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De la résistance à la résilience : la violence politique comme réponse à un phénomène de désorganisation sociale

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Academic year: 2022

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Master

Reference

De la résistance à la résilience : la violence politique comme réponse à un phénomène de désorganisation sociale

SANNEMANN, Mélissa

Abstract

La recherche se base sur l'histoire de vie de deux personnes originaires d'Amérique Latine ayant commis par le passé certains délits politiques dans leur pays d'origine dans une visée politique, voire éthique, considérant alors que l'ordre juridique était injuste. Les deux témoins ont été les victimes de persécution et de menaces. L'un d'entre eux a effectué une peine de prison dans son pays d'origine pendant plusieurs années avant d'être libéré tandis que l'autre a dû fuir son pays. Aujourd'hui, ils ont réussi à se reconstruire. Les deux se sont parfaitement intégrés en Europe, dans leur pays d'accueil, après avoir obtenu l'asile politique puis la nationalité. Cette recherche compréhensive vise à appréhender divers phénomènes sociaux à partir de cas singuliers. Aux travers de ces histoires nous cherchons à mieux comprendre les concepts de résilience, de lien social, de désorganisation sociale et enfin des différentes formes de violence et leurs origines.

SANNEMANN, Mélissa. De la résistance à la résilience : la violence politique comme réponse à un phénomène de désorganisation sociale. Master : Univ. Genève, 2021

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:150367

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DE LA RÉSISTANCE À LA RÉSILIENCE : LA VIOLENCE POLITIQUE COMME RÉPONSE À UN PHÉNOMÈNE DE DÉSORGANISATION

SOCIALE

MÉMOIRE RÉALISÉ EN VUE DE L’OBTENTION DE LA

MAÎTRISE EN APPROCHES PSYCHO-ÉDUCATIVES ET SITUATIONS DE HANDICAP

PAR

Melissa Sannemann

DIRECTEUR DU MÉMOIRE

Fernando Carvajal Sánchez, Chargé d’enseignement, Université de Genève JURY

Xavier Angus, Assistant-Doctorant, Université de Genève Marco Cencini, Responsable, Centre Le Dracar

Genève, janvier 2021

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2 RÉSUMÉ

La recherche se base sur l’histoire de vie de deux personnes originaires d’Amérique Latine ayant commis par le passé certains délits politiques dans leur pays d’origine dans une visée politique, voire éthique, considérant alors que l’ordre juridique était injuste. Les deux témoins ont été les victimes de persécution et de menaces. L’un d’entre eux a effectué une peine de prison dans son pays d’origine pendant plusieurs années avant d’être libéré tandis que l’autre a dû fuir son pays. Aujourd’hui, ils ont réussi à se reconstruire. Les deux se sont parfaitement intégrés en Europe, dans leur pays d’accueil, après avoir obtenu l’asile politique puis la nationalité. Cette recherche compréhensive vise à appréhender divers phénomènes sociaux à partir de cas singuliers. Aux travers de ces histoires nous cherchons à mieux comprendre les concepts de résilience, de lien social, de désorganisation sociale et enfin des différentes formes de violence et leurs origines.

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Déclaration sur l’honneur

Je déclare que les conditions de réalisation de ce travail de mémoire respectent la charte d’éthique et de déontologie de l’Université de Genève. Je suis bien l’auteur-e de ce texte et atteste que toute affirmation qu’il contient et qui n’est pas le fruit de ma réflexion personnelle est attribuée à sa source ; tout passage recopié d’une autre source est en outre placé entre guillemets.

Genève, le 20 janvier 2021

Prénom, Nom : Melissa Sannemann

Signature :

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Remerciements

Ce projet a pu naitre et aboutir avec l’aide précieuse ainsi que le soutien de différentes personnes. Je tiens à remercier chacune d’entre elle.

Monsieur Fernando Carvajal Sánchez, mon directeur de mémoire, pour son suivi et son implication depuis maintenant plus d’une année, de même que ses nombreux conseils et recommandations.

Monsieur Marco Cencini et Monsieur Xavier Angus, membres du jury, pour l’intérêt qu’ils ont porté à mon travail de même que pour leur participation à la soutenance orale.

Bruno et Manuela, mes témoins, pour leur confiance et leur temps mais également pour ces précieux témoignage. Merci pour votre investissement sans lequel le projet n’aurait pas pu naître.

Sébastien Wenger pour son soutien sans faille tout au long de mon Master et tout particulièrement lors de l’écriture de mon mémoire.

Ma mère, Gisèle Sannemann ainsi que toute ma famille, qui ont cru en moi durant toutes ces années sans faillir et m’ont soutenue dans tous mes projets.

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Sommaire

1. Introduction ...6

2. Cadrage théorique ...7

2.1. Contexte socio-historique de l’Amérique Latine ...7

2.2. Le lien social ... 12

2.2.1. La crise du lien social ... 14

2.2.2. La socialisation ... 20

2.3. Les origines de la violence ... 21

2.3.1. Violence symbolique et physique ... 22

2.3.2. La violence symbolique et ses conséquences ... 26

2.3.3. La violence politique ... 28

2.4. La résilience ... 36

2.4.1. Vulnérabilité et traumatisme ... 38

3. Problématique et présentation du projet ... 40

4. Méthodologie ... 42

4.1. Les témoins ... 48

4.2. Les entretiens ... 49

5. Hypothèses ... 50

6. La recherche ... 52

6.1. Analyse des entretiens ... 52

6.2.1. Les représentations de l’ordre et les repères identitaires ... 57

6.2.2. Analyse de la violence politique sur trois niveaux ... 69

6.2.3. La question du genre et de l’ethnie ... 75

6.2.4. La démobilisation ... 80

6.2.5. La résilience ... 83

7. Limites et pistes de réflexion ... 87

7.1. Obstacles, limites, point de vue critique ... 87

7.2. Pistes de réponses retenues aux questionnements et retour sur les hypothèses ... 89

8. Bilan réflexif et conclusion ... 92

9. Bibliographie ... 96

10. Annexes ... 99

10.1. Grille d’entretien ... 99

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1. Introduction

Pour effectuer cette recherche, nous nous sommes référés aux récits recueillis auprès de deux personnes originaires d’Amérique Latine. Deux témoins qui ont été engagés dans la lutte armée dans leur pays. Accusés de s’être opposés au régime politique en place, l’un a été incarcéré et victime de torture. Après avoir pris la fuite, les deux ont pu rejoindre un pays d’accueil. D’abord au bénéfice du droit d’asile, ils ont ensuite tous les deux obtenus une nouvelle nationalité. Aujourd'hui, ils ont réussi à se reconstruire et sont parfaitement intégrés.

Sur la base des différents entretiens semi-directifs, de leur retranscription et de leur analyse, nous souhaitons mettre en évidence plusieurs problématiques concernant notamment les concepts de résilience, certaines formes de violences, l’origine de ces dernières et le lien social en tant que participant à la résilience. Dans une première partie, afin de cerner avec plus de précision le thème posé par la recherche, nous allons définir quelques concepts clé.

C’est d’ailleurs sur ces derniers que nous fonderons notre analyse. Ainsi, nous parlerons de la résilience. Les propriétés de la résilience permettront notamment de comprendre comment chacun de nos témoins, à la suite d’événements marquants, voire tragiques, a pu poursuivre son parcours de vie et s’intégrer dans un nouveau pays. Ensuite, nous explorerons le concept de violence et les formes que cette dernière peut revêtir. Nous verrons comment la violence émerge et quelles en sont les origines. Il a par exemple été démontré qu’un déficit ou un manque d’organisation sociale constitue un facteur prépondérant générateur de violence. Cet aspect nous apportera non seulement des éléments de compréhension quant au choix de s’engager dans la militance mais également quant au climat de violence qui existe dans le pays d’origine de mes témoins. Enfin, nous nous intéresserons au lien social, et plus spécifiquement à la crise du lien social, pour explorer les processus d’insertion sociale dont nos témoins ont fait l’expérience tant dans leur pays d’origine que dans leur pays d’accueil.

Dans une seconde partie, il s’agira de présenter la méthodologie et les outils choisis pour la recherche. Nous verrons pourquoi la méthode qualitative a été retenue et de quelle manière elle a été appliquée. Dans une troisième partie, nous présenterons l’analyse des données. Pour ce faire, nous nous baserons sur la totalité des entretiens et sur leur retranscription. Enfin, dans une quatrième et dernière partie nous exposerons les résultats et conclusions de la recherche.

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2. Cadrage théorique

2.1. Contexte socio-historique de l’Amérique Latine

L’Amérique Latine reste encore actuellement l’une des régions du monde les plus touchées par la violence. Son histoire de manière générale démontre en outre qu’elle est présente dans le milieu de la politique et du social. Dans l’ensemble des pays on retrouve des formes de violences notamment au sein des mouvements contestataires qui ont émergé au cours du siècle dernier pour se prolonger jusqu’a l’heure actuelle.

La diversité des violences d’un pays à l’autre, voire entre les villes et les provinces d’un même pays, n’empêche ni une compréhension commune du phénomène dans l’ensemble de la région, ni la généralisation du profond sentiment d’insécurité éprouvé par les citoyens latino-américains, qui ont l’impression de pâtir d’une absence de protection. (Garibay, 2008, p. 37)

Face au sentiment d’insécurité grandissant dans diverses régions du continent, un certain nombre de mouvements contestataires ont vu le jour avec à leur tête différentes figures iconiques. Nous allons voir dans cette partie en quoi ces mouvements ont consisté et comment ils se sont développés, certains pour renverser l’ordre établi et d’autres pour finir par s’éteindre.

Afin de circonscrire les témoignages qui nous ont été livrés, il est primordial de définir un espace-temps et de présenter le contexte dans lequel ont évolué nos deux témoins. Pour ce faire nous allons tenter de retracer divers mouvements politiques ayant vu le jour et s’étant développé en Amérique Latine dès les années 1950.

[En effet] en Amérique latine, le moment révolutionnaire (les « trente glorieuses » de la révolution) s’étend de la Révolution cubaine (1959) à la chute du mur de Berlin (1989), qui précède de peu la défaite électorale des sandinistes au Nicaragua, le reflux des guérillas et les accords de paix en Amérique centrale (mais aussi avec certains groupes armés en Colombie). (Le Bot, 2013, p.40)

Nous nous baserons sur cette temporalité pour présenter le contexte socio-historique en lien avec les récits de vie de nos témoins. Le contexte socio-historique est fondamental pour appréhender les phénomènes sociaux que nous cherchons à mettre en évidence à partir des récits de vie. Nos deux témoins se sont engagés dans des mouvements contestataires de gauche et ce sont ces mouvements que nous allons essayer de retracer dans cette partie.

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8 C’est à Cuba que le régime de gauche le plus significatif a vu le jour en 1959 avec l’arrivée au pouvoir - lors de la Révolution Cubaine - de Fidel Castro (1926-2016). La révolution cubaine avait dans un premier temps un caractère nationaliste avant de se revendiquer « Communiste » à partir de 1965. Le but initial de la révolution était alors de renverser une dictature soutenue par les États Unis alors au pouvoir sur l’île et de rétablir une démocratie. Ce n’est qu’à la suite de la victoire de la Révolution Cubaine que des réformes seront entamées pour progressivement amener le pays à un régime Communiste en 1965. La Révolution Cubaine conduit l’île, en janvier 1959, à la victoire des guérilleros cubains face à Fulgencio Batista (1901-1973) qui est renversé. Le régime de Batista, soutenu par le gouvernement américain, est balayé par le mouvement mené par Fidel Castro et Che Guevara (1928-1967). En 1961, c’est après le débarquement de la baie des Cochons où les exilés cubains ont tenté d’envahir Cuba - avec le soutien militaire des États-Unis - que le gouvernement cubain décide de s’allier à l’URSS dans un effort nationaliste. La victoire de la Révolution Cubaine, mais également la défaite du débarquement, va constituer un véritable changement de paradigme non seulement pour la gauche latino-américaine mais également pour tous les latino-américains ayant une sensibilité de gauche. La gauche latino-américaine va alors valoriser cette Révolution Cubaine qui prouve que les États-Unis peuvent être mis en échec. La lutte latino-américaine pour l’émancipation va avoir un certain nombre de figures et de personnalités iconiques à sa tête : Fidel Castro, Ernesto Che Guevara ou encore Camilo Cienfuegos (1932-1959). Forte de cette première victoire, la résistance armée cubaine va progressivement se développer et engendrer une politique d’aide internationaliste à tous les mouvements révolutionnaires dans le monde entier. Cette volonté de s’exporter à l’international émane en partie d’Ernesto Che Guevara qui a voulu étendre l’idéologie qu’il défendait. En atteste cette citation : « il faut créer deux, trois, plusieurs Vietnam pour obliger l'impérialisme à disperser ses forces. » (Extrait du discours lu en août 1967 à la Conférence de Solidarité des Peuples des Trois Continents à la Havane). Ces figures révolutionnaires vont entraîner des mouvements à travers toute l’Amérique Latine avec par exemple les guérillas en Colombie, le Front Sandiniste de Libération National au Nicaragua (FSLN pour Frente Sandinista de Liberación Nacional), le Mouvement pour le Socialisme en Argentine et en Bolivie (MAS pour Movimiento Al Socialismo) ou encore le Mouvement de la gauche révolutionnaire (MIR pour Movimiento de Izquierda Revolucionaria). Ces mouvements contestataires se sont développés « la plupart du temps face à des régimes autoritaires et répressifs, dans un contexte d’inégalités sociales croissantes et de crise économique de grande ampleur. » (Goirand, 2010, p.446). Ces organisations militantes ont comme point

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9 commun d’être apparues en réponse à des problématiques sociétales favorisant la croissance des inégalités socio-économiques et la crise économique.

Les mouvements observés en Amérique Latine dans les années 1970-1990 ont tous été évoqués dans la littérature sous l’appellation de « mouvements populaires ». Cela revient à réfléchir sur les causes sociétales à la base même de l’émergence de ces mouvements. Les organisations sont composées à la fois de militants issus du milieu paysans mais également des classes ouvrières voire moyennes. « L’expression de « mouvement populaire de base » désigne donc des mobilisations principalement menées par des citadins pauvres, parfois des paysans, dont les revendications très hétérogènes se sont organisées autour de la question des conditions de vie, des services publics et des droits sociaux. » (Goirand, 2010, p.448-449).

Les populations vivaient les discriminations et les inégalités en termes de droits sociaux et de privilèges comme quelque chose d’injuste. C’est dans ce contexte que les mouvements populaires sont apparus au travers de toute l’Amérique Latine à la fin des années 1970.

« Dans l’ensemble du continent, des mouvements de contestation se sont organisés au sein des milieux populaires, dans différents secteurs : crèches associatives, coopératives alimentaires ou soupes populaires, le plus souvent organisées par des femmes ; protestation contre la vie chère et demande d’accès aux soins médicaux au Brésil ; opposition à la politique de destruction des bidonvilles à partir de 1977 » (Goirand, 2010, p.449). Les populations civiles revendiquaient alors leurs droits et l’exprimaient en recourant à la militance.

Un élément en particulier a contribué à la naissance et la croissance de ces mouvements populaires à cette époque : en effet, les églises catholiques ont joué un rôle prépondérant dans l’organisation des mouvements contestataires et dans la formation des jeunes militants. On trouve par exemple des évêques ou des prêtres dans les rangs des mouvements d’oppositions aux régimes autoritaires. Camilo Torres Restrepo (1929-1966) est un prêtre qui était militant de gauche dans l’Armée de libération nationale (ELN pour Ejército de Liberación Nacional) en Colombie. Ainsi, l’Église était impliquée dans ce type de militance et « à partir de 1968 et de la conférence des évêques latino-américains de Medellín qui, en août, a défini "l’option pour les pauvres", les Églises nationales ont ouvert un espace d’opposition politique, inexistant auparavant. » (Goirand, 2010, p.450). Elles ont eu une influence notable sur les différents mouvements en Amérique Latine.

Au Chili, le Mouvement de la gauche Révolutionnaire (MIR) est un mouvement politique d’extrême gauche qui voit le jour en 1965. L’Unité populaire comme d’autres partis de

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10 gauche ont porté Salvador Allende (1908-1973) au pouvoir en 1970. Le Parti Socialiste prend le pouvoir par les élections. Le Chili est le deuxième pays d’Amérique Latine à avoir eu un gouvernement de gauche. La gouvernance de Salvador Allende avait fait des réformes sur des bases révolutionnaires. Après trois ans, l’armée dirige un coup d’État contre le gouvernement. Augusto Pinochet (1915-2006) prend le pouvoir quelques semaines plus tard. « Le coup d’État sanglant de septembre 1973 confirma une grande partie de la gauche latino- américaine dans la nécessité du recours aux armes. » (Le Bot, 2013, p. 41). Dans la même région, on peut également nommer le Frente Patriótico Manuel Rodríguez (FPMR) dans les luttes armées. Il s’agit d’un mouvement de gauche marxiste-léniniste qui s’est opposé au régime de Pinochet dès les années 1980

Au Nicaragua, le Front Sandiniste de Libération Nationale (FSLN) va prendre les armes contre le gouvernement dictatorial dirigé par Anastasio Somoza Debayle (1925-1980). Le mouvement prend la suite de la militance armée d’Augusto Caldròn Sandino (1895-1934), un dirigeant des mouvements guérilleros du Nicaragua qui s’opposa au gouvernement lequel bénéficiait du soutien militaire des États-Unis. En 1978, le FSLN, après plusieurs années de lutte, finit par s’installer dans le palais présidentiel, prenant au passage des membres du gouvernement en otages. Somoza est alors renversé et supplanté par le FSLN et des soulèvements de la population. Des grèves généralisées vont mettre à mal le gouvernement de Somoza renforçant peu à peule FSLN. Lors d’une de ces grèves, un citoyen américain sera tué et la scène - alors filmée par des caméras - sera retransmise sur de nombreuses télévisions en direct. L’incident diplomatique incitera le gouvernement des États-Unis à se retirer et à ne plus soutenir Somoza. Ce dernier finira par fuir le pays en 1979 laissant le pouvoir au FSLN.

En 1984, Daniel Ortega (1954-aujourd’hui), représentant du FSLN, est élu président. Opposé à son élection, le gouvernement américain met en place un embargo et finance des groupes armés opposants. Finalement, c’est 1990 que le FSLN perd les élections face à un Parti d’Union Libérale que soutenait le gouvernement étasunien. En 2006, Daniel Ortega est à nouveau élu en qualité de président.

Les Forces armées révolutionnaires de Colombie (Fuerzas armadas revolucionarias de Colombia pour FARC) aussi appelées l’armée du peuple (Ejércitodel Pueblo) vont être à la tête d’une multitude d’actions visant à renverser le pouvoir faisant du mouvement la principale guérilla dans le pays. En 1985, les FARC vont créer l’Union Patriotique à l’issue d’un dialogue de paix sollicitant un cessez-le-feu entre les FARC et le gouvernement. Cette première tentative de dialogue va donner l’impulsion à la création de l’Union Patriotique.

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11 Cependant, de nombreux dignitaires, partisans et sympathisants de ce Parti seront assassinés et ce malgré la signature du cessez-le-feu. Le mouvement des FARC va progressivement gagner en force pour aboutir à une puissance militaire importante dans les années 1990. Un second dialogue de paix se fera à la fin des années 1990. Une zone démilitarisée est créée en accord avec le gouvernement. Le président Andrés Pastrana (1954-aujourd’hui) accorde aux FARC le contrôle d’une zone géographique de plusieurs dizaines de milliers de kilomètres. Le dialogue de paix s’enclenche, mais les FARC et le gouvernement ne parviennent pas à un accord. Le mouvement va profiter de cette zone de paix pour y installer ses campements.

C’est finalement en novembre 2016, qu’un accord de paix est signé entre le gouvernement et les FARC. Cet accord stipule que les FARC doivent déposer les armes peu à peu pour aboutir à un désarmement total. Dans ce but, l’accord permet aux militants démobilisés de retourner à la vie civile avec des aides financières afin de faciliter leur intégration. Néanmoins, une insécurité certaine est observée puisque de nombreux anciens militants ont été assassinés jusqu’en 2019. Certains anciens combattants ont repris les armes mettant en cause le respect de l’accord ratifié en 2016 par le gouvernement.

Progressivement, ces mouvements populaires ont dû se transformer pour s’adapter à une réalité en constante évolution. D’abord, à la fin des années 1970, l’on assistait à la relative démocratisation de certains régimes autoritaires. Un autre facteur de changement dans ces mouvements contestataires se résume au phénomène d’« épuisement des idéologies et des groupes révolutionnaires qui défendaient la lutte armée » (Goirand, 2010, p.450). Et finalement, la crise économique de 1982 a également engendré des changements pour ces organisations militantes. Les moyens s’amenuisant, certains mouvements n’ont pas eu d’autres choix que de se dissoudre.

Peu à peu, les mouvements militants vont perdre de la vigueur dans les différentes régions d’Amérique Latine.

Prost (2008), résume :

En Colombie, la violence des FARC finit par entraîner une lassitude générale au tournant des années 2000. Enfin, les erreurs des révolutionnaires eux-mêmes. Le régime sandiniste accepta le verdict défavorable des urnes, et le régime cubain se laissa user par le temps. La gauche latino-américaine s’est caractérisée par sa division, une partie refusant l’aventure révolutionnaire. (p. 63)

A l’heure actuelle, les mouvements révolutionnaires se sont donc atténués. De manière générale, les guérillas et autres mouvements se sont dissous pour laisser place à des

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12 mouvements « moins centrés sur l’État-nation, plus sociaux, culturels et éthiques que politiques, dans lesquels les jeunes et les femmes jouent un rôle décisif » (Le Bot, 2013, p.57).

De plus en plus, les régimes autoritaires tendent à s’effacer pour laisser place progressivement à la démocratie. L’Amérique Latine est en transformation vers un mouvement d’unification des différentes régions et de mondialisation.

2.2. Le lien social

Le processus d’insertion social d’un individu s’explique en grande partie au travers du tissu social dans lequel il évolue. Ce tissu social, sa composition et sa force dépendent du lien social aussi appelé le « vivre ensemble ». Cependant, depuis plusieurs années il est également décrié, conséquence d’un bon nombre d’observations et de constats faits dans nos sociétés modernes. Si le lien social est bel et bien au centre de nombreuses discussions c’est notamment parce qu’il est le reflet d’une certaine dérive sociale où l’on constate de plus en plus de processus de marginalisation, d’isolement, d’exclusion voir de fragmentation. Ainsi, le lien social « relève, soit d’une carence qui se manifeste par des situations d’isolement ou de déréliction, soit d’une détérioration se traduisant par un relâchement ou un rétrécissement du réseau relationnel. » (Dartiguenave et al., 2012, p. 52). L’isolement traduit, selon les auteurs, un manque de création de relations sociales tandis que la déréliction ou le sentiment d’abandon traduit un manque de maintien des relations sociales sur la base d’un tissu social déjà détérioré. La question du lien social telle qu’elle est abordée à l’aide de ces différents éléments nous mènent à l’appréhender en qualité de problématisation et de recherche de solutions. Ces solutions visent pour la grande majorité à la réinsertion et à l’inclusion de chacun dans une société toujours plus grande « en encourageant les "rencontres entre les gens", en faisant en sorte qu’ils "se connaissent", "se parlent et dialoguent entre eux",

"s’ouvrent aux autres", "se mobilisent sur des projets communs", "s’organisent entre eux afin de créer des liens", etc. » (Dartiguenave et al., 2012, p. 52). Dans ce chapitre, nous allons nous pencher sur la problématisation du lien social et de ses enjeux dans le but de comprendre d’où est issu la crise du lien social et les différents processus qui se mettent en place : individualisation, marginalisation, isolement, exclusion. Nous allons également voir comment le lien social, s’il n’est pas travaillé, peut engendrer des mécanismes d’individualisation. Nous allons tenter de décrire comment le lien social peut être à l’origine de phénomènes d’exclusion, de déréliction, de marginalisation et de fragmentation.

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13 Il est évident que la question du lien social est péjorée dans une société où l’État providence est parfois remis en cause. Ce type de contexte sociétal très particulier entraîne par définition des transformations du lien social puisqu’il suggère l’existence et l’appartenance à un ou plusieurs groupes dans une société alors politisée. Avant de nous intéresser au lien social dans un contexte spécifique, définissons-le.

En 2008, Vincent affirme que :

[le lien social peut s’apparenter à] ce qui nous semble relever de l’ordre des rapports symboliques plus ou moins formalisés, conscientisés et consentis sous-jacents aux formes de connivence qu’instaurent entre eux les individus pour « faire société », etc., dans un contexte où entrent en jeu différents pouvoirs et où s’expriment diverses logiques, les leurs ainsi que celles des institutions auxquelles ils sont rattachés (société, milieu de travail, associations, etc.). (p. 2)

Le premier élément qu’il est important de mettre en évidence dans cette définition est que le lien social se définit comme une succession de rapports symboliques. Ces derniers sont formels, conscients et acceptés par les individus. Ensuite, dans un second temps il est fait mention du contexte. Selon Vincent (2008), le lien social s’exprime dans un contexte complexe où s’imbriquent différents niveaux relatifs aux individus mais également aux groupes d’appartenance dans lequel ils évoluent. Il peut s’agir de l’environnement professionnel, de la société, du milieu familial, etc. En résumé, le lien social comprend tous les enjeux et mécanismes qui prennent place chez chaque individu dans les dynamiques d’appartenance à différents milieux. Toujours selon Vincent (2008, p.3), le lien social peut être rapproché de la notion de « capital social » proposée par Cusset (2007). Cette nouvelle notion quant à elle « renvoie à son tour au degré de coopération, de réciprocité et de confiance exprimé au sein de la société.» Dans cette nouvelle approche le lien social est à mettre en en rapport avec les mécanismes d’affiliation, de collectivité, d’appartenance, de communauté mais aussi avec leurs inverses : les phénomènes d’isolement, d’individualisme et d’exclusion. En effet, si le lien social représente notamment l’affiliation d’un individu à un groupe par exemple professionnel, il représente également l’exclusion d’un autre individu à ce même groupe mettant en évidence certaines conséquences de la crise du lien social.

Cette réflexion apporte alors un nouvel éclairage puisque :

Si la question du lien social continue de se poser au niveau de diverses tribunes, elle semble par ailleurs souvent associée aux malaises de notre époque qui évoquent la perte

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14 de repères traditionnels, l’affaiblissement des institutions, la montée de la violence, l’accroissement des inégalités et de l’individualisme [...]. (Vincent, 2008, p. 3).

Le lien social est donc à mettre en regard avec une réalité qui semble s’imposer ces dernières années. Dans une société qui s’agrandit de jour en jour, l’individu peine à s’intégrer dans le tissu social mettant à mal le lien social entre les individus. Fort de cela, il est légitime de s’interroger sur la « crise » du lien social.

2.2.1. La crise du lien social

Paugam, (2008) nous parle de « crise du lien social, et de la nécessité de "retisser" ou de "renouer" le lien social » (p. 4). La société telle qu’elle est décrite actuellement fait état de plusieurs éléments « souvent présentés dans un enchaînement qu’on ne semble pas pouvoir éviter : échec du projet étatique, montée de l’individualisme néolibéral, disparition des relations sociales authentiques » (Charbonneau, 1998, p. 116). Premièrement, l’échec du projet étatique qui part du « constat d’un plafonnement de l’État-providence incapable de fournir une réponse adéquate à la mondialisation des marchés et à la crise sociale » (Charbonneau, 199, p.116). Dans ce contexte l’État qui ne parvient pas à répondre à la crise sociale produit au contraire la marginalisation et l’exclusion des citoyens. Ce manque de réponse entraîne alors nécessairement la recherche d’une réponse adéquate au travers de nouveaux modèles d’organisation sociale : ici le mouvement néolibéral.

Comme le souligne Bosi dans son article de 2012 :

Selon un argument conventionnel, les processus de modernisation engendreraient un effondrement – ou une disqualification – des normes traditionnelles et des routines sociales, qui serait à l’origine d’une érosion de la légitimité de l’État. De nouvelles idéologies radicales pourraient alors séduire des segments de population frustrés, affectés par la disparition des anciens liens sociaux. (p.179-180)

C’est dans ce contexte que nous avons assisté ces dernières années à la montée du néolibéralisme comme mouvement répondant aux demandes d’une population là où l’État semblait échouer. Ce modèle se traduit par plusieurs caractéristiques telles que : « diffusion du principe économique comme valeur fondamentale de la vie en société, mondialisation des échanges marchands, précarisation de l’emploi, valorisation de l’individualisme, diminution du soutien aux pauvres, etc. » (Charbonneau, 1998, p. 116). Dans un second temps, ce modèle nous amène directement à nous pencher sur l’individualisme néolibéral qui sous-tend une approche de la société actuelle au travers de ses dérives. L’individu néolibéral a pour but

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15 l’accomplissement personnel parfois au détriment de l’intérêt des autres voire à leurs dépens et tend ainsi à s’inscrire en dehors de toute collectivité.

Selon Bernier, en 1998 :

C’est en effet l’une des caractéristiques de la modernité avancée de tendre à une généralisation du processus d’accès à l’individualité (Giddens, 1991), d’amener femmes et hommes, jeunes et adultes à se percevoir comme concepteurs et maîtres d’œuvre de leur propre biographie. (p.28)

On retrouve donc dans cette approche la notion d’auto-déterminisme. L’autodétermination se définit comme l’ensemble des « habiletés et attitudes requises chez une personne, lui permettant d’agir directement sur sa vie en effectuant librement des choix non influencés par des agents externes indus » (Haelewyck& Nader-Grosbois, 2004, p.174).On entend par là que chaque individu est libre de faire ses choix mais également de s’accomplir au niveau personnel. Ce concept d’autodétermination est également à rapprocher du concept d’individualisation. Ce dernier désigne le processus par lequel un sujet acquiert la capacité à se définir lui-même en dehors de toute appartenance. L’individu se définit par lui seul et non plus en lien avec un groupe d’appartenance quel qu’il soit différenciant ainsi le sujet social de la société de manière générale et d’une forme de collectivité de manière plus spécifique. Ce processus d’individualisation pousse l’individu à se réaliser essentiellement par lui-même et limite la notion de collectivité dans l’accomplissement personnel. Dès lors, il est pertinent de s’intéresser à la notion de collectivité et notamment à la définition de ce qu’est la conscience collective pour bien différencier le processus d’individualisation. La conscience collective est à mettre directement en lien avec des sociétés dites plus traditionnelles, tandis que l’individualisation elle est inhérente aux sociétés dites modernes où l’on assiste notamment à la montée du néolibéralisme. La conscience collective est définie par Durkheim comme

« l’ensemble des croyances et des sentiments communs à la moyenne des membres d’une même société. » (Cité par Paugam, 2008, p.14-15). Un ensemble d’individus issus d’un même groupe dispose donc d’un même ensemble de croyances. Cette conscience collective « couvre la plus grande partie des existences individuelles tant les sentiments sont éprouvés en commun et tant les rites qui caractérisent la vie sociale sont définis avec précision. La signification des actes et des croyances s’impose à tous. L’individu est en quelque sorte absorbé par le groupe. » (Paugam, 2008, p.15).L’individu tend à disparaître à la faveur de la majorité autrement dit du groupe ou du collectif donné. L’individualisation quant à elle, permet à un individu de se définir par lui-même en dehors de toute collectivité.

(17)

16 L’appartenance à un groupe donné ne définit pas l’être. Ainsi, dans une société moderne, cette conscience collective prend moins d’importance puisque « la marge d’interprétation individuelle des interdits sociaux s’étend et le contrôle social diminue. L’unité de la société apparaît plus faiblement. » (Paugam, 2008, p.15). Cette conscience collective est à différencier des représentations sociales qui disposent elles d’origines plus diversifiées et qui peuvent être l’objet de transformations et d’évolution « sous l’influence conjointe des mécanismes de reproduction et d’acquisition au cours des interactions multiples de la vie sociale » (Paugam, 2008, p.16). Les représentations sociales correspondent en fait à des groupes sociaux donnés et tout comme la conscience collective ou sociale, elles peuvent changer et se transformer. Cependant, ces deux concepts se différencient dans les changements que l’on observe. Les évolutions dans les représentations sociales sont plus rapides et n’affectent que certains groupes sociaux. Dans cette perspective il est pertinent de s’arrêter sur les mécanismes propres de l’individualisation.

Toujours selon Cusset (2006) :

[L’individualisation] a d’abord pris la forme d’un lent processus d’émancipation (Singly, 2003) : petit à petit, en particulier sous l’effet de la division du travail et de l’urbanisation, les individus se sont émancipés des dépendances qui les liaient étroitement au collectif, qu’il s’agisse de la famille, du clan, de la communauté villageoise ou de la société dans son ensemble. (p. 26)

L’individu, émancipé et visant son propre accomplissement en dehors de toute appartenance à un collectif, se retrouve alors inexorablement poussé dans une société encourageant l’indifférence et l’exclusion. En outre, « l’indifférence et l’apathie sociale vont par ailleurs, de pair avec l’exigence croissant d’une responsabilisation extrême de l’individu dans la construction de son propre destin » (Charbonneau, 1998, p. 116). Lorsque l’accomplissement personnel n’est pas possible, l’individu se retrouve en échec et est alors exclu de ceux qui ont réussi. C’est à partir de ces différents constats que les sociétés plus traditionnelles apparaissent comme favorables au lien et une autre manière de le créer mettant alors en avant la disparition des relations sociales dites authentiques. Les relations interpersonnelles telles que décrites par le mouvement néolibéraliste indique des liens de type utilitaires où chacun vise à son propre accomplissement personnel. Le lien devient alors un outil pour parvenir à cette fin. Dans une société dite plus traditionnelle, le lien est perçu comme authentique et inconditionnel. C’est pour cela que la société moderne et cette modernité est perçue comme ne pouvant « qu’entraîner désorganisation sociale et destruction des liens de solidarités »

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17 (Charbonneau, 1998, p. 116).Malgré ces différents constats, certains auteurs affirment que l’individualisation n’est pas nécessairement synonyme d’isolement. Ainsi, « Beck décrit le mouvement d’individualisation comme un processus en deux temps impliquant d’abord le

« désenchâssement » des sociétés industrielles, puis leur « réenchâssement » sur des bases individuelles. » (Bernier, 1998, p.28). Ici, l’individualisation est un mécanisme s’inscrivant dans une temporalité à deux temps. En premier lieu, l’individu se désinvestit de la société dites industrielles donc modernes pour s’en détacher avant de s’investir dans l’individualité et de s’inscrire dans un nouveau paradigme social.

Par conséquent :

L’individualisation [...] ne constitue pas un repli sur soi des individus et leur retranchement hors du social, mais marque plutôt l’avènement d’une nouvelle « forme sociale » reposant sur l’explicitation et diverses tentatives de mise en commun, par les individus, de leurs attentes et de leurs projets de vie. (Bernier, 1998, p.28)

Le sujet social est en mesure d’expliciter et de mettre en œuvre ses propres attentes dans l’objectif de s’accomplir au niveau personnel. Cet exercice demande une certaine réflexion voire une forme de remise en question puisque l’individu doit être capable d’intériorisation mais aussi « d’objectivation rendant possible la « déconstruction » par les acteurs, de leurs propres appartenances. »(Bernier, 1998, p.28). Il n’est toutefois pas question de supprimer ou de dissoudre le tissu social mais bien de le questionner et de revoir son propre positionnement dans ce dernier. La capacité de déterminer son horizon et d’atteindre ses objectifs met l’individu dans une position d’acteur et non de spectateur soumis à un cadre social avec des valeurs institutionnelles et/ou culturelles. La sociologie définit le cadre social et plus particulièrement les sociétés traditionnelles comme contraignantes.

[En effet] toute la sociologie, depuis Durkheim, s’est édifiée sur cet axiome que les individus vivent et agissent sous la contrainte des rôles, des fonctions, des intérêts, des valeurs, des habitus, des rationalisations, bref en raison de ce que leur impose leur statut ou leur condition, ou de ce que leur dicte une conscience enrobée dans l’illusion de ses croyances. (Bernier 1998, p.29)

Avec cet éclairage, la société traditionnaliste devient synonyme de contraintes pour un sujet évoluant dans un cadre social donné composé de normes et valeurs.

Nous l’avons vu, la problématisation et les questions que suscitent le lien social, le

« vivre ensemble » ;

(19)

18 c’est-à-dire de ce qui fonde le lien partagé d’un groupe d’êtres humains, ne relève plus tant ou plus seulement d’une analyse des conséquences sociales du long processus de

« détraditionalisation » qui a accompagné l’avènement des sociétés modernes, mais aussi et surtout de l’évidence [...] de la force du mouvement qui sous-tend la tendance à l’expression d’une conscience individuelle et d’une velléité d’être « soi » face à tous les autres, de la part des sujets sociaux. (Bernier, 1998, p.27).

Il faut voir la crise du lien social comme allant au-delà de l’abandon des sociétés plus traditionnalistes prônant des relations sociales authentiques et vraies. Le lien social et les transformations qu’il a subies ont entraîné presque nécessairement une montée de l’individualisation mettant sur le devant de la scène l’accomplissement personnel avant les relations interpersonnelles. Cependant, cette montée de l’individualisation favorise l’auto- détermination des sujets sociaux et ce, en faisant en sorte que ces derniers se questionnent et se distancient d’un cadre social rigide à la faveur d’une forme d’indépendance. En effet,

« cette possibilité de choisir, cette possibilité d’inventer sa vie, fait en sorte que plus rien dans ce qui constitue l’environnement immédiat des individus, ne conserve un statut définitif. » (Bernier, 1998, p.28). Dans cette perspective, le lien social et le fait qu’il soit en crise rend dynamique les relations sociales mais aussi les liens qu’un sujet établit avec le cadre dans lequel il évolue. Au cadre rigide transmis par les sociétés plus traditionnelles, la modernité favorise la remise en question et le dynamisme dans le lien social. En outre, nous l’avons vu avec Simmel, il faut appréhender le lien social comme à la fois faiseur et défaiseur de liens.

La nature même du concept de lien social fait que ce dernier est source de création de relations sociales mais également de fragmentation et d’identité. Choisir de créer des liens avec tel ou tel individu c’est renoncer à créer d’autres liens avec d’autres individus. Choisir c’est donc renoncer.

Nous avons vu que la crise du lien social découlait d’une succession d’éléments : échec relatif d’un État providence, montée de l’individualisme au travers des mouvements néolibéralistes et finalement abandon et regret d’une société plus traditionnaliste. Cependant, il est pertinent de voir comment cela se concrétise au travers d’observations objectives. En effet, un manque de lien social peut se traduire par différentes observations dans une société donnée. Des citoyens moins présents dans le domaine du politique notamment. Ainsi dans sa recherche, Cusset (2006) remarque un désengagement de la sphère politique de la part des Français ces dernières années. Les chiffres montrent que les associations qui mettent en lien les citoyens et la société souffrent d’un manque de participation. Dans ce cas par exemple,

(20)

19

« pour D. Schnapper (2002), c’est la relation entre représentants et représentés qui est en crise. L’idée même d’une différence entre les premiers et les seconds – au fondement de la transcendance républicaine – est de plus en plus mal acceptée, sinon refusée. » (Cusset, 2006, p. 24). Dans son exemple c’est le décalage entre les représentants et les représentés qui engendre une crise. En effet, il existerait une discordance entre les deux qui est rejetée.

Selon Cusset (2006) :

En réponse à l’aspiration de l’individu démocratique à n’être représenté que par lui- même, on assiste à des revendications diverses pour que s’instaure une démocratie dite participative. On observerait une remise en cause de l’utopie créatrice de la représentation, selon laquelle le représentant ne représente pas telle ou telle catégorie de la population, mais incarne l’intérêt général. (p. 24)

Dans cette visée, le représentant incarne alors l’intérêt général des représentés et non pas une catégorie spécifique de la population. Nous l’avons vu avec cet exemple, la discordance entre les personnes dites représentantes et les personnes dites représentées peuvent aboutir à des tensions simplement de par cette différence. Si Cusset (2006) remarque un désengagement citoyen de la sphère politique, il remarque également « le développement du sentiment d’insécurité au cours des vingt dernières années [qui] alimente, lui, une méfiance plus générale vis-à-vis de l’espace public » (p. 24). Ce sentiment grandissant d’insécurité est à mettre directement en lien avec l’augmentation du nombre de délits ces dernières années en France et plus particulièrement la « délinquance violente » que Cusset (2006) juge être « la plus préjudiciable du point de vue du lien social » (p.25). Cette augmentation du nombre de délits et plus particulièrement d’actes de violence peut s’inscrire dans l’incivilité de manière plus générale.

[En effet] ce contexte éclaire la montée du débat sur les « incivilités ». S. Roché (Roché, 1994) reconnaît que sous ce vocable, on regroupe des actes relativement disparates, depuis les actes de salissures et de dégradation jusqu’aux conflits plus ou moins déclarés à propos du bruit ou des occupations d’espace en passant par les abandons d’objets sur la voie publique ou les comportements agressifs ou discourtois. (Cusset, 2006, p.25)

Ainsi, bien que la crise du lien social se traduise en un désengagement politique de la part des citoyens, elle peut également se traduire par une augmentation des actes dits d’incivilités.

Comme décrit par Roché (1994, cité par Cusset, 2006), ces actes sont d’une grande variabilité mais démontrent tous une atteinte à la société. En effet, « les incivilités ont en commun de

(21)

20 menacer les codes sociaux à l’aide desquels est évaluée l’innocuité du rapport à autrui. Elles contribuent de ce fait à détériorer la confiance interpersonnelle et engendrent le repli. » (Cusset, 2006, p.25). En d’autres termes, un lien social distendu engendre parfois des actes d’incivilités qui eux ont pour conséquence de détériorer les liens interpersonnels mais aussi de provoquer l’isolement. Cusset (2006) explique ainsi que « l’accumulation dans un quartier des signes de désordre social (ivresse, bandes, harcèlement et violences dans la rue, trafic de drogue) et de désordre physique (vandalisme, abandon de bâtiments, accumulation d’ordures et de déchets) sape les mécanismes de contrôle informel » (p. 25). Les actes de déprédations, de violence et d’incivilité engendrent un accroissement des processus d’isolement.

2.2.2. La socialisation

La problématisation du lien social engendre nécessairement un questionnement quant à sa détérioration. La société moderne poussant à l’individualisme freine la construction de relations sociales. Cependant, si l’on se penche sur les théories de sociologie il existe des concepts qui vont bien au-delà de cette vision du lien social comme d’un phénomène en crise et détérioré ces dernières années. La socialisation est un concept plus large que le lien social qui permet de mieux le comprendre. Ainsi, « la socialisation a fini par désigner "le processus par lequel les individus intériorisent les normes et les valeurs de la société dans laquelle ils évoluent" (Riutort, 1996, p. 59) » (Dartiguenave et al., 2012, p. 53). La socialisation relève d’un processus d’intégration et d’intériorisations des normes et des valeurs d’un groupe ou d’une collectivité dans lequel va évoluer un individu au courant de sa vie. Cependant, pour d’autres chercheurs la socialisation est un concept bien différent.

Pour Simmel tel que l’expliquent Dartiguenave et ses collaborateurs (2012) :

La socialisation désignait [...] le processus d’action réciproque par lequel se lient et se délient les individus, se constituent et se désagrègent les groupes [...]. Cela revenait à penser le « lien social » lui-même comme un processus permanent de distinction et de séparation en même temps que de dépassement de cette distinction et de cette séparation aboutissant à de l’identité (ou de la ressemblance) et à de l’unité. (p. 53)

Dans cette perspective, le lien social tend à la fois à réunir les individus en les liants mais également à les séparer en les déliant et en dissolvant des collectivités préétablies. Le lien social est donc source de lien mais également de séparation, il traduit les ressemblances et les différences des individus. On le voit très clairement chez les adolescents.

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21 [Ainsi] on observe [...] que ce processus d’émergence au social par lequel l’adolescent ou le jeune adulte créé ses propres liens se manifeste par un processus de différenciation. [...] L’adolescence est ainsi l’âge des styles musicaux et vestimentaires.

Il s’agit pour l’adolescent de maîtriser les différents emblèmes de statut et très souvent de contester le statut qui lui était jusque-là attribué par ses parents. Mais refuser un certain statut (et les emblèmes qui lui sont associés), c’est du même coup et inévitablement en adopter d’autres. C’est que l’identité est indissociable de la différence. Adopter, avec d’autres, une identité sociale, c’est toujours aussi se différencier d’un tiers. (Dartiguenave et al., 2012, p. 54)

2.3. Les origines de la violence

La crise du lien social explique en quoi la société moderne s’est détachée de la société traditionnelle poussant l’individu à l’individualisme de même qu’à l’auto-déterminisme. La crise du lien social justifie dès lors le libre choix d’un individu dans une société donnée de poursuivre ses propres projets et de combler ses attentes personnelles. Parfois le manque de lien social peut être à l’origine de violences, d’incivilités et de délits, mais il n’est toutefois pas le seul élément à prendre en considération dans de tels actes. Il existe un certain nombre de théorie se rapprochant du concept d’ordre social. Cet ordre social existe et lorsqu’il est touché peut-être à l’origine de violences dans certaines sociétés et certains contextes socio- historiques précis. Ainsi, « les explications sociologiques et politiques de la violence, des mobilisations et des mouvements sociaux suivent en principe deux perspectives différentes, qui sont souvent en concurrence » (Groenemeyer, 2006, p. 477). Il existe donc une

« perspective de crise » qui « cherche à dégager des facteurs du contexte social pour expliquer l’apparition et l’extension sociale de la violence en s’appuyant sur des dimensions comme l’inégalité sociale, l’exclusion, la désorganisation sociale ou la discrimination. » (Groenemeyer, 2006, p. 477). Ainsi celle-ci s’appuie sur des concepts clés que sont les phénomènes d’exclusion, de désordre social, d’égalité et plus spécifiquement d’inégalité pour expliquer les origines des actes de violences dans un contexte social donné. Il s’agit dès lors de se pencher sur des facteurs dits contextuels ou propres à l’environnement.

Dès lors, il faut observer :

La deuxième perspective, par contre vise à analyser les processus et la dynamique de la violence en s’appuyant sur les orientations des sujets et les configurations des acteurs

(23)

22 dans les situations de conflit, perspective qui, souvent, s’inscrit dans une approche interactionniste (Wieviorka, 2004). (Groenemeyer, 2006, p. 477)

Cette seconde perspective, elle, tend à s’intéresser à des facteurs intrinsèques à l’individu en interaction avec son environnement. On parlera donc du sujet social pour tenter de trouver les origines des actes de violence dans un contexte social donné.

2.3.1. Violence symbolique et physique

Avant de s’intéresser aux causes de violences ou du moins aux facteurs qui sont en jeu, il est primordial de se pencher sur la définition même de la violence. La violence représente un acte presque banalisé de nos jours. Il est impossible de passer une journée sans entendre parler d’un acte de violence quelque part dans le monde. Comme le souligne Hartmann (2014) le terme de violence « désigne aussi bien la violence physique "qui conduit à la blessure corporelle d’autrui" que le moyen de forcer certaines actions ou certains comportements particuliers ; il fait également référence, métaphoriquement ou par analogie, à la violence dite structurelle ou symbolique. » (p. 301). Dans ce sens, la violence n’est pas différenciée d’autres phénomènes tels que la soumission, la contrainte ou encore l’influence d’un tiers sur un autre. Ces phénomènes s’y rapprochent compliquant par conséquent la définition de la violence et nécessairement le travail d’analyse des sources de la violence.

Nous pouvons cependant constater que ce qui rapproche toutes ces notions est l’aversion qu’elles provoquent dans nos sociétés voire le rejet mais aussi et surtout la souffrance de celui qui en est la victime. Ainsi, « ce qui autorise à rassembler sous le concept unique de violence des actes qui ont une matérialisation physique et d’autres qui n’en ont pas, c’est donc la souffrance subjective de celui qui subit. » (Braud, 2003, p. 35).La violence, aussi large qu’en soit le spectre, est considérée comme indésirable et punie dans l’ensemble des collectivités lui donnant ainsi un caractère transversal. Il est donc difficile d’appréhender la violence dans un contexte car la notion même de violence reste floue et rattachée à un bon nombre d’éléments et de facteurs. Il convient de se distancier de toutes ces considérations pour pouvoir se pencher sur la violence en termes de phénomène sociologique. Dans cette perspective, « une sociologie générale de la violence [...] aurait avant tout à appréhender son objet d’étude comme un phénomène social émanant d’un rapport constitutif entre "extériorité" et

"intériorité", partant ainsi d’une obligation réciproque entre la société et l’individu [...] » (Hartmann, 2014, p. 302). La violence comme phénomène social est donc le résultat d’une dichotomie franche entre la société et l’individu avec ses caractéristiques.

(24)

23 La violence est toujours une action sociale liée à des structures et des relations sociales, culturelles et économiques complexes, entendues ici comme diverses formes d’ordres sociaux, et c’est uniquement au sein de ces ordres sociaux que les individus trouvent eux-mêmes les moyens de devenir des acteurs sociaux ayant recours à la violence physique. (Hartmann, 2014, p. 302)

Comme mentionné plus haut, la violence est indissociable d’un contexte, ici la société, mais également d’un acteur, ici le sujet social. Un phénomène violent est toujours à mettre en lien avec un cadre social et un individu.

Ainsi, « on ne peut développer de réflexion sur les rapports entre violence et ordre social sans mettre d’abord en évidence le fait qu’une forme d’ordre social [...] constitue un enjeu de lutte sociale, et peut donc être confrontée au problème des conflits de forme violente. » (Hartmann, 2014, p. 310) L’ordre social peut être l’objet de conflits et par conséquent d’actes de violence. Cependant, il existe plusieurs formes de violence qu’il convient de différencier à la lumière du concept d’ordre social.

[La violence structurelle] « résulte du fait que les normes culturelles, juridiques, institutionnelles exercent une pression qui engendre "une différence négative entre les possibilités d’accomplissement et leur réalisation effective » [Galtung, 1972] ; sous couvert de rationalité, ce sont en réalité les dominants qui imposent, de façon déguisée, leurs préférences et placent ainsi les dominés en situation d’infériorité. (Braud, 2003, p.

34)

Ici, les normes trop élevées empêchent les individus d’atteindre leurs objectifs faisant obstacle par la même occasion à l’accomplissement personnel. Ces normes, valeurs ou objectifs sont édictés par l’État ou par les classes dominantes notamment plaçant les citoyens en position d’infériorité. Il y a donc une notion de hiérarchie avec les concepts de « dominants » et de

« dominés ». Cependant, pour ce texte, nous ne retiendrons que le terme de violence symbolique pour regrouper la violence dite structurelle ou douce comme proposé par Hartmann (2014). Il convient néanmoins de ne retenir de ces définitions que la violence symbolique telle qu’elle est le plus souvent définie, et relative à l’ordre social. Par conséquent, aux vues des différentes formes de violence, il est fondamental de considérer les actes de violences comme pouvant revêtir plusieurs caractéristiques et être en mesure d’analyser les conflits en fonction de ces différentes formes. Nous l’avons vu, d’un côté selon Hartmann (2014), nous avons les formes de violences qu’il nomme structurelle, symbolique

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24 ou encore douce. Cette forme de violence est directement à rapprocher de l’ordre social puisque c’est elle qui est à l’œuvre dans l’ordre de représentation. De l’autre côté, Hartmann (2014) définit les violences physiques. L’auteur affirme dès lors que« l’analyse sociologique du rapport entre modernité et évolution de la violence repose tout d’abord sur une analyse du rapport mutuel entre violence symbolique et violence physique, autrement dit : entre ordre social, légitimité et violence [...] » (Hartmann, 2014, p. 311). En effet, les formes de violences et notamment l’expression et le mode d’apparition des violences dites physiques sont à analyser en lien et en rapport avec l’apparition et le développement de « formes légitimes du contrôle consacré à l’action social » (Hartmann,2014, p. 311).

[Ainsi] les différentes modalités de la « violence » n’existent pas au-delà de nos formes d’organisation sociales et politiques ; elles ont toujours été inscrites dans les procédés d’un « framing » social, c’est-à-dire à la source de la signifiance sociale mais également à l’endroit de la genèse des rapports de violence symbolique. (Hartmann, 2014, p. 311) Comme explicité, la violence est indissociable d’un contexte social et la violence physique n’échappe pas à cette règle. Cette dernière est à situer par rapport à l’apparition et au développement de la violence symbolique autrement dit de la genèse de l’ordre social.

Cela étant dit, ce n’est pas parce que la violence est indissociable de l’ordre social que ce dernier explique de manière générale l’apparition de la violence. En effet, « les conditions de vie et l’organisation de la vie sociale et politique ne constituent certainement pas des causes de la violence et des émeutes au sens des sciences naturelles, mais forment un cadre social, politique et culturel dans lequel leur apparition est plus probable. » (Groenemeyer, 2006, p.

477). Si l’ordre social permet l’apparition de violences notamment physiques, il n’est pas un critère exclusif d’apparition de violence mais bien un facteur parmi d’autres. Dans son article, Groenemeyer (2006) détaille ce postulat à partir des émeutes qui ont fait rage en France dans certains quartiers. L’auteur démontre que les émeutes trouvent souvent leurs origines dans l’organisation sociale même des quartiers où elles ont lieu, et plus spécifiquement les quartiers défavorisés. L’auteur relève que « cette attribution de sens suit plusieurs schémas d’interprétation différents : chômage et exclusion, ségrégation urbaine, mauvaises conditions d’habitat et "déprivations relatives" comme causes qui donnent aux émeutes un caractère de l’expression de la question sociale ». (Groenemeyer, 2006, p. 478). Ces soulèvements ont un caractère social dans la mesure où ils sont l’objet de « "discriminations ethniques" ou [de]

"racisme", et les conflits qui y sont attachés, portent sur l’idée d’un déficit de l’intégration sociale ; "désorganisation sociale" et "déclin de l’institution" [rendant] les émeutes

(26)

25 compréhensibles comme l’expression de déficits de la socialisation et du contrôle social. » (Groenemeyer, 2006, p. 478). Les discriminations de type ethnique et culturelles sont à la base des émeutes qui ont eu lieu dans certains quartiers défavorisés. En outre, les conflits qui entourent ces émeutes démontrent une problématique plus profonde quant à la société en traduisant un déficit de l’intégration sociale entraînant une forme de désorganisation sociale voire un déclin institutionnel. Ces phénomènes relatés par Groenemeyer sont consécutifs d’un ordre social détérioré où l’intégration et la socialisation ne se font plus. Et où l’on note une baisse du contrôle social.

[Ce type d’émeute et plus généralement] nous apprennent que la concentration de la précarité pourrait mener à des configurations sociales spécifiques, qui développent une certaine affinité pour faire émerger cette violence.[...] Même si les événements violents, leur développement et leur dynamique dépendent souvent d’une occasion ou de raisons banales, ils montrent des régularités sociales et symboliques qui peuvent être expliquées sociologiquement dans le cadre de l’organisation sociale. Dans cette perspective, la façon d’exprimer la colère (ou le plaisir), les logiques, les cibles d’actions, les formes symboliques de l’expression et la constellation sociale d’acteurs en conflit constituent les éléments centraux d’analyse. (Groenemeyer, 2006, p. 479)

Nous l’avons vu, la violence physique peut trouver ses origines dans la violence symbolique.

Un contexte donné, avec ses particularités et caractéristiques peut expliquer l’émergence de violences de type physiques telles que des émeutes. Il est possible de relever des régularités et de percevoir la violence symbolique comme donnant naissance à des phénomènes de violences. En outre, les concepts de violence symbolique et physique convergent non seulement par le fait qu’elles trouvent leurs origines dans l’ordre social mais encore par les conséquences qu’elles engendrent. En effet, « ce qui autorise à rassembler sous le concept unique de violence des actes qui ont une matérialisation physique et d’autres qui n’en ont pas, c’est donc la souffrance subjective de celui qui subit. » (Braud, 2003, p. 35). Les formes de violence toutes natures confondues impactent le sujet qui les subit, ce qui se traduit par de la souffrance. Braud ajoute (2003) « outre son éventuelle incidence corporelle, elle comporte toujours une dimension proprement psychologique : l’anxiété de se sentir vulnérable, le sentiment diffus (ou trop éclatant) d’être mis en infériorité » (p.35). Si l’ordre des représentations est transformé lors de l’apparition de violences physiques et/ou symboliques, l’individu se voit également transformé. Il existe des violences physiques et symboliques

(27)

26 différentes et c’est pourquoi il est pertinent de se pencher sur les formes qu’elles peuvent prendre.

2.3.2. La violence symbolique et ses conséquences

Nous avons vu qu’il existe plusieurs formes de violence qui peuvent être comparées et rapprochées. Ici, nous allons approfondir la violence symbolique (accompagnée ou non de violence physique) et voir quels peuvent être les effets pour les personnes qui les subissent.

Premièrement, « liée ou non à des violences physiques, la violence symbolique provoque une souffrance dont le noyau central est l’atteinte portée au moi identitaire (par opposition au moi corporel ou physique). » (Braud, 2003, p.36). Cette perspective amène l’idée d’une souffrance due à une forme d’atteinte à l’identité de celui qui a vécu de la violence symbolique. Par le « moi identitaire », Braud (2003) « entend [...] ces systèmes de schèmes cognitifs intimement associés à des projections émotionnelles, qui rendent le monde intelligible et permettent aux individus de s’y positionner les uns par rapport aux autres en tant que membres de groupes » (p. 36). C’est donc l’identité qui constitue un individu dans une communauté donnée. Cette identité est l’objet de projections émotionnelles plus ou moins fortes. Selon Braud (2003), il existe trois pôles principaux pour définir le moi identitaire ou le soi. Premièrement on retrouve (1) l’identité physique ou corporelle, puis on trouve (2) les valeurs (aussi appelées morale) et enfin en troisième (3) l’identité personnelle. L’identité physique regroupe les éléments identitaires tel que le genre, les particularités physiques et de même que le nom, prénom et surnom (presque toujours en lien avec les éléments précédemment cités). Ces éléments sont le plus souvent invariables et ne changent pas durant le parcours de vie d’un individu. La morale ou les valeurs d’un individu jouent également un rôle dans l’identité d’un sujet. Ce dernier va ajuster ses comportements et ses manières d’agir en lien avec ces valeurs qui permettent de légitimer ses choix d’action tout au long du parcours de vie. Cette ligne de conduite assure une certaine cohérence aux comportements du sujet, lui permettant de savoir quand il s’en écarte lorsqu’ils transgressent ses valeurs dans son choix d’action. Finalement, on trouve l’identité personnelle qui regroupe les groupes et les communautés auxquels appartient un sujet. Un individu étant profondément social de nature, son identité est indissociable des groupes auxquels il appartient. Il peut s’agir de l’identité professionnelle ou culturelle par exemple. Ces trois pôles constituent donc l’essentiel du moi identitaire d’un individu et il est intéressant de constater qu’il s’agit pour la plupart d’éléments hérités de l’environnement dans lequel il évolue et non choisis par ce dernier.

Certaines caractéristiques du moi identitaire peuvent faire l’objet de transformations

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