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L'utilisation de contenus visuels par des ONG pour générer de l'engagement : le cas de Greenpeace

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Master

Reference

L'utilisation de contenus visuels par des ONG pour générer de l'engagement : le cas de Greenpeace

BISE, Sébastien

Abstract

Ce mémoire de master s'intéresse aux caractéristiques d'une image publiée sur les réseaux sociaux, permettant à une organisation de susciter auprès du public un intérêt à s'engager dans le soutien de celle-ci ou de ses projets. Le travail se base sur le cas pratique de l'organisation environnementale Greenpeace, très présente sur les plateformes numériques.

Nous supposons qu'un contenu visuel sera plus engageant dès lors qu'il fait intervenir les émotions du public et que ce dernier se sent concerné par la problématique véhiculée. Pour mener à bien cette recherche, l'analyse s'est effectuée à deux niveaux : une analyse de contenu afin d'observer quelles sont les caractéristiques d'une image lui conférant une valeur engageante – ainsi que la mise en place de focus groups, dans le but de comprendre quels sont les mécanismes qui sous-tendent un engagement auprès du public.

BISE, Sébastien. L'utilisation de contenus visuels par des ONG pour générer de l'engagement : le cas de Greenpeace. Master : Univ. Genève, 2020

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:139779

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Remerciements

Je tiens tout d’abord à remercier le Dr. Philippe René Amez-Droz pour son suivi, sa disponibilité et sa réactivité tout au long du processus de création de ce travail. Ses remarques, conseils et apports ont été d’une grande valeur.

Je remercie également tout spécialement Isaline pour son soutien moral et ses encouragements constants, ainsi que pour son aide sans faille dans l’écriture et la relecture de ce travail. Merci pour le temps si précieux que tu as consacré à ce manuscrit.

Un grand merci également à mes parents pour leur soutien et leur disponibilité dans la relecture de ce travail, ainsi qu’à Cécile, dont les commentaires et corrections m’ont été d’une grande aide. Merci d’avoir pris un rôle dans l’élaboration de ce mémoire et d’avoir mis du cœur à l’ouvrage.

En outre, je remercie grandement tous les participants aux focus groups. Merci pour le temps que vous avez mis à disposition de cette recherche, la motivation et l’énergie dont vous avez fait preuve, ainsi que l’honnêteté que vous avez manifesté dans vos réponses. Merci à chacun d’entre vous qui vous êtes également adaptés aux circonstances difficiles auxquelles nous avons dû faire face, nous ayant conduit à la réorganisation des entretiens, engendrant certaines complications.

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Table des matières

1. Introduction ... 1

2. Problématique ... 2

3. Hypothèses ... 3

4. Cadre théorique ... 4

4.1. Théorie des usages et gratifications ... 4

4.2. Les images en publicité ... 4

4.3. Les représentations sociales ... 6

4.4. Attitude et comportement ... 8

4.4.1. Le modèle RIM (Reflective-Impulsive Model) ... 10

4.4.2. Modèle de l’attitude duelle ... 11

4.4.3. Modèle APE (Associative-Propositional Evaluation Model) ... 11

4.4.4. Modèle méta-cognitif (MCM) ... 12

4.5. Processus d’influence sociale et traitement de l’information ... 13

4.5.1. Modèle de Greenwald ... 15

4.5.2. Modèle de probabilité d’élaboration ... 15

4.6. Communication engageante ... 17

4.7. Économie de l’attention ... 19

4.8. Typologies de donateurs ... 21

5. Méthodologie ... 23

5.1. Analyse de contenus ... 23

5.1.1. Corpus et objet d’étude ... 23

5.1.2. Grille d’analyse ... 24

5.2. Focus groups ... 25

5.2.1. Corpus et objet d’étude ... 25

5.2.2. Question 1 : Engagement et soutien ... 27

5.2.3. Question 2 : Problématiques ... 27

5.2.4. Question 3 : Proximité avec le contenu ... 28

5.2.5. Grille d’analyse ... 30

6. Analyse ... 32

6.1. Analyse de contenus ... 32

6.1.1. Analyse qualitative ... 32

6.1.2. Analyse quantitative ... 64

6.2. Focus groups ... 72

7. Conclusion ... 86

7.1. Limites du travail ... 87

7.2. L’impact des médias dans le processus décisionnel ... 88

8. Liste de références ... 89

9. Bibliographie ... 94

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Annexe 1 : Contenus classés selon la date de publication ... 96

Annexe 2 : Classement selon l’engagement obtenu ... 99

Annexe 3 : Synthèse et classement des contenus ... 102

Annexe 4 : Guide des focus groups ... 103

Annexe 5 : Liste des participants aux focus groups ... 104

Annexe 6 : Recensement des réponses ... 105

Annexe 7 : Retranscription des focus groups ... 106

Focus group 1 : 21.04.2020 ... 106

Focus group 2 : 23.04.2020 [en ligne] ... 125

Focus group 3 : 26.04.2020 ... 143

Focus group 4 : 28.04.2020 [en ligne] ... 164

Focus group 5 : 28.04.2020 [en ligne] ... 187

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1. Introduction

Aujourd’hui, on voit revenir dans les débats de nombreuses thématiques visant une meilleure gestion ou protection de l’environnement dans lequel on vit. Que ce soit pour lutter contre le réchauffement climatique, pour la consommation de produits régionaux ou pour le réaménagement d’espaces naturels, différents mouvements se mettent en place, à l’image des diverses grèves pour le climat que l’on voit de plus en plus se développer (ClimateStrike, 2020). Cette prise de conscience et cette volonté de protéger notre habitat n’est toutefois pas récente, et des organisations luttent depuis des dizaines d’années afin que notre planète soit préservée. C’est le cas notamment de Greenpeace, organisation non gouvernementale s’engageant dans la protection et la diversité de l’environnement, qui existe depuis maintenant près de 50 ans (Greenpeace, 2020). Si cette lutte pour préserver notre planète des agissements de l’Homme peut sembler inspirée, force est de constater que les moyens sur lesquels compte Greenpeace rendent cette quête presque illusoire. Effectivement, comme mentionné sur son site internet, Greenpeace (2020) est financée exclusivement par des dons, remettant ainsi son destin entre les mains des citoyens de notre planète.

Dès lors, le calcul est simple : si les citoyens ne donnent pas de leur personne – en effectuant des donations – pour que des projets puissent être mis en place afin de sauvegarder notre environnement, rien ne pourra être fait. Ainsi, les donations du public constituent le piller de l’organisation, qui se doit de faire de leur récolte une priorité, afin d’être en mesure de mettre en pratique les promesses annoncées. Le problème de la préservation de l’environnement se trouve donc projeté sur un autre front : celui de la communication. L’organisation se doit de signifier au public son existence et ses projets, en vue de récolter des donations. Cette communication, de nos jours, passe notamment par l’utilisation des plateformes digitales. La présence sur les réseaux sociaux des entreprises et des organisations n’est effectivement plus à démontrer. Cette migration vers les outils digitaux s’explique notamment par l’impact positif que ces plateformes peuvent avoir sur la publicité ou la communication desdites organisations (Grandmontagne, 2017). Les réseaux sociaux ont également un pouvoir non négligeable dans le phénomène d’engagement et de mobilisation des internautes (Bergeron, 2017). Outre l’engagement, c’est un aspect bien précis de l’utilisation des réseaux sociaux dans la communication qui va nous intéresser dans le cadre de ce travail, l’utilisation de contenus visuels. Ceux-ci constituent une matière première pour des réseaux sociaux tels qu’Instagram ou Pinterest, qui se développent en effet davantage sur l’aspect visuel que textuel des publications. L’utilisation de telles plateformes pour une organisation permet au public d’assimiler de l’information plus rapidement, les images simplifiant le traitement qu’effectue notre cerveau (Lacaze, 2017). Si l’image semble constituer un support idéal pour véhiculer un message, il convient dès lors de s’interroger quant à l’impact qu’un contenu visuel peut avoir dans la communication d’une organisation souhaitant obtenir des donations du public afin de poursuivre ses buts.

Les réseaux sociaux représentent donc une réelle valeur pour toute organisation cherchant à engager son public : outre l’intérêt de l’utilisation d’images, sur ces plateformes, dans la communication en vue de simplifier le traitement que devront effectuer les internautes, c’est également tout le phénomène de l’engagement et de la mobilisation qui est facilité.

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Ce sont là des caractéristiques vérifiées des réseaux sociaux, il sera donc intéressant d’étudier l’impact que peut avoir l’image sur de telles plateformes où l’engagement et la mobilisation semblent facilités, conduisant in fine à un soutien du public de quelque sorte que ce soit envers l’organisation et ses buts.

2. Problématique

De nos jours plus que jamais, l’image est au cœur de notre société et le sens de la vue est des plus sollicités (Tissier-Desbordes, 2004). Nous voyons de nombreuses images au quotidien, et vivons dans une « culture de l’information visuelle » (Schroeder, 2002, p.3). Avec le développement des technologies de l’information et de la communication, c’est toute la société qui a évolué. Au cœur de cette évolution, on retrouve la production et la consommation d’images (Schroeder, 2002). Ainsi, la culture de notre société tourne aujourd’hui autour du visuel, et si les réseaux sociaux le mettent beaucoup en avant, notamment avec des plateformes telles qu’Instagram ou Pinterest, toutes les stratégies marketing se doivent de s’adapter à ce format.

On retrouve beaucoup de contenus visuels dans la communication des organisations non gouvernementales. Ces contenus visuels permettent d’ouvrir les yeux du public sur une problématique, en lui montrant le caractère urgent de la cause qu’elles défendent. Ils ont la particularité de focaliser l’attention du public sur deux éléments : l’urgence, et l’importance des dons (Ferenczy, 2005). Ainsi, si les images offrent l’avantage pour le public d’assimiler de l’information plus rapidement (Lacaze, 2017), elles permettent également de mettre en évidence des problèmes bien précis. Ces contenus font donc partie des stratégies marketing des ONG, qui y voient l’opportunité de réduire la distance et le temps séparant le public de la cause défendue (Ferenczy, 2005).

C’est précisément ce dernier point qui va nous préoccuper dans le cadre de ce travail.

Tout changement de comportement passe d’abord par une étape d’exposition à un message (Moser, 1998), suivie d’une étape de réception et de traitement de celui-ci.

Dans le cas présent, c’est le contenu visuel qui véhicule le message. Si nous avons vu que les images ont un réel intérêt dans la communication, il s’agira ici de comprendre quelles caractéristiques d’une image permettent à une organisation d’attirer l’attention du public et de susciter chez lui un intérêt à soutenir l’organisation et ses projets. Nous étudierons donc dans quelle mesure un message véhiculé au travers d’un contenu visuel permet de susciter de l’engagement auprès du public. La finalité de cet engagement est bien sûr la participation active aux buts de l’organisation par des dons, afin de soutenir et pérenniser les actions de celle-ci. Toutefois nous ne nous intéresserons pas à la nature et l’intensité de l’engagement final, mais plutôt aux facteurs qui amènent à faire naître un engagement.

Dans le but d’avoir un regard sur une organisation active sur les plateformes numériques, ce travail présentera une analyse pratique des contenus mis en ligne par Greenpeace sur les réseaux sociaux.

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3. Hypothèses

De cette problématique découlent diverses hypothèses. Dans le cadre de cette recherche, nous avons émis deux hypothèses, dont la première se divise en deux sous-hypothèses :

1. Un contenu visuel est plus engageant dès lors qu’il fait intervenir les émotions du public

a. Greenpeace utilise l’esthétique du message – plutôt que les arguments – pour susciter l’engagement du public.

Faisant référence au modèle de probabilité d’élaboration de Petty et Cacioppo qui sera présenté dans le cadre théorique de ce travail, cette hypothèse s’intéresse au traitement de l’information effectué par le récepteur du contenu. Un traitement par voie centrale, centré sur les arguments, n’aura pas la même finalité qu’un traitement par voie périphérique, centré sur l’attractivité ou la crédibilité de la source, ainsi que sur l’esthétique du message. Au-delà de l’émission du message et de la publication d’une image, cette hypothèse s’intéresse à la réception et la lecture de l’image par les internautes, ayant une influence sur l’engagement de celui-ci.

b. Greenpeace utilise des signes explicites dans ses contenus afin de maximiser l’engagement des internautes.

L’utilisation de signes permet à l’organisation active au niveau de l’environ- nement de maximiser l’impact de ses contenus. Roland Barthes (1964) af- firme qu’« en publicité ces signes sont pleins, formés en vue de la meilleure lecture » (p.40). Les signes présents dans une image permettent donc au public de comprendre le message véhiculé par le contenu, sans qu’aucun texte ne fournisse d’appui. Nous supposons que Greenpeace va donc mettre en ligne des contenus particuliers, présentant des signes explicites, et que cela aura une incidence sur l’engagement du public qui en découlera.

Cette hypothèse suppose, par extension, qu’un contenu présentant peu, voire pas de signes explicites, suscitera moins d’engagement.

2. Un contenu visuel suscite de l’engagement dès lors qu’il met en évidence une problématique concernant le public.

Le public s’engagera plus facilement dès lors qu’il perçoit un lien de proximité avec une image. Cette proximité peut être géographique : un contenu visuel dont la problématique se situe à proximité d’un individu l’incitera plus à s’engager que si le visuel marque une distanciation géographique. Cette hypothèse prend également en compte une proximité liée à une identification par sympathie : on s’identifie à la personne ou l’objet mis en évidence sur l’image parce qu’on a une similitude. Cette similitude peut être liée à de nombreux éléments tels que le genre, une caractéristique personnelle (maladie, catégorie socio-professionnelle, etc.), voire même des aspirations. La proximité, bien que perceptible sous différents angles,

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4. Cadre théorique

4.1. Théorie des usages et gratifications

Afin de saisir pleinement la manière dont les plateformes numériques sont exploitables par les organisations dans le but de générer un engagement du public, il est indispensable de comprendre quelle(s) utilisation(s) en font les consommateurs. Ainsi, la première théorie à prendre en considération dans cette recherche est celle des usages et gratifications. Celle-ci se caractérise par une approche différente dans l’étude de la consommation des médias, puisqu’elle s’intéresse non pas aux effets qu’ont les médias sur le public, mais à ce que font les individus avec les médias. Cette théorie fonctionnaliste se sort d’une forme de média-centrisme, tourné exclusivement vers les effets des médias, pour s’intéresser au consommateur et à son utilisation active de ces-derniers. L’utilisateur cherche in fine à en retirer des satisfactions liées à des besoins psychologiques ou psychosociologiques (Proulx, 2005). L’audience n’est ici plus passive, car elle n’est pas perçue comme subissant les effets des médias, mais elle est active (Jouët, 2000). Ainsi, on ne peut pas parler d’une audience qui soit active sans considérer l’appropriation d’une technologie par l’usager. Josiane Jouët (2000) nous explique que « l’appropriation se construit dans la relation avec l’objet de communication et l’usage comporte donc de facto une dimension cognitive et empirique » (p.502). S’approprier un objet ou une technologie selon l’auteure nécessite donc de comprendre la logique à l’œuvre derrière celui-ci, d’en intérioriser les codes, et de développer une habileté pratique.

Aujourd’hui, à l’ère du numérique et des plateformes digitales, il est important de comprendre comment les internautes s’approprient ces plateformes et quelle(s) utilisation(s) ils en font. Christine Balagué et David Fayon (2016), dans leur ouvrage Facebook, Twitter et les autres… Quels réseaux sociaux pour votre entreprise ? développent l’usage que font les internautes de ces réseaux sociaux. Ils relèvent notamment une étude de Michel Forsé – directeur de recherche au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) –, qui affirme que « les jeunes ont un usage des réseaux sociaux plutôt tourné vers l’extérieur, tandis que leurs aînés sont recentrés sur les réseaux de proximité familiaux et géographique » (p.43). Si ces utilisations sont différentes, c’est parce que les gratifications qui sont recherchées ne sont pas les mêmes. On comprend ainsi que dans l’utilisation des plateformes numériques, ce sont principalement les jeunes qui expriment une ouverture vers l’extérieur, cherchant ainsi à connaître et découvrir de nouvelles personnes. On peut donc s’imaginer qu’il s’agira pour une organisation de toucher principalement ces individus-là, ceux-ci étant ouvert à de nouvelles connaissances par leur utilisation de ces plateformes. Intéressons-nous dès lors à ce qui constitue la matière-première des réseaux sociaux tels qu’Instagram ou Pinterest : les images.

4.2.Les images en publicité

Si l’on en croît Paul Messaris, les images sont utilisées en publicité pour amener un sentiment de réalité auprès du public. Celui-ci, lorsque confronté à des photographies ou des vidéos, se retrouve en interaction directe avec des personnes ou des lieux dans le monde. En outre, les outils visuels vont exposer au spectateur la preuve que ce qui lui est montré existe (Messaris, 1997). Cette idée de l’image comme porteuse et représentante d’une réalité est fortement ancrée dans l’étymologie du mot image. On peut en effet distinguer deux origines de ce terme :

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1. Dans la langue latine, c’est le terme imago qui a donné naissance à l’image. Il fait notamment référence à l’effigie, la représentation ou le portrait. Toutefois, celui-ci désigne également une similitude ou le reflet d’un miroir. En ce sens, on retrouve cette idée qu’une image, telle que perçue dans la langue latine, consiste en la projection d’une réalité matérielle (Grand Dictionnaire Latin, 2020).

2. En grec, plusieurs termes renvoyaient à la notion d’image telle qu’on la connaît aujourd’hui. Ils distinguaient précisément deux mots faisant référence à ce concept :

a. Eidôlon : c’est un visuel qui véhicule de l’illusion. Provenant de eidon (εἴδω en grec ancien) qui signifie voir (Grec Desmyter, 2020), ce terme fait appel au monde du visible et manifeste l’idée de voir. Il s’agit d’un objet que l’on voit, mais qui n’est en réalité qu’une illusion, un double (Vocabulaire Européen des Philosophies, 2020). Dans le langage courant, le terme était utilisé pour désigner l’apparence, notamment des dieux qui n’existaient qu’en image (Saïd, 1987). Ce terme renvoie à la notion d’idole.

b. Eikon : c’est un visuel qui véhicule une reproduction conforme. Ce terme associé à l’image ne fait pas appel à l’apparence de l’objet, mais à la similitude perceptible entre l’image et l’objet (Vocabulaire Européen des Philosophies, 2020). On parle ici dans le langage courant de la représentation de Dieu (Saïd, 1987). Eikon renvoie à l’icône.

Ces deux termes sont à l’origine de la distinction qui s’opère entre d’un côté l’idole – représentation d’une divinité sous une forme matérielle (image, statue), qui est l’objet d’un culte d’adoration – et d’un autre l’icône – signe qui est dans un rapport de ressemblance avec la réalité extérieure (Larousse, 2020). On constate ainsi que dès son origine, le concept d’image, que celle-ci soit sous forme d’idole ou d’icône, fait appel à la représentation de la réalité, comme Paul Messaris l’affirmait. L’exploitation de cet outil dans la communication n’est donc rien de plus qu’une adaptation numérique d’un concept existant depuis de nombreuses années. Les images auxquelles nous nous intéresserons dans ce travail sont celles qui ont la fonction d’icône (eikon), les idoles ne nous intéressant que peu. En effet, nous concentrerons notre attention uniquement sur le concept de l’image cherchant à établir un rapport de ressemblance avec la réalité extérieure par une reproduction conforme.

Ainsi, comme mentionné précédemment, une icône fait référence à un signe ayant un rapport de ressemblance avec la réalité. Il nous est donc important de définir ce qu’est un signe, pour saisir pleinement le concept d’icône. Saussure définit le signe comme une entité psychique possédant deux faces : le signifié et le signifiant (Lo Piparo, 1991). Le signifiant, constitue la face sonore du signe, alors que le signifié correspond au concept (Depecker, 2000). Ainsi, un signe est une combinaison de ces deux éléments, l’un correspondant au concept (signifié) et le second faisant référence à l’image acoustique (signifiant). Lorsque l’on parle de signifiant, on pense à la forme matérielle d’un concept, c’est-à-dire ce qui est associé à nos cinq sens : on peut le voir, le sentir, le toucher, l’entendre ou le goûter. Le signifié représente quant à lui le concept mental qui est associé (EsDifferent, 2020). Lorsque nous pensons à un objet, nous pensons au travers de concepts (Depecker, 2000).

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Dans le cadre de ce travail, nous nous intéressons aux concepts qui agissent sur les pensées des internautes lorsqu’ils sont confrontés à un contenu visant un engage- ment. Nous nous intéressons donc aux signifiants que l’on retrouve dans ces images et qui renvoient à des signifiés. Pour ce faire, il convient de comprendre comment ces signifiants sont construits, afin que les concepts sous-jacents à un contenu visuel puissent être interprétés de manière correcte par le public. Pour ce faire, il est essentiel de développer ce que sont les représentations sociales et comment elles s’élaborent, afin de comprendre comment les contenus visuels sont confectionnés.

4.3. Les représentations sociales

Une représentation sociale, nous dit Denise Jodelet, est « une forme de connaissance, socialement élaborée et partagée, ayant une visée pratique et concourant à la construction d’une réalité commune à un ensemble social » (Deswarte, E., 2005, paragr. 3). Ce concept permet de comprendre comment des individus se représentent le monde autour d’eux. Denise Jodelet (2003) affirme que ces représentations sociales sont importantes pour comprendre notre réalité de tous les jours, être à même de l’interpréter et, ce faisant, de prendre de bonnes décisions. Elle ajoute également que ces représentations sociales « circulent dans les discours, sont portées par les mots, véhiculées dans les messages et images médiatiques, cristallisées dans les conduites et les agencements matériels ou spatiaux » (p.48). L’auteure prend dans son ouvrage l’exemple du sida. Elle révèle notamment les théories élaborées par les individus, dès lors que les recherches biologiques ne permettaient pas de clarifier la nature de cette maladie. Ainsi, en fonction des données à disposition, différentes hypothèses se sont formées, avec des incidences directes sur les conduites des individus, que ce soit dans leurs relations intimes ou dans leurs liens avec les personnes affectées (Jodelet, 2003). Si les hypothèses émises ne sont pas le sujet de ce travail, il reste toutefois intéressant de comprendre le processus qui a conduit à l’élaboration de ces théories.

En effet, lorsque le VIH est apparu, il était incompris par le public et a donc entraîné une certaine crainte des individus qui voulaient le comprendre, le maîtriser et surtout apprendre à s’en défendre. Ce contexte d’incertitude, autant du côté des citoyens que du côté des sciences, a favorisé l’expansion de représentations qui ont également été reprises par les médias. Ces représentations, nous dit Denise Jodelet (2003),

« s’étayent sur des valeurs variables selon les groupes sociaux dont elles tirent leurs significations comme sur des savoirs antérieurs réactivés par une situation sociale particulière – et nous verrons qu’il s’agit là de processus centraux dans l’élaboration représentative » (p.52). Elles ne sortent donc pas de nulle part, mais se basent sur notre système de pensée, nos connaissances scientifiques, notre condition sociale, ainsi que sur notre sphère d’expérience privée ou affective (Jodelet, 2003).

On comprend alors au travers de cet exemple l’importance des représentations sociales pour comprendre un phénomène sortant de l’ordinaire. Exposés au VIH, les individus étaient contraints de comprendre sa provenance et ses caractéristiques, en tâchant de s’en faire une représentation, pour être en mesure de s’en défendre. On peut opposer ces représentations sociales aux connaissances scientifiques de par le fait que celles-ci sont considérées comme des « savoirs de sens communs » ou

« savoirs naïfs » (Jodelet, 2003, p.53). Toutefois, notons que ces représentations restent très intéressantes comme objet d’étude, de par leur importance dans la vie sociale ou les clarifications apportées aux processus cognitifs ou aux interactions sociales (Jodelet, 2003).

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Tout comme Ferdinand de Saussure établissait que le signe se compose d’un concept et d’une image acoustique, indissociable l’un de l’autre, Serge Moscovici (2004) établit qu’une représentation possède également deux faces indissociables : la face figurative et la face symbolique. La face figurative correspond à une image perceptible, elle porte la signification, et correspond donc au signifiant, alors que la face symbolique fait référence au sens de l’image, au signifié (Moliner, 2008). Moscovici (2004) ajoute que « les processus mis en jeu […] ont pour fonction à la fois de découper une figure et de la charger d’un sens, d’inscrire l’objet dans notre univers, c’est-à-dire le naturaliser, et de lui fournir un contexte intelligible, c’est-à-dire l’interpréter. Mais ils ont surtout pour fonction de doubler un sens par une figure » (p.64). La figure permet donc d’insérer un objet dans un contexte, afin que celui-ci prenne un sens. Ainsi, comme le précise Pascal Moliner (2008), la figure naît d’un processus d’objectivation, alors que le sens découle d’un processus d’ancrage dans un contexte précis.

Maintenant que l’on comprend ce que sont les représentations sociales et comment elles se forment, il est de rigueur de comprendre quel est leur rôle dans la communication. Pascal Moliner (2008) affirme que les représentations sociales permettent d’élaborer des systèmes de croyances, offrant la liberté de communiquer au travers d’images. Cela signifie que dans l’élaboration ou l’interprétation d’une image, les représentations sociales ont un pouvoir important, puisque ce sont elles qui vont orienter le public (Moliner, 2008). Moliner distingue trois niveaux d’analyses : 1. Perceptif : ce niveau suggère d’une part que l’iconographie, donc la représentation

graphique d’un objet, procède à un phénomène de figuration. Cela signifie que l’icône se met à la place de l’objet qu’elle désigne. D’autre part, ce niveau suggère également que l’icône est capable de susciter des émotions chez le public. En outre, l’icône, au niveau perceptif, se veut ambigüe afin que le spectateur doive attribuer un sens au contenu visuel (Moliner, 2008).

2. Cognitif : ce niveau implique que l’image devienne mentale, c’est-à-dire qu’elle

« correspond à une représentation mentale évocatrice des qualités sensorielles d’un objet absent du champ perceptif » (Carnets 2 Pscho, 2020, paragr. 1). Une image mentale suscite des raisonnements comparables à ceux émis en cas de perception directe d’un objet ou d’un phénomène. Notons que pour que cela soit possible, la fonction sémiotique d’un individu doit être suffisamment développée pour que celui-ci soit à même de mettre en lien les concepts de forme et de sens (Moliner, 2008).

C’est en se développant qu’un enfant va développer cette fonction sémiotique qu’il exploitera de façon de plus en plus large (Fondation Jean Piaget, 2020).

3. Symbolique : un niveau symbolique est nécessaire pour qu’une image mentale puisse être associée à une signification. Un savoir commun est essentiel pour que la communication entre un producteur de contenu et le public puisse s’établir.

Moliner (2008) prend l’exemple des représentations picturales du mythe pour justifier l’importance de ce savoir commun, indispensable pour que l’auteur de l’œuvre puisse y insérer des éléments iconographiques d’une part, et d’autre part pour que celle-ci puisse prendre sens aux yeux du public au moment de l’interpréter.

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Didier Courbet et Marie-Pierre Fourquet-Courbet (2005) ont analysé l’impact des processus psychologiques dans la création de contenus publicitaires. Ils mentionnent tout d’abord que ces théories implicites – car elles sont parfois appliquées de manière inconsciente – basées sur les représentations sociales, sont cruciales dans l’élaboration de contenus médiatiques. Comme le mentionne Kover (1995), les concepteurs de contenus vont élaborer leur message, puis le tester avec un "public idéal", qu’ils s’imaginent en eux-mêmes. Cette notion de voix interne est reprise et retravaillée par Didier Courbet et Marie-Pierre Fourquet-Courbet (2005) qui parlent de

« moi du créatif en cours de création » (p.68). Ils distinguent plusieurs voix internes au concepteur qui vont intervenir durant l’élaboration d’un message ou d’un contenu ; notamment celle de l’internaute-récepteur. Cette voix permet au producteur de contenu de faire parler un récepteur en utilisant les représentations mentales qu’il possède de lui. Cela lui permet d’élaborer un contenu qui, selon ses représentations, correspond aux désirs des consommateurs. Différentes voix vont intervenir au cours de du processus de création, utilisant constamment les représentations sociales, afin d’élaborer un contenu qui soit de qualité (Courbet & Fourquet-Courbet, 2005).

Pour que le message soit bien compris par le destinataire, il faut offrir à ce-dernier des outils afin qu’il puisse le décoder aussi justement que possible. L’utilisation de signes permet à un créateur d’orienter l’interprétation du public au sujet d’un contenu. En présentant un concept au récepteur, celui-ci pourra en déduire le sens, en lien avec le contexte d’émission du message. Toutefois, si le créateur et le récepteur d’un contenu ne partagent pas de connaissances en commun, alors cet outil de décodages qu’est l’utilisation de signes ne peut plus s’appliquer. C’est pour cela qu’au vu des théories explicitées, les représentations sociales sont présentes et essentielles dès la création d’un contenu. Ces savoirs partagés permettent au créateur d’un contenu visuel d’utiliser des signes pertinents dans son message, afin que le public puisse le comprendre et l’interpréter de la bonne manière.

Ces éléments théoriques nous permettent de comprendre toute l’importance que peut revêtir la création d’un message, celui-ci ayant besoin d’être décodé correctement et compris par le public. Mais si l’émetteur souhaite que son message soit compris par le public, c’est parce qu’il cherche à obtenir des comportements qui lui soient favorables.

Cela nécessite donc de comprendre ce qu’est un comportement, et dans quelle mesure il peut être influencé.

4.4.Attitude et comportement

Si le changement de comportement est le but ultime des organisations cherchant un soutien financier par des donations, celui-ci ne peut pas être étudié sans s’intéresser aux processus qui lui sont sous-jacents. Il nous incombe donc de comprendre quels sont les phénomènes ayant des conséquences directes sur le comportement d’un individu. Fabienne Michelik (2008) désigne l’attitude comme principal mécanisme influençant le comportement. Elle mentionne effectivement que « l’attitude est ce qui est supposé être derrière le comportement […] l’attitude serait une cause du comportement. Elle impliquerait donc une certaine tendance à l’action orientée vers l’objet d’attitude » (p.2). Comprendre ce qu’est l’attitude et son impact sur le comportement a donc une importance capitale dans ce travail puisqu’une relation attitude-comportement semble manifestement exister, bien que celle-ci ne soit pas clairement explicitée (Michelik, 2008).

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À la lumière de ces éléments, il semble indispensable de clarifier le concept d’attitude, afin de comprendre de quelle manière celle-ci peut impacter le comportement d’un individu. Donner une définition de l’attitude n’est toutefois pas aisé. Bien que de nombreux auteurs aient apportés des explications différentes à cette notion, certains éléments de définition se retrouvent chez chacun d’entre eux (Tafani & Souchet, 2001) :

1. Tous s’accordent sur le fait qu’une attitude est impossible à observer, puisqu’il s’agit d’un processus interne à un individu. Bien que certains outils permettent de mesurer l’attitude explicite d’un individu vis-à-vis d’un objet – et non de l’observer –, ceux-ci souffrent de certains biais, notamment le biais de désirabilité sociale, et ne permettent en outre pas d’accéder à l’attitude implicite de l’individu, celle dont il n’est pas conscient, et qu’il n’est donc pas en mesure de contrôler et de verbaliser (Girandola & Fointiat, 2016).

2. S’il existe bel et bien un caractère observable à l’attitude, celui-ci se trouve dans l’évaluation des réponses qu’obtient un individu face à un objet. Dans cette optique, l’individu observe un objet et l’évalue, selon ses aspects positifs ou négatifs. Il retirera de cette évaluation des réponses positives ou négatives, selon l’objet observé (Tafani & Souchet, 2001).

3. Ces réponses peuvent se classer en trois catégories : cognitives, affectives et comportementales. Les réponses cognitives font référence aux croyances d’un sujet concernant l’objet, les secondes traitent des émotions ou des sentiments liés à l’objet, et finalement les dernières s’intéressent aux comportements induits par l’objet. Des croyances positives vis-à-vis d’un objet peuvent induire des émotions ou des sentiments positifs, ainsi qu’un comportement favorable à l’objet en question. Ainsi ces trois catégories distinctes se trouvent, d’une certaine façon, liées entre elles (Girandola & Fointiat, 2016).

Si l’on en croit Fabien Girandola et Valérie Fointiat (2016), les attitudes revêtent un caractère essentiel dans la mesure où elles ont une influence sur notre perception du monde, notre façon de penser ou de nous comporter. On retrouve ainsi une conclusion similaire à celle de Fabienne Michelik (2008), mettant en avant l’importance du concept d’attitude dans l’étude d’un comportement. Mais si l’on se place maintenant du côté de l’émetteur du message, que cela signifie-t-il ? Une organisation peut-elle influencer le comportement d’un individu simplement en orientant positivement ses attitudes envers un objet ? Si oui, de quelle manière ?

Si l’on en croît David Vaidis (2006), il est effectivement possible d’influencer le comportement d’un individu en orientant ses attitudes vis-à-vis d’un objet. En usant de la manipulation persuasive, on peut modifier l’attitude d’un individu, et ainsi l’inciter à adopter un certain comportement. On retrouve cela sur la Figure 1. L’auteur prend l’exemple de la sécurité routière pour justifier ses propos : plus les automobilistes apprécient conduire à grande vitesse, plus il y aura de comportements à risques sur les routes ; c’est la situation de la Figure 1 en TEMPS 1, dans laquelle l’attitude A détermine le comportement C. Si une campagne de prévention routière – considérée par l’auteur comme de la manipulation persuasive – est mise en place, alors les conducteurs adapteront leur conduite suite au message reçu et rouleront de manière

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situation de la Figure 1 en TEMPS 2, dans laquelle l’attitude A’ détermine le comportement C’ (Vaidis, 2006).

Girandola et Fointiat (2016) développent eux aussi quatre modèles explicitant le développement d’un comportement sur la base de l’attitude.

4.4.1. Le modèle RIM (Reflective-Impulsive Model)

Dans ce premier modèle, le Reflective-Impulsive Model, Deutsch et Strack (2006) parlent du comportement social comme une fonction d’un système réflexif et d’un système impulsif, fonctionnant en interaction, mais chacun selon des calculs et des représentations différentes. Prenons chacun de ces deux systèmes plus en détails : Système impulsif

Ce système se base sur nos expériences passées ; il unit la stimulation perceptuelle aux schémas comportementaux basés sur nos expérimentations antérieures. Il recherche principalement le plaisir et l’évitement de la souffrance et est spécifiquement réglé pour s’assurer que nos besoins fondamentaux tels que la nutrition, l’hydratation ou le sommeil soient satisfaits. Ce système ne peut toutefois pas appliquer de concepts abstraits – comme la vérité ou le temps – tout comme il ne peut pas imaginer des plans d’actions n’ayant fait leurs preuves auparavant (Deutsch & Strack, 2006).

Ainsi, avec ce système, nos comportements découlent d’un lien associatif entre une stimulation perceptuelle et des éléments antérieurs mémorisés. (Girandola & Fointiat, 2016).

Système réflexif

Contrairement au système impulsif, le système réflexif est spécialisé dans l’élaboration de plans d’actions dans des situations inédites. Ce système se base sur des représentations symboliques, qui sont en réalités des représentations de concepts stockés dans le système impulsif. Il peut combiner des symboles avec des schémas relationnels (par exemple "c’est", "ce n’est pas", "fais confiance", etc.), ce qui nécessite de garder le sens des symboles tout en y ajoutant le nouveau sens qui découle de l’application de ces schémas relationnels. Si la décision d’adopter un comportement est prise, alors cela activera les schémas comportementaux adéquats dans le système impulsif afin qu’en découle un comportement apparent (Deutsch & Strack, 2006). Ce système réflexif est donc flexible, car il peut s’adapter à des situations encore inconnues, mais implique de ce fait une certaine lenteur et est soumis aux intentions de l’individu (Deutsch & Strack, 2006).

Figure 1 : Lien entre attitude et comportement (Vaidis, 2006, p.105)

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4.4.2. Modèle de l’attitude duelle

Ce modèle, développé par Wilson, Lindsey et Schooler (2000), postule que lorsqu’un individu change une attitude (attitude 1) en une autre (attitude 2), cette première attitude n’est pas remplacée, mais elle reste stockée dans sa mémoire. C’est ce que les auteurs appellent "dual attitude". Effectivement, en prenant l’exemple d’une joueuse de tennis améliorant sa technique de service, les auteurs expliquent qu’une habitude fortement ancrée peut être modifiée à la seule condition que la joueuse y prenne garde et concentre son attention sur cela. En cas de distraction ou de fatigue, la joueuse utilisera son ancienne technique de service, malgré qu’elle maîtrise parfaitement la nouvelle (Wilson, Lindsey & Schooler, 2000). Cet exemple permet de mettre en lumière la distinction entre une attitude implicite et explicite, les deux cohabitant et s’exprimant en différentes circonstances : une attitude implicite est automatisée, habituelle, alors qu’une attitude explicite s’extériorise uniquement lorsque l’individu a la motivation et la capacité cognitive à la réaliser. Les individus doivent donc être motivés à réaliser un processus coûteux de recherche en mémoire de leur nouvelle attitude explicite s’ils ne souhaitent pas que leur attitude implicite vienne influencer leur comportement (Girandola & Fointiat, 2016).

4.4.3.Modèle APE (Associative-Propositional Evaluation Model)

Le modèle APE défend l’idée qu’il existe deux processus distincts régissant l’esprit humain : un processus associatif et un processus propositionnel. Ce modèle s’inspire en partie du modèle RIM – développé par Deutsch et Strack (2006) et présenté précédemment – tout en l’agrémentant d’hypothèses concernant l’influence de la cohérence cognitive dans le raisonnement propositionnel ; c’est le principe de l’interaction mutuelle existant entre les processus propositionnels et associatifs (Gawronski & Bodenhausen, 2007). En effet, selon ce modèle, « après contact avec l’objet (« je vois un fruit »), une évaluation affective associative (« je n’aime pas ») se transforme en proposition (« je n’aime pas les fruits »). Le modèle APE étudie précisément les influences réciproques entre évaluations associatives et propositionnelles » (Girandola & Fointiat, 2016, p.13). Définissons ce que sont ces deux processus :

Processus associatif

Le processus associatif établit les bases d’une réaction affective immédiate vis-à-vis d’un objet. L’hypothèse défendue est qu’un individu aura des réactions affectives soit positives, soit négatives en réponse à un stimulus, selon les associations activées par ledit stimulus. Notons que ces associations peuvent tout de même être activées dans le cas où l’individu considère l’évaluation découlant de ces associations comme inexacte. On peut donc avoir un degré d’activation d’associations négatives élevé sur un sujet bien que l’on considère ces associations comme fausses (Gawronski &

Bodenhausen, 2007).

Processus propositionnel

Les processus propositionnels tendent à déterminer la validité des évaluations ou croyances en observant leur cohérence avec d’autres propositions. Gawronski et Bodenhausen (2007) affirment, en se basant sur les travaux de Deutsch et Strack (2006) présentés précédemment, que les individus définissent une proposition à partir d’une réaction affective à un objet ; si celui-ci a une réaction affective négative à un

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La caractéristique particulière de ces processus propositionnels réside dans le fait que ceux-ci – contrairement aux processus associatifs – sont concernés par la validation des évaluations ou croyances. Ainsi, une activation d’associations négatives peut se trouver invalidée par le processus propositionnel s’il y a une inconsistance avec ce que l’individu sait de l’objet concerné (Girandola & Fointiat, 2016).

Pour résumer la fonction de ces deux processus, on pourrait dire que le processus associatif vise à activer des associations au travers d’une évaluation affective d’un objet, alors que le processus propositionnel vise la validation de ces évaluations ou croyances (Gawronski & Bodenhausen, 2007). À la suite de ces deux processus, l’individu exprimera une attitude explicite vis-à-vis d’un objet, ce qui mènera à un comportement (Girandola & Fointiat, 2016).

4.4.4. Modèle méta-cognitif (MCM)

Pour élaborer ce modèle, Petty, Briñol et DeMarree (2007) se sont basés sur différents modèles, dont celui de l’attitude duelle explicité précédemment. Comme on peut l’observer sur la Figure 2, les auteurs ont repris les hypothèses établies dans plusieurs modèles, explicitant l’attitude pour fonder le modèle méta-cognitif, différent tout de même de ces derniers. Si le modèle méta-cognitif affirme que les objets d’attitude peuvent être évalués positivement et négativement, tout comme le postule le modèle de l’attitude duelle, celui-ci diffère dans le sens où il suppose que ces deux évaluations peuvent être simultanées. Ainsi, si une personne possède une association positive et une négative vis-à-vis d’un objet d’attitude, ce modèle conçoit que ces deux évaluations puissent s’activer conjointement en toutes situations (Petty, Briñol &

DeMarree, 2007). Sur ces deux évaluations activées, une sera étiquetée "fausse" à chaque situation. L’une des deux évaluations peut s’activer à tout moment, selon la robustesse de la relation avec l’objet (Girandola & Fointiat, 2016). Un second point permettant de différencier ce modèle de celui de l’attitude duelle est que celui-ci affirme que les attitudes stockées n’ont pas besoin d’être reconstruites à chaque situation (Petty, Briñol & DeMarree, 2007).

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En d’autres termes, et comme on peut l’observer sur la Figure 3 ci-dessous, d’après le modèle méta-cognitif, un individu va stocker des évaluations dans sa mémoire et n’aura pas à les reconstruire à chaque demande (Girandola & Fointiat, 2016) :

C’est donc l’activation d’une étiquette qui va, selon ce modèle, décider de l’attitude qu’un individu va adopter dans une situation particulière. Nous n’entrerons pas plus dans les détails de modèles explicitant l’attitude, toutefois il semble important de comprendre que l’attitude est un concept extrêmement complexe et vaste, qui a été traité à de nombreuses reprises par différents auteurs, permettant de mettre en lumière le rôle primordial de l’attitude dans l’expression d’un comportement. Mais lorsque l’on parle de comportement, il est un processus qu’il semble également important de traiter, celui de l’influence, permettant de comprendre de quelle manière les attitudes – et par conséquent les comportements – d’un individu peuvent être changés.

4.5.Processus d’influence sociale et traitement de l’information

On ne peut pas traiter de la question de l’engagement du public sans considérer les processus de persuasion. Ces processus sous-tendent tout changement d’opinion ou d’attitude, et il est donc nécessaire de les cerner dans le cadre de ce travail. Les études et la compréhension des processus de persuasion ne datent toutefois pas d’hier. Les Grecs de l’Antiquité, avec des auteurs tel que Aristote, sont les premiers à avoir avancé des éléments permettant d’appréhender les processus sous-jacents à la persuasion (Fointiat & Barbier, 2015).

L’école de Yale, avec des chercheurs tels que Hovland, Janis et Kelley, se sont intéressés aux variables conférant à un message une dimension persuasive. Cette théorie de la communication persuasive met en avant les changements d’opinons ou d’idées qui peuvent survenir chez les individus lorsque ceux-ci sont confrontés à un message persuasif. Ils développent trois variables distinctes (Joule, Halimi-Falkovicz

& Masclef, 2010) :

Figure 3 : Changement d'attitude selon le modèle méta-cognitif (Girandola & Fointiat, 2016, p.15)

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1. Les caractéristiques de la source, à savoir son degré de crédibilité ou de sympathie. Un message sera notamment d’autant plus persuasif que la source est considérée comme experte. Elle n’a pas besoin d’être réellement experte, mais doit du moins être considérée comme tel par le public. L’expertise peut aisément être induite par le port de vêtements, notamment, dont les attributs sont une référence à l’expertise. C’est le cas notamment de la blouse blanche (Fointiat & Barbier, 2015). Mais l’expertise n’est pas la seule caractéristique de la source pouvant influencer la portée persuasive d’un message. Effectivement, l’attrait de la source est également un élément qu’il est important de présenter. Avec un message identique, la dimension séduisante de la source va avoir un effet sur la persuasion d’un message, pour la raison que le public préfère s’identifier à une source séduisante (Fointiat & Barbier, 2015). Notons toutefois qu’une source manifestant de manière trop explicite son intention de persuader se verra perdre en efficacité, contrairement à une source considérée comme désintéressée (Walster &

Festinger, 1962). Ces divers éléments nous permettent de mettre en avant l’importance que constitue la source dans la portée persuasive d’un message. Si celle-ci n’est pas neutre, elle ne constitue toutefois pas l’entier de la valeur persuasive d’un message.

2. La construction du message, faisant référence au choix des arguments et leur disposition, aura également une influence sur la portée persuasive d’un message.

De nombreuses questions interviennent ici : doit-on privilégier l’appel à la raison ou l’appel aux émotions ? Doit-on répéter le message ? Les arguments présentés doivent-ils être unilatéraux (aller uniquement dans le sens de la position défendue) ou bilatéraux (présenter également la thèse adverse) ? Ces questions n’ont de réponse qu’au cas par cas ; effectivement, cela dépendra de la cible (Fointiat &

Barbier, 2015). Selon Fointiat et Barbier (2015), si la cible a peu de connaissances sur le sujet, celle-ci sera plus sensible aux arguments faisant appel aux émotions, ainsi qu’à un message unilatéral. Au contraire, une personne maîtrisant le sujet sera plus sensible à un argument faisant appel à la raison et à un message bilatéral.

3. Le contexte d’émission du message. Bien que les deux variables citées précédemment aient une influence déjà importante sur la portée persuasive d’un message, celles-ci restent toutefois incomplètes si le contexte d’émission du message n’est pas pris en compte. Il s’agit ici du choix du canal, élément indispensable dans la quête de persuasion. Si peu de recherches permettant de révéler l’efficacité de différents canaux ont été effectuées, on peut toutefois mentionner les travaux de Morgenzstern, qui a travaillé sur la mémorisation d’un message en fonction du canal. Il défend que chaque médium présente des caractéristiques différentes, entraînant un degré de mémorisation divergent. Ainsi, certains canaux semblent plus aptes à générer une mémorisation du message par le public que d’autres ; c’est le cas notamment du cinéma, dont le taux de mémorisation (symbolisé par la lettre β) est le plus élevé (Foucher, Le Blanc, Morgensztern & Vallaud, 2006). Tous les canaux ne sont donc pas similaires en termes d’effets et constituent un choix crucial dès lors qu’il y a émission d’un message.

Si ces trois caractéristiques sont indispensables pour qu’un message ait une portée persuasive, l’école de Yale ajoute toutefois que la persuasion opère en trois étapes.

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Tout d’abord, la cible de la persuasion doit être attentive au message. Elle doit ensuite le comprendre puis, en outre, l’accepter (Fointiat & Barbier, 2015). Sans ces trois étapes préalables, il ne peut y avoir mémorisation du message et changement d’attitude. Les travaux de l’école de Yale mettent en évidence les caractéristiques permettant à un message d’être persuasif. Il s’agit là d’éléments essentiels à connaître pour une organisation souhaitant obtenir un engagement – et donc une attitude favorable – de la part du public. Toutefois, une organisation cherchant à engager le public se doit de connaitre et être attentive aux processus de traitement de l’information. Alors que nous avons vu les éléments exerçant une influence lors de l’émission du message, il est important de nous intéresser à présent plus longuement à la réception par le public dudit message et le traitement qu’il en effectue. Nous développerons ici deux modèles présentant des caractéristiques diverses, mais permettant de bien comprendre quels sont les processus à l’œuvre lors de la réception d’un message. Contrairement aux processus d’influence sociale cités précédemment, ces modèles s’intéressent au changement d’attitude induit par le traitement du message effectué par le destinataire.

4.5.1. Modèle de Greenwald

Greenwald a développé la théorie des réponses cognitives. Celle-ci ne s’appuie non pas sur le message, mais sur les pensées et les réponses cognitives perçues après exposition à un message persuasif. Les réponses sont soit favorables, neutres ou dé- favorables ; en classant les réponses cognitives dans ces catégories, un individu peut analyser dans quelle catégorie la majorité des réponses se situe. Plus les réponses sont favorables, plus l’individu aura tendance à adapter son comportement aux arguments du message, et inversement en cas de réponses défavorables. Ainsi, dans ce modèle, le changement d’attitude provoqué par un message persuasif est analysé non pas du point de vue de la source, mais sous l’angle du traitement cognitif réalisé par le récepteur du message (Girandola & Fointiat, 2016). On a donc ici une emphase sur le récepteur, qui n’est pas considéré comme subissant les tentatives de persuasion de l’émetteur, mais procède à une activité de traitement du message.

4.5.2. Modèle de probabilité d’élaboration

Élaboré par Petty et Cacioppo, ce modèle ne s’intéresse pas tant à l’émission du mes- sage, mais plutôt à sa réception. Les auteurs ajoutent donc aux études sur la persua- sion la notion de motivation du récepteur. La probabilité d’élaboration « conditionne la nature des mécanismes de formation ou de changement d’attitude suivis par un individu soumis à une communication persuasive » (De Barnier, 2006, p.63). Petty et Cacioppo distinguent deux modes de traitement de l’information (Renard & Roussiau, 2007) :

1. Voie centrale

Cela signifie que le message est traité selon les règles aristoticiennes de la logique.

Le destinataire analysera donc en profondeur les arguments du message ainsi que leur disposition. De ce traitement de l’information par voie centrale découle un changement d’attitude basé sur des éléments logiques du discours, entraînant des attitudes plus stables et durables. Les auteurs considèrent ici le sujet comme actif, mobilisant ses connaissances préalables dans le but de juger la qualité des argu- ments qui lui sont fournis d’une part, de former des réponses cognitives adaptées au message d’autre part, et en outre d’assimiler les informations véhiculées par le

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2. Voie périphérique

Par opposition à la voie centrale, il y a ce modèle de traitement de l’information. Il s’agit ici pour un sujet d’examiner de façon plus superficielle les arguments du mes- sage. L’attitude ne se forme donc pas sur une évaluation de la logique et la cohé- rence des propos de l’argumentaire, mais plutôt à partir d’éléments périphériques, tels que l’attractivité de la source, sa sincérité, le nombre d’arguments présentés, etc. Ce modèle de traitement de l’information peut intervenir dans différents cas, notamment lorsque les individus souhaitent opérer une économie cognitive. Moins coûteux cognitivement, le changement d’attitude découlant de ce traitement par voie périphérique est toutefois moins consistant que lors du traitement par voie centrale, et donc plus sensible à une tentative de contre-persuasion. Ne s’appuyant pas sur les éléments logiques du message, ce modèle peut en outre mener à des biais de jugement (De Barnier, 2006).

Ainsi, le traitement par voie centrale permettrait un changement d’attitude plus consistant, mais nécessite une attention et des efforts cognitifs plus élevés que le traitement par voie périphérique. Ne pouvant systématiquement opérer un traitement par voie centrale, de par sa capacité de traitement limitée ou sa motivation trop peu élevée, le sujet est contraint de sélectionner les messages auxquels il souhaite octroyer son attention, acceptant de mobiliser des heuristiques pour les autres messages. Les heuristiques sont les raccourcis mentaux qu’opère le consommateur en analysant les éléments périphériques du message (De Barnier, 2006). Ces raccourcis peuvent le conduire à des biais de jugement. Selon l’effort consenti par le récepteur, celui-ci opérera soit un traitement du contenu du message, soit un traitement des éléments périphériques, mobilisant ainsi des raccourcis mentaux (De Barnier, 2006).

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Petty et Cacioppo énoncent en outre différentes variables influençant la motivation ou la capacité du sujet à traiter le message émis. On retrouve ainsi la pertinence personnelle, le besoin cognitif mentionné précédemment, la correspondance entre le contenu du message et les prédispositions fonctionnelles du récepteur, l’importance du produit, l’anxiété, la complexité du message, la distraction à laquelle est sujet le récepteur, la répétition du message, le canal de communication, l’expérience préalable du produit ou la connaissance et expertise du produit (De Barnier, 2015).

Les variables influençant le mode de traitement que va opérer le récepteur sont donc multiples, et doivent être prise en compte par toute personne ou organisation souhaitant inciter un changement d’attitude au sein du public. Dans le cas d’une recherche d’engagement de la part du public, une organisation telle que Greenpeace doit donc considérer que, selon les motivations ou la capacité de traitement du récepteur, celui-ci va opter pour l’un de ces deux modes de traitement du message. Si le traitement par voie périphérique semble plus facilement conduire à un changement d’attitude du récepteur, il faut toutefois garder en mémoire que ce changement d’attitude est moins stable dans le temps qu’un changement d’attitude découlant d’un traitement de l’information effectué par voie centrale.

Au-travers de ces différents modes de traitement de l’information, nous découvrons que la persuasion n’est pas un concept aisé à maitriser. Toutefois, le sujet ayant été étudié par de nombreux auteurs, il semble que toute organisation souhaitant persuader le public de s’engager à soutenir la cause défendue ait les ressources théoriques nécessaires pour élaborer un message dont la portée soit persuasive – en usant des variables développées par l’école de Yale – ainsi que pour comprendre dans quelles mesures l’individu opère un traitement du message plutôt qu’un autre. Il semble qu’en connaissance de tous ces éléments, une organisation puisse générer un message qui soit persuasif et efficace pour susciter un comportement chez un individu.

4.6. Communication engageante

Malgré tous les éléments exposés, permettant de comprendre le phénomène de la persuasion, une interrogation demeure. En effet, Magnusson, Arvola, Hursti, Åberg et Sjödén (2001), dans une enquête concernant la consommation de nourriture biologique en Suède, ont dévoilé qu’il existe un écart entre la conscience des individus que les aliments biologiques sont plus sains et les comportements d’achat. Ainsi, s’il est possible de persuader un individu, et que celui-ci opère un traitement de l’information en fonction de ce qui est le mieux pour lui, comment explique-t-on l’écart qui peut exister entre les bonnes intentions et les actes ? Ce décalage se retrouve notamment dans les campagnes de prévention, qui n’obtiennent pas toujours le changement d’attitude souhaité, malgré les nouvelles connaissances qu’elles apportent et les intentions favorables qui peuvent en découler. Si ce fait est incontestable, un paradigme a tout de même été développé afin de pallier cet écart qui peut se créer entre les bonnes intentions et les actes réels du public. Il s’agit du paradigme de la communication engageante. La théorie de l’engagement ne s’intéresse non pas aux convictions du public, mais plutôt aux actes que l’on peut obtenir de celui-ci. Kiesler définit d’ailleurs l’engagement comme le lien existant entre d’un côté un individu, et de l’autre côté ses actes (Joule & Beauvois, 1989).

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Les actes revêtent donc une importance toute particulière ici, ceux-ci constituant l’engagement du consommateur. Afin de maximiser le changement d’attitude, il serait important pour le consommateur d’effectuer de petits actes librement décidés, qui sont des actes préparatoires (Joule, 2003). Joule (2003) explique que l’engagement, sur le plan cognitif, « débouche sur une consolidation des attitudes, et sur une plus grande résistance au changement » (p.5). Des actes a priori anodins peuvent donc amener un changement d’attitude chez un individu, allant même jusqu’à rendre ce changement consistant. Notons que le contexte dans lequel l’acte est effectué est intimement lié à l’effet d’engagement qui en découle. Joule (2003) définit différentes situations :

þ Un acte réalisé dans un contexte de liberté sera plus engageant qu’un acte réalisé sous la contrainte. Joule et Beauvois (1989) nous indiquent toutefois que ce contexte de liberté peut être induit par une simple phrase telle que « C’est vous qui décidez… » et ne découle donc pas nécessairement d’une situation complexe.

þ Un acte réalisé en public est plus engageant qu’un acte préservant l’anonymat.

L’acte public constitue un dévoilement de soi. Le fait de s’afficher en public constitue un engagement que le privé ou l’anonymat n’offre pas (Joule & Beauvois, 1989).

þ Un acte explicite ou irrévocable est plus engageant que s’il ne l’est pas. Si, une fois l’acte effectué, il n’est plus possible de revenir en arrière, alors cela constitue un engagement supérieur à un acte révocable en tout temps (Joule & Beauvois, 1989).

þ La répétition d’un acte accroît l’engagement. Plus un acte est répété, plus il sera engageant pour quiconque le produit (Joule, 2003).

þ Lorsqu’un acte est lourd de conséquence, il est d’autant plus engageant. Si l’individu doit notamment renoncer à quelque chose, cela l’engagera plus que si son acte n’a aucune conséquence (Joule & Beauvois, 1989).

þ Plus un acte est coûteux, en termes d’argent, de temps, d’énergie, etc., plus il sera engageant. Tout comme pour le point précédent, c’est ici le poids de l’acte qui est mesuré. Si celui-ci est coûteux, il engagera d’autant plus l’individu que si son acte ne lui coûte rien du tout (Joule & Beauvois, 1989).

þ Les raisons conduisant à l’accomplissement d’un acte se révèlent également d’une grande importance, puisqu’un acte lié à des raisons internes, émanant des valeurs ou de la personnalité de l’individu, est plus engageant que s’il est lié à des raisons externes – des récompenses ou punitions par exemple (Joule, 2003).

Ainsi, si l’acte est l’élément clé de ce paradigme de la communication engageante, le contexte l’est également. Un acte implique un degré d’engagement qui est variable selon le contexte dans lequel il est effectué. Il est donc important pour une organisation souhaitant engager son public de créer un contexte dans lequel l’acte d’un individu sera des plus engageants. Comme le précisent Joule et Beauvois (1989), l’obtention d’un acte préalable de la part du public peut dissuader certains individus, mais accentue les chances que ceux qui réalisent ledit acte soient par la suite engagés envers l’organisation.

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Le champ des processus d’influence sociale a été largement théorisé par différents chercheurs, qui ont mis en lumière de nombreux processus sur lesquels les communicants peuvent se baser afin d’établir une communication efficace. Il est important de comprendre quels sont les outils que peuvent exploiter les organisations pour changer les opinions ou les comportements du public afin d’obtenir des actions qui leur soient favorables. Toutefois, il est nécessaire de prendre en compte que le traitement de l’information qu’effectuera le public – dépendant du contexte et notamment de la quantité d’information à traiter simultanément – aura une incidence non négligeable sur son engagement. Cette notion de surcharge informationnelle à laquelle peut être confronté le public nous conduit à nous intéresser au phénomène de captation de l’attention, qui semble être un élément inévitable auquel une organisation doit s’intéresser dès lors qu’elle cherche à obtenir de l’engagement de la part du public.

4.7. Économie de l’attention

De nos jours, les situations de surcharge informationnelle sont monnaie courante. Si on trouve des messages en quantité illimitée, c’est l’attention du public qui est limitée, créant un véritable marché de l’attention pour lequel se battent les organisations.

Philippe Chantepie (2009) parle d’un « passage d’une économie de la rareté d’accès aux contenus à une économie de la rareté d’attention à l’information sur les contenus » (p.114). La rareté ne se situe donc plus au niveau de l’information disponible, mais de l’attention que peut fournir le public pour la traiter (Kessous, Mellet & Zouinar, 2010).

De par l’abondance d’informations diffusées, le public se retrouve submergé, incapable de trier, évaluer ou interpréter ces mêmes informations. Dès lors, l’information ne constitue plus un bien rare, contrairement à l’attention du public qui, elle, le devient de plus en plus (Boullier, 2009). L’intérêt du consommateur doit ainsi faire partie intégrante de la logique de transmission d’informations pour les organisations. Celles-ci se doivent de considérer l’information recherchée par le consommateur, afin d’être à même de capter son attention (Chantepie, 2009).

Dans les stratégies des entreprises, cela se traduit par un recueil d’informations au sujet des individus, afin d’avoir des données précises, permettant un ciblage efficient des goûts et requêtes des individus. « L’économie de l’attention est profondément liée à la constitution de bases de données personnelles résultant des requêtes d’utilisateurs, de leurs recommandations, de leurs parcours, de leur notoriété, de leurs réseaux, etc. » (Chantepie, 2009, p.122). Le modèle établit par McGuire permet de mettre en évidence l’importance de l’attention dans la persuasion et le changement du comportement. Effectivement, si l’individu exposé à un message à visée persuasive n’est pas attentif à celui-ci, alors tout ce qui relève de la compréhension du message, de son acceptation et sa mémorisation, ainsi que de l’action qui en découlera se trouvera détérioré (Moser, 1998). La captation de l’attention du public constitue donc une étape clé. Il s’agit du premier pas nécessaire pour arriver à éveiller chez lui une attitude qui soit favorable envers l’organisation (Kessous, Mellet & Zouinar, 2010). Afin de capter cette attention, différents leviers peuvent être actionnés par une organisation, autres que la transmission d’informations. Celle-ci peut utiliser notamment les émotions, l’humour, la séduction ou le désir dans son message. Elle peut également travailler le format de son message, afin de rompre les codes et « créer un biais de visibilité, une saillance, dans un univers saturé de signaux perceptuels » (Kessous, Mellet & Zouinar, 2010, p.366).

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