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humanité à l épreuve de la génétique et des technosciences.

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Academic year: 2021

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Université Libre de Bruxelles

Faculté de Philosophie et Lettres & Faculté de Médecine

Unité d’accueil : C.R.I.B.

humanité à l épreuve de la génétique et des technosciences.

Jacqueline Wautier

Année Académique 2004 – 2005.

Promoteur de Thèse :

Professeur Jean-Noël Missa.

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Chap.3 : Prédire, des mots aux maux ? Remarque préliminaire :

Nous ne traitons pas en ces lignes de l’utilité médicale des dépistages et diagnostics génétiques.

Développés et arrimés à leurs sphères propres ( curative, palliative et préventive - jusque et y compris sélective à l’encontre d’existences en projet promises à la douleur, à l’enfermement en leur compacité biologique ou encore à une mort précoce ), ils s’inscrivent dans la voie d’un progrès incontestable et permettent, soit un évitement de naissances par trop douloureuses, soit une prise en charge immédiate et adaptée à la pathologie - quand ce n’est un choix informé et des options d’existence appropriées. Nous n’adoptons donc pas ici cette perspective médicale mais nous nous intéressons au champ existentiel : aux impacts anthropologiques, psychologiques et sociaux du «dire». Raison pour laquelle notre interprétation et notre souci, s’ils rencontrent en interférence celle et celui du médecin, ne peuvent s’y fondre : celui-ci, conformément à sa fonction et à la différence de tout théoricien, se préoccupe prioritairement de son patient actuel, de sa demande individuelle, de ses risques personnels, de sa souffrance particulière et de sa pathologie singulière. Mais il nous paraît néanmoins important de départager les deux domaines que sont l’existentiel et le médical - et important d’interroger la liberté d’existence face aux dires prédictifs et probabilistes.

A - Définition :

Les examens génétiques recouvrent des procédés d’analyse chromosomique ( en nombre et structure ) et génique (recherche de mutations pathogènes ou visualisation d’une succession spécifique de séquences codantes ou muettes ). Ils mettent au jour des éléments permettant d’identifier les «personnes»

( potentielles, en développement in utero ou constituées ) dotées d’une particularité à implication défavorable ou pathologique – à plus ou moins long terme et selon des probabilités diverses allant de la certitude au doute le plus insoluble. Mais ils permettent également de confondre délinquants et criminels ou de spécifier les liens familiaux contestés ou rompus ( quête ou assurance de filiation, déni de paternité, voire reconstruction des fratries ou familles séparées par des circonstances diverses – de la guerre à l’immigration ). Ils peuvent retracer l’histoire des migrations, métissages ou disparitions de populations ancestrales et intéressent alors ethnologues et anthropologues. Par ailleurs, ils peuvent être utiles aux institutions diverses ( de recherches médicales ou de prévention en matière de santé publique ) dès lors que se présentent des groupes culturellement ou géographiquement isolés susceptibles de receler un nombre important de porteurs d’un gène «intéressant». A noter que la mise à disposition de l’ADN et la constitution de fichiers permettent des analyses différant d’une simple identification comparative ( recelant en cela risque de classifications à portée discriminative ).

En outre, ces analyses couvrent différents domaines : médical ( en ses acceptions prédictives ou diagnostiques mais aussi en ses portées informatives, préventives, palliatives ou curatives ), existentiel ( eu égard à diverses options d’existence et vis-à-vis des conditions minimales de confiance ou d’insouciance autorisant une libre décision et un investissement de l’avenir ), juridique ( s’agissant des limites, normes et champs d’application des techniques ), policier ( quant aux fichiers constitués et preuves récoltées ), judiciaire ( quant à la validité et à la portée des tests effectués ), socio-économique ( au regard des risques de stigmatisations et de discriminations en matière d’assurances, de soins médicaux ou d’emplois, mais aussi à l’égard des développements eugéniques ou idéalistes ) et finalement éthico-familial ( quant aux implications de certains savoirs en matière de lignage biologique, quant aux notions de transmission ou de responsabilité, quant aux décisions procréatiques ou abortives, quant à l’ouverture du secret médical, au droit ou devoir de savoir, au substrat affectif et éducatif… ). De même, ces examens peuvent répondre à une demande individuelle ( d’un savoir intime ou d’une connaissance portant sur l’enfant à naître ), à une inquiétude tierce ( d’un conjoint, d’un membre d’une fratrie, d’un parent, d’une institution de soins ou d’un médecin ), ou encore à une initiative soutenue par les représentants de la collectivité ( demande judiciaire ou sollicitation issue du Ministère de la Santé publique ). Ainsi, dans l’hypothèse d’un screening génétique, il s’agit de mettre au jour des risques héréditaires ou strictement individuels par la mise en uvre systématique de dépistages accordés en leurs recherches spécifiques aux populations auxquelles ils s’adressent. Cette recherche se tourne vers des individus n’ayant pas explicitement formulé de demande et ne présentant aucun symptôme particulier mais relevant d’un groupe statistiquement plus exposé à l’un ou l’autre gène potentiellement pathogène : soit en son expression diachronique ( patient présymptomatique ), soit en son expression circonstancielle ( patient prédisposé ), soit en son doublement allèlique ( patient porteur sain ). Cette option, entendant un groupe cible, une systématisation et une institution demandeuse

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(Ministère de la Santé publique ), peut être préconceptionnelle (cherchant l’état de porteur d’une maladie grave récessive – en fonction de la fréquence du gène au c ur de la population : mucoviscidose, drépanocytose, Tay Sachs, Thalassémie… ), anténatale ( eu égard à une malformation du f tus, une anomalie chromosomique ou une particularité génique : Spina Bifida, Trisomie 21, X fragile… ), néonatale ( par rapport à des désordres métaboliques pouvant être précocement pris en charge : phénylcétonurie… ) ou encore de prédisposition (à l’égard de cancers, de maladies coronariennes, d’hypertension… ).

Le conseil génétique recouvre donc l’évaluation des risques associés à l’hérédité : qu’il s’agisse de mutations spécifiques, de particularités chromosomiques structurales ou quantitatives ( aneuploïdie des autosomes ou des chromosomes sexuels ), de terrain génomique familial ou de susceptibilités de développer, selon des probabilités plus ou moins importantes, des maladies particulières. Dès lors, il s’adresse aux individus inquiets de leur avenir personnel, aux géniteurs potentiels ou aux futurs parents confrontés à l’une ou l’autre anomalie du f tus - mais aussi, désormais, à des sujets atteints de désordres métaboliques susceptibles d’être palliés.

Dans la perspective procréatique, ce conseil génétique porte sur un présent ou sur un antécédent de pathologie, voire sur une stérilité : il cherche une cause, tente un diagnostic, estime les risques de transmission, les objective quelquefois par une étude moléculaire ou caryotypique effectuée sur le f tus ( ou l’embryon lors d’un D.P.I. ) et formule des conjectures plus ou moins probables ou des certitudes incontournables quant au devenir bio-médical de ce f tus. Dans la perspective individuelle, il cherche, par anamnèse familiale, examens cliniques ou recherche de mutations géniques, à informer le consultant des risques encourus de développer telle ou telle pathologie. Il formule des diagnostics, parfois asymptomatiques, et s’étend des risques tumoraux aux pathologies dégénératives ( neurologiques ou musculaires ) à expression retardée. Semblable classification permet de distinguer quatre situations spécifiques au diagnostic postnatal :

a) Le consultant est porteur d’une anomalie génétique confirmant le diagnostic émis antérieurement face à un ensemble de symptômes – domaine strictement médical / mode proprement diagnostique.

b) Le consultant, le plus fréquemment motivé par un vécu familial, s’avère porteur d’un gène pathogène à expression retardée – domaine médical à implication existentielle / mode diagnostique présymptomatique.

c) Le consultant, porteur sain, se révèle nanti d’un gène dont la combinaison homozygote est dommageable – domaine médical à extension transgénérationnelle et implications éthiques / mode informatif.

d) Le consultant est porteur d’un gène impliqué dans un processus pathogène polygénique et / ou plurifactoriel – domaine existentiel à prolongement médical ( précautions div erses) / mode diagnostique de prédisposition.

Les problèmes spécifiques à ces situations relèvent :

- Pour le (a) : du médical - eu égard à la disponibilité d’un traitement curatif ou palliatif.

- Pour le (b): du médical et de l’existentiel – eu égard à l’impact psychologique et familial ( affectif ) d’une telle annonce en l’absence de traitement.

- Pour le (c) : du social et de l’éthique – eu égard aux risques eugéniques (totalitaires, utopiques, idéalistes ou narcissiques ) dès lors que l’on quitte le domaine de l’invivable ou du létal.

- Pour le (d) : de l’existentiel et du social – eu égard à une ankylose de l’existence ( précautions castratrices, orientation existentielle tronquée, savoir anxiogène… ) et aux discriminations diverses ( accès à l’emploi, aux assurances, aux financements… ).

En conséquence, le conseil génétique relève d’un travail complexe associant une recherche ( de paramètres biologiques objectifs, de mutations, d’aneuploïdies, de modifications de structure, d’indices cliniques, de dysmorphismes et d’histoire familiale ) à un processus de communication construit dans une relation individuelle et inscrit dans une temporalité ou un devenir.

B - Du «Dire» : diagnostic et prédiction.

S’agissant de la compréhension des mécanismes biologiques, en matière de correspondances et d’articulations entre gènes et substrats biochimiques, entre gènes et pathologies également, les savoirs et savoir-faire ont littéralement explosé et les demandes soumises aux praticiens ont largement empiété sur divers domaines - non plus strictement médicaux mais proprement sociaux et existentiels.

Parallèlement ou quelquefois conséquemment, les tiers faisant irruption entre le médecin et son patient

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se sont démultipliés : instruments et interférences, fonds pulsionnels et utopies, projections personnelles et constructions diachroniques, histoire familiale et projet collectif ( éthico-culturel ou spéciel ). Par ailleurs et paradoxalement, c’est la volonté d’écarter l’interférence «parasite» et le seul symptôme «masquant» qui conduisit peu à peu à introduire instruments endoscopiques et optiques, normes et statistiques, défaillances cachées du métabolisme et matrices informantes enfouies au c ur des cellules - et Canguilhem de souligner déjà : « Il y a bien des cas, désormais, où pour pouvoir identifier une maladie on doit apprendre à ne pas en chercher l’accès en passant par le malade. D’un point de vue d’enzymologiste, on peut apercevoir des états de maladie réelle, bien que latente et provisoirement tolérée, méconnus par le clinicien observateur de signes spontanés ou provoqués à l’échelle de l’organisme ou de l’organe.»

1

.

Aujourd’hui, la médecine propose l’invisible au regard ( gamètes, ufs, f tus, mais aussi chromosomes et séquences codantes ). Elle donne à entendre ses conjectures prédictives et dessine en cela avenir, devenir et destinée - concourant ce faisant à figer les représentations y associées et les mécanismes d’oppositions, appropriations, bifurcations ou échappements existentiels. Ainsi, selon qu’il s’applique à l’individu ou au «potentiel», au sujet mature ou à l’enfant, à l’agent inquiet ou au citoyen insouciant, à la conscience inscrite en une histoire familiale fatidique ou à la personne s’existenciant de son fonds de possibles, le diagnostic génétique diversifie ses effets et ses lieux d’influence : de l’intimité ankylosée par «son» avenir présentifié … au potentiel réduit à sa matérialité ou à ses probabilités ( et

«voir» c’est également désymboliser ou «désacraliser» : précariser ce qui est porté au regard ). Mais aussi, de la subjectivité autonome en sa maturité … à l’identité en construction soumise en son vécu à l’évaluation de l’expert ( et tout regard porté sur l’autre le détermine peu ou prou ). Ou encore, de l’existence en ses perceptions et intuitions personnelles … au fond épistémologique, scientifique ou social.

Selon le généticien Gilbert Vassart, « Dès que la collecte des données génétiques individuelles deviendra aisée et peu coûteuse, la puissance de l’informatique mettra à la disposition du médecin une donnée fondamentale qui lui fait actuellement défaut : elle définira le «terrain» génétique de son patient. On peut s’attendre à ce que cette donnée modifie quasiment tous les aspects de la pratique médicale : depuis le diagnostic dont la fiabilité sera modulée par le «profil de prédisposition», jusqu’au traitement qui pourra être adapté à la sensibilité individuelle, et au pronostic qui, bien sur, sera également fonction du terrain»

2

. Telle perspective recouvre la promesse d’une médecine individualisée, d’un traitement personnalisé et d’une efficacité décuplée ; mais aussi la menace d’une insouciance à jamais contrariée et d’un présent toujours déjà ingressé par l’avenir. En effet, la recherche des susceptibilités et spécificités comprend une certaine «imposition» de patientalité, c’est à dire la transformation du sujet en patient – transformation opérée selon l’extériorité du diagnostic ou des statistiques et imposée à un individu asymptomatique. Evolution donc, tenant à un bouleversement de la préhension du patient, à une extension des notions de santé et de normalité, à une prise en considération des dimensions trans- générationnelles et diachroniques, à un attrait pour la molécule inerte enfouie au c ur de l’intimité, à une interrogation du potentiel et à une ingression du tiers ( des médiations, des conceptions et des utopies nouvelles ) au sein des relations liant le patient à son médecin, le géniteur à son descendant et l’individu à lui-même. Evolution tenant également à l’exigence de liberté et d’autonomie, de réussite et de satisfaction, de planification et de maîtrise.

A savoir alors ce qu’il adviendrait de l’individu, de son épanouissement et de ses relations sociales et affectives dans une ère de transparence et de stigmatisation collatérale ? Et semblablement, ce qu’il resterait d’intimité et de liberté au corps transpercé, à l’avenir préfiguré ou à la subjectivité peu ou prou insignifiée ? Cela quand l’objectivation d’une spécificité transforme en pathologie ce qui pouvait n’être que particularité et que le diagnostic cherche et trouve au c ur de l’intime une caractéristique permettant ou induisant, très au-delà de la motivation médicale initiale, un classement ou une assignation à demeure existentielle : transposant le lieu ou le n ud du stigmate de l’apparence à l’essence. Quand encore la classification entre membres d’une communauté ( de l’humanité ou de la représentation que l’on s’en fait ) et non membres relève pour le moins partiellement d’une peur inavouable : celle de rencontrer, en soi-même, l’in-humain. Et que la tentation point, aujourd’hui comme hier mais sous d’autres formes et en d’autres lieux, de préciser, limiter, cloisonner et renforcer l’humain en sa quintessence - écartant quiconque se signale d’une différence.

1° Connaître :

1

Ecrits sur la médecine, p. .39.

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La nouvelle génétique médicale, p. 23.

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L’envie de savoir et savoir-faire, le besoin de comprendre puis de contrôler et transformer les substrats mondains et humains, est indissociable de l’humanitude : conséquence, tendance et tentation.

Besoin de dépassement et de maîtrise : vers l’au-delà ( du présent et des impositions multiples ) en vue d’un retour sur soi – un soi réaffirmé en sa réalité, sa densité, sa puissance et sa continuité.

Voir et Savoir : nos sciences se dressent face à l’angoisse et contre la faillibilité - elles donnent à connaître. Co-naître ? Naître à soi-même et à l’Humanité par l’acquisition du savoir –du monde, de

«soi». Naître donc à l’existence en une émergence : hors de l’en-soi, du naturel pulsionnel ou de l’instinctif réactif. Mais aussi, naître, pour l’homme, avec la possibilité génétique de s’ouvrir au monde : le sujet se révèle dans un mouvement de libération passant par la connaissance. Or, dans cet appétit de savoir comme dans l’exigence de maîtrise, l’individu se heurte à l’avenir. Et les rites les plus anciens parlent de cette fascination : recours au devin, à l’oracle ou au chaman – des entrailles de la victime sacrificielle au tracé sinusoïdal de l’électrocardiogramme, de la prophétie au pronostic présentifiant l’avenir, pari lui aussi. Cependant et paradoxalement, dans la continuité de ces décentrages multiples et de ces transparences, une prise en compte précoce d’autrui et une connaissance adéquate de soi laissent craindre un futur opacifié : où se développeraient un mépris de l’humain en sa singularité et une finalisation réifiante de l’individu. Nonobstant et incontestablement, en procréatique comme en pratique clinique, la négligence d’une telle prise en compte relèverait d’une inconcevable omission. Et la médecine du f tus a ouvert cette voie : elle institue ce dernier en patient, lui prodigue des soins et l’intègre en son devenir («personnel») pour l’évaluer. Partant, elle est amenée à jauger l’existence virtuelle d’un «devenant» réel en fonction de représentations nécessairement élaborées (à partir) d’un vécu émotionnel, d’un savoir technoscientifique et de normes assignées. Elle présume d’un devenir et d’un avenir impartis ou promis à une existence encore invisible, peu tangible, exclue de la présence et soutenue en absolue dépendance. Elle accède de la sorte à l’ère des probabilités, des projections et conjectures ; elle pénètre dans des lieux où se mêlent compassions, responsabilités et fantasmes ; elle traite d’entités désincarnées et désymbolisées : où donc il lui faudrait voir, prévoir, prédire et évaluer - mais à tout prix éviter l’abstraction d’une normativité et la fixation d’un Destin.

De même, dans la pratique clinique, la relation traditionnelle qui unissait le médecin à son patient et excluait par principe l’ingérence de tierces parties se trouve bouleversée par la possibilité de mettre en lumière les diverses susceptibilités et les éventuelles pathologies d’expression retardée. Déjà et avant tout, du fait du surgissement de l’avenir et de la pathologie future définie comme telle par un consensus médico-social. Ensuite, du fait des extensions trans-individuelles et trans-générationnelles propres aux diagnostics génétiques. Mais aussi, dans le champ éthico-médical et socio-culturel, suite aux interventions et interférences multiples : des ministères et administrations, des budgets et enveloppes fermées, des normes, limites et conditions organisant dépistages, screenings, préventions, informations, distributions de matériels, séjours hospitaliers, prescriptions et répartitions thérapeutiques. Interventions de l’Etat, de l’INAMI, de l’employeur, de l’assureur, des statistiques et des développements ( probabilistes) diachroniques. Par suite, le patient est insidieusement impliqué dans une relation nouvelle de dépendance : le médecin n’est plus seulement celui qui sait, celui qui soigne, mais il est également celui qui découvre ou rassure ; dispense ou exclut, prévoit ou prédit. Plus encore, il ouvre le présent ou ferme l’avenir ; relie les générations ou instaure des ruptures dans les trajets et projets d’existence ( individuels et familiaux ). Il s’agit là d’une relation «obligée» dont dépendra bientôt le devenir social, économique, professionnel, financier et existentiel, quand ce n’est proprement vital, du

«patient». Et le secret médical peut en sortir perdant : secret fondamental pourtant, non pas comme vérité cachée au patient mais comme discrétion arrimant toute information à la diade soignant/soigné pour en exclure tout autre – conjoint, parent, employeur, assureur ou Etat. Secret idéalement dressé en rempart contre toute atteinte portée à l’encontre de la liberté, du droit et de la dignité de la personne ( quand l’individu est, chaque lustre un peu plus, inséré dans des structures sociales inquisitrices et soumis à des lois économiques exigeantes, mais également intégré dans des réseaux multiples qui le guident ou le contraignent ). Secret essentiel donc, mais questionné ou contesté sous le couvert d’exceptions régulées, de promesses de thérapies futures, de révélations très parcellaires et statistiques, d’efficacité et de rentabilité ( qui seraient seules susceptibles d’assurer à long terme solidarité et justice ) - ou encore sous le prétexte d’une constitution de bases de données se réclamant d’un «bien commun» auquel travailler, d’une attitude prudentielle prospective ou d’un patrimoine universel à préserver. Par ailleurs, autre chose est en jeu dans cette relation nouvellement tissée entre le médecin et son patient, mais aussi entre la subjectivité présente et les représentations ( d’elle-même, de l’avenir et d’elle-même en cet avenir ) qui

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lui sont soumises - et cet «autre chose», relevant d’un autre mode de soutenance individuelle, recouvre une certaine démission et passe par une illusion.

Illusion, déjà, du marqueur génétique : supposé offrir l’individu ( en son substrat «matériel» de possibles mais également en ses dimensions plurielles, sa complexité personnale et sa réalisation diachronique ) à la connaissance et à la gérance. «Gène de» : de l’alcoolisme, de l’homosexualité, de l’autisme, de la débilité, de l’hyperactivité, de l’intelligence… ou de la bêtise ? Gène de l’hypertension ou de la mucoviscidose : où tout se mêle et se perd - des maladies autosomiques dominantes aux récessives, des monogéniques aux plurigéniques, des monofactorielles aux plurifactorielles. Mais aussi, des dysfonctionnements organiques aux particularités, des différences d’être-au-monde aux caractéristiques personnales, du physiologique au relationnel ou au comportemental…

Illusion, dès lors, d’une correspondance simpliste : réductionnisme extrême tendant à assimiler l’instinct ( murin ou autre ) à la complexité humaine - confondant substrat et réappropriation du substrat.

Cependant, cette illusion «génétique», du «Tout-génétique», doit être prise au sérieux puisqu’elle agit sur la culture, la société, la collectivité, les budgets de Dépenses-Santé, les fonds de recherches, la relation patient/médecin, la perception de l’embryon, la prise en compte du f tus, la prise en charge et en éducation de l’enfant, de l’écolier, du consommateur de soins, du travailleur, de l’assuré, du citoyen et de tout individu… Elle influe en outre sur le choix de procréer et sur la décision d’interrompre une grossesse : et le médecin se perçoit alors en pré-diseur, pré-dicteur ou oracle. Il ouvre la dimension transchronologique, voire transgénérationnelle – mais il l’ouvre au risque de la fermer et la dit au risque de la contredire et d’emprisonner en cette béance ( de possibles incertains et muets ) un présent figé et contraint. Par ailleurs, cette illusion fait du médecin ou de son discours un élément intrusif et anxiogène additionnel ; elle le ou les dote d’une voix déterminante sinon déterministe et suscite quelquefois une sorte de « déviance sécuritaire » ( comme la nomme D. Sicard ). Ainsi, l’individu en bonne santé, «santé» intimement vécue, pouvait-il s’éprouver naguère en sérénité - tel n’est plus le cas aujourd’hui. En effet, sous couvert de précaution, médecin et société induisent un désir de connaître, de savoir «avant» : avec l’illusion d’une possible assurance vie. Or, tous nous sommes confrontés à un ensemble de menaces possiblement convergentes : lieu de vie, de travail ou de loisirs plus ou moins pathogènes. Et cholestérol, hypertension, hyperglycémie, stress, antécédents familiaux…. Comme le souligne Sicard : «( l’individu ) n’est plus un être de hasard mais un être déterminé par les menaces morbides qui surgissent de « la connaissance scientifique». Tenterait-il de vivre sans recourir aux diverses investigations proposées qu’il serait rapidement traité d’irresponsable, de franc-tireur, bref de marginal» 3 . Et tout se dresse contre l’incertitude, contre l’inconnu, contre le vivant en sa dimension propulsive et innovante et imprévue…

A l’analyse pourtant, en matière de prédiction tout au moins, la mutation distinguant nos sociétés des précédentes n’est pas tant celle de la quête de connaissance que celle de son efficacité - même s’il s’agit désormais de débattre de l’avenir d’individus actuels ou potentiels «délivrés des dieux». Au vrai, les dires et les prédictions, comme les injonctions ou les assignations, se sont quelque peu déplacés au fil du temps : l’homme réel se mesure aujourd’hui à des voix multiples lui soumettant divers chemins tandis que l’être à naître ou à faire est offert à la transparence pour dépendre plus que jamais d’une volonté et de critères extérieurs- plus que jamais ou plus tôt que jamais. Ainsi appréhendés, embryons et f tus sont analysés et soumis à une décision toujours culturelle et sociale, mais aussi individuelle et circonstancielle dans le vécu affectif parental : oscillation et construction entre savoirs et probabilités, pressentiments et sentiments, angoisses et expériences édifiantes, pressions, soumissions et rébellions - entre pragmatisme, réalisme, idéalisme, onirisme, altruisme et égoïsme. Mais encore, entre actuel et potentiel, idéel et idéalité. Et finalement, entre compassion et culpabilité, légitimité et fantasmagorie.

Avec, au bout du compte, une sentence inévitable, irréversible et incessible : poursuite de l’individuation ou retour au néant. Et même si la décision recouvre l’intention d’offrir à l’enfant une somme de possibles compatible avec une probabilité d’accomplissement personnel, elle témoigne d’une puissance ( extérieure ) allant crescendo.

Dé-engagement donc : hors du donné et du substrat, de la contingence et des limitations. Dé- engagement ou délivrance à l’encontre de l’aliénation ou de la soumission - contre toute entrave opposée à l’épanouissement personnal, aux désirs personnels et à la pérennisation individuelle. Et cela dans un champ existentiel et culturel où la pérennisation se décline en soutenance prolongée ( voire machinale ou prothétique ) de l’être corporel, en développement et externalisation de la personne

3

La médecine sans le corps, p. 118.

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( matière/matière dépassée en projets et créations ), en perpétuation symbolique d’une volonté ou d’un mode d’être ( d’une force agissante faisant trace ), en continuité générationnelle et, bientôt peut-être, en relance hallucinée et insignifiante d’un corps-clone.

2° Cause et origine de la tendance «épistémophilique»:

Influences des mythes, des angoisses ou des peurs. Et effet du déni de la finitude glissant, en nos conceptions, de l’ontologique ou du bio-logique au factuel ou à l’accidentel. Plus explicitement, la mort jadis assimilée à un devenir autre ( ailleurs et autrement ) 4 est aujourd’hui identifiée à un anéantissement.

Conséquemment, la conscience grandissante de cette radicalité conduit la subjectivité ( en revendication de réappropriation personnelle ou de gérance autonome ) à l’exigence d’un savoir global et intime – savoir côtoyant cependant les limites de l’insupportable ou de l’ingérable s’il s’impose, dans le vécu conscientiel, en destin inéluctable. En d’autres mots, le temps s’inscrit dans le vivant comme dégradation inepte - et la peur ou l’angoisse devant la mort, l’une et l’autre aussi vieilles que l’humanité consciente, ne trouvent plus les mêmes réconforts et cherchent éperdument un sens global ou local assorti d’un savoir prospectif à implications pratiques ou à développements opératoires. A ce jour, sauf exception fantasmatique, la finitude propre est alors dépassée ( sublimée ) en combats singuliers, réalisations personnelles, contributions «culturelles» ( d’une communauté humaine ) et insertions ou transmissions trans-générationnelles intégrées en une perpétuation d’espèce – laissant l’individu face à sa responsabilité à l’égard des générations futures. Où donc se conjuguent une responsabilité expansive et un savoir du non-sens individuel ( explosant dans une finitude singulièrement indépassable ) ; où interfèrent un désir de perpétuation et d’affirmation, une volonté de contrôle, une incertitude personnelle et une angoisse diffuse ou aiguë face à la mort - devant l’urgence d’une action marquante ou d’un choix incertain mais nécessaire face à la fuite du temps. Conséquemment, imprévisibilités structurelles et essentielles induisent un besoin entêtant de savoir et modifient nos attentes et nos relations ( au monde, aux autres, au «soi» ) : le futur impersonnel { tant mondain (universel) que technique } échappe à la prescience mais laisse place au futur propre ( biologique ) qu’une science connaissante est peu à peu sommée d’offrir à l’homme.

Cependant, du temps «intime» prévu ne glisse-t-on pas au temps maudit ? A un présent obscurci par l’avenir ? A un temps défait, contrefait ou préfiguré susceptible de faire imploser l’être dans son néant, voire dans une essence artificialisée ou dans une destinée préformée ? Où donc le poids d’un test prédictif présentifiant un délabrement futur (du corps ou de l’esprit ), éclairant ses modalités et précisant son advenir «historique», tendrait à déstructurer le projet humain. Où cette cassure compliquerait, voire impossibiliserait, l’intégration d’un but, d’un agir ou d’un avenir dans la psyché, et par suite dans le trajet existentiel, du sujet confronté à cet horizon limité. Où le savoir asséné introduirait le déterminisme ( et le «déterminé» ) dans un être fini jamais achevé. C’est en ce sens que les tests prédictifs asymptomatiques ( sur individus constitués ) étrangers à toute éventualité curative ne sont pas de simples moyens informatifs mis à la disposition d’un sujet libre. Leur «verdict» présente, quelquefois en les activant par voie anticipatoire, des possibilités dérobées à un individu «rétro-déterminé» : car la maladie

«présentifiée» et la mort «programmée» ( insérée ou inscrite dans le programme : génétique, existentiel ou temporel ) se confondent trop souvent en une existence stratifiée ou «arrêtée» par anticipation. Car un futur présentifié et posé en vérité dans sa factualité inéluctable circonvient nécessairement le libre devenir – tendant à générer la stagnation et l’effroi chez un être de projet dépossédé de tout projet ( toujours déjà démasqué dans sa vanité ). Car à la prévision peut répondre la résignation, au savoir l’impuissance, à la maîtrise ( propre ) l’emprise ( tierce ), à la transparence ( intime ) l’assignation sociale, et à la prévention ou aux options personnelles les contraintes extérieures.

Après la philosophie, la science a découvert à l’homme son néant fondamental : une identité/identicité d’être illusoire ( selon un changement perpétué de l’organique constitutif ), une identité/pérennité spécielle hasardeuse ( limitée et précaire, née de l’intégration «historique» ou événementielle de structures organiques devenues parties constituantes : gènes, transposons, mitochondries ) et une identité/singularité (physico) organique modifiable ( via des greffes, des remaniements chirurgicaux, voire des prothèses plus ou moins permanentes ). La psychologie lui ayant déjà révélé le rôle essentiel de l’altérité dans sa construction psychique, il se trouve confronté à une indéfinition de lui-même.

Pratiquement, cette instabilité soutiendra diverses tentations : celle d’une modification de l’être, celle

4

Si ce n’est à la fin du devenir (et conséquemment de la corruption charnelle) intégré (ce devenir a-temporel ou a-temporalisé) dans une éternité supposée accessible ou dans un perpétuel (re)commencement.

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d’une addition des possibles, et celle d’une recherche éperdue de certitudes englobant tant l’avenir ( biologique ) propre que celui de l’enfant à naître.

3° Choix obligés et liberté nécessaire :

Transformation environnementale, avancée du savoir, évolution des techniques, développement opératoire et promesses thérapeutiques infléchissent le donné premier du sujet et modèlent un univers où prédictions, préventions, prédestinations et prédéterminations se rencontrent pour faire naître des questions éthiques traduites en choix de sociétés et d’Humanité. Loi du vivant et loi d’existence se recoupent et dé-couvrent la nécessité inéludable et absolue du choix. En effet, pas plus que l’acte existentiel spécifiant et affirmant une individualité ( et subséquemment un projet éthique et social ), l’action vitale ne pourra-t-elle être postposée : respirer, fuir, combattre, assimiler, rejeter, distinguer et reconnaître ( Soi/Non-Soi ). Subir ou agir, accepter ou refuser, traiter ou s’abstenir : vivre, c’est parier - et tous nous gageons. Or, le médecin agit pareillement qui doit, de son savoir autant que de ses incertitudes, proposer un traitement ou annoncer l’indécidable ou le probable, le possible ou le certain : miser, et quelquefois pour l’autre incapable ou sur l’autre «absent». Toutefois, équilibrages ou rééquilibrages vitaux et statisme diagnostique, comme également vivant complexe et certitude, sont peu compatibles – car le vivant s’invente, car il fait sa norme. Il surprend et s’échappe ; seul l’Etat advenu garantit contre les failles du devenir, seule la non-corporéité garantit contre la corruption charnelle, seul l’En-soi apaise la quête du Pour-soi. En d’autres termes, le vivant est changeant, imprévisible, incertain et pluriel : en ses possibles comme en ses «devenirs», en ses singularités, ses réponses métaboliques et ses réalisations existentielles. Par ailleurs, les savoirs médicaux et individuels se mêlent et interfèrent pour se confronter aux pouvoirs institutionnels : scientifiques et étatiques. Et encore au pouvoir des mots, de l’image construite et des angoisses induites. En fait, explicitement ou implicitement, à court, moyen ou long terme, pour soi ou pour autrui, en son inscription spécielle comme en sa soutenance individuelle, la question de la liberté rebondit constamment devant les connaissances assénées ou dérobées et face aux pouvoirs acquis ou promis. Et si liberté et renoncement s’opposent, si libre arbitre et ignorance se repoussent, si l’homme est reprise à soi d’un donné, reste que le management des savoirs obtenus est délicat ou incertain. En effet, il importe que ceux-ci ne puissent se condenser en informations manipulatrices, ségrégatives ou injonctives dans les mains d’un tiers ( Etat, employeurs, assureurs ) ; ni ne puissent, par l’autre et de son fait, s’imposer en Destin ( du fait des Institutions ou par la voix parentale figeant l’existence débutante de précautions et obscurcissant l’horizon lointain de chagrins anticipés ).

En outre, de l’acceptable et de l’insupportable nul ne peut décider pour autrui - même si, en médecine procréatique et souvent, il faudra préjuger pour un autre. Situation complexe quand, en présence de traitement, l’intervention restitue un avenir ouvert. Quand elle soumet, en fait de préventions, des exclusions optionnelles à l’adulte et des contraintes imposées à l’enfant. Qu’elle offre une thérapie salvatrice pour l’un ou funeste pour l’autre. Ou encore un diagnostic susceptible de re- situer celui-ci et d’anéantir celui-là. Situation limite d’un savoir extrême asséné à des singularités situées et paradoxales : où les susceptibilités dévoilées ouvrent à une maîtrise éventuelle… ou figent, isolent et angoissent.

4° Maladie héritée :

La génétique prédictive rencontre la question humaine première : d’où venons-nous - de quelle lignée, quelle histoire, quel projet ou quel hasard heureux ou malheureux ? Et où allons-nous - dans une existence actée par une singularité et inéluctablement dirigée vers la mort ? Quel est le sens de l’existence - et celui de la souffrance ? Quelles sont les conditions de possibilité du bonheur ? Et quel est l’homme ou qui est-il? Surtout, quelles relations entretient-il, qui l’entre-tiennent 5 en retour, avec son lignage, sa généalogie, son histoire et son inscription transgénérationnelle ?

Dans les faits comme dans le vécu, toute consultation de génétique, «prédictive» ou diagnostique, convoque celui qui s’y rend en un «lieu» particulier : celui d’une généalogie ou d’une histoire généalogique. Celui où se rencontrent l’individu ( son être-au-monde/être-dans-le-monde, son corps (dys)fonctionnant et sa psyché ), ses ascendants et ses éventuels descendants. Lieu de rencontre des destins ( des vécus, des existences ) - du sujet et des ancêtres innombrables qui le firent. Et se trouvent convoquées les notions de transmission, de choix/responsabilité et de culpabilité. Et se voient évoquées

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L’entretiennent (entretiennent son humanité, son humanicité). Mais aussi l’entre-tiennent : entre Etre et Néant, entre avant et après, entre vanité ontologique et affirmation ontique (légitimation, inscription dans l’Etre, le temps, l’Histoire, l’espèce, la famille, l’existence et le sens).

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les générations et la genèse ; mais aussi la fragile étincelle du hasard, de l’échappement ou de l’échappée hors de ses propres gènes. Une histoire s’écrit qui s’inscrit dans le trans-générationnel. Car, face et au-delà d’une pathologie, c’est bel et bien d’une insertion dans une lignée qu’il s’agit : d’une situation – et d’une situation de soi, de son corps, de son parcours ou de son sens ( sens directionnel du temps et du devenir, sens existentiel d’un cheminement à élaborer, sens porteur des substrats événementiels, matériels et psycho-affectifs ).

Le cabinet de consultation est donc un espace où se disent ( ou se taisent ) des angoisses ( cependant ) toujours parlantes. Espace où se cherchent un sens et une explication à la souffrance : une origine ou une cause - c’est-à-dire une réalité discernable et donc aussi évitable. Travail de recherche appropriative exorcisant les vieux démons d’une ignorance primitive, d’une insécurité continuelle et d’une angoisse perpétuelle aux prises avec l’impalpable, l’incontrôlable, l’inique et le magique ( arbitraire ). Mais aussi travail sur soi et sur le sens de l’être et de l’exister. Cependant et parallèlement, dans nos organisations psychiques, comme parfois dans la matérialité pratique, discerner un élément causal équivaut à débusquer l’élément fautif ( l’environnement, le mode de vie, l’erreur humaine ou l’erreur métabolique : gènes et génomes ). Certes, quand elle s’inscrit dans le domaine médical pareille découverte permet à l’individu de se dresser contre l’imposition «arbitraire» ( aveugle et aléatoire ) du biologique. Et contre le vide conceptuel ne laissant que rages impuissantes, angoisses déstructurantes et sentiments d’injustice exacerbés. N'empêche, au sein du microcosme familial la découverte de «porteurs» ( ou «vecteurs» ) peut susciter des tensions et des imputations elles aussi destructrices. En conséquence, lors même qu’elle offre du sens, la réponse du généticien peut être productrice d’un sentiment de culpabilité – à tout le moins, révélant le lieu du dysfonctionnement, ses impacts psychologiques peuvent-ils être ambivalents.

En outre, cette réponse atteint l’intime ultime de l’intimité : elle touche la source vitale pour ébranler et peser sur les pulsions (de) vies.

En fait, toute maladie héréditaire, au propre toute maladie héritée, l’est d’un acte reproducteur où se mêlent nature et culture, forces vitales instinctives et volonté réfléchie, sentiments et rationalité, liberté et contrainte, découverte et reconnaissance – reconnaissance de l’autre, des cycles de la vie, de la temporalité et du devenir. Toute maladie héritée est donc, non pas sexuellement transmissible, mais transmise du fait d’une reproduction sexuée où interfèrent indéfectiblement vie et mort, désirs et projets, égocentrisme et altruisme, individuel et spéciel, repli centripète et ouverture centrifuge. Et encore soi et non-soi ( l’autre ). Mais aussi mythe et éthique. Et finalement, passé, présent et avenir. Fait des hommes et nécessité ou mode opératoire naturel : où se mêlent inextricablement jouissance et souffrance, destin et contre-destin, sexes, pulsions et gènes. Il s’agit d’une union pluridimensionnelle qui permet, donne et impose la vie. Une union qui écrira dans le corps d’un autre, radicalement nouveau, le code d’un destin transcrit en bribes ( nucléiques ) ineffaçables. Une union englobant tous les sens – sens «sensoriels», sens/signifiance et sens directionnel ou temporel. Et cela quand, à sa manière, la génétique se confronte au sens existentiel ( finalité et valeur : liberté, bonheur ), à la transmission transgénérationnelle ( direction et continuité d’une histoire biologique, biographique et événementielle ) et à la signification ( en terme de production ou d’effet ) de codons – d’une écriture moléculaire où la pathologie apparaît comme une

«signifiance» perdue d’un fragment d’ADN. Ou encore, selon la belle analyse de Anna Feissel- Leibovici : « Ce qui est altéré dans le réel du corps est alors comme redoublé dans le symbolique par une métaphore où le patient est un livre dont plusieurs mots importants ont été modifiés par rapport à l’exemplaire original, au point que le texte n’a plus de sens ! »

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Le code génétique, les lettres moléculaires écrivant au moins partiellement les chapitres du devenir biologique, est une écriture aujourd’hui soumise à l’oralité : au dire ou à la révélation par l’autre - le biologiste, l’expert. Ecriture «cryptée», enfouie dans un corps qui la muselle – ou en découvre ici et là quelques mots manquants, en souffrance… Ecriture longtemps sacrée et absconse désormais soustraite à son autobiographe ( ontographe ) et offerte à l’oracle moderne qui, par le dire et comme ses prédécesseurs antiques, la propose parfois en destin ; qui, par son prestige, la livre de temps en temps dans le champ de la révélation.

5° Pluralités et déclinaisons des situations :

En matière de tests génétiques, le «droit» de savoir ou d’ignorer est souvent second ou tardif. Par ailleurs, considérant la pratique clinique, il convient de souligner que l’innocence est toujours déjà perdue dès l’instant où cette pratique s’adresse aux descendants de malades avérés. Il s’ensuit la

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Le gène et son génie, p. 33.

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nécessité de particulariser, en leurs implications, conditions, motivations, précautions et limitations, les diagnostics effectués sur adultes et ceux réalisés sur embryons, f tus ou enfants. Il en découle l’exigence de différencier une intrusion dans l’intimité cellulaire d’un individu conscient ( à effets existentiels et relationnels, voire socio-économiques ) d’une intrusion dans une structure moléculaire embryonnaire - à effets symboliques, trans-positionnels, trans-chronologiques ou destinaux, voire spéciels. Et de discriminer en cela entre l’effet rétro-actif portant sur un sujet constitué ( anxiogène, voire discriminatoire ) et l’effet qui, soit initialisera un destin, soit évitera une venue à l’être promise à la souffrance, soit encore concourra à un eugénisme plus ou moins avoué.

Dissocier une rétro-action «acceptée» par l’individu requérant (envisagée comme possible ou probable, bénéfique ou défavorable, limitée ou tentaculaire, individuelle ou trans-individuelle, voire transgénérationnelle ) d’une action imposée en extériorité à un enfant ( gravissime dans ses conséquences quant à son épanouissement global ). Séparer donc la personne capable de reprise à soi de l’enfant dépendant. Et distinguer l’existence actualisée de la vie en formation, et tout autant la prévention de la prédestination. Et encore la certitude de la probabilité, la monofactorialité de la plurifactorialité, les pathologies monogéniques des pathologies plurigéniques et les risques des susceptibilités. Départager finalement souffrances et différences, normalité et convenance, handicap et particularité.

Deux champs conceptuels et médicaux se présentent donc à nos questionnements :

D’une part, celui où s’inscrit l’individu et où l’on traite d’une rétro-action immédiate : individualisée en ses retombées personnelles, psychologiques, affectives et centripètes ( à effets néanmoins tentaculaires : familiaux, relationnels, sociaux et existentiels ) – champ à subdiviser selon la maturité physique, psychologique et intellectuelle du sujet. D’autre part, celui où s’inscrivent un projet ou un embryon et où l’on discute d’une action à long terme : sociale, philosophique, anthropologique et excentrée { à effets potentiellement eugéniques, à motivation peu ou prou utopique et à conséquence possiblement (mécaniquement ou volontairement) ségrégative : redessinant les contours et critères de ce qui fait humanité } – action dont les effets contagieux, dont les substrats «abstraits» ou «virtuels» ( peu visibles, peu tangibles et peu affectés ), dont les dimensions pratiques ou économiques, et finalement spécielles, questionnent le symbolique, l’éthique et l’idéel ou le conceptuel.

Ainsi, pour le jeune adulte confronté à la peur incessante, le savoir est un droit – et l’information demandée ( préalablement discutée en ces effets et encadrée par un suivi psychologique de qualité ) attend une réponse relevant le plus souvent du devoir pour le corps médical.

Semblablement, les parents futurs ont le droit de connaître la situation médicale de l’enfant attendu ou espéré - dans le cadre de maladies familiales incurables et destructrices de l’être ou de l’être-au- monde. En outre, l’enfant né appelle légitimement un traitement propre à le délivrer d’un terrible fardeau ( où un traitement préventif ou palliatif serait susceptible de préserver ses possibles et son épanouissement harmonieux ). Cependant, il possède tout autant le droit à une enfance libérée du poids d’un destin quelquefois irrémédiable, quelquefois institué par la seule connaissance de sa probabilité statistique.

Complexité et pluralité des situations où le combat mené à l’encontre des pathologies ne peut hypothéquer ni la liberté existentielle ni l’existenciation constructive d’un individu qui se réalise en se dégageant des substrats imposés ( comme ex-i-stence* et pro-jet ) et en élaborant un trajet porteur, vecteur et facteur ( pour lui et par lui ) de sens. Certes, l’anticipation prédictive n’anéantit pas nécessairement la possibilité de reprise à soi ou d’échappement propre à l’existenciation humaine, mais elle les fausse ou les biaise lors même qu’elle les active contre la sentence ( dans l’insécurité, l’obsession, la difficulté ou la souffrance ). Et la pratique clinique comme l’observation individuelle témoignent de ces ankyloses d’existence ou de ces exacerbations réactives quand l’annonce d’une maladie ( fut-elle seulement potentielle ) se conclut tantôt par un déni, tantôt par une négation hyperactive, tantôt par un investissement anticipé de la personnalité souffrante, tantôt par une soumission aliénante, tantôt par une angoisse déstructurante ou paralysante : pour un individu se réalisant en une gérance existentielle intense et éclairée, dix côtoient la crainte ou la rage impuissante qui l’une et l’autre détruisent leur présent.

Or, la génétique de l’avenir pourrait aspirer à supprimer l’indéterminisme où se constitue l’individu – non pas dans la vérité factuelle ( où tout est nécessairement réécrit par la singularité et les interactions plurielles ) mais bien dans les probabilités prescriptives proposées ou interprétées, sinon ressenties, comme Destin à développer. Et pourtant, loin des pathologies monogéniques et strictement génétiques, la prédisposition ne recouvre souvent qu’un simple et complexe risque statistique très différent d’une

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Cause uni-déterminante uvrant en sous-sol «ici et maintenant» en vue de son émergence triomphale et inéluctable : on traite alors d’une vulnérabilité ou d’une fragilité à l’égard d’une pathologie susceptible ( ou non ) de se déclarer - et il faut à tout prix éviter de remplacer la fatalité originelle ( neutre ) par un Destin ( collatéral ou intentionnel ) rétroactivement construit mais tout aussi aliénant. Eviter des préventions déstructurantes, des obligations restrictives, des interdictions stigmatisantes, des interventions destructrices, des impositions destinales, des partitions discriminatoires et des évaluations eugénistes.

Par ailleurs, on relève dans le génome des variations banales ( telles celles associées à un teint ou à une couleur de cheveux, à une taille ou à une forme ) et d’autres aux conséquences dramatiques ( pathologies invalidantes, voire létales ). Mais souvent, les frontières sont floues et circonstancielles. Comme le sont par ailleurs les démarcations culturelles entre «normal» et «a-normal», comme le sont les limites sociales entre acceptable et inacceptable. Circonstancielles aussi les perceptions intimes du vivable et de l’insupportable ; et arbitraires et mouvants les critères médicaux départageant le sain du pathologique. En ces domaines touchant au c ur de l’être et aux normes de son existence, les tentations multiples doivent être soumises au questionnement - qu’il s’agisse des tentations d’appariements systématiques de gènes ( codant / initialisant tout substrat matériel ) avec des particularités non seulement physiques mais aussi comportementales ou des tentations d’uniformisations pratiques et de généralisations confondantes. Ainsi, quand Jean Dausset s’enthousiasme devant les bienfaits apportés par la connaissance opérante «des misères physiologiques ou même psychologiques» 7 , nous redoutons une évolution déclinée en régression. En l’occurrence, nous nous interrogeons sur la définition de ladite

« misère psychologique ». Sera-ce celle de l’individu ému ou affecté ? Celle du sujet contraint de faire le deuil d’un projet ou d’un possible ? Celle du mortel s’angoissant devant la condition humaine ? Car vivre, c’est aussi souffrir - et percevoir, et recevoir, et concevoir. Et l’homme est par constitution un être qui peut être et doit être «affecté» - même s’il est des morts inadmissibles et des souffrances insupportables requérant des choix préventifs et, c’est un fait, des recherches actives.

Nonobstant, la communauté se désigne en ses options préférentielles et se dessine en ses limites – témoignant des idéologies globalisantes, des désirs individuels et des fantasmes collectifs. Ainsi, elle découvre ses capacités d’accueil en ses exclusions et manifeste ses réserves, déliances ou démissions en ses priorités –ses espérances et tolérances, son malaise face à ce qui pour elle fait souffrance ou différence. De même, elle classe les maux et les définit ; ébauche l’acceptable et esquisse une théorie du bonheur ou de la jouissance –en esquisse les conditions de possibilité, le substrat et le champ de réalisation. Et s’il est des situations appelant au refus que se pérennise l’insupportable, il en est d’autres évoquant la mise en place d’une conception existentielle de l’insipide : qui écarterait toute variance des états, toute contradiction ( des projets tiers, des normes sociales, des exigences de productivité, des attentes parentales … ), toute réactivité émotionnelle, toute contestation ( des projets intimes, des désirs, des satisfactions, des performances… ) et toute sensibilité – inscrivant en conséquence dans le médical et le pathologique chaque sentiment douloureux ou chaque questionnement existentiel du sens ( individuel et global ).

C- Du mal dit au mal-né :

On l’a dit, la prise en charge précoce de l’individu ( en individuation ) dessine, en dommage collatéral, une éventualité toute autre : celle d’une désaffection globale, d’un pragmatisme collectif et d’un investissement conditionnel. Où se disputeraient idéalisme aveugle et eugénisme sourd laissant s’installer démissions parentales et sociales - au profit d’une sélection exigeante de spécificités génétiques. De même, pour la conscience qui le reçoit, la précision du diagnostic, sa fiabilité reconnue, sa dimension transchronologique et son champ élargi risquent d’induire un renoncement : de la liberté ou de l’existenciation individuelles ( comme investissement actif et opératoire du futur ) – et au profit perdu d’une soumission aux «dires» et prescriptions. Résignation d’une soutenance individuelle qualifiée pourtant pour donner un sens personnel à la contingence originelle ou pour distendre la trame des

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Jean Dausset, Les gènes de l’espoir, p. 12. Il convient de souligner l’évolution de cet «enthousiasme» : ainsi, en 85, au colloque Génération, procréation et droit, J. Dausset se montrait extrêmement sceptique quant à la probabilité de dresser «dans un avenir relativement lointain (….) grâce au génie génétique (…) une sorte de profil génétique de l’individu : cela relève (….) de la science-fiction.», Actes dudit colloque, p. 123. De même, il importe d’évoquer l’interrogation éthique qu’il associait alors à cette perspective : «Quels pourraient être les risques de ce nouveau pouvoir ? Celui du viol de l’intimité d’abord (….). Il faut penser aussi aux problèmes psychologiques : si on dévoile au patient sa prédisposition (….) on provoquera une angoisse peut-être injustifiée car l’affection n’est pas certaine (….). Le deuxième risque que je ne citerai que pour mémoire : ouvrir la porte à une forme d’eugénisme (….) », ibid., p. 123.

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déterminants. Abdication au profit d’une théorie totigénique ultra déterministe captivée par l’illusion d’un bonheur à la carte ( d’identité génique ).

Pourtant les dépistages se multiplient, s’affirment et trouvent leurs raisons : il faut, dit-on, connaître les risques pour les contrôler et les intégrer dans une gestion consciente, volontaire, active et activiste – gestion susceptible cependant de se développer en technique sélective, en éthique pragmatique ou en utopie intolérante imposant une adéquation stricte entre les possibles individuels et une idée préformée du bonheur, de la dignité ou de l’humanité.

De même, il s’agirait de connaître pour faire naître, savoir pour pourvoir et prévoir pour pouvoir : préfigurer pour devancer. Mais l’homme, plus encore en son enfance qu’en sa maturité, a besoin de temps : besoin d’un avenir à venir dans lequel se projeter et se «refaire» - ou donner sens. De surcroît, le temps restant, à réaliser dans le vivre, est celui des possibles - et une espérance minimale s’avère nécessaire aux projets et investissements. Aussi, quand les possibilités se referment, que demain est, dans son advenue même et dans la chair intime, trop incertain, l’existence se stratifie : en cette matière, la découverte des limites contamine l’être et l’existence d’impossibilités anxiogènes ou d’immobilisme mortifère.

1° Ingression diagnostique, médiation statistique et horizon diachronique ou transgénérationnel : Désormais, s’agissant de pratique clinique et de trajets existentiels, s’ébauche l’ère de la précaution : tests à l’embauche, tests sanguins, check-up et tests génétiques asymptomatiques ou présymptomatiques. Et préventions, restrictions, hygiène de vie, auto-surveillance ou contrôle institutionnel. Mais aussi, démultiplication des symptômes, syndromes, spécificités ou dysfonctionnements intégrés au «génétique» et promis à dépistage précoce. En conséquence et très bientôt, chaque individu informé de ses bagages, portages et susceptibilités se verra confronté au diagnostic comme point d’achoppement de l’intime et verdict attendu ou refusé. Diagnostic qui pourra être inscrit en sa puissance fatidique dans l’ordre de l’absolu et de la transcendance, ou relativisé ; intégré en une identité intime, ou exclu ; exploré en intégration, ou refoulé. Diagnostic qui fera figure de révélateur et de médiateur relationnel ( eu égard à la généalogie et à la transmission tant réelle que symbolique, tant personnelle intime que personnale existentielle, tant charnelle qu’affective ). Et qui introduira, soit une rupture faisant lien ( rupture existentielle faisant lien charnel/moléculaire avec les ascendants autant qu’avec les descendants ), soit un lien ( génique ) faisant rupture { eu égard aux projets personnels, vis-à-vis des possibles spéciels et par rapport à l’image identitaire (préalablement construite) de soi }.

Corrélativement, la médecine procréatique s’inscrit dans l’ère du virtuel et parle de l’invisible : elle tend à analyser un programme impalpable pour matérialiser le futur mi-virtuel mi-irréel d’un être en devenir ou d’un embryon transfiguré concomitamment en entité substituable. Agissant de la sorte, elle traite de possibilités et potentialités qui, selon des probabilités plus ou moins franches, devraient s’actualiser ou s’exprimer en un avenir préfiguré et fondamentalement imaginaire. En outre, les moyens d’investigation, de l’embryon d’abord, du f tus ensuite, découvrent de plus en plus tôt des pathologies ou des malformations - mais aussi des particularités quelquefois transfigurées en anomalies singulières par la seule action du savoir. Et c’est en ces situations limites, en ces choix incertains ou probabilistes, en ces assignations peu ou prou inévitables que résident les risques d’initier un destin imposé ( par ce regard tiers ) et que s’ébauche une ingression au c ur de l’intimité - répondant à une tendance générale d’interposition plus ou moins privative, plus ou moins aliénante.

Plus précisément, cette ingression de l’analyse au sein du champ existentiel ( personnal ) et diachronique recouvre celle du «tiers». Et relève d’une présentification (du futur) ou d’une matérialisation (d’un être virtuel) inscrivant concomitamment vécus individuels, histoire familiale et généalogie dans le colloque médecin / patient (médecin / couple en attente d’enfant et enfant potentiel).

Parallèlement, l’on assiste à l’édification d’un mythe influent organisé autour d’une essence supposée préexistante, d’un modèle jugé «amélioré» ou d’un bonheur présumé transmissible et promis au terme d’un parcours électif ou probant, sacrificiel ou douloureux. Mythe d’un homme idéal à réaliser – et inscrit dans une perspective de faisabilité principielle du fait d’une nature humaine, non seulement exorbitée de la nature (substrat) , mais encore jugée perfectible au regard et à l’horizon du modèle élaboré. Si le rêve de perfection est ancien, le mode opératoire est nouveau : loin de la barbarie sanguinaire, sciences et génétiques s’apprêtent de plus ou moins bonne grâce à prendre en éprouvette la tâche de l’élaboration d’un homme supposé réalisé. Et interfèrent modèle, abstraction et illusion : et se répondent particularités débusquées, perspectives d’analyses tronquées et préhensions d’existence

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mensongères ou réductrices. Et s’esquisse un futur où l’on délesterait l’embryon de sa symbolique avant de dénier à l’individu toute reprise à soi, à l’existence toute liberté et aux molécules formatrices tout indéterminisme. Perception étonnante où l’on attribuerait à un invisible programme toutes les qualités d’une essence ou toute la puissance d’une transcendance magique portant en ses entrailles (moléculaires) , et comme ultime finalité, un organisme toujours déjà spécifié. Approche préoccupante où l’on suggèrerait qu’il est une réalité mondaine et existentielle clairement partagée dans laquelle l’on pourrait, à force d’interrogations et moyennant quelques précautions, discerner le Vrai, le Bien, le Beau, le Normal, le Juste, le Vivable et l’Acceptable… Cela quand anomalies ou malformations, pathologies et handicaps (suspectés, supposés ou annoncés) ou encore différences et dissonances frappent l’imagination et se heurtent aux projets d’enfant (et d’enfant parfait) pris en charge par un désir et une angoisse bien incapables de les relativiser.

Cela dit et d’ores et déjà, l’évaluation de l’être à naître est confrontée à la nécessité (pratique et éthique) de cloisonner ou de départager le normal de l’a-normal, le fonctionnel du dysfonctionnant, l’acceptable de l’insupportable. Décision d’enjeu «vital» habituellement distinguée de l’Eugénisme par son intention et sa singularité : où la capacité de prendre à soi, pour lui, cet autre si peu matériel devra s’affirmer en un décentrage projectif ( sur l’autre muet ). Où l’expérience réflexive et affective singulière devra décider et discerner l’inessentiel du signifiant pour juger en conséquence d’une «bonne naissance»

- à l’abri des pressions étatiques ou économiques. A l’abri, aussi, de tout idéalisme. Nonobstant, face à l’insupportable subjectivement défini par chaque individu, restera le point d’arrêt imposé au processus d’individuation. Et l’usage de locutions telles interruption thérapeutique ( ou médicale ) de grossesse, voire euthanasie f tale, ne peut masquer ni les interrogations angoissées, ni les douleurs inscrites dans le corps, ni les sentiments de culpabilité peu ou prou refoulés, ni les colères impuissantes et déstructurantes, ni les deuils difficiles. Ni, à l’opposite ou en interférence plus ou moins consciente, les refus, rejets, intolérances, égoïsmes, narcissismes, démissions et illusions. En outre, parlant de choix et d’évaluations, de références ou de normes, nous côtoyons inévitablement les notions et faits eugéniques qui font ainsi irruption avec insistance dans les marges des actes et des discours. Mais les marges sont étroites et les limites inconsistantes. Et chaque individu est porté et inscrit dans un réseau complexe associant privé et étatique, individuel et collectif, économique et éthique. Si compréhension et décision émergent d’une libre rencontre médecin/parents, les risques d’impositions abstraites, économiques et institutionnelles s’amoindrissent. Mais au moment où la société pèse d’un poids pesant; quand donc elle propose des tests de dépistage collectif ou tolère les pressions émanant d’assureurs, qu’elle néglige les structures d’accueil pour handicapés ou entérine la mise à l’écart des non-conformes, elle marche le long d’un gouffre où pourraient s’engloutir les singularités et se défaire les tolérances ou les liens à l’altérité : elle menace de basculer du souhait «eugénique» individuel ( à fonds médico-affectif et mode compassionnel singulier ) à l’imposition eugéniste collective – Eugénisme d’une collectivité encline à se laisser tenter par un futur mythique de perfection ou d’insertion utilitaire.

Par ailleurs, il existe un danger associé à la part imagée du désir d’enfant ou à l’enfant imaginaire du désir : attente de perfection qui, lors du passage du virtuel au réel et par la grâce d’une rencontre charnelle, laisse place à l’élaboration des liens affectifs. Or, les diagnostics prénataux, a fortiori préimplantatoires, agissent sur ces recentrages ou les bouleversent quand ils annoncent pathologie, dysfonctionnement, imperfection ou inconvenance. Par le fait, ce n’est plus l’enfant réel que l’on prend en compte mais le désir, l’espoir et l’attente de l’enfant projeté. Et la formulation, comme un verdict, interagit avec les expériences personnelles et les productions pulsionnelles ou oniriques pour peser d’un poids conséquent. L’idéal ou l’imaginaire contrariés peuvent alors conduire à une surévaluation du handicap et induire une demande d’Interruption Médicale de Grossesse qu’un conseil devrait alors nécessairement éclaircir – car un tel acte motivé par une malformation mineure et/ou traitable ferait du tus un objet interchangeable révocable à la plus légère dissonance entre le désir parental ( voire social ) et la réalité. Nonobstant, l’on ne peut, par craintes d’abus, laisser payer en souffrances des enfants qu’une abstention principielle d’intervention aurait laissé naître.

Partant, nos perplexités sont multiples et portent sur la démultiplication des éléments porteurs de stigmatisation. Elles sont alimentées par l’éventualité d’une dépossession intime ( du savoir ), d’une ankylose existentielle et d’une altération des pulsions, projections ou projets. Enfin, elles sont interpellées par l’inévitable accroissement des demandes prédictives et diagnostiques, par l’amoindrissement corollaire des tolérances et par la probabilité non négligeable de systèmes contraignants qui useraient des craintes parentales, du souci affectif, de la compassion globale, de la

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