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L'utilisation de multi-cas d'entreprises dans un contexte de changement et de crise : compte rendu d'expérience

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Academic year: 2022

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L'utilisation de multi-cas d'entreprises dans un contexte de changement et de crise : compte rendu d'expérience

BERGADAÀ, Michelle

Abstract

Ce document décrit le protocole de recherche utilisé pour conduire la réalisation chaque année de cas multisites impliquant une vingtaine de dirigeants d'entreprises et d'étudiants. Ce compte rendu d'expérience éclaire les problèmes de fiabilité et de validité qui se posent durant tout le déroulement des recherches naturelles enracinées dans les faits. La mise en place de relations étroites et systématiques entre étudiants-réalisateurs, chercheurs et managers est présentée ici. L'objectif de l'article est faciliter la réflexion des personnes qui souhaiteraient s'engager dans la production de cas d'entreprises, que ce soit à des fins de recherche ou de pédagogie.

BERGADAÀ, Michelle. L'utilisation de multi-cas d'entreprises dans un contexte de changement et de crise : compte rendu d'expérience. 2002

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:5823

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L'utilisation de multi-cas d'entreprises dans un contexte de changement et de crise :

compte-rendu d'expérience

Michelle Bergadaà

Professeur, Directrice de l'Observatoire de Vente et Stratégies du Marketing, HEC - Université de Genève

Coordonnées : Prof. M. Bergadaà OVSM – HEC

Uni Mail Bd du Pont-d'arve 40 CH-1211 Geneva 4, Switzerland tel./fax : 41-22-798 42 04

http://ovsm.unige.ch/

E-mail : Michelle.Bergadaa@hec.unige.ch

REMERCIEMENTS :

Nous remercions le FNRS qui a financé ces recherches et l'OVSM qui en a assuré la logistique.

Un grand merci également à Fatima Guéroui, assistante et étudiante en doctorat, qui a su répondre avec sagacité aux questions des réalisateurs de cas et qui les a conseillés judicieusement. Et, bien entendu, nos plus grands remerciements vont à ceux qui, en toute confiance nous accordent leur temps, en se prêtant à notre travail d'analyse annuel : les dirigeants des entreprises de notre échantillon.

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L'utilisation de multi-cas d'entreprises dans un contexte de changement et de crise :

compte-rendu d'expérience

Résumé : Ce document décrit le protocole de recherche utilisé pour conduire la réalisation chaque année de cas multisites impliquant une vingtaine de dirigeants d'entreprises et d'étudiants. Ce compte-rendu d'expérience éclaire les problèmes de fiabilité et de validité qui se posent durant tout le déroulement des recherches naturelles enracinées dans les faits. La mise en place de relations étroites et systématiques entre étudiants-réalisateurs, chercheurs et managers est présentée ici. L'objectif de l'article est faciliter la réflexion des personnes qui souhaiteraient s'engager dans la production de cas d'entreprises, que ce soit à des fins de recherche ou de pédagogie.

Mots-clés : Méthode des cas, recherche enracinée dans les faits, recherche qualitative, stratégie de recherche

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Table des matières

1 - Introduction ... 4

2 - La stratégie de recherche mise en œuvre ... 7

3 - Le choix de la problématique de cas... 11

4 - Le choix de cas multisites ... 14

5 - Les objectifs des cas... 15

6 - Les entretiens en profondeur et leur analyse de contenu ... 17

7 - Le plan synoptique ... 20

8 - La note de synthèse... 22

9 - La rédaction du cas... 23

10 - Le contrôle et la validation du cas... 25

11 - La synthèse des cas et ses implications ... 27

12 - Conclusion ... 28

Bibliographie... 30

Annexes ... 33

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1 - Introduction

Depuis une dizaine d'années nous effectuons chaque année un travail de recherche qui permet d'accroître les relations entre notre monde universitaire et les entreprises impliquées dans l'Observatoire de Vente et Stratégies du Marketing de Genève (OVSM). Ce travail de terrain concerne une vingtaine d'étudiants. Ils réalisent, grâce à l'usage structuré de la méthode des cas, un travail d'analyse d'une problématique choisie de concert. Ils complètent ainsi leur formation théorique. Ce travail se conclut par la proposition de résultats qui sont ensuite mis en œuvre dans nos recherches académiques, et qui sont utilisés au quotidien par les responsables des entreprises impliquées.

Le thème d'investigation de l'année 2002 a été choisi avec ces dirigeants pour traiter de la question :

“Changement et crise de l'environnement : comment les mutations du marketing sont-elles définies et mises en œuvre dans l'entreprise ?”

Pour comprendre les changements qui se produisent et vont se produire dans les entreprises, nous avons considéré tout d'abord le contexte de mutations dans lequel les entreprises inscrivent de manière durable leurs (ré) organisations.

• La première mutation qui affecte les entreprises concerne le consommateur. Cette mutation est le fruit des modifications de la structure démographique (ex. modification durable de la pyramide des âges, espérance de vie accrue), et des adaptations sociales en cours (ex. durée hebdomadaire du travail réduit, âge de la retraite). D'une part, une répartition différente du

"temps de loisir" vs. "temps de travail" se met en place au niveau global de la société européenne. D'autre part, au niveau individuel, l'augmentation des possibilités de travail mobile (ex. téléphone, micro, Internet) change la notion de frontière entre ces deux types de temps traditionnels "libre" vs. "obligatoire". Par ailleurs, l'augmentation du niveau de scolarité et d'éducation, ainsi que l'augmentation générale du niveau de vie, ont permis l'émergence de populations plus aptes à décider de manière autonome de leurs modes de consommation.

Ainsi, les individus gèrent (ou vont gérer) de manière différente que par le passé leurs activités et leurs relations avec les entreprises fournissant biens et services.

• Une seconde mutation fondamentale touche l'extension des marchés. Depuis quelques années, l’Union européenne est devenue un vaste marché unique de près de 400 millions de consommateurs potentiels. Parallèlement, la mondialisation ouvre, pour les entreprises, la

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5 perspective d'un marché devenu plus vaste et plus concurrentiel, où la comparaison d’un pays à l’autre, voire d’une région à l’autre, sera facilitée. La course à la taille, reposant sur la volonté de réduire les coûts, conduit certains acteurs économiques à standardiser prix et produits. La mondialisation, qui ferait du monde un village et de l’Europe un quartier, conduirait à une forme d'homogénéité culturelle. Mais cette dilution des relations directes entreprise-client implique une prise de conscience : il ne s'agira plus de se contenter d'attirer des clients, mais de bâtir des relations avec eux à travers un ensemble de services offerts souvent par des partenaires commerciaux différents. C'est dans ce cadre de changement, à la fois chez le consommateur final et dans les transactions entre les entreprises, que le nouveau courant du marketing relationnel s'oppose au courant traditionnel transactionnel. Ici, on parlera davantage de relations de type "one to one" que de segmentation de marché ou de publicité de masse.

• De manière simultanée, l’explosion d’Internet est une mutation considérable par l'accès à la virtualité qu'elle procure. Au-delà des nouveaux moyens de communication, Internet a le pouvoir de modifier l'ordre social actuel du savoir, et donc "l'homo sapiens". L'individu, consommateur ou client industriel, apprend à vivre avec de nouveaux paradigmes communicationnels et commerciaux. Ce nouveau média interactif, qui a réussi la convergence du texte, du son et de l'image, connaît une croissance fulgurante. Toutes les catégories d'individus sont susceptibles d'être touchées à plus ou moins brève échéance. Seule sa vitesse de propagation en est encore inconnue. Les technologies de l'information et de la communication transforment profondément les stratégies et les pratiques de l'entreprise.

L'économie de l'Internet n'est plus virtuelle, mais tout à fait réelle. Elle permet l'apparition de modèles de gestion qui affectent radicalement métiers et organisations. Elles remettent en cause les techniques traditionnelles du commerce, les politiques organisationnelles et les stratégies d'entreprises. Nul n'est capable de prédire avec exactitude la configuration future d'Internet, mais ce nouveau média est en train de bouleverser notre façon d'apprendre, d'acquérir et de diffuser l'information, et donc de communiquer avec les hommes.

Le modèle ci-dessous résume les impacts successifs de ces mutations. Les NTIC, l'Europe et la mondialisation et l'évolution du client final (1) vont directement affecter des leviers organisationnels que sont les modes de communication via Intranet, extranet et internet, les diverses alliances et partenariats de l'entreprise et sa composante vente (2). Ces trois leviers de changement, à leur tour, vont affecter l'organisation et ses métiers (3). C'est cette troisième sphère que nous allons analyser au travers de l'étude de plusieurs cas.

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Impact de l'Europe et de la mondialisation

Entreprise

Impact des NTIC

Impact de l'évolution du client final

Mutation des alliances et partenariats Mutation de la

communication via Intranet, extranet,

Internet

Mutation de la composante Vente de l'entreprise 1

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Fig. 1 : Proposition d'un référentiel de mutation (tiré du document de synthèse n° 2, OVSM 2001)

Un tel contexte en pleine mutation appelle naturellement la mise en œuvre d’une méthode de recherche-action qui permet d'induire du terrain des propositions formelles, de les soumettre aux dirigeants d'entreprises, acteurs de changement, puis de réintroduire leur apport pragmatique dans la recherche. Cet enrichissement mutuel de la conceptualisation à la validation et à l'enrichissement pragmatique permet de construire peu à peu une proposition convergente. Dans un contexte de recherche situé dans le cadre d'une dynamique d'évolution rapide des entreprises, la méthode des cas est particulièrement appropriée (Carson et al, 2001, chap. 7).

Nous présentons, dans ce document, les diverses étapes de mise en œuvre de la méthode des cas que nous avons spécifiquement utilisée, ainsi que les protocoles de réalisation qui se succèdent jusqu'à la rédaction finale des cas. La méthodologie a été mise au point pour servir les besoins d'une recherche multisites réalisée par des personnes différentes. Cette méthodologie s'est précisée au cours des années, afin de répondre le plus pragmatiquement possible aux besoins de jeunes chercheurs dont c'est la première expérience de réalisation de cas.

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7 Ces principales étapes de réalisation de cas que nous proposons aux réalisateurs, et qui sont passées en revue dans ce document, sont les suivantes : choix de la problématique des cas, choix de l'échantillon d'entreprises significatives, formulation des objectifs du cas, recueil des données, réalisation des entretiens en profondeur, analyse de contenu, formulation d'un plan synoptique, rédaction d'une note de synthèse, rédaction finale du cas, contrôle et validation du cas, synthèse générale et propositions conceptuelles.

La recherche qui sert d'illustration à ce document a été réalisée grâce au concours de vingt- trois dirigeants d'entreprises en relation directe avec vingt étudiants de l'Observatoire de Vente et Stratégie du Marketing de Genève. Tous se sont fortement impliqués dans cette recherche qui s'est déroulée sur une période de 3 mois, d'avril à juin 2002.

2 - La stratégie de recherche mise en œuvre

Les méthodes de recherche traditionnelles du monde académique sont pour la plupart inadaptées au problème de la prise de décision dans un contexte de prospective stratégique. Si l’on cherche les facteurs de succès des entreprises pour proposer aux dirigeants des actions possibles, ou si l’on observe la manière dont ils prennent des décisions pour proposer des descriptions qui seront éventuellement utiles à d’autres dirigeants, le problème du temps séquentiel reste posé. En effet, entre le moment où les observations empiriques sont effectuées et celui où des propositions peuvent être faites le temps s'est écoulé. Les dirigeants ont pris de nombreuses décisions et ont agi, faisant par leur action évoluer l’environnement économique et social, rendant obsolètes toutes les “recettes” qui peuvent leur être proposées (Habermas, 1987, 1989). Ainsi, la recherche académique, bien que donnant le jour à des apports conceptuels très riches, demeure encore trop peu utilisable directement dans l’entreprise (Bergadaà et Thiétart, 1990).

On distingue généralement quatre types de propositions de recherches dans l'étude des décisions managériales :

- Les propositions de nature descriptive sont la présentation des choses telles qu'elles se présentent dans la réalité. La qualité de ces propositions est évaluée en fonction de la précision de leur correspondance avec la réalité observée (Keeney, 1992).

- Les propositions de nature normative sont les indications et les propositions qui doivent conduire à prendre la meilleure décision possible dans un contexte identifié. La qualité de la

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8 proposition repose sur la rigueur et le caractère reproductible des recommandations émises.

- Les propositions de nature constructive permettent d'éclairer la réalité d'une manière nouvelle, davantage conceptuelle, mettant l'accent sur des dimensions structurantes non évidente de prime abord (Roy, 1992). La qualité de la proposition repose sur le fait qu'elle permet au décideur de progresser dans sa pratique.

- Les propositions de nature prescriptive constituent la présentation des choses telles qu'elles devraient être dans une situation idéale et sans aléas (French, 1988). La qualité de ce type de propositions repose sur leurs possibilités d'identification analogique de divers décideurs.

C'est dans une optique de propositions de nature constructive, au niveau de chacun des cas réalisés, que sera tout d'abord orientée leur réalisation. Ensuite, la réunification des divers cas permet d'atteindre un niveau de propositions prescriptives, au moins pour une partie des conclusions. Mais la méthode des cas, telle que nous l'entendons, ne prétend pas atteindre des propositions de type normatif. Quant à la description, elle ne présente que peu d'intérêt dans le cadre des sujets de type prospectif que nous avons choisi de traiter.

La méthode des cas présentée dans ce document a été mise au point pour rencontrer les objectifs de recherches académiques tels que définis dans des ouvrages de recherches traditionnels (ex. Hlady Rispal, 2002 ; Wacheux, 1996 ; Yin, 1989). C'est ainsi que, pour les chercheurs, la méthode des cas se présente comme un moyen de sortir du monde clos de l'université et des laboratoires pour aller sur le terrain rencontrer les vrais acteurs en situation.

Mais la méthode des cas n'est pas qu'exploratoire. Elle a été utilisée dès son origine en anthropologie sociale. Cette méthode s'inscrit dans ce que l'on appelle les "théories enracinées dans les faits" ou "grounded theory" (Glaser et Strauss, 1967). La mise en œuvre d'une méthode de cas fait appel à plusieurs prises de positions.

- De la phénoménologie, nous retenons le souhait de comprendre le sens que donnent les acteurs eux-mêmes de leur réalité (Husserl, 1990). Les réalisateurs sont confrontés aux visions subjectives des différents acteurs de l'entreprise qu'ils interrogent et, s'ils veulent en comprendre le sens, il leur faut procéder de manière émique, par empathie.

- De l'ethonométhodologie (Garfinkel, 1967), nous retenons la nécessité de replacer les opinions et vécus individuels dans le cadre de la réalité quotidienne de l'organisation. Les réalisateurs sont donc invités à se rendre sur le terrain, dans les entreprises, afin de mieux

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9 comprendre la manière d'interagir et de communiquer des acteurs au travers de leur culture spécifique. Ils adoptent alors une attitude étique, celle de l'observateur externe à la situation.

- De l'approche systémique (von Bertalanffy,1993), nous retenons la nécessité de mettre en place diverses étapes de réalisation qui permettent d'accompagner les réalisateurs dans leur travail avec les notions classiques de pilotage et de feed-back qui offrent la possibilité de contrôler que les objectifs préalablement définis sont atteints.

La méthode des cas est utilisée depuis de nombreuses années dans le domaine de l'enseignement de la gestion car elle présente l'intérêt de permettre à des étudiants de s'imaginer en situation (Bergadaà, 1990). La méthode des cas leur présente une réalité dont ils doivent eux-mêmes découvrir le sens caché. En effet, les indices de résolution ne sont jamais décrits les uns à la suite des autres, car, dans la vie réelle des entreprises, les faits importants ou urgents ne se présentent pas spontanément à la lecture des décideurs. Cette méthode pédagogique leur permet, en outre, de comparer leurs solutions et d'en discuter avec des experts de l'enseignement ou de l'entreprise. Cette interactivité est primordiale dans les matières de la gestion qui ne relèvent pas des sciences exactes.

Cette dichotomie "cas de nature pédagogique" et "cas-méthode de recherche" est réconciliée par certains auteurs qui la proposent, au contraire, comme une opportunité pour de multiples réalisateurs d'apprendre les uns des autres et de créer de véritables base de connaissances (Probst, 2002 ; Probst et Gibbert, 2002). Les auteurs proposent une forme d'écriture co- productive où les personnes d'entreprises apprennent eux aussi à exemplariser leur situation.

Nous avons souhaité conserver cette interactivité dans la mise en œuvre de notre méthode.

Ainsi avons-nous prévu de nombreux ateliers permettant aux équipes de réalisateurs de discuter entre eux et sous la conduite d'assistants et professeurs pour vérifier, ensemble, leur compréhension des situations abordées.

Le principal problème des méthodes qualitatives reste toujours de savoir dans quelle mesure la

"réalité" produite par les chercheurs n'est pas simplement une interprétation subjective de leur esprit et si elle est véritablement fidèle à la réalité vécue par les acteurs de l'entreprise (Wacheux, 1996). Afin de conduire de la manière la plus rigoureuse possible les validations qui permettent de vérifier la qualité des propositions faites, il faut instaurer une collaboration étroite entre le chercheur principal et les enquêteurs. Ainsi, chaque production intermédiaire, objectifs, plan synoptique, synthèse et, finalement, cas, répond à des normes de réalisation précises.

Cette procédure réflexive entre les concepts et le terrain, entre chercheurs et enquêteurs,

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10 procure des garanties élémentaires de fiabilité, garanties sans lesquelles il ne saurait y avoir de production de recherche.

La mise en œuvre de la réalisation de cas s'inscrit dans une véritable stratégie de recherche propre à concilier les points ci-dessus (Yin, 1989), et nous avons opté pour les actions suivantes :

1) Douter des théories bénéficiant d'un effet de mode. Rechercher, au contraire, les situations qui sont en mesure de, peut-être, invalider théories, concepts ou pratiques généralement admis comme vrais. Découvrir, le cas échéant, des pratiques non encore reconnues par la littérature académique.

2) Sélectionner des entreprises qui se placent toutes dans le contexte général de la mutation étudiée et qui, bien entendu, sont volontaires pour participer à cette recherche et se prêter à la rédaction d'un cas spécifique.

3) Choisir de comprendre un phénomène de l'intérieur, au lieu de chercher les éléments qui permettraient de le décrire ou de l'expliquer. Ce qui implique un très large usage des méthodes d'interviews, d'observation sur le terrain, d'analyse de sources premières d'information et d'archives.

4) Définir la situation avec les dirigeants concernés, lesquels ne se contentent pas de gérer des situations courantes, mais sont de véritables acteurs de changement dans leur organisation. Les sélectionner en fonction de leur pouvoir à modifier les règles du jeu de leur entreprise.

5) Donc, apprendre avec eux en saisissant le processus sous-jacent qui inscrit l'entreprise dans une trame diachronique. Dépasser ainsi la tendance à relever de simples photographies d'une situation spécifique à un moment donné, de l'histoire événementielle de l'entreprise.

6) Faire réaliser le recueil des données par des enquêteurs indépendants qui n'ont pas d'a priori en matière de théories et ne risquent donc pas de "forcer" une logique conduisant implicitement à démontrer des théories existantes.

7) Se faisant, ne pas introduire artificiellement une objectivation des relations de causes à

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11 effets mais, au contraire, procéder par des analyses de contenu inductives (et non déductives) et structurantes.

8) Faire contrôler et valider formellement les résultats par les dirigeants d'entreprises à qui les cas les concernant sont soumis.

9) Identifier dans chaque cas les situations spécifiques paradoxales, pour être en mesure de faire de nouvelles propositions conceptuelles.

10) Finalement, réconcilier ainsi, en dernier lieu, l'ensemble de ces "paradoxes" pour émettre de nouvelles propositions conceptuelles et/ou d'action

3 - Le choix de la problématique de cas

Un des débats récurrents porte sur la question de savoir jusqu'où aller dans la revue de littérature et dans l'apprentissage des théories et lois existantes avant de débuter la réalisation des cas. D'une part, tout dépend de la nature des propositions de recherche finales et, d'autre part, de la nature du processus de recherche mis en œuvre. Nous avons choisi comme point d'arrivée des propositions de nature constructives et prescriptives. Nous devons choisir maintenant entre une logique d'induction et une de déduction (Bergadaà et Nyeck, 1992).

- La déduction repose sur la vérification de faits et sur leur enchaînement dans une logique qui aboutit à la définition de lois, puis de théories par l’agencement de ces lois. L'objectif est d'appliquer aux cas particuliers les théories et lois générales.

- L’induction suggère de revenir aux données en dehors de toute conceptualisation afin de pouvoir inférer des réseaux de signification exempts de toute tentative d’explication a priori.

Mais la déduction pure n'est pas créatrice de nouvelles propositions dans un contexte de mutations tel que nous l'avons défini. Et l'induction pure présente le risque de recueillir des faits qui ne seraient que le fruit de l’interprétation qu’en font leurs acteurs avant même l’intervention des réalisateurs. Ces deux extrêmes ne semblent pas tenables avec un sujet fondé sur la mutation, et il s'agit davantage d'un enrichissement mutuel de ces deux logiques, que de leur opposition (Parkhe, 1993 ; Miles et Huberman, 1994). Nous choisissons donc une position médiane. Ainsi, dans la réalisation de cas dans un cadre interprétatif (et non positiviste), le problème initial appelle des questions de recherche initiales qui sont posées en terme de

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"comment " et "pour quelle raison, pourquoi ?" et non de "quoi", de "qui" ou de "combien". Ces questions ouvertes proviennent d'une part d'interviews préalables auprès de responsables d'entreprises et, d'autre part d'une revue de littérature exploratoire sur le sujet traité par la recherche (Stake, 1995). Les quatre axes d'investigation et questions de recherche ci-dessous sont issus d'un tel travail exploratoire.

1er axe d'investigation : Dans les entreprises, quelle que soit leur taille, les changements de l'environnement des dix dernières années ont été, ou sont encore, perçus comme de véritables ruptures. On peut citer l'intensification de la concurrence internationale, la rapidité et la radicalisation des développements dans le domaine des sciences et de la technologie (surtout en informatique, en télécommunication et en sciences de l'information), la surveillance des pratiques des financiers et des comptables par l'Etat et les médias (portée morale des décisions), l'intensification de la déréglementation, les privatisations, fusions et acquisitions donnant naissance à d'immenses groupes privés, les faillites enfin. De nombreux facteurs, comme les contraintes financières et boursières ou les turbulences du marché expliquent cette situation que certains qualifient de complexe et imprévisible (Subramanian et Gopalakrishna, 2001). Les entreprises doivent désormais faire face à une concurrence intense et morcelée, de moins en moins contrôlables et, ce, avec des profits réduits. Ainsi, le principal enjeu concurrentiel devient la rétention des consommateurs (Colgate et Danaher, 2000). La première des questions de recherche est donc :

Dans quelle mesure, les facteurs contingents influencent-ils la manière dont les dirigeants d’entreprises considèrent les mouvements qui les touchent ?

2ème axe d'investigation : Les effets de ces différentes contraintes externes et leurs interactions modifient profondément les choix organisationnels des entreprises. L'organisation est considérée ici comme une entité fondée sur des actifs intangibles comme la culture (Wernerfelt, 1995), sur ses compétences distinctives via l'agencement de ses ressources humaines et, finalement, sur les compétences intellectuelles spécifiques de son personnel (Hall, 1989, 1992). De plus en plus, les entreprises abandonnent une logique de production pour adopter une orientation vers le marché. Cette dernière consiste à instaurer une véritable intelligence marketing de ce que sont les besoins actuels et futurs des consommateurs. Cette

"intelligence marketing" met l'emphase sur la coordination interfonctionnelle dans les processus internes. (Kohli et Jaworski, 1990 ; Kohli, et al., 1993). Face à des choix stratégiques fondamentaux et faisant un large usage des Nouvelle technologies d'Information et de Communication (NTIC) qui accélèrent échanges et décisions, les entreprises sont confrontées à des mutations de métiers considérables. Il s'agit, non seulement de transformer leurs pratiques traditionnelles de management de la force de vente, mais également de préparer la mutation

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13 vers une entreprise globalement vendeuse (Bergadaà, 1997). La seconde question de recherche est ici :

Comment une mutation externe se traduit-elle sous forme d’évolution dans l’entreprise ou de mutation dans différentes entreprises ?

3ème axe d'investigation : Ainsi, toutes les modifications organisationnelles de l'entreprise en faveur de l'instauration d'une culture et d'action orientée vers le marketing et la vente se traduisent par des modifications de l'interface entreprise-clients. L'objectif est de favoriser l'établissement d'une relation dans la durée par opposition à l'ancienne considération de la transaction au coup par coup (Sérieyx et Azoulay 1996 ; Shapiro & Varian, 1998). Dans le cadre du Business to Business la permanence et la qualité de la relation avec un fournisseur constituent depuis longtemps des valeurs en soi, aussi importantes, si ce n'est plus, que la valeur des produits (Munos, 1999). Par contre, le Business to Consumer restait largement focalisé vers le marketing de masse. Ceci évolue, car c'est bien à travers les activités interpersonnelles aux points de vente que le consommateur perçoit la valeur de l’offre.

L’avantage compétitif de n’importe quel produit ne peut être achevé qu’en différenciant à la fois les attributs techniques du produit et ceux du processus interpersonnel (Levitt, 1983 ; Mc Kenna, 1991 ; Narver et Slater, 1990). Avec le développement des NTIC, de nouvelles possibilités d'interface et d'échanges avec les clients s'offrent aux entreprises. Parce que ces propositions paraissent génératrices de valeur, la troisième question de recherche est donc :

Quelles influences ont les mutations/évolutions internes sur la relation clientèle?

• 4ème axe d'investigation : Pour ne pas se contenter d'attirer des clients mais pour bâtir des relations avec eux, il faut considérer que la relation client-fournisseur s'intensifie après la vente et qu'elle contribue à déterminer le prochain choix de l'acheteur (Levitt, 1983). Sans compter que l'existence de notion de réseaux et d'interaction au marketing relationnel accentue ce phénomène (Gummeson 1994, 1994). Ainsi, une distinction entre les activités traditionnelles du marketing (publicité, promotion, ventes) et la gestion des contacts de vente avec le client s'impose. Mais, parallèlement, pour susciter et renforcer la bonne performance commerciale interactive, il s'agit de concevoir une interface marketing performante fondée sur une véritable culture du service client. C'est elle qui conduira à vers un réel marketing interactif (Bergadaà et Laaroussi, 2001). Ainsi, la quatrième question de recherche est :

Se dirige-t-on vers de nouvelles formes de capitalisation de marque ou vers une accentuation du marketing relationnel ?

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4 - Le choix de cas multisites

Les recherches naturelles tentent de réconcilier les impératifs des responsables d’entreprises ayant peu de temps à consacrer à la recherche et ceux des chercheurs qui souhaitent recueillir des données riches de sens. Ce type de recherche réclame des échantillons de petite taille. En effet, la méthode (qu'elle soit de type ethnologique ou phénoménologique) doit permettre l'émergence des “ lois ” ou de “ raisons ” sous-jacentes au phénomène. Dans ce contexte, le nombre de cas à réaliser pour atteindre les objectifs de travail défini se pose. On peut reprocher au cas unique le manque de généralisation possible, ainsi que la difficulté à valider les concepts. On peut reprocher aux études multisites le caractère superficiel des similitudes et des différences de cas souvent descriptives. Comme nous avons considéré la possibilité de comparaison comme seul élément susceptible de permettre une conclusion de type prescriptif, nous avons opté pour la réalisation de multicas sur la base des mêmes axes d'investigation (cf.

§ 3). Mais nous travaillons avec des équipes indépendantes de réalisateurs, toutes formées de deux étudiants, qui sont en mesure de comprendre en profondeur le cas qui leur est confié et proposer finalement des schémas de conceptualisation.

La taille exacte de l'échantillon dépend de l'équilibre recherché entre un besoin de compréhension en profondeur du phénomène et un besoin de définition de bases de comparaisons (Glaser et Strauss, 1967). Ici, le critère formel est celui de la saturation des données obtenues (Romano, 1989 ; Eisenhardt, 1989). Il s'agirait d'arrêter le nombre de cas réalisé lorsque tout ajout de nouveau cas devient marginal par rapport à sa contribution à la connaissance. Mais cette situation idéale ne se produit que lorsque la méthode des cas est utilisée par des chercheurs fondamentaux et/ou pour la réalisation d'un doctorat. Nous avons, dans notre recherche, une contrainte de temps précise qui nous conduit à définir d'emblée le nombre de cas. Nous avons donc retenu le conseil d'Eisenhardt (1989) de réaliser entre quatre et dix cas.

La structure de l'échantillon est établie en fonction des critères qui permettent de comparer les cas à la toute fin du travail. Les critères sont donc les suivants (Hlady Rsipal, 2002, chap. 4)

- Le critère de représentativité théorique permet de vérifier que chaque cas d'entreprise retenu est bien en situation significative par rapport au thème central de la recherche. Ici, toutes les entreprises devaient vivre, et mettre en œuvre, une mutation majeure. Nous avons interrogé au préalable chacun des dirigeants afin de vérifier ce critère. C'est d'ailleurs eux qui ont choisi la situation spécifique significative de ce vécu de mutation qui sert de matière au cas réalisé

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- Le critère de variété permet de s'assurer comment aborder un phénomène complexe de mutation de manière suffisamment diversifiée pour aboutir à un faisceau de propositions.

Nous avons souhaité vérifier si tout type d'entreprise était touché par ces mutations, ou si ces dernières avaient des impacts différents selon les secteurs d'activité. Nous avons introduit ce critère en représentant dans l'échantillon les secteurs : biens industriels, informatiques, automobile, distribution de biens culturels, grande distribution, biens pharmaceutiques, secteur bancaire et grande consommation.

- Le critère du potentiel de richesse des données permet de s'assurer que l'on ne restera pas à un état superficiel de recueil des données. Ici, nous n'avons pas souhaité réduire les cadres décisionnaires des dirigeants qui allaient fournir les données mais, au contraire, ouvrir au plus de situations décisionnelles possibles. C'est la taille de l'entreprise qui nous est apparue comme étant potentiellement un facteur influençant la liberté décisionnelle des dirigeants. Nous avons donc sélectionné : une PME familiale, trois directions de filiales avec une grande autonomie de la direction, quatre multinationales, une coopérative et un service public.

- Le critère de l'équilibre permet de vérifier qu'il n'y a pas d'unités sur représentées dans les conclusions. Nous avons introduit ce critère en retenant l'origine culturelle des entreprises qui semble influencer les modes de managements et attitudes des dirigeants mais, également, de l'ensemble du management (Hostede,1991 ; Schneider et Barsoux 1997 ; Kotter et Heskett, 1992). Trois entreprises étaient strictement suisses avec un marché suisse, deux étaient des filiales suisses d'entreprises étrangères, deux étaient des sièges mondiaux de multinationales installés à Genève. En contrôle, nous avons ajouté une entreprise Suisse mais multinationale, et un consultant international agissant en Suisse (Andersen).

Notre panel était ainsi composé de : Baume & Mercier, Caterpillar Overseas SA, FNAC, Coopérative Migros Genève, Groupe PP Holding (anciennement "Pharmacie Principale"), Procter & Gamble, Télévision Suisse Romande, UBS SA.

5 - Les objectifs des cas

Une phase d'enquête préliminaire permet d'établir les objectifs des cas qui guident la recherche des informations. Ce canevas de recherche permet d'éclairer la logique intrinsèque du cas : il

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16 relie les questions de recherche aux conclusions du cas. De plus, les dirigeants d'entreprises et les chercheurs détiennent ainsi une forme de contrat qui indique clairement le pourquoi du cas et ce qu'il est supposé investiguer. Certes, une telle manière de procéder relève davantage d'une approche déductive, telle que défendue par Yin (1989, chap. 3), dans la définition du protocole de recherche avant recueil de données que d'une recherche issue d'un contexte de découverte.

Néanmoins, ces objectifs sont importants car ils permettent de centrer l'intérêt des réalisateurs qui pourraient facilement se laisser submerger par un très grand nombre d'informations. Ajoutons que cette fiche d'objectifs n'est pas rigide et qu'elle est le plus souvent précisée, et parfois modifiée, lors de la réalisation du plan synoptique (cf. §7).

Nous inscrivons le mode opératoire de clarification des objectifs du cas dans le cadre des impératifs suivants :

- La définition des objectifs généraux précise l'intérêt attendu du cas. Formulés en phrases simples, ces objectifs définissent l'intérêt majeur que représente le cas. Permet-il d'illustrer un concept spécifique ? De faire analyser une problématique nouvelle ? De critiquer une démarche ou une action stratégique de l'entreprise ? Etc. Nous limitons le nombre de ces objectifs à deux, car l'expérience a montré que la couverture d'un champ trop large d'investigation risquait de se solder par une dilution des points névralgiques et par une certaine superficialité. Si la matière à étudier est riche, on décide le plus souvent de transformer certains objectifs de manière spécifique comme ci-dessous. Si un objectif est réellement indépendant de la problématique centrale, il faut parfois envisager la réalisation d'un nouveau cas.

- La définition des objectifs spécifiques permet de disséquer le contenu de la problématique du cas. Une formulation simple permet de répondre à des questions telles que : Quels faits spécifiques interviennent au niveau de chacun des problèmes particuliers relevés ? Ces problèmes particuliers permettent-ils d'illustrer un concept spécifique ou d'autoriser l'analyse d'une nouvelle problématique ? Etc. Plusieurs objectifs spécifiques peuvent concourir à l'atteinte de l'objectif principal. Ils peuvent également être ordonnés hiérarchiquement, de manière à ce que l'atteinte de l'un d'entre eux soit prérequis à la mise en œuvre d'un second.

- L'usage de verbes d'action est préconisé car c'est lui qui permet de vérifier d'emblée que le cas ne se cantonnera pas à une formulation descriptive d'une situation spécifique. Il sera au contraire conçu d'emblée comme tout à fait dynamique. Que le cas en soit un de découverte, d'analyse, de critique, que certaines de ses parties soient elles-mêmes de type

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17 découverte, analyse ou pratique, ceci est reflété par l'usage des verbes d'action. Ainsi, dans l'exemple de l'annexe 1 les expressions verbales utilisées sont : "Montrer", "Illustrer" ou

"Fournir les éléments", et celles de l'annexe 2 : "Inscrire", "Analyser", "Suggérer" et

"Montrer". On conçoit tout de suite que le second cas sera davantage prescriptif que le premier.

- Le contrôle de la formulation des objectifs correspond à une "validité d'apparence"

("face validity") qui permet au chercheur expérimenté de bien vérifier avec les réalisateurs des cas que ce dernier sera réalisé conformément aux mobiles initiaux pour lequel il a été initié. Parfois, les réalisateurs ont de la difficulté à prendre du recul par rapport au cas et il faut procéder par questionnement de type maïeutique pour leur permettre de générer ces objectifs à partir de la connaissance qu'ils ont de la situation.

Les annexes 1 et 2 présentent des exemples de fiches d'objectifs pédagogiques.

6 - Les entretiens en profondeur et leur analyse de contenu

Avant leur premier entretien avec les responsables de l'entreprise sélectionnée, les réalisateurs regroupent les articles, sites Internet, rapports d'activité, données financières, etc., la concernant. Ce type de dossier permet d'avoir une bonne connaissance de l'entreprise où sera réalisé le cas, avant même que débutent les entretiens préliminaires. Un index chronologique des sources d'informations recueillies sera ensuite tenu à jour afin de faciliter la constitution du dossier spécifique. L'organisation de ce type de dossier, relevant du mode de travail de chacun, ne peut pas bénéficier de conseil spécifique en la matière. Par contre, il convient de rappeler la nécessité de relever précisément la source d'où émanent ces documents, à des fins de vérification de validité de l’information, et afin de pouvoir la citer ultérieurement dans le cas. Par ailleurs, il est judicieux de conserver les originaux et de travailler sur la base de photocopies.

En ce qui concerne les experts interviewés, la qualité des résultats obtenus dépend essentiellement de celle de choix des types de décideurs. Il était important que tous soient de véritables acteurs de changement dans leur entreprise. Par ailleurs, au niveau structurel, les mêmes règles de bases que pour la constitution de l'échantillon d'entreprises s'appliquent (Bergadaà, 1990). Ainsi, dans l'étude présente, les personnes interviewées ont été identifiées par les responsables de l'entreprise en fonction de leur aptitude à pourvoir s'exprimer en termes de changement de métiers et des mutations de clients finaux. Au sein de chaque entreprise, étaient représentés : un dirigeant ayant des responsabilités stratégiques, une personne chargée d'implanter des Intra/extra/Internet de l'entreprise (pas au niveau informatique), un responsable

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18 au niveau clientèle et vente. Le nombre de vingt-trois personnes s’est avéré adapté au type de cette recherche, car il a permis de ne pas perdre en représentativité qualitative ce qui aurait été gagné en représentativité strictement numérique.

Les personnes suivantes ont ainsi contribué de manière active à l'élaboration des propositions de recherches présentées dans les pages suivantes : Directeur Général Groupe PP Holding, Directrice PP Pharmacie Principale SA, Directeur Visilab et Audilab Holding SA, Directrice Groupe PP Services SA, Human Ressources Director Procter & Gamble, New Channel Development Procter & Gamble, Ingénieur Commercial Procter & Gamble, Directeur UBS SA, Directeur associé, Clientèle de placement UBS SA, Conseiller clientèle UBS SA, Directeur Général Société Coopérative Migros Genève, Directeur commercial Société Coopérative Migros Genève, Responsable des Ressources Humaines Migros Genève, Directeur Administratif & Financier Baume & Mercier, Capital Intellectual Manager Caterpillar Overseas SA, Global Brand Manager Caterpillar Overseas SA, Directeur Général FNAC Suisse, générale i-TSR Télévision Suisse Romande, Directeur du pôle i-TSR. Télévision Suisse Romande, Directeur Marketing Andersen, Senior Consultant Cap Gemini Ernst & Young, Business Consulting Andersen.

Dans la mise en œuvre de la méthode des cas, le chercheur n'est jamais totalement actif ou passif, puisqu'il est partie intégrante de la recherche au niveau du recueil des données et de leur analyse (Lincoln et Guba, 1985). Nous inscrivons le mode opératoire de la réalisation concrète des cas dans le cadre des actions suivantes :

- La préparation des entretiens se concrétise par une structuration préalable via un questionnaire ouvert défini pour couvrir les différents thèmes à aborder, comme dans tous les entretiens de type "structuré". Les entretiens sont centrés sur les quatre thèmes majeurs par rapport à l'objet de recherche (cf. §3). Par exemple, on s'interroge dans cette étude sur des thèmes que sont "l'impact des NTIC", "l'impact de l'Europe et de la mondialisation",

"l'impact de l'évolution du client final", "les mutations de la communication interne", de "la mutation du métier de l'entreprise", "la mutation de la composante Vente de l'entreprise".

L'ordre d'apparition des thèmes au cours de l'entretien n'importe pas, car la personne interrogée doit avoir le maximum de latitude pour exprimer ses raisons, motivations et attitudes.

- La conduite de l'entretien relève des usages pour les entretiens de type "non directifs".

Les personnes interrogées sont informées de ces thèmes afin d'éviter qu'elles ne se perdent dans de longs développements inutiles. Les entretiens débutent toujours avec un dirigeant

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19 dont le niveau hiérarchique permet le mieux d'appréhender la situation réelle. L'interviewer s'efforce d'être le plus neutre possible et ses questions sont toujours ouvertes pour procurer au répondant un maximum de liberté. Ceci permet, mieux que tout type d'entretien direct, l'émergence du contenu socio-affectif profond qui relie le sujet interrogé à l'objet d'investigation. En cours de réalisation du cas, l'objet des entretiens se précise et ces derniers sont menés au rythme d'entretiens structurés de plus en plus dirigés.

- L'enregistrement des entretiens permet une analyse de contenu réalisée sur la base de leur transcription. Le rapport de confiance établi depuis des années avec les dirigeants des entreprises concernées par la réalisation des cas les conduit à autoriser sans aucune réticence ces enregistrements. De plus, une fois l'entretien débuté, les personnes interrogées oublient l'appareil et se concentrent sur les interviewers qui peuvent adopter un comportement empathique : ce dernier est plus facile à emprunter quand on ne prend pas de notes écrites que lorsqu'on regarde sans cesse sa "copie".

- Pour compléter les entretiens, d'autres types de données sont utilisées, comme : l'observation du terrain, les données internes primaires, les données internes secondaires, les données externes primaires, les données externes secondaires. Ces données servent de miroir à l'analyse compréhensive des interviews. Un mouvement dialectique d'analyse permet ainsi à l'analyste, procédant alternativement à une analyse globale et à des analyses spécifiques, de dégager peu à peu le sens profond des messages, de comprendre la relation dynamique des éléments relevés en considérant les autres faits connus, puis d'en vérifier la validité en revenant à la structure descriptive de base (Churchill et Wertz, 1985).

- Une analyse compréhensive de contenu, est d'abord effectuée. En écoutant et réécoutant les bandes magnétiques et en lisant et relisant leur transcription écrite, l'analyste s'imprègne de chaque texte et peut distinguer clairement le cadre général et les raisons particulières exprimées par les personnes interrogées (Garfinkel, 1967). Son processus inductif lui permet d'extraire de chaque entretien des portraits synthétiques individuels (une à deux pages) qui éclairent la logique des raisons personnelles qu'ont les acteurs de la situation vécue. Bien que les entretiens se déroulent autour de quelques thèmes préalablement choisis, l'ordre d'apparition et l'importance relative de chacun d'entre eux est du ressort des personnes interviewées. Par conséquent, il faut procéder, au moment de la rédaction de chaque portrait synthétique, à un regroupement des idées fournies, puis à un ordonnancement "logique" de thèmes. Ceci facilite l'analyse structurelle ultérieure.

- Une analyse structurelle de contenu est ensuite effectuée. L'objectif visé par cette

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20 procédure est de bâtir la structure commune aux individus (Lévy-Strauss, 1962). C'est à travers elle que les différences individuelles peuvent se manifester. Pour chaque thème, les interviews sont regroupées. La vision globale de l'échantillon par thème traité est ainsi dégagée. À cette étape, la perspective individuelle est totalement perdue afin de n’avoir qu'une vue d'ensemble de chaque thème. Chaque thème étant ainsi isolé il faut, en dernier lieu, établir les liens existant entre chacun, de façon à dépasser le stade de description et atteindre une meilleure compréhension de la dynamique de l'ensemble.

7 - Le plan synoptique

Une fois que l'on a analysé tous les éléments et extrait la signification de l'action collective, la rédaction du document final va pouvoir commencer. La méthode d'écriture choisie lorsque l'on procède par étude qualitative revêt une grande importance puisqu'elle doit refléter les dimensions induites de l'analyse, de manière simplifiée, mais non réductrice de la réalité analysée (Wolcott, 1990, Saval et Zartet, 1997). Ici, notre objectif est de faire comprendre, ressentir et percevoir la réalité de l'entreprise au lecteur. En aucun cas la rédaction du cas ne doit aboutir à une description d'une situation structurée et rigide, car le cas doit vivre, comme il vit dans la réalité. Pour refléter cette complexité de la vie de l'entreprise avec réalisme, un plan synoptique est rédigé.

Le plan synoptique est le lien entre les objectifs définis et la réalité de l'entreprise reproduite par la rédaction finale du cas. Son objectif est de vérifier que le lecteur peut atteindre les objectifs établis précédemment (cf. § 5), donc que le cas comporte toutes les informations, et seulement les informations nécessaires et suffisantes, pour atteindre ces objectifs. Le plan synoptique intègre ainsi tous les éléments – ou indices – qui permettent aux lecteurs de comprendre la situation exposée. Les indices peuvent se situer à tout endroit du cas, à condition toutefois qu'ils ne soient pas les uns à la suite des autres puisque, dans la vie réelle des entreprises, ils ne sont jamais ordonnés. Notons que pour un cas final d'environ 20 à 40 pages, le plan synoptique devrait en comporter le cinquième, soit environ 5 pages.

Nous inscrivons le mode opératoire de la méthode de la rédaction du plan synoptique dans le cadre des actions suivantes :

1) Le rédacteur du cas établit tout d'abord un plan général du cas, ou plus exactement une table des matières de ses différentes parties et sous-parties. En reprenant ce plan général du cas, il place les faits (les indices) à différents endroits. Il s'agit de bâtir la trame du plan

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21 synoptique comme s'il bâtissait celle d'un roman policier. Ainsi, la place tenue dans le corps du texte par divers facteurs sera éclairée en fonction de leur importance relative telle que comprise par les acteurs du cas. Mais, comme dans la réalité, ces différents facteurs ne sont pas ordonnés mais bien imbriqués les uns dans les autres.

2) Ce plan synoptique établit le lien avec les objectifs pédagogiques (cf. § 5). La manière la plus simple de procéder est de contrôler en parallèle la feuille des objectifs pédagogiques et le plan synoptique, en se munissant d'un surligneur.

- Si le rédacteur voit qu'il manque un fait ou un tableau qui permettrait au lecteur de faire la liaison entre plusieurs étapes logiques de l'analyse, il s'assure auprès de l'entreprise qu'il lui sera possible de les intégrer.

- Si le rédacteur s'aperçoit que tous les indices sont regroupés de façon trop nette, il cherche à les situer à des endroits différents.

- S'il se rend compte qu'une partie des phrases ou des faits n’est pas surlignée après le contrôle de tous les objectifs principaux et spécifiques contrôlés, il se demande en quoi leur maintien dans le texte est nécessaire. Certes, la réalité est complexe, mais la raison d'être du cas est justement de la raconter de manière simplifiée sans pour autant devenir réductionniste.

3) Ce plan synoptique établit également le lien avec la réalité de l'entreprise qui sera reproduite par la rédaction finale du cas (cf. § 9). Si nous faisons l'analogie classique avec un corps humain, le plan représente le squelette de celui-ci. Il deviendra plan "synoptique", c'est-à- dire articulé par la déposition des "indices" (indications, tableaux, arguments, etc.) dans chacune de ses parties et de ses sous-parties. La vérification du plan synoptique permet de contrôler qu'il n'y a pas d'élément accessoire qui a été introduit et qui constituerait autant de

"graisse" inutile. Lorsque la rédaction interviendra (cf. § 9), elle consistera à placer des muscles sur cette armature. La forme et la force relative de la rédaction donneront au cas sa véritable stature. Il ne restera plus qu'à peaufiner le cas par le lissage de l'écriture et de l'éditing.

4) Le plan synoptique est validé par l'expert externe - qui est en l'occurrence le professeur - afin de s'assurer que la subjectivité des enquêteurs ne prime pas sur le cas en lui-même.

L'étape d'évaluation du plan synoptique par le professeur-chercheur prend le plus souvent la forme d'une négociation avec les réalisateurs. Il arrive que les objectifs doivent être modifiés, simplement parce que les personnes interviewées se sont ouvertes et parlent davantage à partir du 2ème entretien ; et surtout parce que les étudiants-enquêteurs savent mieux ce qu'ils cherchent et posent des questions plus pointues. Un cas est quelque chose

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22 de vivant qui évolue au cours de ces multiples rencontres créatrices de sens. C'est de l'aller-retour "objectifs <--> plan synoptique" que naîtra le cas définitif.

L'annexe 3 présente un exemple de plan synoptique.

8 - La note de synthèse

Il y a entre "note de synthèse" et "cas écrit et finalisé", la même relation qu'il y a entre "objectifs"

et "plan synoptique". La seule différence est qu'entre "objectifs" et "plan synoptique" le chercheur se comporte comme un architecte définissant les dimensions et les plans d'attaque du design de cas. Le travail entre "note de synthèse" et "cas écrit et finalisé" en est un de romancier. C'est de cette relation d'aller-retour avec aménagement de l'un et l'autre de ces documents que naîtra sa production.

C'est au stade de la note de synthèse que le lien avec la théorie va être établie. En référence aux propositions de Lévi-Strauss (1962) et de Weinstein et Weinstein (1991), on peut considérer que, d'un statut de "flaneur-bricoleur", le réalisateur va devenir un "bricoleur" à part entière. C'est en effet à cette étape pré-rédactionnelle que le réalisateur sera en mesure de faire une proposition qui se situe entre l'image de la réalité et le concept. Il va induire, et construire, une proposition enracinée à la fois dans les faits et dans la théorie. En outre, la note de synthèse fait clairement basculer l'enquêteur d'un rôle d'analyste chercheur à celui de communicateur. En effet, il ne s'agit plus d'exprimer ce que l'on a ressenti à l'étude du cas, mais de se mettre à la place de son lecteur pour essayer de lui communiquer ce vécu. Il faut donc - et ce n'est pas toujours facile - se détacher du cas et le considérer comme un produit externe à soi. Et, justement, la note de synthèse permet de prendre du recul et de faciliter ensuite la rédaction du cas.

Comme in fine, l'ensemble des notes de synthèses devra pourvoir se prêter à comparaison dans le cadre de la réalisation de multicas, nous adoptons une structure standardisée. Nous inscrivons le mode opératoire de la rédaction de la note de synthèse dans le cadre de l'agencement de ses paragraphes :

1) Contexte du cas :

- Situer le cas avec unité de temps et d'espace, acteurs, problématique, par rapport au contexte économique, social et de management (premier paragraphe).

- Indiquer l'Intérêt général du cas, tel que formulé à peu près dans la fiche "objectifs"

(second paragraphe).

(24)

23 2) Contenu du cas :

- Décrire les objectifs généraux et spécifiques en expliquant comment, dans le cas on les rencontre (paragraphes 3, 4, 5, 6)

- Préciser les paradoxes, risques et dangers que la "théorie des livres" ne semble pas expliquer mais que, justement, le cas permet d'illustrer (paragraphe 7)

3) Ouverture du cas :

- Poser une question finale sur laquelle le cas n'apporte pas de réponse, mais au contraire incite à s'interroger (paragraphe 8).

L'annexe 4 présente un exemple de note de synthèse.

9 - La rédaction du cas

Un plan synoptique bien charpenté et une note de synthèse solide procurent la vision générale, à la fois analytique et synthétique, du produit final que sera le cas rédigé. S'ils ont été correctement établis et validés, la rédaction à proprement parlé du cas ne prend ensuite que quelques heures. La raison pour laquelle nous avons insisté sur la rigueur de ces étapes préalables, est qu'elle rassure les rédacteurs - qui sont souvent novices - et les autorise à oser se détacher du caractère analytique de la situation pour réaliser un produit littéraire. Ce dernier permettra à des lecteurs externes de l'étudier et se faire une idée personnelle de la situation.

La production d'un écrit va être la transmission de son interprétation faite par le chercheur. Il ne faut pas confondre, en matière d'écrit, la rhétorique et la stylistique. On peut considérer que la rhétorique est le lien qui existe entre le contenu de la pensée d'un auteur qu'il souhaite exprimer et les moyens argumentaires qu'il va utiliser pour le communiquer. La stylistique, en s'attachant aux précédés narratifs traduira la personnalité de l'auteur.

Rappelons-nous que la rhétorique, du grec rêthôr (“orateur”), est enseignée depuis l'Antiquité comme l'art du discours, de la plaidoirie et de la littérature. Selon Aristote, elle était “l'art de persuader et de bien dire”. La rhétorique est une symbiose entre le produit de la pensée et le produit exprimé aux autres, entre ce qui est "notre" et ce qui devient "autre". Parce qu'il est axé sur la prise de décision et l'action (cf. §2), le type de récit que nous préconisons est à la fois de type littéraire (avec pour objectif de transmettre une émotion) et de type formel (avec pour but de générer, tester, généraliser des théories), comme proposé par Van Maanen (cité par Hlady Rispal, 2002, chap. 8).

Nous inscrivons le mode opératoire de la conception rhétorique du cas final dans le cadre des

(25)

24 impératifs suivants :

1) Il ne s'agit pas d’étudier un cas, mais de s'imaginer en train d'écrire un roman.

L'organisation générale de l'écrit doit donc respecter les règles de base de l'écriture des romans. Il y a toujours :

- Une situation initiale dans laquelle se trouvent les héros (acteurs du cas). La situation est calme.

- Un élément (ou plusieurs) perturbateur(s) intervien(nen)t. Les héros décident et agissent. Ils s'adjoignent un ou des alliés (adjuvants), et se dotent de moyens présumés de résolution des problèmes.

- Une série plus ou moins longue d'épreuves historiques sont présentées. Dans ces épreuves, il y a bien sûr des adversaires (indices mis en clair) que le lecteur doit découvrir), des adjuvants et des moyens qui se coordonnent plus ou moins heureusement, de manière plus ou moins complexe selon les cas.

- L'épreuve finale intervient avec, normalement, possibilité de la surmonter pour les acteurs (sauf dans les cas graves, tels "Andersen", où les "héros" étaient mal préparés car trop indépendants).

- Il n'y a bien sûr pas une seule solution, mais autant d'articulations possibles de données, qu'il y a de décideurs potentiels.

2) Il s'agit ensuite de respecter les unités de temps et d'espace.

- Le déroulement du cas doit être logique, et les informations doivent s'enchaîner clairement en étant situées dans le temps les unes par rapport aux autres. Rien n'est plus difficile à lire qu'un cas brouillon et mal aéré.

- Le rédacteur doit également vérifier que la présentation des acteurs du cas ne prête pas à des spéculations subjectives de la part du lecteur.

3) Le maquillage des données confidentielles et sensibles doit être effectué en plein accord avec les dirigeants de l'entreprise concernée. Il convient de s'assurer que ce maquillage ne nuit pas à la compréhension du cas.

4) Le rédacteur du cas peut souhaiter présenter ses propres analyses ou ses hypothèses de travail. Elles seront alors placées préférablement dans un additif spécifique, mais jamais dans le corps du texte qui doit être totalement neutre pour ne laisser la place qu'à la force des idées.

La stylistique, est le lien qui s'exprime entre la personnalité de l'auteur et les mots qu'il use pour le dire. C'est le lien entre la personne et le type de signifiants qu'elle va utiliser. Rien

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25 n'empêche un auteur d'exprimer beaucoup de personnalité dans les cas qu'il rédige. Il est donc difficile de donner des conseils généraux en matière de stylistique car cette dernière est intimement liée à cette personnalité (Buffard-Moret, 1998). En règle générale, il est toutefois admis dans les sciences de la gestion, l'usage d'un style rédactionnel classique. Nous avons inscrit le mode opératoire de la caractéristique de style du cas final dans le cadre des actions suivantes :

1) Le style rédactionnel doit être en accord avec l'objectif du cas. Par exemple, le secteur bancaire est calme, secret, lisse. Il vaudrait mieux choisir un style sobre, peu de références à des personnes fictives, mais à des indicateurs objectifs, à des articles de presse de type économique, etc. Une PME pourra constituer un milieu "chaud" de problèmes humains pour lequel des portraits d'acteurs serait un mode de communication approprié. Tout dépend donc de l'ambiance culturelle et situationnelle que l'on veut traduire dans le cas.

2) Le style d'écriture doit demeurer sobre. Tout détail inutile aux objectifs pédagogiques du cas ou à la compréhension de la situation est à éliminer. Les faits cités doivent refléter l'objectivité de l'intermédiaire avec la réalité qu'est le rédacteur. Le cas doit être écrit dans un excellent français avec un vocabulaire utilisé avec rigueur et précision.

3) Pour la conclusion, une simple question finale (implicite ou explicite) suffit le plus souvent.

Par exemple : L'entreprise va-t-elle s'en sortir, si oui comment ? Les acteurs seront-il à la hauteur des défis actuels et futurs ? etc.

4) Les annexes doivent permettre de laisser le lecteur vérifier les informations qu'il souhaite approfondir. Il n'y a pas de limite de taille aux annexes.

10 - Le contrôle et la validation du cas

Dans toute étude qui se respecte, il faut vérifier la solidité des propositions formulées avant de la communiquer ; a fortiori avec les méthodes qualitatives qui sont toujours suspectées d'être trop "subjectives". La solidité d'un travail de cette nature s'évalue par la réponse à la question : est-ce que la compréhension que l'on tire de la lecture du cas est en adéquation avec la réalité que l'on a voulu représenter ?

Le contrôle d'un cas est effectué tout au long de son processus de génération au travers de la relation étroite qui unit les réalisateurs, les chercheurs et les responsables en entreprise.

L'usage des critères formels d'évaluation de la production de recherche permet de vérifier que

(27)

26 l'on ne va pas générer de fausse connaissance mais, au contraire, susciter de nouveaux développements.

Nous inscrivons le mode opératoire de la vérification de la solidité conceptuelle et pragmatique du cas final dans le cadre des impératifs suivants, adaptés des propositions quantitatives :

- La fidélité est le souci de ne pas introduire de facteur aléatoire dans un instrument de mesure. En recherche qualitative, l'instrument étant le réalisateur lui-même, la fidélité se conçoit par la question : "Différents réalisateurs auraient-ils émis les mêmes propositions ?"

Cette exigence de fidélité implique que le réalisateur soit capable de vérifier l'absence de biais personnels dans le choix des éléments constitutifs du cas mais, de plus, qu'il puisse avec rigueur distinguer les faits situationnels des dimensions historiques constituant le cas.

Cela implique que le réalisateur soit donc capable de vérifier le réalisme de ses écrits, tout autant que son degré d'abstraction conceptuelle. Pour s'assurer en permanence de la fidélité de cette traduction d'une certaine réalité, nous n'avons pas trouvé de meilleure proposition que de faire réaliser les cas par des équipes de deux personnes. Ainsi peuvent- ils en permanence exercer leur intersubjectivité pour contrôler la solidité de leur compréhension mutuelle.

- La validité de construit est le degré avec lequel on peut être sûr que l'étude s'applique à rechercher réellement ce qu'elle est supposée chercher. La question à se poser ici est : Le design permet-il d'éliminer les biais qui pourraient empêcher d'accéder à l'essence du phénomène étudié ? En sus des entretiens qualitatifs, il est primordial de croiser les informations par l'analyse de données factuelles et objectives durant la réalisation (Cf. § 6).

Mais le principal problème que nous rencontrons en période de mutation est que, parfois, les changements vont extrêmement vite. Il advient ainsi qu'un design mis en place pour étudier un phénomène donné, capture de fait les premiers balbutiements d'une réalité en devenir. Pour fonder cette validité de construit, nous avons défini les objectifs explicites (cf.

§ 5) qui sont vérifiés tout au long de la réalisation du cas. S'il s'avère que d'autres "réalités"

émergent lors de l'étude, il est toujours envisageable de définir un nouveau design et de procéder une autre réalisation de cas.

- La validité interne s'attache au degré avec lequel le cas finalisé correspond effectivement au phénomène que l'on a voulu étudier. La question à se poser est : dans quelle mesure le document final est-il articulé avec précision et finesse sur les éléments constitutifs authentiques ? Pour contrôler autant que possible cette validité interne, nous avons défini le plan synoptique (cf. § 7) qui est contrôlé par des experts externes. Finalement, pour

(28)

27 vérifier le caractère d'authenticité du produit final, nous envoyons chaque cas aux dirigeants des entreprises concernées en leur posant par écrit les questions ouvertes suivantes : Pensez-vous que l'analyse que vous venez de lire soit fidèle à votre entreprise

? Y a-t-il des points dans ce cas que vous voudriez modifier ? Y a-t-il des points que nous n'avons pas mentionnés et que vous pensez utile de préciser ? Y a-t-il des points auxquels nous avons accordé trop d'importance ? Si d'autres personnes que nous, avaient réalisé ce cas avec votre concours, son contenu aurait-il été différent ?". Suite à ces contrôles, des modifications peuvent encore se produire et le cas peut devoir être en partie réécrit ou reformulé.

- La validité externe est considérée, théoriquement, comme une caractéristique du cas qui permet aux réalisateurs de répondre à la question : Dans quelle mesure le cas de l'entreprise x pourrait-il être celui de l'entreprise y ou z qui lui ressemble ? Il s'agit donc de vérifier que ce que les réalisateurs proposent dans un cadre spécifique d'analyse est généralisable à d'autres entreprises. Mais, lorsque l'on s'intéresse au changement, ce caractère perd de sa consistance. En effet, il ne s'agit pas de proposer des décisions qui seront applicables à un ensemble d'entreprises mais, au contraire, de rechercher les faits rares, significatifs qui sont source ou déclencheur de mutations. C'est la reconnaissance de cette spécificité qui confère au cas son caractère prescriptif (cf. § 2).

11 - La synthèse des cas et ses implications

Cette dernière étape va permettre d'utiliser pleinement le potentiel des multicas, c'est-à-dire de procurer une base de comparaison. Après avoir analysé le cas des huit entreprises de notre panel, toutes représentatives de leurs secteurs d'activité, nous avons analysé un par un les éléments de notre modèle. Ainsi, la relation de l'entreprise à l'environnement, puis les mutations de l'organisation et des hommes, le projet de mutation du métier central et enfin la détermination d'une nouvelle stratégie de marque et d'une "proximité client" accrue, ont permis d'induire de nouvelles propositions conceptuelles et pratiques.

Nous inscrivons le mode opératoire de cette synthèse dans le cadre des étapes suivants : - L'extraction des paradoxes de chaque cas permet de mettre en évidence les éléments

significatifs par rapport à l'objectif de l'étude et des questions posées en début d'étude. La confrontation des cas permet quant à elle de comprendre quels sont finalement les ressorts de toutes les mutations en cours ; que ces mutations soient dans les entreprises ou dans leur environnement, au niveau macro comme au niveau micro, dans la réflexion comme dans la mise en œuvre (cf. annexe 5).

(29)

28 - La mise en œuvre d'un groupe de focus final entre les dirigeants des entreprises

impliquées dans la réalisation des cas permet de valider de manière croisée les risques que les acteurs eux-mêmes donnent des évolutions et révolutions en cours (Bergadaà, 1998).

- La rédaction d'un discours fondé sur de propositions d'action et de réflexion aboutit à des propositions fortes ayant l'agrément de tous. Ce sont ces résultats qui ensuite soumis aux critiques des reviews de conférences et de journaux scientifiques.

12 - Conclusion

La méthode des cas que nous mettons en œuvre permet chaque année à une vingtaine d'étudiants de découvrir et mettre en œuvre une grande variété de méthodes qualitatives en quelques mois. Ils apprennent à réaliser des interviews, à observer des situations de terrain, sont fréquemment invités à visiter des sites, à participer à des réunions de direction, etc. Ils doivent s'adapter à cet environnement complexe d'une entreprise en situation de bouleversement rapide.

Mais ils doivent aussi apprendre à analyser des données objectives, à réaliser des analyses de contenu, à valider leurs propositions. S'ils sont finalement enchantés de l'expérience, ils la trouvent également difficile. En effet, d'un statut plutôt passif d'étudiants en gestion, ils doivent se transformer en ethnologues, en architectes et finalement en romanciers, tout en ne perdant jamais de vue la rigueur scientifique et l'exigence de la précision qui nous anime. Mais, s'ils trouvent tous l'expérience ardue sur le plan intellectuel, ils se déclarent tous mûris de ces mois de relation intense avec cette réalité à la fois concrète et fluide de l'entreprise.

En tant que chercheurs, si nous travaillons avec des équipes d'étudiants qui réalisent la phase de terrain, c'est essentiellement pour des raisons de recherche de la plus grande fiabilité possible du cas. En effet, ils n'ont pas d'a priori, pas de biais, et aucun intérêt qui les conduirait à interpréter de manière systématiquement orientée les données mises à disposition de leur compréhension.

Parce qu'ils ont cette authenticité première dans l'approche du travail, tout biais qui leur aurait été volontairement ou involontairement communiqué par le terrain se révèle naturellement. Les différents allers-retours entre les aspects conceptuels et pragmatiques, entre les chercheurs et les étudiants, les étudiants et les managers, éclairent toutes les incohérences éventuelles. Il n'y a pas une étape isolée de contrôle de la validité d'"apparence" par un expert, mais bien une évaluation continue tout au long de la réalisation.

Ainsi y a-t-il moins de risque d'être subjectif en réalisant des cas qu'en réalisant des études quantifiées… La raison est simplement que le chercheur utilisant des méthodes quantitatives travaille souvent seul dans son laboratoire jusqu'à la toute fin de son étude. A contrario, tout au

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