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La thématique de la conscience phonologique occupe une place importante dans le processus d’apprentissage de la lecture, ce qui a été confirmé par de nombreuses études dans ce domaine (ex. Armbrouster, Lehr, & Osborn, 2001 ; Blachman, 2000; Castles & Coltheart, 2004 ; Whitehurst & Lonigan, 1998). Il s’agit d’un « terme générique qui est utilisé pour référer à la conscience des différentes unités sonores de la langue orale » (Hawken, 2009, p. 45) comme les syllabes, les rimes ou les phonèmes. Plus exactement, on parle de la maîtrise de ces éléments et de la capacité à les « manipuler ». Associée pendant longtemps à l’acquisition des connaissances alphabétiques en lecture (Cupples & Iacono, 2000), la conscience phonologique serait influencée par les facteurs héréditaires d’une part, et par des expériences linguistiques et littéraciques, d’autre part, comme le soulignent Torgesen et Mathes (2000).

Cet axe de l’enseignement de la lecture est aussi abordé en lien avec des populations dites « spéciales ». Il regroupe un nombre de recherches assez restreintes qui constituent un ensemble à part. Certaines d’entre elles l’ont traité à travers des études menées auprès de personnes autistes (p. ex. Nash & Arciuli, 2014), de personnes trisomiques (p. ex. Cupples &

Iacono, 2000 ; Fletcher & Buckley, 2003), ou encore auprès de personnes présentant une déficience intellectuelle (p. ex. Baker, Sevcik, Morris, & Romski, 2013 ; Copeland & Calhoon, 2009). Ces populations nous intéressent plus particulièrement, car les recherches qui leurs sont consacrées prennent en compte leurs particularités. Celles-ci ne font à l’heure actuelle, l’objet que de très peu d’études traitant d’une manière détaillée cette thématique (Browder et al., 2006).

Il était démontré que chez les enfants ayant un développement normal, il existe une corrélation entre la conscience phonologique et l’apprentissage de la lecture (ex. Rey &

Sabater, 2007 ; Whitehurst & Lonigan, 1998). Cela semble être également le cas chez les personnes présentant une déficience intellectuelle. Par exemple une recherche de Baker et al.

(2013) menée auprès de 294 enfants présentant une déficience intellectuelle légère indique l’existence d’un lien entre deux composantes du processus phonologique, c’est-à-dire de la conscience phonologique et de la capacité à nommer rapidement un stimulus visuel (les lettres, les chiffres, les couleurs ou des simples objets), et l’accès au langage et à la lecture.

Les résultats présentés démontrent que « la conscience phonologique a une forte corrélation

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avec le langage expressif et réceptif ainsi qu’avec les compétences en lecture. Nommer rapidement, corrèle moyennement avec ces variables » (p. 365).

D’après Cèbe et Paour (2012), l’enseignement explicite de la conscience phonologique améliore les performances des apprentis-lecteurs présentant une déficience intellectuelle importante, même « si les compétences phonologiques ne sont pas, au départ, le point fort de ces élèves » (p. 44). L’étude menée par Conners, Rosenquist, Sligh, Atwell et Kiser (2006) aborde ce sujet avec plus de détails. 85% des participants, tous présentant une déficience intellectuelle (moyenne d’âge 9,5 ans ; QI moyenne 54), ont reçu un enseignement phonétique au cours de leur scolarité, sans qu’une évolution significative dans ce domaine soit relevée.

C’est pourquoi une intervention intensive constituée de 22 leçons de 20 minutes chacune, axée sur l’apprentissage phonologique était alors mise en place pour eux. Une évaluation finale de l’efficacité de cet enseignement a démontré une amélioration du résultat de ces élèves « at sounding out instruction and transfer words and nonwords than children who did not have these lessons » (p. 133). Tous ces constats mettent en avant encore une fois, le caractère capacitaire des personnes présentant une déficience intellectuelle importante. Par ailleurs, les auteurs ont également mentionné un autre aspect, à savoir l’attitude des enseignants, qui ne serait pas sans importance durant la période d’apprentissage. En résumé, ce qui reste à retenir de cet article c’est que les élèves présentant une déficience intellectuelle ont profité de l’enseignement donné. Cela montre que l’instruction phonologique a une place importante dans le processus d’acquisition des compétences en lecture de cette population et qu’il ne faut surtout pas négliger.

Vue la multitude de tâches qui peuvent être proposées aux apprenti-lecteurs lors de l’apprentissage de la conscience phonologique, Browder, Spooner, & Ahlgrim-Delzell (2011) suggèrent que celles-ci devraient être choisies en fonction des capacités des personnes. C’est pourquoi, il est important de sélectionner les activités qui leur permettraient de participer le plus indépendamment possible. Certaines peuvent alors être plus accessibles par exemple à des personnes non verbales, d’autres à celles qui ont des difficultés motrices. En outre, Snowling, Hulme et Mercer (2002) ajoutent l’importance de la généralisation des informations apprises. Les associations entre les lettres et les sons semblent impacter le processus d’acquisition de la lecture et devraient être utilisées par les apprentis lecteurs. Or, ces auteurs soulignent que les enfants atteints d’une trisomie n’ont pas l’habitude de le faire :

While children with Down syndrome with good phonological skills tended to be better readers than those with poor phonological skills, letter-sound knowledge was not a concurrent predictor of reading performance in spite of the fact that the children with

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DS knew as many letter sounds as controls. It might be inferred, therefore, that they used letter-sound knowledge differently (or not at all) in their reading (p. 481).

Selon Copeland et Calhoon (2009) il est nécessaire de prendre en compte aussi le temps consacré à l’enseignement des aspects phonologiques. Faisant allusion aux personnes présentant une déficience intellectuelle modérée à sévère, ces auteurs soulignent que pour qu’elles puissent réellement en profiter, il faudrait organiser cet enseignement. Les leçons devraient être courtes (10-20 mn/jour) et l’apprentissage, comme il était déjà mentionné, explicite. Cela leur permettrait plus facilement de garder un maximum d’attention à un moment précis. Egalement Allor, Mathes, Champlin et Cheatham (2009) parlent de cet aspect.

Durant l’instruction phonologique qui comprend la segmentation des mots en syllabes ou en phonèmes (segmentation) et la construction des mots à partir des syllabes ou des phonèmes (blending), ces enseignements privilégient des techniques visant le maintien de l’attention des élèves, par exemple par le biais d’un jeu de marionnettes. Rendre l’apprentissage intéressant et ludique permet de faciliter l’accès à l’information et comme le fait remarquer Baddeley (1993), « il semble évident que si l’on ne prête pas attention à quelque chose, on sera sans doute incapable de l’apprendre » (p. 162). Par ailleurs, ils précisent que les progrès de trois enfants pris en compte dans leur recherche, âgés de 6, 8 et 9 ans, présentant une déficience intellectuelle (QI respectivement 63 ; 44 et 55), étaient qualifiés de très lents du fait que les premiers résultats ont été observés seulement plusieurs mois après le début de l’instruction.

Houston, Al Otaiba et Torgesen (2006) arrivent au même constat, ce qui démontre la nécessité de la pratique régulière de ces notions et ceci en privilégiant des manières non conventionnelles (Cossu, Rossini, & Marshal, 1993).

4.2.1. La syllabe

La littérature linguistique nous fournit un nombre important d’informations traitant de la signification du terme « syllabe ». En les prenant en compte, un travail à part peut lui être consacré. Or ce n’est pas l’objectif de ce travail. Ce qui nous intéresse, c’est de savoir comment il est défini, de quoi une syllabe est constituée et quel est son rôle dans le processus de l’acquisition de la lecture. Ces renseignements nous permettront de comprendre le mécanisme de la segmentation des mots en syllabes et ses difficultés dans la langue française.

D’après Meynadier (2001) la conception actuelle qui décrit la syllabe comme une structure hiérarchique organisée de niveaux syllabiques (niveau syllabique ; sub-syllabique 1 : l’attaque et la rime ; niveau sub-syllabique 2 : le noyau et éventuellement la coda), « semble rencontrer

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un large consensus sur la base des régularités linguistiques générales, voire universelles » (p. 115).

Ainsi, nous définissons la syllabe comme « une unité sonore la plus naturelle en français, car elle correspond à une unité d’articulation » (Giasson, 2013). Elle est composée de deux parties, à savoir l’attaque et la rime. La première d’entre elles, est représentée par une consonne ou un groupe de consonnes initiales qui se trouve au début d’une syllabe dont la présence est facultative. La deuxième en revanche doit s’y trouver, et est composée de phonèmes qui suivent l’attaque, à savoir le noyau représenté obligatoirement par une voyelle ainsi que la coda. Cette dernière est une consonne ou un groupe de consonnes finales.

Comme il était mentionné, il arrive que les syllabes ne possèdent pas d’attaque, alors dans ce cas-là, elles commencent par une voyelle (p. ex. « ours » ; « autre »). La présence de la coda est également facultative, ce qui veut dire que la syllabe peut finir par une voyelle qui n’est pas muette (p. ex. « la »). Il se peut également que certaines syllabes ont ni l’un ni l’autre, comme par exemple « ou ». Le schéma présenté ci-dessous (Figure 8) permet de mieux visualiser le caractère hiérarchique des éléments de la syllabe. Il apparait fréquemment dans la littérature linguistique (ex. Fudge, 1987 ; Giasson, 2013 ; Meynadier, 2001) :

Figure 8: Représentation de la structure syllabique

La difficulté de la syllabe réside dans sa distinction dans le langage oral et dans le langage écrit. De cette façon, le nombre de syllabes à l’oral peut diverger de celui de l’écrit.

Prenons par exemple le mot « table ». Nous pouvons voir qu’à l’oral, il ne comporte qu’une syllabe : /tabl/, mais à l’écrit on en distingue deux : « ta » + « ble » (Hawken, 2009). Il est important de mentionner ici que l’enseignement de la conscience phonologique dans les premières années scolaires « se fait essentiellement à partir d’une syllabe orale » (Giasson, 2013).

Syllabe

Attaque Rime

Noyau Coda

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