• Aucun résultat trouvé

humanité à l épreuve de la génétique et des technosciences.

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2021

Partager "humanité à l épreuve de la génétique et des technosciences."

Copied!
58
0
0

Texte intégral

(1)

Université Libre de Bruxelles

Faculté de Philosophie et Lettres & Faculté de Médecine

Unité d’accueil : C.R.I.B.

humanité à l épreuve de la génétique et des technosciences.

Jacqueline Wautier

Année Académique 2004 – 2005.

Promoteur de Thèse :

Professeur Jean-Noël Missa.

Click to buy NOW!

ww

w.docu-track.com w Click to buy NOW!

ww

.docu-track.com

(2)

Click to buy NOW!

ww

w.docu-track.com w Click to buy NOW!

ww

.docu-track.com

(3)

Chap. 5 : Transgenèse, chimérisme, thérapie génique et manipulations génétiques.

A – Définition :

Le génie génétique recouvre un ensemble de techniques permettant de manipuler les gènes au laboratoire : séquencer l’ADN, le couper, le recombiner et l’insérer, via des vecteurs spécifiques, dans le génome de bactéries, de levures, de végétaux ou d’animaux supérieurs. Ces techniques se calquent sur les mécanismes naturels mis en uvre par des phages ou par des virus envahissant une cellule : ils ouvrent la molécule ADN, s’y insèrent, et la détournent de sa fonction première ( autoreproduction et perpétuation du «même» ) pour être multipliés et répandus lors des divisions cellulaires successives. A l’inverse de la recombinaison reproductive ou «sexuelle» effectuée entre chromosomes ( ou ADN ) homologues au sein d’une même espèce et désignée sous le terme «recombinaison légitime», celle intervenant entre les ADN de deux espèces distinctes est appelée «recombinaison illégitime».

Il s’agit donc d’utiliser les enzymes adéquats 1 in vitro et de recourir à des vecteurs efficaces : des plasmides ( petits «génomes» autonomes des bactéries ) aux virus recombinés rendus inoffensifs.

Schématiquement, le gène intéressant, repéré dans un organisme quelconque, est associé à des séquences régulatrices ( promoteur, terminateur, amplificateur ) et à un vecteur approprié { lui-même dépouillé des séquences inutiles ou doté d’un promoteur plus actif (issu d’un virus ou d’une plante) }. Fin prêt, le transgène est multiplié dans des bactéries puis bombardé en grande quantité sur les cellules embryonnaire des plantes ( ou, s’agissant d’animaux supérieurs, injecté dans l’ uf ou dans l’ovule ).

Cependant, tous les organismes soumis au procédé n’intégreront pas le vecteur ou n’exprimeront pas le gène associé – ou l’exprimeront insuffisamment, quand ce n’est au prix d’un dysfonctionnement létal : le gène pouvant être intégré au sein d’une séquence d’importance vitale significativement perturbée, dans une zone non codante, trop repliée, ou encore être cadenassé par des protéines inhibitrices. Raison pour laquelle on use fréquemment d’un gène additionnel ( dont les produits issus de la synthèse protéique seront aisément repérés ) destiné à «marquer» les individus recombinants ( un gène de résistance à un antibiotique spécifique, par exemple : de la sorte, il suffira de cultiver les organismes, le plus souvent des bactéries, dans un milieu imprégné de cet antibiotique pour opérer automatiquement une sélection des organismes résistants (recombinants) ).

Parlant de chimères, on traite ordinairement de l’agglomération de cellules embryonnaires permettant d’obtenir une descendance multi-parentale ( en l’occurrence, trois embryons de souris appartenant à des lignées distinctes peuvent être fusionnés avec succès ). Mais l’on peut obtenir semblablement des chimères inter-spécielles ( chèvre-mouton, par exemple ). En pratique, il «suffit» d’introduire quelques cellules du bouton embryonnaire d’un blastocyste que nous appellerons X1 dans la cavité centrale d’un autre que nous nommerons X2 : il s’agira pour cela de réaliser une ouverture dans l’enveloppe protectrice et dans la couche des petites cellules adjacentes ( l’embryon chimérisé devra cependant être porté par un spécimen issu de l’espèce fournissant les tissus trophoblastiques ). Mais on peut pareillement extraire la totalité du bouton embryonnaire original et remplacer celui-ci par le bouton prélevé sur un autre blastocyste : des cellules d’origine distincte sont appariées ( il y a donc bien chimérisation ) mais en des espaces différents et caractérisées par des fonctions tout aussi dissemblables puisque le trophoblaste se différenciera en placenta tandis que le bouton embryonnaire se développera ( si rien ne l’arrête ) en embryon puis en foetus.

En outre, un «métissage» génétique dirigé et sélectif ( ou transgenèse ) se pratique désormais et vise à fabriquer des «pharmanimaux» produisant dans leur lait ou leurs ufs des protéines humaines thérapeutiques. Par ailleurs, une technique associant transgenèse et clonage permet l’obtention d’animaux propres à expérimenter de nouvelles thérapies. Et il s’agirait encore de modifier le génome des porcs pour obtenir des organes compatibles avec le système immunitaire humain.

En ce chapitre, nous utilisons le terme «transgenèse» pour désigner la modification volontaire du génome – par l’insertion d’une séquence codante, voire d’un chromosome artificiel. Mais il importe de distinguer la transgenèse appliquée aux micro-organismes ( bactéries ou levures ), au monde végétal ( le plus souvent concerné par l’appellation O.G.M .), au genre animal et finalement à l’homme. S’agissant de l’humain, l’on parlera tantôt de thérapies géniques restauratrices ( somatiques ou germinales ) tantôt de manipulations génétiques ( modifications «mélioratives»* ou transformatives ).

1

Susceptibles de «couper» l’ADN en un site spécifique.

Click to buy NOW!

ww

w.docu-track.com w Click to buy NOW!

ww

.docu-track.com

(4)

Appliquée aux végétaux ou aux animaux, la transgenèse tend à leur faire produire des substances thérapeutiques ( insuline, érythropoïétine, alpha-1-antitrypsine 2 , facteur de coagulation, etc. ) ou simplement bénéfiques ( vitamines ), voire utilitaires (résistance à un herbicide, à la sécheresse, au gel,…, ou encore production d’insecticide, etc. ). Appliquée à l’homme et à ce jour, elle vise à rétablir une fonction perdue ou perturbée.

B - Société et finalité :

Les transformations initialisées par ces techniques diverses sont tout d’abord «sociales» puisque seule la société les autorise et les dessine ou destine : tant par l’organisation de ses substrats ( économique, environnemental, conceptuel… ) que par la demande plus ou moins pressante de solutions rapides et opératoires à des problèmes pouvant être également économiques, sociopolitiques ou éthico- existentiels. Mais aussi, elle les oriente et les décline selon les buts avoués ou occultés 3 ; et encore, selon les limitations imposées, les modes propositionnels ( injonctifs ou facultatifs ) et le biais influent de la publicité insistante ou des pressions oppressantes.

Or, l’introduction des organismes modifiés, comme en un domaine différent celle des structures bio- compatibles ou des organes «artificiels», obscurcit et fluidifie les frontières désignant les différences ( de nature, mode, genre, valeur, soutenance, appartenance… ) et favorisant concomitamment les différenciations ( : tant entre le même et l’autre qu’entre l’animé et l’inanimé ). Conséquemment, tissus et organes cultivés, hormones produites, thérapies géniques et chimères élaborées aboutiraient vraisemblablement et progressivement à l’insertion de «l’autre» dans le corps propre – «autre»

s’éloignant ce faisant conceptuellement et charnellement du tout Autre. En outre, l’intégration du corps dans le domaine strictement fonctionnel, mais aussi la perspective réduisant le «moi» à une instance décisionnelle ou à une force opératoire ( l’assimilant ce faisant au Je expressif du mode affirmatif et appropriatif ) et finalement la conception déliant l’individu de ses attaches intimes et l’homme de son appartenance spécielle préparent l’ouverture à une intégration de chromosome artificiel sensé aider à la réalisation ou à l’expression de soi - dans l’optique d’une humanité améliorée et plus ou moins éloignée de ses origines.

Certes, les aspirations fondatrices anciennes recelaient déjà un besoin créateur : de l’inerte faire surgir la vie ( Pandore, Galatée et Golem, ou encore automates, robots, androïdes et cyborgs ). Certes, aujourd’hui comme hier, au-delà du besoin épistémologique, à coté de la nécessité pratique et sous l’exigence de maîtrise, transparaît semblablement la volonté d’ensemencer l’univers : de répandre un souffle humain sur le monde et dans le monde. Aujourd’hui comme hier, dans toutes les tentatives de façonnage ou de remodelage, une pulsion humaine originelle apparaît sous diverses formes ou déclinaisons : la pulsion de vie. Tantôt sous la forme d’Eros ; s’opposant à la mort, à la souffrance, à l’inertie ou à la nature dans ses refus et ses retraits. Tantôt sous l’apparence de Prométhée ; usinant, fabriquant et contestant les lois naturelles, politiques ou divines. Mais également sous celle d’Héphaïstos ; créant la vie en la forgeant de la matière. Ou encore sous celle du Démiurge - ordonnant le monde à l’image d’une Idée ( du Bien, du Beau, du Vrai ).

Aujourd’hui comme hier donc, mais différemment. Car peu à peu s’imposent des exigences nouvelles ou nouvellement prioritaires : actualisation plénière des possibles, satisfaction garantie et projet a-temporel ou hyper-individualiste. Exigences de totipotence, de plurivalence et de multidimensionnalité. Exigences encore d’impunité – renforcées par la virtualité des choix et des arcanes informatiques. Exigences ; et pouvoir donné ou promis par la «Génétique». Pouvoir créateur entamant l’ uvre d’une possible incarnation de l’ «Homme» - ou de la représentation fantasmatique de nos descendants. Et répondant à l’instinct ( de survie individuelle ), agréant aux exigences ( de production, rentabilité, efficacité, satisfaction) ou s’accordant aux phantasmes ( d’imprégnation et d’ensemencement de la matière autre, de puissance créatrice, d’actualisation des possibles et de construction d’un continuum du vivant faisant retour au fonds de l’inconscient archaïque ).

Et effectivement, définitions, perceptions, représentations, classes et catégories se mêlent progressivement – au risque de se perdre. Mais ces confusions, propres à être renvoyées aux désirs chaotiques de l’enfance ou au monde indéfini du commencement, sont susceptibles de générer des angoisses déstructurantes ou psychotiques tout en livrant les êtres aux manipulations, aux inégalités instituées ou, finalement, à la violence généralisée.

2

Antiprotéase nécessaire, entre autres, aux patients muco – évite que l’élastase des globules blancs activés par une infection n’abîme les tissus sains.

3

Ecologiques, thérapeutiques quand ce n’est eugéniques, économiques ou éthiques (à visée humanitaire globale), voire prométhéens.

Click to buy NOW!

ww

w.docu-track.com w Click to buy NOW!

ww

.docu-track.com

(5)

Générations futures :

Certes, dès l’aurore éclairée par la conscience de soi, d’être soi, et de se vouloir, l’homme s’est attelé à une entreprise de remodelage de son lieu de vie. Mais cette intrusion de l’artifice était limitée par les frontières naturelles et spécifiques imposées. De fait, il s’agissait d’une petite entreprise artisanale créant variétés et souches nouvelles par croisement, ensemencement et sélection : bricolage peu conséquent où la nature imposait le cadre strict du possible. Loin de ces limitations originelles, les familles, espèces et genres sont aujourd’hui culbutés. Cependant, les organismes génétiquement modifiés sont vivants : ils interagissent et réagissent, ils nouent des relations complexes avec l’environnement et leur intrusion est, quant aux implications à long terme, proprement in-estimable. En effet, les écosystèmes sont des équilibres structurés et fragiles où l’insertion d’un élément modifié fait courir des risques pluriels en interférant dans des cycles relationnels millénaires : propagation ou dissémination, combinaison et transformation, rupture d’équilibres intra-géniques et inter-spéciels, colonisation ou contamination, et destruction en chaîne…

Par ailleurs, la transgenèse s’étend du végétal modifié à l’animal supérieur transformé ; et de celui-ci elle glisserait volontiers à l’homme pour le traiter légitimement ( thérapies géniques ), l’améliorer hasardeusement ou le transfigurer dangereusement ( manipulations génétiques ). De la sorte, nous glissons d’une vision ancienne qui réduisait l’homme à l’actualisation d’une Essence préexistante ( supposée lui préexister ), et l’extrayait de la nature pour l’assigner à une Histoire univoque ou le proposer à un projet le dépassant, de cette vision donc, à une conception qui fait de lui un agrégat en suspens dans un univers sans frontières ( sans barrages inter-spécifiques, sans limites, mais également sans repères ni domaines sacraux ). Bref, nous préparons en cela l’advenue d’un individu dépourvu d’arraisonnement ou d’enracinement : en rupture eu égard à une historialisation continuée ou au regard d’une inscription transgénérationnelle - dépourvu de liens spéciels et de liances humanisantes ( sans réel projet humaniste ).

Mais nous constatons en ces deux conceptions distinctes des ruptures identiques. La première fracture prenait assise sur une scission par abstraction et se particularisait d’une démission au profit d’une dépossession: où l’homme, fils de Dieu, se glorifiait d’une Nature hors nature, d’un Projet incommensurable à toute autre fin, d’une Promesse unique et d’un Devenir hors tout devenir - d’une Destination et d’une Filiation «de droit divin». La seconde cassure s’enracine dans une immersion du sujet humain au c ur de la matière - propre à lui restituer la pleine possession de son présent et le libre choix de son devenir ou de son avenir mais susceptible de se contrefaire en une confusion qui le démettrait de ses limites et de son être entitaire ( identitaire ). Où l’homme, fils de ses uvres, s’affirme d’un pouvoir sur nature, mais tend à se consoler du dévoilement matérialiste le livrant à son néant par un mythe ou une promesse nouvelle – celui ou celle d’une totipotence et d’une maîtrise totale. Dans cette perspective, la conception de l’espèce en termes de contenant factuel et de matériau offert à la fantaisie l’emporte sur la perception d’une espèce tenant lieu de substrat et factrice de ( re )liance : partant, entraînant l’homme dans sa chute, elle se ferait contenant inessentiel d’une information livrée aux emprises pratiques ou délirantes et déclinée en gènes transférables au gré de rêves fous ou de cauchemars récurrents. Et la génétique en ses extensions techniques soumettrait de la sorte à nos entendements comme à nos désirs ou à nos angoisses un monde manipulable, des structures fonctionnelles et des génomes modifiables à l’envi. Ce faisant, sur le mode du dommage collatéral, elle nous offrirait une vision utilitaire et nous abandonnerait à l’utilitarisme ; nous laisserait l’aléatoire et nous confronterait au manque de sens et au manque de compacité entitaire intime et identitaire.

Et se déclinent et succèdent des molécules fortuites, des interactions factuelles, des structures aléatoires, des cellules stabilisées en leur métabolisme fonctionnel, des sociétés cellulaires passées au crible de la sélection, des tissus et des organes adaptés conséquemment conservés : où l’homme se décrypte tel un aboutissement provisoire de phénomènes hasardeux théoriquement reproductibles - et où pourtant l’individu se déchiffre tel le déploiement d’un plan génétique contraignant. Là le hasard et la nécessité, ici le mécanisme et le déterminisme. L’un ou l’autre, l’un et l’autre ? Mais, quoi qu’il en soit, l’un comme l’autre déstabilisants. Le vide de sens existentiel répond au vide de sens ontologique et matériel – et la réalité humaine perd sa substance identifiante. Le manque à être se masque alors dans un manque à avoir et le manque d’Etre ( de compacité sécurisante, de fondement et d’essence ) se reconnaît et se traduit dans une science du morcellement. Il s’agit d’une transformation conjointe du regard sur le monde et du monde dans ce regard : la science crée désormais le réel et de nombreux concepts se voient redéfinis ou indéfinis par le caractère fluctuant de frontières décrétées subjectives (: vie, vivant, organisme et espèces, mais aussi individualité, individu, soi et intimité ).

Click to buy NOW!

ww

w.docu-track.com w Click to buy NOW!

ww

.docu-track.com

(6)

Finalement, quand nous aspirons à traiter la maladie, nous nous inscrivons dans la lignée qui, de l’homme préhistorique, conduisit ( via une nature contredite ) à l’homo sapiens. Pourtant, nous nous interrogeons sur l’incidence d’une élimination de gènes potentiellement utiles dans un avenir lointain - ou sur un éventuel effet dysgénique. Mais l’avenir ne nous appartient pas, mais l’homme a toujours fait uvre de sélection, mais la nature n’a pas de raison. Des espèces ont disparu avant notre apparition et notre «réussite» témoigne très vraisemblablement de la fin d’autres «hominidés». Partant, même si la connaissance du génome est trop fragmentaire pour que nous nous risquions d’ores et déjà à le reconfigurer, même si la notion de «race» humaine «améliorée» est absurde, même si la perméabilité spécielle est dangereuse à plus d’un titre, là ne se trouve pas le n ud ultime du problème posé par la transgenèse. Au vrai, et à la limite extrême, une planète peuplée de chimères ( par ailleurs celles-ci se vivraient telles sous la seule force d’une désignation opérée et assénée par l’autre ), ou encore habitée de créatures transgéniques, de clones, cyborgs et autres bizarreries coexistant avec l’homme initial ( sauvage ? ), ne nous offusquerait pas s’il n’en coûtait la souffrance. S’il n’y avait l’exploitation. S’il n’y tenait la perte du sentiment d’être soi : unique, «valorisé» et soutenu par une espèce offrant ancrage, repère et lien. S’il n’y intervenait une relation corrompue et perdue du même et de l’autre. S’il n’en émergeaient l’exclusion et la confusion. S’il ne s’y associaient des probabilités élevées de violences, utilitarismes, psychoses, schizophrénies, dépossessions, solitudes, déliquescences et évanescences identitaires, ou encore marchandisations corporelles, pertes de liance et ruptures d’appartenance et de différance.

1° Seuil de prudence : Risques divers :

D’aucuns font de la transgenèse et des organismes semblablement produits une caution pour l’avenir : caution pour le futur de l’homme menacé de toutes parts 4 et promis à l’infertilité ou à l’exode intergalactique, voire à l’extinction. Précaution, responsabilité ou devoir de décliner les formes de vie et de chercher la diversité. Précaution requise par un avenir incertain exigeant un contrôle global du vivant – des vivants.

D’autres se justifient pourtant de la seule faisabilité - où la possibilité technique induirait la disponibilité totale des génomes. Ceux-là se rapportent alors aux contraintes multiples entourant les essais divers : confinement, stérilisation ( totale ou conditionnelle ), tests et analyses toxicologiques.

Pourtant, déjà, le transgène peut passer de l’espèce intentionnellement modifiée à une espèce voisine éventuellement classée parmi les plantes indésirables, voire nuisibles ( ainsi du colza résistant à un herbicide vers des crucifères telle la navette, la roquette sauvage ou la moutarde… ).

Ensuite, la plante génétiquement modifiée ( ou l’animal ) peut coloniser des écosystèmes au détriment des espèces initiales et renforcer les effets de l’industrialisation intensifiée ( diminution de la biodiversité) . Après, les risques encourus du fait des métabolites de détoxification ( eu égard aux herbicides ) - mal connus et susceptibles de se retrouver dans la chaîne alimentaire.

Suivent, les résistances des insectes et parasites suscitées par une adaptation/sélection face aux plantes dotées de propriétés insecticides. S’y ajoutent, les déplacements et concentrations d’insectes prédateurs sur d’autres cultures, quand ce n’est la pollution des terres ( par transgènes ou bactéries ayant acquis telle ou telle résistance du fait d’une sélection renforcée ).

Enfin, et peut-être surtout, certains, dont J.C. Perez, craignent une instabilité accrue, voire incontrôlable et potentiellement inductive de virulence ou de pathogénie, du génome manipulé. Une sorte de «« fuite en avant» des mutations » 5 : s’appuyant sur ce qu’il nomme un supra-code de l’ADN ( un ordre régissant des enchaînements de bases et possiblement stabilisant ou facteur d’équilibre ), J.C. Perez craint que l’insertion du transgène ne brise ce régulateur. Il suppose alors deux scénarios possibles : soit rejet du transgène, soit tolérance à l’agression assortie d’un travail d’équilibration selon un « lent processus d’intégration du transgène, de régulation et de ré-unification d’une unité perturbée. Dans cette éventualité, soit la cascade des mutations se stabilise… au moins momentanément ; soit les régulations par mutations vont, ne pouvant stabiliser le système, alimenter et augmenter sa divergence » 6 . Au risque donc de voir un jour apparaître de nouveaux organismes pathogènes. C’est par ailleurs sur l’observation des différents virus du Sida que se base l’auteur : plus le virus est ancien, plus le supra-code est évolué, moins il est pathogène. En outre,

4

Evénements cosmiques cataclysmiques, bouleversements des paramètres physico-chimiques, invasions bactériennes ou virales, modifications environnementales et/ou climatiques…

5

L’architecture brisée de l’ADN. p. 84.

6

Ibid., p. 84.

Click to buy NOW!

ww

w.docu-track.com w Click to buy NOW!

ww

.docu-track.com

(7)

remarque Perez, le HIV fait preuve d’un « équilibre perdu » : son ADN mute 1000 à 10.000 fois plus rapidement que l’ADN de l’homme. De telles considérations institue le génome, en ce compris ses segments supposés non codants, dits égoïstes, en garant de l’intégrité organique ( selon les points de vue individuel et spéciel ) 7 . Selon Perez, donc, « Dieu ne joue pas aux dés (…) mais (…) aux nombres ». Nombres ou suites mathématiques - nombre d’or se retrouvant en toute chose et tout lieu de l’univers : «[ feuilles du palmier, stries de l’escargot ou bases du gène : ] On y démontre la clef d’un ordre mathématique inconnu où des milliers de lettres TCAG de l’ADN «tendent» à s’auto-organiser harmonieusement en optimisant leurs proportions relatives suivant le «Nombre d’or» et les nombres de la «suite de Fibonacci» ... celle-là même qui gouverne la forme de la coquille du nautilus ou les nombres de spirales des pommes de pin… » 8 . Recherches subséquentes de résonances dans/de l’ADN, c’est-à-dire de proportion entre les différents nucléotides { selon les nombres de Fibonacci (1/1/2/3/5/8/13/21/34/55/89/144…) et de Lucas (1/3/4/7/11/18/29/47/76…) }. Selon Perez, on trouve ainsi dans le génome HIV plus de 50.000 résonances – et plus de mille d’une longueur supérieure à 2000 bases.

Equilibres cellulaires :

La transgenèse est une technique puissante qui touche à l’intimité génétique du vivant : elle intervient dans les réseaux multiples et modifie inévitablement les équilibres géniques ( et donc protéiques et fonctionnels ) des cellules ( de l’organisme ). Elle produit des fonctions nouvelles et des organismes inédits. Elle bouscule l’écosystème interne ( microcosme cellulaire ) et externe ( macrocosme environnemental ). Faisant intervenir enzymes ( restrictases, ligases,… ), plasmides et autres vecteurs d’insertion, elle agit sur les génomes sans que l’on ait toujours une vision précise de leur structure – et moins encore de leur fonctionnement multi-actif/inter-actif. Pourtant, les gènes ont leur écologie : lieu d’insertion, interférences «environnementales», régulations en cascades. Agissant presque en aveugle, la transgenèse modifie les relations interspécielles et les équilibres entre populations tout autant que les métabolismes internes ( et donc les produits premiers et résiduels des réactions : protéines modifiées et toxines nouvelles - ou anciennes mais sécrétées en proportions différentes ). Il serait dès lors déraisonnable de penser ou même d’espérer qu’une telle technique puisse être dénuée d’effets – comme il serait absurde de nier tout apport positif.

2° Transformation du monde :

La technique de réorganisation du vivant s’impose dans un contexte où se cumulent divers périls planétaires : appauvrissement présageant la disparition des énergies pourtant impérieusement requises, accumulation perturbatrice du CO2, déforestation, démographie galopante, partition inhumaine des populations, pollutions et effritement de la diversité biologique. La pluralité d’espèces qui fit l’homme dans sa conscience perceptive et organisatrice des différences laisse place, en concept encore, à un continuum des espèces – et non plus un continuum organique ou évolutionniste mais un continuum ontologique ( concernant la nature des êtres ) et ontique ( tenant aux étants, à leurs structures, fonctions et états ). En d’autres termes, l’homme uvrant en ces domaines s’adonne à la plus radicale des transformations éco-anthropologiques que nous puissions imaginer : celle même de la structure du vivant, du fonds substantiel des mécanismes identitaires et du substrat de la pensée. La modification ou la mutation d’un réel cessant de se proposer comme certitude requérante est aujourd’hui évidente. Avec les OGM, les gènes de stérilité ou de fécondité conditionnelle, les additifs de luxe ou de fantaisie, mais aussi les brevets, et encore les prémisses d’interventions portant sur le génome humain, notre regard et notre rapport à la nature changent profondément.

Et déjà s’agissant de la nature proprement nourricière : la possibilité de cultiver et reproduire ( et non plus seulement consommer ) se lie à un droit monnayable. Comme le note Gilles-Eric Séralini, « les semenciers demandent de plus en plus l’homologation de nouvelles variétés OGM même si les premières ne se vendent pas du tout (…). Pourquoi développer sans cesse les variétés chères d’un produit qui ne marche pas ? En théorie, on ne supprime rien du catalogue, mais les anciennes variétés se trouvent progressivement dépassées ou à peine disponibles (…). Si d’ici quelques années, des variétés transgéniques se substituent à la majorité des variétés conventionnelles dans les catalogues (…) les détenteurs des brevets sur ces semences posséderont les droits de reproduction des maïs riches, de toutes les céréales et tous les légumes brevetés … de quoi dominer l’agriculture mondiale 9 . Il s’ensuit une profonde modification des archétypes sociaux et culturels. Modification du rapport au vivant. Modification des relations

7

Concernant l’ADN non codant (qu’il s’agisse d’introns ou de séquences intergéniques), l’équipe de Gill Bejerano a pu repérer des séquences identiques (à 100%) dans les génomes du rat, de la souris et … de l’homme. Une telle préservation au fil de l’évolution plaide pour une fonctionnalité de ces séquences / cf.

M. Morange De l’ADN ultraconservé là où on ne l’attendait pas, La Recherche, Juillet-Août 2004, N° 377, p. 14, et G. Bejerano et al., Science, 304,1321, 2004. Selon Gill Bejerano, ces séquences pourraient stabiliser ou configurer dans l’espace les ARN transcrits.

8

L’ADN décrypté, p. 18.

9

OGM, le vrai débat, p. 44-45.

Click to buy NOW!

ww

w.docu-track.com w Click to buy NOW!

ww

.docu-track.com

(8)

internationales ( exclusion ou domination accrue eu égard aux pays démunis – et démunis de biotechnologies et de brevets ). Modification des écosystèmes et écrasement des populations sauvages au profit des espèces améliorées ( plus fragiles cependant, et plus limitées dans leurs possibilités d’adaptation aux changements climatiques ou environnementaux ). Modification des implantations végétales ( par manipulation des exigences spécifiques) et transfiguration des paysages. Et encore, bouleversement des rapports de classes et des modes productifs - car ces cultures OGM et leurs traitements chimiques appellent et génèrent, et requièrent, de vastes entreprises agricoles disposant de gigantesques exploitations et usant de l’herbicide associé aux semences manipulées à cet effet.

3° Dissemblances déterminantes :

Au moment où la science nous apprend que l’organisation cellulaire dont nous sommes est le fait de combats «dramatiques» entre espèces différentes et nous informe d’une transgenèse originelle factrice de recombinaisons géniques 10 , il faut raison garder - car les tentations sont multiples et les discours quelquefois volontairement perturbateurs. Ainsi cet interview de Klaus Ammann 11 au titre édifiant Les OMG, entre mensonges et hystérie : «La nature n’a pas attendu les OMG pour procéder aux flux de gènes, et l’homme non plus. Le plus énorme flux de gènes que la Terre ait connu depuis le début de l’histoire de l’humanité s’est produit en raison des brassages dus à l’urbanisation et à la révolution des transports. L’ampleur du phénomène est sans commune mesure avec celle induite par les OMG dans un avenir prévisible .» . De tels propos tendent à assimiler tous les procédés et à les transposer trompeusement aux processus évolutifs naturels – où la nature se fait justification ou apologie de l’artifice. En outre, si les micro-organismes furent soumis à une mutagenèse factrice de différenciations, il ne s’agissait pas ( ne s’agit pas, le processus n’est pas arrêté ) de manipulations artificialisantes finalisées en discordance écologique : faisant donc irruption dans les entrelacs complexes d’équilibres inter-dépendants. Jamais ou quasiment jamais, l’on ne pourra introduire par simple croisement un gène spécifiant une espèce dans une autre : la technique est appelée en renfort et le transfert par virus, plasmides ou transposons est requis. Enfin, on ne peut déformer la réflexion par une assertion du type : «Quand je bois une bière, je suis à 33% cannibale, parce que la levure et l’homme ont 33% de gènes en commun.»

12

. Car, évidemment, nous sommes tous issus, vivants parmi les vivants, des mêmes matériaux originels ; mais l’agencement et le cloisonnement nous constituèrent en différenciation. Et si nos ressemblances sont peu définitoires ( de la bactérie à l’homme, de la plante au minéral ), nos dissemblances nous particularisèrent avant de nous singulariser ( dissemblances reçues, conquises ou imposées par le hasard d’une mutation ou d’une rencontre - combat «perdu» gagné ). Ces particularités acquises initièrent la spéciation et firent surgir l’exception ( des espèces divergentes ) d’un fonds commun originel par le biais des mécanismes d’intégration, d’assimilation, de contrôle, d’activation et/ou d’inhibition - selon des réactions catalytiques ou catalysées, limitées ou enchaînées. Nier ces spécificités, les aplanir ou les fragiliser sous prétexte d’une origine biotique que l’on sait depuis longtemps commune, signe un retour au moins différencié appelant pour sa part l’indifférencié.

Dans ce contexte, la «nature» se livre à l’analyse comme ce dont on s’émancipe : ce qui englobe, enferme et limite en renvoyant plus ou moins consciemment à une soupe primitive, une nécessité mécaniste ou un donné ( imposé ) aliénant et privatif. Cette «nature» peut subséquemment se poser comme substrat chaotique où tout se perd en confusions, factualités aléatoires, insignifiances et nécessités phénoménales : fonds matériel et matriciel ignorant but et raison - ignorant sens, dévolution et liberté. Ou encore, réserve matérielle et organique des organismes divers. Et, assurément, il y a du même en tous : même matière moléculaire constitutive, même réalité factuelle d’un plan de développement «spéciel», mêmes risques ( participant du seul vital/létal pour certains, de la réussite démographique/évolutive pour beaucoup, et de la possibilité incertaine d’une affirmation personnale dès qu’il s’agit de l’humain ). Mais aussi, même contingence des obstructions opposées aux développements des individuations ou aux pulsions de réalisation intrinsèque ( individuelle et spécielle ). Et finalement, dans le monde des hommes et pour les consciences, même consubstantialité de l’aliénation et de la liberté : où le fait d’Etre recouvre une aliénation, où le fait d’ex-ister recouvre une liberté ( par lui produite ). Où l’aliénation est la condition de possibilité de la vie, où la liberté est la création ou la réussite de l’existence. Où la vie est travail ou mouvement d’affirmation ( de soi ) et travail ou

10

Nécessaire à l’édification du système lymphocytaire – c’est-à-dire à la reconnaissance du «soi». Et de citer les gènes rag-1 et rag-2 qui appartenaient probablement à un microbe (: cf. à ce sujet La sculpture du vivant, p. 186) - ladite transgenèse recouvrant vraisemblablement l’insertion d’un transposon dont les gènes commandent la production d’enzymes intervenant dans la recombinaison Par ailleurs, les mitochondries (indispensables à la respiration cellulaire, à la production énergétique et au contrôle du système exécuteur/inhibiteur impliqué dans l’apoptose) seraient d’origine bactérienne.

11

K. Ammann est spécialiste du flux des gènes et Directeur du Jardin Botanique de Berne / Art. in La Recherche, N° 325, p. 104.

12

La Recherche, N° 325, p. 106.

Click to buy NOW!

ww

w.docu-track.com w Click to buy NOW!

ww

.docu-track.com

(9)

mouvement de négation ( du néant, de la compacité ). Où l’aliénation est l’être ( son être, sa matière et ses possibles ), où la liberté est l’existence ( sa nature expressive et expansive, son fait créateur ).

C - Génomes déstructurés :

Minotaure et Méduse, sirènes, centaures et autres chimères hantent les rêves et les cauchemars des hommes. Cependant, un regard à la Tragédie grecque ou une interrogation des sociétés primitives en leur édification dévoilent le risque encouru du fait d’un mélange des plans ou domaines, des êtres, des genres et des espèces- mélange inducteur de confusions ( des catégories, concepts, repères et statuts ).

Effectivement, les classements, partitions et codifications de l’univers ( univers matériel, conceptuel, référentiel ) spécifient un «dedans» et un «dehors» et distinguent subséquemment le même, le semblable, le différent, l’autre et le Tout-Autre.

Partant, partage et partitions se révèlent rapporteurs d’altérité et par le fait, en revers, vecteurs de reconnaissance et d’appartenance :

- porteurs d’échanges ritualisés, de liens, liances et symboles ; - mais aussi facteurs de transpositions, d’analogies et de logos ; - et encore, producteurs de sacralité et d’éthicité ;

- et finalement, instruments d’une différenciation protectrice des membres de la communauté ainsi définie ( à l’encontre d’un substrat nature indifférencié ).

L’homme n’est ni isolat ni abstraction. Le monde qui nous entoure, celui qui nous forme et informe, mais aussi les réseaux multiples ou les liens y élaborés, les catégories ou concepts y développés et les perceptions, représentations, compréhensions ou interprétations résultantes situent et délimitent chacun en son être ( propre ), en son être-au-monde ( relationnel et relatif ) et en son être subjectivement ( re )construit. Nous sommes, et jusque dans et par notre corps ( dans son senti/ressenti ), «sujets/objets»

pris et compris par le Culturel, l’Economique, le Scientifique et le Technique. Et encore, pris et compris et inscrits dans un monde réel partagé ( commun ) et faisant intrusion. Insérés, tous, dans une totalité mondaine et un substrat matériel identiques. Nonobstant, d’un substrat originel commun, d’un fonds vital initial partagé, l’on ne peut conclure à l’insignifiance des différences nous distinguant les uns des autres – d’individu à individu ou d’espèce à espèce. Aussi, quand nous abolissons ou transgressons ces différences et différenciations biologiquement ou historiquement élaborées, quand nous transperçons les barrières spécielles mises en place par l’évolution et signifiées par l’émergence anthropique qu’elles autorisèrent de leur présence-miroir, nous initions une déconstruction pour le moins partielle de ce travail qui fit l’homme en sa spécificité et les civilisations en leur richesse. Par ailleurs et à plus long terme, nous offrirons vraisemblablement de la sorte à l’arbitraire des décideurs le pouvoir immense de décréter du «In» et du «Out» de la communauté - et cela en fonction d’une perspective utilitariste, d’une inclination idéaliste, d’un projet fantasmatique ou d’un dessein prométhéen associés à des pouvoirs forcément changeants. Et encore, nous incurverons sans trop de précautions l’avenir des générations à venir. Toutefois, face à ces modifications lourdes de conséquences, contre les spectres de créatures monstrueuses et devant nos craintes d’asservissements nouveaux ou de flous identitaires, se propose la production de vaccins, d’insuline, d’érythropoïétine, d’hormones de croissance, d’anticoagulant ou de facteurs de coagulation… Se profile l’élaboration de sondes moléculaires susceptibles de repérer, encercler, affamer ou détruire les cellules tumorales… Se devine des thérapies propres à libérer les corps de leur enfermement… Se dessine la culture de riz sur-vitaminés et de céréales résistant peu ou prou à la sécheresse ou au froid… S’esquisse la production de bactéries capables de consommer nos déchets pour produire l’alcool éthylique utilisable en carburant – ou encore l’élaboration d’organismes susceptibles d’être utilisés dans le cadre du recyclage ou de la neutralisation de divers polluants et toxiques.

Le pire et le meilleur donc ; cependant, il ne s’agit pas de développer ici les arguments divers susceptibles d’assigner à demeure ( ou à objets ) la technique de transgenèse – animale ou végétale. C’est une autre perspective qui nous appelle, celle de l’anthropologie : c’est le devenir-homme et le devenir de l’homme qui nous occupent. C’est en ce sens que nous considérerons l’influence du génie génétique et de la génétique comme science explicative et pratique ( re )constructive. En ces deux facettes, elle bouleverse tant l’idée ( que l’homme se fait de lui-même ) que le projet ( d’avenir ), tant la réalité humaine que la relation ( de force ) entre celle-ci et son environnement. Ainsi, quand naguère il s’agissait de s’adapter par artifices multiples et productions objectales au substrat nature, il s’agit aujourd’hui de transmuter ledit substrat pour qu’il satisfasse, non plus seulement aux besoins, mais encore à la fantaisie

Click to buy NOW!

ww

w.docu-track.com w Click to buy NOW!

ww

.docu-track.com

(10)

ou aux fantasmes individuels, aux exigences et projets collectifs et aux intérêts financiers des multinationales. En ces changements de perspectives, l’artifice, d’élément extérieur et/ou «adaptatif», devient intérieur et constitutif – il n’est plus intermédiaire ou médiateur, il est constituant essentiel et essentialisé.

1° Seuil de signifiance :

D’aucuns estiment que les organismes originels «ignoraient» l’entitaire stable ( le «soi» entitaire ) et qu’il nous faut conséquemment les conceptualiser sur le mode du transitoire : des agrégats de gènes ( de

«chromosomes» comprenant un ou deux gènes ) constituant une multitude changeante «d’espèces»

ancestrales qui finirent par s’unir et se con-fondre en espèces peu ou prou stabilisées. A cet égard, à un niveau de complexité sans commune mesure, le jeu manipulatoire actuel, comme aussi la pensée qui fait de l’organisme une structure factuelle, de l’individu une construction et de la personne un personnage, ce jeu et cette pensée font retour sur la soupe primitive compartimentée en loges organiques ( de coopération génique ).

Changement de perspective donc – de l’unité entitaire à la construction, de l’intégration à l’addition, et de l’organisme à l’agrégat : où l’individué est un assemblage efficient de gènes, le spécimen spéciel une manifestation particulière d’une combinaison génétique fonctionnelle, l’individu une addition plus ou moins synthétique de paramètres compatibles, la personne une construction résultante de données suffisamment convergentes, et la singularité une association particulière extraite d’un pool d’ADN recelant l’infini des possibles – bientôt disponibles et offerts dès cet instant à toute pulsion créatrice ( utilitaire, fantaisiste ou artistique ). Mais à chaque avancée technologique, les relations que l’homme entretient avec la nature changent et entraînent dans leur transformation la conception individuelle, culturelle et scientifique de ladite nature - modifiée de fait par le savoir et l’instrument du savoir. Par suite, quels seraient nos liens et nos réaménagements conceptuels, affectifs et identitaires, mais également anthropologiques, ontiques et ontologiques, face à l’animal fournisseur d’organes - ou encore face au corps humain reconstruit ? Appréhenderions-nous un animal «humanisé», ou des organes bestialisés ? Un corps souffrant suppléé, ou une chair utilitaire suppléable ? Un «soi» vécu sur le mode de l’intimité artificiellement tolérante, ou un «soi» puzzle associé à une identité aux démarcations floues ? Car, s’il est vrai que l’organe reçu s’inscrit dans la dimension fonctionnelle, il doit être néanmoins intégré dans et par un organisme - et plus encore accepté et défini par le sujet qui s’en fait ( être ). Dès lors, quelle serait cette intimité identitaire perçue à l’horizon d’un franchissement ( transgressif ? ) spéciel ?

A savoir donc ce qu’il adviendrait des mécanismes d’inclusion ou d’exclusion spécielles. Ce que deviendraient les identités ou les représentations imagées et imaginaires. Ce que deviendraient et comment évolueraient les empathies et les rejets, les assimilations et les réorganisations ( soit entitaires, soit identitaires ), mais aussi les constructions psychologiques et les mécanismes de défense ( en ce compris le refoulement – et le retour du refoulé ) face à l’éventualité d’une xénogreffe?

A savoir aussi quels liens articulent aujourd’hui le fonds pulsionnel actif ( le travail de l’inconscient, la sublimation, la postposition ou la translation des désirs ) avec une réalité opérant la mise en chair de fantasmes spécifiques à un instinct lesté de confusions, de violences, d’impuissance et de volonté de puissance en refus d’interdit ? Car la fascination, et le fantasme, et le vertige sont anciens. Car la pathologie psychiatrique nous parle parfois de ces étrangetés : dans le délire du «loup-garou», le rêve de l’homme-oiseau ou la «folie» de l’ «homme-chat» 13 . Car encore, l’idée même de la possibilité d’une xénogreffe répond peut-être, au-delà des propositions techniques, et très au-delà des pénuries d’organes humains, à une origine floue de l’hominité et à une mythologie ancienne où centaures et sirènes, Minotaure et Sphinx, Gorgones et autres loups-garous étaient «familiers» - témoignant d’un agencement mondain et conceptuel encore incertain, encore fragile, mais néanmoins nécessaire à l’édification de l’humanité et à l’expression de l’humanitude : où donc ces mythes mettaient en scène indifférenciations et fantasmes porteurs de chaos pour les exorciser et conforter en retour les différences, les démarcations et les différenciations soutenues.

A savoir également ce que devient, dans les savoirs construits comme dans l’inconscient pulsionnel, la frontière des genres, et ici des espèces, quand des gènes humains peuvent être ou sont incorporés dans un génome animal : un, deux, dix, cent, mille – de la transgenèse à la chimère ? Qui pourra définir le

13

Journal Le Soir, juillet 2003 : où un « amoureux » des chats s’est fait tatouer des rayures sur toute la face, implanter des moustaches et transformer le nez et la mâchoire en vue de ressembler à son animal favori – attendant avec impatience le jour béni où la chirurgie pourra lui greffer une vraie / fausse queue…

Click to buy NOW!

ww

w.docu-track.com w Click to buy NOW!

ww

.docu-track.com

(11)

seuil de signifiance d’un changement introduit ? Combien de gènes dans un organisme ? Combien d’organes dans une corporéité personnale? Combien de neurones dans un encéphale? Quels caractères spéciels ou exo-spéciels et quelles modulations d’apparence ? Qui est quoi ? Si l’on n’y prend garde, ces techniques de manipulations et de bricolages des gènes pourraient ouvrir la voie à des combinaisons ayant pour seules limites celles de l’imagination ou de l’utilité – tempérées il est vrai par l’aberration organique létale. Nonobstant, ces procédés et les conceptions qui les alimentent appréhendent la vie, toute forme de vie, comme matière première - et tout organisme comme avatar ou ensemble flou de relations provisoirement établies et fonctionnelles, mais toujours déjà riche d’un potentiel autre. Partant, la transgenèse est susceptible de bouleverser les milieux et les équilibres, les références et les concepts catégoriels, les valeurs et les exigences. Elle tend à assimiler multiplicité et diversité ; et à confondre la différenciation évolutive, l’adaptation et la finalité propre ( peu ou prou consciente, peu ou prou conscientisée ) avec l’utilité dérivée, voire déviée - ou avec la dépossession intime. Elle participe à la modification des modes de productions et à la déconstruction du vivant - pour l’enfermer dans la catégorie du disponible. Elle contribue à l’édification de conceptions transformant la préhension des êtres et de l’organisme - devenant assemblages dépourvus de cohérence singulière et de finalité intrinsèque. Et elle contredit conséquemment toute notion de sens personnel ( devenir ) ou de nature propre pour menacer d’altération les mécanismes identitaires. Au bout du compte et à son aune, la spécificité du vivant ( qui est spéciation et spécification en uvre ) serait tout aussi ontologiquement insignifiante que pratiquement incommode. Plus clairement, et même si l’insertion de séquences codantes «humaines» 14 dans un organisme animal ne fait pas l’homme, ces insertions trans-spécielles influeront sur la construction psychique, symbolique et idéelle de l’homme : car celui-ci s’est fait dans une représentation active de lui-même eu égard à l’autre, aux différences saillantes et au non soi. Car cette extraction en dehors de la biomasse ou en dehors de l’indifférencié portant à l’indifférence, ce dé- engagement hors du chaos, cette émergence hors de l’incommunicable d’un continuum mondain et organique ( où nulle arête, nul arrêt ne font sens ), cette échappée hors du Tout et hors de soi 15 fit et fait encore l’homme. Ainsi, la rencontre avec un «soi» désormais malléable, hasardeux et factuel, ouvert et fragmenté, ou encore segmentable en ses constituants transposables, cette rencontre dissipative ou dispersive est forcément agissante sur la préhension et sur la perception de l’homme comme cohérence entitaire et unitaire - et semblablement influente sur la préhension et la perception de l’intimité ( comme lieu propre et matière personnelle, source initiale et destination finale ). Ou encore, cette rencontre, déconstruisant les frontières et ouvrant l’entité à son autre pour l’y perdre en confusion, agit inévitablement sur la préhension/perception de l’identité pour la modifier ou la rendre incertaine. Bref, se découvrir, vivant parmi les vivants, aléatoire, modulable et inessentiel, mais aussi maître des frontières inter-spécielles, ne peut rester sans effets du fait d’un retour définissant – en l’occurrence indéfinissant. Et cela malgré la véracité des arguments scientifiques touchant à la définition du spécimen humain ou à la nature de l’animal transgénique : «[ L.M. Houdebine parlant de la résistance au rejet conférée génétiquement ] Les porcs pour autant sont parfaitement normaux et n’ont aucun caractère humain supplémentaire. Si l’on augmentait progressivement le nombre de gènes humains transférés chez le porc, on ne le rendrait pas plus humain pour autant. On arriverait en revanche vraisemblablement à un organisme non viable du fait de l’accumulation d’incompatibilité… »

16

.

Souvent, pour contrer l’argumentation opposée à leurs discours ou pour faire taire les peurs suscitées par leurs techniques, les scientifiques font référence aux dysfonctionnements de la nature et à sa

«cruauté». Et encore, aux techniques anciennes ou aux pratiques traditionnelles : ainsi, pour

«démontrer» l’innocuité ou la sécurité des techniques de transgenèse, en appelleront-ils à l’hybridation végétale et aux croisements millénaires du bétail. N’empêche, si le croisement de l’âne et du cheval ( et donc le brassage de milliers de gènes ) ne heurte personne, c’est qu’il laisse à la nature ( moléculaire ) le soin d’apparier les chromosomes homologues par «reconnaissance» 17 . C’est aussi qu’il n’insère nul gène dont la dispersion entraînerait un possible désastre écologique ou une éventuelle résistance bactérienne. C’est également qu’il n’outrepasse pas les genres. Mais c’est encore et plus fondamentalement, qu’il n’entame en rien l’intégrité physique, génétique, psychique et symbolique de l’humain. En effet, cette intégrité, envisagée principalement ici comme construction idéelle et

14

Propre à être transcrite et traduite en protéine naturellement et initialement active dans l’organisme humain.

15

Echappée qui mène à l’abstraction, à la figuration, au symbole et à sa liance, au sens et à l’humanité.

16

L.M. Houdebine, OGM, le vrai et le faux, p. 30.

17

Assurant en cela une probabilité suffisante de fonctionnalité globale de l’organisme – quand la transgenèse injecte par force et au hasard un gène dans un génome.

Click to buy NOW!

ww

w.docu-track.com w Click to buy NOW!

ww

.docu-track.com

(12)

conceptuelle, représentation agissante donc, est préservée de toute ingression : ces unions animales ne l’indéfinissent ni ne la dé-spécifient en aucune manière. Et cette préservation spécielle, anthropologique et individuelle est essentielle car de la différence comme de la différenciation naissent le sentiment et la sensation ( le senti/ressenti ) de l’identité. Car les limites conceptuelles et matérielles sont autant de structures contre lesquelles et sur fond desquelles se constitue l’identité du «soi» ( du «propre» ) qui s’y heurte, s’en estime et s’en dessine. De même, le contact du soi et du non-soi et la relation au monde dans un partage du dedans et du dehors constituent l’unité identitaire – quoi que puissent suggérer les références ou reports aux tâtonnements évolutifs, aux mutations pathologiques et aux édifications socio- culturelles et technologiques qui firent l’homme en interférances.

2° Finalisation :

Dans un avenir plus ou moins éloigné, un transgénéticien «accompli» pourrait aspirer à réaliser un organisme «par-fait» : enrichi de sa propre conception de la perfection ( ou de l’utilitaire). Et se révèlent en cela les liens étranges de l’orgueil créateur et du mépris destructeur - où l’idéal de perfection recouvre une conception analysant et décomposant la nature en une série de systèmes peu ou prou efficaces. En semblable contexte et inévitablement, la vie se livrerait tel un système fonctionnel mécaniste ou telle une création subordonnée à une intention souveraine - et le vivant se ferait invention brevetée offerte à la puissance technique et productrice. Et l’on devine dans les transmutations animales la possibilité d’une répétition générale où se dessinerait un homme finalisé mais dépourvu de toute finalité propre réelle ( soumis à un modèle et subordonné à un environnement, à une structure, à une fonction ou un à projet ) : un homme étranger à lui-même, aliéné et aveuglé ( génétiquement, socialement et chimiquement modifié – programmé ). Et l’on pressent la probabilité non négligeable d’un avenir qui dénierait tout sens à la vie, tout droit d’appartenance intime aux individus, toute gratuité et toute liberté aux personnes. Et l’on appréhende un temps où tous sombreraient dans l’inconsistance inessentielle et aléatoire - jusqu’à l’absurde. En pareille occurrence, l’intimité singulière, l’appartenance intime, la liberté, la subjectivité, l’existence, la vie et le vivant s’anéantiraient en leur expression quantifiable et dans leur évaluation en termes d’économie et d’utilité. En outre, le projet personnel et la soutenance existentielle s’incurveraient en destin – incurvation paradoxale ramenant cet étant qui s’affirme et s’exprime hors de ses gènes ( hors de ses aliénations au c ur de la matière ) au centre d’une finalité tierce et au milieu d’un champ de possibles alignés sur une volonté idéaliste ou pragmatique. Il s’agirait d’une mainmise a priori, réductrice et directrice, imposée à une vie ou à une existence individuelle. Telle mainmise procèderait d’un choix influent irrévocable : conditionnant, pour l’être à advenir, une réalisation future soit douloureuse, soit impossible, soit très spécifiquement orientée.

3° - De la thérapie à la transformation ?

Le génome de l’homme, biographie d’une évolution spécielle, génographie d’une hominisation en devenir d’humanité, ou encore mémoire et récit moléculaires de l’histoire humaine, ce génome donc, ces génomes en proie à des mutations hasardeuses, naturellement abandonnés aux mains d’un phénomène évolutif aveugle, sont dorénavant par lui appropriés. Et les mythes ( signes ou avatars d’un inconscient anthropique universel ) nous livrent quelques indices susceptibles d’éclaircir des tentatives et tentations d’auto-création en refus de dépendances: Jupiter et sa cuisse, Adam et sa côte, ou encore Prométhée, Pygmalion et Frankenstein face à leur créature respective. Tendances et pulsions procréatiques, créatrices, manipulatrices et épistémophiliques. Inclination et aspiration au double : miroir et reflet, mais aussi promesse d’échange ( contre l’échange impossible ou le hasard d’un coup de dé – pour sa relance ).

Besoin de faire pour être, nécessité d’assimiler pour exister, désir de maîtriser pour s’affirmer, exigence de transformer, transposer et transfigurer pour s’exprimer, se réaliser, s’extérioriser, s’extendre et s’épandre.

Même si les essais thérapeutiques et les projets de manipulations relèvent d’une lutte menée contre une aliénation fatale ( limitation, dysfonctionnement, pathologie, handicap ) au nom d’une autonomie libératrice, ils recouvrent une inscription ( forcément limitative ) de l’individu dans son code génétique.

Pareille inscription tient à une vision réductrice de l’humain et, concomitamment, à une conception très particulière du bien-être peu à peu assimilé au Bien Etre. Quand les manipulations génétiques se donnent à voir ( prévoir ), elles présagent la production d’étranges créatures (au nom de la santé ou de l’utilité, du bonheur ou de l’efficacité, de la survie ou de la nécessité ) et augurent d’un monde inégalitaire et chaotique, logique dans son illogisme et, au delà de ses foisonnements, indifférencié dans ses dimensions schizoïdes. Et l’intuition se précise pour nous que le moteur obscur de ces manipulations relève au moins partiellement d’un mépris de soi et d’un sentiment de vanité ou de vacuité. Relève en

Click to buy NOW!

ww

w.docu-track.com w Click to buy NOW!

ww

.docu-track.com

(13)

fait, peu ou beaucoup, d’une légèreté ontologique et d’un vide essentiel, d’un manque substantiel et d’une faille existentielle. Relève donc d’une liberté abyssale pesante et d’une identité par trop précaire en appelant à l’orgueil comme motivation et moyen de «salut» :

- par une appropriation du mouvement vital original,

- par une édification mondaine et biologique assurant en retour d’une force créatrice et volitive réelle, - par une auto-reconnaissance, auto-validation, auto-légitimation, auto-détermination,

- par une imposition destinale universelle,

- par l’impulsion ou l’injection de soi ( d’une part matérielle après avoir été intentionnelle et symbolique ) dans une intimité tierce aliénée,

- par la matérialisation de phantasmes, - par l’action de pouvoirs,

- par la négation de tout donné s’il n’est élaboré et rendu signifiant/significatif par l’homme, - et par l’imposition concomitante du construit fantaisiste.

4° Tris, thérapies, transgenèses ?

Nous avons déjà évoqué les risques procédant de l’accessibilité de l’ uf. Nous avons montré que cette extériorisation est susceptible d’induire une distanciation croissante et un accroissement des exigences.

Nonobstant, parce que ces techniques relèvent avant tout d’un évitement de souffrances, qu’elles peuvent être encadrées et économisent un avortement tardif légitime, elles ne nous semblent pas porter le plus redoutable des dangers. Plus grave à notre estime, car plus lourd de conséquences dommageables et de troubles identitaires, serait le flou introduit au sein de l’espèce humaine par une transgenèse transformante - quand pourtant le transgénique artificiellement produit demeurerait parfaitement «naturel» ( tout individu s’inscrivant par son advenue, dans son devenir et par sa perpétuation, jusque et y compris sa reproduction, dans le substrat nature : pour se confronter à ses processus en adaptation, accommodement, soumission ou quelquefois rébellion).

Donc, quelques cellules en elles-mêmes peu signifiantes pourraient être examinées et sélectionnées pour laisser advenir les seuls élus - d’abord dénués de pathologies, secondairement déchargés de quelques susceptibilités désavantageuses, ensuite conformes aux attentes, exigences ou délires individuels et sociaux, enfin améliorés et peu à peu transformés ou métamorphosés. Où donc l’homme se verrait soumis en son advenir individuel comme en son devenir spéciel aux possibles technoscientifiques – livré aux aspirations parentales, aux exigences sociales, aux utopies culturelles et aux inventions des acteurs de la technoscience. Où nos aspirations proprement humaines ( entre autres, de maîtriser la reproduction, vaincre les maladies, combattre la souffrance, étendre et faciliter les jouissances, développer les facultés ou aptitudes et repousser la mort ) conduiraient sur le chemin d’une transfiguration spécielle recouvrant utopie ou eugénisme, idéalisme ou utilitarisme, renoncement personnel / personnal ou perte d’intimité corporelle ( d’investissement ou de signifiance charnels, de réalité identitaire).

Ainsi, face à l’évolution diagnostique, et en deçà des repères incontestables de souffrances indépassables ou au-delà des délires pulsionnels et fantasmatiques, le problème émarge au médical et au scientifique pour se révéler profondément social et humain. En l’occurrence, comment juger des thérapies géniques ? Certes, somatiques, constituant ce que Kahn appelle « le gène-médicament », elles relèvent d’une pratique médicale finalement ancestrale et répondent à l’ambition d’aider et de soigner pour guérir… Elles s’inscrivent dans les protocoles actuels comme toute autre thérapie et se soumettent aux mêmes exigences de prudence et d’essais. Mais qu’en serait-il de thérapies germinales ? Doivent- elles nécessairement être diabolisées ? En fait, évolution mondaine et évolution humaine sont l’une et l’autre imprévisibles : imprévisibilité et incertitudes sur fond desquelles les thérapies génétiques germinales interféreraient avec l’évolution génomique spécielle en écartant du devenir une part du pool génétique et en pariant sur l’avenir tant humain que mondain. Face à cela, il conviendrait de préserver la diversité. Et d’aucuns d’accepter alors la voie somatique en refusant vigoureusement l’intervention germinale susceptible d’éliminer l’un ou l’autre gènes potentiellement bénéfiques ailleurs et autrement...

Nonobstant, en ce domaine spécifique J. Harris n’a pas tort, un gène ne peut révéler son utilité qu’en situation. Dès lors, l’intervention somatique se poserait telle une grille de lecture tronquée : « (…) then exactly as with germ line thérapy, we would never discover any potential benefits which might arise under different environmental conditions. The only way we could attempt to test Suzuki and Knudtson’s hypothesis is to leave a few « guinea pigs » with genetic disorders to suffer for generations while we watch them to see what unforeseen advantage their plight might confer on the rest of us » 18 . Conviendrait-il alors aux défenseurs des générations futures de constituer

18

Clones, Genes, and Immortality, p. 201.

Click to buy NOW!

ww

w.docu-track.com w Click to buy NOW!

ww

.docu-track.com

(14)

des «réserves naturelles» de gènes (- d’individus ) et d’en observer l’évolution ? C’est là bien évidemment une attitude parfaitement inhumaine condamnée par tous mais dont J. Harris tirera les conséquences que l’on sait ( celles d’un choix globalement qualifiable d’«interventionniste» – dès lors que les conditions d’innocuité à court et moyen termes seraient assurées ).

Par ailleurs, il est vrai que les maladies actuelles révélant l’utilité relative de certains gènes peuvent ( et doivent ) être combattues différemment. Et vrai qu’un avantage futur et hypothétique ne peut justifier à lui seul la perdurance d’une souffrance actuelle. Où donc il s’agit ici également de distinguer les situations ( du létal ou du dysfonctionnant au particularisant, et du gène dominant au gène récessif ). Où finalement il est des incertitudes qui peuvent conduire à recenser selon un consensus réfléchi les maladies génétiques graves ( pathologies vraies, létales ou globalement déstructurantes, dépourvues de traitement et monogéniques ) et à fixer à celles-ci, pour celles-ci seulement, dans des conditions strictes 19 , les possibilités de corrections germinales qui, en première analyse et du point de vue restrictif de l’éthique individuelle, ne sont pas nécessairement plus problématiques que le tri pré-implantatoire - en effet, l’intention d’une correction restauratrice ne peut être intrinsèquement aliénante dès lors qu’elle ne traduit ni ne révèle aucune tentation additionnelle de réification.

En fait, du somatique au germinal s’élabore la question problématique qui confronte individu et espèce. En d’autres termes, s’opposer à la loterie génétique quand ses arrangements sont viables et vivables constitue à notre estime une appropriation illégitime d’un destin qui ne nous appartient pas.

Mais, au niveau de l’éthique individuelle s’entend, il ne nous paraît pas, dans un principe vraisemblablement rarement justifié par la pratique 20 , que remplacer un gène délétère par un gène fonctionnel constituerait une inadmissible intervention chosifiant l’être à venir - car l’homme est infiniment plus que ses gènes aussi longtemps que ceux-ci lui laissent un minimum d’autonomie… Ici comme souvent, l’intention de l’acte est déterminante. Dès lors, la responsabilité commune en ce domaine et à l’horizon d’un futur mouvant tient à la préservation des possibles à venir : au vrai, la stricte correction germinale n’est pas immorale, elle est imprudente – mais l’homme est imprudent…

La sélection naturelle, répétons-le, agit sur les singularités, les individus ou les génomes constitués - et non point sur les gènes. Dès lors, seuls les allèles d’expression hétérozygote ( gènes dits dominants ) et précoce ( avant la maturation sexuelle ) seront écartés du devenir par cette action mécanique. Ces allèles constituent une infime fraction eu égard aux gènes responsables de pathologies s’exprimant dans la maturité ou requérant l’homozygotie pour se manifester. Mais voilà que notre modernité s’interroge sur la possibilité de suppléer - contre-venir - au hasard des arrangements chromosomiques ( de leur transmission et de leurs mutations ) par une action délibérée et finaliste : aspirant à améliorer l’espèce, à éliminer tant les «tares» que les maladies, et à maximaliser les forces et les capacités.

Manipulation d’intention transformatrice inscrite, selon certains, dans la continuité de nos actions actuelles. Ainsi, selon G. Stock «Human germline manipulation wil come into being not as a replacement for existing technologies like embryo screening, but as an extension of them. Germline modifications will appeal to us to the extent that they can deliver compelling benefits that we cannot abtain using simpler procedures. Direct germline intervention is the logical conclusion of our ongoing progress in reproductive biology and the ultimate expression of it, and its realm will likely be human enhancement.”

21

. Et l’auteur de suspecter d’intérêts illégitimes les plus grands opposants à l’amélioration génétique des descendants : intellectuels inquiétés, dit-il, par la perspective d’un supermarché du gène offrant à chaque parent la liberté de doter son embryon des talents qui leur seraient actuellement réservés ? Où les résistances recouvriraient des phénomènes récurrents d’élitisme et de conservatisme social – pour que soient protégés les privilèges. Pour sa part, il voit en ces futurs génétiques des possibilités accrues de justice sociale. Et encore, la possibilité d’une partition diversifiante et enrichissante au sein de l’humanité ( en branches déclinant chacune l’un ou l’autre possible ) – précisant cependant que le recours à un chromosome artificiel autoriserait un retour à la lignée originelle, ou le choix d’une voie autre et inédite. Et Stock d’espérer une transformation, et d’être fasciné par une nature malléable, par une aventure sans destination et par une étance inscrite dans la

«transition»…

D – Collecte et confrontation des différents arguments :

19

Où tous les ufs obtenus dans le cadre d’une PMA seraient atteints, par exemple…

20

Car une telle technique nécessiterait une intervention sur l’embryon et entraînerait le plus fréquemment l’éviction de quelques autres probablement dépourvus d’anomalies.

21

Redesigning Humans / Our Inevitable Genetic Future, p. 61.

Click to buy NOW!

ww

w.docu-track.com w Click to buy NOW!

ww

.docu-track.com

Références

Documents relatifs

• la diff´erence entre les salaires m´edians d’un homme et d’une femme est d’environ 100 euros ;.. • plus de 75% des hommes gagnent plus de 1500 euros par

[r]

Tous les jours ne sont pas parfaits, mais il y a quelque chose de parfait dans chaque jour.. Parfois, le silence est la

Ceux-là comprennent l’homme tel un être engendré ( et engendré d’une relation charnelle ou se rencontrent deux individus de sexe différent ) et associent à ces techniques

L’argument de la pente glissante ( l’utilisation de l’embryon primitif conduira à celle de l’embryon plus tardif, voire du f tus, puis à celle du nouveau-né anencéphale ;

est transmissible et non pas contagieuse ; non seulement l’expression pathologique peut être tardive, voire pluridépendante, et non pas immédiate ( ni même fatidique ) ; non

Par ailleurs, nul ne peut omettre ou occulter qu’une souffrance, pour individuelle qu’elle soit, s’insère dans le collectif d’une société qui, peu ou prou, la définit,

Le clonage reproductif témoigne de la peur de l’autre : d’un autre cependant nécessaire pour arrimer le sujet humain à la réalité et au sens – mais aussi, d’un autre