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Chronique de jurisprudence constitutionnelle suisse : année 2015

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Chronique de jurisprudence constitutionnelle suisse : année 2015

HOTTELIER, Michel

HOTTELIER, Michel. Chronique de jurisprudence constitutionnelle suisse : année 2015.

Annuaire international de justice constitutionnelle , 2016, vol. 31-2015, p. 889-912

DOI : 10.3406/aijc.2016.2381

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:86832

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constitutionnelle

Suisse

M. Michel Hottelier

Citer ce document / Cite this document :

Hottelier Michel. Suisse. In: Annuaire international de justice constitutionnelle, 31-2015, 2016. Constitution et droits sociaux - Constitution et sécurité extérieure. pp. 889-912

;

doi : https://doi.org/10.3406/aijc.2016.2381

https://www.persee.fr/doc/aijc_0995-3817_2016_num_31_2015_2381

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Annuaire international de justice constitutionnelle, XXXI-2015

SUISSE

par Michel HOTTELIER

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I.- Rapports entre la Constitution fédérale et le droit international ; II.- Applicabilité de la Constitution fédérale ; III.- Déclaration universelle des droits de l’homme ; IV.- Interdiction de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants ; V.- Droit à des conditions minimales d’existence ; VI.- Droit au respect de la vie privée et familiale ; A.- Dossier de police ; B.- Gestation pour autrui ; VII.- Liberté de réunion ; VIII.- Garantie de la propriété ; A.- Aliénation d’un appartement ; B.- Construction d’un chemin sur un fonds privé ; C.- Interdiction de construire en zone à bâtir ; D - Acquisition de logements en zone de développement ; IX.- Liberté économique ; A.- Portée de la liberté économique ; B.- Accès à la profession d’avocat ; C.- Réduction de la capacité d’accueil d’un café-restaurant ; D.- Étiquetage de bouteilles de vin ; E.- Retrait de l’autorisation d’exploiter une organisation de soins à domicile ; F.- Autorisation d’utiliser des emplacements de taxis ; X.- Garanties de l’État de droit ; A.- Refus de statuer ; B.- Égalité entre hommes et femmes ; C.- Droit d’être entendu ; XI.- Droits politiques ; A.- Élection du Conseil national ; B.- Élection du Conseil fédéral ; C.- Recomptage des voix lors d’une votation fédérale ; D.- Résultats d’une votation populaire ; E.- Annulation d’une votation populaire ; XII.- Convention européenne des droits de l’homme ; A.- Révision d’arrêts du Tribunal fédéral ; B.- Droit à la liberté et à la sûreté ; C.- Tribunal indépendant et impartial ; D.- Liberté d’expression ; E.- Droit de se marier ; F.- Principe ne bis in idem ; XIII.- Répartition des compétences entre la Confédération et les cantons ; A.- Souveraineté fiscale des communes ; B.- Protection contre le tabagisme passif ; C.- Carte d’assuré ; D.- Rénovation de logements ; E.- Allocation de logement.

*

I.- RAPPORTS ENTRE LA CONSTITUTION FEDERALE ET LE DROIT INTERNATIONAL

1. Un important arrêt de principe prononcé le 12 octobre 2012 avait permis au Tribunal fédéral d’examiner la question du rapport entre la Constitution fédérale et le droit international des droits de l’homme, en particulier la CEDH1. Ce

* Professeur à la Faculté de droit de l’Université de Genève.

1 Recueil officiel des arrêts du Tribunal fédéral suisse (ci-après : ATF) 139 I 16 X. ; v. AIJC XXVIII- 2012, p. 926. Le texte intégral des arrêts du Tribunal fédéral suisse dont sont issus les extraits cités

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précédent original avait vu la Haute Cour confirmer, dans le sillage d’une jurisprudence éprouvée, le principe de la primauté du droit international sur le droit interne, tout particulièrement dans le domaine des droits de la personne humaine.

Était en cause, en l’espèce, la portée d’une disposition introduite dans la Constitution fédérale le 28 novembre 2010 par voie d’initiative populaire (art. 121 al. 3 à 6 Cst.), qui prévoit le renvoi automatique des étrangers ayant commis certaines infractions en Suisse.

2. Ainsi, face à un conflit ouvert entre une norme de la Constitution fédérale contraire aux droits de l’homme et le droit conventionnel, le Tribunal fédéral a considéré que c’est ce dernier qui, au sens de la jurisprudence, doit en principe primer. À l’appui de leur raisonnement, les juges fédéraux ont cité en particulier l’article 27 de la Convention de Vienne sur le droit des traités, en soulignant que la Suisse ne saurait se référer à l’état de son droit interne pour faire échec au respect des engagements auxquels elle a souscrit sur la scène internationale. La Haute Cour s’est également référée à l’article 5 alinéa 4 Cst., qui précise que la Confédération et les cantons respectent le droit international, ainsi qu’à l’article 190 Cst., qui fait obligation au Tribunal fédéral et aux autres autorités du pays d’appliquer le droit international.

3. Le Tribunal fédéral a eu l’occasion de prononcer un arrêt de la même veine à propos cette fois non pas de la CEDH, mais de l’accord entre la Suisse et l’Union européenne et ses États membres sur la libre circulation des personnes (ALCP). La question se posait, en l’occurrence, de savoir si la disposition (art. 121a Cst.) instituant une limitation de l’immigration adoptée par le peuple et les cantons le 9 février 2014 par voie d’initiative populaire, qui introduit le principe d’un plafonnement et de contingents annuels pour les étrangers exerçant une activité lucrative, en posant en outre le principe de la préférence nationale et la limitation du regroupement familial, était de nature à faire échec, le cas échéant, à l’application de l’ALCP.

4. Par un arrêt de principe daté du 26 novembre 20152, les juges du Tribunal fédéral ont étendu le raisonnement qu’ils avaient tenu dans leur arrêt du 12 octobre 2012 à la question du rapport entre l’article 121a Cst. et l’ALCP.

II.- APPLICABILITE DE LA CONSTITUTION FEDERALE

5. Un intéressant arrêt prononcé le 25 novembre 20153 a fourni au Tribunal fédéral l’occasion de rappeler les principes à la base d’une jurisprudence originale que la Haute Cour a développée au sujet de la limitation du nombre de résidences secondaires au sens de l’article 75b Cst.

6. Les juges fédéraux ont souligné à cette occasion que le Conseil fédéral dispose de la compétence pour adopter directement les dispositions d’exécution de l’article 75b Cst. À teneur de cette disposition, entrée en vigueur le jour de son adoption par le peuple et les cantons, le 11 mars 2012, toute construction de résidences secondaires dans les communes où la proportion de 20 % est déjà atteinte est interdite. Le système de contingentement mis en place par le constituant prévoit également que les permis de construire octroyés entre le 11 mars et le 31 décembre

dans la présente chronique peut être consulté en ligne sur le site www.bger.ch. Pour plus d’informations sur le sujet, v. AIJC XVIII-2002, p. 825.

2 Arrêt du Tribunal fédéral 2C_716/2014 A.A. und B.A.

3 Arrêt du Tribunal fédéral 1C_580/2014 Helvetia Nostra c. A. S.A., B. et Administration communale de Liddes. Sur le sujet, v. également arrêt du Tribunal fédéral 1C_349/2015, du 7 janvier 2016, Communauté successorale A. c. D. et commune de Champéry.

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2012 sont annulables, alors que ceux qui ont été délivrés après le 1er janvier 2013 sont nuls de plein droit4.

7. Face aux prescriptions très fermes de cette réglementation, le Tribunal fédéral a toutefois réservé la protection de la bonne foi ou l’interdiction du déni de justice en évoquant le cas où l’autorité, saisie par hypothèse d’une demande de permis de construire avant le 11 mars 2012, aurait tardé à statuer sur une demande d’autorisation de construire valablement déposée. Les principes applicables dans ce domaine sont en effet eux aussi d’ordre constitutionnel (art. 5 al. 3 et 9 Cst.) et ils doivent s’appliquer d’une manière coordonnée avec l’article 75b Cst.

III.- DECLARATION UNIVERSELLE DES DROITS DE L’HOMME

8. La Déclaration universelle des droits de l’homme adoptée le 10 décembre 1948 par l’Assemblée générale de l’Organisation des Nations Unies n’est pas un texte normatif doté d’effets juridiques directs et soumis à la ratification des États5. Bien qu’elle ne figure pas au recueil officiel du droit fédéral suisse, la question du statut de la Déclaration vient parfois à être évoquée par la jurisprudence.

9. Ainsi, à un justiciable qui s’était vu réduire le bénéfice de prestations sociales pour avoir refusé de prendre part à un programme de formation professionnelle et qui invoquait le bénéfice de l’article 23 de la Déclaration universelle, le Tribunal fédéral a rétorqué, dans un arrêt du 22 décembre 20156, que ce document se présente comme une simple résolution de l’Assemblée générale des Nations unies. La Déclaration universelle est, à ce titre, dépourvue de caractère obligatoire. Elle ne saurait, partant, conférer des droits subjectifs susceptibles d’être invoqués en justice.

IV.- INTERDICTION DE LA TORTURE ET DES PEINES OU TRAITEMENTS INHUMAINS OU DEGRADANTS

10. Plusieurs arrêts fort intéressants ont récemment permis au Tribunal fédéral de revenir sur la question des conditions de détention en cas de surpopulation carcérale, suite à une jurisprudence dont les principes ont été posés par une série de précédents prononcés le 26 février 2014 à propos de la prison du canton de Genève7.

11. De l’avis de la Haute Cour, en cas de surpopulation carcérale, l’occupation d’une cellule individuelle par trois détenus – chacun disposant d’un espace de 4 m2, restreint du mobilier – représente une condition de détention difficile. Pareille condition n’est cependant pas réputée constituer une violation de l’article 3 CEDH et ne relève pas d’un traitement dégradant portant atteinte à la dignité humaine des prévenus. En revanche, l’occupation d’une cellule triple par six détenus avec une surface individuelle inférieure à 3,83 m2 – restreinte encore par le mobilier – peut constituer une violation de la disposition précitée si elle s’étend sur une longue période et si elle s’accompagne d’autres conditions de détention considérées comme mauvaises. Selon le Tribunal fédéral, il faut considérer la période pendant laquelle le recourant a été détenu dans les conditions incriminées. Une

4 V. AIJC XXIX-2013, p. 872 et les références citées.

5 Sur le sujet, v. les développements de Marc VERDUSSEN, La Déclaration universelle des droits de l’homme, in Maya HERTIG RANDALL, Michel HOTTELIER (éd.), Introduction aux droits de l’homme, Zurich 2014, p. 22 ss et les nombreuses références citées.

6 Arrêt du Tribunal fédéral 8C_536/2015 A. c. Politische Gemeinde St. Gallen. Dans le même sens, voir l’arrêt du Tribunal fédéral 9C_545/2015, du 15 octobre 2015, A. c. Office vaudois de l’assurance- maladie et les autres références citées.

7 AIJC XXIX-2013, p. 873. Sur le sujet, v. également AIJC XXX-2014, p. 896 et les autres références citées.

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durée qui s’approche de trois mois consécutifs apparaît comme la limite au-delà de laquelle les conditions de détention susmentionnées ne peuvent plus être tolérées.

12. Par un arrêt du 29 septembre 20158, le Tribunal fédéral a précisé que des interruptions de sept et de douze nuits entre différentes périodes durant lesquelles un détenu avait été placé dans une cellule où il disposait de moins de 3,83 m2 de surface individuelle nette ne pouvaient pas apparaître d’emblée comme suffisamment longues pour interrompre le délai indicatif de trois mois, délai au-delà duquel les conditions de détention ne sont plus tolérables et sont contraires à la dignité humaine au sens de la jurisprudence. En revanche, une interruption de dix-sept jours dans une cellule ménageant un espace individuel net allant de 5,09 à 10,18 m2 a été déclarée conforme avec l’article 3 CEDH.

13. Un autre arrêt, prononcé le 17 juillet 20159, a conduit le Tribunal fédéral à analyser les conséquences accompagnant un constat de conditions de détention illicites. De l’avis de la Haute Cour, les principes qui régissent la réparation de conditions de détention illicites avant jugement ou en matière de traitement institutionnel en milieu fermé s’appliquent, en principe, de la même manière à l’exécution des peines. Toutefois, sauf circonstances particulières, voire extraordinaires, après l’entrée en force du jugement pénal, la remise en liberté anticipée du condamné ne peut plus, en règle générale, constituer une réparation du préjudice subi par celui-ci en raison de conditions de détention illicites avant jugement ou en exécution de peine.

14. Un arrêt également prononcé le 29 septembre 201510 a vu le Tribunal fédéral examiner si la possibilité pour un détenu de renoncer à demander d’occuper une place de travail et donc de sortir de cellule était de nature à rendre ses conditions de détention compatibles avec l’article 3 CEDH. Les juges fédéraux ont répondu par la négative à cette question.

V.- DROIT A DES CONDITIONS MINIMALES D’EXISTENCE

15. Un arrêt daté du 29 mai 201511 a permis au Tribunal fédéral de rappeler sa jurisprudence selon laquelle le fait, pour un requérant d’asile débouté, de devoir séjourner dans un lieu d’hébergement collectif tel qu’un centre prévu à cet effet ou un abri de protection civil ne contrevient pas au droit fondamental à des conditions minimales d’existence garanti par l’article 12 Cst. et à l’interdiction des traitements dégradants au sens de l’article 3 CEDH. L’intéressé ne saurait donc prétendre occuper une chambre privée, sauf si des motifs impérieux comme des raisons médicales venaient à exiger pareille mesure12.

16. À l’occasion d’une affaire jugée le 21 août 201513, le Tribunal fédéral a précisé que la Directive 2003/9/CE du Conseil du 27 janvier 2003 oblige les États membres à accorder des conditions minimales d’accueil aux demandeurs d’asile, même à ceux pour lesquels il décide de requérir d’un autre État membre de prendre en charge ce demandeur en tant qu’État responsable de l’examen de sa demande d’asile. La Haute Cour a précisé que cette directive est inspirée par le respect de la

8 Arrêt du Tribunal fédéral 1B_152/2015 A. c. Ministère public du canton de Genève. Sur les conditions de détention, v. également l’arrêt du Tribunal fédéral 6B_456/2015 du 21 mars 2016, X. c.

Ministère public de la République et canton de Genève.

9 ATF 141 IV 349 X.

10 Arrêt du Tribunal fédéral 1B_239/2015 A. c. Ministère public du canton de Genève.

11 Arrêt du Tribunal fédéral 8C_459/2014 A. c. Etablissement vaudois d’accueil des migrants.

12 Sur le sujet, v. également les arrêts répertoriés in AIJC XXX-2014, p. 897, AIJC XXIX-2013, p.

876 et AIJC XXVI-2010, p. 780.

13 Arrêt du Tribunal fédéral 8C_720/2014 A., B. et C. c. Établissement vaudois d’accueil des migrants.

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dignité humaine que vise également à garantir le droit fondamental à des conditions minimales d’existence à travers la satisfaction de besoins élémentaires tels que la nourriture, l’hébergement et les soins médicaux de base. À cet égard, l’octroi de l’aide d’urgence prévue à l’article 12 Cst. aux requérants d’asile dont la demande a essuyé une décision de non entrée en matière est réputée répondre à des exigences14.

17. Le Tribunal fédéral a ajouté que la mise en œuvre de l’article 12 Cst. peut faire l’objet de différenciations en fonction du statut de la personne assistée. Ainsi, pour les requérants d’asile qui se trouvent sous le coup d’une décision de non entrée en matière, aucun intérêt d’intégration n’est à poursuivre et aucun contact social durable ne doit être garanti au regard du caractère, temporaire en principe, de la présence des personnes concernées sur le territoire suisse. Selon la Haute Cour, l’octroi de prestations minimales se justifie aussi afin de réduire toute incitation à demeurer en Suisse. Cette distinction n’apparaît pas dénuée de tout fondement objectif. Dans ces conditions, il n’est pas discriminatoire d’exclure du bénéfice de l’aide sociale les personnes dont la demande a fait l’objet d’une décision de renvoi exécutoire, dès lors que leurs besoins vitaux sont réputés couverts par l’aide d’urgence.

VI.- DROIT AU RESPECT DE LA VIE PRIVEE ET FAMILIALE A.- Dossier de police

18. À la faveur d’un arrêt prononcé le 26 novembre 201515, le Tribunal fédéral a rappelé que la conservation de données personnelles dans les dossiers de la police judiciaire porte une atteinte au moins virtuelle à la personnalité de la personne concernée, dont la protection est garantie aux articles 8 CEDH et 13 Cst. Tel est le cas tant que ces dossiers peuvent être utilisés ou consultés par des agents de la police ou être pris en considération lors de demandes d’information présentées par certaines autorités, voire être transmis à ces dernières. Pour être admissible, cette restriction doit reposer sur une base légale, être justifiée par un intérêt public ou par la protection d’un droit fondamental d’autrui et être proportionnée au but visé au sens de l’article 36 alinéas 1 à 3 Cst.

19. La Haute Cour a ajouté que la conservation de données personnelles dans les dossiers de police judiciaire tient à leur utilité potentielle pour la prévention des crimes et des délits ou pour la répression des infractions. La mesure poursuit ainsi des buts légitimes liés à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales. La conservation au dossier de police judiciaire des données relatives à la vie privée d’une personne condamnée au motif que cette dernière pourrait récidiver s’avère conforme au principe de la proportionnalité. Conformément à la jurisprudence, une décision de non-entrée en matière, un classement ou encore un acquittement ne suffisent pas à eux seuls à exclure que certaines informations concernant la situation de la personne fichée puissent encore apporter des informations utiles, en particulier lorsque les infractions qui ont donné lieu à l’enquête pénale demeuraient non élucidées.

20. Dans le cas d’espèce, le Tribunal fédéral a néanmoins admis le recours exercé par un particulier qui se plaignait de la conservation dans son dossier de police d’une copie de plainte pénale déposée à son encontre, d’un rapport de renseignements établi par la police judiciaire et de ses annexes, soit des procès- verbaux des auditions menées par la police et de divers documents versés au dossier

14 Sur le sujet, v. également AIJC XXX-2014, p. 897.

15 Arrêt du Tribunal fédéral 1C_307/2015 A. c. Cheffe de la Police de la République et canton de Genève.

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pénal. L’intéressé faisait valoir le préjudice que cette mesure lui occasionnait sur le plan professionnel, en influençant négativement ses chances d’obtenir un poste, précisément au sein de la police cantonale genevoise pour laquelle il avait manifesté sans succès son intérêt à plusieurs reprises. Les juges fédéraux ont en l’occurrence relativisé l’importance que la conservation des données en cause représentait sous l’angle de la prévention et de la répression des infractions pénales. Ils ont, au terme d’une analyse détaillée, fait prévaloir l’intérêt privé de recourant sur l’intérêt public.

B.- Gestation pour autrui

21. La Constitution fédérale proscrit, en son article 119, le don d’embryon ainsi que toutes les formes de maternité de substitution. Un important arrêt de principe prononcé le 21 mai 2015 sur la base d’un recours formé par le département fédéral de justice et police16 a conduit le Tribunal fédéral à décider qu’un jugement de paternité californien qui constatait l’existence d’un lien de filiation entre un enfant issu d’une gestation pour autrui et un couple de partenaires enregistrés en Suisse ne pouvait être reconnu qu’à l’égard du père biologique de l’enfant, sauf à contourner l’interdiction d’avoir recours à la gestation pour autrui au sens de l’article 119 Cst.

22. À l’issue d’un examen extrêmement approfondi, qui a donné lieu à une délibération publique, la Haute Cour a notamment souligné que l’interdiction constitutionnelle de toutes les formes de maternité de substitution repose sur la protection des droits de la femme et de ceux des enfants. La mesure incriminée a également été jugée compatible avec le droit au respect de la vie privée et familiale au sens de l’article 8 CEDH, ainsi qu’avec la Convention internationale relative aux droits de l’enfant.

23. Dans le même sens, une autre affaire, jugée le 14 septembre 201517, a par ailleurs vu la Haute Cour préciser qu’un certificat de naissance californien ne saurait être reconnu lorsqu’il atteste de liens de filiation à l’égard de parents avec lesquels l’enfant n’a pas de liens génétiques, en contournant l’interdiction d’avoir recours à la gestation pour autrui telle qu’elle prévaut en Suisse.

VII.- LIBERTE DE REUNION

24. Par arrêt du 18 janvier 201618, le Tribunal fédéral a jugé que le refus d’autorisation signifié par une autorité municipale à une association de protection des animaux d’organiser une brève manifestation sur le domaine public contrevenait aux libertés d’expression et de réunion protégées par les articles 16 et 22 Cst. En l’espèce, l’autorité saisie de la demande d’autorisation avait exigé de connaître les raisons à l’origine de la manifestation. Face à l’opposition de l’association de communiquer des renseignements sur le sujet, l’autorisation sollicitée essuya un refus.

25. Le Tribunal fédéral a commencé par rappeler sa jurisprudence, solidement établie, selon laquelle les libertés protégées par les articles 16 et 22 Cst.

confèrent à leur titulaire le droit à bénéficier d’un usage du domaine public excédant l’usage commun19. Ce droit est certes conditionnel, en ce sens que son exercice peut

16 ATF 141 III 312 Eidgenössisches Justiz- und Polizeidepartement.

17 ATF 141 III 328 A.A. und B.A.

18 Arrêt du Tribunal fédéral 1C_550/2015 Verein gegen Tierfabriken Schweiz c. Gemeinderat Regensdorf.

19 Sur le sujet, v. AIJC XXIX-2013, p. 881 ; AIJC XXVIII-2012, p. 933 ; AIJC XXII-2006, p. 902 ; AIJC XIX-2003, p. 848 ; AIJC XVIII-2002, p. 830. Sur l’utilisation du patrimoine administratif (en l’occurrence, la location d’une salle de spectacle), v. AIJC XXVI-2010, p. 776.

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être soumis à l’octroi d’une autorisation préalable, destinée à permettre à l’autorité de concilier au mieux, au besoin par l’imposition de conditions et de charges, les différents intérêts, publics et privés, susceptibles de s’opposer lors d’une manifestation. Tous ces intérêts doivent, après avoir été identifiés et évalués, faire l’objet d’une appréciation et d’une pondération globales.

26. Le refus d’autorisation a en l’espèce été considéré comme contraire au principe de la proportionnalité au sens de l’article 36 alinéa 3 Cst. Si des renseignements peuvent certes être sollicités par l’administration de la part des organisateurs d’une réunion sur la voie publique, l’autorité avait en l’occurrence été informée d’une manière suffisante de la manifestation, de son organisation et de son déroulement. Les risques d’atteinte à la sécurité publique apparaissaient en outre faibles, dans la mesure où la manifestation ne devait réunir que sept personnes pendant une demi-heure. Exiger davantage excédait les exigences inhérentes au principe de la proportionnalité.

27. Un autre arrêt, daté du 28 octobre 201520, a permis au Tribunal fédéral de rappeler les principes qui gouvernent l’organisation de manifestations sur le domaine privé. Était en cause en l’occurrence le refus d’autoriser la conférence annuelle d’une organisation islamique dans une salle en ville de Fribourg. Le Tribunal fédéral a commencé par indiquer que la liberté de réunion garantit les rassemblements privés dans le respect des exigences de la légalité, de l’intérêt public et du principe de la proportionnalité. Conformément à la doctrine et à la jurisprudence, l’organisation de ce genre de manifestation ne peut, en principe, être soumis à l’obtention d’une autorisation préalable.

28. Les juges fédéraux ont ensuite souligné que l’exigence d’une autorisation pour organiser certaines manifestations potentiellement à risque dans un lieu privé devait, en tout état, résulter d’une base légale, sous la seule réserve de la clause générale de police, qui permet à l’autorité compétente d’adopter les mesures adéquates en cas de menace grave, directe et imminente pour l’ordre public au sens de l’article 36 alinéa 1 Cst. Pareille autorisation ne peut toutefois être refusée qu’en cas de motifs fondés, compte tenu du rôle imparti, dans une société démocratique, à la liberté de réunion en tant que droit fondamental. La Haute Cour a finalement admis le recours, au motif que le refus de l’autorisation ne reposait pas, en l’occurrence, sur des motifs démontrant l’existence d’un risque quelconque de menace pour l’ordre ou la sécurité publics.

VIII.- GARANTIE DE LA PROPRIETE A.- Aliénation d’un appartement

29. Un intéressant arrêt prononcé le 3 septembre 201521 a conduit le Tribunal fédéral à rappeler sa jurisprudence traditionnelle selon laquelle l’intérêt public poursuivi par les législations cantonales qui tendent à préserver l’habitat et les conditions de vie existants, notamment en restreignant l’aliénation de maisons d’habitation, procède d’un intérêt public important.

30. De l’avis de la Haute Cour, ce type de réglementation ne contrevient pas, en soi, au droit fédéral et à la garantie constitutionnelle de la propriété. Tel est en particulier le cas en ce qui concerne les normes qui prévoient le refus de l’autorisation de vendre un appartement loué lorsqu’un motif prépondérant d’intérêt

20 Arrêt du Tribunal fédéral 1C_35/2015 Islamischer Zentralrat Schweiz c. Oberamtmann des Saanebezirks.

21 Arrêt du Tribunal fédéral 1C_16/2015 A. S.A. c. Service du logement et des gérances de la Commune de Lausanne.

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public ou d’intérêt général s’y oppose. En pareille hypothèse, il suffit que l’autorité administrative effectue une pesée des intérêts en présence et qu’elle évalue l’importance du motif de refus au regard des intérêts privés en jeu. Le principe de la proportionnalité au sens de l’article 36 alinéa 3 Cst. commande toutefois que l’autorité se livre à un examen à même de confronter et d’évaluer les divers intérêts en présence.

31. Dans une autre affaire, jugée le 5 août 201522, le Tribunal fédéral a décidé que la vente à des locataires d’un appartement occupé depuis plus de six ans, avec la volonté des intéressés de continuer à occuper le logement sur le long terme, en l’absence de toute opération de type spéculatif devait être autorisée, l’ensemble des conditions posées par la législation genevoise sur le sujet étant par ailleurs remplies.

B.- Construction d’un chemin sur un fonds privé

32. La création d’un chemin piétonnier sur un bien-fonds appartenant à une personne privée représente-t-elle une restriction valable à la garantie constitutionnelle de la propriété ? C’est à cette intéressante question que le Tribunal fédéral a été confronté à l’occasion d’une affaire jugée le 22 mars 201623.

33. Était en cause la réalisation d’un chemin, par une commune vaudoise, dans le cadre d’une liaison piétonne serpentant, en certains endroits, sur des parcelles riveraines du domaine public. La création du chemin impliquait en l’occurrence une emprise d’environ 29 m2 sur une parcelle qui comprenait une maison de maître, devant laquelle s’étendait une vaste pelouse avec piscine bordée d’arbres décoratifs d’essence majeure.

34. Le Tribunal fédéral a rejeté le recours exercé par le propriétaire de la parcelle. La Haute Cour a commencé par rappeler que le classement d’un terrain dans un plan d’affectation communal destiné au réaménagement d’une infrastructure routière représente une restriction au droit de propriété. Cette mesure n’est conforme à la garantie de l’article 26 Cst. que si elle repose sur une base légale, se justifie par un intérêt public suffisant et respecte le principe de la proportionnalité au sens de l’article 36 Cst. Après avoir relevé que la mesure projetée reposait bien sur une base légale, les juges fédéraux ont ajouté que la sécurité des piétons nécessitait, au lieu- dit, un élargissement de la chaussée qui leur était réservée. La création du chemin correspondant a par ailleurs été jugée conforme aux exigences d’aptitude, de nécessité et de proportionnalité, au sens étroit, rattachées au principe de la proportionnalité selon l’article 36 alinéa 3 Cst.

35. À la faveur d’une autre affaire, jugée le 1er avril 201524, le Tribunal fédéral a considéré que le refus d’octroyer une indemnité pour la moins-value résultant de l’inscription d’une servitude de passage à pied à travers une propriété ne contrevenait pas à la garantie constitutionnelle de la propriété. En l’espèce, l’inscription de la servitude faisait suite à une servitude précédente, laquelle était déjà présente avant l’achat de la parcelle. La nouvelle servitude ne consacrait dès lors aucune dépréciation de valeur du bien-fonds.

22 Arrêt du Tribunal fédéral 1C_68/2015 A. et B.A. c. Département de l’aménagement, du logement et de l’énergie de la République et canton de Genève.

23 Arrêt du Tribunal fédéral 1C_355/2015 A. c. Conseil communal de Morges.

24 ATF 141 I 113 A.

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C.- Interdiction de construire en zone à bâtir

36. Dans un arrêt prononcé le 3 septembre 201525, le Tribunal fédéral a jugé qu’une mesure consistant à rendre inconstructible la quasi-totalité des surfaces affectées en zone à bâtir représente une restriction grave à la garantie constitutionnelle de la propriété. En l’espèce, la mesure consistait en un refus d’autorisation de construire des infrastructures à l’intérieur d’une zone résidentielle qui était située sur un fond régulièrement inondé par la montée d’une nappe phréatique et par les crues d’un ruisseau voisin. Le propriétaire proposait de surélever son terrain au moyen d’une plateforme impliquant un remblayage, ainsi qu’en aménageant des tranchées drainantes remplies de galets en périphérie de l’ouvrage, de manière à permettre l’évacuation des eaux de surface

37. Le Tribunal fédéral a relevé que la mesure en cause reposait sur une base légale valable et qu’elle était bien motivée par un intérêt public prépondérant, à savoir la politique de protection contre les crues. Au chapitre du principe de la proportionnalité, les juges fédéraux ont toutefois constaté que des mesures moins strictes qu’un refus d’autorisation de construire telles que la mise en œuvre de garanties financières d’un entretien sur le long terme n’avaient pas été suffisamment examinées par les autorités cantonales. Le recours a par conséquent été admis et la cause renvoyée aux autorités cantonales.

D - Acquisition de logements en zone de développement

38. Par arrêt du 5 avril 201626, le Tribunal fédéral a confirmé la validité d’une initiative populaire tendant à inscrire dans la législation genevoise le principe selon lequel l’acquéreur d’un appartement dans un immeuble construit en zone de développement, donc soumis au contrôle de l’État, est tenu de l’occuper personnellement. Selon la Haute Cour, ce type de mesure respecte la garantie de la propriété, de même que la liberté économique et la liberté contractuelle telle qu’elle découle du droit fédéral27.

39. Les juges fédéraux ont relevé en l’occurrence que la limitation de la capacité de disposer d’un logement de ce genre s’inscrit dans le cadre des mesures visant à lutter contre la pénurie de logements, en particulier dans la perspective d’éviter l’acquisition de ce type de bien par les mêmes personnes, à des fins spéculatives ou d’investissement. Cet intéressant arrêt fait suite à un autre arrêt par lequel le Tribunal fédéral avait invalidé une loi genevoise concernant le même sujet, mais qui était conçue trop largement sous l’angle de son champ d’application personnel et matériel28.

IX.- LIBERTE ECONOMIQUE

A.- Portée de la liberté économique

40. L’article 27 Cst. consacre la liberté économique. Cette garantie comprend notamment le libre choix de la profession, le libre accès à une activité économique

25 Arrêt du Tribunal fédéral 1C_608/2014 A. c. B. et consorts et commune de Romont.

26 Arrêt du Tribunal fédéral 1C_529/2015 Claudio Sauro Graziano c. Conseil d’État de la République et canton de Genève.

27 Sur le sujet, v. ArianeMORIN, « La liberté contractuelle », in BénédictFOËX, MichelHOTTELIER (éd.), Propriété et liberté d’entreprendre. De la liberté de contracter à l’arbitrage immobilier, Zurich 2016, p.

15 ss.

28 V. AIJC XXX-2014, p. 902.

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lucrative privée, ainsi que son libre exercice. Conformément à la jurisprudence, la liberté économique protège toute activité économique privée, exercée à titre professionnel et tendant à la production d’un gain ou d’un revenu.

41. Une intéressante affaire jugée le 22 septembre 201529 a conduit le Tribunal fédéral à s’interroger sur la portée et le respect de la liberté économique dans le cas d’entreprises actives dans le domaine de l’assurance maladie. À une société anonyme dont l’organisation relève du droit privé, mais qui pratique l’assurance maladie obligatoire au sens du droit fédéral, la Haute Cour a indiqué que les droits fondamentaux des assurés devaient être pris en compte au sens de l’article 35 alinéa 2 Cst.

42. À teneur de cette disposition, quiconque assume une tâche de l’État est tenu de respecter les droits fondamentaux et de contribuer à leur réalisation. À cet égard, l’assureur-maladie intervient vis-à-vis du fournisseur de prestations en qualité d’organe d’exécution d’une branche de l’assurance sociale et il agit de ce fait comme un organe de l’État, détenteur de compétences de la puissance publique. Il est donc tenu, dans ses relations avec celui-ci, de mettre en œuvre l’assurance maladie obligatoire selon les principes et les règles de l’État de droit. Les actes qu’il accomplit à l’égard du fournisseur de prestations doivent être effectués en conformité avec la Constitution et la loi.

43. Dans une autre affaire, jugée le 2 mars 201530, le Tribunal fédéral a précisé que l’avocat désigné comme défenseur d’office accomplit une tâche étatique, soit une tâche publique qui, à ce titre, ne relève pas du champ d’application de la liberté économique. Le conseil qui pratique la défense d’office est indemnisé conformément au tarif des avocats de la Confédération ou du canton du for du procès, une rémunération forfaitaire étant possible.

B.- Accès à la profession d’avocat

44. Confronté au grief d’un avocat stagiaire qui avait essuyé un échec définitif lors de l’examen final du brevet d’avocat en 2004, mais qui demandait néanmoins à pouvoir s’inscrire à nouveau au registre des avocats stagiaires du canton de Genève, le Tribunal fédéral a conclu à l’absence de violation de la liberté économique31.

45. De l’avis de la Haute Cour, si cette garantie constitutionnelle protège certes le libre choix de la profession, le libre accès à une activité économique lucrative privée et son libre exercice et s’il est admis qu’elle s’applique à la profession d’avocat, des restrictions peuvent toutefois être opposées à son exercice sur la base des conditions qu’énumère l’article 36 Cst.

46. En l’espèce, la mesure attaquée reposait sur une base légale valable. Selon les juges fédéraux, la nécessité de protéger les justiciables impose en outre de s’assurer que l’avocat, qui se trouve au bénéfice d’un certain monopole de la représentation des parties en justice, dispose bien des compétences nécessaires pour exercer sa profession. En outre, selon la jurisprudence du Tribunal fédéral relative à la réglementation genevoise en matière d’examens professionnels en vue de l’obtention du brevet d’avocat, le candidat qui échoue à trois reprises à de telles épreuves ne saurait prétendre disposer des qualités et du profil requis pour la pratique du barreau. L’opiniâtreté d’un candidat à se représenter aux examens ne saurait pallier l’absence de maîtrise des bases du métier, évaluée à trois reprises.

29 ATF 141 V 557 C. S.A.

30 ATF 141 I 124 X.

31 Arrêt du Tribunal fédéral 2C_138/2015, du 6 août 2015, A. c. Commission du Barreau du canton de Genève.

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C.- Réduction de la capacité d’accueil d’un café-restaurant

47. Par arrêt daté du 3 novembre 201532, le Tribunal fédéral a précisé que la réduction de la capacité d’accueil d’un café-restaurant de soixante à cinquante places pour des raisons de protection contre les incendies constituait une restriction la liberté économique.

48. La mesure était en l’occurrence motivée par le fait que, pour pouvoir obtenir une licence d’exploitation permettant l’accueil effectif de soixante personnes, l’établissement devait impérativement comporter au moins deux issues de secours, conformément aux prescriptions anti-incendie. Or, les juges cantonaux avaient retenu la présence d’une seule issue de ce genre.

49. Le Tribunal fédéral a néanmoins admis le recours, au motif que l’existence d’une seconde issue de secours aménagée dans la cuisine de l’établissement, à condition d’être toujours libre de tout obstacle, n’avait pas fait l’objet d’un examen approfondi. La cause a été renvoyée à l’autorité cantonale pour qu’elle statue sur cette question.

D.- Étiquetage de bouteilles de vin

50. À quelles conditions une entreprise qui commercialise des bouteilles de vin est-elle autorisée à faire usage de l’appellation « Château » sur ses produits ? C’est à cette question originale qu’a été confronté le Tribunal fédéral à la faveur d’un arrêt prononcé le 11 janvier 201633.

51. Après avoir rappelé la portée de la liberté économique au sens de l’article 27 Cst. et, en particulier, le fait que cette garantie peut être invoquée tant par les personnes physiques que par les personnes morales, les juges fédéraux ont relevé que des restrictions sont admissibles à condition de reposer sur une base légale, d’être justifiées par un intérêt public prépondérant et de respecter le principe de la proportionnalité au sens de l’article 36 Cst.

52. De l’avis de la Haute Cour, les mesures restrictives qui ont trait aux conditions d’appellation d’origine font partie de la police du commerce et sont considérées comme légères. Après avoir constaté que la limitation d’appellation prévue par la législation valaisanne reposait, en l’occurrence, sur une base légale valable, le Tribunal fédéral a relevé que l’appellation « Château » était réservée aux bâtiments de ce genre, à l’exclusion d’autres bâtiments.

53. À cet égard, des similitudes architecturales telles que la présence d’une tour de pierre arrimée à l’édifice d’une société productrice de vins s’avère insuffisante à considérer que l’on a effectivement affaire à un château. Les juges fédéraux ont ajouté que, en relation avec les vins, les dénominations spécifiques, traditionnelles et d’origine prévues par les législations cantonales helvétiques ont pour but de garantir la qualité, de prévenir les risques d’abus et, partant, de protéger la bonne foi des consommateurs.

54. Le grief tiré de la violation de la liberté économique a en conséquence été rejeté, le bâtiment exploité par la société recourante, construit en 2008, ne correspondant nullement à une construction historique ou traditionnelle reconnue comme château au sens de la législation locale.

32 Arrêt du Tribunal fédéral 2C_301/2015 X. Sàrl c. Département de l’économie et du sport du canton de Vaud.

33 Arrêt 2C_441/2015 X. S.A. c. Chimiste cantonal du canton du Valais.

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E.- Retrait de l’autorisation d’exploiter une organisation de soins à domicile

55. Une société coopérative avait reçu des autorités genevoises l’autorisation d’exploiter une organisation d’aide et de soins à domicile. Des inspections administratives ayant révélé plusieurs carences dans la gestion des dossiers des patients et la prescription de médicaments, l’autorisation fut retirée. Par arrêt du 5 février 201634, le Tribunal fédéral a rejeté le recours exercé par la société et confirmé le bien-fondé de la décision cantonale.

56. Au chapitre de la garantie de la liberté économique au sens de l’article 27 Cst., les juges fédéraux ont indiqué que le retrait définitif de l’autorisation d’exploiter une institution de santé représente une restriction qui doit être qualifiée de grave. La Haute Cour a toutefois précisé que les manquements constatés atteignaient, en l’occurrence, une gravité telle que la décision de retrait d’exploiter reposait sur un but légitime prépondérant et qu’elle n’était pas disproportionnée.

57. Le Tribunal fédéral a également souligné que, pour certes protéger les droits patrimoniaux concrets des propriétaires, la garantie de la propriété au sens de l’article 26 Cst. ne s’opposait pas non plus au retrait d’une autorisation de police, dès lors que ce type d’autorisation administrative ne bénéficie pas de la protection d’une situation acquise.

F.- Autorisation d’utiliser des emplacements de taxis

58. Par arrêt du 15 janvier 201635, le Tribunal fédéral a rappelé que l’exploitation d’entreprises de taxis bénéficiant d’emplacements réservés sur la voie publique procède d’une utilisation qui excède l’usage commun et qui, partant, peut être soumise à autorisation par la législation cantonale. L’instauration d’un nombre limité de patentes donnant accès au domaine public s’avère, à cet égard, compatible avec la liberté économique au sens de l’article 27 Cst.

X.- GARANTIES DE L’ETAT DE DROIT A.- Refus de statuer

59. Un intéressant arrêt prononcé le 10 juillet 201536 a conduit le Tribunal fédéral à évoquer sa jurisprudence concernant le contrôle concret de la constitutionnalité des normes de rang cantonal. La Haute Cour a en l’espèce donné raison à un avocat qui se plaignait du tarif de l’indemnisation réservé aux défenseurs d’office dans le domaine de la justice pénale, au motif que l’autorité cantonale ne pouvait se contenter de constater que le tarif litigieux était prévu par le droit cantonal, sans entrer plus avant en matière sur les griefs d’inconstitutionnalité allégués à son sujet.

60. Conformément à la jurisprudence constante, les tribunaux cantonaux ont en effet l’obligation, sur demande de la partie recourante, de contrôler à titre préjudiciel la compatibilité du droit cantonal applicable au cas d’espèce avec la Constitution fédérale. Lorsque, à l’issue d’un tel contrôle, la norme s’avère par

34 Arrêt 2C_574/2015 X., Société coopérative c. Service du médecin cantonal de la République et canton de Genève.

35 Arrêt du Tribunal fédéral 2C_829/2015 A. c. Einwohnergemeinde U. und Staatsrat des Kantons Wallis.

36 Arrêt du Tribunal fédéral 6B_856/2014 X. c. Ministère public de la République et canton de Genève. Sur la même problématique, v. également arrêt du Tribunal fédéral 6B_594/2015, du 29 février 2016, X. c. Ministère public de la République et canton de Genève.

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hypothèse inconstitutionnelle, la juridiction compétente ne saurait formellement l’annuler, mais est habilitée à modifier la décision qui l’applique37.

61. En outre, le fait qu’un contrôle de constitutionnalité de nature abstraite a déjà pu être exercé à l’égard de l’acte normatif en cause ne saurait avoir pour conséquence de priver le justiciable de l’opportunité de provoquer ultérieurement un contrôle concret. À la suite du contrôle abstrait d’un acte normatif de rang cantonal, l’intéressé conserve en effet la possibilité de faire valoir une inconstitutionnalité de la réglementation lors de son application dans un cas particulier38.

B.- Égalité entre hommes et femmes

62. Le principe constitutionnel d’égalité salariale entre les femmes et les hommes que pose l’article 8 alinéa 3 Cst. représente une facette centrale et essentielle du droit général à l’égalité au sens de l’article 8 Cst. Pour être certes, intuitivement, aisée à appréhender, la disposition n’en pose pas moins des problèmes d’interprétation délicats lorsque sa mise en œuvre est en cause39. Une intéressante affaire jugée par le Tribunal fédéral le 1er décembre 201540 permet d’illustrer cette complexité à la faveur d’un cas portant sur la rétribution des enseignantes dans le secteur primaire du canton d’Argovie.

63. Jusqu’alors, la jurisprudence tendait à admettre que la profession d’enseignant du secteur primaire était neutre, sous l’angle du genre, par rapport à des professions considérées comme typiquement féminines. Dans le canton d’Argovie toutefois, la part de femmes parmi le personnel de l’enseignement primaire s’élève nettement au-dessus de 70 %. Les juges fédéraux ont précisé que, lorsque l’on observe, au moment déterminant de l’examen de la mise en œuvre l’article 8 alinéa 3 Cst., qu’une catégorie professionnelle présente un indice quantitatif clair sur la base d’un processus de longue durée, un éventuel aspect historique pour l’identification de genre passe au second plan.

64. La Haute Cour a ensuite souligné que, en considération du caractère continu et constant de l’évolution observée au cours des vingt dernières années, lequel permet d’exclure l’éventualité d’un phénomène purement temporaire, la profession d’enseignant du primaire doit être qualifiée de spécifiquement féminine dans le canton d’Argovie. Partant, la rémunération de cette fonction doit faire l’objet d’un examen sous l’angle de l’interdiction de la discrimination salariale fondée sur le sexe, en particulier sur l’existence éventuelle de motifs non objectifs, respectivement de leur caractère discriminatoire.

C.- Droit d’être entendu

65. La garantie constitutionnelle du droit d’être entendu est prévue à l’article 29 alinéa 2 Cst. Conformément à une jurisprudence constante, le droit d’être entendu représente l’un des aspects de la notion générale de procès équitable au sens de l’article 29 alinéa 1 Cst. Cette garantie offre notamment au justiciable le droit de s’expliquer avant qu’une décision soit prise à son détriment. Elle lui permet aussi d’avoir accès au dossier, de prendre connaissance de toute argumentation présentée au tribunal et de se déterminer à son propos, dans la mesure où il l’estime nécessaire,

37 V. par exemple arrêt du Tribunal fédéral 2C_1149/2015, du 29 mars 2016, A. c. HES-SO Valais- Wallis.

38 Sur le sujet, v. Andreas AUER, Giorgio MALINVERNI, Michel HOTTELIER, Droit constitutionnel suisse, vol. I, L’État, 3e éd., Berne 2013, p. 644.

39 Sur le sujet, v. AIJC XXVIII-2012, p. 936 ; AIJC XXI-2005, p. 727 ; AIJC XX-2004, p. 815.

40 ATF 141 II 411 A.

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que celle-ci contienne ou non de nouveaux éléments de fait ou de droit, et qu’elle soit ou non concrètement susceptible d’influer sur le jugement à rendre41.

66. Toute prise de position ou toute pièce nouvelle versée au dossier doit être communiquée aux parties afin de permettre à ces dernières de décider si elles veulent ou non faire usage de leur faculté de se déterminer. Si une partie considère qu’il est nécessaire de répliquer à une prise de position qui lui est notifiée, elle doit sans retard soit requérir l’autorisation de se déterminer, soit adresser sa réplique au tribunal. Une autorité ne saurait considérer, après un délai de moins de dix jours depuis la communication d’une détermination à une partie, que celle-ci a renoncé à répliquer et rendre sa décision.

67. Un arrêt prononcé le 16 octobre 201542 a permis au Tribunal fédéral de juger que, dans le cadre d’une procédure concernant des mesures provisoires présentant un caractère d’urgence, l’article 29 alinéa 2 Cst. ne déploie pas la même portée que dans la procédure au fond. Ainsi, lorsqu’il s’agit d’une décision judiciaire portant sur l’effet suspensif, qui doit par nature être rendue rapidement, l’autorité peut, sauf circonstances spécifiques, se dispenser d’entendre de manière détaillée les intéressés ou de procéder à un second échange d’écritures. Le droit d’être entendu du requérant est en principe déjà garanti par le dépôt de sa demande d’effet suspensif.

68. La Haute Cour a toutefois admis, en l’espèce, le recours formé pour violation du droit d’être entendu : l’autorité cantonale avait en effet statué moins de quatre jours ouvrables après que l’avocat de la recourante avait reçu la réponse à l’appel, alors même qu’elle aurait dû, avant de rendre son arrêt, laisser s’écouler un délai d’au moins dix jours afin de permettre l’exercice du droit de répliquer. Pour que le droit à la réplique soit garanti, il faut en effet que le tribunal ménage un laps de temps suffisant à la partie concernée, entre la remise des documents et le prononcé de sa décision, pour qu’elle ait la possibilité de déposer des observations si elle l’estime nécessaire à la défense de ses intérêts43.

69. Un autre aspect important de la garantie constitutionnelle du droit d’être entendu concerne l’obligation, à la charge de l’autorité, de motiver les décisions qu’elle est amenée à prononcer afin que le justiciable puisse les comprendre et exercer son droit de recours à bon escient. Le juge est ainsi tenu de mentionner, fût- ce brièvement, les motifs qui l’ont guidé et sur lesquels il a fondé sa décision, de manière à ce que l’intéressé soit en mesure de se rendre compte de la portée de celle- ci et de l’attaquer en connaissance de cause.

70. Conformément à la jurisprudence, constante elle aussi, le juge n’a toutefois pas l’obligation d’exposer et de discuter l’ensemble des faits, des moyens de preuve et des griefs qui sont invoqués par les parties. Il peut se limiter à l’examen des questions qui présentent un caractère décisif pour l’issue du litige. Dès lors qu’il est possible de discerner les motifs qui ont guidé la décision de l’autorité, le droit à une décision motivée est respecté, même si la motivation présentée se révèle finalement erronée. La motivation peut aussi être implicite et résulter des différents considérants présentés à l’appui de la décision. Une autorité se rend en revanche coupable de déni de justice formel si elle omet de se prononcer sur des griefs qui présentent une certaine pertinence ou de prendre en considération des allégués et arguments importants pour la décision à rendre.

71. Le Tribunal fédéral a, sur la base de ces principes, admis par arrêt du 20 octobre 201544 le recours formé par une partie à une procédure en modification de

41 ATF 142 III 48 A.A. Sur le sujet, v. également AIJC XXVIII-2012, p. 937 et les autres références citées.

42 Arrêt du Tribunal fédéral 5A_614/2015 A.A. c. B.A.

43 Sur le sujet, v. également l’arrêt du Tribunal fédéral 5A_897/2015, du 1er février 2016, A.A. c. B.

44 Arrêt du Tribunal fédéral 5A_111/2015 A. c. B.

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la contribution d’entretien d’une mineure. En l’espèce, l’arrêt attaqué s’avérait muet sur la question de la nécessité d’une représentation de l’enfant par un curateur, en raison d’un conflit d’intérêts avec la mère. Le point ayant été soulevé devant l’instance cantonale, cette dernière se devait de juger en quoi elle n’avait pas à entrer en matière ou en quoi elle devait nier le conflit.

XI.- DROITS POLITIQUES

A.- Élection du Conseil national

72. Le Conseil national est la chambre de l’Assemblée fédérale dans laquelle siègent les deux cents députés représentant le peuple suisse au sens de l’article 149 alinéa 1 Cst. Conformément à l’article 149 alinéa 2 Cst., les députés sont élus tous les quatre ans par le peuple au suffrage direct, selon le système proportionnel, lequel est en vigueur depuis 191945. Les circonscriptions sont formées par le territoire de chacun des vingt-six cantons. Chaque canton dispose d’un nombre de sièges qui est établi d’une manière proportionnelle à sa population de résidence. Les cantons qui, en raison de leur faible population, n’ont droit qu’à un seul siège élisent leur représentant sur la base du système majoritaire uninominal à un tour.

73. Une intéressante affaire jugée le 19 août 201546 a conduit le Tribunal fédéral à préciser que le système électoral qui prévaut à l’élection des députés du Conseil national, pour résulter d’une loi fédérale, ne saurait faire l’objet d’un contrôle portant sur sa conformité à la Constitution. À teneur de la règle de l’article 190 Cst., le Tribunal fédéral est en effet tenu d’appliquer les lois adoptées par l’Assemblée fédérale.

74. Aussi, la question de savoir si la jurisprudence développée au sujet de la pratique du système proportionnel telle qu’elle a cours dans les cantons et les communes en lien avec la garantie des droits politiques au sens de l’article 34 Cst.47 est transposable aux élections du Conseil national a-t-elle pu demeurer ouverte. Les juges fédéraux ont toutefois ajouté que le système proportionnel fédéral respecte le droit de prendre part à la direction des affaires publiques soit directement, soit par l’intermédiaire de représentants librement choisis au sens de l’article 25 lettre a, lu en lien avec l’article 2 paragraphe 1 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

75. Les listes de candidats qui briguent un siège Conseil national sont arrêtées au sein de chaque canton. Ce sont les gouvernements cantonaux qui sont compétents pour valider les listes et pour statuer sur les éventuels recours susceptibles d’être formés à leur encontre. Le Tribunal fédéral statue en dernière instance, sur la base de recours qui doivent être exercés dans un délai de trois jours à compter de la décision du gouvernement cantonal.

76. Une affaire jugée le 27 août 201548 a permis au Tribunal fédéral de souligner que, en dépit de sa brièveté, ce délai doit impérativement être respecté49. La Haute Cour a en l’espèce déclaré irrecevable le recours exercé tardivement par un

45 Sur ce mode d’élection, v. AUER, MALINVERNI, HOTTELIER (note 38), p. 232.

46 Arrêt du Tribunal fédéral 1C_322/2015 Stefan Thöni c. Regierungsrat des Kantons Zug.

47 Sur le sujet, v. ATF 140 I 107 Addor und Mitb. ; ATF 139 I 195 Alternative - die Grünen Kanton Zug und Mitb.

48 Arrêt du Tribunal fédéral 1C_411/2015 A. c. B, C. et D.

49 Sur la brièveté des délais de recours en matière de droits politiques, v. également AIJC XXX-2014, p. 912.

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citoyen genevois qui entendait se plaindre de la dénomination, trompeuse selon lui, des listes déposées par une formation politique50.

B.- Élection du Conseil fédéral

77. Conformément aux articles 157 alinéa 1 lettre a, 168 alinéa 1 et 175 alinéa 2 Cst., les sept membres qui composent le Conseil fédéral, organe collégial directorial chargé du gouvernement de la Confédération, sont élus tous les quatre ans par l’Assemblée fédérale. L’élection, qui intervient après chaque renouvellement intégral du Conseil national, n’est pas celle d’une équipe désignée collectivement.

Les membres de l’équipe gouvernementale sont au contraire élus individuellement et successivement, selon leur ordre d’ancienneté au sein de l’institution. Pour procéder à l’élection, l’Assemblée fédérale siège en composition de chambres réunies51.

78. À l’issue de l’élection du Conseil fédéral qui s’est déroulée le 9 décembre 2015, un citoyen saisit le Tribunal fédéral d’un recours concluant à l’annulation de l’élection de six des sept conseillers fédéraux et sollicitant la tenue d’une nouvelle élection.

79. Le Tribunal fédéral a refusé d’entrer en matière sur le recours52. En effet, à teneur de l’article 189 alinéa 4 Cst., les actes de l’Assemblée fédérale ne peuvent en principe pas être portés devant le Tribunal fédéral. En l’espèce, aucune disposition de la législation n’attribue au Tribunal fédéral la compétence de connaître de recours de ce genre.

C.- Recomptage des voix lors d’une votation fédérale

80. Le 19 août 201553, le Tribunal fédéral s’est prononcé sur les modalités entourant le recomptage des voix lors d’une votation populaire de rang fédéral.

Renversant sa jurisprudence antérieure54, la Haute Cour a décidé que le résultat très serré à l’appui d’une votation fédérale ne donne pas, à lui seul, automatiquement un droit à obtenir un recomptage des voix.

81. Selon le Tribunal fédéral, une obligation de recomptage des résultats de votations et d’élections serrées ne découle directement de la garantie des droits politiques au sens de l’article 34 alinéa 2 Cst. que dans des cas bien particuliers, lorsque le citoyen est en mesure de faire valoir des indices sérieux et concrets d’un comptage erroné ou d’un comportement contraire à la loi de la part de l’organe compétent55.

D.- Résultats d’une votation populaire

82. Les résultats particulièrement serrés enregistrés à l’occasion d’un scrutin référendaire portant sur une loi cantonale sont-ils de nature à remettre en cause l’issue de la votation ? C’est à cette intéressante question que le Tribunal fédéral a été confronté à la faveur d’une affaire jugée le 20 janvier 201656.

50 V. également AIJC XXVII-2011, p. 1026 au sujet de l’impossibilité pour un élu au Conseil national d’occuper un siège en commission.

51 V. AUER, MALINVERNI, HOTTELIER (note 38), p. 45.

52 Arrêt du Tribunal fédéral 1C_649/2015 Roy Erismann c. Vereinigte Bundesversammlung, du 16 décembre 2015.

53 ATF 141 II 297 Pfaff, Egli, Weidmann und Heid.

54 V. AIJC XXVI-2010, p. 785.

55 Sur le contrôle des résultats des votations populaires de rang fédéral, v. également AIJC XXVII- 2011, p. 1027.

56 Arrêt du Tribunal fédéral 1C_320/2015 Christian Antonietti c. Conseil d’État du canton de Genève.

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83. Était en cause dans cette affaire une nouvelle mouture de la loi genevoise sur la police, âprement débattue sur le terrain parlementaire. Le référendum ayant été sollicité par une fraction du corps électoral, la nouvelle fut soumise au scrutin populaire. Le résultat de la votation fut extrêmement serré, puisque la loi fut finalement acceptée par quelques dizaines de voix de différence seulement entre ses partisans (55’763) et ses adversaires (55’709). À l’issue d’un recomptage des résultats, l’affaire fut portée devant les instances cantonales compétentes, qui confirmèrent que la loi avait été valablement adoptée. Saisi à son tour d’un recours pour violation des droits politiques au sens de l’article 34 Cst., le Tribunal fédéral a confirmé la position des autorités genevoises.

84. Le Tribunal fédéral a commencé par rappeler sa jurisprudence selon laquelle la garantie constitutionnelle des droits politiques protège la libre formation de l’opinion des citoyens et l’expression fidèle et sûre de leur volonté. De cette garantie découle notamment le droit d’exiger qu’aucun résultat ne soit reconnu s’il n’exprime pas la libre volonté du corps électoral. En particulier, l’autorité chargée du dépouillement est tenue de procéder aux diverses opérations de tri du matériel de vote, de qualification des bulletins et de décompte des suffrages avec soin et conformément aux dispositions applicables.

85. La Haute Cour a ajouté que le processus démocratique a pour corollaire la possibilité que des votations débouchent, le cas échéant, sur des résultats serrés, lesquels doivent être acceptés, sans être mis en doute uniquement en raison d’un faible écart de voix. Aussi, pareil résultat ne saurait justifier à lui seul un droit au recomptage. Lorsque des irrégularités sont constatées lors du dépouillement d’un scrutin, la votation ne peut être annulée qu’à la double condition que la violation constatée soit grave et qu’elle ait pu avoir une influence sur le résultat du vote.

86. Selon le Tribunal fédéral, il y a lieu de tenir compte notamment de l’écart de voix, de la gravité des vices de procédure et de leur portée sur le vote dans son ensemble. Si la possibilité d’un résultat différent au cas où la procédure n’avait pas été viciée apparaît à ce point minime qu’elle ne puisse pas entrer sérieusement en considération, il y a lieu de renoncer à l’annulation du vote. Dans le cas contraire, il faut considérer le vice comme important et annuler la votation. Lorsque la différence de voix est très nette, seules de graves irrégularités sont de nature à remettre en cause la validité du résultat du vote.

87. Dans le cas d’espèce, aucun indice concret ne révélait une quelconque irrégularité susceptible d’avoir entaché le dépouillement des voix lors du scrutin. Il apparaissait, au contraire, que toutes les règles procédurales avaient été respectées.

Les juges fédéraux ont ajouté que, même serré, le résultat du scrutin ne saurait créer à lui seul une présomption d’irrégularité. Tel était d’autant moins le cas qu’un recomptage avait précisément été ordonné et que son résultat avait abouti au même nombre de cartes de vote et de bulletins rentrés que lors du premier décompte.

E.- Annulation d’une votation populaire

88. Un arrêt fort intéressant prononcé le 1er octobre 201557 a vu le Tribunal fédéral admettre un recours pour violation des droits politiques et annuler une votation communale. En l’espèce, lors du dépouillement des bulletins de vote concernant une demande de crédit de construction dans une ville vaudoise, aucun visa officiel n’avait été apposé au recto des cartes et des enveloppes de votes émises au bureau de vote. Au vu de la législation cantonale, de tels votes n’auraient pas dû être

57 ATF 141 I 221 Bacca et Jaggi.

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