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Chronique de jurisprudence constitutionnelle suisse : année 2006

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Chronique de jurisprudence constitutionnelle suisse : année 2006

HOTTELIER, Michel

HOTTELIER, Michel. Chronique de jurisprudence constitutionnelle suisse : année 2006.

Annuaire international de justice constitutionnelle, 2007, vol. 22-2006, p. 897-912

DOI : 10.3406/aijc.2007.1865

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:6129

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Suisse

M. Michel Hottelier

Citer ce document / Cite this document :

Hottelier Michel. Suisse. In: Annuaire international de justice constitutionnelle, 22-2006, 2007. Autonomie régionale et locale et constitutions - La répartition des compétences normatives entre le parlement et le gouvernement. pp. 897-912;

doi : https://doi.org/10.3406/aijc.2007.1865

https://www.persee.fr/doc/aijc_0995-3817_2007_num_22_2006_1865

Fichier pdf généré le 05/07/2018

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CHRONIQUES

SUISSE

par Michel HOTTELIER *

I - Liberté personnelle ; A - Assistance au suicide ; B - Mesures d'éloignement ; C - Mesures alternatives à la détention provisoire ; D - Privation de liberté et prestations sociales ; E - Interdiction de fumer ; F - Droit de détenir un chien dangereux; II - Droit au respect de la vie privée et familiale ; III - Liberté d'information ; IV - Liberté de réunion ; V - Droit de grève ; VI - Garantie de la propriété ; Vil - Liberté économique ; VIII - Garanties de procédure ; A - Droit d'être entendu ; B - Droit à l'assistance judiciaire; C - Témoignages anonymes ; D - Droit de recourir contre une condamnation pénale;

E - Principe d égalité de traitement ; F - Interdiction de l'abus de droit ; IX - Accord bilatéral sur la libre circulation des personnes ; X - CEDH ; A - Droits et obligations de caractère civil ; B - Garantie du procès équitable ; XI - Droits politiques ; A - Conditions de validité d'une initiative populaire ; B - Intervention des pouvoirs publics dans une campagne référendaire; C - Modification du nombre des communes ; XII - Autonomie communale ; XIII - Répartition des compétences entre la Confédération et les cantons ; A - Rapports entre le droit privé fédéral et le droit public cantonal; B - Protection contre les effets du tabagisme ; XIV - Principes fiscaux ; A - Principe de la légalité; B - Principe d'égalité.

* * *

I - LIBERTÉ PERSONNELLE A - Assistance au suicide

1. Par un important arrêt du 3 novembre 2006 mettant en cause le canton de Zurich l, le Tribunal fédéral a été amené à prendre position sur la question de l'assistance au suicide dans un cas de refus de remise de natrium-pentobarbital à une personne atteinte de troubles psychiques. En l'espèce, l'intéressé, qui avait déjà commis

* Professeur à l'Université de Genève. La présente chronique porte sur l'année 2004, mais contient aussi des références à des arrêts du Tribunal fédéral suisse rendus durant les années 2003 et 2005. Les arrêts du Tribunal fédéral suisse peuvent être consultés sur le site Internet www.tribunal-federal.ch . Sur la question, voir AIJC XVIII-2002, p. 825.

1 Recueil officiel des arrêts du Tribunal fédéral suisse (ci-après : AT F) 133 I 58 X.

Annuaire international de justice constitutionnelle, XXII - 2006

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deux tentatives de suicide, souhaitait obtenir quinze grammes de la substance précitée sans prescription médicale dans le but de mettre fin à ses jours dans le cadre d'une association d'aide au suicide établie à Zurich. Il revendiquait pour ce faire le droit de mettre librement fin à sa vie, sans souffrance ni menace pour des tiers. Les autorités concernées s'opposaient pour leur part à cette requête au motif que le natrium- pentobarbital est une substance à caractère stupéfiant, qui ne saurait être obtenue sans ordonnance médicale.

2. A l'issue d'une analyse approfondie, le Tribunal fédéral est parvenu à la conclusion que ni la législation en matière de stupéfiants, ni celle en matière de produits thérapeutiques ne permettent de remettre sans ordonnance médicale du natrium-pentobarbital à une personne qui souhaite mettre fin à ses jours. En particulier, le respect de la liberté personnelle et le droit au respect de la vie privée et familiale au sens des articles 8 CEDH, 10 alinéa 2 et 13 alinéa 1 Cst. n'obligent nullement l'Etat à pourvoir à ce que les organisations d'aide au suicide ou les personnes souhaitant se suicider puissent obtenir du natrium-pentobarbital sans ordonnance. À l'appui de son raisonnement, le Tribunal fédéral s'est également référé à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme relative au droit à la vie, selon laquelle la garantie de l'article 2 CEDH ne contient pas une facette négative, permettant d'obtenir l'aide de l'Etat ou de tiers pour mettre fin à ses jours.

B - Mesures d'éloignement

3. Dans le cadre d'une opération menée par la police de la ville de Berne, plusieurs personnes contrôlées dans le centre et la gare de cette ville avaient fait l'objet de décisions leur faisant obligation de se tenir éloignées de ces lieux en raison des risques que leur comportement engendrait pour l'ordre public, suite à une consommation collective d'importantes quantités d'alcool. L'interdiction portait sur un secteur déterminé et couvrait une période de trois mois. Statuant sur recours des intéressés, le Tribunal fédéral a confirmé, par arrêt du 25 janvier 2006 2, la constitutionnalité de ces mesures au regard aussi bien de la liberté personnelle (art. 10 al. 2 Cst.) que de la liberté de réunion (art. 22 Cst.) et de l'interdiction de la discrimination (art. 8 al. 2 Cst.). Après avoir rappelé qu'elle dispose du pouvoir de contrôler la conformité des lois cantonales à la Constitution fédérale à l'occasion de chaque décision d'application, la Cour suprême a jugé que pareilles mesures reposent sur une base légale valable en droit cantonal. Elles sont en outre justifiées par un intérêt public prépondérant — à savoir la protection de l'ordre et de la sécurité publics — et sont

conformes au principe de la proportionnalité.

C - Mesures alternatives à la détention provisoire

4. Un arrêt du 3 janvier 2007 3 mettant en cause le Ministère public de la Confédération et le Tribunal pénal fédéral dans le cas d'une enquête ouverte pour blanchiment d'argent a permis au Tribunal fédéral de statuer sur la nature des mesures alternatives à la détention provisoire sous l'angle de la liberté personnelle au sens des articles 10 alinéa 2 Cst. et 5 paragraphe 3 CEDH. Le Tribunal fédéral y a précisé que la personne détenue à titre préventif uniquement en raison d'un risque de fuite a le droit

d'être libérée si elle est en mesure de fournir des garanties adéquates permettant 2 ATF 132 I 49 A. und Mitb.

3 ATF 133 1 27 A.

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suisse 899 d'assurer sa présence au procès. Ces garanties ne se limitent pas au versement d'une caution, mais peuvent également consister en des mesures de contrôle judiciaire telles que le dépôt du passeport ou des papiers d'identité. En tant qu'elles emportent une restriction moins grave à la liberté personnelle que la détention provisoire, de telles mesures peuvent entrer en considération même en l'absence de base légale expresse.

5. Le Tribunal fédéral a justifié ce point de vue en application de plusieurs principes : le droit du prévenu à être libéré moyennant des garanties tel qu'il est énoncé à l'article 5 paragraphe 3 CEDH, le principe « in maiore minus », le caractère subsidiaire de la détention provisoire, le principe de la proportionnalité ou encore l'obligation à la charge des organes étatiques de garantir le respect des libertés individuelles. Les juges fédéraux ont cependant précisé que ces mesures alternatives ne sont admissibles que pour autant qu'il subsiste un motif de détention et qu'elles ne s'avèrent pas disproportionnées, étant ajouté qu'elles peuvent se cumuler.

D - Privation de liberté et prestations sociales

6. Par un arrêt rendu le 28 juin 2006 4, le Tribunal fédéral des assurances a confirmé sa jurisprudence selon laquelle une détention provisoire d'une certaine durée (en l'occurrence, sept mois et seize jours) donne lieu à la suspension d'une rente d'assurance-invalidité, de la même manière que toute autre forme de privation de liberté ordonnée par une autorité pénale.

E - Interdiction de fumer

7. Le 12 octobre 2005, une initiative populaire intitulée « Fumée passive et santé », tendant à inscrire dans la Constitution genevoise l'interdiction de fumer dans les lieux publics intérieurs ou fermés, tout particulièrement ceux qui sont soumis à une autorisation d'exploitation tels que les cafés et les restaurants, a été déposée munie d'un nombre suffisant de signatures. Appelé à statuer sur la conformité de cette initiative au droit supérieur préalablement à sa soumission au scrutin populaire, le parlement genevois l'a validée, se contentant de la modifier sur un point en vue de respecter le principe de la proportionnalité. À rigueur du texte de l'initiative, l'interdiction de fumer était en effet conçue de manière absolue, sans aucune exception pour les lieux de séjour à caractère privatif très marqué tels que les cellules de détention, les chambres d'hôpital psychiatrique, les chambres de lieux de soins et de séjour dépendant de l'État ou encore les chambres d'hôtel. Les parlementaires genevois modifièrent le texte de l'initiative afin de ménager la possibilité de fumer dans des lieux de ce genre. Contre la décision du parlement genevois, deux députés ont formé recours devant le Tribunal fédéral, en concluant à l'annulation complète de l'initiative, en particulier au motif que celle-ci contrevenait à la liberté personnelle au sens de l'article 10 alinéa 2 Cst., de même qu'à la garantie de la sphère privée au sens des articles 1 3 Cst. et 8 CEDH.

8. Par arrêt du 28 mars 2007 5, le Tribunal fédéral a rejeté le recours et confirmé la validité de l'initiative telle qu'amendée par le parlement genevois. Au chapitre de la liberté personnelle, la Haute Cour s'est livrée à une exégèse approfondie de cette garantie constitutionnelle, pour rappeler que celle-ci ne se conçoit pas comme une liberté générale de choix et d'action offrant une protection contre n'importe quel 4 ATF 133 V 1 Bundesamt fiir Sozialversicherungen.

5 Arrêt 1P.54 1/2006 Ivan SLATKINE et Pascal PÉTROZ.

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type d'atteinte à l'intégrité physique ou psychique. Le caractère disparate de la casuistique développée sur le sujet fait ressortir que la portée de la liberté personnelle ne saurait être définie de manière générale, mais doit bien plutôt être précisée de cas en cas, en tenant compte non seulement des buts de la liberté et de l'intensité de l'atteinte qui y est portée, mais également de la personnalité de ses destinataires. Ainsi, la question de savoir si le fait de fumer relève de la liberté personnelle, c'est-à-dire s'il constitue une manifestation élémentaire de la personne humaine nécessaire à son épanouissement, ne peut être résolue de manière abstraite : alors que pour certaines personnes, il s'agit d'un comportement occasionnel qui, à l'instar de certaines habitudes, n'est nullement nécessaire à l'épanouissement individuel et auquel il peut facilement être renoncé, il peut en aller différemment, notamment en ce qui concerne les gros fumeurs pour qui il peut s'agir d'un véritable besoin. En outre, le fait de fumer - plus spécifiquement dans un lieu public — met en jeu différents aspects contradictoires de la liberté personnelle : du point de vue du fumeur, il en va certes de l'exercice d'un choix personnel, éventuellement même d'un mode de vie. Celui-ci se trouve toutefois en contradiction avec, d'une part, l'atteinte à sa propre santé et à sa vie qui résulte de l'activité de fumer et, d'autre part, la restriction à la liberté que s'inflige le fumeur lui-même par son accoutumance à la fumée. Du point de vue des personnes confrontées à la fumée passive, il en va du respect du droit à la santé et à la vie qui sont protégés par l'article 10 alinéa 1 Cst.

9-Or, de l'avis du Tribunal fédéral, plus les différents aspects de la liberté personnelle entrent en conflit, plus il appartient au droit ordinaire de les concrétiser par une pesée et une coordination appropriées : la question ne saurait ainsi être résolue par la simple définition du champ d'application de la liberté fondamentale.Telle que posée par l'initiative populaire genevoise, la question est limitée à la fumée dans les lieux publics. S'il est douteux que le fait de fumer ressortisse de la liberté personnelle, il est plus douteux encore que le droit constitutionnel protège la seule faculté de fumer en tous lieux et à tout moment, en particulier dans les lieux publics. Le Tribunal fédéral a finalement laissé la question indécise, de même que celle de la protection de la sphère privée au sens des articles 13 alinéa 1 Cst. et 8 CEDH. Il a en effet relevé que, à supposer que l'une de ces libertés puisse être invoquée, les conditions posées à l'article 3 6 Cst. pour restreindre les libertés seraient de toute façon respectées par l'initiative, conformément à l'interprétation proposée par le parlement genevois.

F - Droit de détenir un chien dangereux

10. Dans un arrêt du 17 novembre 2005 6, le Tribunal fédéral a jugé que l'obligation d'obtenir une autorisation pour détenir un chien appartenant à une race considérée comme dangereuse n'est pas contraire à la liberté personnelle consacrée à l'article 10 alinéa 2 Cst. et que la concrétisation, par voie réglementaire, de la notion de chien potentiellement dangereux dans le canton de Bâle-Campagne était valable sous l'angle des principes d'égalité de traitement (art. 8 Cst.) et d'interdiction de l'arbitraire (art. 9 Cst.). Dans un arrêt du 17 avril 2007 1 , il a par contre jugé que l'obligation décidée par le gouvernement genevois de munir tous les chiens - qu'ils soient dangereux ou non - d'une muselière lorsqu'ils se trouvent dans un parc public présentait un caractère manifestement disproportionné contraire à l'interdiction de l'arbitraire au sens de l'article 9 Cst.

6 ATF 13217 A. undMitb.

7 Arrêt 2P. 269/2006 et 2P. 27 0/2006 X. et Société Genevoise pour la Protection des Animaux.

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SUISSE 901

II - DROIT AU RESPECT DE LA VIE PRIVÉE ET FAMILIALE

11. Le 5 février 2007 8, le Tribunal fédéral a rendu un arrêt de principe dans le domaine du droit au regroupement familial, dans lequel il a procédé à un examen approfondi des critères utilisés en cas de regroupement familial différé d'enfants par un seul parent. Cet examen s'est révélé nécessaire en raison de l'évolution qu'a récemment connue la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme en la matière 9.

12. En l'occurrence, les juges fédéraux ont précisé que les principes mis en œuvre par la Cour de Strasbourg ne remettent pas en cause la distinction entre regroupement des enfants par un seul ou par les deux parents, ni la prise en compte, dans la pesée des intérêts susceptible de justifier le regroupement familial au sens des articles 13 Cst. et 8 CEDH, de l'âge des enfants et de leurs chances de s'intégrer en Suisse. À l'appui de son raisonnement, le Tribunal fédéral s'est fondé sur la nouvelle loi fédérale sur les étrangers, qui a été adoptée en votation populaire le 24 septembre 2006, et sur la réglementation en vigueur au sein de l'Union européenne. Il a sur ces bases confirmé le refus des autorités vaudoises d'accorder une autorisation de séjour en faveur des trois enfants d'une ressortissante ghanéenne établie en Suisse, qui vivait en concubinage avec l'un de ses petits cousins, dont elle avait eu un enfant. Les juges fédéraux ont retenu que le regroupement familial ne pouvait s'imposer en l'espèce, compte tenu de la durée de la séparation (onze ans) entre la mère et ses enfants restés au Ghana d'une part et, d'autre part, des difficultés probables d'intégration auxquelles ceux-ci se trouveraient confrontés, en raison de leur âge (deux des trois enfants étant déjà majeurs), de leur niveau scolaire et de leur méconnaissance de la langue française.

III - LIBERTÉ D'INFORMATION

13. Conformément à l'article 17 alinéa 3 Cst., le secret de rédaction est protégé.

La Constitution fédérale a ainsi pris en compte les enseignements qui découlent de la jurisprudence développée sur le sujet par la Cour européenne des droits de l'homme 10 . Pour bénéficier de la protection de la Constitution, cet aspect de la liberté d'expression n'est toutefois pas absolu, des restrictions pouvant lui être opposées moyennant une pesée des intérêts en cause, conformément à l'article 36 Cst.

14. Par arrêt du 1 1 mai 2006 11 , le Tribunal fédéral a ainsi précisé les contours du droit à la protection des sources journalistiques dans le cadre de la procédure pénale.

À l'issue d'une analyse approfondie des intérêts en cause et du principe de la proportionnalité, l'intérêt consistant à élucider les circonstances d'un décès provoqué par une erreur médicale à l'hôpital universitaire de Zurich n'a pas été considéré comme prépondérant pour permettre de contraindre le journaliste en cause à révéler la source des informations dont il disposait sur le sujet. Les circonstances du litige étaient en effet suffisamment établies sans qu'il s'avère nécessaire de recourir à cette mesure.

8 ATF 133 II 6 X. et consorts.

9 ACEDH Tuquabo-Tekle et autres c. Pays-Bas, du 1er décembre 2005- 10 ACEDH Goodwin c. Royaume-Uni du 27 mars 1996, Rec. 1996-11, p. 483.

11 ATF 132 1 181 X.

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IV - LIBERTÉ DE RÉUNION

15. Un arrêt du 4 septembre 2006 12 a permis au Tribunal fédéral d'apporter d'intéressantes précisions au sujet de la portée de la liberté d'information et de la liberté de réunion au sens des articles 16, 22 Cst. et 11 CEDH en cas de manifestation sur le domaine public 13 . En l'espèce, étaient en cause les mesures de protection prises par les autorités locales en vue de prévenir les risques liés à une manifestation à l'occasion de la Fête nationale suisse, le 1er août 2006, dans le canton de Schwyz. Après avoir rappelé que les garanties constitutionnelles et conventionnelles trouvent également application en cas d'utilisation du domaine public excédant l'usage commun, les juges fédéraux ont, pour la circonstance, confirmé que le refus d'autoriser la manifestation en cause était conforme à la Constitution et à la CEDH en raison des risques de débordement que son organisation pouvait engendrer.

V - DROIT DE GRÈVE

16. Dans un arrêt du 13 septembre 2005 14 , le Tribunal fédéral a précisé les conditions d'application et la portée du droit de grève au sens de l'article 28 Cst. Après avoir évoqué l'évolution qu'a connue cette garantie en droit suisse, les juges fédéraux ont relevé que la protection de la liberté syndicale va de pair avec la reconnaissance du caractère licite de la grève et du lock out, l'article 28 Cst. déployant, de fait, un effet horizontal indirect dans les relations de travail relevant du secteur privé 15 .

17. Dès lors, le juge, qui est appelé, dans le cadre d'une action fondée sur le droit de la responsabilité civile, à se prononcer sur la licéité d'un moyen de combat en droit collectif du travail est tenu de prendre en compte les garanties constitutionnelles en cause. Le Tribunal fédéral a ensuite précisé que, pour qu'un moyen de combat soit licite, il doit se rapporter aux relations de travail, être conforme à l'obligation de paix relative du travail, être appuyé par une organisation de travailleurs et respecter le principe de la proportionnalité. Sous l'angle de ce principe, s'il est disproportionné de mettre en œuvre des moyens de combat faisant usage de la violence ou portant atteinte aux biens de l'entreprise, il est par contre licite d'organiser des piquets de grève, pour autant que ceux-ci n'usent pas de la force.

VI - GARANTIE DE LA PROPRIÉTÉ

1 8. Durant plusieurs années, des démarches ont été entreprises dans le canton de Neuchâtel en vue d'assurer la production d'énergie éolienne. Un site a, parmi d'autres, été sélectionné sur le haut du Jura, à quelque l'300 mètres d'altitude, dans une zone de crêtes et de forêts. Des modifications du plan d'affectation ont été entamées sur le plan cantonal aux fins de permettre l'installation d eoliennes au regard de la législation sur l'aménagement du territoire. Un arrêt du Tribunal administratif neuchâtelois a toutefois admis les recours qui avaient été exercés par plusieurs particuliers propriétaires de résidences secondaires situées sur le lieu pressenti, ainsi que par deux organisations

12 ATF 132 I 256 Bundnis fiirein buntes Brunnen und Jenni.

13 Au sujet de l'exercice des droits fondamentaux sur le domaine public, voir également AIJC XIX-2003, p. 848 ; AIJC XVIII-2002, p. 826.

14 ATF 1 32 III 1 22 Syndicat X.

15 Au sujet de l'application des droits fondamentaux dans les rapports entre personnes privées, voir également AIJC XVIII-2002, p. 827.

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suisse 903 de protection de la nature. Saisi à son tour par la société mandatée pour développer le projet ainsi que par le gouvernement du canton de Neuchâtel, le Tribunal fédéral a admis les recours en date du 31 août 2006 16 et annulé l'arrêt cantonal. Pour porter, pour l'essentiel, sur la problématique de l'aménagement du territoire, l'arrêt contient cependant un passage important consacré à la portée qui revient, dans ce cadre, à la garantie de la propriété au sens de l'article 26 Cst.

19. Les juges fédéraux ont précisé que, conformément à la législation fédérale sur l'aménagement du territoire, lorsque les circonstances se sont sensiblement modifiées, les plans d'affectation doivent faire l'objet des adaptations nécessaires. Le législateur fédéral a opté, dans ce cadre, en faveur d'une solution de compromis entre deux exigences contradictoires : d'une part, l'aménagement du territoire étant un processus continu et la détermination des différentes affectations impliquant des pesées d'intérêts fondées sur des circonstances appelées à changer, l'adaptation périodique des plans d'affectation s'avère indispensable pour assurer, progressivement, leur conformité aux exigences légales. D'autre part, les intérêts privés et publics dont la protection nécessite une certaine sécurité juridique doivent être pris en compte.

20. En conséquence, une pesée des intérêts s'impose pour apprécier l'évolution des circonstances et la nécessité d'adapter un plan d'affectation. L'intérêt à la stabilité du plan, que les propriétaires fonciers peuvent invoquer dans certaines circonstances, doit être mis en balance avec l'intérêt qui sous-tend l'adoption d'un nouveau régime d'affectation, qui peut lui aussi être protégé par la garantie de la propriété. Selon les cas, des intérêts publics peuvent également justifier soit la stabilité du plan, soit son adaptation. Il incombe ainsi à l'autorité appelée à statuer sur le projet de modification d'un plan en vigueur d'examiner, en fonction des circonstances concrètes, une pluralité d'intérêts. Quand la contestation porte sur la modification d'un plan d'affectation, les parties admises à se prévaloir de la garantie constitutionnelle de la propriété peuvent se plaindre du fait que les nouvelles restrictions qui leur sont imposées ne sont pas justifiées par un intérêt public, ni conformes au principe de la proportionnalité au sens de l'article 36 alinéas 2 et 3 Cst. Elles sont en d'autres termes fondées à critiquer sous cet angle l'application des règles d'aménagement du territoire et le résultat de la pesée des intérêts. Ces questions relèvent en principe du contrôle de la légalité, les intérêts à prendre en compte étant protégés par des normes du droit fédéral ou cantonal, dans le domaine de l'aménagement du territoire proprement dit ou dans d'autres domaines juridiques.

21. Dans le cadre de la juridiction constitutionnelle, le Tribunal fédéral examine en principe librement si les mesures d'aménagement du territoire répondent à un intérêt public et respectent le principe de la proportionnalité ; il s'impose toutefois une certaine retenue lorsqu'il s'agit de tenir compte de circonstances locales ou de trancher de pures questions d'appréciation. Dans le cas d'espèce, les juges fédéraux ont fondé leur examen sur l'importance respective de l'intérêt à la conservation d'un site naturel, d'une part, et de l'intérêt à la mise en œuvre de la politique publique fédérale et cantonale en faveur du développement d'énergies renouvelables, d'autre part. Après avoir souligné l'importance qui caractérise le développement des énergies renouvelables, ils ont admis les recours et renvoyé l'affaire au Tribunal administratif cantonal pour que celui-ci adopte une nouvelle décision prenant suffisamment en compte l'importance de ce motif d'intérêt public.

16 ATF 1 32 II 408 Eole-Res S.A. et Conseil d'État de la République et Canton de Neuchâtel.

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VII - LIBERTÉ ÉCONOMIQUE

22. Dans le domaine de la liberté économique, le Tribunal fédéral a eu l'occasion de préciser, dans un intéressant arrêt du 18 avril 2006 concernant une commune neuchâteloise 17 , la portée qui revient à cette garantie constitutionnelle en cas d'utilisation du domaine public excédant l'usage commun.

23. Était en cause dans cette affaire la constitutionnalité des critères permettant d'opérer un choix entre les divers commerçants désirant participer à une foire lorsque la place à disposition est insuffisante pour satisfaire l'ensemble des demandes. Les juges fédéraux ont précisé que l'établissement d'un ordre de priorité en fonction de la provenance géographique des intéressés contrevenait à la liberté économique ainsi qu'à la loi fédérale sur le marché intérieur, car cette méthode a pour effet d'instaurer un mécanisme privilégiant de manière systématique les mêmes groupes de candidats et fausse par conséquent la concurrence. Ils ont ainsi admis le recours qui avait été interjeté par un commerçant itinérant domicilié dans le canton de Fribourg contre la réglementation municipale en cause, celle-ci ayant pour effet de compromettre sa participation à une foire, alors pourtant qu'il la fréquentait de manière régulière depuis quinze ans.

VIII - GARANTIES DE PROCÉDURE A - Droit d'être entendu

24. Le droit d'être entendu protégé par l'article 29 alinéa 2 Cst. joue un rôle central dans tous les domaines du droit. En matière de procédure de naturalisation des étrangers, il conduit l'autorité amenée à se prononcer sur l'octroi de la nationalité suisse à un étranger à rendre des décisions justifiées. Rappelant ces principes, le Tribunal fédéral a, par un arrêt du 10 mai 2006 concernant une commune argovienne 18 , précisé qu'un refus de naturalisation émanant d'une assemblée communale qui s'écarte de la proposition du conseil communal n'était pas suffisamment motivé et n'était, partant, pas conforme à la Constitution.

B - Droit à l'assistance judiciaire

25. Prévue à l'article 29 alinéa 3 Cst., la garantie de l'assistance judiciaire gratuite permet à la personne désargentée dont la cause ne paraît pas d'emblée dépourvue de chances de succès de bénéficier du droit d'accéder à un tribunal, ses frais étant alors pris en charge par les pouvoirs publics. Cette garantie va souvent de pair, en Suisse, avec l'octroi d'un défenseur d'office, dont le mandat est décidé et défini par les tribunaux eux-mêmes.

26. Outre ses conditions d'application, l'une des questions inhérentes à ce système concerne le montant des honoraires qui sont assumés par l'État. Chaque canton disposant de ses propres règles en la matière, la pratique sur le sujet s'avère très disparate. Un arrêt rendu le 6 juin 2006 à propos du canton d'Argovie 19 a permis au

17 ATF 132 1 97 X.

18 ATF 132 1 196 A.

19 ATF 132 I 201 A. und B.

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suisse 905 Tribunal fédéral de faire le point au sujet de cette problématique. En l'espèce, le tarif horaire de la défense d'office en vigueur dans ce canton pour les procédures pénales, pour être fixé à 150 francs, permettait seulement de couvrir les frais supportés par l'avocat nommé d'office. Après avoir rappelé leur jurisprudence et évoqué les pratiques qui ont cours dans plusieurs cantons, les juges fédéraux ont précisé qu'il ne se justifie plus, de nos jours, de ne rembourser aux défenseurs d'office que leurs propres frais.

L'indemnisation pour les mandats d'office doit au contraire être déterminée de telle sorte qu'il soit possible aux avocats de réaliser un gain, fut-il modeste, et pas uniquement symbolique. Aussi, le Tribunal fédéral a fixé comme règle de départ un tarif horaire de l'ordre de 180 francs. Il a, sur cette base, admis le recours exercé par deux avocats pour violation de l'interdiction de l'arbitraire.

27. Dans un arrêt du 14 août 2006 20 , le Tribunal fédéral des assurances a jugé qu'à l'inverse de la situation qui prévaut lors d'une audience — le cas échéant, avec administration des preuves - devant une autorité administrative, il n'existe pas de droit à être assisté d'un avocat à l'occasion d'une expertise médicale.

C - Témoignages anonymes

28. Une question centrale et traditionnelle de la procédure pénale concerne l'admission de témoignages anonymes. Un arrêt rendu le 25 avril 2006 21 a permis au Tribunal fédéral de rappeler sa jurisprudence d'après laquelle l'admissibilité de témoignages anonymes ne doit pas s'apprécier selon des critères formels, mais reposer sur une évaluation de l'ensemble des circonstances afin de déterminer si la restriction des droits de la défense provoquée par leur admission est légitimée par un intérêt digne de protection, et dans l'affirmative, si l'inculpé n'a malgré tout pas été privé d'un procès

équitable.

29. Le recours à des témoignages anonymes a été en l'espèce considéré comme admissible, s'agissant d'une personne qui, sans être membre d'une organisation criminelle, était exceptionnellement prompte à la violence, et à qui des infractions graves à la législation sur la circulation routière ainsi qu'un délit de contrainte étaient reprochés. Au final, les juges fédéraux ont cependant retenu que l'atteinte aux droits de la défense avait été insuffisamment compensée, ni l'inculpé ni son défenseur n'ayant eu l'occasion d'interroger un témoin, fût-ce par le biais d'une confrontation indirecte.

30. Dans une autre affaire, jugée le 2 novembre 2006 22 , le Tribunal fédéral a précisé que la conclusion selon laquelle les déclarations d'un témoin à charge qui fait l'objet de menaces sont inutilisables lorsque l'accusé et son défenseur peuvent lui poser des questions complémentaires uniquement par un dispositif audio-visuel, exclut de manière générale l'interrogatoire de témoins anonymes en tant que moyen de preuve et viole ainsi le principe de la libre appréciation des preuves.

D - Droit de recourir contre une condamnation pénale

31. Le droit de l'accusé de bénéficier d'une défense efficace dans le cadre d'une procédure d'appel est protégé en Suisse, outre par l'article 32 alinéa 2 et 3 Cst., par les 20 ATF 132 V 443 D.

21 ATF 132 I 127 X.

22 ATF 133 I 33 X.

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articles 2 paragraphe 1 du Protocole additionnel n° 7 CEDH, 14 paragraphe 5 du Pacte II, ainsi que par les règles de procédure cantonale, en lien avec la garantie générale du droit à un procès équitable. Dans un arrêt du 22 novembre 2006 23 mettant en cause la procédure pénale qui a cours dans le canton de Lucerne, le Tribunal fédéral a précisé que la pratique qui consiste à rayer définitivement du rôle une procédure d'appel en cas de défaut injustifié de l'accusé, alors que son défenseur s'est présenté à l'audience, n'est pas conforme à la Constitution. Seul un défaut total, impliquant une défense injustifiée de l'accusé et de son défenseur, est de nature à entraîner une telle conséquence.

E - Principe d'égalité de traitement

32. Suite aux deux arrêts de principe qu'il a rendus le 9 juillet 2003 24 , par lesquels il a déclaré que la procédure de naturalisation ordinaire des étrangers permettant au corps électoral de se prononcer sur les dossiers de candidats aptes à devenir suisse contrevenait aux droits fondamentaux, le Tribunal fédéral a été à plusieurs reprises amené à statuer sur diverses pratiques cantonales. Dans un arrêt du 10 mai 2006 25 , il a ainsi précisé que la protection conférée par la liberté religieuse au sens des articles 15 Cst. et 9 CEDH ne revêt pas de portée indépendante par rapport au grief selon lequel la naturalisation aurait été refusée pour des motifs discriminatoires liés à l'appartenance religieuse. En l'espèce, les juges fédéraux ont jugé que le refus de naturalisation d'une requérante musulmane fondé sur l'intégration insuffisante de celle-ci ne contrevenait pas à l'interdiction de la discrimination que postule l'article 8 alinéa 2 Cst.

F - Interdiction de l'abus de droit

33-L'interdiction de l'abus de droit ne joue le plus souvent qu'un rôle marginal dans le contentieux. Il arrive parfois que le Tribunal fédéral s'y réfère lorsque l'invocation excessivement stricte de certaines règles de procédure a pour effet de conduire à un déni de justice. Dans un arrêt du 11 septembre 2006 26 , le Tribunal fédéral a ainsi précisé que, dans le domaine de la procédure, l'interdiction de l'abus de droit peut être rapprochée de l'interdiction du formalisme excessif que la jurisprudence assimile à un déni de justice proscrit par l'article 29 alinéa 1 Cst. Le formalisme excessif est réalisé lorsque des règles de procédure sont appliquées avec une rigueur que ne justifie aucun intérêt digne de protection, au point que la procédure devient une fin en soi et qu'elle en vient à empêcher ou qu'elle complique de manière insoutenable l'application du droit. L'excès de formalisme peut résider dans la règle de comportement qui est imposée au plaideur ou dans la sanction qui est attachée à cette règle.

34. En l'espèce, les juges fédéraux avaient à connaître du cas d'une assignation qui avait été signifiée à l'étude de l'avocat de la partie défenderesse à un procès civil, alors même que celle-ci n'y avait pas élu domicile. L'assignation était bien parvenue au défendeur, mais celui-ci a néanmoins excipé de la nullité de l'acte selon le droit cantonal. La décision attaquée avait accueilli l'exception, dont il résultait 23 ATF 1331 12 X.

24 Voir AIJC XIX-2003, p. 858.

25 ATF 132 1 167 A.

26 ATF 132 I 249 X. S.A.

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suisse 907 l'irrecevabilité de la demande en justice et la caducité de la procédure de séquestre que celle-ci validait. Cette décision a été jugée arbitraire au motif que l'exception procédait d'un abus de droit.

IX - ACCORD BILATÉRAL SUR LA LIBRE CIRCULATION DES PERSONNES 35. Durant la période passée sous revue, le Tribunal fédéral a rendu plusieurs arrêts fort intéressants au sujet de l'Accord bilatéral sur la libre circulation des personnes entre la Suisse d'une part, la Communauté européenne et ses Etats membres d'autre part. Dans un arrêt du 9 janvier 2006 27 , le Tribunal fédéral des assurances a par exemple précisé que le travailleur frontalier, qui a dû cesser son activité en Suisse pour des raisons de santé et qui bénéficie d'indemnités de chômage dans son pays de résidence (en l'espèce, la France), n'a pas droit à des mesures de réadaptation de l'assurance-invalidité suisse. Un tel droit ne peut en effet être déduit ni du règlement n° 1408/7 1 , ni de l'Annexe II à l'ALCP.

36. Les juges fédéraux ont raisonné de même le 13 avril 2006 28 , dans le cas d'un travailleur frontalier qui avait dû cesser son activité en Suisse pour des raisons de santé et qui avait été mis au bénéfice d'une rente de l'assurance-invalidité suisse : dans ce cas également, un droit à des mesures de réadaptation professionnelle ne peut être déduit ni du règlement n° 1408/71, ni de l'Annexe II à l'ALCP.

37. Dans un arrêt du 2 février 2006 29 , le Tribunal fédéral des assurances a en revanche retenu que l'enfant adopté par des parents de nationalité française, ne comptant pas une année de résidence en Suisse au moment où son atteinte à la santé nécessitait un enseignement spécial, pouvait se prévaloir de l'article 3 alinéa 6 de l'annexe I à l'ALCP, qui traite de l'enseignement général.

X - CEDH

A - Droits et obligations de caractère civil

38. Dans un arrêt du 27 avril 2006 30 , le Tribunal fédéral a jugé qu'une prise de position d'un département fédéral rendant opposable aux avoirs d'un particulier un blocage ordonné par le Conseil fédéral sur la base de l'article 184 alinéa 3 Cst. constitue une décision portant sur des droits et obligations de caractère civil au sens de l'article 6 paragraphe 1 CEDH. En application de la norme conventionnelle, un recours au Tribunal fédéral doit par conséquent être ouvert. Fondé sur l'article 184 alinéa 3 Cst., ce genre de mesure repose sur une base légale suffisante pour la restriction des libertés au sens de l'article 36 alinéa 1 Cst. Les juges fédéraux ont en revanche considéré que le blocage objet du litige, pour s'appliquer à des avoirs revendiqués sur la base d'un jugement entré en force, contrevenait au principe de la proportionnalité, compte tenu de sa durée excessive. Le cas d'espèce concernait une créance de plus de quatre millions de francs pour laquelle le recourant avait obtenu deux séquestres sur les biens de Monsieur Mobutu, alors président du Zaïre, mais dont les fonds avaient fait l'objet d'un blocage prononcé par le Conseil fédéral durant une période initiale de trois ans dans le 27 ATF 132 V 53 G.

28 ATF 132 V 244 F.

29 ATF 132 V 184 J. agissant par son père A.

30 ATF 132 1 229 A.

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cadre d'une procédure d'entraide diligentée à la demande de la République démocratique du Congo.

39. Pour être assurément étendue, conformément à l'autonomie qui lui revient dans l'interprétation du droit conventionnel, la notion de droits et obligations de caractère civil au sens de l'article 6 paragraphe 1 CEDH n'est toutefois pas illimitée.

Un arrêt rendu le 28 décembre 2005 31 a ainsi vu le Tribunal fédéral des assurances préciser que le refus d'inclure un hôpital dans la liste cantonale des hôpitaux admis à pratiquer à la charge de l'assurance maladie obligatoire n'entrait pas dans le champ d'application de l'article 6 paragraphe 1 CEDH. La règle vaut même pour les lits uniquement prévus pour des patients au bénéfice d'une assurance complémentaire dans des hôpitaux privés.

40. Dans un arrêt du 6 mars 2006 32 , le Tribunal fédéral des assurances a laissé ouverte la question de savoir si l'article 6 paragraphe 1 CEDH trouve application dans la décision de fixation des tarifs hospitaliers par un gouvernement cantonal dès lors qu'en tout état, les décisions fondées sur ce genre de tarif sont passibles d'un contrôle judiciaire devant les autorités cantonales d'abord puis, le cas échéant, devant le Tribunal fédéral des assurances.

B - Garantie du procès équitable

4l. Au chapitre de la garantie du procès équitable, le Tribunal fédéral a jugé le 4 mai 2006 33 que le droit d'accès aux tribunaux civils tel qu'il découle des articles 6 paragraphe 1 CEDH, 29 alinéa 1 et 30 alinéa 1 Cst. n'exclut pas d'exiger des sûretés destinées à couvrir indistinctement les frais futurs de la partie défenderesse et ceux que cette partie a déjà subis dans le procès. Les sûretés peuvent aussi couvrir les frais résultant de l'exception de compensation de la partie défenderesse.

XI - DROITS POLITIQUES

42. Le domaine des droits politiques alimente une casuistique aussi riche que régulière du Tribunal fédéral sur la portée et les conditions d'exercice des instruments de démocratie directe tels qu'ils ont cours dans les cantons suisses. La Constitution fédérale protège d'ailleurs explicitement, en son article 34, les droits politiques et la loi sur le Tribunal fédéral qui est entrée en vigueur le 1er janvier 2007 les énonce, au chapitre de la juridiction constitutionnelle, comme motif spécifique permettant de former un recours en matière de droit public 34 .

A - Conditions de validité d'une initiative populaire

43. Une initiative populaire tendant à la révision partielle de la Constitution cantonale instaurant un monopole pour l'approvisionnement et la distribution d'eau, de gaz et d'électricité a abouti dans le canton de Genève. Appelé à statuer sur la validité de cette initiative, le Grand Conseil genevois avait pris la décision de la scinder en deux parties distinctes et de soumettre celles-ci séparément au peuple, la partie de

l'initiative relative au monopole du gaz ayant été invalidée.

31 ATF 132 V 6 Klinik X. AG.

32 ATF 1 32 V 299 Klinik X.

33 ATF 132 I 134 X. et D. International S.A.

34 Au sujet de la loi sur le Tribunal fédéral, voir AIJC XXI-2005, p. 717.

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suisse 909

44. Saisi d'un recours exercé par deux citoyens, le Tribunal fédéral a confirmé la décision du Grand Conseil genevois par arrêt du 18 octobre 2006 35 . La Haute Cour a considéré que l'instauration d'un monopole pour l'approvisionnement et la distribution d'électricité ne contrevenait ni à la liberté économique au sens de l'article 27 Cst., ni au principe de la primauté du droit fédéral énoncé par l'article 49 alinéa 1 Cst. Elle a toutefois relevé que la modification de la législation fédérale tendant à ouvrir le marché aurait pour effet, une fois adoptée, de rendre nulles les dispositions cantonales allant à fins contraires 36 .

B - Intervention des pouvoirs publics dans une campagne référendaire 45. Un arrêt rendu le 8 mars 2006 à propos du canton de Neuchâtel 37 a permis au Tribunal fédéral de statuer sur le droit à la libre formation de l'opinion des citoyens d'une part et les conditions d'intervention de l'autorité cantonale dans la campagne précédant une votation populaire d'autre part. En l'occurrence, les juges fédéraux ont relevé que les autorités sont habilitées à adresser un message explicatif aux électeurs sur l'objet soumis au scrutin à condition toutefois de respecter leur devoir d'information objective et ne donnent pas d'indications fallacieuses.

46. En l'espèce, bien que la prise de position des autorités cantonales sur les arguments des référendaires hostiles à une loi sur un établissement hospitalier n'échappait pas à toute critique — le texte de loi lui-même n'ayant, au reste, pas été joint au matériel de vote envoyé aux électeurs et les explications officielles qui détaillaient l'enjeu du scrutin ne brillant pas par leur objectivité —, les manquements constatés n'imposaient pas, selon la Cour suprême, l'annulation de la votation. S'agissant des conditions auxquelles une intervention financière de l'Etat dans la campagne précédant une votation populaire doit répondre, le Tribunal fédéral a également relevé que l'octroi de fonds publics en faveur d'un comité privé dans lequel l'autorité n'est pas représentée n'est en principe pas admissible et même d'autant plus répréhensible qu'il s'accomplit, de fait, de manière occulte. En l'espèce, le montant alloué par les autorités cantonales - à savoir ÎO'OOO francs en faveur d'un comité interpartis soutenant la loi soumise au scrutin - a cependant été jugé modeste et n'avait pas, d'après le Tribunal fédéral, rompu l'égalité des armes entre opposants et partisans. Partant, selon les juges fédéraux, le vice ne revêtait pas une gravité suffisante pour conduire à l'annulation du vote.

C - Modification du nombre des communes

47. Dans le canton de Glaris, une Landsgemeinde avait à se prononcer le 7 mai 2006 sur une proposition du gouvernement local tendant à réduire le nombre des communes à dix. Un amendement formulé en cours d'assemblée par un électeur proposa une réduction à trois communes seulement. L'amendement admis, un recours fut exercé devant le Tribunal fédéral pour violation des droits politiques. Le Tribunal fédéral l'a rejeté par arrêt du 3 novembre 2006 38 , au motif que la proposition d'amendement, en dépit de son importance, entretenait un lien objectif avec le projet 35 ATF 132 I 282 Monney et Chevallaz.

36 Au sujet des conditions de validité des initiatives cantonales, voir également l'arrêt 1P.541/2006 Ivan Slatkine et Pascal Pétroz, supra , ch. I. E.

37 ATF 132 I 104 Clément.

38 ATF 132 I 291 Leuzinger.

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du Grand Conseil, en sorte qu'il pouvait être discuté sur le champ, sans renvoi à une assemblée ultérieure. Aucune violation des droits politiques ne pouvait en conséquence être retenue.

48. Appelé à préaviser la conformité de la nouvelle réglementation communale à l'adresse de l'Assemblée fédérale, instance compétente pour octroyer la garantie de la Confédération aux constitutions des cantons, le Conseil fédéral a considéré que la réduction du nombre des communes à Glaris avait été valablement adoptée et qu'elle

reflétait la fidèle expression de la volonté du corps électoral local 39 . XII - AUTONOMIE COMMUNALE

49. Dans le domaine du droit fiscal, le Tribunal fédéral a précisé, dans un arrêt rendu le 8 mai 2006 40 , que les articles 6 paragraphe 1 CEDH et 30 Cst. n'imposent pas l'existence d'une autorité de recours judiciaire en matière fiscale. Si l'obligation fiscale est réglée par un contrat de droit administratif, il est néanmoins arbitraire que l'une des parties contractantes puisse se prononcer sur sa portée de façon contraignante en tant que pouvoir public, sans que l'autre partie dispose d'une voie de droit autre que le recours au Tribunal fédéral. Ce dernier a en conséquence admis le recours exercé par une commune tessinoise pour violation de son autonomie au sens de l'article 50 alinéa 1 Cst. et transmis le dossier aux autorités cantonales afin que celles-ci comblent la lacune concernant le droit d'accéder à un tribunal 41 .

XIII - RÉPARTITION DES COMPÉTENCES ENTRE LA CONFÉDÉRATION ET LES CANTONS

A - Rapports entre le droit privé fédéral et le droit public cantonal

50. Un arrêt du 21 octobre 2005 42 a permis au Tribunal fédéral de rappeler les principes qui gouvernent la coexistence des règles de droit privé fédéral et de droit public cantonal. Alors que l'adoption de règles de droit privé par les cantons doit, compte tenu de la réglementation contenue dans le Code civil fédéral, s'appuyer en principe sur une réserve expresse, le droit public cantonal n'est pas soumis à une telle restriction. Il s'ensuit que les cantons sont habilités à édicter des normes de droit public même dans les domaines qui connaissent une réserve en faveur du droit civil de rang cantonal. Cette force expansive du droit public cantonal n'est toutefois pas dépourvue de limites.

51. Conformément à la jurisprudence, l'adoption de normes de droit public par les cantons n'est amissible qu'à la triple condition que le législateur n'ait pas entendu réglementer la matière de façon exhaustive, que ces règles soient justifiées par un intérêt public pertinent et qu'elles n'éludent pas le droit civil fédéral, ni n'en 39 Feuille fédérale de la Confédération suisse 2007 I 590.

40 ATF 132 I 140 Commune di Bioggio.

41 Voir également, AIJC XIX-2003, p. 846. Au sujet de la portée de l'autonomie dont bénéficient les communes en Suisse, voir le rapport présenté dans cet Annuaire dans le cadre de la Table ronde organisée par le GERJC en 20 06.

42 ATF 132 III 6 X. et Y. Voir également ATF 132 III 49, A. und Mitb., du 19 août 2005, au sujet des rapports entre le droit privé fédéral et le droit public cantonal dans le cas de détermination d'un seuil de tolérance en matière d'immixtions sonores provenant d'un immeuble affecté au patrimoine administratif de la ville de Zurich, où le Tribunal fédéral souligne la nécessité d'assurer des diverses normes en concours.

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SUISSE 911 contredisent le sens ou l'esprit. Dans le cas d'espèce, qui portait sur un conflit de voisinage mettant en cause des immixtions provoquées par la présence d'arbres à la limite de deux propriétés, le Tribunal fédéral a confirmé la validité d'une réglementation vaudoise de droit public relative aux plantations qui était contenue dans une loi cantonale sur la protection de la nature, des monuments et des sites parallèlement à la disposition du Code civil (art. 684) relative aux rapports de voisinage.

B - Protection contre les effets du tabagisme

52. L'arrêt que le Tribunal fédéral a rendu le 28 mars 2007 43 au sujet de l'interdiction de fumer dans les lieux publics à Genève contient une partie fort intéressante consacrée aux rapports qu'entretiennent le droit fédéral et le droit cantonal en matière de protection de la santé. L'article 118 Cst. habilite en effet les autorités fédérales à légiférer dans le domaine de la protection de la santé. Pour le Tribunal fédéral, cette clause constitutionnelle ne fait nullement obstacle à l'adoption, par les cantons, de dispositions tendant à protéger la population contre les effets du tabagisme passif. L'article 118 Cst. fonde en effet une compétence globale en faveur de la Confédération, dont celle-ci n'a toutefois fait qu'un usage partiel aux fins de réglementer, en particulier, la publicité en matière d'alcool et de tabac 44 . Dès lors que la matière en cause n'a pas donné lieu à une réglementation présentant, sur le plan fédéral, un caractère exhaustif sur le sujet, les cantons demeurent compétents pour édicter des règles à leur niveau.

XIV - PRINCIPES FISCAUX A - Principe de la légalité

53. L'article 127 alinéa 1 Cst. énonce les principes qui entourent la perception des contributions publiques sur le plan aussi bien fédéral que cantonal et même municipal. Le principe de la légalité occupe une place centrale dans ce cadre, au point de constituer, conformément à la jurisprudence, un droit de nature constitutionnelle à lui seul.

54. Un arrêt du 15 mai 2006 45 a permis au Tribunal fédéral de rappeler l'importance de ce principe, en précisant qu'il appartient au législateur de déterminer qui doit supporter les frais d'une procédure pénale. Dans le cas d'espèce, les juges fédéraux ont constaté que le code de procédure pénale du canton de Berne ne prévoyait pas que ces frais pussent être mis à la charge de la succession du prévenu. Une décision en ce sens était donc dépourvue de base légale, en cas de classement d'une affaire de meurtre avant l'audience du tribunal pénal qui s'était produit à la suite du décès de l'accusé.

B - Principe d'égalité

55. Outre le principe de la légalité, l'un des aspects centraux du régime fiscal suisse réside dans le principe de la généralité et de l'égalité de l'impôt. Un arrêt du 4

43 Arrêt 1P.541/2006 Ivan SLATKINE et Pascal PÉTROZ ; supra, ch. I. E.

44 Sur la question, voir également AIJC XVIII-2002, p. 838.

45 ATF 132 I 1 17 X.

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avril 2006 46 a permis au Tribunal fédéral de rappeler l'importance attachée aux principes d'égalité d'imposition et de l'imposition selon la capacité contributive, qui découlent de la protection qu'assure sur un plan général le principe d'égalité au sens de l'article 8 Cst. De fait, les contribuables qui se trouvent dans la même situation économique doivent supporter une charge fiscale semblable ; lorsqu'ils sont dans des situations de fait différentes qui ont des effets sur leur capacité économique, leur charge fiscale doit en tenir compte et y être adaptée. Lors de l'aménagement du système fiscal, le législateur dispose toutefois d'un pouvoir d'appréciation étendu. En l'espèce, les juges fédéraux ont toutefois déclaré inconstitutionnelle la loi jurassienne sur les allocations familiales qui, pour consacrer le principe de l'universalité des allocations, réservait leur financement par le prélèvement de cotisations auprès du cercle restreint des seuls employeurs et indépendants 47 .

56. Dans un autre arrêt, rendu le 12 avril 2006 48 , le Tribunal fédéral a jugé que l'imposition différenciée de la valeur locative des résidences principales et secondaires est admissible. Après avoir rappelé que le respect du principe de la légalité représente, dans le domaine du droit fiscal, un droit constitutionnel autonome, il a souligné que l'encouragement de l'accession à la propriété énoncée à l'article 118 Cst.

autorise à traiter de manière différenciée les résidences principales et secondaires sur le plan fiscal. À cet égard, le fait que la disponibilité d'une résidence secondaire soit limitée ne justifie nullement de réduire sa valeur locative. De même, le fait que le propriétaire d'une résidence secondaire est (m non également propriétaire du logement principal qu'il occupe peut ne pas être pris en considération.

46 ATF 132 I 153 Caisse de compensation pour allocations familiales de l'Union patronale interprofessionnelle.

47 Sur la question, voir également AIJC XIX-2003, p. 849 et 855.

48 ATF 132 1 157 X.

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