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La transplantation rénale en 2046 : avenir et perspectives 夽
Renal transplantation in 2046: Future and perspectives
M.-O. Timsit
a,∗,b, J. Branchereau
c, R. Thuret
d,e, F. Kleinclauss
f,g,haServiced’urologie,hôpitaleuropéenGeorges-Pompidou,AP—HP,20,rueLeblanc, 75015Paris,France
bUniversitéParis-Descartes,75006Paris,France
cServiced’urologieettransplantation,CHUdeNantes,44000Nantes,France
dServiced’urologieettransplantationrénale,CHUdeMontpellier,34090Montpellier,France
eUniversitédeMontpellier,34090Montpellier,France
fServiced’urologieettransplantationrénale,CHRUdeBesanc¸on,25000Besanc¸on,France
gUniversitédeFranche-Comté,25000Besanc¸on,France
hInsermUMR1098,25000Besanc¸on,France
Rec¸ule22aoˆut2016;rec¸usouslaformeréviséele24aoˆut2016;acceptéle25aoˆut2016 DisponiblesurInternetle21septembre2016
MOTSCLÉS Bio-ingénierie; Immunomodulation; Médecine
régénérative; Rein;
Tolérance immunitaire; Xénotransplantation
Résumé
Objectif.—Rapporterlesprincipalesévolutionspouvantmarquerl’évolutiondelachirurgiede latransplantation.
Matérieletméthode.—Une recherche bibliographique exhaustive à partir de Medline (http://www.ncbi.nlm.nih.gov) et Embase (http://www.embase.com) a été réalisée entre 1960et 2016en utilisantles motsclés suivantsen combinaison :« bio-ingénierie ;immu- nomodulation;médecinerégénérative;rein;toléranceimmunitaire;xénotransplantation».
Les articlesobtenusont étésélectionnés surleurméthodologie, leurlanguedepublication (anglais/franc¸ais)etleurpertinenceparrapportausujettraité.Lesarticlespertinentscités danslesbibliographiesdesrevuesontaussiétéanalysés.Ainsi,5621articlesontétéidentifiés dont2264pourlaxénotransplantation,1058pourlamédecinerégénérativeetpour2299pour l’immunomodulation.Aprèséliminationdesdoublonsetsélectiondesarticles,86articlesont étérevusetsélectionnés.
Résultats.—La xénotransplantation vascularisée reste encore confrontée à des obstacles majeurs dus à la discordance d’espèce malgré les progrès de manipulation génétique. La difficulté d’acceptation psychologique d’un xénotransplant par les receveurs potentiels et
夽 Cetarticlefaitpartieintégrantedurapport«Lesurologuesetlatransplantationrénale»du110econgrèsdel’Associationfranc¸aise d’urologierédigésousladirectiondeFranc¸oisKleinclauss.
∗Auteurcorrespondant.
Adressee-mail:marc-olivier.timsit@aphp.fr(M.-O.Timsit).
http://dx.doi.org/10.1016/j.purol.2016.08.023
1166-7087/©2016ElsevierMassonSAS.Tousdroitsr´eserv´es.
le questionnement éthique lié à cette considération utilitaire de la vie animale sont des freins majeursàson développement.Lamédecine régénérative etle développementde la bio-impressiontridimensionnelle permettentdésormaisd’implanteravecsuccèsdesorganes fonctionnelssimples.La bio-ingénierie,quireposesur lacréation d’unematriceacellulaire secondairementcoloniséepardescellulespluripotentes,puisassembléedansunbioréacteur, seheurteàlacomplexitédel’unitérénalemaislesprogrèsconsidérablesdesdernièresannées laissententrevoirsonénormepotentiel.Lesprotocolesd’inductiondelatoléranceimmunitaire, pardéplétionlymphocytaired’inductionougreffedemoelleconcomitantehaplo-identique, apportentdesrésultatsconvaincants.
Conclusion.—Lesaxesactuelsderecherchevisantàaugmenterlenombredereinsdisponibles pourtransplantation(xénotransplantationetreinsbio-artificiels)etàallongerladuréedevie dutransplantparinductiond’unetolérance immunitaire,laissententrevoirl’avenirenthou- siasmantdelatransplantationrénalequiamélioreracertainementlasurvieetlaqualitédevie despatientsatteintsdemaladierénalechroniqueterminale.
©2016ElsevierMassonSAS.Tousdroitsr´eserv´es.
KEYWORDS Bioengineering;
Immunomodulation;
Kidney;
Tolerance;
Regenerative medicine;
Xenotransplantation
Summary
Objectives.—Toreportmajorfindingsthatmaybuildthefutureofkidneytransplantation.
Material and methods.—Relevant publications were identified through Medline (http://www.ncbi.nlm.nih.gov) and Embase (http://www.embase.com) database from 1960to2016usingthefollowingkeywords,inassociation,‘‘bio-engineering;heterotransplan- tation; immunomodulation; kidney; regenerative medicine; xenotransplantation’’. Articles were selected according to methods, language of publication and relevance. A total of 5621articles were identified including2264for xenotransplantation, 1058for regenerative medicine and 2299 for immunomodulation; after careful selection, 86 publications were eligibleforourreview.
Results.—Despitegenetic constructs, xenotransplantation faces the inevitable obstacle of species barrier. Uncertainty regarding xenograft acceptance by recipients as well as ethi- calconsiderations dueto thedebatable utilization ofanimal lives, aremajorlimitsfor its future. Regenerative medicine and tridimensionalbioprinting allow successful implantation oforgans.Bioengineering,usingdecellularizedtissuematricesorsyntheticscaffold,seeded withpluripotentcellsandassembledusingbioreactors,provideexcitingresultsbutremainfar forreconstitutingrenalcomplexityandvascularpatency.Immunetolerancemaybeachieved throughatoughinitialT-celldepletionoracombinedhaplo-identicalbonemarrowtransplant leadingtolymphohematopoieticchimerism.
Conclusion.—Currentresearchesaimtoincreasethepooloforgansavailablefortransplanta- tion(xenotransplantsandbio-artificialkidneys)andtoincreaseallograftsurvivalthroughthe inductionofimmunetolerance.Reportedresultssuggesttheonsetofathrillingnewerafor renaltransplantationprovidingend-stagerenaldisease-patientswithanimprovedsurvivaland qualityoflife.
©2016ElsevierMassonSAS.Allrightsreserved.
Introduction
DepuislestravauxdeJaboulayetBriauen1896[1]etles transplantationsréalisées parKussetal.[2] ilya60ans, forceestdeconstaterquelesprogrèschirurgicauxentrans- plantationrénaleontétélimités.Alorsqueles30dernières années ont vu l’émergence de nouveaux immunosuppres- seurs,etquelapriseenchargemédicaledescomorbidités apermisd’étendrelesindicationsdelatransplantation,il restetoujoursnécessaire:depréleverunorganehumain, de le transplanter chirurgicalement chez un receveur et de mettre en place un traitement modulant la réaction
immunitairedel’hôteauprixd’effetssecondairesplus ou moinsmarqués.
Pour autant, les nombreux travaux de recherche en transplantation, l’apparition de l’impression 3D [3,4], les progrèsenthérapiecellulaireetenmédecinerégénérative [5,6]laissentespérer l’émergence denouvellesstratégies dans les décennies à venir. Se placer dans une perspec- tivedetroisdécenniesesttoujoursrisqué:lesplusgrands romanciers, comme les plus grands réalisateurs de films d’anticipation,de H.G.Wells [7]à Stanley Kubrick [8] et JohnCarpenter[9,10],ontéchouéàdécrirelefuturproche, imaginant des progrès bien trop rapides et une science
beaucoupplusavancéequelaréalitéquenousconnaissons désormais.
Pourtant,ilnoussemblefondamentaldeclorecerapport parunemiseenperspectiveetunevisionanticipativedela transplantation rénale. Ainsi, l’objectif de cet article est d’exposerles autresfac¸onsd’envisager la transplantation etdefairelepointsurles3chimèresdetoutchercheuren transplantation:laxénotransplantation,l’ingénieriecellu- laire(médecinerégénérative)etl’inductiondelatolérance immunitaire.
Matériel et méthode
UnerecherchebibliographiqueexhaustiveàpartirdeMed- line (http://www.ncbi.nlm.nih.gov) et Embase (http://
www.embase.com) a été réalisée entre 1960 et 2016 en utilisant les mots clés suivants en combinaison : « bio- ingénierie; immunomodulation;médecine régénérative; rein; tolérance immunitaire ; xénotransplantation ». Les articlesobtenusontensuiteétésélectionnéssurleurmétho- dologie,leurlanguedepublication(anglais/franc¸ais),leur pertinence par rapport au sujet traité (rein exclusive- ment)etleurdatedepublication.Lesétudesprospectives et rétrospectives en anglais et en franc¸ais, les articles de sciences fondamentales (nécessaires, compte tenu du sujet) et articles de revue ont été sélectionnées. Les articlespertinents citésdans lesbibliographies desrevues et non identifiés préalablement ont aussi été analysés.
Ainsi, 5621 articles ont été identifiés dont 2264 pour la xénotransplantation, 1058 pour la médecine régénérative et 2299 pour l’immunomodulation. Après élimination des doublons et sélection des articles dont le texte intégral étaitdisponibleparlesabonnementshospitaliersetuniver- sitaires,86articlesontétérevusetontétésélectionnés.
La xénotransplantation Résultats rapportés
Laxénotransplantation,outransplantationd’organesentre individusd’espècesdifférentes,n’estpasunconceptnou- veau puisque les premières tentatives de transplantation d’organesvascularisésontétérapportéesparAlexisCarrel etson maître Mathieu Jaboulay en1902 et1906 [11,12].
Les premières xénotransplantations chez l’homme débu- tèrent en 1964, par Reemtsma et al. qui tentèrent la transplantation de rein dechimpanzé avec une surviede
9 mois pour un patient qui décéda des complications de l’immunosuppression[13,14].Lespremièresexpériencesde xénotransplantationfurentessentiellementcentréessurle primate du fait de sa proximité d’espèce avec l’homme (Tableau 1).Toutefois,leséchecsinitiaux successifsn’ont pas contribué au développement de cette technique. La discordanced’espècesétaitalorsàl’originederejetsmas- sifsetquasi-immédiatsdesxénotransplants.Maisdepuisune quinzained’années,lesavancéesmédicalesdansledomaine de l’immunologie, de la génétique, et du clonage, ainsi quel’avènementdenouveauxtraitementsimmunosuppres- seurs ont donné un nouvel essor à la xénotransplantion.
Dans ce cadre, le porc est considéré comme un animal de choix en tant que donneur d’organe du fait de sa facilité d’élevage, d’une anatomie et d’une physiologie compatibles avec la transplantation chez l’homme. Les primates initialement envisagés comme donneurs ne le sont plus du fait du risque de transmission de rétrovirus [15] et de considérations éthiques. En revanche,dans ce contexted’étudesprécliniques,lesprimatesnonhumains, telsquemacaques,babouins,constituentdebonscandidats receveurs,pour l’expérimentationanimaleprésentantune importante homologiegénétique (93%) etimmunologique avecl’homme(Tableau2).
Néanmoins,labarrièreimmunologiqued’espèceesttelle quelesorganestransplantéssontsoumisàdesrejetsquasi- immédiats très puissants, avec un risque de transmission viraleinter-espècequidemeure.
La xénotransplantaion : un défi physiologique
Lereindeporcest,parrapportàl’ensembledesmammi- fères,celuiquiprésenteuneanatomieetuneorganisation histologique multipyramidaleavec cortexindiviséles plus prochesdecellesdel’homme[16].Dufaitd’une tailleet d’unpoidscomparables,l’hypothétiquetransplantationde reindeporcchezl’hommeneposeraitaucunproblèmetech- nique et pourrait être réalisée sur les vaisseaux iliaques externes dans l’espace extrapérironéal comme pour une allogreffe.Les taux sanguinsd’uréeetde créatininesont identiquesetcomparables dans lesdeuxespèces. Lapro- téinuriephysiologiqueduporcestde0,4mg/mmavecune concentration maximale de 2,7g/L. Le porc a moins de perteshydriquesphysiologiquesetunemoindrecapacitéde concentrationurinaire,decefait,ilprésenteunepolyurie modérée(2à4L/j)comparativementàl’homme.Deplus, cette polyuriepourraitêtre majorée dans cecontexte de xénotransplantationdufaitd’uneplusfaiblesensibilitédu
Tableau1 Xénotransplantationd’organesvasculariséschezl’homme.
Année Auteurs Animaldonneur Organegreffé Survieobtenue
1964 Reemstaetal.[14] Chimpanzé Rein 9mois
1964 Hitchcocketal.[86] Babouin Rein 4jours
1964 Starzletal.[87] Babouin Rein 2mois
1964 Hardyetal.[88] Chimpanzé Cœur 2heures
1969 Gilesetal.[89] Chimpanzé Foie 14jours
1977 Barnardetal.[90] Chimpanzé Cœur 4jours
1985 Baileyetal.[91] Babouin Cœur 4semaines
1993 Starzletal.[92] Babouin Foie 14jours
Tableau2 Transplantationsporcineschezleprimate.
Année Auteurs Receveur Greffonporcin Survie
1993 Leventhaletal.[93] Babouin Coeur 2h
1994 O’Hairetal.[94] Babouin Coeur 24h
1994 Kawauchietal.[95] Macaque Coeur 30min
1995 Kaplonetal.[96] Babouin Cœur <82h
1995 Kaplonetal.[97] Cynomolgus Poumon 7—9h
1995 Mageeetal.[98] Cynomolgus Coeur 2h—7jours
1996 Kobayashietal.[99] Babouin Coeur 15—40min
1996 Luoetal.[100] Babouin Foie 2h
1997 Shahetal.[101] Babouin Poumon <4h
1997 Artripetal.[102] Babouin Coeur 6jours
1998 Minanovetal.[103] Babouin Coeur 6jours
1998 Yeatmanetal.[104] Babouin Poumon <30min
1998 Daggettetal.[105] Babouin Poumon <30min
rein porcin à l’hormoneantidiurétique humaine [16]. Les constantesvitalestellesque pressionartérielleettempé- raturecorporellesontplusélevéeschezleporc.L’équilibre acidobasique del’homme est de7,42 tandisque celui du porcestunpeuplusalcalinà7,48.Cesvariationspourraient entraîner une modification des cinétiques enzymatiques d’unxénotransplantdeporcchezl’homme.
Enrevanche,lesxénotransplantationsdereinsdeporcs chezleprimaten’entraînentquetrèspeudemodifications delaphysiologierénale[17],cequiestfavorableàlaréa- lisationdesmodèlesexpérimentauxcitésdansleTableau2 maiscequilimitetoutdemêmelatranspositiondesrésul- tatsàl’homme.
La problématique de la cascade de coagulation
Enxénotransplantation,lerejetestmarquéparuneactiva- tionincontrôlabledelacoagulationàl’originedemultiples thrombi-vasculairesetdecoagulationintravasculairedissé- minée (CIVD)allant jusqu’àl’infarcissement durein [18].
Cette réaction explosive laisse supposer qu’il existe une réelle incompatibilité des mécanismes de régulation de l’hémostase primaire en raison d’une différence molécu- laire inter-espèce [19]. Ces altérations de la coagulation touchentprobablementlesmécanismesderégulationdela fibrinolyse, la protéine C et le facteur tissulaire. Cepen- dant, le débat demeure sur la cause du déclenchement de ces troubles de l’hémostase qui pour beaucoup sont des conséquences de l’engagement du rejet vasculaire.
Lestechniquesdetransgénèseontpermisl’introductionde moléculeshumainesrégulantlacoagulationtelleshCD39au sein du génome des porcs donneurs [20]. Ces données laissententrevoirlenécessaireassortimententrexénotrans- plantation et médecine régénérative dont nous parlerons plusloin.
Quel risque infectieux en xénotransplantation ?
Laxénotransplantationposeleproblèmedelatransmission viraleinter-espèce,aveclerisquepotentieldetransmission, voire de propagation de nouveaux xénovirus à l’homme.
De ce fait, les primates ne peuvent être utilisés comme
donneurs, car le risque de transmission de rétrovirus est majeurdufaitdelaproximitéd’espèces.Lechoixduporc comme donneur n’écarte pas tout risque infectieux. Les retrovirusendogènedeporc(PERV)sontdesséquencesADN proviralesdisséminéesdanslegénome,pouvants’intégrer augénomedeleurhôtesousformed’ADNproviraletdonc setransmettresurunmodemendélien[21].Cesséquences pourraientalorsserecombineravecdesséquencesrétrovi- rales.LetropgrandnombredePERVempêchepourl’instant delesexcluretouspardestechniquesdetransgénèseoude KO[22].IlfautnéanmoinssoulignerquesilesPERVpeuvent s’intégrerinvitroaugénomehumain[21],ilsnesemblent pas faire de même in vivo [23,24]. Il n’y a jamais eude transmissiondePERVàl’hommelorsdel’utilisationdecel- lulesporcines au cours de protocoles cliniques [25,26] et mêmeencasdetransmissiondePERV,celle-cines’avérait paspathologique[27].
Les limites éthiques et psychologiques à la xénotransplantation
Larechercheenxénotransplantationnepeutsejustifierque silespatientsacceptentceconcept.Uneéquipeespagnole [28]avait proposé un sondageauprès de 2618 personnels hospitaliersenEspagne,àCubaetauMexiqueetrapportait 61%d’opinionfavorable;alorsque9%despersonnesinter- rogéesétaientopposéesàlaxénotransplantation,30%des sondésn’étaientpascapablesdeseprononcer,avanc¸antun manquedeconnaissances sur le sujet neleurpermettant pasde juger des risques réels etdes conditionsde réali- sation. Lesmédecins, en particulier à Cuba, étaient plus favorables à la xénotransplantation que lesautres agents hospitaliers,cequisuggèrequelespatientspourraientêtre encoremoinsconvaincus. C’est d’ailleursunedes conclu- sions d’une grande enquête nationale menée au Canada [29].
L’obstaclereligieuxpourraitaussiposerproblème;tou- tefois, le Talmud et lesprincipes de protection dela vie humaineconduisentàl’acceptationdelaxénotransplanta- tiondans le judaïsme [30] dans la perspective de sauver uneviehumaineoudetraiterunemaladie[31].Lesmêmes considérationssemblentprévaloirdansl’islam[32,33].
Reste l’obstacle éthique à nos yeux le plus insurmon- table : quelle justification pour l’utilisation de la vie animale?Pourlesmêmesraisonsquelesacrificed’animaux en recherche expérimentale [34], la xénotransplantation impliquedessouffrancesinfligéesauxanimaux(soinsmédi- caux,chirurgie)maisrajoute leproblème éthiquedeleur élevageàdesfinsd’utilisationd’organe.Deplus,laproblé- matiquedelaxénotransplantation,parcequ’ellenécessite desgrosanimaux,soulèvelaquestiondébattuedelaconsi- dérationhiérarchiquedes êtresvivants (lesacrifice d’une sourisapparaît pour la plupart, de fac¸on très discutable, moinsproblématiquequeceluid’unchienoud’unbabouin).
Bien sur, la vigilance des institutions et le haut standard mondialsurlarecherchegarantissentdésormaisdescondi- tions de réalisation idéales de la chirurgie animale, avec une attention particulière sur le confort des animaux et lagestiondustressetdeladouleur[35].Maisdansl’état actueldesconnaissances,lesrésultatsmédiocresdelaxéno- transplantationnepermettentpasdejustifierlaplupartdes procéduresanimales.
Le défi immunologique de la xénotransplantation
Lesporcs,commelamajoritédes mammifèresautresque primatesdel’ancienmondeethumains,exprimentdefac¸on constitutive sur leur surface endothéliale l’antigène (Ag) alpha1.3galactose(Gal)synthétiségrâceàl’enzymealpha- galactosyltransférase(␣GT).Chezl’hommeetlesprimates del’ancienmonde,cetteenzymeestnonfonctionnelle;il enrésultequecesderniersn’exprimentpasl’AgGal,mais développentenretourdesxéno-anticorpsnaturelsanti-Gal.
Ainsi,distingue-t-ondeuxtypesdexénotransplantation,une dite«concordante»oùiln’existe pasd’anticorpspréfor- més: donneuret receveurexprimentle Gal (hamstersur rat);etunedite «discordante »oùlereceveurprésente desanticorpspréformés,commedansnotremodèledeporc surbabouin.
Conclusion
Laxénotransplantation vasculariséereste encoreconfron- téeàdesobstaclesmajeursdusàladiscordanced’espèce aucunement résolue pour l’instant par les manipulations génétiquesdes donneurs,voire même aggravée parcette modification. Manifestement, la modification du vivant s’avèrebeaucouppluscompliquéequelasimpleadjonction ousuppressiondegènesquiprobablementpeuventgénérer desdéséquilibresinattendus.Laxénotransplantationvascu- larisée demeure uniquement un sujet de recherche mais il n’en est pas de même pour les xénogreffes cellulaires commele démontrent les nombreux essaisen cours chez l’Hommedegreffed’îlotsporcins[36].Ainsi,lacombinai- sonentrelesproduitsdérivésd’animaux(cellules,matrices extracellulaires)aveclestechnologiesdemédecinerégéné- rativeetd’ingénierietissulairepourraitreprésenterlaseule voied’avenirdelaxénotransplantation.
Bio-ingénierie et médecine régénérative
AntonyAtala,lepapedelamédecinerégénérative,initiale- mentinstalléauChildren’shospitaldeBostonetdésormais
àlatêteduplusgrandlaboratoiremondialdanscedomaine au sein de laWake Forestuniversity (Winston-Salem,NC, États-Unis),déclararécemment,dansuneinterviewpubliée dansTransplantation[37],queles3applicationsprincipales potentiellesdelabio-ingénieriedansledomainedelatrans- plantationétaient:
• l’utilisationde«body-chips»,c’est-à-dired’organismes humanoïdesminiatures,permettantdetesterl’efficacité oulatoxicitédedroguessurl’ensembleducorpshumain modélisé(etspécifiquedechaquepatient);
• la fabrication d’organes entiers combinant l’ingénierie cellulaireetl’utilisation dematrices d’organesà partir d’animaux, d’impression3D, oude cellules souches de l’hôte.C’estlabio-impressiond’organes(bioprinting)ou encorel’utilisation de «gaufrettes organiques »(organ wafers)pouvantsuppléerunorganeoustimulersonfonc- tionnement;
• l’utilisation de cellules souches humaines ou animales génétiquement modifiées par la technique de cluste- red regularly interspaced short palindromic repeats (CRISPR). Cette technique représente une amélioration destechniquesdethérapiecellulairequiontdéjàmontré leurefficacitédans letraitement des maladiesrénales, commel’utilisationdecellulessouchesissuesdelamoelle osseusepourlarégénérationpodocytaire[38].
LadeuxièmestratégiecitéeparAtala,parcequ’ellevise àreconstituerlereincommeorganeentier[5],estcellequi nous concerne le plusdans le cadrede latransplantation rénale.Ellefaitfaceàdenombreuxobstacles:laquantité impressionnantedecellulesnécessaires(plusieursmillions), lacombinaisondedifférentstypescellulairespourassurerla viabilitédel’organe,lalongévitélimitéedel’ensembleetla nécessitédedevoirpréserveretoxygénerl’organeartificiel ainsicrééenvuedesonutilisationultérieuredansunorga- nismevivant[37].Ainsi,l’élaborationd’unreinbio-artificiel pourraitêtreschématiséeen3étapes:
• lacréationd’unematriceouéchafaud(«scaffold»);
• lacolonisation decette matrice pardes cellules issues dureceveur,mésangiales,endothéliales,podocytaireset épithéliales;
• lamaturationetpréservation del’organeartificieldans unbioréacteurpermettantsondéveloppementetsapré- servationavantl’implantation[6].
On pressent déjà, à l’énoncé simplificateur de ces étapes,ladifficultéderecréerunorganeaussicompletque le rein, doté de fonctions régulatrices et endocriniennes complexes.
Création de la matrice, ou « scaffold »
Lapremièreétapedanscedomaineaétéledéveloppement de reinsartificiels externes, nonimplantables, combinant latechnologiedefiltrationclassiquedeladialyseavecdes culturesdecellulesdutubecontournévisantàaméliorerle traitementdesuppléance.UnessaidephaseIIavaitvalidéle modèle[39]etl’améliorationdesfiltressynthétiquesetdes cellulesutiliséespourraitpermettrel’obtentionderésultats plusprobants.
Une avancée marquante dans la création d’organes bio-artificielsaétéétablieparl’équipechirurgicalecardio- logiqueduMGH (MassachussettsGeneralHospital, Boston,
MA, États-Unis)[40] lors de la mise au point de la tech- niquededécellularisationparperfusion.Ainsi,laperfusion intracoronairedeproduits«détergents»permitl’obtention d’unematricecardiaqueutilisable,acellulaire,perfusable, avecunegéométriepréservéeetunappareilvalvulairefonc- tionnel.Defac¸on analogue,l’utilisation decettestratégie conduitàl’obtentiondematricesrénales[41,42]qu’ilest ensuite possible de repeuplerpar des cellules souches et descellulesdifférenciées,toutenintégrantdesfacteursde croissanceetdesmoléculesd’adhésion.
Cette stratégie séduisante nécessite cependant le rein d’un donneur, humain ou animal, contrairement à l’impression tridimensionnelle permettant de synthétiser entièrement,àbascoût,unestructurefibrocellulaire.Ainsi, l’utilisationdelatechnologiede«bioprinting»[3,4,43]per- met:deconcevoirintégralementl’organe,dedessinerson architectureetdemettreenplacedesstructurescellulaires et matricielles dans une configuration tridimensionnelle.
L’équiped’Atalaadéjàréussiàcombinerdifférentstypes cellulaires (cellulessouches basales,cellules musculaires, cellules endothéliales) placés chacun dans une cartouche d’encre pour obtenirdes structuresmulticellulaires tridi- mensionnelles viablesetvasculariséesin vivo avecsuccès [44].
Ensemencement cellulaire
Alorsquelatechniquedebio-ingénieriepermit àl’équipe d’Atalademettreaupointunevessieartificiellecontractile [45] ou des segments urétraux viables [46], la comple- xité rénale pose, elle, de nombreuses difficultés pour l’ensemencement tissulaire de la matrice préalablement obtenue. Alors que chaque unité rénale contient plus d’un million denéphrons, ces derniers sont constitués de nombreux types cellulaires hautement différenciés ; non seulement le néphron combine des types cellulaires dif- férents (cellules épithéliales, mésangiales, endothéliales, podocytes,etc.)maisenplusladiversitéfonctionnelleau seindes typescellulaires estconsidérable :lespropriétés membranaires ou le contenu mitochondrial d’une cellule épithéliale dutubule proximal oud’une cellule de l’anse deHenlésont,parexemple,trèsdifférents.Sil’utilisation decellulessouchesembryonnairespermet,enpartie,decir- conveniràlavariabilitédestypescellulaires[47],subsistent deuxproblèmesdetaille:guiderladifférentiationdeces cellulespluripotentesdansuneconformationtridimension- nellespécifiquepermettant leurinteractionphysiologique etobtenirdesquantitésconsidérablespermettantd’espérer obtenir une structure fonctionnellement efficace pouvant suppléerlafonctiondemillionsdenéphrons[6,44,48].
Assemblage de l’organe bio-artificiel
Assemblerentroisdimensionsdescouchesdecellulestubu- lairesetdel’endothéliumestunexploit...maisquireste encore loin de la création d’une unité rénale capable de filtrerplusieursdizainesdemillilitresdesangparminute, des’adapter au débit del’artère afférente,deréguler la tension artérielle par sécrétion endocrine, de compenser des désordres hydroélectrolytiques, etc. Jusqu’à présent, les implantations d’organes bio-artificiels (trachée, ves- sie,vaisseauxsanguins)restaienttechniquementsommaires
dans le sens où bien qu’associant plusieurs types cellu- laires,lavascularisationsefaisaitpardiffusion[45,49,50]; ils’agissaitdegreffesetnondetransplantations.
Dansunepublicationtrèsaboutie,l’équipeduMGHrap- portaen2013,dansNatureMedicine[51],lepremiersuccès de régénération de reins de rat décellularisés par perfu- sion;eneffet, lesmatricesrénales acellulairesobtenues ont été incubées avec un perfusat de cellules endothé- lialeshumaines embryonnaires(HUVEC)etunesuspension intra-urétérale de cellules tubulaires de rat. L’utilisation d’unincubateurendépressioncréantungradientdepres- sionpermettait de faire diffuser ces cellules tubulaires à l’ensembledelastructure.Invitro,lesreinsainsi«repeu- plés»présentaientunearchitecturefonctionnelle,avecune fonctionexcrétoiremaisaussiunefonctionderéabsorption (parexemple, letaux deréabsorption duglucoseétaitde 43 % environ par rapport aux reins contrôles). Transplan- tésde fac¸on orthotopique invivo, ces reins bio-artificiels ontétécorrectementvascularisésetontexcrétédel’urine avec une fonction de concentration relative (c’est-à-dire avecune différencesignificativeparrapport auxmatrices acellulairesimplantéesdanslegroupesham).
Les perspectives
Lesdéfis quirestent à relever pour la synthèse d’unrein bio-artificielsontnombreux.Toutd’abord,lesprocédésde décellularisation parperfusion [6] restent délicats etnon standardisés.Ensuite,cesderniersprésupposentl’obtention d’unorganed’undonneuravecunearchitecturepréservée.
Dansle contexte où lamédecine régénérativevise à pal- lier la pénurie d’organes, il convient de trouver d’autres sourcesde « scaffold », soit par bioprinting, soit en uti- lisant des reins animaux pour combiner les stratégies de xénotransplantationaveccellesdebio-ingénierie.
Par ailleurs,il convientdetrouver des cellules idéales pour repeupler ces reins fantômes. La réponse viendra peut-êtredescellulessouchespluripotentesinduitesparla stimulationdescellulesembryonnaireshumaines[52](indé- pendamment du débat éthique entourant l’utilisation de ces dernières) ; toutefois, il serait nécessaire de pouvoir assurerune reprogrammationgénique deces cellules afin d’inhiberleurs propriétés oncogéniques [6,53]. Une autre optionseraitdepouvoirrepeuplerlesmatricesinvivopar lescellules de l’hôte [54] ;si celaest envisageable pour une structure cartilagineuse ou vasculaire, on peut ima- giner lesdifficultés àrégénérer unreinbio-artificielchez un patient atteint de maladie rénale chronique et d’une pathologiecausaledélétère (diabète,hypertension,etc.).
Pourtant,l’utilisationdecellulesissuesdureceveurgaran- tiraitlatoléranceimmunitaire.
Une autreproblématique résidedansla vascularisation durein;lesmodèlesd’implantationd’organesbio-artificiels perfusésse sontsoldés àcourtterme pardes thromboses vasculaires[6,55] car l’obtention d’une micro- et macro- vascularisationperméable,dotéedepropriétéscontractiles etélastiquesestobligatoire.Lemodèlerécemmentpublié [56]d’essaimageendothélialdematricesvasculairesdécel- lularisées est, à cet égard, prometteur : en utilisant un moule de polycaprolactone, les auteurs étaient capables defigerl’architecturemicrovasculairerénale,del’utiliser pour concevoirune matrice« template »secondairement
ensemencée de cellules endothéliales et assemblée dans des matrices d’hydrogel. Les auteurs concluent en affir- mant qu’il s’agit d’une technique finalement simple et économiquepour copierla microvascularisationrénale et l’intégrerdanslesmodèlesd’organesbio-artificiels,afinde luttercontrecetteinévitablethromboseprécoce.
Enfin, la possibilité de créer un rein bio-artificieldoit s’accompagnerdelapossibilitédeleconserver,cequiest loin d’être simple puisque globalement, lesmodalités de préservationdutransplanten2016(liquidedeconservation etmachinesdeperfusion) sonttrès imparfaitesetnedif- fèrentquetrèspeudecellesétabliesparBelzeretKountz en1968[57].
Immunomodulation et tolérance
Silatransplantationrénale estletraitementdechoixdes défaillancesrénalesterminales,elleseheurtetoujoursau phénomènedenéphropathiechroniqued’allogreffe(NCA), entraînant la pertedu transplantavec parfois des consé- quences gravissimes pour le patient. En effet, l’organe est reconnu comme étranger par l’organisme receveur qui met en œuvre un processus complexe, composé de mécanismesetd’acteursmultiplesquiaboutissantàlades- truction dugreffon (cf.article «Aspects immunologiques etimmunosuppressionentransplantationrénale,transplan- tationsrénalesABO-etHLA-incompatibles»).L’utilisation d’immunosuppresseurs non spécifiques lors de la trans- plantation d’organe a significativement réduit l’incidence du rejet aigu. Cependant, les bénéfices de tels traite- ments en termes de NCA ou de survie à long terme des greffons sont incertains. De plus, la création d’un état d’immunosuppression «excessif » permanent,est associé à une toxicité et une morbidité non négligeables, avec uneincidenceaccruedecancerscutanés,degammapathies monoclonales,d’infectionsopportunistesetdepathologies cardiovasculaires.
Induire la tolérance
Le « Saint Graal » de la recherche en transplantation est donc l’induction d’un état de tolérance, c’est-à- dire un état d’acceptation à long terme du greffon par le système immunitaire du receveur. Ainsi, les fonctions anti-infectieuses,antivirales et antitumorales du système immunitaireseraientconservées,limitantleseffetssecon- dairesobservéslorsd’uneimmunosuppressionplusglobale.
Ladéfinition immunologique dela tolérance comprend la survieetfonctionprolongéedel’organeoudutissugrefféen l’absenced’immunosuppression(sansconsensussurladurée defonction),l’absenceconfirméedelaréponseallogénique biologique contre le donneur et absence d’altération his- tologique de l’organe [58]. D’un point de vue pratique, enclinique, seules la survie etla fonction prolongées de l’organetransplanté ont une importanceet définissentla tolérancediteopérationnelle[59,60].
Les bases immunologiques de la tolérance ont été décrites par Billingham et al. [58], Hasek et Hraba [61]
et Owen [62]. Ils ont ainsi mis en évidence, dans dif- férents modèles expérimentaux d’injection d’antigène in utero,l’existence d’unetolérance acquise ettransférable
par injection.Ainsi, le contactd’un systèmeimmunitaire immatureavecdesantigènesétrangersapermisledévelop- pementd’unetoléranceacquisevis-à-visdecesantigènes.
Différentes stratégies précliniques, mimant les méca- nismes de tolérance connus (centraux et périphériques), ontétéélaboréesenrechercheentransplantation.C’estle casnotammentdel’injectionintrathymiquedecellules,de fragmentscellulaires,voiredepeptidesnaturelsousynthé- tiquesduCMHdudonneurchezlereceveur.Laprésentation d’antigènes «donneur »auxlymphocytes Timmaturesau seinduthymusestainsiresponsabled’unedélétionclonale de ces lymphocytes alloréactifs et aboutit à la tolérance vis-à-visdecenouvelantigène[63].D’autresprocédésont ététestésdansdesmodèlesexpérimentauxdetransplanta- tion,commeleblocagedudeuxièmesignaldecostimulation par des anticorps monoclonaux (anti-CD40, anti-CD80 et anti-CD86)oudesprotéinesdefusion(CTLA4-Ig),pouvant induire la tolérance vis-à-vis d’un transplant allogénique [64]. Le mécanisme mis en jeu serait alors l’apparition d’un état d’anergie, c’est-à-dire un état de non-réponse spécifique des lymphocytes T du receveur vis-à-vis de la stimulationantigéniqueallogéniquequisemblecependant êtreinsuffisantpourinduireunetolérancedéfinitivechezles primatescommechezleshumains[65,66].L’utilisationde cellulesrégulatricescommelescellulesdendritiquesimma- turesouleslymphocytesTrégulateurs CD4+CD25+FoxP3, permettant l’obtention d’un état de tolérance dans les modèlesexpérimentaux[67],s’estrévéléedécevantechez les gros animaux et chez l’homme [68]. En revanche, la greffecombinéedecelluleshématopoïétiquesetd’organe susciteunréelespoir[69].
La tolérance spontanée
Cettetolérancespontanéeestunévénementrare,observée laplupartdutempslorsdel’arrêtdel’immunosuppression.
La transplantation hépatique semble le plus susceptible d’aboutiràunetolérancespontanée(jusqu’à20%descas danscertainesétudes)bienquelemécanismedecettetolé- rancesoitencoreinconnu.Ainsi,Orlandoetal.ontrelevé 100casdetolérancedansunecohortede461transplanta- tionshépatiques(soit22%)etenviron100casdetolérance après transplantation rénale ont été rapportés dans le monde [70]. Entransplantation hépatiquepédiatrique, la fréquence des receveurs tolérants approche les 60 %, ce qui témoigne de l’importance ducontact avec l’antigène durantlapérioded’immaturitédusystèmeimmunitaire.Les facteursassociésàlatolérancedanscettepopulationsont l’absencederejetaigu, un«matching »HLA-A etlapré- senced’unepopulationdelymphocytesTrégulateursdans lesangcirculantàdistancedelatransplantation[71].Seuls quelquescasdetolérance aprèstransplantationcardiaque oupulmonaireontétédécritsetaucunaprèstransplanta- tionpancréatiqueouintestinale[60].Cescasdetolérance
«spontanée»sesontrévéléssuiteàundéfautd’observance du patient quiarrête delui même son traitement immu- nosuppresseur[72],ouune intolérance,présenced’effets secondairesoucontre-indicationautraitementimmunosup- presseur ayant conduità la diminution,voire àl’arrêt de celui-ci.Enfin,desessaiscliniques,incluantgénéralement peudepatientsettestantdesstratégies detolérance ont
étémenésetontaboutitàl’obtentiondequelquescasde tolérance[70].
La tolérance spontanée en transplantation rénale est beaucoup plus rare avec seulement une centaine de cas décrits dans le monde soit par non-observance au trai- tement immunosuppresseur ou en cas de transplantation rénaleaprèsgreffedemoelleosseuseoudecellulessouches hématopoïétiques(CH)[70].Lesdeuxpremierscasdetrans- plantation rénale à partir d’un donneur vivant précédées d’unegreffedemoelleosseusepourmaladiehématologique (demêmedonneurquelerein)ontétédécritsparSayegh etal.[73].Danscesdeuxcas,aucuntraitementimmunosup- presseurn’aéténécessaire,lamoelleosseusedureceveur étantdevenuedephénotypedonneur.Ainsi,cettechimère mixteaaboutitàlarestaurationd’unsystèmeimmunitaire de type donneur, considérant le transplant rénal comme appartenant«ausoi».
Protocoles tolérogènes
Dèslesannées1970,Monacoetal.avaientmontrédansdes modèlesexpérimentauxetchezl’hommequel’injectionde moelleosseuseassociéeàunedéplétionlymphocytaireper- mettaitd’améliorerlasurviedesgreffons[74].Aveccette stratégie,plusieursétudesontdémontréunediminutionde rejetaiguouchroniquedanslestransplantationsrénalesà donneurvivant[70]mêmesilemécanismeimmunologique resteincertain[75,76].
Le concept de chimère mixte et l’obtention de tolé- ranceaprèsgreffedemoelleosseuseontconduitdifférentes équipes àdévelopper des essaiscliniquesassociant greffe de cellules souches hématopoïétiques et transplantations rénales donneur vivant [76—79] avec à l’heure actuelle unequarantainedepatients«tolérants»[69].Cesstraté- giesdoiventcependantêtrevalidéesdanslecadred’essais cliniquesprospectifsàgrandeéchelle.Leprogrèsdelabio- logie moléculaire etdu séquenc¸age génétiqueont permis d’identifierchezdespatientstransplantésrénauxtolérants unesignaturegénétiquecomposéede33gènesdontlapré- senceétaitcorréléeàlatoléranceaulongcoursavecune spécificitéde 99 % [80]. Un profilgénétique, différent, a aussi été mis en évidence chez les patients transplantés hépatiquestolérants[81]confirmantainsidesmécanismes différents intervenant dans la tolérance envers un trans- plantrénaletuntransplanthépatique.
Latolérancecomplèteétantdifficileàobtenir,leconcept dela «Prope Tolerance »ou «Presque tolérance »a été proposé par Sir R Calne [82,83]. Il s’agit d’induire une déplétion importante des lymphocytes T alloreactifs à la phased’induction,permettantdediminuersecondairement lesdosesd’immunosuppresseursàdesniveauxtrès faibles sans altérerla fonctionetlasurviedutransplantmaisen évitantleseffets secondairesdestraitementsetenretar- dantlasurvenuedelanéphropathiechroniqued’allogreffe.
Cette déplétion aurait pour effet d’instaurer un état de tolérance dusystèmeimmunitaire, favorable àla diminu- tion des immunosuppresseurs [84]. De petites séries ont été publiées confirmant l’intérêt de cette stratégie chez l’homme en utilisant soit un anticorps monoclonal anti- CD152(Campath-1)[82,85],soituneirradiationdesorganes lymhoïdes[85].
Conclusion
La survie limitée du transplant rénal, comme la pénurie d’organesdisponibles,sontlesdeuxmoteursdelarecherche entransplantation.Ainsi, cettedernière estactuellement orientéevers,d’unepart,lesstratégiesvisantàaugmenter le«pool»detransplantsdisponibles(xénotransplantation oureinbio-artificiel) et,d’autre part,celles cherchant à prolonger la survie des transplants par l’obtention d’une toléranceimmunitaire. Lesprogrèsconstants tantdans la connaissance de l’immunologie que dans les techniques (biologiemoléculaire,séquenc¸age,clonage,bio-ingénierie, impression 3D) maisaussi le dynamisme et la motivation des équipes de recherche ont permis des progrès consi- dérablesquirestent(malheureusementpour nospatients) pourl’heure dudomaine del’expérimentation.Ilest,par contre,certainquelesjeunesurologuestransplanteursver- rontlorsdeleur carrièrel’arrivéedenouvellesstratégies permettant d’optimiser, de prolonger, voire « de rempla- cer»lestransplantspouraméliorersanscesselesrésultats delatransplantationd’organecommelaqualitédeviedes patientstransplantés.
Déclaration de liens d’intérêts
Lesauteursdéclarentnepasavoirdeliensd’intérêts.
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