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humanité à l épreuve de la génétique et des technosciences.

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Université Libre de Bruxelles

Faculté de Philosophie et Lettres & Faculté de Médecine

Unité d’accueil

: C.R.I.B.

humanité à l épreuve de la génétique et des technosciences.

Jacqueline Wautier

Année Académique 2004 – 2005.

Promoteur de Thèse :

Professeur Jean-Noël Missa.

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Du désir d enfant au désir de soi

Chap.1

:

Désir d’enfant, propositions technologiques et impacts socio- anthropologiques.

A – Définition :

La Procréation Médicalement Assistée recouvre un ensemble de techniques et de traitements concourant à la satisfaction d’un désir d’enfant confronté à la stérilité de l’un ou l’autre partenaire.

Cependant, si ses prescriptions et possibilités initiales la confinaient naguère à cette intervention, elle élargit aujourd’hui son champ d’action et offre aux couples porteurs d’un bagage héréditaire problématique la possibilité de donner la vie sans y adjoindre une charge génétique ingérable. A cette fin, elle s’associe aux techniques et savoirs des généticiens et recourt désormais aux diagnostics anténatals relevant de leur spécialité ( caryotype et analyse cytogénétique permettant d’identifier précocement les allèles porteurs d’une mutation délétère ) : elle brise en cela la chaîne des souffrances et évite la transmission d’un gène ou d’une combinaison génique mettant en péril la vie ou l’épanouissement de l’enfant espéré. Par ailleurs et depuis peu, l’aide à la procréation prend en charge un désir de parentalité exprimé dans des situations de détresse thérapeutique ( face à un enfant en nécessité vitale de greffe compatible ), mais aussi de maladies sexuellement transmissibles, d’homosexualité, de monoparentalité, de chimiothérapie antérieure ou programmée, ou encore de ménopause plus ou moins précoce. En ces demandes particulières, selon les législations nationales et les sensibilités individuelles ou institutionnelles, les réponses apportées diffèrent sensiblement – s’opposant ou acquiesçant aux sollicitations d’enfant spécifique, écartant ou assumant les aspirations à la monoparentalité ou à l’homoparentalité, rejetant ou accueillant les désirs de maternité ( très ) tardive, refusant ou concourrant aux «prêts» d’utérus. Partant, face à la diversité des situations, les techniques mobilisées se démultiplient et recourent aux stimulations hormonales, aux actes chirurgicaux ( perméabilisation tubaire, réparation des canaux déférents, greffe ou autogreffe, ponctions ovariennes ou testiculaires… ) ou aux dons de gamètes, voire d’embryons. Et encore, procèdent à l’insémination artificielle, à la fécondation in vitro, à l’injection intra-cytoplasmique d’un seul spermatozoïde, quand ce n’est au transfert de noyau contournant un dysfonctionnement mitochondrial ou cytoplasmique. Par suite, elles opèrent des diagnostics préimplantatoires, des biopsies de villosités choriales ou des amniocentèses - proposant dès lors une interruption thérapeutique de grossesse en réponse à la pathologie débusquée.

Les perspectives d’avenir en ces domaines relèvent d’une extériorisation prolongée de l’embryon autorisant une multiplication des tests divers ; mais aussi d’un contrôle affiné de l’ovulation, d’une maîtrise améliorée de la nidification, d’une conservation optimale du tissu ovarien ou des ovocytes immatures, d’une connaissance plus pointue des mécanismes de divisions embryonnaires et d’une extension des D.P.I. à des mutations gravissimes aujourd’hui indétectables. A ces objectifs presque unanimement approuvés s’ajoutent la thérapie germinale, la fécondation croisée de deux ovules, le clonage reproductif à motivation «thérapeutique»

1

ou encore, entre science-fiction et fantasmagorie, soulevant un tollé quasi général ou un effroi largement répandu, la chimérisation du trophoblaste préfigurant le recours à une matrice animale, l’exogenèse machinale et l’amélioration ou la transformation du génome humain via l’insertion d’un chromosome artificiel…

B - La loi du désir délié ?

Le désir d’enfant s’impose en instinct, se pose en projet et s’épanouit en ouverture – à l’autre et à l’avenir. S’exprimant sur la modalité du manque, il requiert une maturation psychique transfigurant le

«vieil enfant» en jeune parent. Ce faisant, il leste le temps d’un devenir plus dense et fait de l’individu un «passeur». S’il s’enracine en sa puissance et en sa tension métabolique dans la condition du vivant, il procède en sa particularisation de la conscience individuelle – et provient alors d’une singularité personnale en quête de signifiance ontologique ( eu égard à la mortalité ) et ontique ( par rapport au projet existentiel et aux investissements affectifs ). Désir complexe donc, unissant en sa puissance l’espèce et la singularité qui s’en distingue par une affirmation personnelle propre à servir cependant la survie spécielle. Désir bipolaire parlant de nature et de culture - et s’inscrivant, inscrivant son agent, dans la généalogie et dans l’histoire par une promesse de continuité. Désir initialisant et problématique initiale :

1 Eu égard à une stérilité autrement intraitable, et selon l’expression du docteur Antinori.

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parce qu’il se laisse peu ou prou fasciner par l’illusion du clonage lors même qu’il se trouverait par lui contrefait dans la négation conjointe du devenir, de l’altérité et de l’historialité*. Mais aussi, parce qu’il est répétitif en sa manifestation biologique, créatif en sa réalisation ( d’un individu radicalement nouveau portant sur le monde un regard neuf ) et novateur en ses déclinaisons culturelles : aboutissant aujourd’hui à l’extériorisation et à la surproduction d’embryons.

Partant, nous interrogerons le désir ( contrarié ) d’enfant face aux réponses apportées ou masquées par les PMA et eu égard aux bouleversements multiples y associés. Seront analysées les conséquences des techniques dès lors qu’elles rencontrent des instincts primitifs et vitaux, des pulsions individuelles peu ou prou narcissiques, des émotions, projections et préoccupations soucieuses, mais aussi des exigences sociales de conformité, des angoisses communes ou des craintes collectives - confortant en leur efficience et promesse des inclinations ou des tentations nouvellement activées mais fondamentalement ancestrales : mythes, légendes et religions nous parlaient en effet déjà de naissances étrangères à tout acte sexuel, d’enfants échangés ou offerts, de chimères, de surhommes, de réincarnations ou d’immortalité.

A cette aune, le désir d’enfant en ses modulations et la PMA en ses indications médicales et restrictions éthiques témoignent des fonds instinctif, mythique, philosophique et culturel des sociétés ou groupes considérés. L’un et l’autre, en leurs exigences, constructions paradigmatiques et concessions, sont exemplatifs des bouleversements sociaux, moraux et anthropologiques initiés par l’ingression technique et techniciste dans le domaine intime. Pour le dire différemment, la technique initialement fondée sur la naturalité du désir tend à transformer sa complexité et sa dualité pulsionnelle

2

en une dialectique de l’offre et de la demande. Son opérativité transfigure peu à peu en nécessité univoque une pulsion dont l’analyse nous apprit qu’elle résultait d’une équation plurielle ( entre différents désirs, différents plans d’existence, différentes scènes ou différentes temporalités

3

) : elle réduit ce faisant un processus naturel inscrit en une maturation psychologique ( la procréation ) à un procédé technologique.

En outre, confronté à l’exigence d’efficacité, son discours se trouve emporté dans une rationalité dénaturant trop souvent désir, instinct, affection, sexualité et fécondité en réponses hormonales, composantes physiologiques, ingrédients et matériaux biologiques. Et l’espace conceptuel semblablement dessiné présage d’une perspective existentielle tronquée où le désir se fera exigence, l’embryon potentiel, l’individu remplaçable et l’enfant virtuel ( inscrit dans l’irréalité d’un fantasme ou dans la vanité d’un personnage supposé interpréter mécaniquement une partition précise – précisément déterminée ).

Il est des auteurs pour associer une telle évolution conceptuelle à la mise au point d’une contraception enfin efficace. Ainsi, selon Dominique Folscheid

4

, cette possibilité de maîtrise soumet l’advenir de l’enfant à une logique ( quasiment mathématique ) et l’insère dans une relation du désirable à l’indésirable, voire de l’exigible à l’éliminable - c’est-à-dire dans une perspective de domination et de rationalisation. Cependant, l’homme se distingue de l’animal par une parentalité voulue et non pas subie ; par une faculté d’élaborer des projets existentiels et de s’y consacrer ; par une volonté de s’affirmer contre toute imposition ; et par une intention de donner ou construire du sens. Cependant encore, l’individu tente depuis bien longtemps de réguler les naissances – et l’efficacité d’une technique ne modifie en rien la motivation qui l’initia. Dès lors et à notre estime, cette maîtrise conquise est un élément parmi d’autres dont l’action et la portée ne peuvent être interprétées isolément : comme tout

«objet» social, elle doit être rapportée aux techniques préexistantes et au contexte socio-économique et philosophico-existentiel qui l’accueille puis la gère. En l’occurrence, un contexte matérialiste et scientifique intégré en une société individualiste et productiviste. Mais aussi, un substrat familial affaibli et un environnement angoissant dont émerge un sentiment trouble où se mêlent une sensation de toute- puissance impersonnelle, un vécu d’impuissance individuelle, un sentiment de vanité globale et une préhension de finitude absolue. Et encore, de temps à autre, une utopie construite autour d’une possibilité de bonheur à la carte, de réussite obligée et de satisfaction exigible. Et finalement, une histoire désillusionnée, une éthique en quête de références, un humanisme désabusé ou désappointé et

2 Ouverture à l’avenir et de l’avenir (par le regard et l’action ou l’interprétation soutenus par l’individu nouveau) et repli sur soi (en une espérance de continuation via la chair et la mémoire de l’autre), altruisme et égoïsme, opposition à la finitude et acceptation de la finitude, demande et refus…

3 Désirs de nature expansive, ouverte, motrice, altruiste et centrifuge et désirs de nature régressive, compacte, égocentrique et centripète. Plan individuel (maintien du semblable, continuation de l’unique, entre fantasme d’émanation et réalité de transmission) et plan spéciel (où le descendant se fait continuité et pérennité d’espèce). Scène réelle ou phantasmatique, consciente et inconsciente. Temporalité de la conscience, du désir, du corps en devenir, de l’existence en construction, du monde devenant...

4 Professeur de philosophie à l’université de Marne-la-Vallée. Cf. L’embryon ou notre docte ignorance, inL’embryon humain.

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une humanité en manque de projets «universels» humanisants - confrontée de surcroît à la peur d’une mort globale et englobante, à la peur de l’autre et à la peur de l’avenir. De là procède vraisemblablement une exigence de satisfaction en perte de références relationnelles et en refus d’appartenance : où les équilibres toujours variables et complexes des pulsions et motivations, comme aussi l’articulation précaire d’une satisfaction égocentrée et d’une inclination excentrée, s’incurvent toujours plus vers le pôle narcissique et égoïste. Et les concepts et les faits se répondent ici et là en leur extrémisme : sexualité dissociée de la procréation et procréation déliée ( déforcée ou dépourvue ) de sexualité. Corps érotique et sensuel et organes neutralisés – désincarnés ou dépersonnalisés. Femme en manque d’ovocytes féconds et femme pluri-ovocytaire. Couple fermé s’inscrivant dans la trame universelle par une ouverture charnelle à l’altérité ( celle de l’enfant à venir ) et couple ouvert dépossédé de son intimité – et ouvert pour le moins sur une triade (: insertion du médecin et de la technique, voire du ou des donneurs ).

1° Quelques rappels d’ordre chronologique :

-1785 : Spallanzani isole les spermatozoïdes des batraciens et montre de la sorte la nécessité d’une fécondation des gamètes femelles par les gamètes mâles.

-1880 : O. Hertwig décrit la fécondation ( chez l’oursin ).

-1884 : première insémination avec donneur extérieur au couple ( E.U., par Pancost, publication retardée jusqu’en 1909

5

).

-1960 : conservation du sperme garantissant une possibilité de paternité après une thérapie chimique ou chirurgicale stérilisante.

-1978 : première grossesse faisant suite à une fécondation in vitro selon un procédé consistant à recueillir un (seul) ovocyte par laparoscopie lors d’un cycle naturel ( Par Edwards et Steptoe ).

-1989 : prélèvements d’ovocytes par ponction des follicules après stimulation médicamenteuse de l’ovaire.

-1988 : première grossesse obtenue par injection de spermatozoïdes peu mobiles sous la zone pellucide (SUZI).

-1991 : mise en place du programme I.C.S.I. ( injection intra-cytoplasmique d’un seul spermatozoïde - technique mise au point par l’équipe belge de André Steiterghem.).

-1992 : naissance du premier enfant issu d’une ICSI ( Palermo (BXL) ).

-1999 : congélation de fragments ovariens et maturation des gamètes in vitro

6

.

-2001 : naissance de bébés issus d’une fécondation in vitro avec transfert de cytoplasme – la technique, motivée par un «rajeunissement» dudit cytoplasme

7

, inverse le principe du transfert de noyau utilisé quant à lui pour contourner une maladie associée au génome mitochondrial.

-2002 : sexage des spermatozoïdes

8

motivé par l’obtention d’une fratrie équilibrée (Prise en charge par le professeur Comhaire

9

).

-2003 (Juin) : première

(auto)

greffe fonctionnelle de tissus ovariens cryopréservés pour échapper aux effets destructeurs de la chimiothérapie ( les fragments ovariens ont été réintroduits par une fenêtre pratiquée dans le péritoine et placés au contact de l’ovaire devenu non fonctionnel ) - Jacques Donnez, UCL .

-2004 (septembre) : naissance du premier bébé issu d’un cycle naturel initié par le tissu ovarien réimplanté après cryopréservation – J.Donnez .

D’aucuns estiment que l’étape suivante pourrait être l’utilisation d’un hôte intermédiaire (par exemple une souris à peau nue) épargnant la délicate congélation d’ovaires. Mais se profilent également la maturation in vitro des ovocytes primaires, ou la maturation hors site des spermatocytes, voire des

5 Source : Don et utilisation de sperme, par G. David, inGénétique, procréation et droit.

6 La cryopréservation du tissu ovarien laisse présager soit d’une auto-greffe après guérison de la tumeur dont le traitement justifiait, du fait de sa toxicité gonadique, le prélèvement ; soit une maturation des follicules in vitro (et évitement des risques de retransmission de la maladie initiale) ; soit une xénotransplantation comme étape intermédiaire d’obtention in vivo d’ovocytes …

7 Il s’agissait de « rajeunir » l’ovocyte en utilisant le cytoplasme d’un ovocyte prélevé sur une donneuse plus jeune que la (future) mère receveuse). La manipulation aboutit à une adjonction d’ADN mitochondrial pour deux bébés sur quinze issus de cette technique.

8 Séparation préparatoire des cellules spermatiques en fonction du chromosome sexuel et insémination de la future mère avec les spermatozoïdes élus – insémination ou, plus rationnellement, fécondation in vitro et I.C.S.I. du fait de l’affaiblissement du sperme dilué dans un liquide électrolytique dépourvu d’élément nutritif.

9 Andrologue et professeur à l’université de Gand, Comhaire récusera toute implication eugéniste en soulignant que nuls tests ne furent associés à l’I.C.S.I. Par ailleurs, ajoute-t-il, l’étude de la méthode utilisée et portant sur 200 enfants montre que 2 d’entre eux sont atteints de trisomie 21 et que 3 souffrent d’anomalies congénitales : ces chiffres démontreraient par eux-mêmes (???) l’absence de toute dimension eugénique… Et d’ajouter« La sélection du sexe pour des raisons non médicales n’est pas un luxe superflu pour certains parents. Des recherches scientifiques ont en effet montré que le fait d’avoir des enfants de sexe différent rend le «projet parental» plus valable du point de vue de certains parents et est susceptible d’accroître le bonheur familial. Un enfant né après une sélection du sexe réussie, sera en tout cas un enfant désiré. La médecine a pour but d’améliorer la santé, y compris la «santé mentale». Limiter les raisons médicales aux anomalies génétiques graves témoigne d’une vision totalement dépassée de ce qu’il y a lieu d’entendre par le terme « médical». », in Doc. de LA Chambre n°

2182/007.

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spermatogonies

10

. En outre, certaines recherches portent sur un utérus de transition (prélèvement et développement orienté de cellules utérines) - tentative justifiée par le souci d’exaucer les v ux de maternité exprimés par des femmes souffrant d’une malformation anatomique (où l’on réintroduirait membrane utérine et embryon y apparié). A l’autre extrémité du processus, on trouve des f tus d’une extrême prématurité qui verront leur incomplétude fonctionnelle palliée, et le plus souvent avec succès, par les couveuses artificielles.

Depuis les premières inséminations artificielles, se sont donc développées des techniques améliorant la stimulation ovarienne et réduisant les risques induits ; des techniques autorisant la congélation d'embryons, régulant les dons d’ovocytes anonymes (par permutation

11

) , usant du prélèvement chirurgical de spermatozoïdes et permettant l’injection d’un seul de ces gamètes dans l’ovule. A quoi l’on peut annexer la culture d’embryons au stade blastocyste

12

et les diagnostics génétiques préimplantatoires. Mais, subséquemment à ces techniques innovantes, sont apparus les termes, et la réalité concrète, d’embryons surnuméraires, de réductions embryonnaires, de diagnostics préimplantatoires et de transmissions…d’infertilité. Se sont produits des courts-circuits temporels ou générationnels (embryons suspendus dans l’azote et implantés en d’autres temps, d’autres phases physiologiques ou d’autres générations). Se sont constitués des «incestes sociaux» (mère porteuse de l’enfant de son frère, via un ovule étranger à la diade). Et sont venus à l’existence des enfants multiparentaux (où interviennent mère génétique, mère porteuse et mère sociale ou affective, où s’intercalent père génétique et père social ou affectif, où se mêlent les composants issus d’ovules différents…).

Outre cela, en dommage collatéral, sont apparues des relégations de la dimension charnelle ( d’un corps dysfonctionnant mis à distance, refusé en son identité, ou mis en sommeil en ses désirs avant que d’être offert en matière inerte aux praticiens de la fivete) . Se sont manifestés des refus de la dimension relationnelle ( insémination de femmes vierges ) ou des exclusions de l’altérité génésique (insémination de lesbiennes ). Et apparaîtront probablement des rapprochements inter-espèces potentiellement porteurs de confusion conceptuelle et susceptibles de générer des pathologies en matière de construction personnale ( recours éventuel à un intermédiaire animal à l’une ou l’autre phase de la spermatogenèse ou de l’ovogenèse, voire de l’embryogenèse

13

). Par ailleurs, l’utilisation de spermatozoïdes recueillis chez des hommes présentant une oligospermie recouvre une probabilité plus significative de transmettre une anomalie génétique

14

.Conséquemment, si le taux d’infertilité masculine témoigne de mutations spontanées

15

et augure de l’impact minime de l’ICSI sur la collectivité humaine, le risque individuel ne peut être négligé et conduit à recourir à un diagnostic génétique de l’embryon semblablement obtenu : où la technique requiert un recours technique additionnel …

En conséquence, ces techniques recouvrent de nouveaux savoirs, de nouveaux pouvoirs et de nouveaux espoirs. Mais aussi, des interrogations inédites et des risques additionnels de perdre l’essentiel - l’homme relationnel. Nonobstant, dans les faits et face aux souffrances patentes ou aux demandes croissantes, des réponses souvent efficientes sont proposées car, si la vie est têtue dans ses refus, l’homme s’obstine : contre les souffrances et les situations hors sens.

2°Reproduction et production :

La procréation est génération d’un autre – unique. L’enfant, par son altérité et son intériorité conscientielle, rompt avec la maîtrise déterministe du projet parental. Chacune de ses réalisations, la moindre de ses différenciations et toutes ses insertions relationnelles ou situationnelles, exhibent l’ineptie et la vanité d’une tentative d’appropriation d’un futur virtuel - affirmant concomitamment une existenciation ou un «devenir» inédit et libre au-delà de ses contraintes. Partant, tout enfant expose en l’initialisant un avenir réel dépassant ou surplombant les géniteurs – et, le plus souvent, logiquement,

10 Testicule «prêté» par un tiers (parent, ami) ou détourné (animal) – déjà, des spermatogonies de rat ont été transférés dans des testicules de souris pour y poursuivre une spermatogenèse normale…

11 Où la donneuse associée à la demandeuse verra ses ovocytes répartis en receveuses inconnues.

12 Ce stade (5° jour) se caractérise par l’activation du génome embryonnaire et, entre autres particularités, par la première différenciation entre les cellules qui donneront naissance aux annexes et la lignée du bouton embryonnaire qui se développera en f tus. L’avantage médical tient à la prolongation du délai assigné aux tests avant implantation et à la meilleure évaluation de la viabilité/vitalité de l’embryon : possibilité induite espérée de transfert unique.

13 Concept et recherche portant sur des embryons issus d’un ovocyte animal et d’un noyau cellulaire humain ( à fin thérapeutique des tissus obtenus) ; mais aussi greffes de fragments de gonades sur un hôte qui les conduira à maturation …

14 En effet, non seulement l’hypofertilité relève peu ou prou de facteurs génétiques (polygénie, voire polyfactorialité), mais encore l’existence d’un lien intrinsèque entre certaines anomalies des canaux déférents et une mucoviscidose d’expression mineure paraît plus que probable. En fait, le taux d’anomalies chromosomiques des hommes infertiles est décuplé (5%) par rapport à celui de la population générale (0,5%) - Chiffres relevés dans l’article de B. Dessars et P.

Cochaux : Génétique de la stérilité masculine, inRevue médicale de Bruxelles, volume 20 – n°5 – octobre 1999.

15 Sans quoi la sélection naturelle l’eût éliminée ou fortement réduite.

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leur survivant. Fruit du hasard, avant même toute manifestation d’intention ou toute possibilité d’action, par son apparence où se conjuguent ressemblances et différences, par sa réalité en divergence eu égard à l’imaginaire ou aux attentes génésiaques, l’enfant défait pour le moins partiellement l’assignation et l’arbitraire du projet générant.

Nonobstant, l’homme aspire à d’autres possibles qui conduiraient d’une indétermination à un déterminisme contraignant – du hasard biologique à la préfiguration technique, de l’investissement relationnel à la satisfaction narcissique. Mais aussi, d’une existence éphémère ( trop rapidement abandonnée à la seule mémoire de l’autre ) à une vie continuée, voire pérennisée : de la reproduction au clonage, de la procréation à la transcarnation, de l’individuation à la méta-carnation et de l’individualisation à la représentation plurielle évanescente ( de la personne aux personnages ). D’autres possibles donc ; et qui, de l’art de guérir, aider ou soigner, aboutiraient au pouvoir technique de produire, fabriquer, combler ou maximaliser. Art de l’artifice, art de la gestion. Déjà et insidieusement, la PMA use d’un vocabulaire objectal et objectifiant où se mêlent transferts, dons, sélections ou tris préimplantatoires, stockages ou congélations - reste à distinguer l’enfant, et tout homme, d’un

«produit» offert aux multiples exigences. Or, désormais, avec l’intrusion technique, l’individu est confronté plus intimement et plus radicalement au risque d’une conception le préhendant en terme de

«réponse» offerte à une attente en forme d’exigence : produit aligné sur un modèle. Du fait des techniques nouvelles, au vrai de leurs probables extensions

16

, l’enfant, cette liberté unique ouvrant à l’avenir, risque d’être progressivement transfiguré en moyen d’action ou en pouvoir dérobé à lui-même et orienté contre le devenir en ses foisonnements incontrôlés, contre la gratuité ontico-existentielle et contre la sénescence parentale - ou contre le temps. En outre, un changement de perspective apparaît dès l’instant où la lutte menée contre la stérilité ( et contre la situation d’a-génération* y associée ) se leste de la même opiniâtreté, du même sentiment d’urgence, d’angoisse ou de réquisition, que le combat soutenu à l’encontre de la mort réelle ( physique ) d’un individu concret. Et nous devinons en cela une déclinaison d’un mouvement global et historique, en soi positif

17

, allant du concret à l’abstrait, du vécu au symbolique, du donné au construit, du présent au futur et de l’égocentré à l’excentré ( translaté ). Allant du corps à la

(re)

présentation, de la chair à l’esprit ou au mode d’être - et de l’ETRE à l’exister.

De nombreux psychanalystes le soulignent, les situations générées par la fivete incarnent ( mettent en chair ) les fantasmes infantiles communs et les mythes fondateurs originels (individuels et collectifs ). Et d’évoquer les légendes narrant les naissances étrangères à tout coït. Et d’énumérer les lignées incestueuses, fraternelles ou filiales. Et de citer les échanges d’enfants. Et Marie ; Marie personnifiant l’aspiration humaine à être «cause de soi». Mère et vierge, fille et mère – et mère du fils du «Père».

Marie est celle par qui renaît en dépendance le créateur : le fils ou le clone, l’avatar ou l’émanation du Géniteur originel - ontologique. Sous semblable éclairage, les situations nouvelles témoignent de l’ingérence ou de l’ingression de l’inconscient dans les techniques de pointe. Par suite, il importe de comprendre la pulsion ou les pressions poussant l’homme à abstraire sa génération et à extraire sa ( pro) création de la sexualité - à dissocier son origine singulière de cette dernière. Et, probablement, sont- ce les peurs multiples, les refus de confrontation avec l’altérité, les tendances utilitaristes et les dramatisations, voire les transformations des souffrances ( ou des interrogations) existentielles en

«pathologies», qui conduisent à semblable extraction. Cependant, quand l’opérativité technique rencontre semblables pulsions ou tentations, elles revêtent une ampleur considérable. A cet égard, Esther Resta relève avec pertinence que : «

Dans notre société, le sexe est exalté principalement du coté fonctionnel et détaché de toutes ses autres valeurs affectives et psychologiques (…). Cette présentation plate, pauvre et dévalorisante du sexe reflète la tendance de notre société à déshumaniser les rapports humains. Si l’on continue à donner cette version du sexe, à la longue, les individus se renfermeront dans une vision égoïste et fonctionnelle du rapport homme/femme (prostitution, masturbation, cybersexe, téléphone rose) et seront de plus en plus orientés vers les formes de reproduction asexuée comme le clonage. L’être humain semble ne plus être poussé à prendre des risques affectifs, à mettre en jeu ses acquis en se confrontant avec une autre altérité. Si l’individu n’accepte plus de souffrir quand il sera déçu, alors il n’y aura plus personne pour le rendre heureux.»18.

Au final, les désirs fondamentaux et les tendances sociales, mais aussi les craintes et les idéaux personnels et collectifs, sont pris en charge par les biotechnologies. Pris en charge, ils s’y installent, y croissent et, finalement, confortent et développent les dites technologies pour que celles-ci les

16 Multiplications des tests génétiques et des exigences, glissement du «pathologique » au «particulier », thérapie génique, modification du génome, choix d’un génome : clonage…

17 Quand il décentre les intérêts, quand il prend en compte et considération l’autre (ailleurs, différent ou encore à advenir, quand il ouvre à l’au-delà (de soi, de l’immédiat, du visible…), quand il libère…

18Le clonage humain, p. 94-95.

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intensifient en retour - et jusqu’à l’absurde. Monette Vacquin illustre brillamment ces courants de réflexion : «

Je forgeais le concept d’inconscientifique pour désigner l’immédiateté de la présence de l’inconscient drainant ses propres questions, ses propres problématiques jusque dans l’espace dit scientifique. Ce que la technique rendait possible, c’était l’irruption du fantasme dans la réalité

»

19

. Tout se passe donc comme si un enfant doté d’une puissance extrême réalisait ses phantasmes dans l’Etre et posait en faits ses interrogations. Nous assistons au

«devenir réel», ou à la réalisation par la technique, d’un processus psychologique naturel et évolutif uvrant le ( et au ) devenir-sujet mais supposé évoluer, hors pathologie à tout le moins, en une symbolisation distanciatrice.

3° Création ?

Du fait de la fécondation in vitro, l’être en projet est confronté dès ses premiers instants d’existence cellulaire à un «diagnostic» ( morphologique, voire caryotypique ou génétique ) conditionnant un éventuel transfert utérin. La visibilité d’une entité si peu tangible, la disponibilité d’un amas cellulaire si peu signifiant en lui-même et l’extériorisation d’un embryon désaffecté que l’on voudrait probant, qui pourra en outre être scindé, analysé et congelé, bouleversent radicalement la conception de l’être humain et sa relation à la technique. Effectivement, dans notre modernité, cette dernière est susceptible de produire l’individu ( quand elle fut originellement par lui produite ) : production rationalisée contre procréation peu ou prou imprévisible en ses uvres. Dans un tel contexte, une «vie» façonnée, réduite à son insignifiance cellulaire et confrontée à la concurrence, s’expose sans réelle résistance à un eugénisme désensanglanté – car une « uvre» est «naturellement» livrée aux attendus de son créateur/producteur. Ou, comme le dit H. Jonas : «

L’homo faber applique son art à lui-même et s’apprête à inventer une nouvelle fabrication de l’inventeur (…)

»

20

. Reste alors, et comme impératif, à ne pas nier l’acte d’amour ( ici l’intention agissante ) dans la technique, à ne pas anéantir en technicité le désir présidant au

«faire être». Reste à ne pas contaminer l’être en devenir par la rigidité et la rationalité froide de la technique requise.

Dans cet ordre d’idée, au sein de notre univers symbolique, il n’est pas insignifiant que, quelquefois, les désirs sous-jacents aux techniques ou les pulsions inconscientes les élaborant percent dans les discours des spécialistes. Et l’ICSI devient «viol» de l’ovule… Et les praticiens de la fivete se voient introniser «pères» des bébés-éprouvette… Et le transfert d’embryons devient cérémonial religieux, voire mystique… Et le manque relationnel adjacent à ces pratiques se manifeste en resignification des actes.

Et J. Testart de témoigner : «

Personne ne parlait ; on avait pensé allumer des bougies mais on n’avait pas osé. (…) Il y avait dans ce théâtre de la médecine de pointe une ambiance plus mystique qu’à l’église, aux veillées de Noël (…). Elle sourit, et toujours étendue, les bras en croix, ses mains serrèrent fort celle des deux biologistes ; la tête de René réapparaissait d’entre ses cuisses (…). Quand elle rejoignit son mari quelques minutes plus tard, elle dit seulement : «j’ai fait l’amour avec les trois.

»»

21

: où donc un sentiment ( succédané de sentiment ) se voit projeté dans l’acte froid d’une seringue injectant l’ uf fécondé pour réinscrire l’être en devenir dans une histoire proprement humaine.

Nonobstant, idéalement porté à l’existence par un amour le légitimant toujours déjà, l’enfant ne peut être transfiguré en monstre ( monstrant/montrant ) des techniques ou de l’idéologie dominante. Or, on entend déjà ici et là, révélateurs et troublants au creux des discours les mieux intentionnés, des termes aux résonances alarmantes. Et nous relevons dans l’inquiétude humaniste du généticien A. Clark le terme crucial, et la notion perturbante à affects puissants, de … différence. Ainsi, s’inquiétant du bien fondé de certains diagnostics systématiques, Clark pointe du doigt les limites incertaines du libre arbitre - ou de la liberté vraie d’être soi contre les pratiques habituellement retenues : «

Respecter la liberté des femmes dans ce domaine est vraiment délicat. Je le sais d’expérience, car plusieurs femmes ont témoigné de leur difficulté à énoncer simplement : «Je choisis d’être différente et je ne souhaite pas subir ce dépistage»

22

. Ce témoignage souligne clairement la difficulté d’une résistance intime et affective face à la technique et contre les pressions diverses ( médiatiques, collectives, scientifiques, éthiques, philosophiques ou autres ) - difficulté décuplée par l’intériorisation de critères supposés normatifs ou moraux

23

. Inquiétante émergence, donc, d’une altérité douloureuse ou d’une identité intime «contre-sentie» en différence en un domaine recouvrant deux ou trois intimités, de multiples affects et d’innombrables pulsions inscrites dans des vécus ou des facultés de gérances particulières. Inquiétante émergence, et révélatrice de l’avenir profilé : où l’ uf extrait du corps se prêterait gracieusement aux diagnostics variés. Perturbante

19Main basse sur les vivants, p. 35.

20Le Principe de responsabilité, p. 38.

21L’ uf transparent, J. Testart, p. 72-73.

22La course folle, p. 115.

23 Supposés donc définir un consensus et une normalité de comportement ou d’option ; et formant dès lors inévitablement une construction référentielle en matière d’identité et d’appartenance socio-culturelle sinon éthico-anthropologique

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ingression d’une différence confinant, par le fait d’un glissement, le sujet à une culpabilité ( intime ), à une marginalité ( socio-culturelle ) ou à une irresponsabilité ( éthique, voire socio-politique ), si ce n’est à une délinquance.

En outre, dans les faits comme dans les concepts, il est des diagnostics confondant peu ou prou génome et organisme ( en son fonctionnement et en sa soutenance ), possibilité et certitude, réel et virtuel.

Ou encore, assimilant statistique, probabilité et existence individuelle. Mais aussi, susceptibilité et fatalité, bonheur et plan de vie. En ces circonstances, la mise au jour des embryons, associée à l’idée mystifiée d’un bonheur à la carte ( d’identité génétique ) et à la présentification d’un futur qui pourtant jamais ne sera ( tel qu’imaginé ), risque de faire exploser dans la virtualité ( d’un devenir supposé de l’embryon, et par la suite d’un homme qui jamais n’existera ) la réponse «présente» apportée au possible devenir de l’entité embryonnaire réelle. Face à cette recherche de perfection et de satisfaction, devant cette aspiration à un bonheur offert, confrontées à cette exigence de qualité garantie, mais aussi de concordance entre réel et imaginaire plus ou moins narcissique, nos valeurs comme nos tolérances et reconnaissances seraient perturbées et soumises à un processus de désintégration ou, comme le dit D. Le Breton, «

Le choc en retour sur le système de valeurs de nos sociétés est lourd et se referme comme un piège sur tout individu porteur un jour de différences au regard de l’humain normal, après un accident, une maladie, ou simplement les séquelles du vieillissement.»24.

4°- Le D.A. et le D.P.I. face aux choix sociaux et parentaux.

Bouleversements logiques et changement de perspective :

Ses prétentions curatives originelles en promesse de réalisation, la médecine s’est engagée dans la tâche préventive pour tendre désormais à une dimension prédictive, c’est-à-dire, comme le relève J.

Testart, à la connaissance «

des conditions a priori de possibilité de tomber malade

»

25

. Par suite logique ou mécanique, les préceptes traditionnels de la médecine ( aider, soigner, guérir ) risquent de s’éclipser au profit de l’engendrement de l’homme – et de l’homme probant issu d’un embryon probatoire. En telle occurrence, cette médecine prédictive porterait une atteinte plus ou moins importante au voile d’ignorance – celui qui permet l’action et garantit une liberté ( psycho-existentielle ) principielle. Mais également, celui qui fut proposé comme procédé opérationnel par J. Rawls pour juger du juste ( ou juger justement ) dans une société démocratique : l’ignorance de la situation future ( assignée ou probable/possible ) garantirait chacun contre l’iniquité des décisions ayant trait à l’organisation humaine, politique et sociale. Or, dans le cadre de diagnostics prénataux ou préimplantatoires, une distance à jamais irréductible sépare l’entité évaluée et le sujet opérant. Ici, le juge sait pertinemment que jamais il n’occupera la place de l’«individu» préhendé – mais il prépare en son jugement, par son jugement, le monde dans lequel tout être à advenir aura à vivre. Il dessine en ses exclusions et inclusions le substrat social et mental préposé à l’accueil et à la formation des individus admis à l’existence. Partant, l’impossible interchangeabilité des rôles et situations devra être compensée par une approche diachronique de l’identité : autorisant des projections identitaires et affectives susceptibles de freiner la logique eugénique ou l’inclination prométhéenne égocentrée ( cherchant en son uvre une image valorisante ). En effet, la distance, l’altérité irréductible et la difficulté d’identification menacent de (sur) rationalité, d’exigence, d’idéalisme ou de froideur le verdict final.

Ainsi, si l’on se reporte au suivi traditionnel d’une grossesse initiée, on trouve en situation un généticien/praticien face à un couple – une femme porteuse d’un f tus bien présent. Si celui-ci est porteur de deux allèles altérés ( ou d’un seul associé à un gène d’expression dite dominante ), l’avortement thérapeutique apparaît comme une pratique logique et compatissante dans l’option du moindre mal. Par contre, l’annonce d’un «simple» portage ( d’un seul allèle récessif ) est reçue avec soulagement : l’enfant sera, quant à pathologie redoutée, parfaitement sauf. A l’opposite, effet prévisible du D.P.I., une logique autre se profile : face à huit ou dix embryons primitifs, ayant éliminé les ( futurs ) malades et distingué les porteurs des potentiels indemnes, il peut paraître absurde d’implanter un embryon susceptible de transmettre à sa descendance ce gène problématique. Ou paraître stupide d’implanter un embryon porteur de double X face au souhait manifeste de mettre au monde un fils. Car, en effet, le porteur hétérozygote risque de se trouver confronté, quelques vingt ou trente ans plus tard, à la nécessité de soumettre ses propres embryons à semblable contrôle. Car, effectivement, si l’on se réfère à la logique interne du procédé ( des embryons surnuméraires devront être détruits et l’embryon in vitro se résume à sa matière ), si l’on adopte une démarche éthique conséquentialiste ( le non-individu ne peut réclamer

24L’adieu au corps, p.92.

25Au bazar du vivant, p.4.

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l’existence, ni se trouver lésé, et la rationalité comme la prudence commandent de limiter les interventions en en préservant la génération ultérieure ), ou encore si l’on admet que l’entité embryonnaire ne relève pas de l’éthique et que l’acte sélectif n’étend pas ses effets en dehors de son immédiateté opératoire, alors nul mal ne peut être associé à un choix spécifique. Car encore, comme le souligne J. Harris :

« If it is not wrong to hope for a bouncing, brown-eyed, curly-haired, and bonny baby, can it be wrong deliberately to ensure that one has just such a baby ? If it would not be wrong of god or Nature to grant such a wish, can it be wrong to grant it to oneself ?26

Où donc le D.P.I. n’a, de ce point de vue et quant à ses effets à long terme, aucune commune mesure avec le diagnostic prénatal.

Par ailleurs, effet collatéral des techniques disponibles, la transformation de la fatalité ( reçue en extériorité et associée à l’ignorance ) en destin ( choisi ou imposé au regard du savoir obtenu ou refusé )

27

soulève la question des responsabilités et latitudes. Ainsi, peut-on conceptualiser une responsabilité coupable d’avoir laissé advenir à l’existence un enfant dont le handicap aliénant fut révélé avant même l’actualisation? Ou peut-on élaborer la notion de «faute» éthique sans sombrer dans l’abstraction totalitaire, la contrainte autoritaire ou la déconstruction ( sociale, symbolique et affective ) propre à l’eugénisme? Mais encore, face au refus des techniques proposées, comment sera accueilli le petit être non-conforme ainsi ( presque ) voulu ? Quels regards se croiseront ? Le sien sur l’autre ( et sur cet autre premier, le géniteur ) et celui de l’autre sur lui : hors-norme trop souvent démarqué en sous-homme dans la préhension sociale. A ce jour, au-delà de la gêne ou du malaise en ses formes défensives et néanmoins blessantes (rires, aversions, détournements, brusqueries ), l’enfant handicapé émeut encore. Face au dysfonctionnement meurtrissant sa victime et les siens, confrontée au fatum menaçant tous et chacun, la communauté humaine fait corps – compatit. Toutefois, dommage collatéral du pouvoir acquis, qu’en sera-t-il demain ? L’infortune se verra-t-elle transfigurée en négligence fautive et la destinée souffrante en avatar produit par une ( quasi )volonté coupable ? En conséquence de quoi la solidarité, principalement sonnante et trébuchante, se rétracterait rapidement et laisserait place à des processus de stigmatisation.

Au demeurant, l’homme percevant ou espérant une possible délivrance à l’égard d’un fatum malheureux ne pardonne pas ce rappel du naturel originel : se mesurent dès lors la puissance décisionnelle acquise et la puissance de fait, aveugle et aléatoire, du substrat nature. La visibilité de la déviance à l’ordre par lui établi trouble le sujet tandis que le malheur désormais évitable se décrypte et se décline en irresponsabilité, manquement et, dans une situation économique difficile, dans un substrat culturel changeant ou dépourvu de repères stabilisants, se donne pour inconséquence ou incivisme. Mais prenons garde alors à la survenue conjointe d’un droit communautaire à l’eugénique, d’un devoir civil eugéniste et d’un droit spéciel de l’Eugénisme - car il n’est pas de vie proprement inacceptable ( décrétée et instituée telle, eu égard à une abstraction ), il est uniquement des souffrances humainement insupportables ( dans une subjectivité relative et vécue) .

Glissements ?

Actuellement et dans la plupart des cas, le diagnostic préimplantatoire est requis suite à la naissance d’un enfant atteint par une maladie génétique héréditaire. Et si l’on peut s’inquiéter des relations qui se tisseront entre les différents protagonistes de ces drames familiaux, la technique s’avère globalement positive puisqu’elle évite des avortements plus tardifs ou des vies souffrantes vécues en agonie prolongée. Certes, l’ uf est l’élément relais des générations : il ouvre la porte de l’avenir. Certes, l’homme, de compassion en passion, d’enchère en surenchère, pourrait céder à la tentation d’une recherche de perfection individuelle - si ce n’est à la fascination d’une amélioration collective eugénique. Certes, J. Testart ne s’y trompe pas, la fivete offre la possibilité d’assortir l’implantation embryonnaire d’exigences toujours croissantes grâce au tri pré-implantatoire - et cela sans douleurs additionnelles ni perte de temps ni interrogations morales immédiatement requérantes

28

. En outre, cette extériorisation de l’ uf le livre ( le prépare ) aux manipulations diverses : correction germinale, manipulation du génome et clonage. Et l’on glisserait alors vraisemblablement et très insidieusement d’une intention restauratrice à une aspiration transformatrice : c’est dans cette signifiance masquée ou feutrée, dans cette abstraction cellulaire et dans cette évaluation rationnelle

29

que s’enracinerait à notre estime la tentation de transformer le génome pour produire des êtres aliénés et destinés, des individus

26Clones, Genes, and Immortality , p.194.

27 Où fatalité et Destin sont individuels, familiaux et sociaux. Où encore ce «Destin» sera tel dans la chair souffrante, dans la conscience parentale qui le choisit en connaissance de cause et, sur un mode trouble et contraignant, dans le regard/savoir porté sur l’enfant et l’existence en construction.

28 Douleurs physiques et affectives liées à l’avortement ; temps perdu associé au délai de l’amniocentèse et aux cycles menstruels ; et interrogations morales issues de la perception individuelle ou sociale, si ce n’est religieuse, du f tus engagé plus avant en son développement.

29 Centrée sur l’organique, la «matière» brute.

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livrés à la souffrance inhérente à toute dépossession. Néanmoins, l’on ne peut occasionner ou perpétuer la souffrance réelle d’individus concrets au motif d’un risque plus ou moins signifiant d’initier des souffrances autres dans un futur lointain. On ne peut se satisfaire d’une frilosité condamnant la concrétude humaine, celle des semblables, inscrits dans la communauté humaine et dans le champ éthique*, au motif d’une sauvegarde de la dimension symbolique. Simplement, puisque ces diagnostics pré-implantatoires s’effectuent aujourd’hui dans le cadre restreint et défini de pathologies familiales héréditaires, il convient de prévenir un glissement qui conduirait des caractéristiques morbides ( ou létales ) à la notion de conformité, voire à un désir explicite et agissant d’enfant idéal et compensatoire.

Il s’agira d’éviter la transformation de l’individu futur en produit fabriqué et calibré quand l’invisibilité et la «quasi-immatérialité» de l’ uf fécondé lui octroient une vulnérabilité manifeste et croissante face aux exigences sociales ou phantasmatiques. Quand aussi la dérive est discrète qui, par exemple, se déplacerait du cancer héréditaire de la rétine au glaucome et du glaucome au daltonisme sous prétexte d’une privation ( informative ou sensorielle, situationnelle ou relationnelle ) par trop cruelle.

Prévenir glissements et radicalisation des exigences donc, non pas parce qu’il est «mal» de vouloir ou d’espérer telles ou telles spécificités, non pas parce qu’il est «mal» d’agir en ce sens, mais parce qu’il serait dommageable de cantonner le désirant à sa pleine satisfaction et de contrevenir en cela à la maturation ou au décentrage du désir et de son agent. Et dommageable de n’aimer l’autre qu’en son parfait alignement sur le désir initial plutôt qu’en ses différences ( le spécifiant en vis-à-vis singulier, conscience libre, existence gratuite ).

Comparaisons référentielles des différentes pratiques :

Limites à discuter, limites à définir, limites à poser : mais avec souplesse - sans quoi l’homme se perd. Car normativité et coercition méprisent l’humain et négligent les particularités d’existence - sachant que la gravité, la signifiance et la souffrance sont individuellement appréhendées. Si des envies requérantes ou positives ( de faire être et être

tel

) et des envies exclusives ou négatives ( éviter un être- pour-souffrir, avorter ) se rencontrent autour de l’enfant à naître, les limites morales seront celles de la finalité du désir moteur. Et l’on comprend la légitimité d’une évaluation des possibles supposés requis par un épanouissement «minimal» ( pour lui ). Et l’on redoute l’Eugénisme d’une conformité ( pour la collectivité ) tout en déplorant le narcissisme ( pour soi ) d’une représentation égocentrée - narcissisme associé il est vrai à tout désir d’enfant mais qu’une proposition affinée et opératoire conforte ou conforterait. Eu égard à ces occurrences, c’est d’ancrages qu’il s’agit : de la procréation dans l’affectif, de l’embryon dans le réel, de l’être devenant dans le symbolique, de l’humain dans la liberté, de l’humanité dans le relationnel … et de la médecine dans le médical. Ancrage, encore, des tests génétiques, préimplantatoires ou in utero, dans le pathologique – synonyme de dysfonctionnements gravissimes entravant la constitution personnale ( la conscience, mais aussi la «personnalité» avec ses exigences d’interactions et de réalisations mondaines ) ou réduisant l’existence à une survie douloureuse, voire à un intervalle par trop ponctuel.

Par ailleurs, la souffrance ( intime ) associée à l’interruption thérapeutique de grossesse ne peut être l’assise d’une éthique entendue comme souci* ou construction de valeur et de sens ( à l’opposite, donc, d’un réflexe instinctif ou utilitaire ). Et réduire les douleurs ou les afflictions relève d’une sensibilité humaniste et d’un progrès culturel. Partant, même s’il n’est pas dénué de risque, le diagnostic préimplantatoire recouvre une opportunité supplémentaire offerte à la vie. Il permet l’exonération d’une élimination f tale ( tus de 12 à 17 semaines ) et son report anticipé sur l’embryon primitif (selon l’option d’un moindre mal ). Il devra dès lors être comparé aux pratiques alternatives actuelles ( échographies plus tardives, amniocentèses et avortements thérapeutiques ) ; et s’accorder à leur légitimité pour se lier à leur champ. Dans une telle perspective, un D.P.I. ne peut, en lui-même, être entaché de négativité ; mais sa mise en uvre doit persister en son arraisonnement à la sphère médico- thérapeutique - référée au seul évitement de souffrances futures. Pour l’heure, cette pratique évite le traumatisme de l’I.V.G. et diminue les culpabilités et douleurs associées à l’avortement tardif.

Economisant des souffrances hors sens à un enfant ne réclamant pas l’existence du fond du néant, il prévient l’euthanasie des f tus et préserve la femme d’un «accouchement de mort». Proposé en lieu et place d’une amniocentèse plus tardive légitimée par le vécu médical et familial des géniteurs, il n’est qu’avantage et humanisation. Sorti de ce domaine d’application et étendu à d’autres spécificités, il est selon nous peu légitime et facteur de désinvestissements ( en ce compris symboliques) de l’embryon – ouvrant la voie aux processus confluents de déshumanisation.

5°Enfant à tout prix ?

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Au prix de la souffrance et du risque maternel – réel, même s’il est, et de mieux en mieux, contrôlé.

Au prix d’une obsession dans le désir et le quotidien. Au prix d’un échec de moins en moins acceptable et d’un deuil irréalisable. Au prix du simulacre de la transmission biologique par recours au don d’ovocytes. Au prix d’expérimentations et de réification de l’être. Et dans cette obstination procréatique, l’idée que l’homme se fait de son descendant ( et par retour de lui-même ) interpelle la réflexion : un assemblage de gènes, un tout biologique. Comme interpelle également l’ingression du pouvoir masculin : là où la puissance féminine s’exerçait dans le secret du lieu discret ( la chambre ou l’enceinte domestique ), là où les femmes pouvaient user de potions contraceptives, de pessaires abortifs ou de breuvages aphrodisiaques, où elles pouvaient recourir à l’euthanasie des nouveau-nés ou décider qui de la mère ou de l’enfant survivrait lors d’accouchements problématiques, là donc où tout se passait entre femmes ( matrone, faiseuse d’anges, sage-femme ), l’homme s’est progressivement immiscé pour finalement régner. Et déjà, lors des P.M.A., l’enfant né de la femme se voit intronisé «fils» du manipulateur de gamètes. Déjà, la femme s’écarte peu à peu pour que le petit d’homme soit vraiment l’enfant de l’Homme générique, asexué et autocréateur plus que procréateur : qu’il soit donc choisi, corrigé et transformé à l’image de l’homme supposé authentiquement et parfaitement et pleinement humain – selon la technique des hommes. La femme est chassée de son lieu ( et peut-être de son être propre – proprement féminin ) au profit de la puissance neutre et impersonnelle dans laquelle et avec laquelle jouent essentiellement des hommes.

En d’autres termes, naguère force et pouvoir gagnants en ce lieu de la vie à sa source, la femme se trouve aujourd’hui peu ou prou écartée – comme agent confronté à ses pulsions ( pulsions génératives ou quelquefois négatrices –lors d’une stérilité ). Et écartée le plus souvent par des hommes car la fivete est le théâtre du masculin. Or, la femme est en son corps un lieu, un substrat et un symbole quand ses cycles

«naturels» parlent d’un (re) commencement tandis que son corps recèle et construit le point d’équilibre ou de pénétrance du dedans et du dehors. Que son ventre est l’espace où se mêlent et se parlent Soi ( soi- même ) et non-Soi ( le soi de l’enfant à venir ) ; mais aussi passé, présent et futur. Lieu où se rencontrent l’individuel, le familial et le spéciel ; où s’articulent la pulsion-vie, le désir et la volonté ; où s’imbriquent le personnel et le collectif, le situationnel et le transgénérationnel, le ponctuel singulier et les générations plurielles. Domaine où se mêlent l’invisible et le visible, l’organique et ce qui s’en fait, la vie et la mort qu’elle sous-tend. Où se répondent la pérennité ou la continuité et la nouveauté ou l’imprévu surprévu… Mais aussi, en un sens, le masculin et le féminin quand l’un et l’autre pourront de ce ventre sortir. En cela également, en cette prise en mains par l’homme de la reproduction, en cette éviction de la femme en sa complexité ontologique et ontique, personnelle et personnale, nous devinons une aspiration à l’inengendrement d’un être chassé de sa natalité essentielle – c’est-à-dire chassé d’une origine radicale ( comprise telle ), d’un être-au-monde et d’un mode d’être situationnels, d’une étance relationnelle et d’une complexité où agissent toutes les dialectiques et toutes les dialogiques. Et semblable analyse conduira C. Godin à voire dans cette mise à distance de la femme en sa physiologie, en son désir et en son étance, tant une cause qu’un mode et un présage de la fin de l’humanité : «

Les techniques de procréation médicalement assistée aboutissent finalement au même résultat que les techniques de stérilisation et de contraception puisqu’elles visent l’élimination de la mère au profit d’une puissance dont le dieu inengendré des monothéismes constitue le modèle. L’être humain ne peut être qu’imparfait puisque né d’une femme. Désormais l’artifice surhumain s’en chargera (…). Avec les procédés qui sont encore de procréation mais seront bientôt de reproduction, la femme est par conséquent chassée du seul lieu symbolique où elle l’emportait d’incomparable manière. Dans cette tendance en cours de la disparition de la maternité se profile une éviction des femmes dont on a pas pris encore la mesure, puisqu’elle a lieu sur le fond idéologique inverse de leur libération.»30.

Comment alors aborder la stérilité ? Sachant qu’elle inflige au «moi» une blessure narcissique tout en ouvrant la psyché à son néant : laissant Eros redécouvrir Thanatos. Car en effet, en une existence paraissant en perte de flux vital ou «trouée», elle laisse l’être confronté à sa naturalité, le sujet face à sa temporalité, la volonté devant sa corporéité, l’individu soumis à l’éphémère et l’existence devant ses néants – ou devant sa contingence et ses aliénations. Elle laisse la personne se heurter à elle-même et à cette impossible transmission : confrontée à la double radicalité du temporaire et de la vanité - de la mort. Nonobstant, il est des stérilités parlantes

31

d’un mal être ou muettes d’une pathologie et les

30La fin de l’humanité, p.209.

31 Parlantes de problèmes relationnels dans le couple, de peurs (liées à l’accouchement), de phantasmes (associés à la présence en soi d’un autre), d’angoisses de la maternité, de refus de responsabilité, d’ambivalence {entre désir d’accomplissement (stade «parent») et désir de fixation dans le même (stade «enfant»)} ; le oui à la pérennité rêvée et le non à la maturité qui dé-couvre l’évolution et désigne la vieillesse au bout du chemin.

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questions attenantes à leur statut se posent : stérilités maladives ou maladies ? A contredire ? A guérir ? A maquiller d’une grossesse inapte à néantiser, sauf exception, l’état premier d’infertilité…

6° Enfant de prix :

Prix d’un désir enfin comblé et de la vie exprimée en soi et par soi. Prix d’une volonté imposée aux aléas d’une nature aveugle. Mais le désir d’enfant est complexe, nourri par des relations intimes à la vie transmise et à la mort contournée dans l’imaginaire d’une continuation de soi ; porté par la tentation d’un retour trans-posé à l’enfance ; entaché du besoin de reconstruction des relations parents/enfant antérieurement vécues.

Dès lors, parle-t-on d’enfant, d’images d’enfant, d’enfant mis en images ou d’enfant imaginaire ? En réponse à ces interrogations, Axel Kahn souligne à juste titre la remise en cause d’une altérité vraie, et reconnue telle, par des excroissances psychiques pulsionnelles tant narcissiques qu’angoissées

: «(…)l’affirmation selon laquelle l’enfant est, dans nos sociétés développées, le centre de toutes les attentions masque le fait que, plus que l’enfant lui-même, c’est l’idée de l’enfant, objectivation d’un désir pulsionnel et de projets personnels, antidote contre l’indicible angoisse de la finitude, qui campe au c ur de l’imaginaire individuel et social. C’est le surinvestissement des parents dans cet appendice d’eux-mêmes qui menace le plus, chez nous, l’épanouissement des garçons et des filles, et cela dès avant leur naissance. Le respect de l’enfant (…) passe, certes, par une solidarité active, ici un engagement à s’en occuper (…), mais aussi dans la capacité à admettre, à faciliter et à accompagner le processus de sa distanciation et de sa différenciation.»32.

En outre, au-delà de la part de l’imaginaire, au-delà de la pulsion-vie, au-delà du vécu personnel et de ses liens avec les forces inconscientes, le désir d’enfant est encore compliqué d’un refus de l’échec et d’une pression socio-culturelle, mais également familiale, expliquant l’acharnement quelquefois hors de contrôle des tentatives de procréation médicalement assistée. Désir ambigu traduit dans des stérilités inexpliquées/inexplicables. Désir d’un enfant imaginaire avant que d’être imaginé ; mais aussi dessiné et destiné avant que d’être, heureusement et le plus souvent, accueilli. Enfant mis en images suite à une prise en conscience d’un embryon impalpable suspendu entre matérialité et virtualité ou potentialité - être en projet et projet d’un être qui se réalise.

C - Effets pervers:

Dans un même mouvement, les techniques d’aide à la procréation ( opposées à la nature dans ce qu’elle a de douloureux et de fatidique ) honorent l’homme révolté par l’absurdité d’une situation imposée ( hors sens ) et le menacent concurremment dans cette spécificité en transformant l’embryon en une abstraction devenue paradoxalement manipulable : coupé de fait et d’idée du corps dont il provient – un embryon dont la «potentialité» et la transparence opacifient la nature.

Au reste, les mots pèsent et imprègnent les consciences comme les imaginaires. Ainsi, à trop épurer ou dé-incarner, êtres, concepts et limites se dissolvent dans l’indifférence d’une logique inhumaine : mise à distance pratique, mise à distance juridique, mais aussi complice et aveuglante. Mise à distance, enfin, protectrice de l’expérimentateur – qu’il prenne garde cependant à une insensibilisation expansive.

Car ce n’est pas simple hasard si l’on invente un pré-embryon, si l’on distingue un blastocyste ou si l’on en appelle au terme «conceptus» pour désigner l’embryon de huit cellules ( celui que l’on teste, jauge, implante, manipule ou laisse se déliter ). Car ce «conceptus» fait écho, évidemment, à la notion de

«conception», mais aussi au «concept» : une vue de l’esprit, une construction. Pourtant, ce «conceptus»

(

défini en ces termes par le généticien A. Munnich

: «

On ne joue pas sur les mots, c’est une réalité. Le «conceptus», produit de la fécondation d’un uf, compte huit cellules. C’est un amas de huit cellules, produit par la première division cellulaire, sur lequel nous allons effectuer le diagnostic moléculaire.

»

33

) est un point de convergence entre générations, entre sexes, entre individus, entre singularités, entre personnes et entre vécus temporels historiques – point de convergence et de divergence tendant, si rien ne l’arrête, vers une altérité radicale, vers une histoire nouvelle, vers une liberté. Entité biologique certes, mais dont tout homme est issu et d’où tout homme viendra. Et briser la symbolique associée à l’ uf, c’est risquer la contagion – comme une protéine in- forme celle qui la jouxte qui déforme l’autre entraînant la suivante…

Corollairement, nos technologies transfigurent un désir d’enfant en droit inconditionnel - c’est-à-dire requérant tous les moyens possibles de réalisation. Or, ce qui est vrai dans la souffrance vécue peut s’avérer très discutable dans les faits et les implications globales. Or encore, ce qui sous-tend en partie cet acharnement tient en proportions variables et en relations plus ou moins directes aux discours résumant la filiation en sa dimension biologique et faisant fi de l’affectivité et du culturel, du construit

32Et l’Homme dans tout ça ?, p..340- 341.

33La course folle, p..35.

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