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Les mouvements de carrière du fonctionnaire : une endurance professionnelle31

Chapitre II : Les modalités de recrutement à la Fonction publique au Tchad

Section 2 Les mouvements de carrière du fonctionnaire : une endurance professionnelle31

Une fois recruté et le stage passé, le fonctionnaire tchadien poursuit son intégration à la fonction publique en déroulant une carrière en fonction de sa position statutaire (A) ou de la notation et de l’avancement (B)

A. Position du fonctionnaire

La satisfaction de l’intérêt général est à la croisière de la fonction et des missions pour lesquelles le fonctionnaire est recruté. Ce but permet d’apprécier ses positions dans l’administration. La loi 017 prévoit en son article 72 le placement de tout fonctionnaire dans l’une des quatre positions que sont l’activité, le congé de longue durée, le détachement, la disponibilité. L’intérêt de cette précision est double. Premièrement, la position permet à l’autorité administrative de confirmer la productivité du fonctionnaire et de garantir aux usagers le bon fonctionnement du service public par la disponibilité des ressources humaines. En effet, il est attendu du fonctionnaire un exercice effectif de l’emploi puisque l’administration est tenue d’en rendre compte au contribuable. Un fonctionnaire qui n’est pas dans l’une ou l’autre de ces quatre positions est difficilement identifiable par l’administration. Aussi, parce qu’il est disposé dans le statut qu’un congé de longue durée permet à un fonctionnaire d’interrompre le service pour une durée supérieure à six (6) mois pour cause de convenances personnelles, des agents profitent de cet aménagement statutaire pour échapper à leur obligation professionnelles, notamment en abandonnant leur service pour des emplois dans le secteur privé. Ces cas ont été relevés par le Comité de suivi des recommandations de la Commission interministérielle chargée de l’assainissement du fichier du personnel de l’État (CIMAPE). Dans son rapport de juin 2015, le Comité a mentionné la présence, dans la

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Fonction publique tchadienne, des agents absentéistes, des agents en position de double emploi, de double matricule et des agents fictifs. Ces résultats décrivent les conséquences auxquelles il faut s’attendre lorsque des agents exploitent la défaillance de l’administration pour abandonner leurs postes ou service. Le constat fait par le Cabinet Henry-Ernest & Young Tchad de l’absence au niveau de la fonction publique d’un fichier17 central exhaustif récapitulant l’ensemble des agents de l’Etat avec précision sur leurs différentes positions d’activité, confirme cette défaillance (Rapport d’audit comptable et organisationnel de la solde du personnel civil de l’Etat, 2017, 34). Deuxièmement, la gestion complaisante des positions statutaires des fonctionnaires méprise, d’une part, les performances administratives et les résultats, et d’autre part, contribue à déposséder l’administration de ses meilleures ressources au profit du secteur privé. Les détachements et les disponibilités dans la Fonction publique tchadienne ne remplissent pas les conditions requises. Et pourtant ces positions ne sont pas sans incidences sur le budget de l’État. A titre illustratif, l’article 81 dispose qu’un « fonctionnaire ne peut être détaché que s'il compte au moins cinq (5) ans d'ancienneté dans la fonction publique, sauf dérogation par décret pris en Conseil des ministres. » Or, la pratique fait de cette exception une règle et, de ce fait, dénature les objectifs du détachement.

Des aménagements législatifs offrent également aux agents des possibilités de s’engager dans des aventures professionnelles correspondant à leurs ambitions dans la fonction publique tchadienne. Ce sont les concours professionnels et les formations professionnelles pouvant donner lieu à reclassement à l'échelon correspondant à l'indice égal et à défaut immédiatement supérieur à celui détenu dans son ancienne classe ou son ancien corps.

B. De la notation et de l’avancement

La loi 017 prévoit une appréciation du fonctionnaire dont l’objectif est de donner à l'administration les moyens de juger de façon permanente du rendement, de l'efficacité et de la conduite du fonctionnaire. L'appréciation se traduit annuellement par une note chiffrée attribuée à tout fonctionnaire en activité, en congé de courte durée ou en détachement, et détermine le droit à l'avancement de grade. Le pouvoir d'appréciation appartient aux deux niveaux hiérarchiques directs dont relève le fonctionnaire : l’échelon et le grade. Les

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Ce fichier devrait se trouver au niveau de la Direction du Personnel Civil de l’Etat au Ministère de la Fonction Publique et être en cohérence avec les données contenues dans la base du SIGASPE au niveau de la Direction de la Solde.

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supérieurs hiérarchiques directs sont tenus de noter objectivement le personnel placé sous leur autorité. La technique d’avancement conçue par le législateur consiste en effet à la promotion professionnelle de l’agent en fonction de l’évaluation qualitative et quantitative de sa performance dans le service. Ce faisant, elle se réfère aux tâches du poste de travail et à son profil. Alors que l'avancement d'échelon est planifié pour intervenir automatiquement d'échelon à échelon dans un grade donné tous les deux ans, sauf si le fonctionnaire a encouru une sanction disciplinaire majeure au cours de l'année, et celui du grade supérieur devant se réaliser après cinq (5) années au minimum passées dans un grade, il est compromis par un système de négoce, rendant périlleuse l’évolution de carrière du fonctionnaire. La défaillance de ce système sert de motif à des agents qui, pour mener des démarches relatives à la régularisation de leur situation, abandonnent leur poste pendant une durée plus ou moins longue.

Si incomplet que se présente le diagnostic fait du système de recrutement des agents, les imperfections qui y sont identifiés méritent qu’un bilan des réformes soit dressé en vue de formuler des propositions de solutions pour une fonction publique efficace.

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2ème Partie :

RETROSPECTION DES REFORMES DE LA

FONCTION PUBLIQUE TCHADIENNE

Noyau de l’institution étatique, la fonction publique, telle que présentée à la première partie, « est un système d’emploi et de règles portant sur des questions telles que le recrutement, la sélection, l’évaluation du travail, la formation et le développement, l’évaluation du rendement, le code de conduite attendu, les droits politiques, les limites et les privilèges. »18(Olowu Dele, 2010, p. 665). Partant des hypothèses liées à la politique du recrutement, notamment le rapport entre le système de recrutement et l’efficacité de la Fonction publique, la qualité des outils de gestion et d’évaluation du personnel ainsi que l’impact budgétaire du recrutement, il est impératif de construire un cadre politico-juridique qui fasse de l’administration un acteur principal de développement intégral de l’État, d’autant qu’elle est la principale pourvoyeuse d’emplois dans un pays où le taux de chômage des jeunes est anormalement élevé. Aussi est-il important que l’administration publique tchadienne dispose d’un système de recrutement adéquat qui lui permette de bien gérer les ressources dans l’optique d’offrir des services publics de qualité. Et pourtant, malgré son importance avérée dans le processus de développement, mise en évidence dans les trois générations de Stratégie Nationale de Réduction de la Pauvreté et celle de la Bonne Gouvernance, l’administration publique tchadienne semble être caractérisée par son étroitesse et son inefficacité.

Face à la crise de l’administration publique dont les principales causes résident dans la conception triviale du service public et la défaillance de la gouvernance, une introspection de l’appareil étatique s’impose. Car, considérant la quantité des états généraux des institutions et les réformes qui s’en sont ensuivies, il convient d’identifier les facteurs d’échec pour proposer des solutions correspondant. Sachant que l’inopportunité du contexte politique (Chapitre 1) ne facilite pas l’amélioration du cadre institutionnel du recrutement (Chapitre 2), son influence sur la mise en œuvre des réformes de l’administration est évidente. La qualité des

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Olowu Dele, « La réforme des salaires de la fonction publique en Afrique », Revue Internationale des Sciences Administratives, 2010/4 (Vol. 76), p. 665-686. DOI : 10.3917/risa.764.0665. URL : https://www.cairn.info/revue-internationale-des-sciences-administratives-2010-4-page-665.htm

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outils de gestion et d’évaluation du personnel de l’Etat (Chapitre 3) ne détermine pas moins l’efficacité de la fonction publique.

Chapitre I : Un contexte politique peu favorable à la mise

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