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Chronique de jurisprudence constitutionnelle suisse: année 2014

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Chronique de jurisprudence constitutionnelle suisse: année 2014

HOTTELIER, Michel

HOTTELIER, Michel. Chronique de jurisprudence constitutionnelle suisse: année 2014.

Annuaire international de justice constitutionnelle, 2015, vol. 30-2014, p. 895-916

DOI : 10.3406/aijc.2015.2271

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:76515

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Suisse

M. Michel Hottelier

Citer ce document / Cite this document :

Hottelier Michel. Suisse. In: Annuaire international de justice constitutionnelle, 30-2014, 2015. Juges constitutionnels et doctrine - Constitutions et transitions. pp. 895-916;

doi : https://doi.org/10.3406/aijc.2015.2271

https://www.persee.fr/doc/aijc_0995-3817_2015_num_30_2014_2271

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CHRONIQUES

SUISSE

par Michel HOTTELIER *

Interdiction de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants ; A.-Conditions de détention ; B.-Obligation d'enquêter ; II.-Droit à des conditions minimales d'existence ; III.-Droit au logement ; IV.-Droit au respect de la vie privée et familiale; A.-Mesures de surveillance; B. - Indemnité en cas de paternité ; V.-Liberté d'expression ; A.-Interdiction de la mendicité ; B.-Séquestre pénal de documents ; VI.-Liberté de la langue ; VII.-Liberté syndicale ; VIII.-Garantie de la propriété; A.-Gel d'avoirs bancaires; B.-Acquisition de logements en zone de développement ; C. - Mesure de classement ; D. - Impôt sur les résidences secondaires ; IX.-Liberté économique ; A. - Sanctions disciplinaires ; B. - Installation d'une terrasse sur le domaine public; C.-Mise en conformité aux normes d'une boulangerie; D. - Circulation routière; X.-Garanties de l'État de droit; A.-Principe d'égalité de traitement;

B.-Egalité entre hommes et femmes ; C.-Interdiction de l'arbitraire; D.-Equité de la procédure ; XI.-Droits politiques ; A.-Contrôle des constitutions cantonales ; B. - Validité d'une initiative populaire ; C.-Vote par Internet ; D. - Quorum ; E.-Prise de position avant un scrutin référendaire ; F. - Délai pour recourir en cas de votations et d'élections ; XII.-Convention européenne des droits de l'homme; A. - Tribunal indépendant et impartial ; B. - Garantie du procès équitable ; C. - Renvoi d'étrangers ; D. - Principe ne bis in idem ; XIII.-Répartition des compétences entre la Confédération et les cantons ; A.-Acquisition d'équipements médicaux lourds ; B. - Poursuite pour dettes.

*

I.-INTERDICTION DE LA TORTURE ET DES PEINES OU TRAITEMENTS INHUMAINS OU DÉGRADANTS

A.-Conditions de détention

1. Ces dernières années, le Tribunal fédéral a eu à plusieurs reprises l'occasion de se prononcer, par des arrêts de principe, sur les conditions de détention au regard des articles 10 alinéa 3 Cst. et 3 CEDH, en lien avec des mesures de privation de

Professeur à la Faculté de droit de l'Université de Genève.

Annuaire international de justice constitutionnelle, XXX-2014

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liberté exécutées dans des locaux policiers ou pénitentiaires inadéquats1. Une question restait encore à juger : celle des conséquences, sur le terrain du droit, des violations constitutionnelles et conventionnelles ainsi constatées.

2. Un arrêt fort intéressant prononcé le 1er juillet 20142 a permis à la Haute Cour de confirmer que le maintien d'une personne à l'intérieur d'une cellule dépourvue de fenêtre et éclairée 24 heures sur 24 constitue, même pour une période limitée à une dizaine de jours, un traitement dégradant contraire à l'article 3 CEDH.

En l'espèce, la Haute Cour a précisé que le constat d'une telle violation ne suffisait pas à constituer une réparation. Donnant suite au recours de la personne concernée, les juges fédéraux ont souligné que l'allocation d'une indemnité limitée à 25 francs par jour de détention illicite était insuffisante, mais qu'un montant de 50 francs par jour ne présentait pas, en l'occurrence, un caractère exagéré, eu égard aux conditions de détention subies. Le Tribunal fédéral n'a pas exclu que la réparation puisse aussi revêtir une autre forme, soit une réduction de peine, à l'instar des standards qu'il a développés au sujet de la violation du principe constitutionnel de la célérité3.

3. Par arrêt du 7 avril 20154, le Tribunal fédéral a jugé que les fouilles corporelles systématiquement pratiquées à la prison de Genève sur les détenus à l'issue des visites que ceux-ci reçoivent ne sont incompatibles ni avec l'article 3 CEDH, ni avec la garantie de la dignité humaine au sens de l'article 7 Cst. La Haute Cour a considéré que les fouilles à corps intégrales, pouvant impliquer la mise à nu complète des détenus concernés, se déroulent selon des modalités adéquates et représentent des mesures nécessaires afin d'assurer la sécurité dans la prison, défendre l'ordre ou prévenir des infractions pénales. Citant abondamment la casuistique de la Cour européenne des droits de l'homme et la Recommandation sur les Règles pénitentiaires du Comité des Ministres du Conseil de l'Europe, les juges fédéraux ont en l'occurrence rejeté le recours exercé par un détenu qui se plaignait d'avoir été fouillé à trente-huit reprises en moins d'une année, chaque fois qu'il avait reçu une visite lui permettant d'avoir un contact avec un tiers venu de l'extérieur.

B - Obligation d'enquêter

4. Dans le sillage de la jurisprudence qu'il a développée au sujet de l'obligation d'enquêter sur la base de l'article 3 CEDH en lien avec l'article 13 CEDH5, le Tribunal fédéral a rappelé, dans un arrêt prononcé le 6 janvier 201 56, que le droit à une enquête officielle approfondie et effective fonde une obligation de moyens, non de résultat. Cette garantie impose aux autorités d'adopter l'ensemble des mesures raisonnables possibles en vue d'obtenir les preuves relatives aux faits en question telles que l'audition des personnes impliquées, les dépositions de témoins

1 V. AIJC XXIX-2013, p. 873 ; AIJC XXVIII-2012, p. 929- Pour un rappel des principes applicables en ce domaine, v. l'arrêt du Tribunal fédéral 6B_l4/20l4, du 7 avril 2015, X. c. Ministère public de la République et canton de Genève.

2 Recueil officiel des arrêts du Tribunal fédéral suisse (ci-après : ATF ) 140 I 246 X. Les arrêts du Tribunal fédéral suisse dont sont issus les extraits cités dans la présente chronique peuvent être consultés en ligne sur le site www.bger.ch.

3 V. par exemple l'arrêt du Tribunal fédéral 6B_843/20l4, du 7 avril 2015, X. c. Ministère public de la République et canton de Genève, consid. 1.4 et les autres références jurisprudentielles citées.

4 Arrêt du Tribunal fédéral 6B_l4/20l4 X. c. Ministère public de la République et canton de Genève.

5 p. 1015. Sur le sujet, v. AIJC XXIX-2013, p. 875 ; AIJC XXVIII-2012, p. 930 ; AIJC XXVII-2011, 6 Arrêt du Tribunal fédéral 6B_1 52/2014 X. c. Ministère public de la République et canton de Genève et consorts.

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SUISSE 897 oculaires, les expertises ou des certificats médicaux. Les autorités doivent par ailleurs agir avec célérité et diligence. Toute défaillance affectant les investigations qui compromettent la capacité des autorités à établir les faits ou les responsabilités peut être constitutive d'une violation de l'article 3 CEDH.

5. Dans le cas d'espèce, le Tribunal fédéral a admis le recours exercé par un détenu. Celui-ci se plaignait de ce que la plainte pénale qu'il avait formée pour mise en danger de sa vie et incitation au suicide à l 'encontre de certains membres du personnel pénitentiaire de l'établissement où il était incarcéré avait indûment fait l'objet d'une mesure de classement. La Haute Cour a jugé que, comme les accusations que l'intéressé avait formulées ne pouvaient être considérées comme dépourvues de toute crédibilité, il avait droit à une enquête approfondie et effective.

II.-DROIT À DES CONDITIONS MINIMALES D'EXISTENCE

6. Une affaire jugée le 3 juin 20147 a permis au Tribunal fédéral de rappeler sa jurisprudence8 selon laquelle le fait pour un requérant d'asile débouté de devoir séjourner dans un abri de protection civile, dans le cadre des prestations accordées à titre transitoire au titre de l'aide d'urgence, sans être tenu d'y passer tout ou partie de la journée ne contrevient pas au droit fondamental à des conditions minimales d'existence tel qu'il est garanti par l'article 12 Cst. La Haute Cour a ajouté que cette forme d'hébergement ne saurait être considérée comme relevant d'un traitement inhumain ou dégradant ou encore contraire à la dignité humaine lorsqu'elle concerne une personne qui n'est pas spécialement vulnérable. L'hébergement dans un abri de protection civile n'a pas non plus été jugé contraire au droit au respect de la vie privée au sens de l'article 8 paragraphe 1 CEDH.

7. Le 3 novembre 20149, le Tribunal fédéral a jugé qu'une famille de requérants d'asile dont la demande avait essuyé une décision de non entrée en matière, mais qui avait dans l'intervalle porté sa cause devant la Cour européenne des droits de l'homme pour se plaindre des conditions entourant son renvoi, n'était pas légitimée à bénéficier de l'aide sociale au sens de la législation fédérale sur l'asile. En l'occurrence, seule l'aide d'urgence, qui vise à garantir le droit fondamental à des conditions minimales d'existence à travers la satisfaction de besoins élémentaires — notamment la nourriture, l'hébergement et les soins médicaux de base —, pouvait être octroyée.

8. Selon la Haute Cour, la saisine de la Cour de Strasbourg relève d'une procédure extraordinaire, dépourvue en principe d'effet suspensif sur les mesures étatiques dont les requérants contestent la conformité à la Convention. Or en l'espèce, si les recourants avaient certes obtenu la suspension de l'exécution de leur renvoi et le droit de demeurer provisoirement en Suisse, aucune mesure prise en application de l'article 39 paragraphe 1 du règlement de la Cour n'avait été décidée en relation avec la couverture de leurs besoins.

9. Dans un autre arrêt, prononcé le 11 mars 201410 au sujet de l'aide d'urgence allouée à un requérant d'asile durant la procédure de renvoi dans le cadre

7 Arrêt du Tribunal fédéral 8C_466/2013 A. c. Etablissement vaudois d'accueil des migrants.

8 V. les arrêts répertoriés in AIJC XXIX-2013, p. 876.

9 Arrêt du Tribunal fédéral 8C_706/2013 A. et consorts c. Etablissement vaudois d'accueil des migrants.

10 ATF 140 I 141 F.

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du Règlement de Dublin, le Tribunal fédéral a précisé qu'indépendamment de la question de savoir si la directive communautaire 2003/9/CE du Conseil du 27 janvier 2003 et la jurisprudence qui s'y rapporte présentent un caractère contraignant pour la Suisse, il n'apparaît pas que celle-ci ouvre le droit à des prestations plus étendues que les prestations minimales qui sont garanties par l'article 12 Cst.

III.-DROIT AU LOGEMENT

10. Le droit au logement en tant que droit social ne fait pas à proprement parler partie des droits fondamentaux protégés par la Constitution fédérale. Tout au plus est-il mentionné au titre des buts sociaux qu'énonce l'article 41 Cst., qui prévoit notamment (al. 1, let. e) que la Confédération et les cantons s'engagent, en complément de la responsabilité individuelle et de l'initiative privée, à ce que toute personne en quête d'un logement puisse trouver, pour elle-même et sa famille, un logement approprié à des conditions supportables. La disposition précise toutefois (al. 4) qu'aucun droit subjectif ne saurait être déduit des buts qu'elle énumère.

1 1 . Rien n'empêche, cela étant, les constitutions des cantons de prévoir une garantie de ce genre dans le catalogue des droits fondamentaux que celles-ci contiennent. Tel est par exemple le cas dans le canton du Jura et, plus récemment, à Genève, dont la Constitution totalement révisée entrée en vigueur le 1er juin 2013 contient une disposition (art. 38) qui prévoit que « le droit au logement est garanti », tout en ajoutant que « toute personne dans le besoin a droit d'être logée de manière appropriée ». Une affaire jugée le 17 juin 201411 par le Tribunal fédéral a toutefois permis de préciser que la garantie précitée ne confère pas au justiciable le droit de se voir attribuer un appartement dans un immeuble déterminé.

IV - DROIT AU RESPECT DE LA VIE PRIVÉE ET FAMILIALE A.-Mesures de surveillance

12. Dans un arrêt de principe prononcé le 1er octobre 201412, le Tribunal fédéral a examiné la conformité au regard des articles 13 Cst. et 8 CEDH des mesures prévues par la loi sur la police du canton de Zurich, qui tendaient à permettre la surveillance des communications sur les plateformes de discussions virtuelles accessibles à un nombre limité d'utilisateurs («Closed User Groups »). De l'avis de la Haute Cour, une telle récolte d'informations, qui s'étend en principe à l'ensemble des utilisateurs de ce moyen de communication, est de nature à porter atteinte à la sphère privée et au secret des télécommunications. Constatant qu'il s'agit d'une méthode de surveillance très large qui permet la récolte et l'exploitation de données sur la sphère privée de nombreuses personnes contre lesquelles il n'existe aucun soupçon de comportement illicite, les juges fédéraux ont déclaré que la disposition en cause n'était pas compatible avec le principe de proportionnalité.

Celle-ci ne soumettait en effet la surveillance à aucune autorisation judiciaire préalable et n'accordait ni information ultérieure, ni protection juridique aux personnes concernées.

11 Arrêt du Tribunal fédéral 8C_605/2013 A. c. Ville de Genève.

12 ATF 140 I 353 A.

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suisse 899 13. À la faveur d'une autre affaire, également jugée le 1er octobre 201413 dans le cadre du contrôle abstrait de constitutionnalité des actes normatifs cantonaux, le Tribunal fédéral a déclaré que les mesures d'observation, de recherches préventives secrètes et d'enquête sous couverture prévues par la loi sur la police du canton de Genève ne respectaient pas le principe de la proportionnalité, faute de prévoir une communication ultérieure à la personne observée, assortie d'un droit de recours.

B.-Indemnité en cas de paternité

14. Une affaire jugée le 15 septembre 201414 a conduit le Tribunal fédéral à préciser que l'absence de droit à un congé parental dans la législation fédérale sur l'assurance pour perte de gain n'est pas discriminatoire et ne contrevient pas aux articles 8 et 14 CEDH. En droit suisse, la législation fédérale règle exclusivement le droit des mères à une indemnité après la naissance. La Haute Cour a précisé qu'une répartition d'un droit de ce genre sur les deux parents exigerait une base légale, dès lors qu'une telle répartition serait incompatible avec l'article 4 de la Convention n° 183 de l'OIT sur la protection de la maternité, qui garantit aux femmes le droit à un congé maternité minimal incompressible de quatorze semaines.

V.-LIBERTÉ D'EXPRESSION

A.-Interdiction de la mendicité

15. Ces dernières années, le Tribunal fédéral a eu à plusieurs reprises l'occasion de se prononcer sur le statut constitutionnel de l'interdiction cantonale de la mendicité au regard notamment de la liberté personnelle15. Dans le sillage de cette casuistique, une intéressante affaire jugée le 10 septembre 201416 a permis à la Haute Cour de préciser que l'interdiction de la mendicité qui a cours à Genève ne contrevient pas à la liberté d'expression consacrée par les articles 16 Cst. et 10 CEDH.

16. De l'avis du Tribunal fédéral, le fait de quémander de l'argent sur la voie publique au moyen d'un gobelet relève tout au plus d'un comportement non verbal, à l'exclusion de toute forme de dialogue ou de discours. Aussi, la facette de communication liée à cette activité présente-t-elle un caractère singulièrement réduit. Nonobstant l'extension très importante du domaine de la liberté d'expression garantie en particulier par l'article 10 CEDH, les juges fédéraux ont ajouté que l'on ne saurait discerner dans une activité de ce genre aucune des caractéristiques qui font de la libre expression l'un des fondements des sociétés démocratiques ou l'une des conditions de l'épanouissement individuel. Un acte ne saurait en effet être protégé par la liberté d'expression si aucune valeur communicative ne peut lui être reconnue17.

13 ATF 140 I 381 Parti socialiste genevois et consorts.

14 ATF 140 I 305 A.

15 V. A1JC XXVIII-2012, p. 930 ; A1JC XXIV-2008, p. 837.

16 Arrêt du Tribunal fédéral 6B_530/20l4 X. c. Ministère public de la République et canton de Genève.

17 Pour un avis contraire, v. l'étude de Maya HERTIG RANDALL et Olivia Le FORT, « L'interdiction de la mendicité revisitée », Plaidoyer 2012, p. 34-41.

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B.-Séquestre pénal de documents

17. Un arrêt prononcé le 22 juillet 201 418 a permis au Tribunal fédéral de préciser que, en vertu de la protection du secret rédactionnel qu'offre l'article 17 alinéa 3 Cst., l'interdiction de séquestrer des documents s'étend non seulement aux documents qui se trouvent auprès de professionnels des médias, mais également à ceux qui sont en mains d'un prévenu ou de tiers.

VI.-LIBERTÉ DE LA LANGUE

18. A un recourant italophone qui se plaignait d'avoir été contraint de déposer un mémoire rédigé en langue française à l'occasion d'une procédure de recours dirigée contre le retrait de son permis de conduire dans un canton francophone, le Tribunal fédéral a, par un arrêt daté du 3 juillet 20 1419, rétorqué que dans les rapports avec les autorités cantonales, la liberté de la langue consacrée par l'article 18 Cst. est limitée par le principe de la langue officielle.

19-Dans le système fédéral suisse, chaque canton est en effet libre de prévoir une réglementation propre en matière de langues officielles. Sous réserve de dispositions particulières comme les articles 5 paragraphe 2 ou 6 paragraphe 3 lettre a CEDH, le justiciable ne dispose en principe d'aucun droit de communiquer avec les autorités dans une langue autre que la langue officielle, fût-elle sa langue maternelle ou une autre langue nationale. L'obligation imposée au recourant de déposer, en l'occurrence, un mémoire de recours en français a par conséquent été considérée comme ne constituant pas une restriction inadmissible à la liberté de la langue. En revanche, pour éviter tout formalisme excessif, le Tribunal fédéral a ajouté que l'autorité judiciaire qui reçoit dans le délai légal un mémoire rédigé dans une langue autre que la langue officielle applicable à la procédure est tenue, si elle n'entend pas se contenter de ce document ou le traduire elle-même, impartir à son auteur un délai supplémentaire pour en produire la traduction20.

VII.-LIBERTÉ SYNDICALE

20. Par arrêt de principe du 26 juillet 201421, le Tribunal fédéral a jugé qu'un syndicat peut invoquer la liberté syndicale protégée par l'article 28 Cst. en vue de revendiquer un droit de participer à des négociations collectives ou pour conclure une convention collective avec un employeur public pour autant qu'il puisse être reconnu comme partenaire social. Cette exigence suppose en particulier qu'il soit suffisamment représentatif et qu'il fasse preuve d'un comportement loyal.

21. La Haute Cour a précisé que l'évaluation de la condition de représentativité implique la mise en oeuvre de critères adéquats et raisonnables. Ces critères doivent être suffisamment larges pour admettre dans le dialogue social des syndicats minoritaires, de manière à favoriser un certain pluralisme dans l'expression des voix syndicales, sans pour autant conduire à admettre tout syndicat minoritaire comme partenaire social. Il est ainsi nécessaire que le syndicat apparaisse comme le

18 ATF 140 IV 108 Blocher.

19 Arrêt du Tribunal fédéral 1C_213/2014 A. c. Service de la circulation routière et de la navigation du canton du Valais.

20 Sur le sujet, v. également l'arrêt du Tribunal fédéral 2C_139/2015 A.X. c. Administration cantonale des impôts du canton de Vaud , du 17 avril 2015 ; AIJC XXVI-2010, p. 779-

21 ATF 140 I 257 Union du personnel du domaine des EPF.

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SUISSE 901 porte-parole d'une minorité, sans être constitué de membres isolés. Le Tribunal fédéral n'a pas fixé de seuil quantitatif minimal applicable de manière générale pour déterminer si un syndicat minoritaire est représentatif. Il avait en revanche retenu, dans un cas d'espèce, qu'un syndicat comprenant 7 % des travailleurs de l'entreprise était suffisamment représentatif22. Il ressort de cette casuistique que, d'une part, un syndicat n'a pas besoin de représenter une forte minorité pour être représentatif et que, d'autre part, même un syndicat non représentatif dans l'entreprise concernée, mais qui jouit d'une représentativité suffisante au niveau cantonal ou fédéral doit être reconnu comme partenaire social. Le Tribunal a ajouté que la représentativité d'un syndicat doit également être examinée compte tenu de la structure particulière de l'entreprise ou de l'institution publique par laquelle il demande à être reconnu comme partenaire social.

22. La condition de la loyauté implique quant à elle que le syndicat concerné se déclare prêt à respecter l'ensemble des obligations découlant de la convention collective de travail et, de manière plus générale, qu'il soit un partenaire social digne de confiance. Le syndicat doit ainsi se montrer comme un interlocuteur fiable et de bonne foi. Tel n'est pas le cas du syndicat qui entrave les négociations collectives de manière abusive ou qui porte des accusations abusives à l'encontre des autres partenaires sociaux. Dans la règle, la condition de loyauté, qui est une des modalités de la bonne foi, doit selon le Tribunal fédéral être considérée comme présumée.

VIII.-GARANTIE DE LA PROPRIÉTÉ A.-Gel d'avoirs bancaires

23. Un important arrêt prononcé le 13 décembre 201423 a conduit le Tribunal fédéral à confirmer la validité d'une mesure administrative fondée sur une ordonnance du Conseil fédéral faisant interdiction au client d'une banque de disposer de ses avoirs en Suisse. La mesure frappait en l'occurrence un ressortissant égyptien proche de l'ancien président Hosni Mubarak, qui avait été condamné, en septembre 201 1, à dix ans de prison et à une amende de 660 millions de livres égyptiennes pour avoir obtenu de manière irrégulière des licences pour deux de ses sociétés. L'intéressé faisait en outre l'objet d'une instruction pénale en Suisse et il était également désigné par l'Union européenne parmi les personnes faisant l'objet de mesures restrictives en lien avec la situation en Egypte.

24. Devant le Tribunal fédéral, la personne concernée recourait contre un arrêt prononcé par le Tribunal administratif fédéral qui avait rejeté se demande de levée du blocage de ses avoirs. La Haute Cour a considéré que l'ordonnance du Conseil fédéral du 2 février 2011 instituant des mesures à l'encontre de certaines personnes originaires de la République arabe d'Egypte, qui repose sur l'article 184 alinéa 3 Cst. en vue d'assurer d'une manière limitée dans le temps la sauvegarde des intérêts du pays, constitue une base légale valable permettant de restreindre les libertés fondamentales et, en particulier, la garantie de la propriété dont se prévalait le recourant sur la base de l'article 26 Cst.

25. La mesure a également été considérée comme répondant à un motif légitime — à savoir, éviter que des biens ne puissent disparaître sans que les autorités 22 V. ATF 113 II 37 Federazione Svizzera Lavoratori Metallurgici e Orologiai.

23 Arrêt du Tribunal fédéral 2C_97/2014 X. c. Département fédéral des affaires étrangères.

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pénales n'aient eu la possibilité d'approfondir leurs enquêtes en vue d'identifier d'éventuels autres avoirs et relations bancaires d'origine suspecte en Suisse — et conforme au principe de la proportionnalité au sens de l'article 36 Cst.

B.-Acquisition de logements en zone de développement

26. Statuant dans le cadre du contrôle abstrait de constitutionnalité des lois cantonales, le Tribunal fédéral a, par arrêt du 15 janvier 201 524, annulé une loi genevoise qui faisait interdiction aux personnes physique déjà propriétaires d'un logement dans le canton d'acquérir des appartements en propriété par étage situés en zone de développement et soumis au contrôle de l'État. La Haute Cour a considéré que, certes motivée par le souci de lutter conte la pénurie de logements, en permettant l'accession à la propriété aux personnes qui en ont réellement besoin et en visant à lutter contre la spéculation immobilière, la mesure proposée s'avérait inadéquate sous l'angle du principe de la proportionnalité au sens de l'article 36 alinéa 3 Cst. La mesure en cause, pour s'appliquer indifféremment à n'importe quel propriétaire de logement dans le canton de Genève, indépendamment du type de propriété et de l'utilisation du logement actuel, ne permettait qu'imparfaitement d'atteindre le but recherché et impliquait une restriction au droit d'acquérir un logement dans de nombreux cas où cela ne s'avérait pas nécessaire.

27. Les juges fédéraux ont également constaté une inégalité dans la loi au sens de l'article 8 alinéa 1 Cst. Empêchant en principe l'acquisition d'une habitation à toute personne déjà propriétaire d'un logement à Genève, l'interdiction prévue par la loi ne s'étendait pas aux propriétaires de biens sis en dehors du canton, qu'il s'agisse de logement, d'autres types de biens voire d'immeubles entiers, que l'intéressé réside ou non à Genève. Dans la mesure où le but de la loi visait à éviter les opérations spéculatives, cette distinction a été jugée injustifiée. Elle permettait en effet à toute personne domiciliée hors du canton de se porter acquéreur d'un logement en zone de développement, même si elle était déjà propriétaire d'un ou de plusieurs logements, et quel que soit le but de cette acquisition.

C.-Mesure de classement

28. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, une mesure relevant de l'aménagement du territoire comme le classement d'un bien-fonds dans une zone inconstructible représente une restriction au droit de propriété. Celle-ci n'est compatible avec la garantie de l'article 26 Cst. que pour autant qu'elle repose sur une base légale, se justifie par un intérêt public suffisant et respecte les principes de la proportionnalité et de l'égalité devant la loi. Un arrêt prononcé le 10 octobre 201425 a permis à la Haute Cour de confirmer la validité du classement d'une vaste zone de gravière en zone mixte d'intérêt général, de détente et de protection de la nature, ainsi qu'en zone agricole dans le canton du Valais.

29-De l'avis des juges fédéraux, la planification projetée s'avérait nécessaire à la préservation des caractéristiques naturelles propres au site en cause, en particulier sa flore et sa faune, mais également ses liaisons biologiques avec des biotopes d'importance. Selon la jurisprudence, la sauvegarde de monuments et de sites 24 Arrêt du Tribunal fédéral 1C_223/2014, 1C_225/2014 et 1C_289/2014 A., B. et C. c. Grand Conseil de la République et canton de Genève.

25 Arrêt du Tribunal fédéral 1C_352/2014 A. c. Commune de Collombey-Muraz.

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suisse 903 naturels ou bâtis fait partie des principes d'aménagement que l'autorité chargée de la planification doit prendre en considération lors de l'adoption ou de la révision d'un plan d'affectation. Les restrictions de la propriété ordonnées dans ce but répondent ainsi à un intérêt public évident26.

30. Le Tribunal fédéral a ajouté que le droit à l'égalité de traitement ne présente qu'une portée réduite lors du processus d'élaboration de plans d'affectation.

Il est en effet dans la nature de l'aménagement local que la délimitation des zones crée certaines inégalités et que des terrains de même situation et de même nature puissent être traités différemment en ce qui concerne tant leur attribution à une zone déterminée que leur possibilité d'utilisation. Du point de vue constitutionnel, le Tribunal fédéral considère qu'il suffit que la planification soit objectivement soutenable, c'est-à-dire qu'elle ne soit pas arbitraire.

D.-Impôt sur les résidences secondaires

31. Dans le sillage de la jurisprudence qu'il a forgée au sujet de la limitation du nombre des résidences secondaires27, une affaire jugée le 27 mars 20 1428 a permis au Tribunal fédéral de juger qu'un impôt communal frappant les résidences secondaires inoccupées perçu dans le canton des Grisons avait pour but particulier une meilleure exploitation des résidences secondaires sur le territoire communal et qu'une contribution de ce genre ne restreignait nullement la garantie de propriété de façon inadmissible.

IX.-LIBERTÉ ÉCONOMIQUE

A.-Sanctions disciplinaires

32. Par arrêt daté du 5 novembre 201429, le Tribunal fédéral a précisé que la radiation d'un architecte du tableau des mandataires professionnellement qualifiés pour une durée d'un an constitue une atteinte grave à la liberté économique garantie par l'article 27 Cst. La proportionnalité d'une mesure de ce genre doit, selon la Haute Cour, être examinée à l'aune des intérêts publics visant à maintenir l'ordre dans la profession, d'en assurer le fonctionnement correct, de sauvegarder le renom et la confiance des justiciables envers cette profession, ainsi que de protéger le public contre ceux de ses représentants qui pourraient être dépourvus des qualités nécessaires. Le choix de la nature et de la quotité de la sanction doit selon les juges fédéraux être approprié au genre et à la gravité de la violation des devoirs professionnels, sans aller au-delà de ce qui est nécessaire pour assurer les buts d'intérêt public recherchés. À cet égard, l'autorité doit tenir compte en premier lieu d'éléments objectifs, à savoir des conséquences que la faute a entraînées sur le bon fonctionnement de la profession en cause, ainsi que de facteurs subjectifs comme la gravité de la faute, de même que les mobiles et les antécédents de l'intéressé.

26 Sur le sujet, v. également Andreas AUER, Giorgio MALINVERNI, Michel HOTTELIER, Droit constitutionnel suisse, vol. II, Les droits fondamentaux, 3e éd., Berne 2013, p. 391 ss.

27 V. AIJC XXIX-2013, p. 872 et les références citées.

28 ATF 140 I 176 X. und Y. sowie Z. und Mitb.

29 Arrêt du Tribunal fédéral 2C_448/2014 A.X. c. Chambre des architectes et des ingénieurs du canton de Genève.

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33. À la faveur d'un autre arrêt, prononcé le 18 mars 201530, le Tribunal fédéral a jugé que le retrait de l'autorisation d'exercer à titre indépendant prononcé à l'égard d'une femme médecin spécialisée en gynécologie respectait la législation applicable en la matière et la garantie de la liberté économique. Pour certes représenter une restriction grave à cette liberté, la mesure en cause a été considérée comme conforme aux conditions de restriction aux libertés qu'énonce l'article 36 Cst., compte tenu en l'occurrence des procédures antérieures qui avaient été diligentées contre l'intéressée.

B.-Installation d'une terrasse sur le domaine public

34. Aux termes de l'article 27 alinéa 2 Cst., la liberté économique comprend notamment le libre accès à une activité économique lucrative privée, ainsi que son libre exercice. L'évolution de la jurisprudence a conduit le Tribunal fédéral à reconnaître que le libre exercice des activités économiques privées pouvait, de cas en cas, impliquer un usage du domaine public excédant l'usage commun. Aussi est-il aujourd'hui communément admis que cette garantie, à l'image d'autres libertés comme la liberté de réunion, confère à ses titulaires un droit conditionnel à une autorisation d'usage accru du domaine public31.

35. À l'image des autres facettes de la liberté économique, l'usage du domaine public à des fins commerciales n'est pas absolu ni inconditionnel, mais il repose sur le système des restrictions qu'énonce de manière générale l'article 36 Cst.

Un intéressant arrêt prononcé le 3 avril 20 15 32 a permis de mettre en exergue l'évaluation des intérêts divergents à laquelle l'exercice de la liberté économique sur le domaine public peut conduire. Un restaurateur avait, en l'occurrence, sollicité l'autorisation d'installer à l'année une terrasse parisienne devant la partie de son établissement donnant sur le domaine public. L'autorisation fut certes octroyée, mais durant la période hivernale seulement. Les autorités judiciaires cantonales ayant avalisé cette décision, l'affaire fut portée devant le Tribunal fédéral, qui l'a confirmée à son tour.

36. La Haute Cour a rappelé que la personne qui, pour pratiquer une activité économique, désire faire usage du domaine public est fondée à invoquer la liberté économique garantie par l'article 27 Cst. Dès lors que l'intéressé bénéficie, dans cette mesure, d'un droit conditionnel à l'octroi d'une autorisation d'usage accru du domaine public, le refus d'une telle autorisation peut constituer une atteinte à la liberté économique et est soumis au respect de plusieurs conditions. Il doit être justifié par un intérêt public prépondérant - des motifs de police n'entrant assurément, de l'avis des juges fédéraux, pas seuls en considération -, reposer sur des motifs objectifs et respecter le principe de la proportionnalité. En outre, la pratique administrative en matière d'autorisation ne doit pas vider de leur substance les droits fondamentaux, en particulier le droit à l'égalité au sens de l'article 8 Cst., ni de manière générale ni au détriment de certains citoyens. Les juges fédéraux ont ajouté qu'en matière de gestion du domaine public, il est dans la nature des choses que des questions d'ordre culturel, d'aménagement du territoire, d'esthétique et de besoins 30 Arrêt du Tribunal fédéral 2C_523/2014 A. c. Département fur Gesundheit und Soziales des Kantons

Aargau.

31 Sur le sujet, v. AUER, MALINVERNI, HOTTELIER (note 26), p. 447 s. et les références citées ; AIJC XIX-2003, p. 848 ; AIJC XVIII-2002, p. 826.

32 Arrêt du Tribunal fédéral 2C_819/2014 X. S.A. c. Ville de Genève.

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suisse 905 du consommateur local entrent en considération dans la pondération des divers intérêts en présence.

37. La limitation de l'autorisation en cause, qui faisait suite à un réaménagement du secteur, a été considérée comme répondant à plusieurs motifs d'ordre notamment sécuritaire et esthétique, le principe de la proportionnalité ne commandant pas, pour le surplus, le maintien d'une terrasse parisienne durant la période estivale, dès lors que le recourant conservait la faculté d'installer une terrasse ouverte durant l'été.

C.-Mise en conformité aux normes d'une boulangerie

38. Dans un arrêt daté du 7 octobre 201433, le Tribunal fédéral a jugé que la mise en conformité aux normes sanitaires d'une boulangerie-pâtisserie défectueuse, pour certes représenter une restriction à la liberté économique au sens de l'article 27 Cst., ne présentait pas un caractère disproportionné sous l'angle, en l'occurrence, des délais de réalisation imposés à son exploitant.

D.-Circulation routière

39. Dans un arrêt prononcé le 16 mai 201434, le Tribunal fédéral a jugé que le retrait de l'autorisation d'équiper les véhicules automobiles de feux bleus (gyrophares) et d'avertisseurs à deux sons alternés (sirènes) signifié à une société privée de consultation médicale à domicile s'avérait conforme à la législation fédérale sur la circulation routière.

40. La Haute Cour a ajouté que la garantie constitutionnelle de la liberté économique n'offre qu'une protection limitée en ce domaine. La mesure en cause a été en l'occurrence considérée comme justifiée par des motifs liés à la sécurité routière. La conduite avec des signaux avertisseurs spéciaux, qui permet de déroger dans certaines limites aux règles de la circulation routière comporte en effet une atteinte importante à la sécurité du trafic, de même que la mise en danger des autres usagers de la route. En outre, l'utilisation d'un système d'avertissement spécial produit du bruit et de l'agitation, ce qui doit être évité au maximum.

X.-GARANTIES DE L'ÉTAT DE DROIT A.-Principe d'égalité de traitement

41. Le principe général d'égalité de traitement est consacré par l'article 8 alinéa 1 Cst. Alors que le deuxième alinéa de la disposition énonce, de manière exemplative, les motifs de discrimination proscrits par la Constitution, l'article 8 alinéa 3 Cst. traite spécifiquement du principe d'égalité entre les hommes et les femmes. Cette dernière disposition garantit en particulier le principe du droit à un salaire égal pour un travail de valeur égale.

Arrêt du Tribunal fédéral 2C_360/20l4 A. c. Service cantonal vaudois de la consommation et des affaires vétérinaires.

Arrêt du Tribunal fédéral 1C_35/2013 A. S.A. c. Office cantonal des automobiles et de la navigation de la République et canton de Genève.

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42. Un intéressant arrêt prononcé le 30 juillet 201435 a permis au Tribunal fédéral d'examiner la nature des rapports existant entre le principe d'égalité au sens de l'article 8 alinéa 1 Cst. et le droit à un salaire égal pour un travail de valeur égale au sens du troisième alinéa de la disposition. Les juges fédéraux ont précisé à cette occasion que, contrairement à l'article 8 alinéa 3 Cst., qui octroie un véritable droit subjectif, la garantie générale de l'égalité de traitement au sens de l'article 8 alinéa 1 Cst. ne confère pas directement un droit subjectif à un salaire égal en cas de rémunération discriminatoire fondée sur le sexe, mais seulement un droit à la suppression de l'inégalité.

43. Ainsi, selon les juges fédéraux, à la différence de la garantie d'une rémunération égale de l'homme et de la femme, la garantie générale d'égalité de traitement ne confère pas une prétention directe au paiement d'un salaire égal à titre rétroactif. La Constitution exige seulement que l'inégalité soit éliminée d'une manière appropriée, dans un délai raisonnable. La Haute Cour a ajouté que la personne concernée peut en principe invoquer en tout temps l'article 8 alinéa 1 Cst.

A cet égard, le fait d'accepter des conditions d'engagement discriminatoires et de les tolérer, sans exiger un correctif, n'équivaut pas en soi à une renonciation à faire valoir un droit. On ne saurait, en effet, restreindre la possibilité de contester le salaire initialement fixé, sous peine de laisser subsister des situations non conformes à la Constitution fédérale ou à d'autres normes impératives de droit public.

B.-Egalité entre hommes et femmes

44. Une association d'étudiants dont l'accès et le sociétariat sont réservés aux étudiants de sexe masculin peut-elle être reconnue officiellement par une université publique ? Cette problématique a donné lieu à un arrêt original du Tribunal fédéral lequel, à l'issue d'une délibération publique, a répondu par l'affirmative à cette question à la faveur d'une affaire jugée le 21 mars 201436.

45. La Haute Cour a précisé à cette occasion qu'une entité telle qu'une université publique assume une tâche publique et qu'elle est, à ce titre, effectivement liée par les droits fondamentaux, conformément à la règle qu'énonce l'article 35 alinéa 2 Cst. A teneur de cette disposition, quiconque assume une tâche de l'État est tenu de respecter les droits fondamentaux et de contribuer à leur réalisation. Les juges fédéraux ont précisé que, pour certes disposer d'une marge de manœuvre dans le règlement d'une question telle que la fixation des critères applicables aux associations universitaires, la liberté d'appréciation dont dispose l'université, bien qu'importante, n'est pas illimitée pour autant. Il sied en particulier de ménager, dans ce contexte, un juste équilibre entre, d'une part, les droits ou principes fondamentaux que l'établissement entend promouvoir et, d'autre part, les droits fondamentaux d'autrui qui pourraient entrer en conflit avec ces principes. La liberté d'appréciation des instances universitaires doit de surcroît s'exercer dans le respect des principes généraux de droit public dont font notamment partie l'interdiction de l'arbitraire, l'égalité de traitement, le principe de proportionnalité, de même que le devoir de l'autorité d'adopter une attitude neutre et objective.

46. Le Tribunal fédéral a ajouté que, dans le cadre de l'autonomie dont jouissent les universités aux fins de définir leurs objectifs et de reconnaître les 35 Arrêt du Tribunal fédéral 8C_639/2013 A. c. Conseil d'État du canton du Valais.

36 ATF 140 I 201 Université de Lausanne.

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suisse 907 associations universitaires qui s'y conforment, la priorité accordée au principe de l'égalité entre femmes et hommes est susceptible d'entrer en collision, à tout le moins indirectement, avec les droits fondamentaux des associations qui peuvent se voir dénier cette forme de reconnaissance officielle. En vue de résoudre un conflit de libertés qui n'a pas été préalablement désamorcé par le législateur à travers une harmonisation normative des intérêts antagonistes ou par une hiérarchisation légale des valeurs dans un contexte déterminé, il incombe au juge de vérifier l'existence d'un juste équilibre entre les différents principes constitutionnels et droits fondamentaux en jeu.

47. En l'espèce, l'atteinte à la liberté d'association qu'un refus de reconnaissance universitaire pouvait causer s'opposait à la volonté et au devoir de l'université de promouvoir l'égalité entre hommes et femmes dans le milieu éducatif.

Les juges fédéraux ont précisé que ce dernier intérêt devait toutefois être relativisé, dès lors que l'université disposait de mesures moins invasives pour atteindre le but promotionnel recherché. L'intérêt de l'institution à ne pas fournir des prestations positives à une association dont les buts ou l'organisation sont potentiellement contraires à ses propres missions étant, qui plus est, affaibli par le libre choix dont

elle dispose d'encourager des associations estudiantines.

48. La Haute Cour a ajouté que les avantages que l'association d'étudiants offrait à ses membres ne revêtaient pas une importance telle que les femmes qui s'en trouveraient privées en pâtiraient substantiellement, sans alternative possible au niveau de leur carrière ou de leur formation professionnelle. Dans de telles circonstances, une intervention étatique dans l'autonomie organisationnelle de l'association concernée s'avérait déraisonnable. Par conséquent, la pesée globale des intérêts en présence faisait, dans le cas particulier, pencher la balance en faveur de la liberté d'association et de l'égalité de traitement, au détriment du principe de l'égalité entre femmes et hommes.

C.-Interdiction de l'arbitraire

49-Une affaire jugée le 17 février 20 1 5 37 a permis au Tribunal fédéral de se prononcer sur le montant des émoluments admissibles dans le domaine de la juridiction administrative. En l'espèce, une société anonyme avait formé un recours contre le montant d'une taxe de 36 1 655 francs mise à sa charge par la Ville de Fribourg. Déboutée, des frais de la procédure à hauteur de 20 000 francs lui avaient été imposés. La société fît valoir devant le Tribunal fédéral le caractère arbitraire de ce dernier montant au regard de l'article 9 Cst.

50. La Haute Cour a rejeté le recours. Elle a rappelé que, de jurisprudence constante, une décision est arbitraire lorsqu'elle est manifestement insoutenable, qu'elle méconnaît gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté ou encore lorsqu'elle heurte de manière choquante le sentiment de justice et d'équité. À cet égard, il ne suffit pas que les motifs de l'acte attaqué soient insoutenables, encore faut-il que ce dernier se révèle arbitraire dans son résultat. Il n'y a en outre pas arbitraire du seul fait qu'une autre solution puisse paraître concevable, voire préférable.

37 Arrêt du Tribunal fédéral 2C_788/20l4 X. S.A. c. Tribunal cantonal du canton de Fribourg. Dans le même sens, voir l'arrêt du Tribunal fédéral 2C_790/2014 X. S.A. c. Tribunal cantonal du canton de Fribourg, du 17 février 2015.

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51. En l'occurrence, la législation fribourgeoise prévoyait la mise à la charge d'un émolument compris entre 50 et 50 000 francs à la charge des justiciables déboutés. La cause présentant un degré de difficulté ordinaire, les frais arrêtés par l'instance cantonale ascendaient à environ 5 % de la valeur litigieuse, c'est-à-dire 18 000 francs. La somme litigieuse, en tout point conforme à la législation cantonale, n'a pas été considérée comme arbitraire. Il n'a pas non plus été jugé contraire au principe constitutionnel de l'équivalence, selon lequel le montant des émoluments de justice doit se trouver en rapport avec la valeur objective de la prestation fournie et rester dans des limites raisonnables38.

D.-Équité de la procédure

52. Selon l'article 29 Cst., toute personne a droit, dans une procédure judiciaire ou administrative, à ce que sa cause soit traitée équitablement et jugée dans un délai raisonnable. Par un arrêt prononcé le 14 février 201439, le Tribunal fédéral a jugé que l'autorité communale compétente en matière de naturalisation des étrangers qui invite un candidat à la nationalité suisse à un entretien en exposant explicitement qu'elle souhaite faire sa connaissance et lui permettre d'exposer les motifs de sa demande mais qui, à cette occasion, procède en réalité à un examen inopiné des connaissances générales de l'intéressé, contrevient au principe de la bonne foi et à l'équité de la procédure.

53-Dans un autre arrêt, prononcé le 26 juin 201440, la Haute Cour a jugé que les membres d'un organe exécutif communal qui ont pris part comme jurés à un concours organisé par une propriétaire et qui ont statué ultérieurement, lors de la procédure d'opposition concernant le même projet de construction, sur le plan d'aménagement détaillé fondé sur ce concours, font preuve de prévention au sens de l'article 29 alinéa 1 Cst.

XI.-DROITS POLITIQUES

A.-Contrôle des constitutions cantonales

54. Conformément à l'article 172 alinéa 2 Cst., les dispositions constitutionnelles des vingt-six cantons sont examinées par l'Assemblée fédérale après avoir été adoptées en scrutin référendaire sur le plan cantonal. L'examen de l'Assemblée fédérale, qui intervient d'office lors de chaque révision constitutionnelle

— totale ou partielle — locale, débouche sur l'octroi de la garantie formelle des normes en cause lorsque celles-ci sont conformes au droit fédéral au sens de l'article 51 alinéa 2 Cst. De jurisprudence constante, le Tribunal fédéral s'estime incompétent pour examiner à son tour, sur recours, la compatibilité au droit fédéral des normes constitutionnelles ainsi garanties lorsque celles-ci viennent à être appliquées dans un cas d'espèce. Il consent toutefois une exception lorsque le grief invoqué par le recourant porte sur la violation d'une norme fédérale ou internationale qui n'était pas en vigueur lors de l'octroi de la garantie fédérale41.

38 Plus généralement, sur l'interdiction de l'arbitraire, v. AIJC XXIII-2007, p. 923.

39 ATF 140 I 99 A. und Mitb.

40 ATF 140 I 326 A. und Mitb.

41 Andreas AUER, Giorgio MALINVERNI, Michel HOTTELIER, Droit constitutionnel suisse, vol. I, L'État, y éd., Berne 2013, p. 582 et 706 et les références citées.

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suisse 909 55. Une intéressante affaire jugée le 26 septembre 201442 a permis au Tribunal fédéral d'étendre cette jurisprudence aux cas où la Haute Cour est invitée à se prononcer sur des principes constitutionnels qui ont été développés et précisés après l'octroi de la garantie d'une constitution cantonale par l'Assemblée fédérale. En l'espèce, le litige portait sur l'élection du Parlement du canton d'Appenzell Rhodes- Extérieures, laquelle avait eu lieu en 2011. Les juges fédéraux ont pris en compte le principe de l'égalité de droit en matière d'élection tel qu'il découle de la garantie des droits politiques au sens de l'article 34 Cst. depuis que l'Assemblée fédérale avait octroyé sa garantie à la Constitution appenzelloise, en 1996 en l'occurrence.

56. La Haute Cour a ainsi examiné si le système électoral prévu par la constitution cantonale était compatible avec l'égalité de droit en matière d'élection, compte tenu de l'évolution de la jurisprudence survenue depuis 1996. Elle a jugé que le principe majoritaire n'est pas optimal pour les élections au parlement cantonal du point de vue de l'égalité de droit en matière d'élection. Cela ne signifie cependant pas que ce système pour ces élections serait, de manière générale, incompatible avec la Constitution fédérale. Les avantages du principe majoritaire peuvent être plus importants dans les circonstances concrètes que les inconvénients liés à son application. Un système électoral mixte, mêlant des éléments empruntés aux principes majoritaire et proportionnel, a été considéré, à certaines conditions, compatible avec la Constitution fédérale.

B.-Validité d'une initiative populaire

57. À Genève, une initiative populaire rédigée de rang législatif fut lancée en 2011 en vue de renforcer le contrôle des entreprises et de lutter contre la sous- enchère salariale. Déclaré valable par le Grand Conseil après avoir abouti, ce texte a été attaqué devant le Tribunal fédéral par trois citoyens, au motif notamment qu'il contrevenait au droit fédéral. Le Tribunal fédéral a, par arrêt du 19 mai 20 1443, confirmé la validité de l'initiative. Après avoir rappelé sa jurisprudence traditionnelle relative au contrôle de la validité des initiatives populaires cantonales44, la Haute Cour a jugé que les modalités relatives à l'inspection des entreprises telles que prévues par l'initiative ne contrevenaient pas au principe de la primauté du droit fédéral au sens de l'article 49 alinéa 1 Cst.

58. Les juges fédéraux ont en revanche annulé la disposition de l'initiative qui réservait aux seuls représentants des travailleurs présentés par un syndicat déterminé les postes d'inspecteurs chargés de constater les infractions au droit du travail comme les cas de sous-enchère salariale ou les situations mettant en péril la santé et la sécurité des travailleurs. De l'avis du Tribunal fédéral, une mesure de ce genre ne permet pas d'assurer l'exigence d'indépendance et d'impartialité prévue, en matière de procédure administrative, par l'article 29 alinéa 1 Cst. Le Tribunal fédéral a ajouté que la disposition en cause apparaissait également problématique sous l'angle de l'interdiction de l'arbitraire et de la discrimination.

42 ATF 140 I 394 Walker.

43 Arrêt du Tribunal fédéral 1C_33/2013 A., B. et C. c. Grand Conseil de la République et canton de Genève.

44 V. AIJC XXIX-2013, p. 885.

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C.-Vote par Internet

59. Depuis plusieurs années, des mesures ont été prises en vue de développer le vote par voie électronique en Suisse. Cette modalité particulière d'exercice des droits politiques représente un moyen alternatif d'exercice des droits politiques par rapport au vote traditionnel à l'urne ou par correspondance.

60. Un arrêt daté du 22 juillet 20 1445 a conduit le Tribunal fédéral à préciser que les modalités pratiques applicables au vote par voie électronique dans le canton de Genève ne contreviennent pas à l'exigence de libre formation de l'opinion du corps électoral et à l'expression fidèle et sûre de sa volonté, notamment sans pression ni influence extérieures au sens de l'article 34 alinéa 2 Cst.

61. Un rapport détaillé du Conseil fédéral du 14 juin 2013 a pour le surplus relevé les nombreux avantages que présente le vote électronique46. Tel est en particulier le cas sous l'angle de la simplification de la procédure de vote et la prise en compte de besoins spécifiques de certaines catégories du corps électoral comme les personnes handicapées ou les Suisses domiciliés à l'étranger. Le rapport relève également que les tribunaux suisses saisis de plaintes en lien avec l'usage du vote électronique ont toujours rejeté ces dernières.

D.-Quorum

62. Les élections reposent fréquemment, dans les cantons suisses, sur une exigence de quorum de résultat, qui suppose l'obtention d'un certain seuil de voix pour prétendre occuper un mandat électif. Tel est le cas en ce qui concerne la règle du quorum direct, selon laquelle les suffrages obtenus par une liste électorale, lors d'une élection à la proportionnelle, doivent atteindre un certain pourcentage par rapport au nombre total des suffrages pour être pris en considération. Le quorum naturel représente une autre facette originale de la règle, liée à la dimension inégale des circonscriptions électorales et de la différence du nombre des sièges qui en résulte pour chacune d'elles. Selon cette donnée, plus une circonscription est petite, moins elle a de mandats et, corrélativement, plus le nombre de suffrages qu'une liste doit réaliser en vue d'obtenir un siège est élevé. Il peut s'ensuivre de sérieux problèmes au regard du principe d'égalité du poids électoral, exigence directement rattachée à la garantie des droits politiques telle qu'elle découle de la garantie générale de l'article 34 Cst.47.

63. Dans un arrêt de principe fort intéressant prononcé le 12 février 20 1448 à propos des élections du Parlement cantonal valaisan, le Tribunal fédéral a jugé que les quorums naturels qui dépassent la limite de 10 % sont par principe illicites dans un mode d'élection cantonal à la proportionnelle. La Haute Cour a précisé que, dans l'examen de la question de savoir si un découpage historique du territoire cantonal peut exceptionnellement justifier une circonscription électorale avec un quorum naturel plus élevé, il importe de prendre en considération le fait qu'il existe des possibilités de maintenir de petites circonscriptions électorales permettant une 45 Arrêt du Tribunal fédéral 1C_136/2014 Richard Hill c. Conseil d'État du canton de Genève.

46 Troisième rapport du Conseil fédéral sur le vote électronique. Evaluation de la mise en place du vote électronique (2006-2012) et bases de développement, disponible en ligne sur le site www.admin.ch/opc/fr/federal-gazette/201 3/45 19.pdf.

47 V. AUER, MALINVERNI, HOTTELIER (note 41), p. 300.

48 ATF 140 I 107 Addor und Mitb.

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SUISSE 911 protection des minorités, tout en garantissant une représentation relativement fidèle des forces électorales. Si un canton ne fait pas usage de ces possibilités, des circonscriptions électorales manifestement trop petites, compte tenu de la limite de 10 % du quorum naturel, ne sont plus admissibles, quel que soit le découpage appliqué aux circonscriptions électorales. Peu importe à cet égard que le découpage des circonscriptions électorales soit justifié par d'importants motifs historiques, fédéralistes, culturels, linguistiques ou religieux.

64. Dans un autre arrêt, daté du 28 novembre 201449, le Tribunal fédéral a rappelé sa jurisprudence selon laquelle les cantons disposent d'une marge de manœuvre considérable dans l'agencement de leur système démocratique. L'égalité en matière électorale telle qu'elle découle de l'article 34 Cst. commande qu'une attention particulière soit accordée au processus qui conduit à l'élection de l'organe parlementaire sur le plan cantonal ou communal selon le système proportionnel. À cet égard, l'exigence d'un quorum direct de 5 % imposé aux listes qui se présentent à l'élection repose sur un fondement justifié, en tant qu'elle vise à éviter une représentation trop diversifiée des forces politiques50.

E.-Prise de position avant un scrutin référendaire

65. Le 28 septembre 2014 a eu lieu le vote sur une initiative populaire tendant à la révision partielle de la Constitution fédérale portant sur la création d'une caisse publique d'assurance-maladie. Durant la campagne référendaire qui précédé la votation, plusieurs compagnies d'assurance-maladie intervinrent publiquement afin de fournir des informations et s'exprimer au sujet de l'initiative.

Des procédures furent entamées dans les cantons de Bâle-Ville et de Berne afin de dénoncer ces interventions. L'affaire fut finalement portée devant le Tribunal fédéral.

66. Par arrêt du 4 septembre 20 1451, le Tribunal fédéral a jugé que, dans le cadre de l'assurance sociale, les caisses d'assurance-maladie accomplissent des tâches publiques. Ces entités sont donc liées par les principes régissant les interventions des autorités avant les votations au sens de l'article 34 Cst. et de la jurisprudence qui découle de cette disposition52. Toutefois, dès lors qu'elles sont touchées de manière qualifiée par une votation rendant à instituer une caisse unique, les caisses d'assurance-maladie ne sont pas obligées de rester politiquement neutres lors de la campagne précédant une votation fédérale sur le sujet et ont par conséquent la possibilité de faire valoir leur propre point de vue. Elles demeurent cependant liées par les principes d'objectivité, de proportionnalité et de transparence.

67. Le Tribunal fédéral a finalement rejeté le recours, après avoir jugé que les affirmations dont l'objectivité était contestée, prises séparément ou dans leur ensemble, n'apparaissaient pas susceptibles d'exercer une influence essentielle sur le résultat de la votation. La votation qui s'est déroulée le 28 septembre 2014 a quant à elle conduit au rejet de l'initiative populaire.

49 Arrêt du Tribunal fédéral 1C_369/2014 Benno Luthiger c. Stadt Zurich.

50 Sur le sujet, v. déjà l'arrêt Mouvements démocrates du district de Sion, Héritier et Haenni, du 2 1 décembre 1977, ATF 103 la 603.

51 ATF 140 I 338 Rechsteiner und Giiggi.

52 Sur le sujet, v. également AIJC XXVI-2010, p. 787 ; AIJC XXII-2006, p. 909.

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F.-Délai pour recourir en cas de votations et d'élections

68. L'aménagement des droits politiques dans le canton de Genève prévoit que le délai pour former un recours en matière de votations et d'élections cantonales et communales est de six jours seulement. Dans un arrêt prononcé le 25 mars 20 1 553, le Tribunal fédéral a relevé que des délais brefs pour déposer des recours en matière de votations et d'élections se justifient, d'une part, en raison de l'intérêt public à ce que les irrégularités éventuellement constatées puissent être corrigées avant la votation ou l'élection en cause afin que celle-ci n'ait pas à être répétée et, d'autre part, en raison de la nécessité de réserver à l'autorité un temps suffisant pour instruire et trancher les recours.

69. Le Tribunal fédéral a jouté que l'irrecevabilité qui sanctionne l'inobservation d'un délai de recours bref n'est pas constitutive d'un formalisme excessif prohibé par l'article 29 alinéa 1 Cst. Une stricte application des règles relatives aux délais se justifie en effet par des motifs d'égalité de traitement et par un intérêt public lié à une bonne administration de la justice et à la sécurité du droit.

XII.-CONVENTION EUROPÉENNE DES DROITS DE L'HOMME A.-Tribunal indépendant et impartial

70. En Suisse, le système qui prévaut généralement pour la désignation des juges au niveau tant fédéral que cantonal est celui de l'élection par le parlement pour un mandat temporellement limité, avec possibilité de réélection54. Un intéressant arrêt prononcé le 8 janvier 201 5 55 a permis au Tribunal fédéral de préciser que ce système repose sur le postulat qu'après avoir été élus, les magistrats sont présumés capables de prendre le recul nécessaire par rapport au parti politique qui a présenté leur candidature et à l'organe d'élection et de se prononcer objectivement sur les litiges qui leur sont soumis. Seules des circonstances exceptionnelles peuvent, à cet égard, donner à penser que le juge pourrait subir une influence au point de ne plus apparaître comme impartial dans le traitement d'une cause particulière.

71. Comme le Tribunal fédéral a déjà eu l'occasion de le préciser, l'élection puis la réélection périodique des magistrats de l'ordre judiciaire par le parlement ne sont pas un élément susceptible de mettre objectivement en doute l'impartialité du magistrat traitant une affaire judiciaire dans laquelle un député est impliqué. En particulier, la possibilité pour un avocat qui assume la fonction de député de participer à l'élection des juges est inhérente au système. Selon la Haute Cour, cette situation ne saurait constituer, de manière générale, un motif de récusation. On ne saurait soutenir que d'ordinaire, la voix d'un seul député avocat aurait un poids tel au sein d'un parlement qu'elle serait propre à porter atteinte à l'indépendance des juges. En l'espèce, le fait qu'un avocat ait siégé en qualité d'expert au sein de la commission parlementaire compétente pour préaviser les réélections de juges n'a pas été considéré comme de nature à susciter des doutes quant à l'indépendance des juges du tribunal cantonal, dans toutes les causes où cet avocat agissait comme mandataire

d'une partie.

53 Arrêt du Tribunal fédéral 1C_138/2015 A. c. Conseil d'État de la République et canton de Genève.

54 Voy, sur le sujet le rapport suisse présenté lors de la XXVIIe Table ronde internationale de justice constitutionnelle, AIJC XXVII-2011, p. 424 ss. et les références citées.

55 Arrêt du Tribunal fédéral 4A_5 19/2014 A. S.A. c. Tribunal cantonal du canton de Vaud et B.

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suisse 913

72. Un autre arrêt, prononcé le 5 septembre 201456, a conduit le Tribunal fédéral à préciser que le fait que les juges fédéraux sont élus par l'Assemblée fédérale sur proposition de partis politiques ne contrevient pas, en tant que tel, à l'exigence d'indépendance et d'impartialité des tribunaux. La Haute Cour a en conséquence rejeté une demande de récusation présentée par un recourant qui se plaignait en particulier de l'absence de transparence relative au financement des partis politiques.

Le Tribunal fédéral a ajouté que, à cet égard, seules des circonstances exceptionnelles seraient de nature à donner à penser que le juge pourrait subir une influence de la formation politique à laquelle il appartient, au point de ne plus apparaître comme impartial dans le traitement d'une cause particulière.

73. Dans un arrêt concernant le canton de Genève prononcé le 23 janvier 201457, le Tribunal fédéral a jugé que l'obligation imposée aux magistrats de l'ordre judiciaire d'être domiciliés dans le canton ne vise pas à garantir l'indépendance des tribunaux, mais poursuit un autre but, à savoir assurer que les magistrats présentent un lien avec le canton. À cet égard, le fait qu'un magistrat ne remplisse plus la condition, nécessaire à son éligibilité, d'avoir son domicile dans le canton ne saurait entraîner la nullité d'une décision qu'il a prononcée. Conformément à la jurisprudence58, les décisions auxquelles a participé un juge dont l'élection n'était pas valable en raison de l'absence de domicile dans le canton sont annulables sur recours et non pas nulles.

74. Une intéressante affaire jugée le 22 août 201459 a conduit le Tribunal fédéral à préciser que la commission cantonale de recours en matière fiscale du canton du Valais se présente comme une autorité judiciaire à part entière. Cette instance doit, dès lors, offrir les garanties d'indépendance prévues à l'article 30 alinéa 1 Cst., la disposition déployant, de ce point de vue, la même portée que l'article 6 paragraphe 1 CEDH. La Haute Cour a indiqué que ces garanties s'appliquent non seulement aux magistrats, mais également aux greffiers des autorités judiciaires, dans la mesure où ces derniers sont amenés à participer à la formation de la décision. Le fait qu'en l'espèce, le secrétaire de la commission cantonale de recours en matière fiscale ait également été le chef du service juridique des finances et du personnel du département des finances et des institutions du canton du Valais, auquel est rattaché le service cantonal des contributions, a été déclaré contraire à la garantie du tribunal indépendant et impartial.

75. Par arrêt du 4 février 201460, le Tribunal fédéral a rappelé sa jurisprudence selon laquelle l'avocat qui exerce parallèlement la fonction de juge apparaît objectivement partial non seulement lorsque, dans le cadre d'une autre procédure, il représente ou a représenté une des parties à la procédure dans laquelle il siège, mais également lorsqu'il représente ou a représenté récemment la partie adverse de cette partie. La Haute Cour a en l'occurrence retenu une apparence de partialité dans le cas d'un juge suppléant appelé à siéger à propos d'une affaire mettant en cause une collectivité publique contre laquelle il avait, peu avant, plaidé en tant qu'avocat. De l'avis des juges fédéraux, une telle circonstance est

56 Arrêt du Tribunal fédéral 8C_846/2013 A. c. Caisse de chômage SYNA.

57 ATF 140 II 141 A.X. et B.X.

58 V. ATF 136 I 207 A 59 ATF 140 I 271 A.

60 Arrêt du Tribunal fédéral 8C_583/2013 Ville de Genève c. F.

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