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le référendum contre une décision négative

Dans le document Les droits politiques dans les cantons suisses (Page 194-197)

5. LE RÉFÉRENDUM LÉGISLATIF

5.3. le référendum contre une décision négative

La même réponse a été donnée par les juges fédéraux à une autre question qui touche, plus encore que la précédente, à la nature même du droit de référendum. Ce dernier peut-il être lancé contre une

décision négative

du parlement? Non, dit le Tribunal fédéral, sans ambiguïté dans les arrêts

Roosli

418 et

Bischoff

419, à moins que, et ce n'était pas le cas en l'espèce, le droit cantonal ne prévoie clairement cette possi-bilité. Cette conclusion s'impose pour plusieurs raisons :

Une raison historique d'abord:

selon l'opinion généralement admise en droit suisse, le référendum facultatif a un

caractère négatif.

Issu de l'ancienne institution du veto populaire 42o, il doit permettre au peuple de refuser une innovation décidée par ses représentants, de dire non à quelque chose que le parlement a accepté. Il vise à exposer une décision émanant d'un organe de l'Etat au risque d'un échec devant le corps électoral 421. Ou, en d'autres termes, il sert à corriger et non pas à rem-placer une décision parlementaire 422. Admettre que le référendum facul-tatif puisse être dirigé contre une décision négative serait donc élargir à tel point la portée de cette institution que sa nature même s'en trou-verait profondément modifiée. Seule la volonté clairement exprimée du

ut Voir supra, p. 75 ss.

418 A TF gg la 524.

419 A TF 101 la 378.

420 DIETSCHI, Das Volks-Veto in der Schweiz, thèse ZH 1926, p. 147, 152 ss.

Les auteurs contempornins insistent davantage sur le fait que le référendll!lll populaire n'est pas, contrairement à ce que l'on pourrait croire, un produit de génie suisse, voir AUBERT, Le référendum populaire, RDS 1972, p. 481 ss. et

SALADIN, Le référendum populaire en Suisse, R.I.D.C. 1976, N° 2, p. 331 ss. Ces remarques concernent à vrai dire davantage le référendum obligatoire que le référendum facultatif.

421 GIACOMETTI (note 98), p. 438.

422 SALADIN (note 420), p. 333.

constituant ou du législateur cantonal pourrait consacrer un tel élargis-sement.

Une autre raison, qui découle de la première, tient à la

systématique des différentes institutions de démocratie directe.

Si les citoyens veulent créer quelque chose de positif, ils ont à leur disposition, sous une forme ou une autre,

l'initiative populaire

qui leur permet précisément de sou-mettre au vote populaire une proposition que les autorités n'ont pas jugé nécessaire de faire ou qu'elles ont rejetée. Le fait que la procédure de l'initiative populaire est plus longue et jalonnée de davantage d'obstacles que celle du référendum facultatif ne permet pas à lui seul d'altérer la nature de cette dernière institution. Bref, si l'initiative populaire peut avoir un caractère positif aussi bien que négatif, selon qu'elle tend à l'adoption de dispositions nouvelles respectivement à la modification de dispositions existantes ou à l'abrogation totale ou partielle d'un acte législatif, il n'en va pas de même du référendum facultatif qui ne se conçoit qu'à l'égard d'une décision positive du parlement.

La dernière raison enfin est

d'ordre pratique :

quel serait en effet l'objet de la votation populaire et quelle serait la signification de son résultat en cas d'aboutissement d'un référendum dirigé contre une déci-sion négative ? Les citoyens se prononceraient-ils sur la décidéci-sion négative elle-même, ou sur le projet que les députés ont rejeté? Dans le premier cas, l'acceptation du référendum par le peuple, c'est-à-dire le refus de la décision négative du parlement, ne transformerait pas celle-ci en une décision positive, mais obligerait les représentants à se prononcer, contre leur gré, une nouvelle fois sur cet objet. Dans le second, les citoyens se prononceraient sur une décision qui émane non pas de l'autorité légis-lative, mais de l'exécutif, ce qui à nouveau, ne serait guère compatible avec la nature du référendum et aurait en outre pour conséquence de dépouiller le parlement d'une compétence que le droit cantonal lui réserve pourtant. Cette jurisprudence repose toutefois sur des bases bien plus fragiles qu'il ne paraît à première vue.

Tout d'abord, la

doctrine

est loin d'être unanime sur la question de savoir si le référendum, de par sa nature même, a un caractère exclusi-vement négatif. La référence à Giacometti n'est pas à elle seule concluante, car cet auteur, examinant la nature juridique de l'institution du réfé-rendum facultatif, ne s'est pas prononcé sur la question précise de l'ex-clusion par principe du référendum contre une décision négative du par-lement 4 23 . D'autre part, s'il est vrai que certains auteurs examinant le problème en droit zurichois se sont exprimés en faveur de cette exclusion par principe 424, d'autres en revanche ne partagent pas cet avis et

admet-423 (Note 98), p. 438.

424 Robert GEILINOER, Die Institutionen der dire/den Demokratie im Kanton Zürich, thèse ZH 1947, p. 159; Ernst HEININOER, Der Gemeinderat, thèse ZH l 957, p. 236.

tent que le référendum facultatif puisse être lancé contre une décision négative de l'autorité législative 425 • Le moins que l'on puisse dire c'est donc que la question reste controversée.

La deuxième raison invoquée par le Tribunal fédéral n'est guère plus solide. Du moins repose-t-elle sur un raisonnement purement théorique consistant à exclure le référendum parce qu'il y a l'initiative. Or on ne voit pas pourquoi l'initiative populaire, dans la mesure où elle tend à l'abrogation d'une disposition en vigueur, peut avoir le même effet qu'un référendum, mais que celui-ci, dans la mesure où il est dirigé contre une décision négative, ne peut pas avoir le même effet que l'initiative.

Ces deux institutions sont en effet indépendantes et égales en importance.

Le fait que, dans certaines circonstances, elles se recouvrent ne permet pas de restreindre la portée de l'une sous prétexte que cette circonstance est couverte par l'autre. Il s'agit là d'un autre exemple de cette tendance que nous avons déjà rencontrée 426 et qui consiste à faire dépendre l'exercice d'un droit populaire de celui d'un autre droit populaire.

En ce qui concerne enfin le problème posé par l'objet et le résultat précis de la votation populaire consécutive à une demande de référendum contre une décision négative, Keller a démontré qu'il n'est pas insoluble, à condition que l'on renonce à vouloir établir à tout prix une règle théorique fixe, censée pouvoir s'appliquer à toutes les circonstances. En substance, cet auteur estime qu'il s'agira de déterminer, dans chaque cas concret, si le résuliat positif de la votation signifie l'acceptation

dans son principe

du projet rejeté par le parlement ou l'acceptation

tale quale

de ce projet. Ensuite, on considérerait ce résultat comme s'il s'agissait d'une initiative populaire conçue sous forme d'un vœu, respectivement sous forme d'un projet rédigé 4 2 7. Ce raisonnement semble cependant négliger le fait que le corps électoral s'est déjà prononcé, ce qui n'est pas le cas lors du dépôt d'une initiative populaire. Il implique en outre une interprétation de la volonté du corps électoral qui s'avérera difficile dans la pratique. Quoi qu'il en soit, il n'y a pas lieu d'attribuer trop d'importance à ces raisonnements théoriques. Que l'on prenne comme objet de la votation la décision négative du parlement elle-même ou le projet élaboré par l'autorité exécutive, il paraît évident que dans les deux cas, le corps électoral se prononce sur le

contenu

et non sur la forme de la décision négative respectivement de la proposition. En cas d'ac-ceptatim1, il incombera aux autorités de décider, sur la base du droit

425 Max METTLER, Das Zürclzer Gemeindegesetz, 2• éd., p. 301 ; UHin STREIFF, Die Gemeindeorganisation mit Urnenabstimmunf{ im [(antan Zürich, thèse ZH l 959, p. 185 ; Christoph ETTER, Die Geivaltendifferenzierung in der zürcherischen Gemeinde, thèse ZH 1967, p. 128 et surtout Konrad KELLER, Zur Frage der Zuliissigkeit des Ref erendums gegen negative Entsc!zeidungen des Gemeinde-parlaments, ZBI. 79/1978, p. 49-55.

426 Supra, p. 142, 165.

427 (Note 425), p. 54-55.

cantonal, selon quelle procédure la décision du corps électoral devrait :être mise en œuvre, en partant du principe que ce dernier est le premier organe du canton.

En conclusion, la jurisprudence

Roosli

et

Bischoff

paraît par trop catégorique. La présomption selon laquelle le référendum contre une décision négative est exclu à moins qu'il ne soit expressément prévu par le droit cantonal devrait être renversée. Elle repose en effet sur la conclusion, guère fondée, que le référendum aurait automatiquement un caractère positif si l'on admet qu'il puisse être dirigé contre une décision négative. Il n'en est rien. Même dans cette hypothèse, la demande de référendum conserve son caractère négatif à l'égard de la décision parlementaire. Que celle-ci soit positive ou négative ne change rien au fait que la demande de référendum vise à soumettre au corps électoral une décision du parlement avec laquelle ses auteurs ne sont pas d'accord.

En d'autres termes,

le référendum facultatif

a toujours un caractère négatif par rapport à un acte ou une décision adoptés par l'autorité législative. La

conséquence

du référendum facultatif, c'est-à-dire la vota-tion populaire, peut avoir un caractère positif ou négatif non seulement lorsqu'elle porte sur une décision négative du parlement, mais aussi lors-qu'elle a pour objet, comme c'est le cas en règle générale, une décision positive de celui-ci.

JI conviendrait donc d'admettre que le référendum est possible contre une décision tant positive que négative du parlement, à moins que le droit cantonal ou communal n'excluent, de façon générale, le référendum législatif ou à moins qu'ils n'excluent expressément la possibilité qu'un référendum puisse être dirigé contre une décision négative.

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