• Aucun résultat trouvé

La dépense liée

Dans le document Les droits politiques dans les cantons suisses (Page 181-185)

4. LE RÉFÉRENDUM FINANCIER

4.4.1. La dépense liée

Selon la jurisprudence, la notion de dépense liée doit plutôt s'inter-préter restrictivement. Elle permet de distinguer

deux types de dépenses

qui tombent dans cette catégorie.

Premièrement,

il y a dépense liée lorsqu'elle est

imposée par la loi

quant à son principe et à son importance ou lorsqu'elle est

absolument nécessaire

à

l'exécution de celle-ci

348. C'est le cas notamment pour les traitements et pour certaines subventions. La loi ayant déjà été soumise au référendum législatif (obligatoire ou facultatif), il n'y aurait pas de sens de consulter le peuple une seconde fois.

Deux précisions s'imposent à cet égard : si l'on admettait, d'une part, que toute dépense qui est une conséquence d'un acte normatif antérieur constitue une dépense liée, on ne pourrait plus guère s'imaginer un cas d'application du référendum financier, étant donné que de façon géné-rale, les organes de l'Etat n'agissent qu'en vertu de la loi ou de la

cons-344 ATF 103 la 445 Rutishauser; 100 la 370; 98 la 297 Pfister; 91 1 823 Baenziger ; 93 1 624 Egli.

345 ATF 95 1 529 Couchepin.

346 ATF 102 la 459 jtiger ; 101 la 136 Haeny.

347 Voir supra, p. 43 ss.

348 ATF 103 la 447 Rutishauser ; 101 la 133 Haeny ; 99 la 212 Morand ; 97 1 825 Baenziger ; 93 1 625 Egli, etc.

titution 349. C'est là que la jurisprudence qui interprète le terme de dépense liée de façon restrictive prend toute son importance.

D'autre part, le Tribunal fédéral a eu l'occasion de préciser que

« dépense liée» ne signifie pas « dépense indispensable» 3:io. Une limitation aussi extrême de la notion de dépense liée aurait pour conséquence de soumettre au référendum financier toute décision de dépense pour laquelle il existe ne serait-ce qu'une seule autre possi-bilité, c'est-à-dire pratiquement toutes les dépenses. Une dépense n'est liée que lorsqu'elle est couverte par la tâche d'intérêt public dont elle sert à l'exécution. Et les autorités ne peuvent pas éviter le référendum financier en choisissant pour l'exécution d'une tâche, la solution la plus adéquate et la moins coûteuse, car les électeurs peuvent préférer, pour une raison ou une autre, une solution moins rationnelle et moins écono-mique. « C'est là le prix que le canton doit être prêt à payer pour le maintien de ses institutions démocratiques 351. »

Ce qui est déterminant, c'est donc l'existence ou l'absence d'une alter-native à la dépense envisagée. Une dépense n'est pas liée, même si elle sert à l'exécution d'une tâche fixée par la loi, lorsqu'il existe une possi-bilité réelle de choix 352.

Deuxièmement, il y a dépense liée lorsque l'on peut admettre qu'elle a d'ores et déjà été approuvée par le peuple, expressément ou tacite-ment, au moment de l'adoption de l'acte législatif sur laquelle elle se base. Tel est le cas lorsque Je moyen d'atteindre le but d'intérêt public fixé par l'arrêté de base (Orunderlass) était d'emblée prévisible, ou lors-qu'il est ma11ifestement indifférent que ce but soit atteint par un moyen ou par un autre 353 • Cette question ne peut être tranchée uniquement sur la base du droit constitutionnel cantonal. Le Tribunal doit examiner, en plus, la conception et le contenu de la loi pour décider si et dans quelle mesure celle-ci peut être considérée comme un « arrêté de base » au sens de cette jurisprudence 354. Il ne suffit pas par exemple qu'elle fixe le principe d'une tâche de droit public pour que toutes les modalités d'exécution de celle-ci soient soustraites au référendum financier. La jurisprudence reconnaît au contraire que même si le « si » est couvert par l'arrêté de base, le «comment» peut être suffisamment important pour justifier la participation du peuple.

Enfin il convient de considérer comme dépense liée celle qui est occa-sionnée par un crédit supplémentaire. Un tel crédit implique en effet une

349 HALLER (note 310), p. 487-88.

350 A TF 95 1 222 Suler ; 93 1 627 Egli.

351 A TF 95 l 223.

352 ZBI. 78/1977, p. 510.

353 ATF 103 la 447 Rutishauser; 102 la 467 jiiger; ZBI. 76/1975, p. 74 Fontana; 101 la 133 Haeny.

3u4 A TF 101 la 137.

dépense liée à la décision accordant le crédit initial, à moins que l'au-torité n'ait fixé ce dernier, de façon consciente, trop bas pour faire passer le projet ou éviter la votation populaire, ou à moins que les coûts sup-plémentaires qu'entraîne la réalisation du projet ne soient une consé-quence d'une modification importante de celui-ci 355. La notion de crédit supplémentaire doit, à l'instar de celle de dépense liée, être interprétée restrictivement 356.

Quelques exemples permettront d'illustrer la notion de dépense liée telle qu'elle se dégage des principes généraux établis par le Tribunal fédéral. Dans sa jurisprudence récente, ce dernier a considéré comme dépenses liées :

- celles entraînées par une réforme de l'organisation des écoles secondaires, si la loi habilite l'autorité législative à fixer l'orga-nisation matérielle de celle-ci et si, selon la pratique constante et incontestée, de telles décisions de dépenses n'ont jamais été soumises au référendum financier 357 ;

- la participation de l'Etat du Valais à la réalisation d'un institut hospitalier si le peuple a auparavant délégué au Grand Conseil, dans une loi, ses compétences financières en cette matière 358 ;

- l'octroi d'un prêt hypothécaire à une entreprise privée pour la construction d'une halle de parcage, si ce prêt remplace un crédit voté par le peuple pour la construction, par l'Etat lui-même, d'une telle halle 3o9 ;

- les dépenses d'une commune pour acquérir de bien-fonds privés si, de par la loi, les propriétaires de ceux-ci peuvent en tout temps exiger que la commune les acquière à leur pleine valeur vénale 860 ; - les dépenses entraînées par le remplacement d'un ancien

ordi-nateur 361 ;

- les indemnités à payer en vertu d'une loi relative au bruit des avions 362 ;

les dépenses relatives à l'entretien des routes 363, d'un ordina-teur 364 ou de bâtiments publics 365 ;

355 ATF 99 la 716, 720/21 Thomas.

356 lMBODEN/RHINOW (note 57)' vol. 11, p. 1113.

357 ATF 101 la 130 Haeny.

358 ATF 99 la 212 Morand.

359 ATF 99 la 202 Theiler.

360 ATF 98 la 293 Pfister.

361 A TF 97 1 820 Baenziger.

362 ATF 96 1 705 Vischer.

363 ATF 100 la 371 Gremaud.

364 A TF 97 I 827 Baenziger.

365 ATF 77 1 115 Constantin von Arx.

- les dépenses entraînées par la rénovation d'un bâtiment appar-tenant à l'Etat 366.

4.4.2. La dépense nouvelle.

L'interprétation « plutôt restrictive » de la notion de dépense liée a pour conséquence logique que la notion opposée, celle de dépense nou-velle, doit plutôt s'interpréter largement. Etant donné que les deux concepts s'excluent mutuellement, on pourrait penser que la jurisprudence se contente d'en définir un en des termes positifs, l'autre étant alors défini de façon négative. Cependant, le Tribunal fédéral s'efforce d'éta-blir des critères qui permettent de circonscrire positivement tant l'une que l'autre de ces deux notions. On verra d'ailleurs que ces critères se complètent pour l'essentiel.

Ainsi, il y a dépense nouvelle, d'une part, lorsqu'il «s'agit d'une tâche sortant du champ d'activité antérieur de l'administration» 367.

Autrement dit, lorsqu'une dépense importante est destinée à réaliser une tâche de droit public qui n'est pas prévue par la loi, elle doit être consi-dérée comme nouvelle et partant soumise au référendum financier. On remarquera que dans cette hypothèse, celui-ci remplace en quelque sorte la base légale qui manque à la dépense en question. C'est donc à juste titre que la doctrine récente 3 03 a relevé que cette jurisprudence n'est guère conforme au principe de la réserve de la loi qui vaut pour l'en-semble de l'activité administrative, y compris pour l'administration de promotion 369 • Mais certes les arrêts cités ne se réfèrent à ce type de dépense nouvelle que dans des obiter dicta.

D'autre part, une dépense est considérée comme nouvelle lorsqu'il s'agit d'une tâche qui est certes prévue par la loi, mais pour laquelle il subsiste une possibilité de choix quant à son importance ou à son mode d'utilisation 310. li s'agit donc de déterminer si l'autorité jouit, d'après la loi ou selon les circonstances d'une liberté d'action relative-ment importante 371 • Cette liberté d'action, critère de la dépense nou-velle, est inversément proportionnelle à la prévisibilité de la dépense, critère de dépense liée 372. Lorsqu'une norme de délégation définit de

366 A TF 103 la 444 Rutishauser.

367 ATF 100 la 370 Gremaud; 99 la 212 Morand et les arrêts cités.

368 IMBODEN/RHINOW (note 57), vol. II, p. 1112.

369 Id., vol. 1, p. 354; GRISEL (note 4), p. 165; ATF 103 la 376 Wtiffler;

103 la 402 Beeli ; contra : Th. FLEINER (note 285), p. 67 et Die verfassungs-rechtliche Bedeutung von Art. 1 Abs. 2 ZGB, Mélanges Peter Jiiggi, Fribourg 1977, p. 318, sur la base d'une interprétation douteuse de l'arrêt Feuz, ATF 100 la 195, qui avait laissé 11a question ouverte.

370 ATF 100 la 370; 99 la 212.

371 ATF 101 la 130 Haeny ; 95 I 218 Suter ; HALLER (note 310), p. 491.

372 Supra, p. 168.

façon détaillée la compétence de l'autorité dans un cas particulier, celle-ci jouit d'une liberté de décision relativement restreinte et les citoyens n'ont pas de peine à imaginer quelles dépenses peut entraîner la réalisation de la tâche confiée à l'autorité. En revanche, lorsque la loi ne circonscrit la tâche que de façon vague et générale, l'autorité jouit d'une liberté d'action relativement grande et les citoyens ne peuvent pas prévoir sans autre quelles dépenses devront être effectuées à l'avenir 373,

Même si la liberté d'action de l'autorité ne concerne que le « com-ment», c'est-à-dire les différentes possibilités de réaliser une tâche prévue par la loi, la jurisprudence admet que la participation du peuple se justifie 3 74.

A titre d'exemples, relevons que le Tribunal fédéral a considéré comme nouvelles :

les dépenses relatives à la construction, à la correction ou à la réfection complète des routes dans les cantons de FR 375 et de

sz

376 ;

- les dépenses pour une évaluation des fonctions au sein de l'ad-ministration 311 ;

les frais d'exécution d'un projet d'agrandissement d'une école, même si le canton s'est engagé, par traité ou par concordat, à recevoir dans cette école davantage d'élèves d'autres cantons ou d'autres pays 378 ;

les dépenses pour la location de bureaux destinés à l'adminis-tration 370 ;

- les dépenses entraînées par l'acquisition d'un ordinateur 380.

Dans le document Les droits politiques dans les cantons suisses (Page 181-185)