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Enseigner la littératie aux personnes présentant une déficience intellectuelle modérée à sévère

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Master

Reference

Enseigner la littératie aux personnes présentant une déficience intellectuelle modérée à sévère

FRATCZAK, Katarzyna Milena

Abstract

Ce travail de mémoire aborde la thématique de la littératie enseignée aux personnes présentant une déficience intellectuelle modérée à sévère. Son objectif était de procéder de manière non exhaustive, à une revue de la littérature traitant de ce sujet pour en tirer des recommandations fondées par la recherche. Ainsi, à partir de cet inventaire, un guide pratique destiné aux professionnels chargés de l'enseignement littéracique a été rédigé : il donne d'abord des renseignements généraux et ensuite, propose divers exemples, plus concrets, d'aménagements et d'activités dans ce domaine. A l'aide de deux rencontres collectives appelées focus group, nous avons entendu trois logopédistes au sujet de l'apprentissage de la littératie par des personnes présentant une déficience intellectuelle importante ainsi que du guide de la littératie élaboré dans le cadre de ce travail.

FRATCZAK, Katarzyna Milena. Enseigner la littératie aux personnes présentant une déficience intellectuelle modérée à sévère. Master : Univ. Genève, 2016

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:88109

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Enseigner la littératie aux personnes présentant une déficience intellectuelle modérée à sévère

MEMOIRE REALISE EN VUE DE L’OBTENTION DE LA MAITRISE EN EDUCATION SPECIALE

PAR

Katarzyna Frątczak

DIECTEUR DU MEMOIRE Christine Hessels-Schlatter

JURY

Britt-Marie Martini-Willemin Jérôme Laederach

GENEVE, JANVIER 2016

UNIVERSITE DE GENEVE

FACULTE DE PSYCHOLOGIE ET DES SCIENCES DE L’EDUCATION SECTION SCIENCES DE L’EDUCATION

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I RESUME :

Ce travail de mémoire aborde la thématique de la littératie enseignée aux personnes présentant une déficience intellectuelle modérée à sévère. Son objectif était de procéder de manière non exhaustive, à une revue de la littérature traitant de ce sujet pour en tirer des recommandations fondées par la recherche. Ainsi, à partir de cet inventaire, un guide pratique destiné aux professionnels chargés de l’enseignement littéracique a été rédigé : il donne d’abord des renseignements généraux et ensuite, propose divers exemples, plus concrets, d’aménagements et d’activités dans ce domaine. A l’aide de deux rencontres collectives appelées focus group, nous avons entendu trois logopédistes au sujet de l’apprentissage de la littératie par des personnes présentant une déficience intellectuelle importante ainsi que du guide de la littératie élaboré dans le cadre de ce travail.

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II REMERCIEMENTS

Merci à toutes les personnes qui m’ont aidée à rédiger ce mémoire.

Je tiens tout d’abord à remercier ma directrice de mémoire, Madame Christine Hessels- Schlatter pour ses commentaires au fur et à mesure de l’avancement de ce travail ainsi qu’à Madame Britt-Marie Martini-Willemin pour les nombreux échanges et remarques constructifs.

Je suis également très reconnaissante à Monsieur Jérôme Laederach d’avoir participé à la soutenance de mon mémoire.

Un grand Merci aux logopédistes qui ont accepté de partager avec moi leurs expériences.

Grace à elles, j’ai pu mieux me rendre compte de la complexité de leur tâche.

Tout particulièrement je remercie Annie d’avoir consacré une bonne partie de son temps à lire et à relire avec patience chacune de ces pages.

Enfin, « dziękuję » à Vincent d’avoir été présent tout au long de mon parcours universitaire, mais surtout durant ces derniers mois… Je dois ajouter ici, que sa passion pour la bande dessinée a été contagieuse – les illustrations du guide élaboré dans le cadre de ce travail en témoignent.

(5)

III

TABLE DES MATIERES

I. INTRODUCTION ... 1

II. CADRE THEORIQUE ... 3

1. LA DEFICIENCE INTELLECTUELLE ... 3

1.1. LATERMINOLOGIEACTUELLE ... 3

1.2. L’ETIOLOGIEETLAPREVALENCE ... 5

1.3. DEFICIENCEINTELLECTUELLEMODEREEASEVERE ... 6

2. LA SIGNIFICATION DE CONCEPTS UTILISES ... 8

2.1. DEFINIRLA« LITTERATIE » ... 8

2.2. « FUNCTIONALLITERACY» ... 10

2.3. QUESIGNIFIE« LIRE »? ... 11

3. L’ENSEIGNEMENT DES PERSONNES PRESENTANT UNE DEFICIENCE INTELLECTUELLE MODEREE A SEVERE ... 14

3.1. LEDROITALALITTERATIEDESPERSONNESPRESENTANTUNEDEFICIENCE INTELLECTUELLE ... 16

3.2. LESLACUNESDEL’ENSEIGNEMENTLITTERACIQUE ... 17

3.3. UNBESOIND’ADAPTERPOURMIEUXENSEIGNERLALITTERATIE ... 21

3.4. LEMODELECONCEPTUELDELITTERATIEPROPOSEPARBROWDERETAL. (2009) ... 23

4. LES COMPOSANTES DE LA LECTURE VUES PAR LE PRISME DE LA DEFICIENCE INTELLECTUELLE ... 25

4.1. RECONNAISSANCEDESMOTS(WORDSIGHTINSTRUCTION) ... 25

4.2. LACONSCIENCEPHONOLOGIQUE ... 27

4.2.1. LA SYLLABE ... 29

4.3. LACONSCIENCEPHONEMIQUE ... 31

4.4. LAFLUIDITEENLECTURE ... 32

4.5. LACOMPREHENSION ... 34

5. POUR RESUMER… ... 36

6. L’OBJECTIF DE LA RECHERCHE ET SES QUESTIONNEMENTS ... 37

III. PARTIE EMPIRIQUE... 39

7. DEMARCHES ET METHODES ... 39

7.1. LAREVUEDELALITTERATURE ... 40

7.1.1. FAIRE UN INVENTAIRE DE LA LITTERATURE POUR ELABORER LE GUIDE DE LA LITTERATIE ... 41

7.1.2. LE CHOIX D’ELEMENTS A RETENIR ... 41

7.2. LESFOCUSGROUP ... 42

(6)

IV

7.2.1. DESCRIPTION DES PARTICIPANTS AUX FOCUS GROUP ... 43

7.2.2. LE ROLE DE L’ANIMATEUR ... 44

7.2.3. QUELLES QUESTIONS POSER ? ... 44

7.2.4. L’ANALYSE DES DONNEES : LE SYSTEME DE CATEGORISATION ... 47

8. LES RESULTATS ... 48

8.1. FOCUSGROUP1 ... 49

8.1.1. L’ORGANISATION DE L’ENSEIGNEMENT DE LA LITTERATIE... 49

8.1.2. L’EVALUATION AVANT DE RENTRER DANS LA LECTURE ... 50

8.1.3. LES HABILITES NECESSAIRES DANS L’ENSEIGNEMENT DE LA LITTERATIE. ... 51

8.1.4. LA RECONNAISSANCE GLOBALE DES MOTS – UN PASSAGE INDISPENSABLE ... 52

8.1.5. LE SOUCI D’UN MATERIEL ADAPTE ... 53

8.1.6. LE ROLE DES OUTILS TECHNOLOGIQUES ... 54

8.1.7. QUELLES SONT LES DEMANDES DES PROFESSIONNELS ENSEIGNANT LA LITTERATIE ? ... 54

8.2. LEGUIDEPRATIQUEDELALITTERATIE ... 55

1. L’ESSENTIEL SUR LA DEFICIENCE INTELLECTUELLE MODEREE A SEVERE ... 59

2. LE ROLE DE L’ENSEIGNANT DANS LE PROCESSUS D’ACQUISITION DES COMPETENCES EN LECTURE ... 60

3. QUELLES HABILITES FAUDRAIT-IL AVOIR POUR POUVOIR ENTRER DANS L’ECRIT ? .... 62

4. ÉVALUER AVANT DE COMMENCER... 64

5. COMMENT ORGANISER L’ENSEIGNEMENT DE LA LITTERATIE ? ... 66

6. QUE FAUDRAIT-IL ENSEIGNER EXACTEMENT ? ... 68

7. L’ACCES AUX TEXTES ECRITS ... 69

8. COMMENT ENSEIGNER LES MOTS ENTIERS ? ... 70

9. COMMENT S’Y PRENDRE AVEC LES SONS ? ... 76

10. FACILITER LA COMPREHENSION D’UN TEXTE ECRIT ... 81

11. L’EXEMPLE D’UNE SEQUENCE DIDACTIQUE ... 83

12. ANNEXE DU GUIDE ... 84

8.3. FOCUSGROUP2 ... 88

8.3.1. LES POINTS POSITIFS DU GUIDE ... 88

8.3.2. LES LIMITES DU GUIDE ... 89

IV. POUR CONCLURE ... 90

9. DISCUSSION ... 90

10. LIMITES ET PERSPECTIVES ... 91

11. CONCLUSION ... 92

V. LES RÉFÉRENCES... 94

V. ANNEXE ... 108

12. GUIDE D’ENTRETIEN – FOCUS GROUP 1 ... 108

13. GUIDE D’ENTRETIEN – FOCUS GROUP 2 ... 109

(7)

V

LISTE DES FIGURES

FIGURE 1: LE MODELE DE LA LECTURE D’APRES SCARBOROUGH ... 12

FIGURE 2: FONDEMENTS COGNITIFS DE L'APPRENTISSAGE DE LA LECTURE... 13

FIGURE 3: THE READING MODEL ... 14

FIGURE 4: READING COMPONENTS TARGETED IN REVIEWED STUDIES ... 20

FIGURE 5: PRINT ACCES CHECKLIST ... 22

FIGURE 6: MODEL OF LITERACY FOR STUDENTS WITH SEVERE DEVELOPMENTAL DISABILITIES ... 24

FIGURE 7: MODEL FOR EMPHASIS OF LITERACY PROGRAM OF DIFFERENT AGE LEVELS ... 25

FIGURE 8: REPRESENTATION DE LA STRUCTURE SYLLABIQUE ... 30

FIGURE 9: TYPES DE LECTURE ORALE ... 33

FIGURE 10: MODELE CONTEMPORAIN DE COMPREHENSION EN LECTURE ... 35

FIGURE 11: LES ETAPES DE NOTRE DEMARCHE ... 40

FIGURE 12: LE MODELE DYNAMIQUE DES DECISIONS DANS LE DOMAINE DE LA LITTERATIE ... 61

FIGURE 13: EXEMPLE D’APPRENTISSAGE D’UN MOT « SUN » ... 72

FIGURE 14: LES EXEMPLES D'UNE IMAGE INTEGREE (SHEEHY, 2002) ... 72

FIGURE 15: EXAMPLES OF STIMULUS WORDS IN TRADITIONAL ORTHOGRAPHY AND MODIFIED ORTHOGRAPHY (PUFPAFF, BLISCHAK, & LLOYD, 2000) ... 72

FIGURE 16: WORD WITH A HANDLE (SHEEHY, 2009)... 73

FIGURE 17: WORD WITH A HANDLE (SHEEHY & HOLLIMAN, 2009) ... 73

(8)

VI

LISTE DES TABLEAUX

TABLEAU 1: LES PARTICIPANTS ... 44

TABLEAU 2: LA CAPACITE D’ASSOCIER : NIVEAUX D’HABILITE ... 63

TABLEAU 3: ORGANISATION DE SEANCES ... 67

TABLEAU 4: LES ELEMENTS D'UNE SEANCE PROPOSEE PAR BURGOYNE ET AL. (2012) ... 68

TABLEAU 5: LA SEQUENCE DE L’ALPHABET (BROUN & OELWEIN, 2012) ... 80

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VII

LISTE DES IMAGES

IMAGE 1 : ILLUSTRATION D'UNE PLANCHE POUR LE JEU DE MEMORISATION (BROUN & OELWEIN, 2012)... 74 IMAGE 2: LE JEU DE LOTO (BROUN & OELWEIN, 2012) ... 74 IMAGE 3: BOITES A SONS (SOUTIEN PEDAGOGIQUE SPECIALISE, 2011) ... 79 IMAGE 4: ILLUSTRATION D'UN CLAVIER D'ORDINATEUR ISSU D’UN CLASSEUR DE COMMUNICATION

(SMITH ET AL., 2009) ... 80

(10)

1

I. Introduction

Ce travail de mémoire s’intéresse à l’un des enseignements si indispensables de nos jours : la littératie. Elle concerne divers contextes de la vie, crée des opportunités, favorise l’autonomie et contribue significativement à une augmentation de la participation sociale (Copeland, 2009b ; Martini-Willemin, 2013a). C’est en référence aux personnes présentant une déficience intellectuelle modérée à sévère1 que nous allons explorer ce sujet. Plus précisément, l’objectif de notre démarche consistera à faire une revue de la littérature qui traite de cette thématique pour en tirer des recommandations fondées par la recherche qui, regroupées ensemble, prendront la forme d’un guide.

Pour y parvenir, nous allons, dans un premier temps, étayer le concept de la déficience intellectuelle et de la déficience intellectuelle modérée et sévère, tel qu’il est défini par les récentes sources de référence. Dans un deuxième temps, nous allons décrire la notion de la littératie, qui est parfois donnée de manière inclusive, parfois exclusive et donc beaucoup plus rigide (Downing, 2005). Dans ce sens, nous verrons que certaines conceptualisations de la littératie peuvent mener à la marginalisation de cette population qui ne se conformerait pas aux normes qui y sont décrites (Morgan, Cuskelly, & Moni, 2011) en sous-estimant de cette façon leurs compétences dans ce domaine. Victimes des préjugés, ces personnes ne sont vues qu’au travers de leurs déficits et de leurs incapacités : l’accès aux notions académiques de base2 leur est limité, voire elles en sont privées. Pourtant, la mise en place des apprentissages adaptés permet de découvrir leurs réelles capacités, ce que démontrent clairement des recherches menées au cours de ces dernières décennies. Parmi elles, nous trouverons des études concernant l’instruction littéracique. Nous allons les regrouper en fonction du type de composante littéracique et les présenter dans des chapitres distincts du cadre théorique.

En prenant en compte les particularités des personnes présentant une déficience intellectuelle importante qui constituent un groupe très hétérogène, nous allons voir que le choix du matériel adéquat et des tâches appropriées a son importance. C’est pourquoi, après avoir procédé à un inventaire de la littérature consacrée à l’enseignement de la littératie, nous

1 Les termes « déficience intellectuelle modérée à sévère » et « déficience intellectuelle importante » sont utilisés dans ce travail comme des synonymes.

2 Ce terme se réfère à l’instruction scolaire qui comprend notamment l’acquisition des notions en lecture et en écriture définies comme basiques. Il est souvent comparé à l’acquisition des compétences pratiques vues plutôt sur le plan éducatif.

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2

proposerons un guide sur ce sujet. Il mettra en évidence des points essentiels, sans toutefois le faire de manière exhaustive. Etant donné son aspect pratique, il fournira des pistes concrètes qui, nous l’espérons seront utiles aux professionnels. Grâce à cette démarche nous verrons que cette thématique suscite l’intérêt des chercheurs, même si le nombre de travaux reste encore relativement restreint (Allor, Gifford, Al Otaiba, Miller, & Cheatham, 2013 ; Allor, Mathes, Roberts, Cheatham, & Al Otaiba, 2014 ; Browder, Wakeman, Spooner, & Ahlgrim- Delzell., 2006 ; Cèbe & Paour, 2012).

Dans le cadre de ce travail de mémoire, nous allons également entendre, à l’aide d’une méthode de recherche exploratoire qualitative appelée focus group, des professionnels tentant de mener des séances consacrées à la littératie. Ce type de rencontre collective qualifié de

« une fenêtre qui ouvre les expériences, les perceptions et les opinions de ceux qui y participent et permet d’enrichir notre compréhension de leurs subjectivités » (Petitpierre &

Charmillot D’Odorico, 2014, p. 126), accompagnera la rédaction d’un guide dont l’élaboration constitue l’objectif de ce travail. Ainsi, le premier focus group aura pour but de faire émerger les expériences, les pratiques et les difficultés rencontrées par les trois logopédistes dans leur travail sur la littératie. Le second, ciblera les appréciations de ces praticiennes concernant le guide élaboré et clôturera nos démarches menées pour le besoin de cette recherche.

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3

II. Cadre théorique

1. La déficience intellectuelle

1.1. La terminologie actuelle

« La déficience intellectuelle est un phénomène socio-culturel qui existe depuis les tous débuts de l’humanité, mais l’impact de ce handicap varie selon les exigences, les besoins et la conscience de la société en cause » (Tassé & Morin, 2003, cité par Scheerenberger, 1983, p. 9). Son évolution au cours des siècles semble être, entre autre, fortement influencée par le vocabulaire que l’on utilise pour désigner une personne présentant une déficience intellectuelle. Ayant des connotations péjoratives, les adjectifs tels que « crétin », « idiot » ou

« imbécile » font, bien heureusement, partie du passé. De nos jours, le terme « déficience intellectuelle » est communément employé et préconisé par de nombreux auteurs (ex. Harris, 2006 ; Odom, Horner, Snell, & Blacher, 2009). Il a remplacé celui de « retard mental » tout en englobant la même population de personnes (Schalock et al., 2007). C’est l’American Association on Intellectual and Developmental Disabilities (AAIDD), anciennement appelée American Association on Mental Retardation (AAMR) qui a joué un rôle majeur dans ce processus. Dans la plus récente version de l’AAIDD (Schalock et al. 2010), nous pouvons lire que l’appellation « déficience intellectuelle » :

(a) reflects the changed construct of disability proposed by AAIDD (Buntinx, 2006;

Luckasson et al., 2002; World Health Organisation, 2001); (b) aligns better with current professional practices that are focused on functional behaviors and contextual factors;

(c) provides a logical basis for individualized supports provision due to its basis in a social–ecological framework; (d) is less offensive to persons with disabilities; and (e) is more consistent with international terminology. (p. XVI)

Ce terme se veut alors moins stigmatisant que « le retard mental » était par le passé et correspond mieux au cadre conceptuel. Grâce aux classifications internationales vues comme une source de référence, le terme de la déficience intellectuelle est défini de manière semblable. Une telle analogie permet de s’assurer que l’on parle de la même chose, que l’on prend en compte la même population, et enfin que l’on a « une même compréhension des conclusions diagnostiques » (Desjardins, 2013). Ce travail de mémoire est un exemple concret

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4

de leur utilité, comme le sont aussi les recherches internationales ou encore les systèmes médicaux et sociaux.

Le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM-5) publié par American Psychiatric Association (APA) en 2013 ainsi que l’Intellectual Disability : Definition, Classification and Systems of Support (Schalock et al., 2010) publiée, dans sa 11ème édition par l’Americain Association on Intellectual and Developmental Disabilities (AAIDD), sont les sources les plus récentes. C’est pourquoi nous allons nous référer à la définition de la déficience intellectuelle qu’ils proposent. Toutefois, il est important de souligner, qu’une nouvelle, 11ème version de la Classification internationale des maladies (CIM-11) de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) est programmée pour 2015. Celle-ci semble être proche des deux autres, comme le soulignent Salvador-Carulla et al. (2011).

Le DSM-5 (APA, 2013), l’AAIDD (Schalock et al., 2010) ainsi que l’OMS (2010) définissent la déficience intellectuelle de manière identique. Il s’agit d’un trouble apparaissant durant la période développementale, donc avant l’âge adulte. Les déficits intellectuels et adaptatifs étant caractéristiques des personnes présentant une déficience intellectuelle, impactent les domaines conceptuels, sociaux et pratiques. Cette définition est très générale et elle ne peut pas exister sans être complétée. Pour ce faire, le DSM-5 (APA, 2013), propose les trois critères qui doivent être remplis pour que le diagnostic puisse être posé, à savoir :

A : Deficit in intellectual function, such reasoning, problem solving, planning, abstract talking, judgment, academic learning, and learning from experience, confirmed by both clinical assessment and individualised, standardized intelligence testing.

B : Deficits in adaptive functioning that result in failure to meet developmental and socio-cultural standards for personal independence and social responsibility. Without ongoing support, the adaptive deficits limit functioning in one or more activities of daily life such as communication, social participation, and independent living, across multiple environments such as home, school, work, and community.

C : Onset if intellectual and adaptive deficits during the developmental period (p. 33).

La déficience intellectuelle rentre ici dans la catégorie des troubles neurodéveloppementaux et le diagnostic se base sur les critères du fonctionnement intellectuel et adaptatif, ce qui n’attribue plus l’exclusivité au quotient intellectuel (QI). Néanmoins selon le critère A, les déficits des fonctions intellectuelles doivent être évalués cliniquement d’une part et individuellement à l’aide des tests d’intelligence standardisés d’autre part. La performance cognitive est estimée comme déficitaire si le score est inférieur à deux écarts types ou plus en dessous de la moyenne (65-75 ; 70 ± 5). Le DSM-5 classe la déficience

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intellectuelle selon les degrés de sévérité : léger, modéré, sévère et profond qui sont déterminés d’après le fonctionnement adaptatif d’une personne. Le quotient intellectuel (QI) n’a alors plus d’impact, ce qui n’était pas le cas dans la version précédente.

A son tour, l’AAIDD (Schalock et al., 2010) dans sa 11ème version, associe à la définition de la déficience intellectuelle, les cinq postulats de base :

1. Limitations in present functioning must be considered within the context of community environments typical of the individual’s age peers and culture.

2. Valid assessment considers cultural and linguistic diversity as well as differences in communication, sensory, motor, and behavioural factors.

3. Within an individual, limitations often coexist with strengths.

4. An important purpose of describing limitations is to develop a profile of needed supports.

5. With appropriate personalized supports over a sustained period, the life functioning of the person with intellectual disability generally will improve (p. 1).

Le concept du fonctionnement d’une personne présentant une déficience intellectuelle, joue ici un rôle majeur. A l’aide d’un modèle théorique, les auteurs mettent en avant les cinq éléments qui influencent le fonctionnement d’un individu, qui est tout à fait capable de progresser. Il s’agit de ses capacités intellectuelles, de son comportement adaptatif, de l’état de sa santé, de sa participation et le contexte dans lequel il se trouve. Egalement une dimension de soutien y trouve sa place. Cet élément est d’autant plus important qu’il a pour fonction de déterminer les ressources et les besoins individuels de la personne et par ce biais, d’améliorer sa qualité de vie. Pour ce faire l’AAIDD classe la déficience intellectuelle selon le degré d’intensité du soutien nécessaire en distinguant quatre niveaux différents, à savoir : intermittent, limité, important et intense (Luckasson et al., 2002).

1.2. L’étiologie et la prévalence

Les données concernant la prévalence de la déficience intellectuelle nous indiquent son diagnostic chez environ 1% de la population générale. Les proportions varient en fonction de la répartition des personnes par l’âge (APA, 2013). Selon Harris (2006) par contre, ce chiffre est globalement estimé à 1% - 3% de la population. Une méta-analyse de Maulik, Mascarenhas, Mathers, Dua et Saxena parue en 2011, fournit des précisions supplémentaires.

Ces auteurs ont pris en compte les données en provenance de 52 études menées sur la déficience intellectuelle dans les années 1980-2009, et ont estimé que le taux de la prévalence

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est de 10.37 cas sur 1000 (10.37/1000). En plus, parmi les personnes présentant une déficience intellectuelle, la majeure partie est représentée par les sujets de sexe masculin.

Si l’on regarde les causes de la déficience intellectuelle, elles sont nombreuses. Leur répartition varie en fonctions des études menées. Par exemple Daily, Ardinger et Holmes (2000) mentionnent que le pourcentage des causes indéterminées est de 30 à 50%. Inlow et Restifo (2004) présentent leur étude sous un autre angle. Ils estiment que pour 60 à 75% de personnes présentant une déficience intellectuelle sévère l’étiologie de ce handicap peut être établie, mais dans le cas de personnes présentant une déficience intellectuelle légère, c’est possible pour seulement 38 à 55% d’entre elles. Les origines génétiques, héréditaires, biologiques (prénatales, périnatales ou postnéonatales) ou encore psycho-socio-économiques sont le plus fréquemment mentionnées dans la littérature (ex. Carlier & Ayoun, 2007 ; Inlow

& Restifo, 2004 ; Juhel, 2007).

En prenant en compte toute cette population, les recherches nous indiquent qu’environ 85% d’entre elle présentent une déficience intellectuelle légère, 10% d’une DI moyenne, 3%

d’une DI sévère et 2% d’une DI profonde (Tassé & Morin, 2003 ; Maulik et al., 2011).

1.3. Déficience intellectuelle modérée à sévère

Le diagnostic de la déficience intellectuelle se base, selon le DSM-5 (APA, 2013),

« on both clinical assessment and standardised testing of intellectual and adaptative fonctions » (p. 37). Le rôle des scores obtenus à l’aide des tests d’intelligence semble avoir moins d’importance que dans les versions précédentes, sans toutefois disparaitre pour autant.

Par ailleurs, leur utilité auprès des personnes présentant une déficience intellectuelle est fortement remise en cause, ce que revendiquent des nombreux auteurs (ex. Beckmann, 2006;

Hessels, 2002 ; Hessels & Hessels-Schlatter, 2010 ; Tiekstra, Hessels, & Minnaert, 2009).

Ceux-ci présentent alors des tests d’évaluation à caractère dynamique comme une alternative aux tests classiques (tests QI) car ils démontrent d’une part, l’hétérogénéité de cette population, et d’autre part, leur potentiel d’apprentissage.

Les particularités de la déficience intellectuelle modérée et sévère étayées dans la littérature sont une source de renseignements importants. Dans le DSM-V (APA, 2013) par exemple, nous pouvons lire que les enfants d’âge préscolaire présentant une déficience modérée, caractérise un ralentissement dans l’acquisition du langage et des compétences requises pour cet âge. Egalement, à l’âge scolaire, un ralentissement est observé dans les apprentissages de la lecture, de l’écriture, des mathématiques ainsi que dans les concepts

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temporel et monétaire est mentionné. Chez les personnes adultes, le développement des compétences académiques dans la vie professionnelle et personnelle est défini comme élémentaire, nécessitant l’aide d’autrui. Dans le cas de personnes présentant une déficience intellectuelle sévère, le DSM-5 caractérise leurs capacités comme limitées dans la compréhension de l’écrit, dans les concepts quantitatif, temporel, et monétaire. L’utilisation du langage parlé (le vocabulaire, la grammaire) en fait partie et de ce fait « les tuteurs assurent une aide importante dans la résolution des problèmes tout au long de la vie »3 (p. 36).

C’est cette terminologie employée par le DSM-5 pour englober la population ciblée par ce travail, que nous allons utiliser, même si d’autres désignations sont également valables, comme « limité » et « important » proposées par AAIDD (Luckasson et al., 2002). Ce choix est en lien avec le vocabulaire de la grande majorité des recherches traitant des personnes présentant une déficience intellectuelle modérée à sévère. Nous allons également prendre en compte le fait que « les individus avec un QI inférieur à 55 constituent un groupe fort hétérogène » (Hessels-Schlatter, 2001, p. 28). Cela veut dire que même si l’on attribue des caractéristiques communes à ces groupes, elles ne se réfèrent pas à toutes les personnes de manière égale et uniforme. C’est pourquoi une approche individuelle, et une intervention éducative ciblée sur leur potentiel est à privilégier.

Pour ce faire, une bonne connaissance et l’analyse des processus cognitifs qui leur font défaut (Hessels & Hessels-Schlatter, 2008 ; Grossniklaus, 2009) nous seront utiles. Définies comme étant « des activités mentales permettant de traiter les informations nous parvenant du monde extérieur ou recouvrées de notre mémoire » (Hessels-Schlatter, 2010b, p. 104), elles jouent un rôle prépondérant dans l’acquisition des connaissances académiques de base.

D’après cette auteure (2006), les processus impliquant le raisonnement abstrait, tels que l’exploration, l’encodage, l’attention, l’abstraction de concepts, la comparaison des informations, l’inférence des relations, l’application des relations, la mémoire de travail sont déficients chez les personnes présentant une déficience intellectuelle modérée à sévère ce qui complexifie cet accès, sans toutefois le rendre impossible. En lien avec la capacité d’empan mnésique limitée, Büchel et Paour (2005) soulèvent également leur passivité généralisée dans l’utilisation des stratégies. En outre, un manque de prise de conscience quant à la nécessité d’une démarche stratégique est mentionnée par ces auteurs.

Un autre élément est également à soulever ici, à savoir l’existence des déficits associés à la déficience intellectuelle, au niveau moteur ou au niveau sensoriel, entravent les

3 Traduction par l’auteur

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8

apprentissages donnés. Nombreux sont les auteurs qui mentionnent leur coexistence (ex.

Courtade, Spooner, Browder, & Jimenez, 2012 ; Erickson & Koppenhaver, 1995 ; Erickson, Hanser, Hatch, & Sanders, 2009). Ils peuvent rendre des actes, a priori simples, beaucoup plus contraignants : cela peut se traduire par exemple dans des difficultés à tenir un livre ou un crayon, à voir des lettres, à utiliser un clavier et d’autres habilités nécessaires pour lire et écrire (Erickson et al., 2009). D’où l’utilité de mettre en place des aménagements qui leur facilitent l’accès aux connaissances académiques de base (cf. chapitre 3.3.).

Les limitations des personnes présentant une déficience intellectuelle, liées à un manque de confiance en soi et de motivation sont aussi à souligner (p. ex. Basil & Reyes, 2003 ; Büchel & Paour, 2005 ; Iacono, Balandin, & Cupples, 2001). Elles impactent les activités de lecture et d’écriture du fait « d’une instruction limitée, de faibles compétences et encore de l’échec dans des tâches scolaires »4 (Basil & Reyes, 2003, p. 27). Cette problématique fait également l’objet de nombreuses recherches portant sur l’éducation cognitive. Un manque de motivation est souvent mentionné, surtout face aux tâches trop complexes, ce qui a un impact néfaste sur l’apprentissage. D’après Büchel et Paour (2005) il s’agit de personnes qui « se distinguent par des caractéristiques motivationnelles qui ne favorisent pas le maintien de l’effort mais qui, au contraire, les poussent à ne pas s’engager activement dans la tâche et à mettre en œuvre du traitement cognitivement moins coûteux » (p. 235).

La connaissance des particularités que les individus présentant une déficience intellectuelle importante peuvent avoir, permet de cibler les attentes et d’anticiper les éventuels obstacles. Bien évidemment une grande variabilité des personnes ne rend pas cette tâche si simple.

2. La signification de concepts utilisés

2.1. Définir la « littératie »

Le terme, ou plutôt nous devons dire le concept de la littératie, est très souvent utilisé dans la littérature pas seulement scientifique. Il a émergé dans le milieu anglo-saxon dans des années 1980 (Collette, 2013) et fait dorénavant partie de notre vocabulaire. Son caractère à la fois dynamique et complexe, sans toutefois être encadré par une définition communément

4 Traduction par l’auteur

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établie, contribue à la diversité de sa signification souvent générale et sans un cadre communément établi. Harris et Hodges (1995) l’ont définie comme un

minimal ability to read and write in a designated language, as well as a mind set or way of thinking about the use of reading and writing in everyday life. It differs from simple reading and writing in its assumption of an understanding of the appropriate uses of these abilities within a print-based society. Literacy, therefore, requires an active, autonomous engagement with print and stresses the role of the individual in generating as well as receiving and assigning independent interpretations to messages (p. 142).

Cependant, les connotations que le terme de la littératie englobe, semblent varier en fonction du contexte ou encore de la population concernée. Parfois, comme le souligne le rapport de Cambridge Assessment (2013), il ne se réfère qu’à la lecture, parfois à la lecture et à l’écriture ou encore à la lecture, l’écriture, l’expression orale et la capacité de l’écoute. Par exemple Browder, Spooner et Ahlgrim-Delzell (2011), faisant référence à Armbruster et al.

(2003), mentionnent que « définie d’une manière générale, la littératie est une capacité à lire, à écrire et à communiquer »5 (p. 126). Cette définition plus générale que la précédente, recouvre en effet, les compétences nécessaires dans ce domaine, qui, à leur tour, se déclinent différemment. Cet état de choses explique la multitude de niveaux de la littératie ainsi que le degré de complexité variable. Comme ça, l’Unesco (2005) par exemple, dans le EFA Global Monitoring Report (GMR) distingue « quatre types de littératie : littératie comme un ensemble indépendant des compétences ; littératie appliquée, pratiquée et située ; littératie comme le processus d’apprentissage ; littératie comme le texte »6 (p. 148). Le terme de la littératie vu sous l’angle des compétences cognitives en lecture et en écriture, est, selon ce document, le plus répandu. Egalement des compétences orales en font partie. Dans ce cadre s’inscrit aussi la définition de la littératie donnée par PISA (Soussi, Broi, Moreau, &

Wirthner, 2004) même si ces exigences vont au-delà des connaissances basiques dans ce domaine. Comme nous pouvons lire, la littératie

dépasse le cadre restreint de la lecture dans un contexte scolaire. Elle suppose des compétences plus larges se rapportant au traitement de l’écrit de différents types tant scolaires que ceux de la vie quotidienne visant aussi bien le repérage d’information ou l’interprétation que la compétence à réagir et à réfléchir sur le texte (p. 11).

Dans cette citation le caractère utilitaire de la littératie va au-delà du contexte d’apprentissage de base vu sous l’angle purement académique. Cet aspect met aussi en avant la définition de

5 Traduction par l’auteur

6 Traduction par l’auteur

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la littératie donnée par l’Organisation de Coopération et de Développement Economiques (OCDE) dans l’enquête datée des années 2000. Elle est perçue comme une capacité, « une aptitude à comprendre et à utiliser l’information écrite dans la vie courante, à la maison, au travail et dans la collectivité en vue d’atteindre des buts personnels et d’étendre ses connaissances et ses capacités » (p. X). Nous pouvons comprendre par-là, que la littératie joue un rôle important sur le chemin de l’inclusion et de la participation sociale, ce que soutient par exemple Papen (2005). Selon lui, la littératie va au-delà d’une série de compétences techniques et devrait être considérée comme une pratique sociale qui s’immisce dans des discours, dans des relations personnelles et dans des contextes institutionnels. Lacelle et Lebrun (2014) ajoutent à cette compréhension de la littératie une dimension supplémentaire de la multimodalité. Celle-ci reflète un progrès technologique qui fait aujourd’hui partie de notre vie, et qui demande aux usagers des compétences littéraciques or, ce n’était pas le cas dans le passé.

2.2. « Functional literacy »

Le terme de functional literacy traduit en français comme la littératie fonctionnelle, apparait souvent en lien avec l’instruction littéracique des personnes présentant une déficience intellectuelle modérée à sévère. Emergé dans des années 1960/1970, ce concept met l’accent sur la capacité d’utilisation des savoirs issus de l’enseignement de la littératie dans différents contextes de la vie courante comme le mentionne le rapport de l’Unesco (2006). Ce dernier s’inscrit dans le mouvement de l’éducation pour tous, mené par cette organisation. Le caractère fonctionnel de la « literacy for life » est expliqué de manière suivante :

A person is functionally literate who can engage in all those activities in which literacy is required for effective functioning of his (or her) group and community and also for enabling him (or her) to continue to use reading, writing and calculation for his (or her) own and the community’s development (p. 22).

Il est important de préciser ici, qu’une ambiguïté est présente dans la compréhension de ce terme. Notons d’abord que par le passé, les personnes présentant un déficit cognitif important étaient initialement exclues de l’enseignement, dont l’enseignement littéracique, pour après être emmenées à maîtriser certains prérequis décontextualisés, comme nommer dans l’ordre toutes les lettres de l’alphabet et ceci avant d’apprendre à lire son propre prénom (Copeland, 2009b). Finalement, comme souligne cette auteure, ces personnes n’avaient pas de possibilité à passer au-delà car ils n’étaient pas considérés prêts pour ça. D’après Browder (s.d), les

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enseignants se sont ensuite focalisés sur l’instruction littéracique très limitée, plus que sur le

« functional literacy ».

De nos jours, nous ne pouvons pas nier le caractère utile de la lecture. D’après nous, la connotation de l’adjectif « functional » a évolué, notamment grâce au développement des multimédias. De nombreux outils mis à disposition de l’homme exigent une maîtrise de la lecture pour s’en servir. Nous ne pouvons plus imaginer notre quotidien sans e-mails, téléphones, cartes interactives ou encore e-books. Ils contribuent alors à une fonctionnalité de la lecture différente de celle du passé. Par ailleurs, la littératie fonctionnelle n’est plus exclusive. Cèbe et Paour (2012) nous expliquent l’existence de deux concepts pédagogiques bien présents dans l’instruction de la lecture qui se veulent à la fois distincts et complémentaires. L’un se focalise justement sur les aspects fonctionnels de cet enseignement (la reconnaissance de mots, les logos) et vise surtout l’autonomie de la personne au quotidien.

L’autre a « une vision plus ambitieuse » du fait qu’il « inclut l’enseignement du code, son automatisation et la compréhension de textes écrits » (p. 45). Certains auteurs s’expriment plutôt en faveur de ce dernier (ex. Erickson et al. 2009). Ils le voient au sens beaucoup plus large et soulignent que l’enseignement des mots entiers est juste une composante de ce processus et non un objectif ultime à atteindre.

Toujours est-il que la littératie fonctionnelle, comme nous l’avons déjà souligné, occupe une place importante et fait partie de l’enseignement aux personnes présentant une déficience intellectuelle modérée à sévère et ceci de façon moins limitée qu’auparavant. Selon Copeland (2009), elle n’apprend pas que les savoirs acquis et peut donner accès aux autres expériences littéraciques, telles que la lecture pour le plaisir ou encore la rédaction des mails. La littératie se doit d’aller au-delà de l’instruction purement utile et pratique et viser à compléter et contextualiser, comme le soulignent Erickson et al. (2009) : « l’approche traditionnelle de la lecture fonctionnelle a peut-être sa place mais cette place ne veut pas dire ‘à la place’ de l’instruction qui construit des vrais compétences littéraciques »7 (p. 8).

2.3. Que signifie « lire » ?

Le verbe « lire » a, selon le dictionnaire « Robert pratique » (Rey, 2011, p. 834) plusieurs significations. La première le définit comme une activité ayant pour but de « suivre des yeux en identifiant (des caractères, une écriture) ; être capable de lire une écriture ». La deuxième, veut dire « déchiffrer » par exemple un graphique ou une partition de musique. La

7 Traduction par l’auteur

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troisième, met l’accent sur « la prise de conscience du contenu de (un texte) par la lecture » tels qu’une lettre ou un roman. La quatrième met en avant la compétence d’« énoncer à haute voix (un texte écrit) ». Enfin la dernière caractérise ce verbe en ajoutant aux autres variantes un aspect supplémentaire – la compréhension. Ce caractère multidimensionnel de la lecture rend ce processus très complexe, qui, comme le souligne Hawken (2009), à l’opposé du langage oral, n’est pas innée et donc doit-être enseignée.

Résulte de cette description un enjeu majeur de la lecture dans des activités liées à la communication et également à l’accès au sens d’un texte préalablement écrit. Y accéder n’est pas une chose facile et demande beaucoup de travail et de rigueur. Scrarborough (2001, p. 185) a illustré comment les différents éléments, présentés sous la forme de fils, forment un ensemble vu comme un acquis de la lecture (Figure 1). La compréhension langagière (les connaissances acquises sur le monde, le vocabulaire, les structures du langage, le raisonnement verbal, la connaissance de l’écrit) et l’identification des mots (la conscience phonologique, le décodage, la reconnaissance des mots familiers) sont des composantes qui se développent dans ce processus en interaction l’un avec l’autre et pas indépendamment.

Figure 1: Le modèle de la lecture d’après Scarborough

Dans ce schéma nous pouvons voir, qu’une démarche à la fois stratégique et automatisée est nécessaire pour devenir un lecteur expérimenté. Celui-ci se distingue par une lecture fluide tout en procédant à l’identification de mots et comprenant le sens de ce qu’il lit. Pour parvenir à maîtriser la lecture, l’acquisition des connaissances du code est indispensable. Vu comme

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un pont entre les sons de la langue orale et les signes qui les représentent à l’écrit, elle permet justement de reconnaître des mots écrits et par là d’accéder à leur compréhension.

Pour compléter cette description, le schéma issu du document de Wren (2001) nous semble intéressant à exposer ici. Il présente les multiples composantes cognitives regroupées dans un cadre de références conceptualisé par Southwest Educational Development Laboratory (Figure 2). Essentielles dans le processus d’apprentissage de la lecture, elles mettent aussi l’accent sur la complexité de la lecture déjà évoquée dans ce chapitre. Notons également, que la compréhension langagière et l’identification des mots écrits prennent une part égale dans la « compréhension [qui] constitue la finalité de l’acte de lire » (Hawken, 2009, p. 36). Le côté « oral » et « écrit » ont ici leur place, et ceci tout en gardant un statut égal. A l’image de Scrarborough, Hawken souligne que « l’enseignement est plus efficace lorsque ces composantes sont combinées et non lorsqu’elles sont enseignées de manière isolée et séquentielle » (p. 38).

Figure 2: Fondements cognitifs de l'apprentissage de la lecture8

8 Wren (2001, p. 43) pour la version anglaise; Hawken (2009, p. 36) pour la version française

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Burgoyne et al. (2012) définissent à leur tour la lecture comme un processus d’interprétation des symboles dans un sens précis, qui constitue le sens. C’est le décodage qui occupe une place centrale dont l’apprentissage se fait par le biais de la reconnaissance automatique des mots ainsi que par l’acquisition des compétences phonologiques et phoniques. Le sens a aussi son importance du fait que le texte en est intégralement lié, comme c’est le cas de la grammaire et de la syntaxe. La Figure 3 illustre les composantes de la lecture à l’aide d’un modèle ci-dessous (p. 34).

Figure 3: The Reading Model

Les illustrations du processus de la lecture présentées ci-dessus permettent de voir quelles composantes sont utilisées et à quel point cette activité est complexe. Aujourd’hui, savoir lire est indispensable parce que la lecture constitue une compétence fondamentale de notre vie (Hughes, 2006). Il ne faut surtout pas l’oublier en planifiant l’instruction des personnes présentant une déficience intellectuelle.

3. L’enseignement des personnes présentant une déficience intellectuelle modérée à sévère

Un enseignement dit « académique » donné aux personnes présentant une déficience intellectuelle importante est souvent pointé du doigt. Considéré comme très restreint car n’étant pas prioritaire, il ne permet pas encore d’estimer correctement leur potentiel d’apprentissage : « le potentiel de ces élèves nous est encore inconnu, nous ne pouvons pas l’estimer en lien avec des apprentissages académiques complexes ou encore savoir comment ils peuvent en profiter dans la vie »9 (Courtade et al., 2012, p. 6). Basil et

9 Traduction par l’auteur

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Reyes (2003) emploient un adjectif « irréalisable » pour décrire leur potentiel d’apprentissage à lire et à écrire, qui serait plus lié à un manque de confiance et de motivation de ces élèves.

Il semble que cet état de chose est majoritairement dû à l’importance accordée aux tests d’intelligence estimés, dans le cas de ces personnes, comme très peu informatifs. Du fait de leurs caractère figé et stable, ces tests ne montrent pas le potentiel d’apprentissage qui lui, peut évoluer. C’est pourquoi un besoin d’une « évaluation plus différenciée » (Hessels- Schlatter, 2010a, p. 45) ne fait alors aucun doute. Des informations obtenues grâce à celle-ci peuvent fortement faciliter les professionnels l’élaboration d’un programme d’apprentissage plus adapté, plus ciblé et ainsi « de les amener à développer des attentes plus optimistes et ambitieuses quant aux capacités de leurs élèves » (p. 45). Cet objectif est précisément une des visées du Test d’Apprentissage de la Pensée Analogique (TAPA) co-développé notamment par Hessels-Schlatter (Schlatter, Büchel, & Thomas, 1997 ; Hessels-Schlatter, 2001 ; 2002a ; 2002b ; 2010a). Validé grâce aux études menées auprès de personnes présentant une déficience intellectuelle modérée à sévère (QI < 50-55) de 6 à 19 ans, il permet de

« distinguer les personnes présentant une bonne capacité d’apprentissage et qui sont susceptibles de profiter d’une intervention cognitive ou d’un enseignement académique poussés, de celles dont la capacité d’apprentissage est limitée » (p. 40). Cela nous indique qu’elles ont un potentiel à développer.

Par ailleurs, des tests d’apprentissage qui ont, eux, un caractère dynamique, sont alors à privilégier auprès de cette population, et sont, dans ce champs, d’une grande utilité (Hessels, 2002 ; Hessels & Hessels-Schlatter, 2010). Selon ces auteurs un tel constat est d’autant plus significatif chez les personnes présentant une déficience intellectuelle importante, souvent sous-estimées :

(…) la croyance d’une incapacité à suivre une instruction scolaire a été surgénéralisée à l’ensemble des personnes présentant un retard de développement important. En conséquence l’enseignement qui leur est prodigué se limite généralement au développement de compétences pratiques, sociales, communicatives et plus généralement d’autonomie, au détriment des apprentissages scolaires (Hessels- Schlatter, 2010a, p. 36).

Une recherche menée par Martini-Willemin (2008) dans le cadre de sa thèse de doctorat mène à un constat semblable en indiquant que l’enseignement académique est fréquemment mis seulement au second plan. Ainsi, un manque de devoirs et un niveau d’exigence peu élevé constituent des éléments de désaccord entre les parents et les professionnels dans la réalisation du projet scolaire.

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Mais alors qu’est-ce qu’il faut déduire de cette description ? Il nous semble que l’information primordiale qui en découle vise surtout à se rappeler que les personnes présentant une déficience intellectuelle importante ont aussi des compétences à déployer « à condition d’exploiter correctement [leur] potentiel » (Monnet, 2011, p. 6) et ceci en commençant par mettre le processus d’apprentissage à leur portée.

3.1. Le droit à la littératie des personnes présentant une déficience intellectuelle

Une attention particulière se focalise sur l’accès à l’enseignement littéracique des personnes présentant une déficience intellectuelle. Non seulement les compétences de ces personnes sont souvent sous-estimées, comme nous venons de le dire, mais aussi les apprentissages notamment de la lecture ne font souvent pas partie de priorités. C’est pourquoi Yoder, Erickson et Koppendaver (1997), en se basant sur la Convention des Droits de l’Enfant de 1990, revendiquent le droit de ces personnes dans « A literacy bill of rights ». Il s’agit d’une liste des droits à la littératie pour tous, donc pour ceux, qui présentent une déficience :

All persons, regardless of the extent or severity of their disabilities, have the basic right to use print. Beyond this general right, there are certain literacy rights that should be assured for all persons. These basic rights are:

1. The right to an opportunity to learn to read and write. Opportunity involves engagement in active participation in tasks performed with high success.

2. The right to have accessible, clear, meaningful, culturally and linguistically appropriate texts at all time. Texts, broadly defined, range from picture books to newspapers to novels, cereal boxes, and electronic documents.

3. The right to interact with others while reading, writing, or listening to a text.

Interaction involves questions, comments, discussions, and other communications about or related to the text.

4. The right to life choices made available through reading and writing competencies.

Life choices include, but are not limited to, employment and employment changes, independence, community participation, and self-advocacy.

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5. The right to lifelong educational opportunities incorporating literacy instruction and use. Literacy educational opportunities, regardless of when they are provided, have potential to provide power than cannot be taken away.

6. The right to have teachers and other service providers who are knowledgeable about literacy instruction methods and principles. Methods include but are not limited to instruction, assessment, and the technologies required to make literacy accessible to individuals with disabilities. Principles include, but are not limited to, the beliefs that literacy is learned across places and time, and no person is too disabled to benefit from literacy learning opportunities.

7. The right to live and learn in environments that provide varied models of print use.

Models are demonstrations of purposeful print use such as reading a recipe, paying bills, sharing a joke, or writing a letter.

8. The right to live and learn in environments that maintain the expectations and attitudes that all individuals are literacy learners.

« L’accès » est un mot clé qui découle de cette liste et est en lien avec l’enseignement littéracique des personnes présentant une déficience intellectuelle modérée à sévère vues souvent encore aujourd’hui, comme inaptes à acquérir des connaissances académiques de base dont la lecture fait évidemment partie.

3.2. Les lacunes de l’enseignement littéracique

La description de la littératie donnée par PISA (chapitre 2.1.) est critiquée par Keefe et Copeland (2011) du fait qu’elle mène à l’exclusion et l’enfermement de cette population dans la catégorie péjorative des illettrés. Pourtant Duchesne, Rouette, Rocque et Langevin (2002, d’après l’étude de Duchesne, 1993) signalent qu’environ 90% de personnes déficientes intellectuelles « possèdent théoriquement la capacité d’accéder au monde de l’alphabétisme » (p. 13). Cela indique que les difficultés que ces personnes ont dans ce domaine n’est pas la seule et unique raison de leur manque de savoirs. L’organisation du système scolaire joue évidement un rôle majeur, ce que mettent en avant Hessels et Hessels- Schlatter dans l’interview accordé au magazine universitaire Campus (Monnet, 2011). Ils donnent un exemple concret du dénigrement trop fréquent des capacités des élèves genevois en soulignant que

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en Angleterre, où ces personnes sont intégrées d’office à l’école régulière, 25% d’entre elles sont susceptibles d’atteindre un niveau de lecture équivalent à celui d’un élève de 6e primaire, tandis que la moitié parvient à un niveau de 2e à 3e primaire. On en est encore loin à Genève, où de tels cas se comptent encore sur les doigts de la main (p. 7).

Elle est donc là, la question de l’intégration des personnes présentant une déficience intellectuelle dans des classes régulières. Ce contexte joue un rôle important dans le processus d’apprentissage du fait qu’il influence favorablement leurs performances. Plusieurs études soutiennent ces propos. Par exemple Laws, Berne et Buckley (2000) ont comparé les résultats des enfants atteints de syndrome de Down qui apprenaient dans deux milieux distincts : ordinaire et spécialisé. Ils ont observé que les enfants faisant partie d’un groupe scolarisé dans le milieu ordinaire, ont obtenu de meilleurs résultats que ceux issus des classes spécialisées et ceci dans les domaines du langage tels que le vocabulaire ou encore la compréhension de la grammaire. Une autre étude, plus récente, faite par Dessemontet, Bless et Morin (2012) a mené au même constat. Ces auteurs ont démontré un progrès significatif des compétences littéraciques chez les enfants âgés de 7-8 ans présentant une déficience intellectuelle (QI : 43- 75). Leurs résultats ont montré que le niveau de leur compétences en littératie du groupe d’enfants intégrés dans des écoles ordinaires à légèrement augmenté en les comparant à celui des élèves issus des écoles spéciales.

Les raisons de la négligence dans le domaine de l’enseignement littéracique peuvent être multiples. Browder et al. (2009) en énumèrent les trois causes probables de l’exclusion des personnes présentant une déficience intellectuelle importante de cette activité.

Premièrement, il s’agirait d’un préjugé quant à leur incapacité d’acquérir les connaissances dans ce domaine. Deuxièmement, un manque d’instruction « peut laisser supposer qu’ils peuvent seulement acquérir certain vocabulaire fonctionnel par opposition au décodage »10 (p. 270). Et finalement, il serait question des déficits du langage et de la communication qui les empêcheraient d’y parvenir.

En effet, ces hypothèses semblent être confirmées. Par exemple Katims (2000a) mentionne qu’un nombre important d’éducateurs les voit incapables d’apprendre à lire.

Kliewer, Bliklen et Kasa-Hendrickson (2006) parlent de la marginalisation des personnes présentant une déficience intellectuelle due aux expériences littéraciques limitées voire inexistantes. La justification d’une enseignante citée dans cet article, en est l’illustration.

10 Traduction par l’auteur

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Partie d’un établissement ordinaire pour intégrer une structure spécialisée, elle compare le travail dans ces deux milieux :

In first grade here [in the city’s school system] there is so much pressure to teach reading. It’s make or break. You have so many people watching, and the pressure is intense. Here [at the segregated special education school] there’s no teaching reading.

I don’t have to worry about it. My kids aren’t readers and they never will be (p. 171).

Tout au long de cet article, ces auteurs décrivent la lecture comme une compétence

« invisible », ce qui démontre les lacunes de l’éducation pour tous. Par ailleurs, le niveau d’instruction littéracique, s’il a lieu, est faible et souvent inadapté (Downing, 2005). Elle souligne que dans le cas des personnes présentant une déficience intellectuelle significative, il n’y a pas d’attente particulière liée à l’apprentissage de la lecture et de l’écriture car tout simplement les objectifs à atteindre ne sont pas définis. En outre, elle pointe le caractère limité et très fonctionnel de ces apprentissages. Pourtant ces personnes ne vont pas acquérir les compétences en littératie elles-mêmes :

they will not acquire literacy skills (and other academic skills) if we do not expect them to or provide them with opportunities to do so. If we perceive them to be incapable of learning, then they may easily meet that expectation (p. 8).

Les tentatives de l’enseignement systématique de la littératie (de la lecture, de l’écriture, de l’orthographe) aux personnes présentant une déficience intellectuelle sont un phénomène relativement récent (Katims, 2000a). Cela sous-entend que nous avons donc porté très peu d’attention voire pas du tout à l’utilité d’une telle instruction. La recherche de Ruppar (2014) nous apporte justement des informations à ce sujet. Elle a analysé les pratiques littéraciques déjà mises en place par les enseignants travaillant avec des personnes présentant une déficience intellectuelle importante. Les quatre éléments de ce processus ont été explorés dans le contexte scolaire des adolescents présentant un retard de développement sévère et de leurs enseignants. Il s’agit seulement des activités que les enseignants ont choisi de partager avec la chercheuse. Les axes sur lesquels cette auteure s’est focalisée concernent : (1) le contexte de l’enseignement : « i.e., features of the setting where literacy was taught » (2) le sujet de l’enseignement : « i.e., what was taught », (3) le matériel, et (4) les tâches consacrées à la littératie : « i.e., what the student did to engage in the activity » (p. 5). Les données récoltées n’ont mis en évidence que les activités littéraciques étroitement construites autour de l’enseignement de la littératie. Celles-ci avaient peu de lien avec le curriculum général, ou amélioraient peu des compétences en communication. Si elles avaient lieu, elles étaient

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déconnectées du contexte de ces adolescents. Quant aux outils, juste une feuille de brouillon a été utilisée.

Ce manque de méthodologie peut être en lien avec un nombre limité d’études menées dans ce domaine. Browder et al. (2006) ont passé en revue les 128 études qui traitaient de l’enseignement de la lecture aux personnes présentant une déficience intellectuelle modérée, sévère ou encore atteintes d’un trouble du spectre autistique. Ils ont pris en compte, entre autre, les thèmes vus comme la base de l’enseignement. Dans le graphique ci-dessous (Figure 4), nous pouvons voir la répartition de ces travaux en fonction de la thématique abordée (Browder et al. 2006, p. 397). Il nous indique que la grande majorité d’entre eux se focalise sur la reconnaissance des mots isolés (sight words) et ceci seulement dans le cas de l’enseignement aux personnes présentant une déficience intellectuelle modérée (moderate MR). Cependant, le nombre d’études axées sur la conscience phonologique est insignifiant pour la population présentant une déficience modérée et inexistant pour les deux autres groupes (severe MR et other).

Figure 4: Reading components targeted in reviewed studies

Il est également important de souligner ici, que les composantes de la littératie abordées dans ces recherches font partie du modèle conceptualisé par Southwest Educational Development Laboratory (Figure 2), celui de Burgoyne et al. (2012 ; Figure 3) ainsi que le modèle de la

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littératie élaboré par Browder et al. (2009 ; Figure 6). Les analyser séparément en s’appuyant sur les recherches scientifiques semble alors fondamental. C’est pourquoi nous allons leur consacrer le chapitre 4, ce qui permettra de mieux comprendre la complexité de l’enseignement de la lecture aux personnes présentant une déficience intellectuelle modérée à sévère.

3.3. Un besoin d’adapter pour mieux enseigner la littératie

L’étude de Browder et al. (2006)nous permet de mieux nous rendre compte du besoin de mener des recherches dans le domaine de la littératie avec la population présentant une déficience significative. C’est grâce aux études scientifiques que divers supports pourront être développés pour ensuite servir aux enseignants et aux apprentis-lecteurs. C’est d’autant plus important que sans ces adaptations, ces populations risquent de devenir seulement des observateurs passifs (Erickson, Clendon, Abraham, Roy, & Van de Carr, 2005). L’utilisation d’une démarche plus ciblée semble alors être une évidence du fait d’une grande hétérogénéité des personnes présentant une déficience intellectuelle à laquelle font allusion dans leurs travaux Cèbe et Paour (2012) et Hessels-Schlatter (2001) ou encore Bussy (2010) et Grossniklaus (2009) dans leurs thèses de doctorat. D’après cette dernière

La grande hétérogénéité interindividuelle et intraindividuelle (Lambert, 2002) montre qu’un intervenant auprès d’une personne présentant une déficience intellectuelle doit faire une analyse précise des forces et des faiblesses de cette personne dans divers domaines afin de pouvoir mettre en place une intervention réellement adaptée à ses besoins et à ses compétences (p. 16).

Cette remarque concerne aussi l’enseignement de la littératie. Keefe (2009) a remarqué une nécessité d’avoir une évaluation et une instruction appropriée. En abordant le sujet de fluidité en lecture, elle insiste sur le rôle d’habilités physiques, langagières et sensorielles permettant notamment de voir des lettres ou de saisir l’importance du sens dans lequel le texte devrait être lu. L’enseignant coche une des réponses suggérées parmi : « oui »,

« non » ou « besoin d’aide » pour relever ses observations. Des éventuelles difficultés ne sont pas insurmontables, comme le souligne cette auteure, et elles peuvent être compensées par divers moyens auxiliaires. Elle propose alors « the print acces check list » (Figure 5) qui a pour but d’aider les professionnels à déterminer les particularités de chaque élève afin de prévoir justement un support adéquat (p. 65).

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Figure 5: Print acces checklist

Présenté ici à titre d’exemple, ce tableau peut être modifié et ajusté selon les besoins.

En sachant que ce type de renseignements est important, Downing (2005) indique que les élèves peuvent lire et écrire en se servant de divers supports, tels que des photos, des objets et leurs éléments, mais également des textures variées qui sollicitent le toucher. Ils peuvent aussi faire l’objet d’une observation plus détaillée dans le but de trouver les alternatives au texte écrit (Downing, 2005), ce qui n’est pas toujours pris en compte.

Les caractéristiques inhérentes à la personne jouent un rôle majeur dans une approche pédagogique. Cèbe et Paour (2012) utilisent le terme « personnels » pour les désigner.

D’après eux, « cette donnée est importante si l’on veut connaître les aspects sur lesquels faire porter l’enseignement et les pratiques professionnelles les plus propices aux apprentissages » (p. 43). Des suggestions semblables émergent aussi de l’article de Çolak et Uzuner (2004) qui, en faisant référence aux travaux de Conners (1992) et Esen (1990), mentionnent que des enfants ayant des différences cognitives devraient être enseignés différemment. Parallèlement, Broun dans l’introduction du livre dont elle est coauteur avec Oelwein (2012), rejoint aussi ces propos : « avec le temps et l’expérience, il est devenu évident que les enfants n’ont pas tous les mêmes besoins en matière d’apprentissage et qu’une seule et même approche ne peut convenir à tous » (p. XIII). Partant de ce constat, il s’avère indispensable de procéder aux modifications de l’enseignement traditionnel de la lecture qui peut s’avérer inapproprié aux personnes présentant une déficience intellectuelle importante.

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