Énoncé
L'objet de ce problème est de présenter la formule de Machin
1et quelques résultats autour.
π
4 = 4 arctan 1
5 − arctan 1 239
On obtiendra diverses formules faisant intervenir des arctan d'inverses de nombres. En particulier, une formule du type Machin est de la forme
m arctan 1
x + arctan 1 y ≡ π
4 mod π avec m, x, y entiers
Partie I. Introduction. Exemples
Pour tout entier naturel non nul m , on appelle C
ml'ensemble des couples de réels non nuls (x, y) tels que
m arctan 1
x + arctan 1 y ≡ π
4 (π)
1. Pour x réel non nul, on pose α = arctan
x1. Exprimer x + i à l'aide de α et de l'expo- nentielle complexe. Donner un argument de x + i .
2. Montrer que
(x, y) ∈ C
m⇔ (x + i)
m(y + i)e
−iπ4∈ R 3. Montrer que
π
4 = 2 arctan 1
2 − arctan 1 7 4. Formule de Dodgson
2Soit p , q , r trois réels positifs tels que 1 + p
2= qr . Montrer que
arctan 1
p = arctan 1
p + r + arctan 1 p + q
1John Machin (1680 - 1752). Grâce à cette formule, en 1706, Machin est le premier mathématicien à calculer 100 décimales deπ.
2plus connu pour son oeuvre littéraire sous le pseudonyme Lewis Carrol
Partie II. Étude d'une famille de polynômes
Pour x réel et m entier positif, on note respectivement A
m(x) la partie réelle et B
m(x) la partie imaginaire de de (x + i)
m. On dénit également F
mpar :
F
m(x) = A
m(x) + B
m(x) A
m(x) − B
m(x)
1. Calculer les polynômes A
k(x) et B
k(x) pour k ∈ {1, 2, 3, 4} . Présenter les résultats dans un tableau.
2. Montrer les relations suivantes liant les polynômes et leurs dérivées A
m+1(x) = xA
m(x) − B
m(x) A
m(−x) = (−1)
mA
m(x) B
m+1(x) = A
m(x) + xB
m(x) B
m(−x) = −(−1)
mB
m(x) A
0m(x) = mA
m−1(x) B
m0(x) = mB
m−1(x) Montrer aussi que
si m pair si m impair
A
m(x) = (−1)
m2x
mA
m(−
1x) A
m(x) = (−1)
m−12x
mB
m(−
1x) B
m(x) = (−1)
m2x
mB
m(−
1x) B
m(x) = −(−1)
m−12x
mA
m(−
x1)
3. Pour un entier m xé, déterminer les solutions de A
m(x) = B
m(x) . Quelle est la plus grande de ces solutions ?
4. Montrer que la fonction F
mest décroissante dans chaque intervalle de son domaine de dénition. Quelle est la limite de F
men +∞ et en −∞ ?
Partie III. Les formules du type Machin
On cherche toutes les formules du type Machin pour m entre 1 et 4.
1. Montrer que pour tout (x, y) de R
2,
(x, y) ∈ C
m⇔ (A
m(x) 6= B
m(x) et y = F
m(x))
2. Des calculs numériques conduisent aux tableaux suivants :
m cotan
4mπ1 1
2 2.414
3 3.732
4 5.027
x F
1(x) F
2(x) F
3(x) F
4(x)
1 -1. 0. 1.
2 3. -7. -1.444 -.5484
3 2. 7. -5.500 -1.824
4 1.667 3.286 19.80 -5.076 5 1.500 2.429 5.111 -239.0 6 1.400 2.043 3.352 7.971 7 1.333 1.824 2.659 4.518 8 1.286 1.681 2.286 3.376 9 1.250 1.581 2.052 2.802 10 1.222 1.506 1.891 2.455 11 1.200 1.449 1.774 2.222 12 1.182 1.403 1.684 2.055 13 1.167 1.366 1.613 1.929
À partir de ces tableaux, former (en justiant soigneusement) toutes les formules du type Machin pour m entier entre 1 et 4 .
Partie IV. Algorithme de Lehmer.
Soit z
0un nombre complexe dont la partie imaginaire est strictement positive. On dénit des complexes z
1, z
2, · · · par récurrence en posant
z
k+1= z
k(−b Re(z
k)
Im(z
k) c + i) lorsque Im(z
k) 6= 0
(la notation b.c désignant la fonction partie entière). L'algorithme s'arrête quand un nombre réel est obtenu. On pourra noter
n
k= b Re(z
k) Im(z
k) c 1. Faire les calculs dans le cas particulier z
0= 17 + 7i .
2. Montrer que la suite formée par les parties imaginaires des z
kest strictement décrois- sante et à valeurs positives.
3. On suppose que z
0= a + ib avec a et b entiers strictement positifs.
a. Montrer qu'il existe un k tel que z
kest réel.
b. En déduire que
arctan( b
a ) ≡ arctan( 1 n
0) + arctan( 1 n
1) + · · · + arctan( 1 n
k−1) (π) en convenant que, si un des n
iest nul, on remplace arctan(
n1i
) par
π2.
Corrigé Partie I
1. Exprimons d'abord x puis x + i : α = arctan 1
x ⇒ x = cos α
sin α ⇒ x + i = 1 sin α e
iαDeux expressions sont possibles pour les arguments de x + i .
x > 0 ⇒ α ∈]0, π
2 [⇒ sin α > 0 : α est un argument de x + i x < 0 ⇒ α ∈] − π
2 , 0[⇒ sin α < 0 : α + π est un argument de x + i Dans les deux cas, α est congru modulo 2π à un argument de x + i .
2. Posons β = arctan
1y. Un calcul analogue à celui de la question précédente conduit à : (x + i)
m(y + i)e
−iπ4= 1
sin
mα sin β e
i(mα+β−π4)Ce nombre complexe est réel si et seulement si
mα + β − π
4 ≡ 0 (π)
3. On calcule (2 + i)
2(−7 + i) et on trouve −25(1 + i) . On en déduit la formule demandée modulo π . Pour lever cette ambigüité à π près, on remarque que
0 < arctan 1
7 < arctan 1 2 < π
4 donc
0 < arctan 1
2 − arctan 1 7 < π
4 0 < arctan 1
2 < π 4 La somme est donc bien entre 0 et
π2.
4. En developpant et en utilisant rq − 1 = p
2, on obtient
(p + r + i)(p + q + i) = (2p + q + r)(p + i)
L'égalité en découle à un multiple de π près. De plus, les deux membres de l'égalité sont entre 0 et π , ils sont donc forcément égaux.
Partie II
1. En utilisant des formules du binôme et en séparant les parties réelles et imaginaires, on obtient
m 1 2 3 4
A
mx x
2− 1 x
3− 3x x
4− 6x
2+ 1 B
m1 2x 3x
2− 1 4x
3− 4x 2. Il s'agit de séparer les parties réelles et imaginaires de
A
m+1+ iB
m+1= (A
m+ iB
m)(x + i) On obtient :
A
m+1= xA
m− B
mB
m+1= A
m+ xB
mIci encore, on sépare les parties réelles et imaginaires après quelques manipulations simples :
A
m(−x) + iB
m(−x) = (−x + i)
m= (−1)
m(x − i)
m= (−1)
m(x + i)
m= (−1)
m(A
m− iB
m) On en déduit :
A
m(−x) = (−1)
mA
m(x) B
m(−x) = −(−1)
mB
m(x) Cette fois on dérive
(A
m+ iB
m)
0= m(x + i)
m−1A
0m= mA
m−1B
m0= mB
m−1Pour x 6= 0 , on fait apparaitre
1x(x + i)
m= (ix)
m1
i + 1 x
m= (−ix)
mi − 1 x
mSi m est pair :
(−i)
m= (−1)
m2⇒
A
m(x) = (−1)
m2x
mA
m(− 1 x ) B
m(x) = (−1)
m2x
mB
m(− 1
x )
Si m est impair :
(−i)
m= −(−1)
m−12i ⇒ (x + i)
m= −(−1)
m+12ix
mA
m(− 1
x ) + iB
m(− 1 x )
= (−1)
m−12x
mB
m(− 1
x ) − iA
m(− 1 x )
⇒
A
m(x) = (−1)
m−12x
mB
m(− 1 x ) B
m(x) = −(−1)
m−12x
mA
m(− 1
x ) 3. En utilisant arctan pour exprimer un argument de x + i , on peut écrire une suite
d'équivalences :
A
m(x) = B
m(x) ⇔ π
4 ≡ un argument de (x + i)
mmod (π)
⇔ m arctan 1 x ≡ π
4 mod (π) ⇔ arctan 1 x ≡ π
4m mod ( π 4m ) On en déduit que l'ensemble des solutions est
n
cotan π 4m + k π
m
, k ∈ {0, · · · , m − 1} o
Tous les
(4k+1)π4msont dans ]0, π[ . La fonction cotan est décroissante dans cet intervalle.
Donc la plus grande des solutions est
cotan π 4m
4. On calcule la dérivée de F
men remplaçant les dérivées des polynômes à l'aide des formules de la question II.2. et en utilisant les relations de récurrence pour n'avoir que des m − 1 . On obtient
F
m0= −2m A
2m−1+ B
m−12(A
m− B
m)
2On en déduit que F
mest décroissante dans chaque intervalle de son domaine de dé- nition. Il s'agit d'intervalles ouverts dont les extrémités sont les cotan
(4k+1)π4mpour k entre 0 et m − 1 .
D'après la formule du binôme, le degré de A
mest m et celui de B
mest m − 1 donc F
mtend vers +1 en +∞ et −∞ .
Partie III. Les formules du type Machin
1. D'après la dénition, (x, y) ∈ C
msi et seulement si (x + i)
m(y + i) ∈ R e
iπ4Un nombre complexe est dans R e
iπ4si et seulement si sa partie réelle est égale à sa partie imaginaire. Or
(x + i)
m(y + i) = (A
m(x) + iB
m(x))(y + i)
= A
m(x)y − B
m(x) + i(B
m(x)y + A
m(x)) Donc
(x, y) ∈ C
m⇔ A
m(x)y − B
m(x) = B
m(x)y + A
m(x)
⇔ (A
m(x) − B
m(x))y = A
m(x) + B
m(x) On en déduit :
A
m(x) 6= B
m(x) y = F
m(x) )
⇒ (x, y) ∈ C
mSupposons maintenant (x, y) ∈ C
mavec A
m(x) = B
m(x) . Alors A
m(x) + B
m(x) = 0 donc A
m(x) = B
m(x) = 0 donc (x+ iy)
mdevrait aussi être nul ce qui est évidemment faux car x et y sont non nuls. Ceci montre l'implication réciproque.
2. Ici, m désigne un entier entre 1 et 4 .
Les fonctions F
msont strictement décroissantes dans leurs intervalles de dénition et tendent vers 1 en +∞ .
D'après le tableau des valeurs de cotan
4mπ, la plus grande de ces valeurs est inférieure à 6 . On est donc certain que l'intervalle [13, +∞[ est tout entier dans un intervalle de dénition de F
m. Comme F
m(13) est strictement inférieur à 2 et que F
mtend vers 1 à l'inni, on est certain qu'aucun F
m(x) , pour x ≥ 14 , ne peut prendre de valeur entière.
On peut lire sur les tableaux les entiers entre 1 et 13 pour lesquels les F
m(x) prennent des valeurs entières.
Pour m = 1 :
x = 2 y = F
1(2) = 3 arctan 1
2 + arctan 1 3 ≡ π
4 (π)
x = 3 y = F
1(3) = 2 même formule
Ici, les deux arctan sont entre 0 et
π2donc leur somme est entre 0 et π donc arctan 1
2 + arctan 1 3 = π
4 Pour m = 2 :
x =1 y = F
2(1) = −1 2 arctan 1 + arctan(−1) = π
4 (évident)
x =2 y = F
2(2) = −7 2 arctan 1
2 − arctan 1 7 = π
4 x =3 y = F
2(3) = 7 2 arctan 1
3 + arctan 1 7 = π
4 On a fait disparaitre le modulo π par une évaluation numérique.
Pour m = 3 , il n'existe pas de formule de Machin.
Pour m = 4 , on obtient la formule de Machin :
x = 5 y = F
4(5) = −239 4 arctan 1
5 − arctan 1 239 = π
4 On a fait disparaitre le modulo π par une évaluation numérique.
Partie IV. Algorithme de Lehmer.
1. Les calculs conduisent à :
z
0= 17 + 7i z
1= −41 + 3i z
2= −577 + i z
4= −33290 2. Pour un entier k tel que z
kest déni et de partie imaginaire strictement positive,
notons a
ket b
krespectivement sa partie réelle et sa partie imaginaire. Montrons que 0 ≤ b
k+1< b
kPar dénition :
z
k+1= (−n
k+ i)(a
k+ ib
k) = −n
ka
k− b
k+ i(−n
kb
k+ a
k) ⇒
( b
k+1= a
k− n
kb
ka
k+1= −n
k− b
kPar dénition de la partie entière : n
k≤ a
kb
k< n
k+ 1 ⇒ n
kb
k≤ a
k< n
kb
k+ b
k⇒ 0 ≤ a
k− n
kb
k< b
k⇒ 0 ≤ b
k+1< b
k3. a. Lorsque a
0et b
0sont des entiers, les relations obtenus dans la question précé- dentes montrent que tous les a
ket b
ksont entiers. La suite des b
kest une suite décroissante d'entiers strictement positifs. Elle ne peut être innie. Il existe donc un k tel que z
kest réel.
b. L'algorithme permet d'écrire
z
1= z
0(−n
0+ i) z
2= z
1(−n
1+ i)
...
z
k= z
n−1(−n
k−1+ i) ∈ R
d'où z
kz
0= (−n
0+ i)(−n
1+ i) · · · (−n
k−1+ i)
Comme z
kest réel, les arguments de
z10et de (−n
0+i) · · · (−n
k−1+i) sont congrus modulo π .
Pour w complexe de partie imaginaire strictement positive, un argument est :
arctan Im w
Re w
si Re w > 0
arctan Im w
Re w
+ π si Re w < 0 π
2 si Re w = 0
Les arguments de z
0sont donc congrus modulo π à arctan
ba, ceux de −n
j+ i à
− arctan
n1j