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humanité à l épreuve de la génétique et des technosciences.

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Academic year: 2021

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Université Libre de Bruxelles

Faculté de Philosophie et Lettres & Faculté de Médecine

Unité d’accueil : C.R.I.B.

humanité à l épreuve de la génétique et des technosciences.

Jacqueline Wautier

Année Académique 2004 – 2005.

Promoteur de Thèse :

Professeur Jean-Noël Missa.

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Présentation A - Enoncé B - Grille de lecture C - Méthodologie et lexique

1° section : Du désir d’enfant au désir de soi.

Chap. 1 : Désir d’enfant, propositions technologiques et impacts socio-anthropologiques / A- Définition

B - La loi du désir délié C - Effets pervers

D - Parentalité et désir démiurgique

E - Filiation, sexualité et historicité généalogique F - L’enfant

G - Collecte et confrontation des différents arguments

H - Points de discussion

I - Condensé et mise en perspective avec l’ensemble de la thèse

Chap. 2 : Statuts multiples de l’embryon et implications ultérieures / A- Définition B – Embryogenèse

C - L’embryon : jauge et reflet ?

D - Collecte et confrontation des différents arguments

E - Points de discussion

F - Condensé et mise en perspective avec l’ensemble de la thèse

Chap. 3 : Prédire, des mots aux maux / A - Définition

B - Du «Dire» - diagnostic et prédiction C - Du mal dit au mal-né

D – Screening

E - Ethique de l’incertain

F - Collecte et confrontation des différents arguments

G - Points de discussion

H - Condensé et mise en perspective avec l’ensemble de la thèse

Chap. 4 : Eugénismes et eugéniques / A - Définition

B – Historique C - Confusion

D - Collecte et confrontation des différents arguments

E - Points de discussion

F - Condensé et mise en perspective avec l’ensemble de la thèse

Chap. 5 : Transgenèses, thérapies géniques et manipulations génétiques / A - Définition B - Société et finalité C - Génomes déstructurés

D - Collecte et confrontation des différents arguments

E - Points de discussion

F - Condensé et mise en perspective avec l’ensemble de la thèse

Chap. 6 : Clones, miroirs et mirages / A- Définitions

B - Clonage thérapeutique C - Copies (si peu) conformes D - Miroirs ?.

E - Filiation et singularité

F - Collecte et confrontation des différents arguments

G - Points de discussion

H - Condensé et mise en perspective avec l’ensemble de la thèse

Chap. 7 : Génétique et anthropologie – à l’épreuve des biotechnologies Consultation de bioéthique 2° section : Métamorphose ou métacarnation de l’homme ?

Chap. 1 : Du corps désinvesti au moi fragmenté / A - Introduction B - Corps perdus ?.

C - Corps-soi, corps de soi et corps insignifié d’un «soi» optionnel et ponctuel

D - Collecte et confrontation des différents arguments

E - Points de discussion

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F - Condensé et mise en perspective avec l’ensemble de la thèse

Chap. 2 : Génétique et gène mythique : existence processualisée ? / A - Introduction

B - Génétique : histoire et actualité C - Mythologie et sociologie D - Régression des libertés

E - Liberté moléculaire, liberté cellulaire

F - Collecte et confrontation des différents arguments

G - Points de discussion

H - Condensé et mise en perspective avec l’ensemble de la thèse

Chap. 3 : Sens et technoscience : refus des appartenances ? / A - Introduction B - Délivrance ?

C - L’homme de l’extrémisme technoscientifique D - Liberté ?

E - Prométhée enchaîné, Prométhée déchaîné F - Quête de sens

G - Collecte et confrontation des différents arguments

H - Points de discussion

I - Mise en perspective avec la notion d’aporie Conclusion / A - Introduction

B – Thèse

C - Soutenance, appartenance et divergence D - Transformation et transfiguration

E - Articulation de l’aporie à ses conditions de possibilité et logique argumentaire

F - L’homme ? G - Aporie ? Bibliographie

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Chap. 3 : Sens et technoscience : refus des appartenances ?

A – Introduction :

La condition de l’homme futur risque d’être définie de ses seules ruptures : vis-à-vis des générations antérieures et de la genèse en sa dimension génésique ou relationnelle, mais aussi à l’égard de la factualité référentielle d’un enracinement ( dans le monde ou au monde ). Rupture en opposition à une histoire naturelle ( celle du vivant et de l’hominité ) ; au regard d’une histoire anthropo-culturelle ( celle de l’humanité – en ses élaborations de liens, symboles et appartenances ) ; à l’égard d’une histoire familiale ( en ses transmissions 1 ) ; et par rapport à une histoire personnelle ( celle d’une individuation et d’une individualisation ininterrompues 2 ). Rupture à l’encontre de la puissance légitimante et identificatoire d’un alter ego. Rupture eu égard à l’action centripète ( densification personnale ) d’un projet existentiel soutenu, mais aussi à l’encontre du corps intime ( intimité identitaire ). Ruptures diverses et multiples qui institueraient vraisemblablement en leur accomplissement l’ère des modifications de l’être des êtres – entraînant à leur suite des confusions ( spécielles, individuelles et conceptuelles ), des continuums déstabilisants, des ségrégations et des partitions. Ruptures qui instaureraient le règne des chiffres et des codes, des probabilités et des calculs, des pré-dictions, pré-destinations et pré-formations – toujours plus efficaces et consacrant l’avènement de chimères sans projet ni devenir personnels ( vouées à l’aliénation ou à l’asservissement ). Ruptures qui scelleraient le temps du probatoire et du probant, du remplaçable et de l’évanescence personnale - ou de la schizophrénie. De la volition a-référée, de la solitude déréalisante, de l’insensibilité et de l’insignifiance.

Certes, les technosciences n’ont pas fait l’homme ( bio-anthropique ) tel qu’en lui-même il est : organisme ouvert sur le non-soi, pulsion de vie confrontée à la mort et subjectivité questionnée par le (non) sens ou la finitude. Et tout autant, individu sensible et perméable à la souffrance de l’autre. Ou encore et fondamentalement, existence en soutenance et personnalité en constitution perpétuelle.

Cependant, sciences et technosciences s’immiscent au c ur d’une condition humaine articulée au précaire, aux situations limites et aux synthèses ouvertes ou fermées du même et de l’autre – synthèses organico-métaboliques, psycho-mnésiques ou conceptualo-représentatives. Simultanément, la génétique propose à nos pulsions un monde modifiable et disponible - contribuant de la sorte à l’élaboration d’un sentiment flou d’indéfinition et renforçant l’idée d’un Homme illusoire ou indéterminé ( malléable à discrétion) . Ainsi, si la psychologie apprit à l’homme ses ambivalences ; si la psychanalyse lui révéla sa nature construite d’identifications et de ruptures ; si la philosophie 3 lui signifia son néant d’être ou son manque à être constitutif ; et si la sociologie lui signala son indéterminisme et son statut relationnel, la génétique, pour sa part, lui offre un espace in-fini de combinaisons : agissant de la sorte, elle interagit avec la culture et la modifie – et l’homme ( Idéel ou paradigmatique, actuel ou futur ) avec elle.

Mais l’individu sans attaches, dépourvu de références ou de lieux sécurisants, tend à masquer son angoisse du vide ou du néant dans une production toujours plus effrénée de chimères – de «mixtes» où se mêlent et se perdent réel et imaginaire, besoins et fantasmes, projets et utopies, espèces et genres, corps de l’autre et corps de soi. Où donc ce sujet ne s’identifiant ni ne se liant à son corps, ne s’identifiant ni ne se liant à sa famille, à sa culture, à son espèce ou à son humanicité, cet individu en suspens, est disposé à s’illusionner d’une incarnation hors de lui, hors de son temps, hors de son être : dans l’ailleurs d’un futur informatique ou génétique quand ce n’est dans l’altérité niée d’un clone. Et si l’homme s’est toujours efforcé de contrôler ou dévoyer les lieux de réalisation à son profit, s’il s’est toujours obstiné à faire trace ( à graver sa marque dans l’histoire, la matière ou le corps de l’autre ), la mise en place des conditions de possibilité d’une certaine opérativité est radicalement nouvelle.

Et se proposent d’ores et déjà la construction d’un univers artificiel et l’émergence d’un espace d’artifices ou d’artefacts. Et s’imposent un lieu sans étendue et un milieu en manque de durée. Et intercède un nombre croissant de médiateurs ( machinaux, optiques ou informatiques… ) propres à filtrer toute relation aux substrats, à l’autre ou à soi-même. Et cela dans un contexte de propositions réparatrices susceptibles de faire reculer «toujours plus»l’instant létal. Dans une société de mouvances géographiques, socio-professionnelles et affectives. Dans un monde en représentation où l’individu découpe son identité en plans circonstanciels ( ou expressions optionnelles ), sa biographie en scénettes et

1

En ce compris d’une lignée fléchée ou d’un récit jamais fini où chaque individu se fait acteur, marqueur et passeur : gonflant en cela son existence d’un sens initial susceptible de le soutenir en ses quêtes personnelles.

2

D’un trajet biographique, personnal et existentiel unique - jusque et y compris en ses réorientations.

3

D’abord gnostique ensuite nihiliste et finalement existentialiste.

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son Histoire en anecdotes – tenté par une décomposition de l’existence en moments de satisfactions répétitives. Dans une perspective où l’on glisse du souhait ancestral de créer un double robotique ( à l’image changeante et mouvante de son créateur ) à une aspiration d’ajustement démissionnaire de l’humain sur l’androïde imaginé naguère ( a-temporel en sa perdurance, sa prévisibilité et sa non historicité ). Dans l’élan, l’homme utilise la métaphore mécanique/informatique pour décrire et appréhender l’univers – des phénomènes, du vivant, de la conscience ou des sentiments. Et subséquemment l’artifice et l’homme artificialisé s’imposent en normes – délaissant la dimension de l’imaginaire qui les édifia ( et qu’ils alimentèrent ) et permutant leur logique interne : du moyen ( d’une fin humaine ) à la fin ( opératoire ). En fait, dans l’accomplissement final des processus en cours, les mythes triomphants ( et les angoisses qui les soutiennent ) aboutiraient probablement à un homme spectral ou ondulatoire : où la subjectivité se verrait dépourvue de constance identitaire et se trouverait dénuée de cohérence personnale - privée de stabilité ou d’ancrage matériel/charnel et, fondamentalement, dépouillée de sensibilité.

B – Délivrance ? 1° Données de l’équation :

Nous nous sommes arrachés à l’évolution et au substrat nature, à leurs impositions, contingences et agressions, par des techniques protectrices et inventives propres à défaire les forces qui nous préexistaient et nous assignaient à un destin «naturel». Conjointement, nous nous sommes libérés de la compacité organique et de la forclusion qui attachent la vie à sa niche et à sa chimie, ou qui lient l’individu à sa spécialisation et à son métabolisme – chargeant en outre nos outils des adaptations, spécificités et opérativités manquant à notre indétermination ( a-spécificité ) essentielle autant qu’à notre néoténie. Progressivement, nous nous sommes humanisés dans la soutenance de dépassements –actions, projets, décentrages, projections, transpositions symboliques, inventions de signifiances, adjonction de valeurs, soucis ou sentimentalisations. Par suite, nous sommes des sujets d’intériorité se réalisant en externalité. Notre «être dans le monde» se signale ( et à lui-même ) par un être contre ( tout contre ) le monde et se soutient en extraction. Notre «être vivant» comme notre intimité spécifique se signalent dans un contact perçu – et notre nature se préhende ( s’auto-préhende ) par le corps-matière pour échapper à la matière. En d’autres termes, l’homme en son humanitude n’existe pas sans un détachement ou un dépassement hors de l’en-soi qu’il est - mais l’homme en son humanité n’existe plus sans un ancrage corporel et charnel soutenant un point de convergence ( sur une identité sensible et entitaire ). L’homme en sa conscience comme en son existenciation n’existe pas sans une distance construite et maintenue à l’encontre du monde qui le porte - mais il n’existe plus sans une part d’irréductibilité offrant un point d’altérité ou d’achoppement à son intimité et un but ou un combat à son existence. L’homme n’existe pas sans une opérativité et une puissance décisionnelle qui ouvragent et donnent sens au monde, à l’existence et à l’humanité ; il n’existe pas sans une maîtrise recouvrant prévisions, précautions, préfigurations et déterminations - mais il n’existe plus sans surprise, bifurcation, nouveauté et liberté.

C’est en ce sens que l’homme doit être suffisamment contingent, suffisamment indéterminé, suffisamment inutile, suffisamment conscient et suffisamment sensible pour inventer la liberté qui le libère effectivement. Or, voici que nous faisons retour sur les impositions destinales – non plus contingentes mais, désormais, finalisées. Et les substrats moléculaires des destins biologiques révèlent leurs possibles et leurs probables en sentences nécessairement influentes. Et l’enfant rêvé se fait peu à peu exigible. Et le double fantasmé prend la voie de la réalité. Et l’utopie devient projet. Et le futur 4 se fait lieu de réalisation d’une puissance opératoire dressée en témoignage ( de nous ou de notre projet

«humanité» ). Et nous aspirons à modifier nos gènes ( en l’occurrence ceux de nos descendants ) : à inventer d’autres possibles et à nous approprier des mutations pour définir notre espèce ( ou nos espèces ) -notre devenir et nos successeurs. De l’évolution ( génomique naturelle ) nous glissons à la dévolution ( génique décisionnelle ) et à la rupture. A savoir alors si ce futur pourra, lui aussi, faire place et droit aux histoires d’hommes et à l’Histoire ( comme libération à son encontre au sein d’une insertion en sa continuité - comme sens construit et durée à exister ) ?

En fait et concept, l’aventure humaine s’est développée et a pris ( et fait ) sens dans l’émergence contestataire : hors de l’évolution, hors du biologique. Et voici qu’avec la maîtrise grandissante de cette évolution, de ce donné bio-géno-logique, nous nous réinsérons dans un substrat matériel dopé d’une

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Par ceux, et en ceux, qui lui donneront consistance et qui s’offriront prochainement en leur matérialité encore «potentielle» à nos manipulations.

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puissance contraignante de plus en plus importante. Certes, la délivrance à l’encontre d’une Transcendance imposante et les combats soutenus contre les entraves, dysfonctionnements ou empêchements divers relèvent d’une émancipation positive. De même, la lutte incessante menée contre les épidémies, les endémies et les pathologies individuelles est uvre respectable – humaine.

Nonobstant, l’homme existe en situation ; dans ses relations ou liances et par les réseaux qu’il construit pour s’en définir – il existe avec l’autre. Partant, une rupture de la filiation livrerait l’individu monadique* à la solitude tandis qu’un retrait de l’historialité conduirait à l’absurdité d’une existence insensée et angoissée. Par ailleurs, la mise à distance ou le retrait de la chair ( du «moi-peau», selon Dagognet, parlant du monde et de l’autre ) signeraient la déshumanisation : via une identité évanescente ou engagée dans un processus identificatoire caméléon, mais aussi parce que cette insignification de la chair ( de la forme ou du corps qui fait «présence» ) facilite la réification ou l’exploitation de l’autre.

En conséquence, il s’agira d’articuler les champs des savoirs et des pouvoirs avec ceux des symboles et des affects. D’associer maîtrises et foisonnements aléatoires. Et de faire cohabiter science et technique avec leur autre complémentaire : la zone grise de l’indétermination sauvegardée et de l’intimité préservée. Zone de la contingence et de la gratuité ontique : de la puissance en suspens, des potentiels irréalisés, des phantasmes contenus, de la différence attendue avant que d’être soutenue, et des imaginaires maintenus –maintenus en leurs lieux. Il s’agira de préserver un espace de variabilité, de bifurcations, d’imprévus et d’a-fonctionnalités ( superfluités, in-utilités, sentimentalités ) d’où naissent singularités, nouveautés et humanité.

2° Equation en déséquilibre ?

Le monde se transforme : c’est l’artifice contre la nature – et non plus seulement en une visée instrumentale ou médiatrice mais de plus en plus fréquemment comme but ou Fin. Parallèlement, la possession l’emporte sur la transposition et l’inféodation sur la symbolisation – inféodation de l’objet mais également de l’autre en ses gènes sélectionnés, en son existence orientée ou en sa liberté hypothéquée à force de contestations. Par suite, la fabrication (comme schème d’abord, comme pratique ensuite) tend à remplacer la procréation –la fabrication de «produits» conformes issus d’une phase probatoire.

De même, l’exigence déborde le souci, le calcul surplombe l’éthique et la volonté s’impose contre le libre devenir. Face à cela, une identité en béance 5 se substitue progressivement à une intimité mesurée à l’autre ou formée à sa présence – autrui en son altérité vraie comme en son intimité propre ( en son appartenance intime ) se trouvant contesté. Par ailleurs, le déroulement processuel supplante (conceptuellement d’abord, réactivement et mécaniquement ensuite ) l’individualisation – et la succession ( d’états, d’options, d’actions opératoires ou de satisfactions ) succède au devenir et à la cohérence ( d’une individuation, d’une continuité identitaire, d’un trajet existentiel ou d’un sens en construction).

Concomitamment, l’extraction ( hors du monde, des liens et relations ) gagne contre les appartenances ( à une généalogie, à des réseaux affectifs, sociaux et symboliques - ou à l’espèce) tandis que l’abstraction ( le désengagement, la désaffection, l’insignification, la virtualisation ) fait suite à une distanciation libératrice soutenue par une existenciation articulant la dualité de son mouvement ( centrifuge / centripète). Et c’est l’instant contre la durée ( satisfaction immédiate, mise à disposition ) ; mais aussi le temps figé ( génomes clonés, embryons cryoconservés, cycles contournés, délais court-circuités et corps réparés) contre le temps fléché ( du devenir, de la soutenance et du choix conséquent donnant à l’existence une signifiance réelle et à l’individu une concrétude signifiante). C ’est également l’émergence d’un idéal nouveau : celui d’un individu incertain et indéfini en ses limites, états, engagements et ancrages - contre la construction d’une densité individuelle ( issue d’une conscience sensible se définissant en une soutenance continue et se réalisant en cohérence maintenue ).

Bref, une subjectivité à elle seule référée et par sa seule puissance opératoire définie s’impose peu à peu : avec un corps instrumental ou présentoir, malléable et reconstructible – plus ou moins sensible, plus ou moins charnel, plus ou moins signifiant ( et plutôt «moins» que «plus» ). Un (in) dividu immergé dans l’univers des désirs désincarnés et du virtuel se propose en idéal. Et un homme se découvrant en sa contingence et en sa liberté infinie se confronte aujourd’hui à ses propres pouvoirs techniques et génétiques. Un homme face auquel une référence à un plan moléculaire modifiable se pose en guide normatif. Situation paradoxale où l’intuition grandissante des latitudes met désormais en question la

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Greffes ou xénogreffes, prothèses ou électrodes, connections ou amplifications, quand ce n’est déconnections, et encore psychotropes, hormones, gènes ou chromosomes.

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possibilité future des libertés et intuitions : absence d’Essence, absence de Finalité ( Historique , Naturelle, Cosmique, Anthropique ou Divine ), absence de Transcendance, absence de Nécessité ontologique.

Partant, les technosciences ( en ce compris la génétique ) laissent s’engouffrer en l’homme la béance qui probablement le démontera – soit en éléments manipulables, soit en constituants sériels, soit en potentialités et virtualités.

3° Equation à résoudre ?

Devant le flou conceptuel et matériel, à l’encontre de la dispersion identitaire tout autant qu’à l’encontre de l’identicité monolithique, reste l’humanité à construire sans cesse. Reste une articulation complexe et incessible à effectuer : entre matière et matière qui se fuit, entre soi et non soi, Etat et devenir, aliénations et libertés. Entre un esprit créatif et un corps médiateur ou informatif - un esprit qui délocalise et un corps qui, par ses limites, délimite. Articulation fondamentale et vitale. Car l’homme ne peut se réaliser dans une simple succession de moments ( présents ) ; ni ne peut exister en densité dans une addition quasiment mathématique d’instants jouissifs répondant à une volonté qui, sur ce mode abstrait et a-référencé, ne serait plus vraiment telle. Car l’individu ne peut se satisfaire ( se concrétiser, s’épanouir ou s’accepter en sa finitude ) de la position de survol – ni ne peut s’affirmer d’une appartenance incertaine et précaire, d’une psyché toujours déjà évanescente, d’un statut purement circonstanciel et décisionnel ou d’un moi en deuil ( ou en crainte ) d’altérité libre ( librement fondatrice ).

Car enfin, dépourvue d’inscription dans une mémoire collective, dans une généalogie et dans une culture ( comme projet humanisant et humaniste ), l’existence divague au creux d’une liberté insensée : une liberté pour rien. Partant, l’homme a besoin d’une histoire qui le lie à lui-même, à l’autre, aux autres et à la matière - besoin de liens qui l’historialisent.

Et pourtant, d’ores et déjà, les technosciences concourent à faire de nos lieux des non-lieux ( ingression du virtuel ) : peu à peu nos sociétés se transforment en espaces d’errance peuplés de solitudes auxquelles se heurtent les imaginaires confrontés aux reculs des éléments identifiants qui stabilisaient naguère l’individu en une unité personnale. Parallèlement, elles risquent de faire de nos choix des non- choix : choix sans risque du virtuel, choix impossibles du citoyen ou choix factices des spécimens - où la modification métabolique ferait suite aux emprises extérieures. Enfin, elles tendent à faire de nos corps des non-corps ( appareillés, connectés, déniés, cultivables ) : insérant le non-soi dans le soi ( le niant dès lors comme tel ) et rompant le lien articulant «moi» et «je» - au profit perdu d’un «Je» dépourvu de densité. Au final, elles réduisent l’organisme à un agrégat d’organes et l’individu à un ensemble temporaire ( et modifiable – bientôt à volonté ) de relations bio-logiques coopérantes ( au vrai enchaînées en dépendances mécaniques ou chimiques ).

C- L’homme ( paradigmatique )de l’extrémisme technoscientifique:

L’homme accompli de l’extrémisme technoscientifique tient du personnage : incarnation factuelle et mouvante ( modifiable ) d’un plan ( génétique ) qui le dépasse. Ou encore, l’homme accompli de l’extrémisme technoscientifique tient de l’avatar : issu d’une volonté tierce qui l’appela à l’être en alignant son identité et son intimité sur un désir, un modèle ou une nécessité foncièrement contraignants.

Il tient du potentiel : comme embryon à contrôler, sélectionner et assigner ( à fonction ou destin ) - mais aussi comme construction génétique et organique à préfigurer, préformer ou parfaire. Il tient de la chimère : entre l’homme et l’animal ( xénogreffes, transgenèses, utérus animal ) ; entre l’homme et lui- même ( clonage auto-reproductif, uf quadriparental, fécondation interovulaire ) ; entre l’homme et la machine ( prothèses, organes artificiels et connexions diverses ) ; et finalement entre l’homme et ses pulsions ou fictions fantasmagoriques, ses mythes ou ses représentations. Il tient du produit : produit du savoir, des techniques, des sélections, des fantasmes et des dires qui l’évaluent - esquissant avant même sa venue la trame de son destin.

Conséquemment, l’homme accompli de l’extrémisme technoscientifique tient de l’homme contredit.

1° Le paradoxe des limites :

La question des risques associés aux développements technoscientifiques se pose en une interrogation des limites.

Déjà du fait que la technique, comme moteur et produit de l’humanité, soit incontournable. Substrat, outil et projection de l’homme, elle donne réalité et puissance à ce qui lui fait défaut et assure ce faisant

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sa persistance. Elle répond à son étance en soutenance, à ses indéterminismes, à sa conscience et à sa liberté.

Ensuite du fait que l’homme existe aux limites : en son mouvement de confrontation, d’opposition, de (re) signification et de soutenance. Plus justement, il existe aux limites et en ces limites aussi longtemps qu’il s’y oppose et qu’elles subsistent. Il soutient son existence en équilibre (d’équilibres) : du soi et du non soi, de l’intériorité et de l’extériorité, du métabolisme et de la stase, du centripète et du centrifuge, du passé mémorisé et du futur préfiguré en un présent investi - face et avec des techniques qui, tantôt assurent ces équilibres et frontières, tantôt les ouvrent.

Après, du fait que l’homme perçoit et préhende, s’auto-préhende, par un corps qui lui présente le monde – un corps que les technosciences décomposent en organes, recomposent en puissances ou performances et insignifient en fonctions.

Enfin, du fait que l’homme se particularise par un ensemble de spécificités ( capacités ) physiques, sensitives et intellectuelles ( par ailleurs couplées à des états de consciences caractéristiques ) … que les technosciences modifient ou aspirent à modifier selon des finalités utilitaristes ou fantaisistes.

En d’autres termes, l’homme ( l’individu comme le spécimen ) s’édifie dans la préhension et l’articulation d’un dedans ( en son corps, en son intimité, en son «propre» et en son «espace» 6 ) et d’un dehors (: hors de son corps, hors de la forclusion entitaire, hors de la stagnation identitaire, hors de l’uniformité et des mécanismes de fixation propres au groupe, à l’espèce et au paradigme de l’humain en vigueur ) – au regard d’une définition mi personnelle mi collective de ce qui fait «singularité personnale»

ou cohérence identitaire et de ce que recouvrent le non soi et le non humain. Il participe en cela à l’édification culturelle le modelant en retour autant qu’à l’évolution spécielle – c’est-à-dire aussi anthropologique (: où se mêlent et interfèrent nature, «biophysiologie» et culture).

Ou encore, l’homme existe sur une humanitude paradoxale : qui ouvre au monde, permet l’expression d’une subjectivité créatrice et autorise le développement des sciences et techniques - mais qui se trouve contestée en ses conditions de possibilité par la puissance des pouvoirs acquis.

Conséquemment, l’homme lui-même est paradoxal : paradoxe humain du corps-esprit et de l’esprit corporel, de la matière et de la matière qui se fuit, de la synthèse dialectique et de la dialectique intégrative.

2° – L’homme paradoxal ?

La tentation du sujet en perte d’intériorité identitaire pourrait être celle du psychotrope refoulant le questionnement existentiel et permettant d’occulter l’angoisse. Concomitamment, le lieu de l’individu en deuil de présences pourrait se décliner en une virtualité déconstruisant la réalité, refoulant la chair et défaisant le réel en potentiels ou en puissance en attente d’actualisation. Enfin, le paradigme de l’homme en perte d’humanité pourrait recouvrir le schème génétique réduisant l’existence en processus, la subjectivité en mécanisme, la vie en informations, la liberté en réaction, la personne en personnage et la personnalité en production ( d’un code génétique ) - ou encore, soumettant tous et chacun au point de vue et à l’ingression du tiers : celui qui juge et manipule, dicte sa loi ou impose son utopie, transforme ou envahit…

Ainsi, les hommes incorporent en leur être l’altérité - et parfois même celle du Tout-Autre ( système inorganique palliant le c ur défaillant ). Ils injectent en leur présent un futur statistique injonctif et ouvrent leur intimité au regard d’un tiers. Ils intègrent en leur reproduction le savoir de l’autre. Et envisagent d’insérer en leurs possibles d’avenir ceux d’espèces distinctes. En outre, ils marquent le vivant de leurs empreintes ( gènes humains insérés dans l’animal ) et fantasment sur la possibilité de transférer l’intelligence à la matière - fantasmes par ailleurs paradoxaux puisqu’ils tutoient une démission. Comme si la pensée, aujourd’hui associée au centre ultime de l’homme, découvrait concomitamment sa vanité globale («cosmique» / «ontologique» ) - comme si la liberté par elle découverte puis inventée lui faisait horreur. Et J. Baudrillard de noter à ce propos : «A quoi sert cette vaine réduplication technique de nos sensations (…) de nos opérations mentales, sinon à nous débarrasser de notre intelligence naturelle ? / Si les hommes créent (…) des machines «intelligentes», c’est qu’ils désespèrent secrètement de leur intelligence, ou qu’ils succombent sous le poids d’une intelligence monstrueuse et inutile : ils l’exorcisent alors de quelque façon dans des machines, pour pouvoir en jouer et en rire (…). Si les hommes rêvent de machines originales et géniales, c’est qu’ils désespèrent de leur originalité ou qu’ils préfèrent s’en dessaisir et en jouir par machines interposées.»

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Espace humain : selon un sentiment et un vécu d’appartenance à une famille, un groupe, un réseau social, une culture et une espèce.

7

L’échange impossible, p. 145.

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En fait, il semble que l’être ek-statique hésite ou oscille entre dispersion et compacité. Entre abstraction radicale ( d’une totalité absolument hors du monde ) et concrétude absolue ( d’une entité totalitaire en confusion et compacité mondaine ). Entre esprit désengagé ( à volitions créatrices changeantes ) et corps global englobant – éternellement. Entre conscience infinie et inconscience absolue. Entre responsabilité plénière et démission globale. Entre puissance et actualisation. Et la tentation extrême de l’être-au-monde pourrait bien être d’Etre dans le monde ou d’ETRE monde – confusion, perte de soi et anéantissement. De même, la quête antithétique de l’être distant de soi semble bien être la compacité de l’immédiateté – son comble serait la dispersion. En cette perspective, la fascination impossible du Pour- soi paraît être l’En-soi - celle de la conscience serait l’inconscience. Pareillement, le comble paradoxal du désir se donne pour un non-désir et la tentation paradoxale de la vie pour une non-vie. En d’autres termes, l’attrait récurrent, mortel pour l’homme, est vraisemblablement de l’ordre du non-homme – et le comble destructeur de l’existence est l’ETRE.

En conséquence, vie, existence, individuation, pulsion, conscience et liberté sont toutes menacées de leur contraire – du fait des pouvoirs opératoires fournis par les technosciences et, plus encore, du fait de leur soutenance intrinsèque. Parce que la vie est rééquilibrage d’équilibrations en rupture d’équilibre – et que l’équilibre advenu entend l’arrêt métabolique ou la mort. Parce que semblablement le désir est manque et propulsion, qu’il mesure une faille et une distance - comblé a priori, il meurt. Mais aussi parce que la conscience est distance à soi / distance en soi – et qu’elle est consciente de sa précarité. Par ailleurs, le comble paradoxal de la subjectivité est l’extériorité –selon un accomplissement où la distance à soi grandirait jusqu’à délaisser tout soi. En outre, et sur une autre scène, l’existence est construction en manque de réalisation et l’homme indéterminations en quête de déterminismes sécurisants - limitations en recherche d’extension des possibles, finitude en demande d’infinitude et latitudes en quête de déterminations ou d’éléments normatifs ( de l’utilitaire local au sens global, du principe au modèle ). De même, l’humanitude est extraction ou abstraction, réflexivité et ouverture : elle crée le monde à sa mesure - et à sa démesure. Elle produit les systèmes et les outils appropriés aux projets de l’humanité - susceptibles cependant de la questionner en ses conditions de possibilité. Elle invente son mode d’être ou d’exister dans une négation libératrice de son «ETRE», mais côtoie ce faisant sa destruction dans l’expression ponctuelle ou dans l’aliénation. Car on ne peut survoler le monde sans qu’il ne s’évanouisse ( sans obstacle auquel se mesurer ni présence avec laquelle interférer, sans attachement duquel se définir ni projet pour lequel agir, et sans personne pour qui vivre ou mourir). Car on ne peut s’extraire de la vie et de l’existence sans qu’elles ne s’insignifient ou ne s’anéantissent ( sans durée à vivre ni effort à fournir, sans but à atteindre ni manque à combler, et sans risque ni engagement offrant consistance). Car donc le comble paradoxal de la liberté, c’est l’aliénation - être à soi-même aliéné : libre pour tout, de tout et pour rien ?

D – Liberté ?

L’homme, comme être générique et spécimen d’avenir, relève désormais de ses uvres. Il dépend d’un génome livré à sa responsabilité et soumis à des choix électifs, sélectifs ou phantasmatiques. Il dépend d’un génome reposant sur lui ( spécimen vecteur spéciel, individu singulier d’expression duale ) qui en résulte en interdépendances ( d’ores et déjà en voie d’abandon à des dépossessions ).

Cela quand l’homme n’a pas d’Essence, qu’il est existance – et que l’humain n’est pas donné toujours déjà en Référence mais proposé en constructions et projets.

Quand l’humanitude est puissance - qu’elle requiert et induit une résistance recouvrant une échappée et une négation ( eu égard à l’En-soi univoque, compact ou inerte ). Quand donc l’humanité n’est pas réalisée, mais réalisation - et qu’elle est inexistante sans la médiation d’un individu à manifestation et expression duales qui sent, ressent, uvre et man uvre ( son monde, son être et son devenir existencié ).

Inexistante sans un individu qui peine, s’efforce, pâtit et jouit : qui est limite et se délimite ; qui est fini et s’indéfinit.

Mais aussi, quand l’humanicité témoigne d’un souci. Qu’elle est impensable en dehors d’une faille dans la compacité de l’être, en dehors d’une échappée la délivrant de l’immédiateté d’un soi originellement centré sur lui-même ( préoccupé d’une satisfaction propre à le conforter ). Impensable en dehors d’une soutenance organistique et subjective maintenue contre l’ingression mondaine et contre toute stase - en ce compris la fossilisation de «soi» en un «Soi» inerte et imperméable. Impensable en dehors d’une ouverture à l’autre ( l’autre comme autre semblable, l’autre respecté comme tel ).

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Et encore, quand l’hominescence, terme cher à M. Serres, est processus : oscillant et hésitant ; continu et fragile; unique et multiple ; évident et incertain ; fléché mais dépourvu de destination finale ; empreint d’ambiguïtés et de paradoxes – et parsemé de bifurcations. Quand donc l’hominescence est soutenance et invention, déploiement phénoménal et construction active : pulsions, impulsions, propulsions et projets mi centripètes mi centrifuges. Quand elle est uvre auto-référée : d’un devenir Soi ( toujours inachevé ) ou d’un advenir à Soi ( jamais réalisé ) - l’un et l’autre questionnés et embarrassés par l’ignorance ontologique de ce Soi fondamental.

Et finalement, quand l’être humain attribue une signification au chaos de la réalité et, en un sens, qu’il s’identifie à cette adjonction de sens. Quand l’existence est libre de (à partir, par et dans) ses constructions. Que le sujet est libre de ses choix. Que la personne est libre de ses engagements. Que le Pour-soi est libre de ses quêtes relationnelles. Que la conscience est libre de ses fondements. Et que la liberté est libre de ses aliénations. Libres, libres de ce manque qui les caractérise et les oblige. Libres de la soutenance, de l’assimilation et de la signification qu’ils oeuvrent – et sans lesquelles ils meurent.

Aussi, combler les failles et les indéterminismes, défaire le corps et les liens, abolir la souffrance, l’angoisse, l’incertitude et la conscience de soi ( et d’un soi conscient défini ), c’est anéantir la vie, la conscience, la liberté, la sensibilité et l’homme. Pourtant, c’est aussi de cela qu’il s’agit dans les technosciences en leur extension extrémiste : éliminer sensibilité et émotivité par lesquelles viennent les troubles. Eliminer le corps par lequel viennent les douleurs, l’inefficacité et la mort.

Eliminer l’incertitude, l’incomplétude, la gratuité, la liberté et l’historicité qui sont autant d’obstacles à la volonté déterministe pragmatique - et si la perspective globale de l’analyse est différente, M. Henry ne dit pas fondamentalement autre chose en ces lignes : « Vouloir éliminer la vie, quand ce projet prend naissance dans la vie elle-même, procède toujours d’un secret mécontentement – un mécontentement qui est le fait de la vie, dans la mesure où c’est elle qui veut cette élimination, un mécontentement à son endroit, dans la mesure où ce qu’elle veut éliminer, c’est elle-même (…). Se défaire de soi, se nier soi-même, c’est là toutefois ce que ni la souffrance ni la vie en général ne peuvent faire, n’étant chacune rien d’autre qu’un s’éprouver soi-même (…). La faiblesse de la vie consiste dans sa volonté de se fuir soi-même – et c’est là une tentation permanente – mais la vraie faiblesse (…) c’est l’impossibilité où elle se trouve de mener à bien ce projet (…). L’impossibilité de rompre le lien qui lie la vie à elle-même (…) exaspère la volonté de lui échapper et (…) le sentiment de son impuissance, le sentiment du Soi comme impossibilité principielle d’échapper à soi, lequel sentiment culmine finalement et se résout dans l’angoisse. / Il faut considérer l’hyperdéveloppement de la science moderne comme l’une des tentatives majeurs par lesquelles l’humanité a entrepris de fuir son angoisse. »

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.

Au bout du compte, l’homme est le maître de l’illusion : il est celui qui transpose. Ou encore, il est maître du jeu «reçu» ( reçu de personne, saisi comme opportunité ) : il en invente les règles et en définit le sens. Mais il est également fondamentalement angoissé. Car les options se proposent à lui dans l’ignorance et à l’horizon d’un avenir insaisissable. Car rien ne le lie à lui-même ni ne l’oblige à ses promesses. Car, sans Essence, rien ne le guide ni ne le contraint tandis que l’existence, étrangère à toute Fin ontologique ou Destinale, est cependant inéluctablement finie. Et ses choix, lors même que son humanité est insignifiante sans un lien minimal à l’autre, impliquent autrui et le monde dans son ensemble - dessinant un homme idéel et idéal. Somme toute, l’homme s’angoisse car ses possibles (en ce compris son futur propre ) ne sont que possibles : et Sartre de souligner que l’angoisse «C’est précisément la conscience d’être son propre avenir sur le mode du n’être pas.»

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. Partant, l’homme est continuellement envahi par la nostalgie de l’inertie qui le délivrerait du mouvement vital toujours précaire, de l’existenciation toujours ardue et du choix toujours incertain. Nostalgie d’un repos ou d’une inconscience propres à le délivrer de l’angoisse ou de l’insécurité générées par la finitude et la vacuité - mais qui anéantiraient la liberté et signeraient, en leur pleine réalisation, la mort de l’individu ( mort non seulement personnelle/personnale mais également organique ). Nostalgie d’une plénitude - et d’un équilibre ( mythique ) parfaitement réalisé. Nostalgie de l’impossible.

E - Prométhée enchaîné, Prométhée déchaîné :

Figure mythique complexe et ambivalente, Prométhée apparaît tantôt tel un rebelle éveillé à la conscience tantôt tel un apprenti-sorcier malheureux.

Ici fondateur de la civilisation, là marginal en refus et porteur de chaos.

Attiré par le savoir, fasciné par le pouvoir, révolté contre l’autorité : mais vaincu ou blessé.

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La barbarie, p. 127-128.

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L’Etre et le Néant, p. 67.

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Prométhée donc, celui qui «pense en avant» - «renaissant» toujours avec force. Eternellement réduit, éternellement résurgent : comme le métabolisme, comme la délivrance, comme la pulsion épistémophilique ou l’inclination opératoire.

1° Survol historique de la figure prométhéenne :

Dans la version de Hésiode ( 8° siècle avant J.C. ), Prométhée est banni 10 - entraînant en sa relégation une humanité livrée aux maux divers.

Selon Eschyle ( 5° siècle avant J.C. ), le voleur de feu inscrit son action dans l’ambivalence : si la démesure ne sied ni à la justice ni à l’harmonie, si donc le châtiment est incontournable, Prométhée laissera pourtant aux hommes un outil ouvrant à la liberté et au progrès.

Le Prométhée de Platon ( 4° siècle avant J.C. ) se présente et prend tout son sens dans sa relation à son frère Epiméthée ( celui qui pense en arrière ) : ce dernier ayant distribué tous les possibles disponibles ( vitesse, force, fécondité prolifique, aptitude à la prédation, fourrure… ), l’espèce humaine s’en trouva dangereusement «dépourvue» - raison pour laquelle Prométhée dérobera le feu et le savoir des techniques à Héphaïstos.

Quelques siècles plus tard, Boccace ( 14° siècle ) transfigure notre personnage en libérateur uvrant une nature plus ou moins disponible mais en elle-même aliénante. Cependant, seule la philosophie des Lumières ( 18° siècle ) associera pleinement cette figure emblématique à la liberté humaine : paradigme de la révolte contre toute imposition dogmatique. Par la suite, Nietzsche ( 19° siècle ) insistera sur un Prométhée créateur ou artiste ( tel est par ailleurs le terme utilisé par Mary Shelley lorsqu’elle évoque le docteur Frankenstein assemblant sa créature ). Si donc la figure prométhéenne s’est modifiée au gré des auteurs 11 , reste en commun la révolte : c’est contre la nature, ou les Dieux, ou l’impuissance, que Prométhée s’élève. Et la métaphore du Héros désenchaîné ou déchaîné préfigure notre modernité en délivrance eu égard aux derniers interdits. Partant, ces relectures éclairent l’articulation soutenue par chaque siècle ( en son fonds mythologique, coutumier, philosophique, éthique et juridique ) entre science, transgression et conformation … pour aboutir aujourd’hui à un mythe posant la science en référence incontournable : contre les maux divers et pour le meilleurs. Mais la difficulté est grande dès lors qu’il s’agit d’équilibrer le refus de la stagnation et l’angoisse du changement – et tout autant l’évolution ou le progrès et le maintien des acquis ou la persistance des conditions d’humanité. Conséquemment, il importe de réinventer une dialectique unissant les deux «frères». Car si Epiméthée «pense après», il

«fait» également «mémoire» - tourné vers le passé, il le soutient ( de sa pensée présente ) : son monde recouvre l’histoire. Dès lors, son temps et son substrat sont ceux des mythes susceptibles de nourrir une plurivocité, d’offrir un substrat commun et de traiter du sens en l’inventant et en l’intégrant en une durée porteuse de continuité. Face à cela, le sans lieu de l’avenir ou le monde à venir : celui du progrès ou de l’utopie. Celui, en quelque sorte, de Prométhée et de la liberté : à écrire ou construire. Où donc l’histoire ( vécue, réelle et unifiante, mais aussi pensée ) et l’aventure humaine nourrissent puis donnent sens et substance à la liberté : où les propensions ( conservatrice et progressiste, centripète et centrifuge, symbolique et opératoire ) devront entretenir une relation dialectique. Où l’une, rétrospective 12 , nourrit et arraisonne l’autre, prospective 13 , qui la développe et l’enrichit en retour pour subséquemment s’en enraciner, s’en définir et s’en réaliser avant que de s’en distancier…

2° Frankenstein et l’illégitimité existentielle douloureuse :

La créature de Frankenstein est née de la seule volonté - et d’une volonté unique : sans amour, sans détour par l’altérité d’un semblable. Partant, elle est à nulle autre comparable en sa propre altérité irréductible et douloureuse. Mais elle pose la question des origines : «Qui suis-je ? Et qui sont ceux qui me firent ? Y a-t-il un sens à mon existence ?».

Question de tous et chacun, de tout homme. Mais l’absence de réponse éclaire ici le sens de l’humain : pour la créature, il n’y eut nul désir ( d’amour ) la légitimant, nul sentiment fondateur l’arraisonnant. Et l’on sait comment finit l’histoire : Frankenstein et sa créature agonisent tous deux parce qu’ils ne pouvaient vivre l’un avec l’autre.

10

Zeus le condamne au dépeçage : attaché à un roc érigé aux confins septentrionaux du monde, son foie sera journellement dévoré et nuitamment régénéré.

11

Pour plus de détails, cf. l’article de A. Malterre : Apprenti-sorcier, Homme-Dieu, in Ethique et génétique.

12

Et ce qui s’y rattache : le passé historique, le fait humain tel qu’il est à ce jour réalisé, le substrat matériel des techniques et des savoirs acquis, l’espèce biologique, l’édification symbolique

13

Et ce qui s’y rapporte : l’humanitude, l’hominescence, la liberté, le projet, la projection.

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En l’occurrence, le docteur cherchait une puissance opératoire ; porté par une pulsion prométhéenne ambiguë qui lui fit désaimer sa création. Mais le monstre cherchait quant à lui le sens d’une existence en manque douloureux de reconnaissance.

Frankenstein aspirait à conquérir une puissance créatrice négatrice de la mort, du corps corruptible et des lois naturelles - oubliant ou refusant la présence signifiante de celui qu’il ne put nommer. Mais la conscience qu’il alluma dans un corps agrégat aspirait pour sa part à construire une généalogie - réclamant une présence qui lui donnerait consistance et cohérence humaines. En fait, la créature de Frankenstein est à cet égard paradigmatique : elle, l’innommée, la destructrice, incarne un individu advenu à la vie sans jamais être né. Issue de la matière organique dénuée de sens 14 , elle témoigne de l’impossible vécu inhérent à une unicité absolue : sans détour par l’autre, il n’est que violence et chaos.

Conséquemment, c’est face au tiers que la créature se déchaînera : le frère, l’ami de jeunesse et la jeune épousée seront assassinés par le monstre. Les personnes unies au docteur par l’amour seront éliminées par le solitaire né sans amour ( sans amour autre que prométhéen ). Et la leçon crève les yeux comme elle le fit des yeux d’Oedipe : sans l’altérité d’un semblable, sans reconnaissance ni affection ni appartenance, sans génération porteuse de différenciation et d’existenciation, il ne peut y avoir d’ouverture au monde - hormis dans une appropriation violente et destructrice.

A notre estime, cette histoire est celle de la tension dramatique de l’accomplissement ( total et dès lors inévitablement destructeur ) de deux désirs : celui d’être à soi fondement et celui d’être pour l’autre destin. Désir d’absolu narcissique et désir ( égocentré ) de sens et de signifiance. Désir créateur/auto- créateur - où Cause matérielle, Cause motrice et Cause finale se trouveraient confondues. Etre à soi fondement ; être à l’autre, en son être et par son être, nécessaire. Etre le père de son père et le fils de son fils. Etre tout et le Tout. Et produire l’univers de ses désirs ( univers qui serait pourtant, et depuis la nuit des temps, en attente de ce «moi» légitimant – et légitimé de sa seule fonction créatrice ). Confusion, diffusion et habitation. Mais comme le savent les psychanalystes, le mélange des temps et des genres génère le chaos. Souvenons-nous en ce sens de la Gorgone Méduse, celle dont le regard tue ( ou dont la contemplation transfigure en pierre ). Ses représentations vont de l’extrême beauté à la laideur monstrueuse. Moitié bête moitié homme, moitié mâle moitié femelle, mais aussi mi organique mi minérale. Méduse ; qui enfante de son trépas, ressuscite ou pétrifie, et transgresse tant les limites que les niveaux de réalité - de l’espèce, de la matière, de la vie et de la mort. En fait, les mythes faisant ingression dans les techniques nouvelles sont nombreux et traitent pour la plupart de ces indifférenciations dangereuses: de l’enfant post-mortem issu du corps démembré d’Osiris à Dédale autorisant la réalisation des désirs par le détour de l’artifice 15 ; de Sarah enfantant par-delà la ménopause à Jocaste accouchant de l’inceste ; des centaures et chimères à Prométhée appariant par le feu le monde des Dieux et le monde des hommes; des mythes animistes à la vierge donnant la vie.

Dieux, demi-dieux, panthéon égyptien ( transgenèse inter-spécielle ) et amazones ( parthénogenèse ). Et pareillement Héphaïstos, né de Héra ( et d’elle seule ) et créateur de Pandore. Et semblablement Narcisse, qui aima sa seule image et en mourut. Et encore le Golem, créé par l’homme pour protéger la communauté mais se retournant contre elle. Légendes et mythes y associés sont nombreux mais toutes et tous incluent un signe magique gravé sur le front de la créature – liant, comme l’expose D. Lecourt, la vie et la mort, le mouvement et le repos, la symbolique langagière et la matérialité charnelle : «Ici intervient (…) un jeu de lettres. Trois d’entre elles constituent ce signe qui se lit EMET, soit Vérité. Or, il suffit d’enlever la première (…) – signifiant l’unité – pour que le mot signifie Mort…»

16

. Au bout du compte, le mythe du cyborg résume aujourd’hui tous les autres : traitant d’une créature née d’une volonté humaine et à l’image de son idéal. Chimère pourvue d’une santé irréprochable et de capacités augmentées, le cyborg, où se mêlent atomes métalliques et structures ADN, est parfait en sa persistance, sa résistance, son opérativité et sa prévisibilité.

Au vrai, c’est naturellement, par «nature» et parce qu’il est homme, que l’individu vacille entre Prométhée ( qui projette et se projette ), Faust ( pactisant avec le diable par orgueil 17 ) et Frankenstein. Car c’est de vie, de pouvoir et d’épanouissement qu’il s’agit – sur fond d’angoisse et de liberté. Ainsi, le Bien motivait notre docteur : rendre l’homme invulnérable, trouver l’origine de la vie et créer une

14

Dénuée de signifiance mais aussi, ambiguïté enrichissante du terme, de sensibilité, de sexualité ou de sensualité.

15

L’ingénieur technicien, dédouané de toute réflexion éthique, trompe la nature, use d’artifice et permet la fécondation de Pasiphaé par un taureau - mais la créature issue de ses uvres, le Minotaure, se nourrit de chair humaine : disloque et dépèce l’homme.

16

Prométhée, Faust, Frankenstein, p. 139-140.

17

La légende nous présente un homme assoiffé de connaissances, de désirs, de plaisirs et d’expériences – homme qui cherche. Faust, c’est la pulsion vitale elle- même, l’insatisfaction, la propulsion, la projection et la reconduction. L’impossibilité de la pleine satisfaction.

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espèce nouvelle qui «bénirait (…) son créateur».. . Il s’agissait de faire de l’homme un dieu pour s’en instituer le père : dieu des dieux. Mais, dès la confrontation, ce fut l’horreur : et la créature sera délaissée, seule. Seule et esseulée, cherchant inlassablement ses origines, et la reconnaissance et l’amour - jusqu’à la folie meurtrière…

F - Quête de sens :

1° Qu’en est-il de l’homme en projet ?

Quand la science en sa dimension technique manipule la genèse, elle bouscule la génération – et concomitamment le statut spécifique d’un être qui a à naître pour exister. Semblablement, dès l’instant où elle culbute les cycles, elle questionne l’insertion des existences en une durée factrice de sens. En outre, approchant le clonage, elle met l’altérité en souffrance. Préfigurant le substrat génétique ou produisant des chimères, elle ingresse l’intimité et complique les appartenances et reconnaissances – propres ( de soi à soi ) ou spécielles, mais aussi culturelles, affectives et conceptuelles. Par ailleurs, quand cette science opératoire transforme, étend, oriente ou finalise les «possibles» ou les possibilités d’un organisme ( d’une sensibilité, d’une conscience ou d’une mémoire ), elle transfigure le «soi» en sa réalité, en sa signifiance ( personnelle : à lui-même parlante ) et en sa cohérence. De même, procurant des outils et des procédés «transgressifs», elle affecte la réalité – celle du monde, celle des espèces, celle des êtres, celle de l’identité et celle du substrat de la conscience, quand ce n’est celle de la conscience elle-même.

Bref, analysant des embryons, cherchant à corriger des dysfonctionnements ou à éviter des imperfections ; discutant du normal, pesant les souffrances et investiguant le substrat moléculaire des comportements et des émotions, la science met l’homme en interrogation.

En fait, avec les possibles offerts, là où l’esprit s’exerçait naguère dans les mythes et les spéculations, là où les désirs s’exhaussaient dans les rêves, là où les pulsions se sublimaient en transpositions, nous approchons d’une actualisation prochaine dans la chair. Du reste, l’imaginaire est en ces domaines tantôt devancé ( par la débauche de possibles ou de transfigurations ) tantôt ouvert à l’infini ( par l’effondrement des interdits et le recul de l’impossible ). Soit il se replie en une consommation peu critique et étrangère à toute invention, tout investissement personnel ; soit il se déplie en une fuite en avant coupée de toute perspective éthique. S’emballant et créant en cette seconde occurrence un monde étrange accordé en sa logique à celle du rêve : où l’homme se fait metteur en scène et en chair de ses fantasmes. Où il est totipotent et omniprésent – ou tout aussi bien assujetti à sa puissance, absent à l’autre et à lui-même, étranger à son propre corps, son propre temps, sa propre vie. Et s’esquisse en cela un homme maître de l’avenir, maître du monde, maître de l’autre et du tout-Autre – ou soumis aux dires et prédictions, livré aux interventions transformantes et éparpillé dans des moments, des états, des dispositions, des constructions et des agrégats innombrables. Un homme propriétaire et créateur – ou dépossédé, désorienté et esseulé. Un homme juge et référence – mais pour rien. Un homme hors du monde, hors de lui-même, hors de la présence, hors de l’histoire et inscrit dans un projet où le hasard est conjuré et le bonheur transmis, permis ou repris – un non-homme dans un non-monde pour une non-existence.

Face à cela et pour certains, s’affirment des manques immenses : de stabilité sécurisante, de références guidant la réflexion, de projets unitaires et humanistes, de chair signifiante et identitaire, de réalité et de présence révélatrice ( de l'autre à soi, de soi à l’autre, de soi à soi ), de continuité historique et individuelle et de sens. S’ensuivent alors différentes tentations et tentatives :

Celles du mysticisme ou celles du sectarisme ( manipulations, dépossession, négation de «l’ici et maintenant).

Celles du repli craintif (à la nature et à ses moutons : d’un battement de paupières occulter conjointement le monde des souffrances effectives, le monde du progrès et le monde inéluctablement commun).

Celles enfin de la fuite en avant ( dans la spirale catalytique et la dispersion).

Si donc la science a rendu l’homme à sa matière et à son pouvoir, si elle a démystifié les mythes fondateurs et démonté les ancrages divers, elle a ce faisant laissé à son agent un manque criant où s’engouffrent sa question initiale, son désir intime et son besoin vital d’identification et de légitimation.

Partant, orphelin déraciné et désorienté, celui-ci se retourne vers ses uvres et ses sciences pour quérir de nouveaux référents qu’elles sont bien incapables de lui fournir ( dans leurs entreprises actuelles de démontage et d’extraction – en dehors d’une communauté, en rupture d’arraisonnement, sans projet humaniste ). En conséquence, masquant leur néant ontologique, masquant leur inaptitude éthique, masquant les solitudes dans des ruptures toujours plus radicales, les techniques s’enivrent parfois de leur course folle et s’adonnent alors à une véritable fuite en avant. Elles se livrent en ces circonstances à

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une contestation ou à une récusation de la soutenance organistique et de l’existenciation personnelle.

Elles travaillent à une insignification du surplus ou du sursaut humain ; et à une destitution de la gratuité, de la contingence ou de la faille inscrite dans les compacités. Ou encore, elles oeuvrent à une rétrocession des entreprises historiques, des édifications existentielles, des inscriptions (trans) générationnelles et des élaborations anthropiques qu’elles permirent antérieurement. De surcroît, l’opérativité technoscientifique met en difficulté la symbolique et la symbolisation qui l’embarrassent.

Elle contrevient à la sublimation du désir en actualisant diverses pulsions ; s’attelle à une extériorisation de l’intimité psychologique et organique ( anatomique ) et livre subséquemment l’homme au néant.

De là notre inquiétude face à la réalisation des phantasmes et des imaginaires ; correspondant, nous semble-t-il, à l’irréalisation de l’homme à sa source, de l’humanité en son essence, des limites en leurs références identitaires, de la différenciation en son effet humanisant ( culturel ) et pacificateur, et de l’autre en sa présence – au profit de mots ambigus ( conceptus ), de statuts arbitraires, de possibles fantaisistes, de continuums chaotiques, de virtuels insignifiants, de répondants manipulés ou de clones aliénés. Et nous retrouvons cette appréhension dans l’interrogation de M. Vacquin : « L’humanité, elle, avait perdu ce qu’elle a peut-être de plus précieux : la métaphore, l’arc de représentation qui empêche la voûte du ciel de se fracasser sur nos têtes. L’enfer du dedans avait surgi à la surface de la terre. / L’irruption dans la réalité des impulsions les plus élémentaires mit à mal le langage humain lui-même (…) Au 20°, ce qui progressivement caractérise (…) les productions humaines, c’est l’avancée (…) de l’abstraction./ Congélation d’embryon (…), rabattement de la question du semblable sur celle du même indiqueraient-ils que nous sommes passés de l’autre côté du miroir, là où l’abolition de la métaphore transforme celui-ci en glace, et le verbe en sigle ?»

18

. En fait, tous et chacun différemment, nous sommes confrontés à la recherche du sens. Quête ou préoccupation recouvrant un souci : de l’humain et de la souffrance – du but ultime ou de la destination finale. Question à laquelle les religions répondaient jadis en allégories : évoquant une Raison ( causale, finale et destinale ) attendant que se réalise l’Homme pour se révéler dans sa Vérité et en son But. Répondant de la sorte ( en paroles et symboles ), elles ébauchaient une trajectoire méritoire et dépeignaient une essence humaine contraignante, requérante et éclairante. Et semblablement procédèrent sagesses anciennes et philosophies naissantes : la parole mythique autorisait une articulation des divers pans de réalité. Ou encore, comme le dit si justement J. Vons, : « (…) quand le logos – la parole dialectique et argumentative – se révèle impuissant à éclairer les questions de l’homme sur l’origine de la vie, sur la mort et l’après-mort, sur le sens à donner à la vie, le muthos – la parole fictive – se présente comme un substitut du raisonnement en faisant appel à la suggestion et à l’image, en mettant en quelque sorte l’imagination à égalité avec la raison.

Le recours aux histoires mythiques montre que l’imaginaire peut être stimulant et être source de découverte et de compréhension du monde, des autres et de soi-même, dans la mesure où ces histoires se prêtent aux additions, aux variations, aux interprétations.»

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. Partant, les mythes mettaient en scène l’indicible et concomitamment exprimaient l’Hubris pour le dévider de sa force explosive. Ils structuraient et hiérarchisaient l’ensemble des classifications et représentations humaines : du microcosme organique au macrocosme cosmique – englobant procréations ou généalogies, sociétalité (s) , anthropologie (s) , cosmologie (s) et théogonie (s) ou théologie (s) . Ils régissaient les pluralités mondaines, les diversités spécielles, individuelles et personnelles, mais aussi les contradictions factuelles, les observations ou les phénomènes inconciliables, les explications antithétiques, les logiques contradictoires, les antagonismes naturels et les dualités humaines – donnant sens, dessinant les conduites et bornant les lieux de l’Etre et de l’agir…

Puis, les savoirs repoussèrent l’imaginaire. Et les instruments optiques et les appareils de mesure firent reculer l’invisible et l’intangible. Enfin, l’efficience technique réduisit les démissions tandis que la rationalité et les conceptualisations supplantèrent l’allégorie. Peu à peu l’emprise politique se délivra des dieux et l’homme fut rendu à sa condition : le Sacré s’est dévidé de son sens et le Transcendant retiré – entraînant cependant inopportunément le sacral en son retrait. Par suite, les limites de l’agir reculèrent et s’effacèrent. Et l’homme s’est trouvé en cette délivrance : au-delà du chaînon insignifiant pris dans une Communauté qui l’ignore ; au-delà de l’image peu ou prou assignée et obligée par un Créateur qui le transcende et finalement l’insignifie ; au-delà de l’objet soumis aux forces naturelles qui l’écrasent ; au-delà de sa ponctualité et de sa factualité. En l’occurrence, savoirs, sciences, techniques et projets humains ( ou projets d’humanité ) se sont élevés contre l’impuissance et ont initialement offert aux existences une certaine densité. Pouvoir de faire et savoir-faire ont fait reculer les souffrances.

Cependant ou parallèlement, au langage du «sens» mythique répond presque exclusivement désormais le langage du «vrai» scientifique ou de l’opérativité technique – réactivant de la sorte la question de la

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Frankenstein, ou les délires de la raison, p. 179.

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Mythologie et médecine, p. 3-4.

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