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soutenu par Toufik EL HAJJ CIP Promotion Louis Pasteur (2017-2018)

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Texte intégral

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Université Paris 1

Ecole nationale d’administration

Master Etudes européennes et relations internationales Spécialité Relations internationales et Actions à l’Etranger

Parcours "Action internationale"

Les tentatives d’adaptation du Conseil de sécurité de l’ONU aux nouvelles menaces

La lutte contre le terrorisme

Sous la direction de M. Alexandre Balguy-Gallois

Docteur en droit

soutenu par Toufik EL HAJJ

CIP Promotion Louis Pasteur (2017-2018)

Juin 2018

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Remerciements

Je tiens à remercier mon directeur de mémoire, Monsieur Balguy-Gallois Alexandre pour ses conseils avisés, judicieux et appréciés qui ont alimenté, animé et orienté ma réflexion et mon analyse.

Je le remercie aussi pour sa disponibilité et pour l’intérêt qu’il a manifesté à mon travail.

Je remercie également la direction générale des Forces de Sécurité Intérieure Libanaises de m’avoir donné ce privilège de représenter le Liban au sein de l'École nationale d'administration (l'ENA).

Je voudrais exprimer ma reconnaissance et ma gratitude à mes amis et à mes collègues pour leur support intellectuel et moral.

Je ne saurais oublier ma famille ; ma mère, la fleur de ma vie, source de mon espoir et de mon optimisme, mon père que je promets de rester toujours à la hauteur de ses attentes, ma chère tante qui vient de nous quitter, mon frère et ma sœur pour leur support incessant, mais aussi ma belle fiancée pour sa patience et son soutien continuel et permanent…

Si l’on dit

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Table de sigles et abréviations

ADM : Armes à Destruction Massive

AGNU : Assemblée générale des Nations Unies

CEDEAO : Communauté Économique Des États de l'Afrique de l'Ouest

CICR : Comité International de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge

CIJ : Cour Internationale de Justice CPI : la Cour pénale internationale Cs : Conseil de Sécurité

CSK : Chambres Spéciales du Kosovo DIH: Droit International Humanitaire ECOSOC : Conseil Economique et Social

G8 : Allemagne, Chine, États-Unis, France, Italie, Japon, Royaume-Uni et Russie KFOR : Kosovo Forces

ONU : Organisation des Nations Unies

P5 : Les cinq membres permanents du Conseil de sécurité (États-Unis, France, Chine, l'Urss puis Russie et Royaume-Uni).

PSI : Initiative de Sécurité contre la prolifération

RDC : République Démocratique du Congo RFY : République Fédérale de Yougoslavie SDN : Société Des Nations

S.F.D.I. : Société Française pour le Droit International SG : Secrétariat général

TMN : Tribunal Militaire international de Nuremberg

TNP : Traité sur la Non-prolifération des armes nucléaires

TPI : Tribunaux Pénaux Internationaux

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TPIR : Tribunal Pénal International pour le Rwanda TPIY : Tribunal Pénal International pour l’ex-Yougoslavie UA: Union Africaine

UCK : armée de libération du Kosovo UE: Union Européenne

UNITA: Union Nationale pour l’Indépendance Totale de l’Angola URSS : Union des Républiques Socialistes Soviétiques

USA: United States of America (États-Unis)

UTA: Union de Transports Aériens

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Sommaire

Introduction ………...1

Chapitre 1 : Le Conseil de sécurité et le terrorisme ………...5 Chapitre 2 : Le Tribunal Spécial pour le Liban : première juridiction internationale de lutte contre le terrorisme...………..………...33

Conclusion générale ………...60

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1

Introduction

L’ONU a vu le jour le 24 octobre 1945 suite à l’entrée en vigueur de la Charte de San Francesco du 26 juin de la même année. Il s'agit d'une organisation à vocation mondiale, qui va succéder à la Société des Nations (SDN), condamnée à l'échec suite au déclenchement de la Seconde Guerre mondiale.

L’ONU figurait au début parmi les buts des Alliés, « qui avaient en tête le souci de bannir à jamais la guerre comme mode de résolution des différends internationaux »

1

, raison pour laquelle, le principe du non recours à la force en relations entre Etats figurait parmi les principes essentiels de la deuxième Organisation onusienne.

Composée de six organes principaux, l’ONU a fait du Conseil de sécurité son organe exécutif et le premier responsable en matière de la paix et de la sécurité internationale. Les fondateurs de la Charte ont doté le Conseil de larges compétences en vertu des chapitres V, VI, VII et VIII (surtout le chapitre VII), afin de lui permettre d’assumer les responsabilités qui lui sont confiées en la matière. Le Conseil se voit disposer d’un large éventail de mesures qu’il pourrait adopter en vue d’assurer le maintien de la paix et de la sécurité internationales (des mesures préventives comme la médiation, l’arbitrage, les bons offices, les négociations...et des mesures coercitives non militaires comme la rupture des relations diplomatiques et des rapports économiques, l’embargo maritime, aérien et postal,.. et comme dernier recours des mesures coercitives militaires).

Composé actuellement de 15 membres (5 permanents (P5) et 10 non permanents), le Conseil de sécurité (Cs) diffère des autres organes onusiens par son mode de fonctionnement : Il fonctionne en permanence et adopte ses décisions suivant une majorité qualifiée (9 voix parmi 15, y compris les 5 membres permanents lorsqu’il s’agit d’une question non procédurale). Un tel mécanisme a consacré et fait développer la notion de ce que l'on a appelé le droit de veto. Notons à ce propos que le mot « veto » ne figure nullement dans la Charte de l’ONU. Toutefois, le veto continue toujours à constituer un des obstacles majeurs bloquant le vrai démarrage du Conseil de sécurité en raison du recours abusif à cet outil par les membres permanents (en particulier les États-Unis (USA) et l'URSS avant sa dissolution dans la période de la guerre froide où le Conseil a tant souffert de l'inertie et de l'immobilisme).

1 EUSTACHE Fiston Kilwa, La problématique d’acquisition du statut de membre permanent au Conseil de sécurité. Cas du Brésil, mémoire, Relations Internationales, Université de Lumbashi, 2011, www.memoireonline.com › ... › Relations Internationales (Consulté le 11/5/2018)

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2

Avec la fin de la guerre froide et la disparition de l'URSS, le recours au veto a diminué considérablement et l'on a cru à tort que l'ONU va regagner son rôle en tant que promoteur de la paix et de la sécurité internationale. Les années succédant à la disparition du bloc soviétique vont montrer et consacrer une nouvelle époque et un nouvel ordre mondial, à savoir un monde unipolaire, caractérisé par l’hégémonie des Etats Unis et par une quête continuelle de leur part, à manipuler, dominer et instrumentaliser la deuxième Organisation onusienne et bien évidemment son organe exécutif, à savoir le Conseil de sécurité. On peut citer à ce propos le discours de Madeleine Albright, Secrétaire d'État américain à l'administration Clinton : « Les Nations Unies ne peuvent faire que ce que les États-Unis les laissent faire »

2

.

Les modifications politiques survenues sur la scène internationale au début des années 90, se sont accompagnées par des changements drastiques au niveau sécuritaire : les conflits interétatiques vont céder la place à un nouveau type de conflits : les conflits armés non étatiques ou intra étatiques qui sont appelés à constituer un grand défi au Conseil de sécurité en matière de la paix et de la sécurité internationales. Ce type de conflits est souvent caractérisé par des violations massives et graves en matière des droits de l’homme et du droit international humanitaire. Le nettoyage ethnique en ex-Yougoslavie et le génocide au Rwanda en sont l’illustration flagrante.

Ainsi, le Conseil de sécurité s’est trouvé dans l’obligation de faire un premier pas vers l’adaptation de ses compétences (y compris la notion du maintien de la paix et de la sécurité internationales) pour faire face à ce nouveau défi, à savoir les violations graves et massives du droit international humanitaire (DIH). Un premier résultat de cette adaptation fut l’adoption dans le cadre du chapitre VII de la Charte, de deux résolutions 827(1993) et 944(1994), décidant de l’établissement de deux tribunaux pénaux internationaux pour l’ex- Yougoslavie et le Rwanda.

Le choc du 11 septembre 2001 va constituer un autre défi pour le Conseil, il s'agit d'un défi très difficile à gérer et à contrôler, en raison de l'originalité de la nouvelle situation

3

: D'abord par la cible des attaques, puisqu'elles constituent pour la première fois depuis la Seconde Guerre mondiale, une atteinte directe contre le territoire américain, attaques qui prennent pour objectifs des bâtiments civils.

Ensuite, par l’ampleur des attaques, puisqu’il s’agit d’un hyper terrorisme qui entraîne en une frappe dédoublée sur New York plusieurs milliers de victimes civiles. Enfin, par l'origine des attaques, puisqu'elle ne peut pas être imputée, du moins directement, à un État, à une décision prise par des autorités et à une action reposant sur des moyens étatiques. Le caractère soudain, imprévu

2 EUSTACHE Fiston Kilwa, Op.cit.

3SUR Serge, Le Conseil de sécurité dans l’après 11 septembre, Global Understanding Series, 2003, pp.44, 45

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3

et spectaculaire plongeait dans la stupeur et l’indignation les dirigeants et les opinions publiques dans tous les continents à de rares exceptions près.

Ainsi, le Conseil de sécurité s’est bientôt trouvé face à un événement voire un trauma « dont la temporalité ne procède ni du maintenant présent ni du présent passé, mais d’un im-présentable à venir…Le traumatisme est produit par l’avenir, par la menace du pire à venir plutôt que par une agression passée et finie »

4

. Il réagissait immédiatement, à des attentats qui se sont produits à sa proximité et lui aussi, aurait pu être parmi les cibles. Il a adopté dans un premier temps, juste un jour après les attaques, la résolution 1368 (2001), dans laquelle il a reconnu « le droit inhérent à la légitime défense individuelle ou collective conformément à la Charte », avant d’adopter presque deux semaines après, le 28 septembre 2001, une résolution qualifiée d’historique, à savoir la résolution 1373.

Il s’agit d’une résolution qui revêt tout un autre caractère : elle comporte en effet, toujours dans le cadre de la légitime défense, un ensemble de mesures coercitives formulées de manière générale et abstraite et que doivent mettre en œuvre les Etats membres. Il s’agit plutôt d’un véritable programme de prévention et de lutte contre le terrorisme

5

, un programme dont le Conseil n’a pas déterminé le champ d’application, ni dans l’espace, ni dans le temps.

L’adoption de deux résolutions susmentionnées, inscrite toujours dans la logique d’adaptation aux nouvelles menaces, promue par le Conseil afin de prouver son efficacité et de confirmer sa survie, a suscité une vague de controverses et de critiques concernant l’exercice d’une certaine fonction normative par le Conseil de sécurité surtout avec la résolution 1373.

La résolution 1373 va constituer la pierre angulaire et le point de repère et de référence de toutes les résolutions relatives à la question du terrorisme, bien qu’elle ne constitue pas la seule innovation du Conseil en la matière : Six ans presque après, le Conseil de sécurité a adopté – toujours dans le cadre de la lutte contre le terrorisme – la résolution 1757 le 30 mai 2007, décidant de l’entrée en vigueur de l’Accord sur l’établissement d’un Tribunal Spécial pour le Liban, en l’absence du consentement de ce pays. Comme la résolution 1373, la résolution 1757 va poser la question sur les compétences attribuées au Conseil en termes de la Charte et si celui-ci avait outrepassé, en réagissant à certains dossiers, ce qu’on lui a attribué, au titre de la nécessité d’adaptation aux nouvelles menaces.

4 SZUREK Sandra, « La lutte internationale contre le terrorisme sous l’empire du chapitre VII: Un laboratoire normatif », Revue Générale De Droit International Public (RGDIP), Tome CIX, A. Pedone, 2005, pp.12, 13

5 SUR Serge, Le Conseil de sécurité dans l’après 11 septembre, Op.cit., p.47

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4

Il s’agit donc de traiter des tentatives d’adaptation du Conseil de sécurité de l’ONU aux nouvelles menaces survenues sur la scène internationale surtout en matière de lutte contre le terrorisme. En d’autres termes, il s’agit d’apporter des réponses aux questions suivantes :

Comment le Conseil de sécurité s’est-il adapté aux nouvelles menaces (le terrorisme) et selon quelle logique et quelle approche ? En le faisant, a-t-il observé et respecté les compétences qui lui ont été accordées par les fondateurs de l’ONU, ou bien c’était le contraire ? Autrement dit, le Conseil a-t-il outrepassé ses compétences dans ses tentatives d’adaptation ? Quel pouvoir a-t-il exercé en adoptant une résolution aussi générale et abstraite que la résolution 1373 (2001) ? Un tel pouvoir est-il conforme aux dispositions de la Charte ? Comment le Conseil de sécurité a-t-il réagi à l'assassinat de l'ex-premier ministre libanais Rafic Hariri ? Quel rôle a-t-il joué en matière de l’établissement du Tribunal Spécial pour le Liban (TSL) surtout avec l’adoption de la résolution 1757(2007) ? Quelle(s) controverse(s) juridique(s) a suscité cette dernière?

Afin de traiter de la problématique précitée et des questions qui en découlent, nous étudierons dans

un premier chapitre, le Conseil de sécurité et le terrorisme en abordant la résolution 1368(2001) et

la résolution 1373(2001) et la nature du pouvoir exercé par le Conseil en la matière. Dans un

second chapitre, nous étudierons le Tribunal Spécial pour le Liban (TSL) en tant que première

juridiction internationale de lutte contre le terrorisme en traitant des polémiques juridiques suscitées

surtout avec l’adoption de la résolution 1757(2007).

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5

Chapitre 1 : Le Conseil de sécurité et le terrorisme

Depuis sa création en 1945, le Conseil de sécurité de l’ONU n’a cessé de faire face aux défis de toute sorte : Au prix de toutes les difficultés, même les contradictions, le Conseil fonctionne, et au minimum conserve sa capacité de fonctionnement et d’adaptation. Mais n’est-ce pas la nature d’un organe politique que d’intérioriser les contradictions et de les surmonter par une dynamique positive ? La souplesse qu’il comporte n’a-t-elle pas d’abord assuré sa survie, ensuite son adaptation permanente aux situations les plus variées?

6

Concernant les défis, externes par excellence, ils sont assez nombreux et le plus souvent liés aux atteintes imprévues à la sécurité internationale, illustrées par le développement d’une violence internationale qui n’avait pas été envisagée par les auteurs de la Charte. On peut mentionner dans ce cadre plusieurs exemples, certains anciens, d’autres plus récents. Pour les anciens, l’instabilité et la violence résultant de la décolonisation, avec les problèmes latéraux nés de la politique d’Apartheid en Afrique du sud et de ses développements en Namibie, le conflit israélo-palestinien et ses développements pour l’ensemble du Moyen- Orient. Pour les plus récents, les conflits liés à l'effondrement d'États fragiles, avec leur cortège de guerres civiles et d'atteintes massives au droit humanitaire, le terrorisme international, les risques liés à la prolifération incontrôlée d'armes de destruction massive. Sur ces divers terrains, le bilan du Conseil selon certains avis, bien que contrasté, mais il est loin d’être entièrement négatif.

7

En effet, depuis le début des années nonante, le Conseil de sécurité a marqué un développement tant quantitatif que qualitatif de son activité. C'est dans le cadre de l'adaptation aux changements survenus sur la scène internationale que le Conseil a mis la diversification de son intervention

8

: Outre des interventions ciblées et nettement définies dans le cadre de conflits ou différends particuliers, il se prononce sur le tracé d'une frontière interétatique

9

, sur la responsabilité

6 SUR Serge, Le Conseil de sécurité dans l’après 11 septembre, Op.cit., p.32

7 Ibid., pp.32, 33

8DENIS Catherine, Le pouvoir normatif du Conseil de sécurité des Nations Unies: portée et limites, Olivier Corten, Collection de DIP, 2004, pp.1, 2

9Le 2 août 1990, l’Iraq envahit le Koweït revendiquant notamment des droits historiques sur le territoire koweïtien. En février 1991, à la suite de l’intervention militaire des Etats qui coopèrent avec le gouvernement koweïtien, intervention autorisée par le Conseil de sécurité de l’ONU (Résolution 678 (1990), 29 novembre 1990), l’armée iraquienne s’est retirée du Koweït en moins de quarante- deux jours. Après avoir adopté douze résolutions en moins de sept mois, le Conseil suspend les opérations militaires par la résolution 686 (1991) du 2 mars 1991. Enfin, il fixe les conditions d’un cessez le feu dans la résolution 687 (1991) du 3 avril 1991. Par la résolution 687(1991), le Conseil de sécurité va notamment mettre fin à la prétention iraquienne portant sur sa=

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6

internationale de certains États

10

, sur les règles applicables en matière d'extradition

11

, il élabore le statut de juridictions pénales internationales, il traite des thèmes de plus en plus généraux détachés de toute situation particulière, il adopte des résolutions générales et, enfin, il impose des obligations générales à l'ensemble des États membres des Nations Unies en matière de terrorisme international.

L'évolution de la pratique du Conseil de sécurité de telle sorte a suscité des réactions tant de la part des États que de la doctrine. On a ainsi vu les pouvoirs du Conseil de sécurité être qualifiés de

« pouvoir de police »

12

, de « pouvoir législatif »

13

, de « law making power », de « regulatory powers », de « pouvoir quasi- judiciaire ».

La terminologie utilisée, bien variable qu’elle soit, révèle à tout le moins, des questionnements quant à l’exercice par le Conseil d’un pouvoir normatif

14

.

=frontière avec le Koweït, en faisant procéder à sa démarcation. Mais bien plus qu’une simple démarcation, l’opération met fin à un différend juridique opposant l’Iraq au Koweït.

DENIS Catherine, Op.cit., p.58

10 Dans certains cas, le Conseil de sécurité s’est prononcé sur l’existence d’une responsabilité étatique ou sur un droit à la réparation d’un Etat dans le cadre de situations particulières (A la suite d’une attaque armée d’Israël contre l’aéroport de Beyrouth, d’interventions militaires de l’Afrique du Sud contre des pays voisins et d’attaques armées menées par l’Ouganda et le Rwanda dans la région de Kisangani en RDC, le Conseil de sécurité a constaté l’existence de violations du droit international, de dommages subis et il a déterminé les conséquences qui en découlaient). Si dans les cas précités, le Conseil de sécurité constatait uniquement l’existence de violations du droit international par un Etat et demandait qu’il indemnise l’Etat victime, par la résolution 687 (1991) du 3 avril 1991, le Conseil franchit une étape supplémentaire en déterminant les critères de l’étendue de la responsabilité de l’Iraq et en établissant une procédure d’indemnisation contraignante. Bien plus qu’un rappel de la responsabilité d’un Etat, le Conseil semble aussi participer à la procédure d’indemnisation en déterminant les droits et obligations des Etats en cause.

DENIS Catherine, Op.cit., pp.64, 65

11 Dans le cadre de l’affaire de Lockerbie, le Conseil de sécurité a imposé à la Libye la remise de deux de ses ressortissants accusés d’actes terroristes. En agissant de la sorte, la décision de cet organe pourrait s’analyser comme un règlement juridique d’un différend interétatique par lequel le Conseil impose à l’une des parties en cause (La Libye) une solution juridique que non seulement cette dernière conteste mais qui, en outre, implique une modification définitive de ses droits (la résolution 748 (1992) le 31 mars 1992).

La Libye a répondu aux demandes en se fondant sur la convention de Montréal de 1971 et sur le fait que, conformément à cette convention, elle menait en effet une enquête et entendait exercer des poursuites le cas échéant.

DENIS Catherine, Op.cit., pp.73, 79

12On cite à titre d’exemple : ARANGIO-RUIZ G., « On the Security Council’s “Law Making” », Riv.dir.int., 2003/3, pp.609-725, SUR Serge, « Conclusions générales », in S.F. D.I. (dir.), « Le chapitre VII de la Charte des Nations Unies », Colloque de Rennes, 2,3 et 4 juin 1994, Paris, Pedone, 1995, p.316

13On cite à titre d’exemple : GENDREAU Chemillier, « Quelle méthode pour l’analyse des développements récents du droit international ? », in R. BEN ACHOUR Rafee et LACHMANI S. (dir.), « Les nouveaux aspects du droit international », Rencontres internationales de la Faculté des sciences juridiques, politiques et sociales de Tunis, Colloque des 14, 15 et 16 avril 1994, Paris, Pedone, 1994, pp.29-30, PELLET Alain, « Rapport introductif : peut-on et doit-on contrôler les actions du Conseil de sécurité ? », in S.F.D.I.(dir.), « Le chapitre VII de la Charte des Nations Unies », Op.cit., p.236, ZEMANEK K., « Is the Security Council the Sole Judge of Its Own Legality ? », in YAKPO E. et BOUMEDRA T., Liber Amoricum Judge Mohammed Bedjaoui, The Hague/London/Boston, Kluwer International Law, 1999, pp.629-631

14 Le pouvoir normatif est le pouvoir lié à l’élaboration de normes juridiques. Selon l’acception la plus généralement admise, la norme juridique se définit comme tout modèle de conduite, doté d’une force obligatoire, qui a pour objet de créer des droits, des habilitations et / ou des obligations en faveur ou à charge de sujets de droit. On distingue traditionnellement la norme générale de la norme particulière. La première, pour laquelle on utilise indifféremment le terme de « règle de droit », se singularise par son caractère abstrait,=

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7

Le Conseil a élargi l’éventail de compétences qui lui sont attribuées et accordées par la Charte en allant jusqu’à l’exercice d’un pouvoir normatif, tout en plaçant cette interprétation assez large des dispositions de la Charte dans le cadre de ses tentatives d’adaptation aux nouvelles menaces.

L'approche du terrorisme par le Conseil s'inscrit toujours dans ce contexte visant à rendre le Conseil plus pertinent et plus adaptable aux défis : Celui-ci est conçu pour faire face aux menaces de la paix et de la sécurité internationales, réduites au moment de la fondation de l'ONU, au recours classique à la force entre États dans les relations internationales.

Quant au terrorisme, il s’agit selon certaines opinions, d’un système insidieux dont l’impact terrorisant est en grande partie lié à l’insaisissabilité d’une organisation qui ne dévoile pas clairement ses pratiques et ses objectifs ni son identité, sauf à ce qu’il soit possible de démontrer que l’on est en présence d’un terrorisme d’Etat, ceci suppose que l’Etat soit le véritable instigateur des actes…Le terrorisme est de ce point rebelle à la qualification qu’il n’en existe pas de définition conventionnelle précise; tout au plus dispose-t-on aujourd’hui d’approches relativement élaborées dans certaines conventions internationales dont la Convention internationale pour la répression du financement du terrorisme adoptée par l’Assemblée générale de l’ONU le 19 décembre 1999, ouverte à la signature le 10 janvier 2001 et entrée en vigueur le 10 avril 2002

15

.

Concernant le rôle du Conseil de sécurité, et selon les dispositions de la Charte, ce n’est pas de juger ou de poursuivre les auteurs d’infractions, sous réserve de la saisine du Procureur de la Cour Pénale Internationale (CPI) pour les crimes les plus graves

16

, mais de maintenir la paix et la sécurité internationales. Il s’ensuit que le Conseil ne pourrait s’attaquer au terrorisme que dans le cas où celui-ci menace la paix et la sécurité internationales. Ce qui soulève déjà une première difficulté : un acte de terrorisme constitue-t-il une menace pour la paix ? D’autre part, le terrorisme est malaisé à appréhender : les auteurs des actes, même s'ils les revendiquent, demeurent dans la clandestinité, il n'est que rarement possible d'imputer à un État leurs agissements et ceux-ci sont imprévisibles. Bref, on est loin d’une franche rupture de paix commise par des forces armées

=impersonnel et permanent. Elle est destinée à s’appliquer à un nombre indéterminé de relations juridiques et de personnes, chaque fois que les conditions des situations qu’elles ont pour objet de régir sont réunies.

A l’inverse, la norme particulière présente un caractère concret, individuel et ponctuel. Elle n’a « vocation à régir qu’une seule situation juridique et son effet est limité à une ou des personnes déterminées ». En Droit international, peuvent être qualifiées de normes particulières, les traités ou les coutumes portant sur une situation déterminée.

DENIS Catherine, Op.cit., pp.1-4

15 TERCINET Josiane, « Le Conseil de sécurité et le terrorisme », in KIRSCHBAUM Stanislav J. (dir.), Terrorisme et sécurité internationale, Collection Etudes stratégiques internationales, Association Franco- Canadienne d’Etudes stratégiques, Bruylant, Bruxelles, 2004, pp.49, 50

16 Sont considérés comme des crimes les plus graves selon le Statut de Rome, les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité, le génocide et l’agression. Le Statut de Rome n’a pas inscrit le terrorisme parmi les crimes les plus graves, bien qu’il ne soit pas écarté de qualifier certains actes de terrorisme de crimes de guerre ou de crimes contre l’humanité. .

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8

étatiques clairement identifiables, donc séparables et le terroriste est encore plus insaisissable que le militant d’un conflit identitaire, qui lui, à défaut d’être clairement identifiable, a au moins le mérite de se manifester dans un cadre géographique délimitable : Celui qui correspond à son ethnie, à sa nation. Le Conseil de sécurité n’a pas été conçu pour lutter contre le terrorisme et aucune autre institution comme d’ailleurs ne l’a été. On peut encore noter que le temps de l’action n’est pas le même dans le cadre du terrorisme et dans celui de la lutte armée « habituelle ». Par rapport à un conflit international, le parfait est certes de le prévenir en pratiquant la diplomatie préventive voire le déploiement préventif. Le cas où ce conflit éclate, il serait possible de le gérer en tentant le rétablissement de la paix par la diplomatie ou l’imposition de la force, puis sera pratiqué le maintien de la paix suivi de la consolidation que le conflit soit classique ou identitaire. Dans le cas du terrorisme, seules la prévention et la répression sont praticables. La gestion n’est guère envisageable. Une fois l’acte commis, il n’est pas question de négocier ou d’imposer un retour dans les foyers et encore moins de s’interposer : le terroriste s’évanouit dans la nature ou perd la vie dans l’attentat. Si cette dernière hypothèse ne se réalise pas, peut commencer la traque de l’individu pour le punir, mais les méthodes habituelles du maintien de la paix ne sont guère adaptées : les moyens à mettre en œuvre relèvent surtout de la logique policière, celle du renseignement, des recoupements, de la poursuite. Certes, il est vrai que la composante policière est de plus en plus présente dans les opérations de la paix et que le militaire peut jouer un rôle en matière de renseignement. Il n’en demeure pas moins que le renseignement n’est pas le point fort du système onusien de maintien de la paix et que la lutte contre le terrorisme ne convient pas au casque bleu « classique »

1718

17TERCINET Josiane, Op.cit., pp.50, 51

18 Dans le cadre de la distinction entre guerre et terrorisme, et en évoquant les conséquences de l’effacement de cette distinction entre les deux concepts mentionnés, Hélène Tigroudja a souligné que « si la guerre était bien distinguée du terrorisme, c’est que les deux concepts renvoient à une définition et à un régime juridique différents : au sens classique, la guerre s’entend de tout conflit armé surgissant entre deux ou plusieurs Etas, l’état de guerre étant déclaré entre les belligérants ». Le déclenchement de la guerre fait naître un nouveau régime de droit, le « droit de la guerre » ou le « droit des conflits armés » qui se substitue au droit de la paix et qui se caractérise par des relations juridiques nouvelles entre les belligérants.

En revanche, le terrorisme international, défini comme « un fait illicite (…) commis par un individu ou un groupe d’individus (…) contre des personnes ou des biens, dans la poursuite d’un objectif « idéologique », s’inscrit dans le cadre du droit de la paix, quand bien même il se caractériserait par une violence grave et serait susceptible de mettre en danger la paix et la sécurité internationales.

Même si la guerre et le terrorisme international ont donc en commun l’utilisation de la violence et peuvent avoir des effets similaires sur la sécurité internationale, deux éléments au moins les distinguent : leurs buts et leurs auteurs. La guerre peut certes viser un objectif idéologique, mais elle n’est pas destinée, comme le terrorisme, à provoquer la terreur parmi les combattants et la population civile du camp ennemi. Par ailleurs, la guerre au sens classique est toujours le fait de l’Etat alors que le terrorisme est d’abord le fait des personnes privées. Ce dernier ne revêt un caractère international que s’il a des effets sur un ou plusieurs Etats ou si les personnes privées auteurs des actes de terrorisme agissent en réalité pour le compte d’un Etat sur le territoire, contre les personnes ou contre les biens d’un autre Etat.

TIGROUDJA Hélène, « Quel(s) Droit(s) applicable(s) à la guerre au terrorisme », Annuaire Français De Droit International, XLVII, CNRS Editions, Paris, 2002, pp. 83, 84

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9

Ainsi, et pour toutes les raisons précitées, il paraît que le système onusien de maintien de la paix et en particulier son organe exécutif qu’est le Conseil de sécurité, ne semble pas spontanément être vraiment qualifié pour entreprendre prévention et lutte en matière de terrorisme. Mais le Conseil est le seul organe d’action en matière sécuritaire à l’échelle internationale. Or le terrorisme se mondialise et se déterritorialise de plus en plus en attaquant farouchement et presque partout : faute de mieux, le Conseil de sécurité sera saisi et devra appréhender le phénomène et le fait d’ailleurs depuis longtemps, bien avant le 11 septembre 2001. C’est donc une préoccupation ancienne du Conseil de sécurité (Section 1). Mais depuis le 11 septembre 2001, le Conseil a mis en œuvre un traitement renouvelé et novateur en matière du terrorisme (Section 2).

19

Section 1: Le Conseil de sécurité et le terrorisme avant le 11 septembre 2001

Le terrorisme n’a pas été découvert le 11 septembre 2001. Bien avant ladite date, mais aussi avant l’existence de l’ONU, le phénomène terroriste a toujours existé.

Au milieu des années 1990, le terrorisme s’est amplifié en connaissant et montrant une croissance considérable qui allait se cristalliser dans un certain nombre d’attaques et d'attentats : premier attentat contre le World Trade Center en 1993, attaque au gaz sarin à Tokyo en 1995…). Les attaques précitées ont révélé un certain progrès au moins dans deux directions : la mondialisation du phénomène terroriste par la constitution de réseaux et le recours aux armes de destruction massive. Devenu ainsi un problème de sécurité internationale, le phénomène terroriste fut porté au Conseil de sécurité avant les attentats du 11 septembre 2001. Ce dernier allait traiter du terrorisme à deux niveaux : au niveau de réaction et d’intervention (Paragraphe 1) et au niveau de réflexion (Paragraphe 2)

20

.

Paragraphe 1: La réaction aux actes de terrorisme

21

La réaction du Conseil de sécurité n’a pas été toujours rigoureuse

22

. À l'occasion de la prise des otages dans le personnel diplomatique et consulaire américain à Téhéran en 1979 (acte assimilé tacitement à un acte terroriste), le Conseil a adopté deux résolutions à la suite : Il s’agit de la résolution 457 du 4 décembre et de la résolution 461 du 31 décembre. Les deux résolutions

19 TERCINET Josiane, Op.cit., p.51

20 Ibid., p.52

21 Ibid., pp.52, 53

22 TAVERNIER Paul, « L’évolution de l’attitude des Nations Unies vis à vis du terrorisme », in Henri LABAYLE (éd), Terrorisme et opinion publique, Cahier du CEDSI, n:9, 1989, pp.17-21

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10

mentionnées se sont limitées à « demander instamment » la libération des otages, à l’époque, une réaction ou formulation plus musclée et plus puissante pourrait se heurter à un veto, raison pour laquelle le terme « terrorisme » n’a pas été utilisé.

Avec les attentats de la Panam en 1988 et d’UTA en 1989 (l’affaire de Lockerbie), le ton s’élève.

Le Conseil n’a d’abord adopté qu’une déclaration présidentielle le 30 décembre 1988 condamnant la destruction de l’appareil et appelant les États à coopérer en vue de l’arrestation et du jugement des auteurs. Puis, et après l’effondrement du système des blocs, le Conseil allait adopter la résolution 731 du 21 janvier 1992, dans laquelle il va déplorer le manque de coopération des autorités libyennes en leur demandant instamment de changer d’attitude. Une autre résolution va s’adopter dans le même cadre, c’est la résolution 748 du 31 mars 1992, dans laquelle le Conseil, constatant que le défaut de la part du gouvernement libyen de montrer sa renonciation au terrorisme et de répondre aux demandes de la résolution 731constitue une menace pour la paix et la sécurité internationales » et « agissant en vertu du chapitre VII », décide un embargo aérien et militaire et des restrictions intéressant le personnel diplomatique et consulaire libyen. Ainsi, l’arsenal du chapitre VII est-il déclenché dans la perspective d’amorcer l’élimination du terrorisme international. Par la suite, les mesures allaient se renforcer par les résolutions 883 (1993) et 1192 (1998) avant d’être suspendues le 5 avril 1999.

Peu après, et toujours dans le cadre de la réaction à des actes qualifiés de terroristes, le Conseil a adopté un nouveau système de sanctions non militaires à l’encontre des Talibans à cause de leur refus de livrer Usama Ben Laden poursuivi par les États-Unis pour avoir commis les attentats contre les ambassades américaines à Nairobi et à Dar es-Salam Salam, le 7 août 1998.

Dans un premier temps, la résolution 1189 du 13 août, sans invoquer le chapitre VII, condamne les attentats terroristes et engage les États et organisations internationales à coopérer à la recherche des auteurs afin qu’ils soient jugés. Cela revient à assimiler le régime des Talibans à un complice d’actes de terrorisme dans la mesure où il accorde refuge à un terroriste notoire : l’article 1 de la résolution insiste pour que les Taliban cessent « d’offrir refuge et entraînement aux terroristes internationaux ». Le texte de la résolution mentionnée vise « la faction afghane dénommée Taliban, qui se désigne sous le nom d’Émirat islamique d’Afghanistan » et parle du « territoire tenu par elle

». La résolution ne désigne pas exactement un État mais une faction. Ce n’est certes pas une première : en 1997 en Angola, le Conseil a adopté des sanctions à l’encontre de l’UNITA.

L’originalité de la résolution 1267 tient à ce qu’elle combine destinataire non étatique au sens

classique et lutte contre le terrorisme. Les sanctions contre les Talibans ont été accrues et

considérablement aggravées par la résolution 1313 du 19 décembre 2000, insistant sur la fin des

activités illégales liées à la drogue « dont les revenus servent à financer les activités terroristes »,

(16)

11

mais aussi en prononçant le gel des fonds d’Usama ben Laden et des individus qui y sont associés, y compris l’organisation Al Qaeda. La traque d’Al-Qaida et de Ben Laden a donc commencé au Conseil avant le 11 septembre 2001.

En 1996, à la suite de la tentative d’assassinat du président égyptien à Addis-Abeba par trois suspects se trouvant au Soudan, le Conseil a appuyé la demande de leur extradition par l’adoption de la résolution 1044 du 31 janvier 1996 puis institué dans le cadre du chapitre VII des restrictions aux effectifs des missions diplomatiques et aux déplacements des dirigeants soudanais dans la résolution 1054 du 26 avril, complétées par un embargo aérien établi par la résolution 1070 du 16 août. Ces mesures ont été levées le 28 septembre 2001 par la résolution 1372 pour bonne conduite et coopération de la part du Soudan après le 11 septembre.

Outre ce traitement décisionnel, voire opérationnel du terrorisme, le Conseil l’a abordé aussi et depuis longtemps, de manière plus abstraite.

Paragraphe 2: La réflexion sur le terrorisme

23

Les premières résolutions de portée générale sur le terrorisme sont plutôt laconiques, la raison réside dans le contexte d’opposition Est-Ouest et Nord-Sud dans lequel lesdites résolutions ont été adoptées : Il n’y a aucun consensus sur la définition de la notion et du concept du terrorisme, mais aussi du terroriste (le terroriste de l’un étant le libérateur de l’autre). Relève de cette catégorie la résolution 286 (1970) qui contient des dispositions relatives aux détournements d’aéronefs pour faire appel à toutes les parties intéressées afin que soient libérés passagers et membres d’équipage et demandant aux États de prendre les mesures juridiques destinées à empêcher les détournements.

Des propos et dispositions similaires figurent également dans la résolution 618 (1988) et aucune de deux résolutions mentionnées ne fait allusion à une menace pour la paix.

Dans le même contexte, voire la même catégorie, se classe et s’inscrit aussi la résolution 579 (1985) relative aux prises d’otages qui qualifie ces actes de « délits préoccupant gravement la communauté internationale » et demande aux États de coopérer pour prévenir et réprimer ces « manifestations du terrorisme international ». Les mêmes propos furent presque adoptés et repris dans la résolution 638 (1989) dans laquelle, le Conseil précise que les prises d’otages sont des délits « et de graves violations du droit humanitaire international ». Un petit pas est franchi avec la résolution 635 (1989) dans laquelle, visant les agissements illicites contre l’aviation civile, le Conseil se dit en préambule « conscient des répercussions qu’ont les actes de terrorisme sur la

23TERCINET Josiane, Op.cit., pp.54, 55

(17)

12

sécurité internationale », ébauchant ainsi l’établissement d’un lien entre le terrorisme et l’atteinte à la sécurité internationale.

Amorçant une prise en considération plus générale, la Déclaration finale adoptée le 31 janvier 1992, à l'issue de la première réunion au sommet du Conseil de sécurité, traite du terrorisme sous la rubrique « Respect des principes de la sécurité collective » en stipulant : « Les membres du Conseil de sécurité expriment leur profonde préoccupation à l’égard des actes de terrorisme international et estiment nécessaire que la communauté internationale réagisse de manière efficace contre de tels actes ».

Avec la résolution 1269 (1999), adoptée sous le titre « Responsabilité du Conseil de sécurité quant au maintien de la paix et de la sécurité internationales », le Conseil a amorcé une véritable réflexion sur le terrorisme selon un certain nombre d’observateurs. La résolution mentionnée consacre un assez long préambule et sept paragraphes relatifs uniquement à la question du terrorisme. Au préambule, le Conseil se dit résolu à contribuer aux efforts faits pour lutter contre le terrorisme sous toutes ses formes et réaffirme que « l’élimination des actes de terrorisme international, y compris ceux dans lesquels sont impliqués des États, constitue une contribution essentielle au maintien de la paix et de la sécurité internationales », il rattache ainsi la question à son domaine de compétences, puis il ajoute et précise dans le paragraphe 1 : « Condamne catégoriquement tous les actes ainsi que toutes les méthodes et pratiques du terrorisme, qu’il juge criminel et injustifiable, quels qu’en soient les motifs, sous toutes leurs formes et manifestations, où qu’ils soient commis et quels qu’en soient les auteurs, en particulier ceux qui risquent de porter atteinte à la paix et à la sécurité internationales ». Il y a donc l’affirmation du lien qui peut unir terrorisme et paix et sécurité internationales, susceptible par conséquent de justifier une action au titre du chapitre VII, mais ce ne sont pas tous les actes de terrorisme qui présentent ce caractère. Il incite ensuite les États à devenir parties aux conventions internationales en matière de terrorisme, à les appliquer, à adopter au plus vite celles en cours de négociation, à multiplier les accords bilatéraux et multilatéraux et coopérer pour prévenir et réprimer en insistant sur la question du financement, prie le Secrétaire général de mettre, dans ses rapports, l’accent sur la prévention et l’élimination du phénomène et se déclare prêt « à prendre les mesures nécessaires, conformément aux responsabilités que lui confère la Charte de l’ONU pour lutter contre les menaces terroristes à la paix et à la sécurité internationales ».

Il apparaît ainsi que, même avant les attentats du 11 septembre, la question du terrorisme n’a pas

échappé à l’attention du Conseil de sécurité qui l’a traitée à maintes reprises même parfois de façon

inégalée et molle. Avec les événements du 11 septembre, le Conseil va montrer un traitement tout à

(18)

13

fait différent, voire révolutionnaire selon certaines opinions, surtout par l’adoption de la résolution 1373 (2001).

Section 2 : Un traitement nouveau après le 11 septembre 2001

Les événements du 11 septembre 2001 ont constitué un tournant mais aussi un défi sérieux pour le Conseil de sécurité concernant son approche de la question terroriste :

« Situation inusitée, qui contraste avec les hypothèses de violence internationale auxquelles la société avait alors été confrontée : ni conflit interétatique comme dans l’affaire du Koweït, ni décomposition postcoloniale comme dans les affaires de Somalie ou du Rwanda, ni même action terroriste imputable à un État, comme dans les affaires mettant en cause la Libye qui avaient entraîné l’action du Conseil »

24

. Il s’agissait donc d’une nouvelle situation à laquelle le Conseil s’est engagé à faire face (Paragraphe 1).

Localisé pas très loin des tours encore plus célèbres écroulés que dressés, le Conseil de sécurité n’a pas voulu se contenter de peu, d’indétermination, de mollesse, d’autant moins que nulle menace de veto ne le contraignait à la pusillanimité. Il a adapté sa réaction à l’événement de manière à traiter un type de trouble à l’ordre public international qui semble devoir être durable et susceptible d’escalade à tous égards

25

. Il a voulu une réaction aussi novatrice que les moyens utilisés par les auteurs des attentats du 11 septembre (transformation des biens à usage civil (avions civils) en armes à destruction massive). C’est dans ce contexte qu’il a adopté les deux résolutions 1368 et 1373 (2001) (Paragraphe 2).

L’adoption par le Conseil de deux résolutions susmentionnées a suscité beaucoup de polémique et de discussions à tel point que l’on parle désormais du risque d’ « hyper-réaction » ou d’ « hyper- activisme » face à l’ « hyper-terrorisme ». Elle a révélé une double évolution

26

qui s’est manifestée au Conseil de sécurité après le 11 septembre : une interprétation élargie de notions juridiques-clé pour le système onusien de sécurité collective (Paragraphe 3), un renouvellement et même une transformation des moyens d’action (Paragraphe 4).

24 SUR Serge, Le Conseil de sécurité dans l’après 11 septembre, Op.cit., p.43

25 TERCINET Josiane, Op.cit., p.56

26 Ibid., p.57

(19)

14 Paragraphe 1 : L’évolution de la menace terroriste

Il est évident que le terrorisme n’est pas né le 11 septembre 2001. Il connaît certes d’anciens – et d’illustres – précédents

27

. Toutefois, les attentats du 11 septembre ont montré et révélé une originalité et une nouveauté indéniables.

Le choc du 11 septembre 2001 était original et nouveau à un triple point de vue

28

:

D’abord par sa cible, puisque pour la première fois depuis la Seconde Guerre mondiale, une attaque directe contre le territoire américain, attaque qui prend pour objectifs des bâtiments civils- les deux tours du World Trade Center à New York, probablement la Maison Blanche à Washington – et militaires – le Pentagone à Washington. Ensuite par son ampleur, puisqu’il s’agit d’un terrorisme de masse, d’un « hyper terrorisme » qui entraîne en une frappe dédoublée sur New York plusieurs milliers de victimes civiles.

Enfin dans son origine, puisqu’elle ne peut pas être imputée, du moins directement, à un État, à une décision prise par des autorités publiques et à une action reposant sur des moyens étatiques. Le caractère soudain, imprévu et particulièrement spectaculaire – l’effondrement des deux tours du World Trade Center étant retransmis en direct dans le monde entier par les télévisions – plongeait dans la stupeur et l’indignation les dirigeants et les opinions publiques dans tous les continents, à des rares exceptions près.

Les attentats du 11 septembre, par la solidarité autour des États-Unis qu’ils provoquaient, facilitaient politiquement la riposte américaine. Ils n’en posaient pas moins un problème juridique délicat. Comment qualifier ces attentats ? Certains étaient tentés de n’y voir qu’une action criminelle, qui relevait du droit commun, certainement à connotation politique, mais qui appelait une réponse de type judiciaire, à l’instar du terrorisme classique, appuyée sur une enquête policière, soutenue par les moyens de renseignement, entraînant le cas échéant des actions couvertes contre les responsables une fois identifiés, s’il apparaissait qu’ils n’étaient pas efficacement saisissables par les voies ordinaires. D’autres, la plupart, de façon plus réaliste, y voyaient une attaque directe par des moyens non conventionnels contre un État, une guerre asymétrique, conduite par un réseau terroriste international rapidement identifié et dénoncé sous le nom d’Al Qaida, avec comme inspirateur un homme, Ben Laden, même si les attentats n’étaient pas officiellement revendiqués et si l’organisation demeurait par nature dans l’ombre. Les complicités et les connivences étatiques,

27 VERHOEVEN Joe, « Les « étirements » de la légitime défense », Annuaire Français de Droit International, XLVIII-CNRS Editions, Paris, 2002, p.49

28 SUR Serge, Le Conseil de sécurité dans l’après 11 septembre, Op.cit., pp.44, 45

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15

actives ou passives, ne pouvaient pas non plus être formellement établies, même si l’Afghanistan et le régime des Talibans étaient immédiatement désignés

29

.

Paragraphe 2 : La réaction du Conseil : les résolutions 1368 et 1373

L’énormité des attentats aidant

30

, on eût pu croire que des hésitations seraient apparues concernant la nature des « contre-mesures » à prendre et sur le cadre juridique qu’il convenait d’utiliser à cet effet. Apparemment, il n’en a rien été. Les États-Unis

31

se sont d’emblée prévalus du droit de légitime défense pour annoncer le recours à des mesures militaires et ils n’ont cessé jusqu’à l’effondrement du régime des Taliban de poursuivre la même politique, sans chercher à la justifier d’aucune autre manière. Le Conseil de sécurité en a en quelque sorte pris acte sans autrement s’en effaroucher. Il s’est certes déclaré prêt dans la résolution 1368 qu’il adopta dès le 12 septembre « à prendre toutes les mesures nécessaires pour répondre aux attaques terroristes » intervenues la veille, après les avoir « considérées, comme tout acte de terrorisme international, comme une menace à la paix et à la sécurité internationales » (A).

Ces termes

32

pouvaient laisser croire que le Conseil déciderait d’un emploi collectif de la force si l’utilisation de celle-ci s’avérait nécessaire. Il n’en fut rien. Alors même que des coalisées s’engageaient sous la conduite des autorités américaines dans une entreprise militaire en Afghanistan, les mesures qu’il a arrêtées sont demeurées « pacifiques », comme en témoigne le vaste programme, notamment financier, de lutte contre le terrorisme mis en œuvre par la résolution 1373 adoptée le 28 septembre 2001 (B).

29 SUR Serge, Le Conseil de sécurité dans l’après 11 septembre, Op.cit., pp.45, 46

30 VERHOEVEN Joe, Op.cit., p.53

31 Les Etats Unis avaient lancé ce qu’ils ont appelé « la guerre contre le terrorisme ». Il s’agit d’une guerre qui a pris des dimensions mondiales. Les groupes qui défiaient des pouvoirs locaux ou nationaux et étaient de ce fait ignorés de Washington, sont soudain considérés comme des segments de l’ennemi commun. Richard Perle confirmait le déplacement « de l’action sur des régions du monde auxquelles nous ne prêtions guère attention : celles où se trouvent des terroristes armés que les gouvernements locaux ne veulent pas ou ne peuvent pas contrôler. Prenons le cas des Philippines. Ce pays est confronté à un problème terroriste d’ampleur certes limitée, mais qui nous intéresse beaucoup en raison des liens avec Al-Qaeda. Le groupe Abu Sayyaf n’a jamais détruit de gratte-ciel, mais il prend en otages des étrangers. En temps normal, nous aurions estimé que cette question ne concernait que les autorités philippines. Désormais, nous considérons que c’est un problème urgent.

Car nous voulons créer un monde dans lequel les terroristes ne pourront plus fermer l’œil ».

ZORGBIBE Charles, L’avenir de la sécurité internationale, La Bibliothèque du citoyen, 2003, pp.53, 54 Dans le même contexte, et plus précisément le 20 mars 2003, une coalition d’Etats, emmenée par les Etats-Unis et le Royaume-Uni, ont lancé une opération militaire d’envergure contre l’Irak qui a débouché sur l’occupation de son territoire. Ils se sont référés à la nécessité de mener une « guerre contre la terreur » pour légitimer le déclenchement de leur intervention, en évoquant l’existence des liens que l’Irak possédait supposément avec des réseaux terroristes, les Etats membres de la Coalition ont également utilisé cet argument pour justifier ensuite le maintien de leurs troupes en Irak et fonder leur compétence générale d’administrer le territoire de cet Etat.

LAGERWALL Anne, « La nécessité de lutter contre le terrorisme : un argument justifiant le régime d’administration du territoire irakien ? », In la nécessité en Droit International, Colloque de Grenoble, Société française pour le Droit International, Paris, Editions Pedone, 2007, p.287

32 VERHOEVEN Joe, Op.cit.

(21)

16

A. La résolution 1368 adoptée le 12 septembre 2001

Juste un jour après les attentats, le Conseil de sécurité de l’ONU a adopté unanimement la résolution 1368 (le 12 septembre 2001) dans une première réaction de l’organe exécutif de l’organisation onusienne.

Avec la résolution précitée, le Conseil se saisissait immédiatement de la question des attentats du 11 septembre en apportant à la réaction une orientation décisive, et ceci sur trois plans complémentaires

33

:

Tout d’abord, il en faisait aussitôt une affaire internationale, et naturellement une affaire de sécurité internationale. Le préambule de la résolution 1368 stipule : « Résolu à combattre par tous les moyens les menaces à la paix et à la sécurité internationales causées par les actes terroristes ». On trouve également dans le même préambule que le Conseil de sécurité « …considère de tels actes, comme tout acte de terrorisme international, comme une menace à la paix et à la sécurité internationales ».

D’autre part, le Conseil décidait que l’action terroriste en cause était constitutive d’une agression armée, conformément aux compétences de qualification que lui confère la Charte. La deuxième partie du préambule de la résolution 1368 fait référence au droit de légitime défense :

« Reconnaissant le droit inhérent à la légitime défense individuelle ou collective conformément à la Charte », or, le droit de légitime défense mentionné dans l’article 51 de la Charte le définit comme une réponse à une agression armée.

Enfin, le Conseil décidait que les États-Unis, victimes de cette agression, se trouvaient de ce fait en situation de légitime défense, et donc fondés à adopter individuellement les réactions militaires appropriées, sans préciser davantage la nature ou l’intensité de ces réactions – sans donc s’engager sur le terrain délicat de la proportionnalité de la réaction et de leur contrôle par lui-même.

Certains

34

voient qu’en adoptant la résolution 1368, le Conseil de sécurité avait montré une flexibilité remarquable, tout en affirmant sa compétence. Cette action immédiate était facilitée par le fait que la ville qui constitue le siège des Nations Unies était touchée, que les diplomates sur place avaient été témoins directs de l’attaque, que l’ONU même aurait pu être une cible.

De plus, on voit que le Conseil avait innové dans cette affaire en faisant coup triple : affirmer que les Nations Unies étaient impliquées en internationalisant une question que les États-Unis auraient pu considérer comme relevant avant tout de leur sécurité intérieure, assurer les États-Unis d’une

33 SUR Serge, Le Conseil de sécurité dans l’après 11 septembre, Op.cit., pp. 46, 47

34 Ibid., p.47

(22)

17

solidarité universelle, leur laisser l’initiative d’une action militaire dont chacun savait qu’elle allait s’imposer

35

.

Dans les jours suivants, et plus précisément le 28 septembre 2001, le Conseil prolongeait et amplifiait son action avec l’adoption de la résolution 1373, qui revêt tout un autre caractère.

B. La teneur de la résolution 1373

La résolution 1373 diffère de sa devancière (la résolution 1368) par le fait qu’elle comporte, toujours sur la base de la légitime défense, un ensemble de mesures coercitives – formulées de manière générale et abstraite- que doivent mettre en œuvre les États membres, un véritable programme de prévention et de lutte contre le terrorisme

36

.

Il convient donc, de rappeler dans ses grandes lignes, le contenu de la résolution 1373

37

: Dès son préambule, la résolution mentionnée met l’accent sur les deux dimensions interne et internationale, de la lutte contre le terrorisme auxquelles elle ne semble pas conférer cependant le même fondement, et dès lors la même portée. Particulièrement développée et en apparence parfois redondante, elle énonce quatre types de mesures essentielles. Ses deux premiers paragraphes consacrent les décisions que les États sont tenus de mettre en œuvre dans leur ordre interne, décisions relatives, dans le paragraphe 1, à la prévention et à la répression du financement du terrorisme et, dans le paragraphe 2, à un ensemble de mesures destinées à empêcher que leur territoire soit utilisé aux fins d’activités terroristes. Il s’agit de mesures de renforcement des ordres juridiques étatiques, auxquels la résolution 1373 impose l’introduction d’incriminations spécifiques comme, au titre du paragraphe 1, alinéa b, celle d’ériger en crimes la fourniture ou la collecte délibérée par les nationaux ou sur le territoire étatique de fonds qui peuvent être utilisés pour perpétrer des actes de terrorisme, ou encore la répression du recrutement de membres de groupes terroristes, conformément au paragraphe 2, alinéa a. En demandant aux États de veiller à ce que les personnes qui commettent l’ensemble de ces actes soient traduites en justice et à ce que ces derniers

« soient érigés en crimes graves dans la législation et la réglementation nationale et à ce que la peine infligée soit à la mesure de la gravité de ces actes » (paragraphe 2, alinéa e), la résolution 1373 « décrète un petit code pénal international de la lutte contre le terrorisme ». Se trouve ainsi affirmée, sur la base d’un acte international, une responsabilité pénale des personnes privées dans la mesure où elle fait de leurs agissements, dès l’instant qu’elles contribuent à la commission d’actes de terrorisme, des actes de délinquance internationale sans égard, comme on l’a souligné et

35 SUR Serge, « Eloge du Conseil de Sécurité », Annuaire Français De Relations Internationales, 2005, vol.VI, p.84

36 SUR Serge, Le Conseil de sécurité dans l’après 11 septembre, Op.cit., p.47

37 SZUREK Sandra, Op.cit., pp.12, 13

(23)

18

contrairement à ce qui était jusque-là le cas, à une quelconque fonction de nature publique ou attribuable à une entité collective de nature publique.

À ces incriminations, s’ajoutent un certain nombre d’obligations portant spécifiquement sur l’exercice par l’État de sa compétence territoriale. L’obligation générale de protection visée au paragraphe 2 est ainsi décomposée en obligations plus précises de comportements d’abstention ou de diligence, qu’il s’agisse pour l’État de s’abstenir d’apporter quelque forme d’appui que ce soit à des entités ou personnes impliquées dans des actes de terrorisme, par exemple en mettant fin à leur approvisionnement en armes (alinéa a), ou de prendre les mesures voulues pour empêcher la commission d’actes de terrorisme, notamment en assurant l’alerte rapide des autres États par l’échange de renseignements (alinéa b), ou encore de refuser l’asile à ces mêmes personnes et d’instituer divers contrôles, des frontières, de la délivrance des documents d’identité ou de voyage.

Tranchant notablement avec les premiers paragraphes, le paragraphe 3 de la résolution 1373 énumère un certain nombre de « demandes » du Conseil de sécurité relatives au renforcement de la coopération internationale. Parmi ces invitations adressées aux États, on peut citer celle de devenir parties dans les plus brefs délais aux conventions internationales relatives au terrorisme (alinéa d).

Mais le Conseil appelle également les États à renforcer leur coopération judiciaire et autres (alinéa a, b, c). Enfin, au terme du paragraphe 4, le Conseil de sécurité notant avec préoccupation les liens étroits entre le terrorisme et d’autres phénomènes demande aux Etats d’y prêter une attention particulière.

Deux points sont particulièrement à souligner dans la mise en œuvre de cette résolution qui suit une double logique de répression et de prévention : Les mesures qui concernent le financement du terrorisme et l’organisation d’une coopération interétatique dans de multiples domaines

38

.

Sur un autre plan, se pose la question sur la relation, voire la différence entre les deux résolutions 1368 et 1373

39

: Certains voient que les deux résolutions susmentionnées opèrent juridiquement en sens opposé. La résolution 1368 crée des droits au profit d’un État, les Etats Unis, ou plus exactement reconnaît que ce pays se trouve dans une situation juridique, la légitime défense, qui lui confère un ensemble de droits. Elle ne comporte pas au surplus de mécanisme spécifique de surveillance qui viendrait soumettre l’exercice de ces droits à un minimum de surveillance. La résolution 1373 à l’inverse crée des obligations à l’encontre des États membres, et de tous les Etats membres. Elle prévoit pour leur mise en œuvre un mécanisme institutionnel spécial, qui relève du Conseil de sécurité. La première reconnaît une situation particulière génératrice d’un statut

38 POULAIN Michèle, « Les attentats du 11 septembre 2001 et leurs suites Quelques points de repères », Annuaire Français De Droit International, XLVIII, CNRS Editions, Paris, 2002, pp.40, 41

39 SUR Serge, Le Conseil de sécurité dans l’après 11 septembre, Op.cit., pp.50-52

(24)

19

préétabli, celui d’État agressé. La seconde établit des obligations nouvelles, de façon générale, abstraite et indéfinie, puisque ni leur existence ni leur durée ne sont liées à une circonstance particulière, dépendant exclusivement de nouvelles résolutions du Conseil. Elle place en théorie tous les États membres sur un pied d’égalité, mais en réalité impose des obligations plus lourdes aux Etats qui n’ont qu’une législation peu développée en matière de lutte contre le terrorisme et peu de moyens pour la mettre en œuvre.

De plus, avec la résolution 1368, les États-Unis et les pays qui coopèrent avec eux ont une liberté d’action en pratique inconditionnée. La question des limites concrètes d’une telle latitude ne manque pas de se poser. Certains, aux États-Unis, n’ont pas hésité à envisager l’hypothèse du recours à des armes nucléaires, même de puissance réduite, si nécessaire. Il faut à cet égard se rappeler de l’avis consultatif du 8 juillet 1996, rendu par la CIJ à la demande de l’AGNU, sur la licéité de l’emploi des armes nucléaires. Cet avis considère ne pas pouvoir exclure la licéité de l’usage de ces armes en cas d’une hypothèse extrême de légitime défense, dans laquelle la survie même de l’État est en jeu. Ne pourrait-on à ce propos considérer qu’une attaque contre la Maison- Blanche, qui était en cours le 11 septembre, visant la direction politique des Etats-Unis, remplissait cette condition ?

Quant à la résolution 1373, elle appelle plusieurs observations supplémentaires. Par son mécanisme, et peut-être par son inspiration, elle conduit à placer les Etats membres sous contrôle.

Elle aboutit à cet égard à distinguer plusieurs catégories d’États, en fait sinon en droit. D’abord, les États qui ont la capacité juridique, technique et matérielle de prendre les mesures requises. Ensuite, ceux qui souhaitent le faire et coopérer activement à la lutte contre le terrorisme, mais qui doivent obtenir une assistance technique voire matérielle pour y parvenir. Enfin, ceux qui retardent la prise des mesures demandées, qu’ils éprouvent ou non des difficultés, parce qu’ils ne sont guère favorables, en réalité à de telles mesures (les motifs pourraient être divers : crainte d’une intrusion internationale dans leur pouvoir normatif interne, crainte des représailles de la part des mouvements implantés sur leur territoire,…). La résolution permet sur ce plan d’identifier des États faiblement ou non coopératifs, de sorte que derrière l’apparence d’une lutte contre des réseaux privés se dessine la possibilité d’une mise en cause d’Etats complices ou considérés comme tels.

Quoi que ce soit, une relation indéniable (de complémentarité ou de contradiction) existe entre les

deux résolutions 1368 et 1373. Bien différentes qu’elles soient, les deux résolutions s’inscrivent

toujours dans une réaction extraordinaire de la part du Conseil de sécurité. Elles révèlent toutes les

deux, un traitement inhabituel de la question terroriste, surtout au niveau d’interprétation des

notions juridiques déjà existantes dans le système onusien (Paragraphe 3), mais aussi au niveau des

moyens d’action du Conseil (Paragraphe 4).

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