 PROREJ Programme de réforme de la Justice PRAJUST Programme d’appui à la Justice au Tchad

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Sommaire

Dédicace ... 2

Remerciements ... 3

Liste des sigles et abréviations ... 4

Sommaire ... 6

Introduction générale ... 7

1ère PARTIE : LA CONSTRUCTION DE LA FONCTION PUBLIQUE TCHADIENNE .... 13

Chapitre I : La mise en œuvre de la législation du recrutement ... 15

Section 1 – La Constitution de la IVème République du 04 mai 2018 ... 15

Section 2 – La Loi n°017 / PR / 2001 portant statut général de la fonction publique. ... 19

Chapitre II : Les modalités de recrutement à la Fonction publique au Tchad ... 25

Section 1 – L’illusion du principe du recrutement par voie de concours ... 26

Section 2 – Des exceptions à la violation des règles ... 27

Chap. III : La pénible évolution de carrière dans la fonction publique tchadienne ... 29

Section 1 – Du stage à la titularisation : une évaluation imparfaite. ... 30

Section 2 – Les mouvements de carrière du fonctionnaire : une endurance professionnelle31 2ème Partie : RETROSPECTION DES REFORMES DE LA FONCTION PUBLIQUE TCHADIENNE ... 34

Chapitre I : Un contexte politique peu favorable à la mise en œuvre des réformes ... 35

Section 1 – Le manque de portage politique des réformes ... 35

Section 2 – L’insuffisante évaluation des réformes ... 36

Chapitre II : Possible amélioration du cadre institutionnel du recrutement des agents ... 37

Section 1 – Des dispositifs de recrutement à harmoniser ... 37

Section 2 – Formation du personnel de l’État à planifier ... 38

Chapitre III : De l’usage rationnel des outils de gestion et d’évaluation ... 39

Section 1 – Bonne exploitation du SIGASPE ... 39

Section 2 – Recours à l'évaluation professionnelle ... 41

Conclusion ... 42

Annexes ... 44

Extraits de textes ... 44

Données statistiques ... 48

Bibliographie ... 49

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Introduction générale

La construction d’un État ne s’explique pas par la seule évidence de son pouvoir politique comme il est courant de le peindre sous cette couleur. La définition élémentaire qui conjugue les notions population, territoire et pouvoir, quoi que paraissant servile, dirige assidûment nombre de réflexions sur cette créature humaine dont l’appellation « personne morale de droit public » fertilise, depuis Thémis1jusqu’à BRAIBANT Guy2, les chantiers séculaires du droit.

L’ambition serait démesurée de philosopher sur l’État, ne serait-ce qu’en l’abordant sous ses trois éléments de définition. Ce n’est d’ailleurs pas l’enjeu de notre entreprise. Cependant, Pierre BOURDIEU (1930 – 2002), illustre sociologue français de la seconde moitié du XXème siècle n’a pas manqué d’aborder sa réflexion « Sur l’État » [en essayant] « d’analyser l’espace public, le monde de la fonction publique comme un lieu où les valeurs de désintéressement sont officiellement reconnues et où, dans une certaine mesure, les agents ont intérêt au désintéressement. » (P. BOURDIEU, 2012, p. 14). Dès lors, il conviendra de se recueillir sur les défis de l’exercice du pouvoir dans l’État, notamment sur les subtilités qu’il renferme à travers son organisation administrative, mieux, sa fonction publique. Plus précisément, il s’agit d’interroger la cour intérieure de l’État sur l’essentiel de son existence au regard de sa dimension sociologique.

L’État a vocation à promouvoir l’intérêt général, à travers ses services publics. Sa production administrative s’inscrit dans cette logique. C’est tout le sens du rapport entre le recrutement des agents et l’efficacité de la Fonction publique. Aussi, une réflexion sur un tel sujet ne peut être menée isolément du contexte sociopolitique et économique dès lors que le but du recrutement est de pourvoir les administrations publiques des ressources humaines compétentes répondant aux besoins de fonctionnement et de qualité des services publics, et, in fine, aux attentes des usagers. Traiter « De la problématique du système de recrutement des agents à l’efficacité de la Fonction publique au Tchad» revient à justifier cette légitimité. En

1 Dans la mythologie grecque, déesse de la Justice, de la Loi et de l'Équité et donc du Droit, souvent représentée dans l'art ancien tenant les plateaux d'une balance avec laquelle elle pèse les arguments des parties adverses.

2 BRAIBANT Guy (1927 – 2008) est juriste de droit public, ancien élève de l'E.N.A. entré au Conseil d'État en 1953, son nom est associé à ceux de Marceau Long et de Prosper Weil en tant que coauteur d'un classique du droit administratif français, constamment réédité : Les Grands Arrêts de la jurisprudence administrative.

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revanche, cela permet de mettre en perspective les enjeux du rapport entre le recrutement des agents et l’efficacité de la Fonction publique. D’après Frédéric COLIN, spécialiste du droit public, « la fonction publique rassemble les employeurs publics dont les agents sont soumis aux règles du droit public. » (F. COLIN, 2016, p. 18). Cette définition juridique de la fonction publique révèle le statut de l’employeur et de l’agent, tel que conçu par le droit public. Toutefois, l’intérêt de la question réside, à la base, dans le processus de recrutement et la gestion des relations professionnelles entre cet employeur public et son agent, au regard des missions qui leur sont dévolues et des obligations qui leur incombent. Quand bien même la combinaison des éléments tenant au statut du service et à la présence de la personne publique rend confuse la limite entre le droit public et le droit privé. En guise d’illustration, la subtilité de l’applicabilité de la Loi 017/PR/2001 portant statut général de la Fonction publique au Tchad est évidente dans les contrats de travail entre l’administration publique et une personne privée, pour l’exercice d’une fonction publique ou d’une mission de service public. Cette observation est plus courante dans le système de la fonction publique de l’emploi. L’équation ne se pose pas dans le système de la fonction publique de carrière. Dans le premier, dit

« système de la fonction publique ouverte », pour reprendre les termes de Béatrice Thomas- Tual, l’agent est recruté sur la base d’un contrat pour occuper un emploi spécifique et ne peut le changer que dans le contexte d’un nouveau recrutement. Sa carrière dans l’administration n’est pas prédéfinie par un statut. Cette technique ressemble à s’y méprendre au contrat de travail du droit privé.3 Dans le second, dit « système de la fonction publique fermée », l’agent intègre la fonction publique pour une vie professionnelle complète, et est appelé à occuper plusieurs postes. (B. Thomas-Tual, 2005, traduction libre, pp.5-6). Ce système est caractérisé par la garantie de la permanence de l’emploi et l’évolution de la carrière dans un corps défini par un statut. Pour ce qui est du Tchad, la Fonction publique est classiquement celle de la carrière, même si elle s’hybride exclusivement pour des emplois fournis par certaines collectivités et établissements publics. Elle apparaît comme un rempart professionnel, et dans l’imaginaire collectif des tchadiens, une intégration à la fonction publique est gage de stabilité sociale. Par ailleurs, quel que soit le système, autant les besoins de productivité et de rentabilité commandent le recrutement dans le secteur privé, tributaire de la concurrence, autant ils l’influencent dans le secteur public, soumis aux articulations administratives et à la diversité des services.

3 Système caractéristique de la fonction publique des États-Unis d’Amérique, du Canada et de la Finlande.

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La Fonction publique tchadienne, jusqu’à la promulgation, le 04 mai 2018, de la Constitution de la IVème République, contrairement à celle de la France, n’appelait qu’à une définition unique, celle de l’État. Il n’y avait pas de distinction entre « les fonctions publiques », au pluriel, « utilisée pour caractériser les fonctions des administrations publiques » 4[et] la

« fonction publique », au singulier, [qui fait référence à] une personne [...] chargée d’une fonction publique.» (J.F LACHAUME & A. Virot-Landais, 2017, p. 1). Mais en disposant en son article 207 que « Les Collectivités autonomes votent et gèrent leur budget. Elles sont dotées d'une fonction publique locale dont elles recrutent les agents et gèrent les carrières. », la Constitution de la IVème République envisagerait-elle une articulation plurielle sinon dualiste de la fonction publique, notamment d’État et locale ? Sachant que tous les secteurs d’activités publiques ne peuvent pas être couverts par une fonction publique locale, un dispositif de recrutement local pourrait-il efficacement fonctionner en adéquation avec le système national de recrutement ? En tout état de cause, la seule fonction publique au Tchad demeure celle des personnes au service de l’État, des collectivités territoriales et des établissements publics administratifs. Cette acception matérielle est la plus perceptible des Tchadiens pour qui « fonction publique est égale au fonctionnaire ». Elle n’est d’ailleurs pas fausse si l’on s’en tient à cette définition de Frédéric COLIN selon laquelle « la fonction publique est un ensemble composé d’agents publics, c’est-à-dire, de personnels employés par une personne publique, affectés en principe à un service public administratif, et soumis à un régime de droit public. » (F. COLIN, 2016, p. 19). Ainsi, la Fonction publique dont nous traiterons le système de recrutement dans ce document est celle qui regroupe les agents des personnes publiques qui ont la qualité de fonctionnaires. Il en résulte que le recrutement par l’employeur public ne confère pas systématiquement la qualité de fonctionnaire à tous les agents du service public. Dès lors, la définition du fonctionnaire apparaît clairement : c’est la personne chargée de l’accomplissement d’une fonction publique.

Par ce qu’elle est un cadre idéal d’expression des notions de service public, de missions des personnes publiques, la Fonction publique sacre l’intérêt général et, en fait, introduit dans le système de recrutement des agents des valeurs républicaines, surclasse l’individualisme conjoncturel. La formulation des droits et devoirs des fonctionnaires le démontre. En effet, l’évolution de carrière des personnes chargées de service public est conditionnée par la

4 Référence faite aux trois fonctions publiques à savoir la fonction publique d’État, la fonction publique territoriale et la fonction publique hospitalière.

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qualification du service employeur, la technique du recrutement, la permanence de l’emploi occupé et sa classification professionnelle dans l’administration (J.F LACHAUME & A.

Virot-Landais, 2017, traduction libre, pp. 7 - 21). Il s’ensuit de là que le recrutement est fondamental dans l’évolution de la Fonction publique. Telle est la perception des plus hautes autorités du Tchad, traduite par cet arrêté du Premier Ministre n°392/PR/PM/2014 du 04 Février 2014, instituant une Commission Interministérielle chargée de l’Assainissement du fichier du Personnel de l’État (CIMAPE), avec comme objectif principal « la poursuite des actions de rationalisation de la gestion administrative et salariale du personnel civil de l’État aux fins d’une meilleure maîtrise des effectifs et de la masse salariale. » L’action ici envisagée est commandée par une conjoncture budgétaire, rendant urgente, la prise par le gouvernement de diverses mesures d’assainissement et de maîtrise des effectifs et de la masse salariale dans un contexte d’épuisement des ressources financières. Il se trouvait que l’eldorado effleuré par le pays des pasteurs et des agriculteurs5, par son entrée dans le cercle fermé des pays producteurs de pétrole, en 2003, n’avait duré que moins d’une décennie.

L’effectif des fonctionnaires est passé de 81 573 en 2013 à 149 428 personnes en 2017, soit une augmentation de 83% en quatre (4) ans, avec une masse salariale qui a augmenté de 32%

sur la même période6. Et pourtant, d’après le « Rapport d’audit comptable et organisationnel de la solde du personnel civil de l’État du Tchad », « la maîtrise réelle des effectifs de la fonction publique tchadienne a un impact certain sur la maîtrise des dépenses du personnel de l’État. » (Ernst & Young Tchad, 2017, p.6). Cette observation invite à s’interroger sur les enjeux budgétaires du recrutement du personnel de l’État, notamment la gestion de la masse salariale qui, selon le même rapport, « a triplé en moins de dix années combinées à un doublement des effectifs sur la même période. »

Mais pour sensible que cela puisse paraître, le recrutement des fonctionnaires relève d’un système d’intégration professionnel exigeant à la fois compétence et rendement, et de l’agent, et du service. C’est pourquoi, entre autres mesures prises par le gouvernement en 2014 et 2016 pour épurer la Fonction publique, il a été procédé au contrôle physique des fonctionnaires et à l’audit des diplômes dans une perspective de réforme générale de

5 Les sources classiques de l’économie du pays sont l’élevage et l’agriculture, principales activités de la grande partie de la population.

6 Données fournies par le service des soldes du Ministère de l’Économie et des Finances.

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l’administration7. Les conclusions de ces opérations, présentées par le Ministre des Finances lors de sa conférence de presse le 15 janvier 2015, avaient établi une Fonction publique épuisée par 4 566 agents fictifs. Ce qui représente une économie de 17 milliards de FCFA par an. Cette découverte conforte les résultats du rapport d’audit comptable et organisationnel de la solde du personnel civil de l’État, qui remarque que les données déclarées par les ministères à travers leurs directions du personnel et celles fournies par le Système intégré de gestion du personnel de l’État (SIGASPE)8 présentent des incohérences notoires9. Mais comment en est- on arrivé là ? Sinon, entre les enjeux budgétaires et la qualité du service public, comment le dispositif de recrutement des agents peut-il répondre à l’efficacité de la Fonction publique ? Pour tirer la quintessence de tout, comment le recrutement des agents peut-il contribuer à l’efficacité de la fonction publique au Tchad ? De notre observation de la pratique tchadienne, le recrutement à la Fonction publique demeure un mythe qui entoure les ambitions professionnelles des jeunes diplômés au Tchad. N’empêche qu’il demeure théoriquement un processus appelant la contribution de plusieurs ministères, outre celui de la Fonction publique.

Dans un souci de véritable contextualisation de toutes ces analyses énoncées, notamment sur le rapport entre le recrutement des agents et l’efficacité de la fonction publique, nous aurions aimé interroger les acteurs du système tchadien sur la politique du recrutement et son influence sur la productivité de la fonction publique. Cependant, à défaut d’une communication dynamique avec la Direction du personnel civil de l’État de la fonction publique et les fonctionnaires eux-mêmes, mais également d’une documentation tchadienne suffisante sur la question, nous sommes obligés de nous tenir aux instruments juridiques, et aux rapports d’audit et de contrôle. Et ce, pour deux raisons. La première, une lecture entre les lignes de la législation en vigueur peut permettre un examen plus ou moins conforme aux contextes socio-économique et politique du recrutement. Cette démarche est avantageuse,

7 En 2016, le gouvernement a pris 16 mesures d'austérité budgétaire pour faire face à la crise que traversait le

pays. Parmi ces mesures, la réduction des primes des fonctionnaires. La suspension de l’intégration à la fonction publique a également été annoncée, mais ne figurait pas formellement dans les 16 mesures.

8 Le système SIGASPE est une banque de données unique des agents de l’État partagé entre la solde qui paie le salaire et la Fonction publique (FP) qui recrute et gère la carrière du personnel (un outil d’élaboration d’acte d’administration)

9Les résultats de l’audit des diplômes ne sont jusqu’à ce jour pas connus. Mais des fuites d’information font état de milliers de fonctionnaires intégrés sur la base de faux diplômes dont une cinquantaine de décisionnaires

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d’autant plus que l’avènement de la Constitution de la IVème République peut influencer le statut général de la fonction publique et ses textes d’application. La deuxième raison réside dans la fiabilité des résultats des opérations d’audit et de contrôle des institutions et du système de recrutement de la fonction publique. Ainsi, à la prospection du paysage législatif, nous rapprochons les ambitions politiques exprimées dans les commandes de vérification de l’état de la fonction publique pour parvenir à une analyse fructueuse des réformes jusqu’ici entreprises par le gouvernement.

Cette démarche a l’avantage de nous conduire à une analyse élaborée de la fonction publique actuelle, à travers l’influence des facteurs socio-économiques et politiques du recrutement de ses agents. Loin de prétendre évaluer le système, nous proposerons des pistes de réflexion sur l’état de la législation existante en la matière, notamment les difficultés sociopolitiques de son application. Mieux, il s’agira d’étudier la construction de la fonction publique tchadienne (1ère partie) à travers la réglementation (Chapitre 1), les modalités (Chapitre 2) du recrutement et la difficile évolution de la carrière du fonctionnaire (Chapitre 3). Et seulement, afin d’assortir notre réflexion de propositions de redressement, il sera fait une rétrospection des réformes de la fonction publique (2ème partie) au prisme de l’environnement politique (Chapitre 1), du déficit de collaboration dans l’administration (Chapitre 2) et de la qualité du cadre institutionnel du recrutement des agents (Chapitre 3) et de la performance des outils de gestion et de gestion du personnel de l’État, dans une perspective de productivité de la Fonction publique au Tchad.

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ère

PARTIE :

LA CONSTRUCTION DE LA FONCTION PUBLIQUE TCHADIENNE

La construction de la fonction publique tchadienne est marquée par une longue période d’instabilité politique. Les successions des régimes ont eu pour conséquence de convertir constamment le droit positif aux aspirations des systèmes politiques d’après l’indépendance, le 11 août 1960. En effet, de toutes les Constitutions, celle de la IIIème République a une durée de vie relativement longue. Mais elle n’aura duré que deux décennies. Car depuis le 04 mai 2018, elle a été substituée par la Constitution de la IVème République, augmentant ainsi le nombre des réformes institutionnelles imputables aux velléités politiques depuis 1990.

L’administration tenait néanmoins son organisation et son fonctionnement des principes constitutionnels du régime semi-présidentiel. Pratiquement, aux précisions constitutionnelles relatives à l’exercice du pouvoir exécutif par le Président de la République et le Gouvernement (Constitution de la IIIème République, Article 59) correspondait la confusion des attributions en matière de disposition de l’administration, notamment la responsabilité du recrutement des fonctionnaires et, conséquemment, de la qualité du service public. Le régime présidentiel intégral de la IVème République est venu aiguiser cette ambivalence en confiant la disposition de l’administration au Président de la République, en supprimant le poste de Premier ministre et en estompant les attributions des membres du Gouvernement. Ce qui ramène au point de départ la réforme de l’administration et de la Fonction publique enclenchée dans les années 90.

L’historique de la fonction publique remonte à l’année 1997. Une reforme générale de l’administration a été engagée avec l’objectif global d’ « accroitre la performance de l’administration publique en améliorant sa compétence, son efficacité, sa loyauté et la qualité de ses services et prestations tout en réduisant son coût. » Pour mettre en œuvre cette stratégie, une Cellule technique chargée du suivi et la mise en œuvre de la réforme de l’administration (CESRAP) a été créée, avec entre autres actions prévues :

- La refonte du cadre statutaire et règlementaire

- La refonte du système de gestion du personnel civil de l’État (SIGASPE) - La rationalisation des structures et de l’organisation

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14 - Le développement des ressources humaines - Un nouveau statut général, « La loi 17 » en 2001 - 7 statuts particuliers des corps des fonctionnaires

Cependant, dans les réalisations, seulement 23 sur 38 textes d’applications prévus pour le statut général sont adoptés. Il en reste 12 dont celui portant sur la définition du concours d’entrée à la fonction publique.

La grande innovation a été de doter l’administration d’un système de gestion du personnel civil. Ce programme de réforme axé sur la mise en place d’une base des données intégrée a permis, en amont, le recensement biométrique des agents de l’État en 2011. Comme outil de développement des ressources humaines, il a servi à la mise en place d’un système d’appréciation des performances des agents de l’État basée sur le critère de protection (formation DRH). Toutes ces initiatives visent principalement l’efficacité de la fonction publique par une gestion rationnelle des ressources humaines. Elles traduisent la consécration législative du système de recrutement (Chap. 1).

Par ailleurs, si le recrutement conditionne la qualité du service public, ses modalités (Chap. 2) et les mécanismes d’évolution de carrière dans la fonction publique (Chap. 3) sont déterminantes dans le fonctionnement de l’administration.

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Chapitre I :

La mise en œuvre de la législation du recrutement

La spécialité du droit de la Fonction publique, comparativement au droit privé, fait naître la nécessité de soumettre les agents du service public à un régime exorbitant de droit.

L’administration, en tant que personne morale de droit public, est tenue par certains principes dont les exigences sont mises en évidence dans le système de recrutement et la gestion de carrière des agents, notamment la continuité du service public, l’égalité et l’intérêt général.

Pour cette raison, le législateur tchadien opère une distinction entre les règles devant régir les rapports de travail entre particuliers et celles qui s’appliquent à l’administration, dans ses rapports avec les agents du service public et les usagers, à travers la loi n°038/PR/96 du 11 décembre 1996 portant code de travail au Tchad. Cependant, le recrutement à la Fonction publique est fondamentalement encadré par la Constitution (Section 1). La Loi n°017/PR/2001 portant statut général de la Fonction publique (Section 2) présente les caractéristiques d’exclure de son champ d’application les travailleurs du secteur privé tout en intégrant dans le système de recrutement les principes spécifiques à l’administration.

Section 1 – La Constitution de la IVème République du 04 mai 2018

De tous les temps, la Constitution demeure le repère législatif le plus achevé de la Fonction publique, quelle que soit ses réformes. En consacrant les principes fondamentaux des droits de l’Homme contenus dans la Charte des Nations-unies de 1945, la Déclaration universelle des Droits de l'Homme de 1948 et la Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples de 1981, les préambules figés des constitutions tchadiennes énoncent les composantes classiques de la fonction publique dont l’égalité (pars 1). N’empêche que la pratique crée une dérogation justifiée par certaines prérogatives et une discrimination « légale » (pars 2).

§ 1 – L’application du principe d’égalité dans la Fonction publique tchadienne.

Dans divers contextes, la constitution du 04 mai 2018 fait huit (8) fois mention du principe d’égalité. Cette obstination du législateur par le principe d’égalité n’est pas fortuite. Elle

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exprime l’attachement de la nation à un axiome de la Déclaration universelle des droits de l’Homme et du citoyen au point de le sacraliser dans le but de sanctuariser la fonction publique contre les dérives illégitimes de l’autorité publique. A cet effet, le préambule de la Constitution de la IVème République évoque formellement le principe d’égalité en attribuant au peuple tchadien « [l’affirmation] de [sa] volonté de coopérer dans la paix et l'amitié avec tous les peuples partageant [ses] idéaux de liberté, de justice et de solidarité, sur la base des principes d’égalité, d'intérêts réciproques, [...], de l’intégrité territoriale... » Autant l’égalité commande l’organisation républicaine de la vie en société, autant elle assigne à la fonction publique un mécanisme dénué de toute discrimination. Sa traduction dans les lois et règlements invite de manière prégnante l’administration à respecter les droits et libertés fondamentaux, qui justifient l’essence même de l’État de droit. C’est d’ailleurs le sens de l’alinéa premier de l’article 33 qui dispose que « L’accès aux emplois publics est garanti à tout Tchadien sans discrimination aucune, sous réserve des conditions propres à chaque emploi. » Le principe d’égalité, ici posé, revêt un caractère d’ordre public dont la manifestation dans le recrutement à la fonction publique ou au cours de la carrière est incontournable. L’ardeur juridique qu’il suscite, bien que velléitaire sur les formes de discrimination, se ressent à tous les niveaux dans les textes relatifs au recrutement et au traitement des fonctionnaires.

Sur le recrutement, les dispositions de l’article 5 de la Loi n°017/PR/2001 portant statut général de la Fonction publique précisent les contours de l’usage par l’administration de la règle de l’égalité en ces termes : « L'accès aux emplois publics est ouvert à égalité de droit, sans distinction de genre, de religion, d'origine, de race, d'opinion publique, de position sociale, à tout tchadien remplissant les conditions prévues au titre IV de la présente loi, sous réserve des conditions d'aptitudes physique et mentale ou de sujétions propres à certains emplois déterminés par les statuts particuliers. » L’on en retient une invitation de l’administration à respecter scrupuleusement la règle de l’égalité « dans tous les cas où elle est supposée disposer d’une réelle marge d’appréciation pour prendre des décisions individuelles qui aboutissent à opérer des distinctions entre les candidats et agents de la Fonction publique. » (A. ZARCA, 2014, p. 44). Comme principe général du droit à valeur constitutionnelle, l’égal accès à tous aux fonctions publiques interdit toute discrimination fondée sur le sexe, l’origine géographique, l’opinion religieuse ou politique. Il se décline en égalité de chance dans l’admission à concourir à la fonction publique et promeut la capacité ou le mérite lorsqu’une évaluation est requise. Par ailleurs, malgré la justesse de cette

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disposition, les contentieux de l’inobservation de la règle d’égalité ne sont pas fréquents au Tchad. Et les jurisprudences sur la question ne sont pas encore connues. Cela ne signifie pas que l’administration tchadienne est un modèle accompli du respect du principe d’égalité à la fonction publique. C’est tout simplement parce que le contrôle juridictionnel du principe de non-discrimination à la Fonction publique n’est pas opérant. Les controverses dues aux irrégularités spectaculaires du concours d’entrée à l’École nationale d’administration de 2014, en sont une illustration. En effet, suite à la contestation « extrajudiciaire 10» des candidats, le réajustement des résultats par une Commission ad hoc avait révélé que sur les 530 candidats déclarés admis, plus de 200 ont été débarqués injustement pour être remplacés par des candidats non méritants. Comme quoi, mépriser le principe d’égalité dans le recrutement à la Fonction publique en se fondant sur des considérations politiques, religieuses ou sociales est scandaleux. Par contre, l’égalité des sexes reconnue par la Constitution justifie les efforts politiques en faveur des femmes à la haute fonction publique. C’est dans cette démarche que s’est inscrite l’Ordonnance n°012/PR/2018 du 22 mai 2018, instituant un quota d'au moins 30% de femmes dans les fonctions nominatives et électives, avec précision de poursuivre l’action vers la parité.

Sur le traitement des fonctionnaires appartenant à un même corps, le principe de l’égalité, ressorti dans tous le statut général et les statuts particuliers à chaque corps révèle un autre pan.

En effet, l’alinéa 1er de l’article 10 de la Loi 17 dispose : « [...] Aucune discrimination ne peut être faite entre les fonctionnaires en raison de leur sexe ou de leurs opinions publiques, syndicales, philosophiques, religieuses. » Cette règle impose donc à l’administration de soumettre tous les fonctionnaires ayant une même situation juridique au même traitement, sur la base de critères objectifs préalablement établis par la loi. Autant « nul n’est au-dessus de la loi », autant un fonctionnaire ne peut se prévaloir d’une considération bassement subjective pour prétendre bénéficier des privilèges que ne lui reconnait son statut ou qui ne sont justifiés par la loi. D’où l’interdiction faite à l’administration d’opérer un traitement inégalitaire à l’égard des fonctionnaires. « [Parce que] la fonction publique est censée être le lieu par excellence de la méritocratie républicaine » d’après Luc ROUBAN, (L. ROUBAN, 2017, p.

134), le traitement de faveur n’y a pas sa place. Pour autant, un fonctionnaire ne peut, de sa propre initiative, renoncer à un élément du statut qui encadre sa situation dans la Fonction

10 Les candidats ayant estimé être victimes d’une injustice, ont formé un collectif pour dénoncer par voie de presse les irrégularités qui ont entaché l’organisation du concours.

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publique pour quelle que raison que ce soit. L’alinéa 2 du même article le signifie clairement :

« [...], il leur est demandé d'exprimer leurs opinions publiques, philosophiques ou religieuses en dehors du service. » Car, avant d’être un composant de la Fonction publique, le fonctionnaire est un usager du service public. Pour cette raison, il ne doit pas introduire, par son acte, dans la Fonction publique une configuration frisant l’exclusion. La défaillance de l’État à garantir une impersonnalité de l’administration dans ce sens peut conduire à sa politisation. Ainsi, si l’État, au lieu de veiller à l’observation de la neutralité dans l’administration, se complaît aux considérations syndicale, politique, philosophique, religieuse ou associative pour apprécier ou évaluer les fonctionnaires, il contribuerait à son dysfonctionnement.

En revanche, dans l’aménagement de la règle de l’égalité, l’administration peut opérer une sélection discriminatoire des candidats à la Fonction publique au motif des circonstances exceptionnelles ou par l’existence de conditions différentes d’exercice de leurs fonction par les agents. L’appréciation de l’usage « régulier» ou « légal » de cette discrimination est tempérée par la nature de l’emploi, la sensibilité de la fonction, mais également par les prérogatives reconnues au Président de la République dans le recrutement à la Fonction publique.

§ 2 – L’exception à la règle de l’égalité à la fonction publique

Le cadre juridique du recrutement à la Fonction publique au Tchad ne déroge pas à la maxime de l’exception qui confirme la règle. La Loi 017 attenue le principe de l’égalité en soumettant les candidats à la Fonction publique « aux conditions d'aptitudes physique et mentale ou de sujétions propres à certains emplois déterminés par les statuts particuliers. » (Art. 5). Est-ce une entorse à la règle de l’égalité ? S’empresser de répondre à la question reviendrait à mépriser l’objectivité même du recrutement à la Fonction publique. En effet, parce que certains emplois, de par leur nature, requièrent des aptitudes physiques ou mentales, un handicap à les exercer peut justifier une appréciation sélective des candidats et ce, dans une logique de respect de leur dignité et non de discrimination. En revanche, pour une question de solidarité sociale, l’État aménage dans l’administration des emplois dédiés aux personnes handicapées sous réserve qu’elles jouissent d’une bonne moralité ou de tous leurs droits civiques. C’est le sens de la réserve mentionnée à l’article 33 de la Constitution.

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Par ailleurs, si le principe de l’égalité est consacré par la Constitution pour conduire l’organisation et le fonctionnement de l’administration, il ne prend véritablement forme que dans la loi n°017/PR/2001.

Section 2 – La Loi n°017 / PR / 2001 portant statut général de la fonction publique.

Sur la Fonction publique, le paysage législatif tchadien est tributaire des conjonctures sociopolitiques. L’augmentation du nombre des diplômés sans emplois, résultante de la croissance démographique, et les mutations sociétales ont constitué des défis que l’État a péniblement relevé, dans les années 2000, par des recrutements excentriques grâce aux revenus pétroliers. Cependant, ce n’est qu’avec la crise financière de 2014 que la dimension économique du recrutement des fonctionnaires s’est dévoilée, notamment par la taille de la masse salariale et la nécessaire gestion des emplois et des carrières. Il était alors apparu urgent de réformer l’administration pour qu’elle soit budgétairement soutenable et à mesure d’offrir des services publics de qualité. C’est dans ce contexte qu’est née la Loi n°017 / PR / 2001 du 31 décembre 2001 portant statut général de la fonction publique. Les précisions qu’elle fournit sur son champ d’application (Para. 1), le rôle et les missions des recruteurs publics (Para. 2) font d’elle une référence législative de la Fonction publique.

§ 1 – La traduction de la Loi 017 dans le système de recrutement des agents

« La présente loi constitue le Statut Général de la fonction publique de la République du Tchad. » (Article 1 de la Loi 017/PR/2001). Cette précision attribue au fonctionnaire un statut dont l’interprétation abouti d’une part à la distinction entre les agents du secteur public et ceux du privé et, d’autre part, aux conditions d’acquisition du statut d’agent public. Sur le premier intérêt cependant, le but de l’étude nous assujettit plus à la réflexion sur l’impact du statut général de la Fonction publique sur le recrutement que sur la définition du fonctionnaire, même si la comparaison avec les agents contractuels et décisionnaires de l’État s’avère nécessaire dès lors qu’ils représentent 17% des agents civils de l’État en 2016. Ces agents qui ne sont pas fonctionnaires au sens de la Loi 017 sont régis par la Convention collective applicable aux agents contractuels des services publics de la République du Tchad

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du 07 décembre 2012, conformément aux articles 338 et 33911 de la loi n°038/PR/96 du 11 décembre 1996 portant Code du Travail en République du Tchad (Art. 1er). Soumis à un régime contractuel de droit privé, leur situation est directement tributaire de la nature du contrat, et comme telle, ils ne sont pas habilités à bénéficier de la titularisation que peut conférer la stabilité et la protection contre le licenciement, énoncée à l’article 212 du statut général de la Fonction publique (J.F LACHAUME & A. Virot-Landais, 2017, pp. 9-21).

Avec la description du régime juridique propre et spécifique qu’il donne à la Fonction publique, le statut général conditionne la situation du fonctionnaire, à laquelle s’attachent les principaux privilèges apparents que sont la stabilité, la permanence et la protection de l’emploi. Au premier abord, la limite d’âge indiquée aux articles 11 et 12713 pour l’intégration à la Fonction publique et le départ à la retraite, sous réserve de toute interprétation de l’esprit du législateur, a eu pour effet de travestir le système de recrutement.

Cette condition, non seulement, restreint la liberté d’emploi parce qu’elle impose aux jeunes de 18 à 40 ans une ambition professionnelle qui ne correspond pas forcément à leurs aventures éducatives, mais également exclut de la Fonction publique des diplômés et des techniciens compétents. Ensuite, la vraisemblance des acquis du statut général de la Fonction publique tchadienne a donné lieu à des pratiques de recrutement, peu orthodoxe, qui ne sont pas sans conséquences sur l’évolution de carrière du fonctionnaire. L’empressement des jeunes à intégrer la Fonction publique et la crainte de la précarité de la vie à la retraite se sont singulièrement traduits par un mouvement de trentenaires et un maintien des sexagénaires dans l’administration au mépris de la productivité de la Fonction publique, ici, perçue comme un véritable bouclier socioprofessionnel contre la vulnérabilité économique. Ainsi, la fascination du statut du fonctionnaire explique certaines pratiques inciviques telles que la

11 - Les conventions collectives sont des accords écrits conclus entre d’une part, soit un employeur, soit un ou plusieurs groupements patronaux et, d’autre part, une ou plusieurs organisations syndicales représentatives des salariés. (Art. 338)

- Les conventions collectives ont pour objet de déterminer les conditions d’emploi et de travail ainsi que d’organiser les relations collectives entre l’employeur et les travailleurs. Elles ne peuvent déroger aux garanties qui sont données aux salariés ou leurs représentants par le présent code, la loi ou tout autre texte de nature réglementaire. Toute clause qui ne respecte pas cette règle est nulle de plein droit et de nul effet. (Art. 339)

12 Le présent statut s'applique aux personnes qui, nommées dans un emploi public permanent, ont été titularisées dans un corps de la hiérarchie des cadres de l'administration de l'État. (Art. 2)

13 - Nul ne peut être intégré comme fonctionnaire s’il n’est âgé de 18 ans au moins et 40 ans au plus (Art. 36 de la Loi 017/PR/2001 portant statut général de la Fonction publique)

- La limite d'âge pour être admis à la retraite est fixée à soixante (60) ans. (Art. 127)

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modification de l’âge et les changements d’acte de naissance, avec pour conséquences majeures la comptabilisation des fonctionnaires de moins de 18 ans et de ceux ayant dépassé l’âge légal de la retraite comme l’a montré le rapport d’audit comptable et organisationnel de la solde du personnel civil de l’État (Ernst & Young Tchad, 2017, p.6). En effet, la consultation de la base SIGASPE a permis de déceler, sur la période de 2014 à 2016, 4 852 agents de l’État âgés de moins de 18 ans, et l’estimation du salaire net versé à ces agents publics concernés durant les trois années s’élevait à XAF 4,759 milliards, soit environ 1% de la masse salariale globale. En revanche, le même rapport a relevé « l’existence d’agents ayant dépassé l’âge légal de départ à la retraite14 et qui continuent de percevoir des salaires. » dont le total sur la même période est estimé à XAF 12,194 milliards soit 1,70% de la masse salariale globale. Par ailleurs, pour la seule année 2016, une analyse de ces chiffres établit que sur les 73 385 agents civils de l’État, on en compte 1 504 qui n’ont pas l’âge légal minimal (18 ans) pour être intégrés à la Fonction publique, et 2 365 devant légalement être admis à la retraite, soit respectivement 2% et 3% de l’effectif total. Ces résultats sont descriptifs de l’état d’un système de recrutement dont l’écart entre la pratique et l’idéal énoncé par la loi est considérable. La situation est d’autant plus bouleversante que la négligence des diplômes et des compétences a eu pour conséquence de faciliter l’intégration à la Fonction publique des semi-lettrés, et de confier la gestion de certains services publics à des agents ne sachant ni lire ni écrire. Les révélations du contrôle physiques des agents de l’État et de l’audit des diplômes l’ont démontré en 2015 (v. supra.).

En fin, bien qu’investis d’une mission de service publique, les personnels des assemblées parlementaires, les militaires des forces armées, les magistrats de l'ordre judiciaire, les agents des collectivités locales et des établissements publics, les auxiliaires de l'administration régis par un texte particulier et les agents de l'État relevant du Code du travail (Art.3) ne sont pas régis par la Loi 017. Cette exclusion, loin d’avoir pour but de soustraire ces catégories d’agents publics aux dispositions du statut général de la Fonction publique, vise à adjuger à ces corps de métiers des statuts particuliers correspondant aux exigences de leurs missions et aux besoins de leurs services. Pour Jean-François LACHAUME et Aurélie VIROT- LANDAIS (2017), « ces statuts particuliers à caractère national doivent se limiter à adapter aux exigences d’un corps de fonctionnaires, les dispositions des statuts généraux, notamment

14 L’âge de départ à la retraite au Tchad est de 60 ans exception faite des agents relevant de la catégorie A (limite portée à 65 ans) et des magistrats hors rang (limite portée à 70 ans).

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[les conditions précises de recrutement, d'emploi, de formation, de titularisation et d'avancement, de discipline et de mise à la retraite], sans les méconnaître. » (p. 31).

L’initiative de préciser les statuts particuliers des différents cadres de fonctionnaires appartient à l’exécutif qui s’en sert par décret pris en conseil des ministres, sur proposition du Ministre chargé de la fonction publique, après avis du comité consultatif de la fonction publique. Ainsi, il conviendra d’étudier le rôle et les missions de ces acteurs publics en matière de conception et de mise en œuvre des politiques de recrutement.

§ 2 – Définition des attributions des acteurs du recrutement à la Fonction publique

La Constitution de la IVème République dispose en son article 207 que les Collectivités autonomes « sont dotées d'une fonction publique locale dont elles recrutent les agents et gèrent les carrières. » Elles sont désormais théoriquement chargées des responsabilités dans la productivité de la fonction publique, notamment par le rôle qu’elles jouent dans le recrutement et la gestion de carrière des fonctionnaires. Cependant, le contexte de la décentralisation dans lequel cette mission est envisageable présente des imperfections notoires telles qu’une fonction publique ne peut véritablement pas être autonome. En effet, l’échec de l’expérience de la démocratie locale qui s’est traduit par les élections communales de 2012, les premières de l’histoire du pays, montre que le pouvoir central n’est pas prêt à admettre l’autonomie de gestion d’une telle institution aux Collectivités. A ce jour, l’État, à travers le Ministère de la Fonction publique, de l’emploi et du dialogue social demeure seul garant de l’incorporation, de la performance des agents, de la gestion de carrière et du bon fonctionnement de l’administration. Mais considérant l’impact du système de recrutement sur le développement et la bonne gouvernance, et plus précisément sur l’économie et les finances, il est associé au Ministère de la Fonction publique l’expertise des services du Ministère des finances et du budget. Cette collaboration qui devrait servir à l’élaboration d’une bonne politique de recrutement (A) et à l’étude des conditions d’emploi et de gestion de carrières des agents de l’État, ne se limite malheureusement qu’aux consultations relatives à la conception du budget. Là encore, les incohérences que présentent le circuit de la dépense du personnel de l’État, notamment suite au manque de communication entre les différents intervenants de la chaîne de recrutement, à l’absence de manuel de procédures et à la déficience du système de contrôle interne ne permettent pas de relever les défis du recrutement.

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A. Sur la politique de recrutement

Avec les précisions qu’il fournit sur son rôle et ses missions, le Décret 07-509 2007-06-29 PR/PM/MFPT portant organigramme du Ministère de la Fonction publique fait de cette institution un acteur principal de la politique de recrutement et de l’intégration professionnelle. La technicité et la complexité de la matière, dans une conjoncture permanente de foisonnement des réformes, imposent que la problématique du recrutement et de la gestion de carrière soit confiée à la Direction du personnel civil de l’État. L’article 8 dudit Décret dispose clairement que, sous l’autorité d’un Directeur, cet organe est chargé :

- « d'appliquer le statut général et les statuts particuliers ;

- de participer à la conception des textes relatifs à la gestion du personnel civil de l'État ; - d'élaborer les actes de recrutement du personnel civil de l'État ;

- d'élaborer les actes relatifs à la carrière du personnel civil de l'État. »

La Direction du personnel civil de l’État assure cette mission en étroite collaboration avec les organes consultatifs définis au chapitre 2 de la Loi 017 portant statut de la Fonction publique.

En effet, sur la politique de recrutement et de gestion de carrière, le comité consultatif de la fonction publique et Les commissions administratives paritaires composent avec la Direction du personnel civil de l’État un véritable laboratoire. Le premier dispose d’une compétence générale, et à ce titre, émet des avis sur les politiques de recrutement, d'emploi, de formation, de rémunération du personnel, ainsi que d’organisation des services publics. Le second, institué dans chaque département ministériel, est consulté sur toutes les questions concernant les fonctionnaires en matière de notation, de titularisation, d'avancement, de discipline et de réforme des fonctionnaires.

B. Sur les conditions d’emploi et la gestion de carrière

Le Ministère de la Fonction publique et du dialogue social s’appuie également sur les appréciations du conseil médical et de la commission d'équivalence de diplômes pour organiser la vitalité de l’emploi et l’évolution de carrières dans la fonction publique. Ainsi, lorsqu’il est saisi par le Ministre chargé de la fonction publique de tous les problèmes d'hygiène et de salubrité dans les lieux de travail, et les problèmes médicaux concernant le fonctionnaire, le conseil médical, après étude, formule ses observations sur les aptitudes physique et mentale requises pour le maintien à la fonction publique, le congé maladie de longue durée, la réintégration après lesdits congés, la réforme pour raison médicale. La commission d’équivalence des diplômes, quant à elle, est sollicitée pour apprécier tout

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diplôme, présenté par un candidat à l'accès à la fonction publique ou à une formation entraînant reclassement dans un corps et une classe des fonctionnaires, et ne figurant pas sur la liste des titres explicitement prévus pour l'accès aux corps et classes par les statuts particuliers.

La fermeté avec laquelle le gouvernement a engagé les grands chantiers de réforme de la fonction publique, notamment le contrôle physique des fonctionnaires et l’audit des diplômes en 2017 démontrent que ces organes et les services techniques de la fonction publique n’ont pas joué le rôle que leur a assigné la loi dans la définition de la moralité de la fonction publique et des autres services publics. Alors que le rapport du premier audit des diplômes n’a pas été publié par les autorités, une observation générale a révélé que beaucoup de diplômes équivalents ont été pris en considération pour le recrutement, en méconnaissance des statuts particuliers, et sans accord de la Commission nationale d'équivalence des diplômes. Ainsi, l’opération de vérification des diplômes des fonctionnaires et du personnel civil de l’État recrutés à la fonction publique à partir de 1996 à 2016 devrait permettre de démasquer les fonctionnaires et les contractuels usant de faux diplômes pour se faire intégrer à la fonction publique. Selon le Ministère de la Fonction publique, les diplômes de Baccalauréat, du Brevet d’étude du premier cycle (Bepc), diplômes équivalents ainsi que les diplômes ayant servi au reclassement de certains fonctionnaires seront aussi passés au contrôle des auditeurs. Mais si sincères qu’elles apparaissent, peut-on voir en ces actions politiques un aveu de culpabilité du gouvernement qui, pendant longtemps, a gardé silence face au clientélisme et au parrainage qui entachaient le recrutement à la fonction publique ? Et pourtant la Loi 017 portant statut de la fonction publique n’est pas muette sur les techniques de recrutement.

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Chapitre II :

Les modalités de recrutement à la Fonction publique au Tchad

« Est interdit tout recrutement qui n'a pas pour objet de pourvoir à la vacance d'un poste prévu au budget de l'État. » (Article 37 du statut général de la Fonction publique). Le recrutement à la Fonction publique répond à un besoin en ressources humaines clairement identifié. En effet, le but d’intérêt général que poursuit la fonction publique lui impose de disposer des ressources humaines en quantité et en qualité pour pouvoir offrir des services publics de qualité, obéissant aux principes caractéristiques de l’administration que sont l’égalité, la continuité et la mutabilité. Pour cette raison, le recrutement doit s’effectuer sur des modalités qui promeuvent l’excellence et la compétence, et permettre à la fonction publique de disposer des agents consciencieux et soucieux du travail bien fait. Les conditions générales fixées par la loi portant statut général de la fonction publique répondent à cette logique. En effet l’article 36 dispose que : « Nul ne peut être intégré comme fonctionnaire :

a. s'il n'est citoyen tchadien à titre originaire ou s'il n'est naturalisé depuis au moins cinq (5) ans ;

b. s'il ne jouit de ses droits civiques et s'il n'est de bonne moralité ;

c. s'il ne remplit pas les conditions d'aptitudes physique et mentale exigées pour l'exercice de la fonction ;

d. un handicap physique ne peut être pris en considération pour l'accès à la fonction publique si ce handicap n'affecte pas les capacités intellectuelle, morale et mentale de l'intéressé ;

e. s'il n'est reconnu, soit indemne de toute affection incompatible avec l'exercice des fonctions publiques, soit définitivement guéri ;

f. s'il n'est âgé de 18 ans au moins et 40 ans au plus. »

Ces conditions traduisent les exigences des missions de l’agent du service public et dénotent de l’idéal comportemental du fonctionnaire. Cependant, les respecter toutes ne garantit pas systématiquement l’intégration à la fonction publique au nom du principe d’égal accès aux emplois publics. Ce qui ne signifie pas non plus que l’intégration par voie de concours disposée à l’article 41 du statut général est appliquée. Outre les exceptions (Section 2) prévues

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