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Les droits politiques dans les cantons suisses

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Les droits politiques dans les cantons suisses

AUER, Andreas

AUER, Andreas. Les droits politiques dans les cantons suisses . Genève : Georg, 1978, XIV, 190 p.

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:143524

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(3)

LES DROITS POLITIQUES

DANS LES CANTONS SUISSES

(4)
(5)

N° 59

ANDREAS A UER

Docteur en droit, LLM ;

chef de travaux à la Faculté de droit de Genève

LES DROITS POLITIQUES DANS LES CANTONS SUISSES

Préface de Jean-François Aubert

GENËVE

LIBRAIRIE DE L'UNIVERSITÉ GEORG & C10 S.A.

(6)

© 1978 by Librairie de l'Université Georg et Cie S.A.

Droits de traduction, de reproduction et d'adaptation réservés pour tous pays.

ISBN 2-8257-0050-9

(7)

TABLE DES l\.1A TIÈRES

PRÉFACE . . . . INTRODUCTION . . .

1.

2.

3.

3.1 3.2 3.3

3.4

3.5 3.6 3.7 3.7.l 3.7.2 3.8

1.

l.l 1.1.l

PREMIÈRE PARTIE :

LA NOTION DES DROITS POLITIQUES DÉFINITION ..

TERMINOLOGIE

LA NATURE JURIDIQUE DES DROITS POLITIQUES

..

La conception j usnaturaliste

. . .. . .

La conception subjective ..

La conception fonctionnelle

Les conceptions dualistes ..

.. . . . .

La conception organique

La position de la doctrine

.. . . . . . .

La jurisprudence

.. . .

Position générale

. . .. . .

.

. . . . . . . . .

Applications pratiques

. . . . .. . .

Conclusion

. . .. . .

.

. . . . . . .

DEUXIÈME PARTIE :

LES DROITS POLITIQUES DANS LES CANTONS LE CONTENU DES DROITS POLITIQUES .

Les compétences du corps électoral ..

Le droit fédéral . . . . . . . . . . . . .

XI

5 7

IO

11 14 15

16 18 21 22 22 23 27

31 31 32

(8)

1.1.2 1.1.2.1 1.1.2.2 1.1.2.3 1.1.2.4 1.1.3 1.2 1.2.l 1.2.2

Le droit cantonal . . . . . . . . . . . . Le référendum obligatoire ordinaire . L'élection populaire directe . . . . Le référendum facultatif ordinaire Le référendum extraordinaire . . . La pratique non contestée . . . . .

Les compétences d'une fraction du corps électoral Le droit fédéral . . . . . .

Le droit cantonal . . . . . . 1.2.2.1 En matière constitutionnelle 1.2.2.2 En matière législative . . . 1.2.2.2.1 L'initiative législative . . . . 1.2.2.2.2 Le référendum législatif facultatif 1.2.2.3 En matière administrative . 1.2.2.4

1.2.2.5 1.2.2.6 1.2.2.7 1.3 1.3.1 1.3.2 1.3.2.1 l.3.2.2 2.

2.1 2.2 2.2.l 2.2.2

2.2.2.1 2.2.2.2 2.2.2.3 2.2.2.4 2.2.2.5

En matière financière . . . . . . . En matière conventionnelle . . . .

En matière de droits politiques des cantons Le droit de révocation . . . . . . . . . . . . Les compétences du citoyen actif . . . . . .

La participation à la formation de la volonté des organes composés . . . . Le respect des dispositions relatives aux droits politiques

par les autorités ..

. . . par les particuliers . . . . . . . .

LA PROTECTION DES DROITS POLITIQUES

En droit cantonal . . . . . . . . . . . . En droit fédéral . . . . . . . . . . . . . La protection pénale des droits politiques

Le recours pour violation des droits politiques au Tribunal fédéral . . . . . . . .

Base juridique . . . . . Les moyens du recours L'objet du recours . . . Le sujet du recours ..

La subsidiarité du recours

34 34 37 40 41 43 45 46 49 49 52 52 54 55 56 57 58 59 60 60 61 61 64 65 66 68 69 70 70 73 76 78 81

(9)

2.2.2.6 Le délai du recours . . . . . . . . . . 2.2.2.7 Le pouvoir d'examen du Tribunal fédéral 2.2.2.8 Le pouvoir de décision du Tribunal fédéral 2.2.2.9 Remarques statistiques . . . . . . . . . . . .

TROISIÈME PARTIE :

LES DROITS POLITIQUES CANTONAUX DANS LA JURISPRUDENCE DU TRIBUNAL FÉDÉRAL 1. LES RAPPORTS ENTRE LES DROITS POLITIQUES AU SENS DE

L'ART. 85 LET. a OJ ET LES DROITS CONSTITUTIONNELS AU 83 85 87 92

SENS DE L'ART. 84 al. 1 LET. a OJ . . . . 97

1.1 Le principe de la séparation des pouvoirs 97

1.2 Les libertés idéales . . . . . . . . . . . . . . 101 1.3 L'art. 4 Cst. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 105 1.4 L'art. 85 let. a OJ renferme-t-il des droits constitutionnels

2.

2.1 2.2 3.

3.1 3.1.1 3.1.2 3.2 3.2.1 3.2.1.1 J.2.1.2 3.2.1.3 3.2.2

non écrits ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 109 LA DÉLÉGATION DE COMPÉTENCES

La délégation législative . . . . . .

La délégation de la compétence d'approuver des dépenses LES INITIATIVES POPULAIRES

La validité formelle . . . . Droit cantonal . . . . . . . . . Le principe de l'unité de la matière La validité matérielle ..

La conformité au droit supérieur Droit fédéral . . . .

Droit concordataire . Droit cantonal . . . . . . L'exécutabilité . . . .

111 112 115 119 120 120 121 127 128 129 132 134 139

3.2.3 Le respect du principe de la bonne foi 141

3.3 La validité partielle . . . . . . . . . . 144

3.4 Le pouvoir du Tribunal fédéral en matière d'invalidation des initiatives . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 145

(10)

3.5 3.6

Le contre-projet . . . . . . . . . . . . . . La nature des délais . . . . . . . . . .

146 150 3.7 L'utilisation du domaine public liée à l'exercice du droit

d'initiative . . . . . . . . 153

4. LE RÉFÉRENDUM FINANCIER 159

4.1 La finalité du référendum financier 160

4.2 La notion de « dépense» . . . . . . . 161 4.3 La distinction entre dépenses uniques et dépenses pério-

diques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 164 4.4 La distinction entre dépenses liées et dépenses nouvelles 166 4.4.1 La dépense liée . . . . . . . . . . . . . 167 4.4.2 La dépense nouvelle . . . . . . . . . . 170 4.4.3 Les «dépenses extraordinaires» en Valais 171 4.4.4 La délégation de !a compétence d'approuver les dépenses 172

4.5 Les «dépenses extrabudgétaires » . . 173

4.6 Le principe de l'unité de la matière 173

4.7 Remarque finale . . . . . . 175

5. LE RÉFÉRENDUM LÉGISLATIF 177

5.1 Questions procédurales . . . 177

5.2 Le référendum partiel . . . . 179

5.3 Le référendum contre une décision négative 180

5.4 Quelques particularités cantonales 183

BIBLIOGRAPHIE . . . . 187

(11)

PRÉFACE

M. Andreas Auer s'est fait connaître, il y a quelques années, par une remarquable thèse sur la discrimination raciale devant les tribunaux américains. Il vient de publier, dans une revue alémanique, un important essai sur les rapports entre le principe d'égalité et le respect des lois.

Et il nous présente aujourd'hui une étude générale des droits politiques dans les cantons. Par le choix de ses sujets, l'auteur nous montre bien où vont ses préférences : il traite avec un même talent de la démocratie et des libertés publiques.

Nous avons une foule de monographies sur les divers aspects de la démocratie cantonale. De synthèses, nous n'en avions guère, si l'on excepte les chapitres que M. Giacometti y a consacrés, il y a bientôt quarante ans, dans son magistral traité du Droit public des cantons (1941) et les précieuses indications dont M. Bride! a enrichi le premier volume de son Précîs de droit constitutionnel (1959). Voici maintenant un livre neuf et complet.

Ce livre est divisé en trois parties. D'abord il définit la notion des droits politiques. Puis il décrit le contenu des droits politiques dans les différents cantons et la protection que leur offrent le droit cantonal lui-même, le droit pénal fédéral (en des occasions heureusement fort rares), ainsi que l'ensemble des règles que le Tribunal fédéral a tirées de l'article 85, lettre a, de la loi d'organisation judiciaire. Et c'est cette jurisprudence, particulièrement abondante depuis quelques années, qui fournit la matière de la dernière partie.

La lecture des «Droits politiques» est stimulante. Nous voulons dire, par là, qu'elle pique constamment l'imagination du juriste. Et, pour montrer qu'il ne s'agit pas là d'une simple formule de courtoisie, nous allons prendre quelques exemples dans la masse.

1. Les droits politiques sont-ils des « droits» ou des « fonctions » ? Les citoyens, c'est évident, les ressentent et les revendiquent plutôt comme des droits. Mais leur côté fonctionnel apparaît en mainte cir- constance. Pensons seulement à la qualité qu'il faut avoir pour inter-

J

eter le fameux recours de droit public de l'article 85, ci-devant men- tionné. Ici, le citoyen est considéré comme un membre d'un organisme politique, dont il lui appartient de faire respecter le fonctionnement.

Il a, bien entendu, le droit de se plaindre qu'une initiative populaire ou une loi ait été soustraite au referendum. C'est le cas classique : le recourant a été privé de la faculté de voter. Mais il peut aussi pro-

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tester, quand, à l'inverse, une initiative populaire a été induement sou- mise au scrutin. Soit qu'il lui reproche de violer la règle de l'unité de la matière, et c'est encore très naturel : son vote risque d'être faussé.

Soit - et c'est déjà plus subtil - qu'il lui fasse le grief de n'avoir pas abouti, faute d'un nombre suffisant de signatures valables. Soit enfin qu'il conteste sa validité matérielle, en prétendant, par exemple, que l'initiative est contraire au droit fédéral (arrêts Burkhalter et Diana, de 1973 et 1976).

On dira : il n'a qu'à voter non. Et si la loi est acceptée? On ajou- tera : il n'a qu'à l'attaquer elle-même. Mais, justement, la situation n'est plus pareille, ce n'est plus le même recours de droit public, c'est le recours de l'article 84 ! Pour l'introduire, il devra établir que cette loi lui a fait tort. Tandis que, pour agir contre l'organisation du scrutin, li lui suffit de prouver qu'il est citoyen. Le citoyen peut exiger de n'être pas consulté, quand la Constitution du canton ne veut pas qu'il le soit. Question : la même jurisprudence vaut-elle encore, quand c'est un acte du Parlement, non pas une initiative populaire, qui est irrégulièrement exposé au referendum ? Celui qui répond oui - alors qu'il est bien clair que la démocratie a tout à gagner à cette sorte d'erreur - , celui-là reconnaît que le citoyen est le gardien d'un système avant d'être le titulaire d'un droit. Il y a, en ce sens, une vieille déci- sion du Conseil fédéral (dans une affaire Mettler, de 1901).

2. L'étude des droits politiques suggère toute sorte de parallèles avec les droits fondamentaux (libertés individuelles ou publiques). Cer- tains points, qui sont encore douteux, ou du moins discutés, pour les droits fondamentaux, se retrouvent dans la matière des droits politi- ques et sont, là, tout à fait éclaircis. Par exemple, il est évident que les droits politiques tendent à des prestations positives de l'Etat. Il y a longtemps qu'on l'a relevé : l'Etat doit tenir le registre des électeurs, organiser des scrutins, distribuer des bulletins, fournir des explications.

Ou encore, mais cette tournure est plus récente : tolérer un usage accru du domaine public (arrêts Kupfer et Parti socialiste de Zurich, de 1971 et 1976). Il arrive aussi que les droits politiques imposent certains comportements aux particuliers. C'est ainsi que le Tribunal fédéral admet - à des conditions très strictes, il est vrai - qu'un vote popu- laire soit annulé, lorsque des personnes privées l'ont, au dernier moment, troublé par une propagande mensongère (arrêts Kellermüller et Schu- macher, de 1972 ; Klee, de 1976 ; sur le fond, précisons-le, les trois recours ont été rejetés : les Suisses, apparemment, ne savent pas men- tir). En tout cas, la figure est curieuse, où la conduite d'un particulier pourrait entraîner la nullité d'un acte public.

3. La coexistence de vingt-cinq systèmes cantonaux alimentera éga- lement la réflexion des comparatistes.

n

suffit de considérer le refe- rendum financier.

(13)

XIII On le rencontre, sous des formes variées, dans tous les cantons : tantôt obligatoire, tantôt facultatif ; avec des seuils très divers (de dix mille à deux millions de francs). Mais, naturellement, toutes les dépenses supérieures au seuil ne sont pas, de ce simple fait, sujettes au vote populaire. Celles qui sont prédéterminées par des referendums antérieurs (sur des lois, par exemple) ne devraient pas, en bonne logique, être exposées aux hasards d'un second scrutin. Le referendum financier n'est donc opposable, normalement, qu'à des dépenses «nouvelles».

Encore faut-il savoir ce qu'on entend par là. Le Tribunal fédéral, dans une longue série d'arrêts, a dégagé les lignes suivantes : a) Il examine d'abord la Constitution et les lois du canton, qui donnent parfois des précisions. La Constitution valaisanne, par exemple, a un système très restrictif, qui lui est propre. b) S'il ne trouve pas de règle claire dans le droit écrit, il consulte la pratique du Parlement cantonal.

c) Si la pratique est inexistante ou confuse, il recourt à une espèce de droit commun, qu'il a forgé lui-même et qu'il applique, subsidiairement, à tous les cantons. Ce droit commun est une création tout à fait singu- lière. Ce n'est pas un morceau de droit fédéral, mais bien un « droit du Tribunal fédéral» (arrêt

Rutishauser,

de 1977), de nature cantonale et d'origine fédérale. On connaît, dans d'autres domaines, du droit fédéral supplétif, que les cantons peuvent écarter. Mais ce droit fédéral se trouve dans des lois (code civil, etc.). Le nôtre, en revanche, est juris- prudentiel et on ne peut guère le qualifier de fédéral, parce qu'il est douteux que la Confédération ait la compétence de régler, sur ce point, les droits des citoyens des cantons.

4. Le principe de l'unité de la matière, lui, est de droit fédéral, même pour les scrutins des cantons. C'est une application de l'idée générale, tirée de l'article 85, précité, de la loi d'organisation judiciaire, que tous les citoyens ont un droit à la vérité et à la pureté de l'ex- pression de leur volonté politique. Donc, quoi que dise le droit cantonal, le Tribunal fédéral accueillera les recours, quand cette unité fait défaut.

Il s'est d'ailleurs toujours montré prudent et ne prononce que peu d'an- nulations. Mais on notera qu'en partant de la même idée générale, le Tribunal fédéral a jugé, en sens inverse, que la division artificielle d'un crédit pouvait aussi violer, à sa manière, les droits des citoyens.

5. Encore une question : le referendum peut-il porter sur un acte négatif? Par exemple, sur la décision par laquelle un Grand Conseil écarte un projet de loi ? Le Tribunal fédéral a répondu : non, à moins que le droit cantonal ne l'autorise clairement {arrêts

Roosli

et

Bischoff,

de 1973 et 1975). M. Auer répond : oui, à moins que le droit cantonal ne l'interdise formellement. Cette fois-ci, nous ne le suivrons pas. Sa solution n'engendrerait, le plus souvent, qu'une situation confuse.

(14)

Il y a d'abord une difficulté technique, assurément mineure, mais révélatrice. Ceux qui désapprouvent le Parlement devraient-ils voter non, comme le veut la logique, ou oui, comme le suggère le sens politique?

Supposons qu'ils doivent voter oui. Quel serait alors l'objet du scru- tin? Le projet du Gouvernement? Ou le projet tel que le Parlement peut l'avoir amendé, avant de le rejeter? Et si l'impulsion venait d'ail- leurs? Voterons-nous sur le projet d'une commission? Ou sur celui d'un député? Plaisante manière de s'épargner la peine d'une initiative popu- laire : je suis membre d'un Parlement, je dépose une proposition de loi qui est balayée par l'assemblée et, si le referendum est obligatoire, je fais l'économie d'un gros effort de persuasion ; Je peuple votera sur ma petite idée, sans même qu'aucun autre citoyen l'ait appuyée de sa signature. ·

Bien entendu, il y a des cas où la situation est plus nette : le Gou- vernement propose d'augmenter l'allocation familiale mensuelle de 70 à 80 francs ; le Parlement refuse d'entrer en matière ; Je peuple, en votant oui, approuve l'augmentation (et du même coup plébiscite le Gouvernement, ce petit côté « pratique » ne doit pas être oublié). Mais l'exemple est rare. Il l'est même assez pour qu'on puisse légitimement attendre du législateur cantonal qu'il précise les conditions auxquelles un tel referendum est possible.

Nous pourrions continuer longtemps dans ce style, parler de la sépa- ration des pouvoirs, de la délégation législative ou financière, de contre- projets, de recours, de statistique : pas un chapitre qui laisse indiffé- rent, pas une page qui ne suscite son problème. Mais il est grand temps de conclure.

Nous assistons, depuis quatre ou cinq ans, à un regain de la démo- cratie directe. Sans doute est-il particulièrement manifeste au plan de la nation. Mais la somme des scrutins des cantons et des communes, pour être moins visible, est encore plus élevée. D'ailleurs, chacun le sait, les cantons n'ont, en matière de droits politiques, rien à envier à la Confédération. Si donc on veut comprendre ce que signifie la parti- cipation des citoyens suisses aux affaires de l'Etat, on commencera par l'étudier là où elle est le plus dense, au niveau régional et local. Et, avant d'en juger les résultats, on s'efforcera d'en pénétrer le mécanisme.

Le livre de M. Auer, savamment construit et simplement écrit, nous permettra d'y voir plus clair.

J.F. AUBERT.

(15)

INTRODUCTION

Quiconque feuillète les volumes récents du Recueil officiel des arrêts du Tribunal fédéral ne manque pas d'être frappé - même si cela le laisse indifférent - par le nombre impressionnant d'arrêts publiés cha- que année sous la rubrique : « droit de vote, élections et votations can- tonales». S'il prend la peine d'en parcourir certains, il sera probable- ment frappé une seconde fois par la grande diversité des domaines concernés par cette jurisprudence. Et à la lecture attentive de celle-ci, il remarquera enfin qu'à l'intérieur de chacun de ces domaines se pose une multitude de problèmes spécifiques encore plus divers dont les juges ont été régulièrement appelés à débattre.

Comment dès lors exposer les particularités de cette jurisprudence de façon quelque peu cohérente sans partir du général, c'est-à-dire de la notion même des droits politiques? Celle-ci fera donc l'objet de la première partie de cette étude, une partie dont les aspects historiques et théoriques ne sont pas dépourvus d'un intérêt pratique, dans la mesure où on en retrouve les traces tant dans l'aménagement concret des droits politiques dans les cantons que dans certains arrêts du Tri- bunal fédéral. Il s'agira ensuite, dans une deuxième partie, de dégager, dans les 26 législations cantonales, les fondements constitutionnels et légaux des droits politiques. Car si la doctrine a abondamment com- menté et analysé les conditions et le contenu des droits politiques au niveau fédéral, il n'en va pas de même sur le plan cantonal, où l'on ne trouve, à côté de l'ouvrage classique mais déjà relativement ancien de Giacometti, Das Staatsrecht der schweizerischen Kantone, guère que quelques monographies et articles consacrés au droit de l'un ou l'autre canton. D'autre part, et pour la même raison, il nous a paru important de montrer les nombreuses particularités du moyen de droit fédéral qui permet au citoyen de s'adresser au Tribunal fédéral pour la protection de ses droits politiques, c'est-à-dire du recours pour violation des droits politiques prévu par l'art. 85 let. a 0

J.

La troisième partie est consacrée toute entièrement à l'analyse de la jmisprudence du Tribunal fédéral basée sur cette disposition. Contrairement à ce que l'on pourrait croire, l'œuvre de notre cour constitutionnelle ne se limite pas, dans ce domaine, à une interprétation, fût-elle extensive, des différents droits cantonaux.

Nous verrons qu'il n'est pas rare qu'en définissant des principes géné- raux découlant de la nature de telle ou telle institution, le Tribunal

(16)

fédéral fait preuve, sinon d'une originalité, du moins d'une certaine créativité qui n'a pas manqué, à son tour, d'influencer les constituants et législateurs cantonaux.

Qu'on nous permette, avant d'aborder le sujet, une remarque d'ordre général. A vrai dire, l'objet de la présente étude ne semble guère se prêter à un examen purement « juridique » de ses différents aspects.

Négliger le rôle important que jouent les droits politiques dans la vie politique des communes, des cantons et de la Confédération suisse signifie sans doute se contenter, tant bien que mal, d'un exercice de style, intéressant peut-être, mais néanmoins incomplet. C'est un peu comme si l'on étudiait les différents lits que peut théoriquement emprun- ter une rivière, sans tenir compte de la configuration du terrain et de la masse d'eau disponible.

Si nous faisons néanmoins abstraction du rôle politique des droits politiques, c'est pour une double raison : d'une part, certains continuent à voir d'un mauvais œil évident que l'on mette en relation ce qui, à leurs yeux, devrait être séparé par une barrière aussi étanche que pos- sible : le droit et la politique. D'autre part et surtout, même si l'on estime devoir passer outre à ces objections de principe, une analyse dynamique du rôle concret que jouent les droits politiques dans les cantons suisses nécessiterait de nombreuses études statistiques, socio- logiques et de science politique qui, malheureusement, font encore pres- que complètement défaut dans ce domaine. Qu'il nous soit donc permis de nous retrancher derrière cette excuse et de faire un peu, sur les pages qui suivent, comme si le droit n'existait que par et pour lui-même.

(17)

LA NOTION DES DROITS POLITIQUES

2

(18)
(19)

1. DÉFINITION

iDans son acception juridique, le terme peuple désigne le corps élec- toral, c'est-à-dire l'ensemble des personnes auxquelles le droit consti- tutionnel reconnaît la capacité civique active. Dans une démocratie, le corps électoral est un organe de l'Etat. En Suisse, le corps électoral fédéral apparaît même comme le premier organe de l'Etat 1 dont dépen- dent, directement ou indirectement, tous les autres organes étatiques.

Comme tout organe de l'Etat, le corps électoral a une composition, des compétences et un mode de fonctionnement particuliers, définis par la Constitution. C'est précisément ces compétences que l'on désigne sous le terme « droits politiques». Ces derniers apparaissent donc comme l'ensemble des compétences que l'ordre juridique reconnaît au corps électoral.

Or, à la différence des autres organes de l'Etat, le corps électoral présente cette particularité d'être un organe composé qui agit toujours dans une composition incomplète 2 • Le peuple comme organe del 'Etat, se compose en effet de l'ensemble des citoyens actifs. A partir du moment où il remplit les conditions de l'exercice des droits politiques, chacun de ceux-ci constitue donc un organe partiel 3 • Contrairement aux membres de tous les autres organes de l'Etat qui doivent leur qualité d'organe à une élection ou à une nomination, le citoyen devient organe partiel de par le droit, en quelque sorte automatiquement.

C'est à travers les organes partiels que l'organe composé forme et exprime sa volonté et exerce les compétences dont il est investi. Dans une démocratie, la volonté du corps électoral se définit comme celle de la majorité des organes partiels qui exercent effectivement leurs compétences, c'est-à-dire comme la majorité des volontés exprimées

1 FLEINER/ÜIACOMETTI, Sclnveizerisches Bundesstaatsrecht, Zurich, 1009, p. 428; J.F. AUBERT, Traité de droit constitutionnel suisse, Neuchâtel, 1967, vol. Il N° 1070; Urs AFFOLTER, Die rechtliclze Stellung des Volkes in der Demo- kratie und der Begriff der politischen Reclzte, thèse ZH 1948, p. 60 ss ; ATF 72 1 169.

2 GIACOMETTI, Das Staatsrecht der schweizerischen Kantone, Zürich, 1941, p. 260; AFFOLTER (note 1), p. 88.

3 Giacometti (note 2), p. 206; FLEINER/ÜIACOMETTI (note 1), p. 429; AFFOL- TER (note 1), p. 77.

(20)

des organes partiels. Peu importe qu'il s'agisse de la majorité des inscrits ou, comme c'est le plus souvent le cas, de la majorité des votants. L'essentiel c'est que les abstentions ne comptent pas dans la détermination de la volonté de l'organe composé. Vu dans la perspec- tive de l'organe partiel, les droits politiques apparaissent donc comme

l'expression juridique objective de la participation du citoyen actif

à

la formation de la volonté de l'organe composé corps électoral

4 • A cette particularité s'ajoute une autre encore. En effet, un certain nombre des compétences que l'ordre juridique réserve au corps électoral sont exer- cées non pas par la majorité des organes partiels qui se sont exprimés, mais par un nombre déterminé d'organes partiels, c'est-à-dire par

une fraction bien définie du corps électoral.

Cette fraction, qui a une com- position, des compétences et un mode de fonctionnement particuliers, apparaît également comme un organe composé dont les citoyens actifs constituent les organes partiels et elle se situe donc entre l'organe composé « corps électoral» et l'organe partiel «citoyen actif».

Ces particularités ont notamment pour conséquence qu'en étudiant les droits politiques, c'est-à-dire les compétences du corps électoral, il y a lieu de distinguer la signification que ceux-ci revêtent pour l'en- semble du corps électoral, pour une fraction de celui-ci et pour chaque citoyen actif.

4 AFFOLTER (note 1), p. 85.

(21)

2. TERMINOLOGIE

Les termes utilisés par le législateur, la jurisprudence et la doctrine pour désigner les compétences dont jouit le corps électoral varient tout d'abord en fonction de l'étendue et des particularités de ces compé- tences. Ainsi, il n'est pas étonnant qu'en Allemagne fédérale, où le corps électoral se borne à éltre ses représentants au Bundestag et ne vote que dans l'hypothèse d'une modification du territoire des Laender 5,

la doctrine parle de « Wahlrecht » et non pas de droits politiques a, tandis qu'en Suisse, où le peuple, depuis la Régénération 7 , a non seu- lement le droit d'élire, mais aussi celui de voter et de signer, elle se réfère le plus souvent à ce deuxième terme.

Toutefois, même en Suisse, la terminologie est loin d'être claire. Si le constituant et le législateur emploient souvent le terme « droits poli- tiques » s, ils se réfèrent aussi à d'autres expressions telles « les droits du peuple » 9 et « le droit de vote des citoyens » 10. Le Tribunal fédéral, tout en utilisant en règle générale le terme « droits politiques » 11, parle aussi du « droit de vote » 12 ou du « droit de vote en matière poli- tique» 13 • Quant à la doctrine, elle ne contribue guère à réduire les risques de confusion 14 • En effet, si la majorité des auteurs s'en tien-

0 Art. 29 GO. Cette hypothèse ne pouvait d'anleurs se réaliser que jusqu'en 1975.

6 Par ex. Konrad HESSE, Grundzüge des V erfassungsrechts der Bundes- republik Deutschland, Carlsruhe, 1975, p. 59 ss; Martin KRIELE, Einführung in die Staatslehre, rororo, 1975, p. 375 ; Théodor SCHRAMM, Staatsrecht, vol. !, 1971, p. 12 etc.

1 J .-F. AUBERT, Petite histoire constitutionnelle de la Suisse, Berne, 1974, p. 96.

s Art. 6 al. 2 let. b ; 43 aI. 3 ; 47; 66 ; 74 al. 2 Cst. Voir déjà l'art. 42 de la Constitution de 1848 ; Loi fédérale sur les droits politiques du 17 décembre 1976 etc.

v Art. 5 Cst.

10 Art. 85 let. a

O.J

11 ATF 102 la 54 ; 101 la 254 etc.

12 ATF 96 1 652.

13 ATF 91 1 8

14 Ainsi par ex. jean-François CAVIN qui utilise, sur une seule page, les termes « droits politiques», «suffrage politique» et «droit de vote» : Terri- torialité, nationalité et droits politiques, thèse LA 1971, p. 36.

(22)

LA NOTION DES DROITS POLITIQUES

nent à l'expression « droits politiques » 15, certains préfèrent parler de

« droit de vote » 16, de « suffrage » 11, de « droit électoral » 18 ou de

« droits populaires » m.

A vrai dire, ces expressions ne se situent pas toutes au même niveau : certaines comme « droit de vote», « suffrage» et « droit électoral » sont des termes spécifiques qui désignent une compétence particulière du corps électoral - celle d'élire et celle de voter - comme pars pro toto de l'ensemble de ses compétences. Restent donc, comme termes génériques, les expressions « droits populaires» et « droits politiques», auxquelles on peut ajouter celle de « droits démocratiques». Eliminons d'emblée ce dernier terme, parce qu'il est trop ambigü pour notre contexte et renferme, au surplus, un jugement de valeur. Car s'il est vrai que Je fait d'accorder au corps électoral un certain nombre de compétences constitue une conditio sine qua non d'un ordre étatique démocratique 20, cette condition n'est à elle seule pas suffisante pour garantir l'existence d'un tel ordre. Celle-ci dépend en effet, non seu- lement de l'étendue des compétences accordées au corps électoral, mais aussi et surtout de la composition de ce dernier. Autrement dit, les compétences du corps électoral ne deviennent démocratiques qu'à partir du moment où, d'une part, par la suite de l'abolition du cens et d'au- tres restrictions du suffrage, ce corps représente une fraction impor- tante, majoritaire, de la population majeure 21 et où, d'autre part, elles permettent à cette fraction de participer réellement à la formation de la volonté étatique. Le seuil à franchir est donc de nature tant quanti- tative que qualitative.

15 L.R. de SALIS, Le droit fédéral suisse, vol.. III, p. 218 SS. ; GIACOMETTI (note 2), p. 184, 207 SS. ; AFFOLTER (note 1), p. 47, 76 SS. ; AUBERT (note 1), yol. II N° 1073; André GRISEL, Droit administratif suisse, 1970, p. 70. Voir aussi pour l'a France André HAURIOU, Droit constitutionnel et institutions poli- t1ques, 1970, p. 181 ; pour l'Autriche ADAMOVICH/SPANNER, Handbuch des iisterreichischen Verfassungsrechts, 6° éd. 1971, p. 78; pour l'Italie B1sCARETTI DI RUFFIA, Diritto costituzionale, 9" éd. Naples, 1972, p. 775.

16 FLEINER/GIACOMETTI (note 1), p. 428 SS. ; Antoine FAVRE, Droit constitu- tionnel suisse, 2' éd. Fribourg, 1970, p. 157; Marcel BRIDEL, Précis de droit constitutionnel et public suisse, vol. Il, p. 30 ss. ; jean CASTELLA, L'exercice du droit de vote, ROS 78 (1959), p. 511a et ss.; voir aussi en France Maurice OUVEROER, Institutions politiques et droit constitutionnel, Paris, PUF, 1973, p. 97, et Eléments de droit public, Paris, PUF, 1974, p. 81.

17 AUBERT (note 1), vol. Il, N° 1101 SS.

18 BRIDEL (note 16), vol. II, p. 26.

19 GIACOMETTI, Die Verfasswzgsgerichtsbarkeit des schweizerischen Bundes- gerichts, Zurich, 1933, p. 32; Hans HUBER, Die Garantie der individuellen Ver- fassungsrechte, ROS voli. 55, 1936, p. 131 a et GRISEL (note 15), p. 70.

20 Nous employons dans ce contexte le terme démocratique dans un sens exclusivement formel.

21 Pour AUBERT, l'étiquette démocratique se justifie à partir du moment où le corps électoral représente ait! moins la moitié des habitants, (note 7), p. 93.

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Trop restreint, dans la mesure où il n'englobe pas toutes les compé- tences du corps électoral, Je terme « droits démocratiques » est aussi trop large pour notre contexte. En effet, il peut désigner non seulement les instruments qui permettent au corps électoral de participer à la formation de la volonté étatique, mais aussi ceux qui permettent à une fraction plus large du peuple, voire à l'ensemble de celui-ci, d'utiliser et de faire valoir les droits nécessaires à son épanouissement. Le droit d'initiative et de référendum, celui d'élire les députés - mais aussi Je droit de réunion, la liberté d'association et d'expression, la liberté per- sonnelle et la liberté d'opinion, voire même Je droit d'obtenir une salle pour une réunion prévue et celui de ne pas se voir refuser arbitrairement l'autorisation d'organiser un rassemblement public - tous ces droits peuvent être considérés comme des droits démocratiques.

Quant aux termes « droits populaires» et «droits politiques», ils paraissent, à première vue, être également appropriés pour désigner les moyens par lesquels Je citoyen actif participe à la formation de la volonté étatique. En effet, les compétences du corps électoral ont, par définition, un caractère populaire - Je corps électoral étant précisé- ment la définition juridique du peuple - et politique - dans la mesure où elles constituent un facteur clef dans l'organisation du pouvoir éta- tique. Toutefois, en Suisse, le terme « droits populaires » revêt géné- ralement un sens plus restreint que celui de « droits politiques » 22 • Il désigne surtout les instruments de démocratie semi-directe tels que l'ini- tiative et le référendum 2s et laisse donc de côté Je droit de voter et d'élire - éléments essentiels des compétences du corps électoral. Il ne reste donc, en fin de compte, que le terme « droits politiques » qui, faute de mieux, sera retenu par la suite. Faute de mieux, parce que l'emploi de l'adjectif «politique» peut prêter à confusion. La liberté du com- merce et de l'industrie, par exemple, qui n'est pas un droit politique, est pourtant tout aussi « politique » que Je droit d'initiative.

22 Contra Fritz FLEJNER, Schiveizerisches Bundesstaatsrecht, p. 288, pour qui les deux termes sont identiques, du moins en Suisse. Voir aussi J.-F. AUBERT, Exposé des institutions politiques de la Suisse à partir de quelques affaires controversées, Lausanne, 1978, p. 50.

2s Voir par exemple : Leonhard NEIDHART, Repriisentationsformen in der direkten Demokratie, in méLanges Erich Gruner, Berne, 1975, p. 320; Hans- Peter GASSER, Die Vo/ksreclzte in der Zürcher Verfassung, thèse ZH 1966 ; Jean-Daniel DELLEY, Mythe et réalité de la démocratie directe - le cas de l'initiative populaire, thèse GE 1978 ; Max !MBODEN, Helvetisches Malaise, in Staat und Recht, Bâle, 1971, p. 289.

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3. LA NATURE JURIDIQUE DES DROITS POLITIQUES

Les droits politiques sont-ils l'expression d'un droit naturel, inné, absolu et inaliénable du citoyen ? S'agit-il au contraire d'un simple reflet du droit objectif, lequel ne reconnaît aucun droit individuel au citoyen actif? Ce dernier exerce-t-il un droit public subjectif ou une fonction étatique, ou les deux à la fois ? Dans cette dernière hypothèse, est-ce qu'il exerce simultanément un droit et une fonction ou est-ce qu'il les exerce successivement, d'abord le premier ensuite le second?

S'il s'agit d'un droit subjectif, ce dernier a-t-il trait à la qualité d'or- gane ou à l'activité de celui-ci ou concerne-t-il les deux à la fois?

La réponse à ces questions a été au centre même des préoccupations de la doctrine publiciste pendant près de deux siècles. Depuis la veille de la Révolution française jusqu'au milieu de notre siècle, la question de la nature juridique des droits politiques a été en effet une des ques- tions les plus controversées en droit public. Ce n'est point un hasard, étant donné qu'elle était étroitement liée à des problèmes aussi cruciaux que celui de la nature même de la démocratie issue des révolutions bour- geoises ou celui de la définition et de la fonction du peuple au sein de celle-ci et qu'elle trouvait son prolongement dans les débats relatifs à la souveraineté ou au système électoral.

1La doctrine contemporaine n'attache plus autant d'importance à ce problème. Tout semble avoir été dit par les auteurs classiques, dans des débats dont on a pu dire, non sans raison, qu'ils touchaient « aux confins du byzantinisme » 24.

Le présent chapitre n'a pas pour but de reprendre ce débat dans tout ce qu'il a de subtil et d'artificiel. Si nous en retraçons, dans les grandes lignes, les principales étapes, c'est parce qu'il nous semble que la question de la nature juridique des droits politiques retrouve une certaine actualité dans la perspective de la refonte dont fait actuelle-

24 CAVIN (note 14), p. 41.

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11 ment l'objet la réglementation des droits politiques en Suisse 25, Elle n'est d'ailleurs pas restée l'apanage de la seule doctrine. La jurispru- dence permet souvent de mieux comprendre les conséquences pratiques de telle ou telle théorie. Elle parvient même parfois à résoudre une question que celle-ci n'a pas été en mesure de trancher. C'est cet intérêt pratique surtout que le présent chapitre se propose de mettre en relief.

Nous serons ainsi, peut-être, à même de deviner pourquoi la doctrine contemporaine ne s'occupe plus guère de ce problème.

3.1. La conception jusnaturaliste.

La première conception des droits politiques des citoyens est apparue au cours du XVI II° siècle, alors que le monde occidental fut secoué par ce qu'on peut appeler, à juste titre, une véritable révolution culturelle dont les porte-paroles étaient Milton, Fox et Lilburn en Angleterre, Vol- taire, Rousseau, Diderot et D'Alembert en France. A l'idéologie féodale dominante de leur époque, basée notamment sur les privilèges de nais- sance et la transmission héréditaire du pouvoir et des fonctions publi- ques, les précurseurs de la Révolution française opposaient, les pre- miers, un ensemble cohérent de valeurs et de principes qui formaient ce qu'on en est venu à appeler l'idéologie libérale 2a. Contre la conception qui réservait la participation à l'exercice de la puissance étatique à un petit nombre de privilégiés qui, précisément, tiraient ce privilège de leur naissance, celle-ci affirmait le principe que nul ne peut commander à moins d'en recevoir un mandat des citoyens libres et égaux. Ces der- niers ont, du fait de leur naissance, un droit inaliénable et sacré de concourir à la formation de la volonté étatique.

C'est Rousseau surtout qui a développé cette conception jusnatu- raliste des droits politiques. On sait en effet que pour lui, l'Etat est identique à la somme numérique des individus qui le composent et la souveraineté étatique n'est faite que des souverainetés individuelles des citoyens 27 • La volonté générale ne s'obtient que par l'addition des

Voir par exemple l'a nouvel1l'e loi fédérale sur les droits politiques du 17 décembre 1976 ; les arrêtés fédéraux du 25 mars 1977 relevant le nombre de signatures requis pour le référendum et l'initiative constitutionnelle, acceptés en votation populafre du 25 septembre 1977 ; le projet de nouvelle constitution fédérnle élaboré par les commissions WAHLEN puis FURGLER dans le cadre de la revision totale de la Constitution ; la Constitution jurassienne acceptée en vota- tion popul>aire le 21 mars 1977 et les différentes révisions constitutionnelles --- tota'1es ou partielles - actueUement en cours dans les cantons de VD, Tl, AG, GL, BS, etc.

26 Maurice DuVERGER, /anus, les deux faces de l'Occident, Paris, 1972, p. 25 SS.

21 Contrat social, livre Ill, ch. 1 in :

j.-J.

ROUSSEAU, Œuvres Complètes, t. III, Biblfothèque de la Pléiade, Ga!J~mard, 1964, p. 397.

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LA NOTION DES DROITS POLITIQUES

volontés individuelles. Si la souveraineté est individuelle, il en résulte que tout citoyen doit être considéré comme ayant le droit absolu d'exer- cer sa part du pouvoir souverain. Le droit de participer, par le vote, à la formation de la volonté générale est donc un droit naturel attaché à la qualité même d'être humain, un « droit que rien ne peut ôter aux citoyens » 28•

La théorie qui fait de l'exercice des droits politiques un droit de souveraineté individuelle a souvent été défendue au cours de la Révo- lution française 20. Elle a même été consacrée, temporairement, par le droit révolutionnaire 3o. Il n'en reste pas moins que les objections qu'elle soulève ont été jugées très tôt si importantes, qu'elle a été exclue tant de la science de droit public que du droit positif. En effet, déjà les constituants de 1789-1791, en distinguant le droit d'être citoyen - la qualité du citoyen passif - du droit de voter - la qualité du citoyen actif - se sont d'emblée écartés du point de vue de Rousseau, auquel ils reprochaient d'avoir confondu la souveraineté et la citoyenneté 31•

Tout membre de la nation est citoyen, mais tout citoyen n'est pas élec- teur. La nation seule, dans son ensemble, est souveraine, ce qui exclut toute souveraineté individuelle. Le citoyen ne saurait donc jouir ni d'un droit inné de souveraineté individuelle, ni d'un droit individuel à l'exer- cice de la souveraineté nationale 32La théorie de la souveraineté indi- viduelle est inconciliable avec le principe démocratique élémentaire de la soumission de la minorité à la majorité 33. Si le droit de vote est un

28 Ibid., p. 438.

20 Ainsi par exemple par ROBESPIERRE dans son discours du 22 octobre 1789 devant !'Assemblée constituante : « Tous les citoyens, quels qu'ils soient, ont le droit de prétendre à tous les degrés de représentation. Rien n'est plus conforme à votre Déclaration des droits, devant laquelle tout privilège, toute distinction, toute exception doivent disparaître. La Constitution étabHt que ta souveraineté réside dans le peuple, dans tous les individus du peuple. Chaque individu a donc Le droit de concourk à la loi par laquelle n est obligé, et à l'administration de la chose pub1ique qui est la sienne. Sinon il n'est pas vrai que tous les hommes sonrt égaux, que tout homme est citoyen. » Cité par A. ESMEIN, Eléments de droit constitutionnel français et comparé, tome 1, Paris, 1927, p. 385.

30 Voir par exemple l'art. 27 de la Décimation des droits de la Constitution girondine de 1793: «Chaque citoyen a un droit égal de concourir à l'exercice de La souveraineté. »

a1 R. CARRÉ DE MALBERO, Contribution à la théorie générale de l'Etat, t. II, Paris, 1922, p. 431 etc.

32 Id., p. 434.

33 Pour ROUSSEAU, c'est un faux prnblème : « Le citoyen consent à toutes les lois, même à celles qu'on passe mal.gré lui, et même à celles qui le punissent quand H ose en violer quelqu'une. La volonté constante de tous les membres de l'Etat est la volonté générale : c'est par el'le qu'ils sonrt citoyens et Mbres.

Quand on propose une loi dans l'assemblée du Peuple, ce qu'on leur demande n'est pas précisément s'Hs approuvent la proposition ou s'Hs la rejettent, mais si elle est conforme ou non à la volonté générale qui est la leur ; chacun en donnant son suffrage dit son avis là-dessus, et du calcul des voix se tire la

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droit naturel, attaché à la qualité d'être humain, il ne peut dépendre ni du sexe ni de l'âge, ni de la nationalité, ni de l'exigence d'un domi- cile ; personne ne saurait en être privé, ni les mineurs, ni les indignes 34 •

Or, toutes les constitutions, depuis celle de 1791, énumèrent des condi- tions plus ou moins strictes auxquelles est soumis l'exercice des droits politiques. Autrement dit, ces derniers n'existent qu'en vertu de l'ordre juridique consacré par la constitution et ne peuvent être ni antérieurs ni supérieurs à cet ordre. Si le droit de vote est un droit, c'est la consti- tution qui en définit la portée et les limites : il ne peut donc s'agir d'un droit naturel. L'arme qui a si admirablement servi les intérêts de la bourgeoisie naissante dans sa lutte contre la classe féodale a été jetée aux poubelles de l'histoire dès que la victoire politique a été acquise.

Et personne n'est allé la rechercher depuis.

La distinction entre le citoyen actif et le citoyen passif, retenue par

!'Assemblée constituante de 1789, abandonnée un instant par la Conven- tion, a été reprise dès l'an III et depuis, elle a toujours été maintenue par le droit positif. Le droit de vote est un droit du citoyen et non pas un droit de l'homme ; il n'appartient qu'aux ressortissants d'un Etat déterminé 35 • La Convention européenne des droits de l'homme, du 4 novembre 1950, ne s'écarte pas de cette conception sur laquelle la doc- trine est unanime. En effet, l'art. 3 du Premier protocole additionnel du 20 mars 1952 36 qui oblige les Etats contractants à organiser, à des intervalles raisonnables, des élections libres au scrutin secret pour le choix du corps législatif, ne garantit les droits politiques que de façon très restreinte 31 et ne crée en particulier aucun droit pour l'étranger

déclaration de la volonté générale. Quand donc !!avis contraire au mien l'emporte cela ne prouve autre chose sinon que je m'éta:is trompé, et que ce que j'estimais être l,a volonté générale ne l'était pas. » Contrat Social, Livre IV, ch. 11, p. 440- 441. S'il en est ainsi rétorque CARRÉ DE MALBERG : « d'où vient à la majorité la vertu de ne jama:is se tromper sur la véritable volonté générale?» (note 31), p. 427-428.

34 ESMEIN (note 29), p. 387 et SS.

35 Bericht der Eidgenossischen Konsultativkommission für das Auslander- problem, Die Stellung der Ausliinder im politischen leben der Schweiz (mai 76) reproduit dans ZBl 77 (1976), p. 273, 282.

36 Signé par lie Conseil fédéral en date du 19 mai 1976, le Premier Protocole n'a pas encore été ratifié, notamment parce que toutes les élections ne sont pas secrètes en Suisse et parce que le suffrage féminin n'est pas encore entièrement réal:isé au niveau cantonal et communal. Voir Luzius WILDHABER, Die materiellen Rechte der Konvention mit Ausnahme der Artikel 5 und 6, RDS 94 (1975) I p. 537-538.

37 Il n'est même pas certain que cette disposition garanüt le droit électoral comme tel. Une pfütie de l'a doctrine estime en effet qu'elle ne crée pas J:e droit individuel mais n'impose que des obligations aux Etats contractants, voir notamment Heinz GURADZE, Die europiiische Menschenrechtskonvention, Kom- mentar, Berlin/Francfort 1968, p. 266. La doctrine et la pratique récentes sont plus nuancées ; mais el1les admettent elles au5si que certa>Ïns groupes de per- sonnes puissent être exclus du droit électoral<, WILDHABER (note 36), p. 537.

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de participer aux élections et votations de son Etat de résidence as. Telle est aussi la conception du

Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

adopté par l'Assemblée générale de l'ONU le 16 décem- bre 1966 qui ne garantit les droits politiques qu'aux

citoyens

su.

La reconnaissance de l'impossibilité logique et pratique de concevoir les droits politiques comme des droits naturels de tout être humain n'a pas résolu pour autant la question de la nature juridique de ces droits.

Elle a au contraire déclenché dans la doctrine une controverse dont seuls les positivistes purs peuvent apprécier la finesse sans s'apercevoir de son absurdité. Du simple fait que les droits politiques dépendent de la constitution, on peut en effet déduire des conclusions différentes, voire contradictoires, quant à la nature juridique de ces droits.

3.2.

La conception subjective.

Pour les uns, la reconnaissance et la définition des droits politiques par la constitution impliquent que les titulaires de ces droits jouissent d'un

droit public subjectif

de participer à la formation de la volonté étatique 40 • Les droits politiques sont donc dirigés contre l'Etat et pro- tègent en premier lieu l'intérêt individuel du citoyen actif, lequel, comme sujet de ces droits, peut en disposer librement.

La théorie des droits publics subjectifs 41 s'efforce d'établir une relation juridique entre l'individu, sujet actif, et l'Etat, sujet passif, en attribuant à celui-là le droit d'exiger de celui-ci un comportement juri- dique déterminé. Elle suppose donc que l'Etat constitue une personne morale. L'exercice de ce droit est laissé à la libre disposition de l'indi- vidu qui peut notamment y renoncer. Les droits publics subjectifs ten- tent donc de garantir à l'individu un statut juridique inviolable 42, issu

as ZBI 77 (1976), p. 283, voir aussi l'art. 16 de la Convention.

39 Kurt MÜNGER, Bürgerliche und politische Rechte im Weltpakt der Vereintetz Nationen und im schweizerischen Recht, thèse ZH 1973, p. 65 et ss.

40 Voir pour la doctrine suisse, notamment Albert AFFOLTER, Grundzü(!,e des schweizerischen Staatsrechts, Zurich, 1905, p. 103 ; Fritz FLEINER (note 22), p. 275; Heinrich BÜELER, Die Entwicklunr; und Geltendmachung des schweizer- ischen Volksinitiativrechts, thèse ZH 1925, p. 14 et ss.; voir aussi Antoine f'AVRE, L'évolution des droits individuels de la Constitution, RDS 55 (1936), p. 333 a et ss.

41 Sur les origines des droits publics subjectifs, voir Georg JELLJNEK, System der subjektiven-offentlichen Rechte, 2• édition, Tubingue, 1927, p. 26-58 ; voir aussi William von NIEDERHÂUSERN, Zur Konstruktion des subjektiven-offentlichen Rechts, thèse ZH 1955, p. 52 ss. André GRISEL (note 15), p. 317 et ss. ; Ernst FORSTHOFF, Traité de droit administratif allemand, Bruxelles, 1969, p. 293 ssr.

Hans J. WOLFF et Otto BACHOF, Venvaltungsrecht, vol. !, Munich, 9" édition, 1974, p. 318 SS.

42 GIACOMETTI, Allgemeine Lehren des rechtsstaatlichen Venvaltungsrecht, Zürich, 1960, p. 314.

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non pas d'une loi divine ou éternelle comme l'admettait l'école du droit naturel, mais du droit positif lui-même. Il s'agit donc, du moins à l'origine, en quelque sorte d'une tentative de prolonger la théorie pré- révolutionnaire des droits naturels en remplaçant l'élément transcen- dental par le postulat positiviste 43 • L'origine jusnaturaliste de la théorie des droits publics subjectifs apparaît clairement lorsque l'on tente de saisir, à l'aide de cette théorie, le concept des droits politiques. Si l'on admet que ces derniers ont pour but principal de permettre à chaque citoyen de faire valoir, au moyen de son bulletin de vote, son propre intérêt subjectif et individuel, on arrive, par la force des choses, à la conclusion que la souveraineté réside dans l'ensemble des citoyens qui exercent dans leur intérêt personnel un ensemble de droits contre l'ordre étatique. De sorte que la transformation de la somme de ces droits subjectifs personnels, dirigés contre l'Etat, en une volonté objective de ce dernier ne peut être expliquée que par référence à une source de droit extérieure, voire supérieure à cet Etat 44. D'autre part, on retrouve dans cette théorie l'influence de la pensée politique prérévolutionnaire qui considère que le monarque, pouvoir suprême et souverain de l'Etat, dispose d'un droit qui lui appartient seul et à titre personnel : il en irait de même avec toutes les personnes qui composent les autres organes de l'Etat 45 •

3.3.

La conception fonctionnelle.

Pour les autres, au contraire, le fait que les droits politiques sont définis et délimités par l'ordre constitutionnel implique que ces derniers ne peuvent, par définition, devenir l'objet d'un droit public subjectif pour les citoyens qui en sont investis. L'électorat n'est pas un droit, mais une simple

fonction de puissance publique,

un pouvoir dont seul l'Etat est le titulaire 46. Si l'Etat associe les citoyens au processus de création de l'un de ses organes, s'il les fait participer à la formation de sa propre volonté, ce n'est pas pour leur conférer un droit qu'ils exerceraient dans leur propre intérêt. Les droits politiques ne sont que la conséquence d'une organisation constitutionnelle destinée à réaliser la mise sur pied d'un organe représentatif procédant du choix popu- laire. Il s'agit donc d'un

simple reflet des règles du droit constitutionnel positif

47, d'une conséquence inévitable de la structure fonctionnelle de

43 Dans ce sens, Hans HUBER (note 19), p. 58a.

44 AFFOL TER (note 1 ), p. 109-110.

45 VON NIEDERHAUSERN (note 41), p. 23-24.

46 Paul LABAND, Staatsrecht des deutschen Reiches, 5• éd. vol. 1, 1911, p. 331 ; Georg MEYER, Das parlamentarische Wahlrecht, Berlin, 1901, p. 411 s. ; Georg jELLINEK (note 41), p. 160.

47 Sur cette notion de reflet, voir Georg jELLINEK, Allgemeine Staatslehre, 3• éd. 1966, p. 417 SS.

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la formation de la volonté étatique. Les droits politiques ne protègent donc pas les intérêts individuels de leurs titulaires ; ils ne sont pas non plus destinés à concrétiser la participation politique des citoyens.

L'activité individuelle du citoyen, sa participation à la formation des organes et de la volonté étatiques est considérée, dans cette conception, comme une pure fonction, attribuée exclusivement à l'Etat 48.

La théorie des droits publics subjectifs et la conception fonction- nelle, diamétralement opposées, ont toutefois ceci en commun qu'elles ne parviennent, ni l'une ni l'autre, à saisir l'essence des droits poli- tiques, à résoudre la contradiction entre la volonté des titulaires de ces derniers et la volonté de l'Etat qui s'en dégage. La première, exagérant l'importance de l'élément individuel, est incapable d'expliquer comment une somme de droits subjectifs peut se transformer en volonté objective de l'Etat ; la seconde, mettant l'accent exclusivement sur l'élément fonc- tionnel, ne parvient pas à saisir l'individualisation des normes du droit objectif. Si celle-là est anti-étatique, celle-ci est anti-démocratique. Il n'est donc pas étonnant que la doctrine publiciste, consciente de cette contradiction, se soit efforcée de développer des théories qui tiennent compte des deux aspects de celle-ci.

3.4. Les conceptions dualistes.

Depuis le début de ce siècle, la doctrine publiciste dominante admet que les droits politiques se caractérisent, du point de vue juridique, par une double nature : il s'agirait à la fois d'un droit et d'une fonction 49 •

L'idée de base de cette conception dualiste paraît si évidente qu'on ne voit guère, à première vue, comment elle pourrait être contestée. En effet, les droits politiques sont d'une part protégés par tout un appareil procédural qui permet à leurs titulaires de les faire reconnaître en jus- tice. Dans ce sens, il s'agit incontestablement d'un droit. D'autre part, en votant, les titulaires des droits politiques exercent les compétences que le droit positif leur assigne et accomplissent donc une fonction étatique.

Cependant, le simple fait de réunir l'aspect « droit» et l'aspect

« fonction » en une seule et même définition des droits politiques ne résoud pas le problème de la nature juridique précise de ces derniers.

En effet, si l'on admet, avec Duguit, que l'électorat est à la fois et en même temps un droit et une fonction 50, on arrive à la conclusion,

48 Voir AFFOLTER (note 1), p. 103.

49 Voir notamment Léon Duoun, Traité de droit constitutionnel, t. 1, 3• éd.

Paris, 1927, p. 318; ESMEIN (note 31), p. 367; jELLINEK (note 41), p. 159 et SS. ; CARRÉ DE MALBERG (note 31), p. 445 et SS.

50 (Note 49), p. 318-319; t. 11, p. 211 et ss.

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absurde et insoutenable, que l'exercice de la puissance étatique n'est rien d'autre que l'exercice d'un droit individuel, et que le droit indi- viduel a pour contenu la puissance étatique. Et on est obligé de recon- naître qu'il est impossible qu'un même phénomène puisse se définir, simultanément, par deux explications juridiques qui s'excluent mutuel- lement.

jellinek, conscient du fait que le terme fonction et le terme droit sont contradictoires du moment qu'ils se rapportent à un seul et même objet, a tenté de séparer ces deux termes en distinguant la qualité d'organe de l'activité qu'exerce cet organe 51 • Le droit positif reconnaît au citoyen actif un droit individuel à être reconnu comme tel, à être admis au vote 52• Mais le vote lui-même, l'exercice des droits politiques, est une fonction étatique dont le seul sujet juridique est l'Etat. Autre- ment dit, les droits politiques s'analysent alternativement comme une faculté subjective et comme une compétence objective qui s'exercent non pas simultanément mais successivement et qui n'ont pas le même objet.

Ainsi, l'auteur de la théorie des droits publics subjectifs en arrive à la conclusion que si l'électeur a un droit à la qualité de votant, il n'a pas pour autant le droit de voter 53 dont seul l'Etat lui-même peut être le sujet.

Carre de Malberg, convaincu, comme jellinek, que le droit et la fonction ne peuvent coexister dans le même instant, mais refusant de séparer la qualité d'organe et la fonction d'organe, a mis l'accent sur les deux phases successives que comporte l'exercice des droits poli- tiques.

Dans une première phase, le citoyen possède un droit subjectif non pas seulement à se faire admettre au vote, mais à faire acte d'élec- teur, à voter. Ce droit ne se limite donc pas à la qualité d'organe, mais s'étend jusqu'aux actes de la fonction de cet organe 54•

Le vote est d'abord un acte subjectif par lequel l'individu organe émet sa volonté personnelle. Ensuite, dans une seconde phase, cet acte subjectif est attribué à l'Etat par sa constitution. La volonté person-

51 (Note 41), p. 87, 136, 159 ss. ; (note 47), p. 421 ss. ; voir aussi jean DABJN, Doctrine générale de l'Etat, Paris/Bruxelles, 1939, p. 233.

52 Rappelons que jELLINEK définit la relation entre l'individu et l'Etat par la célèbre théorie des quatre status : le status passif (prestation à l'Etat) ; le status négatif (liberté de l'Etat) ; le status positif (revendications à l'égard de l'Etat) et enfin le status actif (prestations pour l'Etat) dont fait partie le droit électoral.

(Note 41), p. 89 et passim.

53 Id., p. 159-160. Voir Ia critique de cette conclusion chez Laband (note 46), t. I, p. 307 note 1 et CARRÉ DE MALBERG (note 31), p. 453 et SS. et J.a répliique de jELLINEK (note 47), p. 422, note 2.

54 (Note 31), p. 458.

Références

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