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Chronique de jurisprudence constitutionnelle suisse - Année 2010

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Chronique de jurisprudence constitutionnelle suisse - Année 2010

HOTTELIER, Michel

HOTTELIER, Michel. Chronique de jurisprudence constitutionnelle suisse - Année 2010.

Annuaire international de justice constitutionnelle, 2011, vol. 26-2010, p. 775-793

DOI : 10.3406/aijc.2011.2051

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:17447

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Suisse

M. Michel Hottelier

Citer ce document / Cite this document :

Hottelier Michel. Suisse. In: Annuaire international de justice constitutionnelle, 26-2010, 2011. Constitutions et droit pénal - Hiérarchie(s) et droits fondamentaux. pp. 775-793;

doi : https://doi.org/10.3406/aijc.2011.2051

https://www.persee.fr/doc/aijc_0995-3817_2011_num_26_2010_2051

Fichier pdf généré le 11/07/2018

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SUISSE

par Michel HOTTELIER *

Droit à la vie ; A.-Emploi d'armes à feu par la police ; B.-Grève de la faim par un détenu — II.-Liberté d'expression ; A.-Refus d'autoriser la location d'une salle de spectacle ; B. - Sanctions disciplinaires dans le cadre de la fonction publique ; C.-Liberté des médias ; D.-Grève de la faim par un détenu — III.-Liberté de la langue — IV.-Liberté économique ; A. - Réglementation de la prostitution ; B. - Interdiction de fumer dans les lieux publics — V.-Droit à des conditions minimales d'existence — VI.-Garanties de discrimination ; C. - Droit de répliquer — VII.-Droits politiques ; A. - Respect de l'unité de D. - Interdiction de fumer dans les lieux publics ; E.-Intervention des pouvoirs publics dans une campagne référendaire — VIII.- Accord bilatéral sur la libre circulation des l'État de droit ; A.-Égalité des droits entre homme et femme; B.-Interdiction de la la matière ; B.-Référendum législatif ; C.-Recomptage des voix lors d'une votation fédérale ; personnes; A.- Regroupement familial ; B.-Refus de prolongation automatique d'une autorisation de séjour — IX.-CEDH ; A. - Droits et obligations de caractère civil ; B. - Droit d'accès au juge ; C. - Indépendance des tribunaux ; D. - Principe de la publicité ; E.-Droit au X.-Répartition des compétences entre la Confédération et les cantons ; A.-Assistance au suicide; B.-Mesures contre la violence lors de manifestations sportives; respect de la vie privée et familiale ; F. - Changement de nom d'un conjoint — C.-Conditions d'élevage et de détention de chiens ; D.-Réglementation des frais accessoires à un contrat de bail ; E. - Réduction de primes d'assurance-maladie.

* * * I.-DROIT À LA VIE

A.-Emploi d'armes à feu par la police

1. Le 30 septembre 2009, le Tribunal fédéral a rendu un arrêt mettant en cause, dans le cadre du contrôle abstrait de constitutionnalité des normes cantonales \ la loi sur la police du canton de Zurich 2 . Dans ce cadre, la Haute Cour

* Professeur à l'Université de Genève.

1 Sur ce type de contrôle, voir AIJC XXV-2009, p. 849 et A1JC XXI-2005, p. 718.

Annuaire international de justice constitutionnelle, XXVI-2010

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s'est prononcée en particulier sur le recours aux armes à feu lors de la poursuite de personnes en fuite ayant manifesté une dangerosité particulière ou une propension à la violence à l'occasion d'un délit ou d'un crime grave.

2. Après avoir formulé diverses considérations générales sur le droit de police et le principe de la proportionnalité, le Tribunal fédéral a analysé l'importance qui revient au droit à la vie au regard des exigences posées par les articles 10 alinéa 1 Cst., 2 CEDH et 6 Pacte II. Il a ensuite précisé que la disposition de la loi zurichoise permettant le recours aux armes à feu pouvait s'interpréter d'une manière conforme aux dispositions précitées. Que ce soit sous l'angle préventif ou répressif, la norme cantonale était en effet rédigée dans des termes suffisamment précis et explicites pour réduire l'emploi d'armes à feu à des cas exceptionnels.

B.-Grève de la faim par un détenu

3. En Valais, une personne condamnée à plusieurs années de privation de liberté sur la base de la législation sur les stupéfiants entama un jeûne de protestation, dès son incarcération. L'intéressé y mit fin après avoir obtenu une première interruption de peine. Replacé en détention, il cessa à nouveau de s'alimenter et fut transféré dans un hôpital pour y poursuivre l'exécution de sa peine, sous surveillance médicale et avec les soins appropriés. Saisi d'un recours dirigé contre la décision refusant une seconde interruption de peine, le Tribunal fédéral a eu à statuer sur la question de l'alimentation forcée en milieu carcéral.

4. Dans un arrêt de principe du 26 août 2010 3, les juges fédéraux ont relevé que l'alimentation forcée de grévistes de la faim en phase avancée n'a pas, par le passé, été jugé contraire à la CEDH. Selon la jurisprudence européenne, il est certes exact que la nutrition forcée d'une personne comporte des aspects dégradants qui, dans certaines circonstances, peuvent contrevenir à l'interdiction énoncée à l'article 3 CEDH. Toutefois, si une personne détenue poursuit une grève de la faim, cela peut inévitablement conduire à un conflit entre le droit à l'intégrité physique de l'individu, d'une part, et l'obligation positive de préserver la santé et la vie des détenus que l'article 2 CEDH fait peser sur les Etats parties, d'autre part. Ce conflit n'est pas réglé par la Convention. C'est par conséquent à la législation nationale qu'il appartient de le résoudre. De l'avis du Tribunal fédéral, si elle est admise par le droit interne et pratiquée dignement, l'alimentation forcée est compatible avec la Convention.

II.-LIBERTÉ D'EXPRESSION

A.-Refus d'autoriser la location d'une salle de spectacle

5. La question de l'utilisation du domaine public en lien avec l'exercice de droits fondamentaux comme l'organisation de manifestations, d'activités commerciales ou encore la récolte de signatures pour lancer des initiatives populaires, des demandes de référendum ou des pétitions a occasionné une casuistique importante de la part du Tribunal fédéral. Aujourd'hui, il est communément admis que les justiciables disposent d'un « certain droit » à l'usage du domaine public excédant l'usage commun pour exercer les droits fondamentaux.

2 Recueil officiel des arrêts du Tribunal fédéral suisse (ci-après : ATF) 136 I 87 Demokratische Juristinnen und Juristen Zurich (DJZ) und Mitb. Les arrêts du Tribunal fédéral suisse peuvent être consultés en ligne sur le site www.bger.ch.

3 ATF 136 IV 97 Rappaz.

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Si elle est relativement claire pour ce qui concerne l'usage des biens appartenant au domaine public, c'est-à-dire les biens disposant d'une affectation générale et accessibles à tout un chacun dans le cas de l'usage commun 4, la question est plus délicate pour les biens relevant du patrimoine administratif. Cette catégorie recouvre l'ensemble des biens de l'État qui sont affectés à la réalisation d'une tâche étatique déterminée à l'image des écoles, des hôpitaux, des gares, des musées, des bibliothèques et, de manière générale, des établissements publics et des services administratifs de l'Etat. Les droits fondamentaux permettent-ils de revendiquer l'usage de biens de ce genre, comme c'est le cas pour les biens appartenant du domaine public ?

6. Le Tribunal fédéral a été confronté à cette problématique à l'occasion d'un arrêt rendu le 8 décembre 2010 5. Cette affaire mettait en cause le refus de la Ville de Genève de mettre à disposition de l'humoriste Dieudonné une salle en vue de la présentation de son spectacle consacré à la violence conjugale. Propriétaire de la salle, la Ville de Genève invoquait le risque de troubles à l'ordre public en raison des dérapages auxquels certains des spectacles précédents de l'intéressé avaient pu donner lieu lors de représentations en France. Déboutée par le Tribunal administratif genevois qui, saisi par le producteur de l'artiste, avait constaté que le refus de mettre à disposition de la salle de spectacle contrevenait à la liberté d'expression, la Ville de Genève saisit le Tribunal fédéral.

7. La Haute Cour a commencé par qualifier la nature juridique de la salle de spectacle afin de déterminer si elle relevait du droit public et si sa location était par conséquent soumise aux droits fondamentaux. Bien que le contrat passé entre la ville et le producteur de Dieudonné relevait du droit privé, les juges fédéraux ont retenu que la salle de spectacle, pour entrer dans l'exercice des compétences culturelles exercées par la municipalité genevoise, relevait du patrimoine administratif, et non des biens privés. En vertu de la clause de l'article 35 alinéa 2 Cst., qui précise que quiconque assume une tâche de l'État est tenu de respecter les droits fondamentaux et de contribuer à leur réalisation, les droits fondamentaux trouvaient effectivement matière à s'appliquer en l'occurrence.

8. Examinant ensuite les conditions de restriction opposables aux libertés au sens de l'article 3 6 Cst., les juges fédéraux ont considéré que, en l'absence d'éléments concrets susceptibles d'étayer le risque de menace à l'ordre public, les motifs invoqués par la requérante étaient purement hypothétiques et ne suffisaient pas à motiver un refus basé sur l'intérêt public. Le Tribunal fédéral a aussi relevé que le principe de la proportionnalité n'était pas respecté. En l'occurrence, une mesure moins incisive qu'une interdiction pure et simple du spectacle pouvant être envisagée, à l'instar de la mise en place d'un service d'ordre supplémentaire. Au final, la Haute Cour a rejeté le recours.

B.-Sanctions disciplinaires dans le cadre de la fonction publique

9-Un arrêt rendu le 31 août 2010 6 a permis au Tribunal fédéral de préciser que les mesures — en l'occurrence, un blâme et destitution d'une fonction dirigeante — prises à l'égard d'un enseignant d'une haute école publique à Zurich en raison de la distribution d'un tract aux membres du parlement cantonal excédaient les exigences propres au devoir de fidélité imposées aux membres de la fonction

4 5 6 Au sujet des conditions d'exercice des droits fondamentaux sur le domaine public, voir AIJC XXV-2009, p. 857 ; AIJC XIX-2003, p. 848 ; AIJC XVIII-2002, p. 826. Arrêt du Tribunal fédéral 1C_312/2010 Ville de Genève, Conseil administratif c. Djily Diagne. ATF 136 1 332 M.

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publique et constituaient une restriction inadmissible de la liberté d'expression au sens des articles 16 alinéa 2 Cst., 10 CEDH et 19 Pacte II.

C.-Liberté des médias

10. Une affaire originale jugée le 23 décembre 2010 7 a conduit le Tribunal fédéral à se prononcer sur le statut de la liberté des médias dans le cadre pénitentiaire. Étaient en cause des prises de vue filmées d'un détenu à l'intérieur d'un établissement de détention. En l'espèce, la Haute Cour a jugé qu'indépendamment de son contenu, une interview télévisée dans un établissement de détention tombe dans le champ de protection de la liberté des médias au sens de l'article 17 Cst.

11. Dans le cadre de la pesée d'intérêts prévue à l'article 3 6 Cst., les impératifs d'ordre et de sécurité inhérents à l'exécution de la peine, ainsi que les atteintes éventuelles aux droits de tiers doivent être mis en balance avec l'intérêt opposé des requérants, en tant que médias, à réaliser le portrait d'un détenu. Les juges fédéraux ont admis le recours exercé par le rédacteur d'une émission télévisée et par la télévision suisse alémanique à qui les autorités zurichoises avaient refusé de réaliser le portrait d'une personne privée de liberté.

D.-Grève de la faim par un détenu

12. Dans l'arrêt qu'il a rendu le 26 août 2010 au sujet du statut d'un détenu faisant la grève de la faim 8, le Tribunal fédéral a précisé que la liberté d'expression garantie à l'article 16 alinéa 2 Cst. protège tous les moyens propres à établir la communication, y compris le geste et l'adoption de comportements symboliques. Cette garantie englobe les jeûnes de protestation ou les grèves de la faim, qui sont des comportements volontaires et revendicateurs par lesquels les intéressés sollicitent une amélioration de leurs conditions de détention ou une intervention dans la procédure judiciaire pénale les concernant. Par ailleurs, la liberté personnelle garantie à l'article 10 alinéa 2 Cst. comprend le droit au respect de l'intégrité physique. Il est incontesté que l'alimentation forcée, qui peut être très invasive, porte atteinte à cette garantie. Or, ni la condamnation pénale, ni l'exécution de la peine dans un établissement pénitentiaire n'ôtent aux personnes qui purgent une peine privative de liberté le bénéfice de leurs droits fondamentaux.

13. L'alimentation forcée d'un détenu en grève de la faim peut dès lors s'analyser à la fois comme une restriction à la liberté d'expression et comme une restriction à la liberté personnelle. Ces garanties peuvent cependant être limitées aux conditions prévues à l'article 36 Cst. En vertu de l'article 36 alinéa 1, 2e phrase Cst., la faculté d'imposer un traitement médical à un patient ne peut découler que d'une loi au sens formel. La troisième phrase de l'article 36 alinéa 1 Cst. déroge aux deux phrases qui précèdent. Reprenant la clause générale de police que la jurisprudence avait admise sous la Constitution fédérale de 1874, cette disposition instaure une exception constitutionnelle à l'exigence d'une base légale même dans les cas où celle- ci devrait se trouver dans une loi au sens formel. Ainsi, en vertu de l'article 36 alinéa 1, troisième phrase Cst., le pouvoir exécutif, voire judiciaire, est autorisé à restreindre en l'absence de base légale un droit fondamental afin d'écarter un danger grave, direct et imminent, menaçant un intérêt public important, s'il apparaît qu'une intervention est urgente, en ce sens qu'il y a lieu d'agir dans un délai qui ne 7 AT F 137 I 8 X. und Schweizerische Radio-und Fernsehgesellschaft SRG SSR idée suisse.

8 ATF 136 IV 97 Rappaz.

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permettrait objectivement pas la création d'une base légale et que les moyens prévus par les lois en vigueur ne suffisent pas. Il n'est pas nécessaire que les mesures prises soient générales ou collectives. La clause générale de police permet notamment de restreindre les droits fondamentaux d'un individu particulier, par exemple d'imposer un traitement médical à une personne déterminée. Lorsqu'une autorité limite les droits fondamentaux en se fondant sur la clause générale de police, les conditions posées par les alinéas 2 à 4 de l'article 36 Cst. doivent être satisfaites : la restriction doit respecter le principe de la proportionnalité et elle ne peut porter atteinte au noyau intangible du droit fondamental, ni à un droit qui ne peut être restreint, tel le droit à ne pas être soumis à une peine ou à un traitement cruel, inhumain ou dégradant. Dans le cas d'espèce, le Tribunal fédéral a considéré que ces exigences étaient réalisées. Il a en conséquence rejeté le recours.

III.-LIBERTÉ DE LA LANGUE

14. Autrefois confinée au rang de droit constitutionnel non écrit d'origine jurisprudentielle 9, la liberté de la langue est formellement consacrée par l'article 18 Cst. Cette garantie comprend notamment l'usage de la langue maternelle. Lorsque cette langue est également l'une des quatre langues nationales (allemand, français, italien, romanche), son emploi est protégé par l'article 4 Cst. L'article 8 alinéa 2 Cst.

prohibe en outre toute discrimination du fait de la langue. Dans les rapports du citoyen avec l'autorité, la portée du principe de la liberté de la langue concerne plus particulièrement les domaines de la langue de l'enseignement et celui de la langue officielle des cantons, notamment la langue qui est employée dans les procédures administratives et judiciaires.

15. Dans les rapports avec les autorités, la liberté de la langue est limitée par le principe de la langue officielle. Sous réserve des limites posées par le droit constitutionnel fédéral, il appartient en premier lieu aux cantons de réglementer l'usage de la langue à l'intérieur de leur territoire. Dans le canton de Fribourg par exemple, l'article 17 alinéa 2 de la Constitution cantonale autorise un justiciable à déposer son mémoire de recours devant le Tribunal cantonal dans la langue officielle de son choix, à savoir en allemand ou en français, sans égard à la langue de la procédure. Dans un arrêt du 18 janvier 2010 10, le Tribunal fédéral a jugé que le Tribunal cantonal ne pouvait imposer comme condition à la recevabilité d'un recours la traduction d'un mémoire rédigé dans la langue officielle autre que celle de la procédure.

IV.-LIBERTÉ ECONOMIQUE

A-Réglementation de la prostitution

16. En Suisse, le Code pénal n'interdit pas la prostitution en tant que telle.

La réglementation de cette activité ressortit à la compétence cantonale, le Tribunal fédéral ayant précisé dans un arrêt rendu en 1975 11 que la prostitution est appréhendée par la garantie constitutionnelle de la liberté économique. Un arrêt

9 10 ATF 91 I 480 Association de l'école française de Zurich. ATF 136 1 149 F.

11 ATF 101 la 473 R- et consorts. Dans cette affaire, les juges fédéraux avaient considéré que l'interdiction de se livrer à la prostitution sur la voie publique pendant la journée, sur l'ensemble du territoire genevois, contrevenait au principe de la proportionnalité. Voir également ATF 99 la 504 X., du 13 juin 1973.

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rendu le 12 avril 2011 12 a permis à la Haute Cour de préciser les termes de cette jurisprudence.

17. Était en cause une loi votée par le Grand Conseil du canton de Genève le 17 décembre 2009 réglementant les conditions d'exercice de la prostitution. Cette loi prévoit toute une série de mesures telles l'obligation d'obtenir l'accord écrit du propriétaire de l'immeuble lors de l'ouverture d'un salon ou d'une agence d'escorte, la tenue par l'exploitant d'un registre mentionnant les prestations fournies aux personnes qui exercent la prostitution et les montants demandés en contrepartie, l'interdiction de toute atteinte à l'ordre et à la tranquillité publique ou encore le droit des autorités d'effectuer des contrôles inopinés dans les locaux des salons et agences d'escorte pratiquant la prostitution.

18. Saisi d'un recours dirigé directement contre cette loi cantonale par deux personnes exploitant un salon érotique et une agence d'escorte, le Tribunal fédéral a annulé la disposition soumettant le droit du responsable d'exploiter un salon ou une agence d'escorte à la preuve qu'il bénéficie de l'accord écrit du propriétaire de l'immeuble destiné à abriter ce commerce. La Haute Cour a considéré que cette mesure constitue une atteinte disproportionnée au libre exercice de la prostitution, qui serait ainsi entravée en tant qu'activité commerciale particulière. Sous l'angle du principe de la proportionnalité, les juges fédéraux ont en particulier souligné que les autorités administratives genevoises disposent d'un arsenal législatif suffisant pour sanctionner les réaffectations commerciales de logements d'habitation. Toutes les autres mesures prévues par la loi ont en revanche été déclarées conformes au droit fédéral, que ce soit sous l'angle du droit au respect de la vie privée, du droit au respect du domicile ou du principe de la primauté du droit fédéral 13 .

B.-Interdiction de fumer dans les lieux publics

19-Par arrêt du 23 novembre 2009 l4, le Tribunal fédéral a jugé, dans le cadre du contrôle abstrait de constitutionnalité des lois cantonales, que la fumée de narguilés tombe sous le coup de la réglementation du canton de Berne en matière de protection contre le tabagisme passif. Le fait que l'ordonnance du Conseil d'État sur la protection contre le tabagisme passif ne prévoie pas de règle spéciale pour la consommation de narguilés dans les établissements publics a été jugé conforme aux droits fondamentaux, en particulier à la liberté économique, à la garantie de la propriété et au principe d'égalité de traitement.

20. Un autre arrêt, rendu le même jour 15, a permis au Tribunal fédéral de préciser que la même réglementation bernoise, qui interdit l'utilisation du local de débit principal d'un établissement comme fumoir, l'installation distincte de débit telle que buffet ou bar dans un fumoir, ainsi que l'accès aux fumoirs des personnes âgées de moins de 18 ans, ne contrevient pas à la liberté économique.

V.-DROIT À DES CONDITIONS MINIMALES D'EXISTENCE

21. Dans un arrêt du 11 juin 2010 16, le Tribunal fédéral a rappelé la portée du droit à des conditions minimales d'existence au sens de l'article 12 Cst. Aux 12 Arrêt du Tribunal fédéral 2C_230/2010 Dame X. et X. c. Grand Conseil du canton de Genève.

13 Sur le sujet, voir également l'arrêt 2P. 165/2004, A. et consorts c. Grand Conseil du canton de Vaud, rendu le 31 mars 2005 par le Tribunal fédéral à propos de la loi vaudoise sur l'exercice de la prostitution.

14 ATF 1 36 I 1 7 Shisha Bar GmbH.

15 ATF 136 I 29 GastroBern und Mitb.

16 ATF 136 I 254 M.

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termes de cette disposition, quiconque se trouve dans une situation de détresse et n'est pas en mesure de subvenir à son entretien a le droit d'être aidé et assisté, et de recevoir les moyens indispensables pour mener une existence conforme à la dignité humaine.

22. Selon la jurisprudence, le droit fondamental à des conditions minimales d'existence ne garantit pas en tant que tel un revenu minimum, mais uniquement la couverture des besoins élémentaires pour survivre d'une manière conforme aux exigences de la dignité humaine. En font partie la nourriture, le logement, l'habillement et les soins médicaux de base. L'article 12 Cst. se limite, autrement dit, à ce qui est nécessaire pour assurer une survie décente afin de ne pas être abandonné à la rue et réduit à la mendicité 17 .

23. Le Tribunal fédéral a aussi précisé que la mise en œuvre de cette garantie peut être différenciée en fonction du statut de la personne assistée. Ainsi la jurisprudence a-t-elle admis, pour les personnes qui doivent quitter la Suisse, en particulier les requérants d'asile dont la demande a été frappée d'une décision de non-entrée en matière, qu'il n'y a pas lieu de poursuivre un intérêt d'intégration ou de garantir des contacts sociaux durables, compte tenu du caractère en principe temporaire de leur présence sur le territoire suisse 18.

VI.-GARANTIES DE L'ÉTAT DE DROIT

A.-Égalité des droits entre homme et femme

24. Dans un arrêt du 31 août 2010 19, le Tribunal fédéral a jugé que la présomption d'une discrimination salariale fondée sur le sexe — en raison d'une différence de traitement, reconnue par l'employeur dans le cas d'espèce - n'est pas renversée par le seul fait que pour d'autres types d'emplois exercés de manière prépondérante par des femmes, ou dans une même proportion par des femmes et des hommes, l'employeur concerné alloue un salaire non discriminatoire au sens de l'article 8 alinéa 3 Cst.

B.-Interdiction de la discrimination

25. Une réglementation peut-elle fixer un âge limite au-delà duquel la prise en charge de certaines affections médicales par l'assurance sociale n'est plus assurée sans contrevenir à l'interdiction de la discrimination au sens de l'article 8 alinéa 2 Cst. ? C'est à cette question qu'a été confronté le Tribunal fédéral dans un intéressant arrêt rendu le 19 mars 2010 20.

26. L'affaire mettait en cause une personne présentant un état d'obésité morbide, compliqué notamment par un diabète et une hypertension artérielle. La prise en charge des frais liés à la prise en charge chirurgicale et au traitement de l'intéressé avait été refusée par son assureur maladie au motif qu'il dépassait l'âge de 60 ans. La question posée au Tribunal fédéral portait sur le respect du principe d'égalité de traitement et de l'interdiction de la discrimination fondée sur l'âge au sens de l'article 8 alinéas 1 et 2 Cst. Les juges fédéraux ont en l'occurrence donné raison à l'assureur et considéré que la limite de l'âge maximal de 60 ans prévue en

17 18 Sur l'interdiction de la mendicité, voir l'arrêt X. et consorts , ATF 134 I 214, AIJC XXIV-2008, p. 837. Sur le droit à des conditions minimales d'existence, voir également AIJC XXIV-2008, p. 842 ; AIJC XX-2004, p. 810.

19 ATF 1 36 II 396 Schweizer Berufsverband der Pflegefachfrauen und Pflegefachmdnner (SBK) und Mitb.

20 ATF 136 I 121 Universa Caisse-maladie.

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relation avec le traitement chirurgical de l'adiposité était fondée sur un motif justificatif d'ordre médical et ne portait pas atteinte au principe de l'égalité, respectivement à l'interdiction de toute discrimination fondée sur l'âge.

27. S'agissant de l'interdiction de la discrimination fondée sur l'âge, la Haute Cour a précisé que le principe de non-discrimination ne prohibe pas toute distinction basée sur l'un des critères énumérés à l'article 8 alinéa 2 Cst., mais fonde plutôt le soupçon d'une différenciation inadmissible. Les inégalités qui résultent d'une telle distinction doivent dès lors faire l'objet d'une justification particulière. La distinction relative à l'âge de 60 ans à l'origine du litige est précisément fondée sur un motif d'ordre médical convaincant qui constitue une justification objective et raisonnable.

C.-Droit de répliquer

28. Un arrêt rendu le 10 mai 2010 21 a conduit le Tribunal fédéral à rappeler que le droit d'être entendu tel qu'il est garanti à l'article 29 alinéa 2 Cst. comprend notamment le droit pour l'intéressé de s'exprimer sur les éléments pertinents avant qu'une décision ne soit prise touchant sa situation juridique, de produire des preuves pertinentes, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuve pertinentes, de participer à l'administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s'exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre. Compris comme l'un des aspects de la notion générale de procès équitable au sens de l'article 29 alinéa 1 Cst. et 6 paragraphe 1 CEDH, le droit d'être entendu garantit en particulier le droit pour une partie à un procès de prendre connaissance de toute pièce ou observation présentée au juge et de la discuter. L'effet réel de ces éléments sur le jugement à rendre importe peu ; les parties doivent avoir la possibilité d'indiquer si elles estiment qu'un document appelle des commentaires de leur part.

La notion de droit d'être entendu fondée sur l'article 29 alinéa 2 Cst. ayant intégré ces principes, le droit de réplique fondé sur cette disposition vaut pour toutes les procédures judiciaires, y compris celles qui ne tombent pas dans le champ de protection de l'article 6 paragraphe 1 CEDH.

29-Dans un autre arrêt, daté du let avril 2011 22 , le Tribunal fédéral a jugé que, compris comme l'un des aspects de la notion générale de procès équitable au sens des articles 29 Cst. et 6 CEDH, le droit d'être entendu garantit notamment le droit pour une partie à un procès de prendre connaissance de toute argumentation présentée au tribunal et de se déterminer à son propos, que celle-ci contienne ou non de nouveaux éléments de fait ou de droit, et qu'elle soit ou non concrètement susceptible d'influer sur le jugement à rendre. Il appartient en effet aux parties, et non au juge, de décider si une prise de position ou une pièce nouvellement versée au dossier contient des éléments déterminants qui appellent des observations de leur part.

30. Ce droit à la réplique vaut pour toutes les procédures judiciaires. Toute prise de position ou pièce nouvelle versée au dossier doit dès lors être communiquée aux parties pour leur permettre de décider si elles veulent ou non faire usage de leur faculté de se déterminer. En l'espèce, les juges fédéraux ont admis le recours et annulé une décision qui avait été prise par la Commission de surveillance des offices des poursuites et des faillites du canton de Genève au motif que cette dernière

21 Semaine judiciaire 2010 I, p. 479-Arrêt du Tribunal fédéral 1B_7 1/2010 A. c. Ministère public du canton de Fribourg, publié in La 22 Arrêt du Tribunal fédéral 5A_779/2010 A. c. B. et Office des poursuites de Genève.

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n'avait pas communiqué aux parties à la procédure les déterminations et d'autres documents qui avaient été recueillis après l'échange d'écritures.

VII.-DROITS POLITIQUES

A-Respect de l'unité de la matière

31. Une autorité cantonale peut-elle soumettre au même scrutin populaire deux textes de rang législatif distincts, en prévoyant toutefois que les clauses qu'ils contiennent ne peuvent être acceptées de manière séparée ? C'est à cette intéressante question qu'a été confronté le Tribunal fédéral dans un arrêt de principe rendu le 24 mars 201 1 à propos du canton de Neuchâtel 23 .

32. Était en cause une modification de la loi cantonale sur les contributions directes, d'une part, ainsi que le vote sur une initiative populaire intitulée « Pour un nombre approprié de structures d'accueil de qualité » et son contre-projet sous la forme d'une loi sur l'accueil des enfants, d'autre part. Bien que les textes en question fussent soumis séparément au vote du peuple, ils étaient liés par des clauses prévoyant qu'ils ne pouvaient être acceptés qu'ensemble. La brochure explicative accompagnant le matériel de vote remis au corps électoral insistait sur cet aspect en titrant : « Deux objets étroitement liés : l'un n'ira pas sans l'autre » et en exposant que « si l'une des lois ici proposées est refusée par le peuple, l'autre ne pourra pas non plus être mise en vigueur, même si elle a été acceptée ».

33. Saisi d'un recours pour violation des droits politiques exercé par deux citoyens neuchâtelois, le Tribunal fédéral a condamné cette manière de procéder et annulé la votation. La Haute Cour a commencé par relever que la liberté de vote garantie par l'article 34 Cst. commande que les votations et les élections soient organisées de manière à ce que la volonté des électeurs puisse s'exercer librement, notamment sans pression ni influence extérieure. Cette exigence constitutionnelle implique une formulation simple, claire et objective des questions soumises au vote.

Ces dernières ne doivent pas induire en erreur, ni être rédigées dans des termes propres à influer sur la décision du citoyen. L'exigence d'unité de la matière découle de la liberté de vote et, en particulier, du droit à la libre formation de l'opinion des citoyens et à l'expression fidèle et sûre de leur volonté. Elle interdit de mêler, dans un même objet soumis au peuple, plusieurs propositions de nature ou de but différents, qui forceraient ainsi le citoyen à une approbation ou à une opposition globales, alors qu'il pourrait n'être d'accord qu'avec une partie des propositions. Il doit ainsi exister, entre les diverses parties d'un objet soumis au scrutin populaire, un rapport intrinsèque ainsi qu'une unité de but, c'est-à-dire un rapport de connexité qui fasse apparaître comme objectivement justifiée la réunion de plusieurs propositions en une seule question.

34. Pour le Tribunal fédéral, la manière dont le scrutin était en l'occurrence présenté se révélait problématique, en tant qu'elle avait pour effet de contraindre certains électeurs à approuver une loi dont ils ne voudraient pas, afin de faire adopter l'autre. Ainsi, le citoyen favorable à la modification de la loi fiscale aurait dû approuver la loi sur l'accueil des enfants même s'il ne le souhaitait pas, et vice versa.

De l'avis de la Haute Cour, il n'est pas rare que l'électeur doive faire des compromis et qu'il ne soit pas nécessairement d'accord avec tous les aspects d'une loi qui lui est soumise. Il doit néanmoins être en mesure d'opérer une appréciation globale de l'objet de la votation afin de décider s'il est d'accord avec les buts poursuivis et les 23 Arrêt du Tribunal fédéral 1C_108/201 1 Patricia de Pury et Benoît Couchepin c. Conseil d'État et Grand Conseil du canton de Neuchâtel.

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moyens mis en œuvre pour les atteindre. Une telle appréciation n'est pas possible si les divers aspects de l'objet en question sont trop disparates et s'ils visent des objectifs trop différents.

35. C'est précisément pour cette raison que la jurisprudence a développé l'exigence de l'unité de la matière. Or, dans la mesure où les lois litigieuses avaient en l'espèce été liées de manière à former un tout, que les citoyens doivent accepter ou refuser en bloc, elles devaient respecter cette exigence. Si la décision de joindre l'adoption de ces deux lois était le résultat d'une négociation préalable menée entre partenaires politiques et sociaux, il ne fallait toutefois pas perdre de vue que l'électeur se trouverait dans une position différente : il n'est pas en mesure de négocier pour obtenir un avantage en échange d'un compromis, mais ne peut qu'accepter ou refuser l'objet qui lui est soumis. Or, si l'acceptation d'une partie de cet objet implique des concessions dans un domaine complètement différent, l'électeur ne peut plus exprimer sa volonté librement. Le Tribunal fédéral en a tiré la conclusion que la manière dont les objets de la votation cantonale avaient été présentés ne permettait pas une expression fidèle et sûre de la volonté des électeurs et qu'elle portait atteinte à la liberté de vote. Une éventuelle scission des objets litigieux n'était pas possible en l'espèce, dans la mesure où le lien entre les différents objets était inscrit dans les lois elles-mêmes 24.

B.-Référendum législatif

36. Les cantons suisses disposent, conformément à l'article 39 alinéa 1 Cst., d'importantes compétences dans l'agencement de leur système politique et démocratique. L'aménagement des instruments de démocratie directe leur incombe très largement, sous réserve du droit d'initiative populaire en matière constitutionnelle d'une part et du référendum obligatoire pour les révisions des constitutions cantonales d'autre part, dont l'existence est imposée par l'article 51 alinéa 1 Cst. Sous ces réserves, les cantons aménagent librement les instruments démocratiques dont ils ont choisi de se doter.

37. Certains cantons prévoient par exemple que les lois votées par le parlement local sont soumises au référendum législatif ou obligatoire. Quelques cantons, surtout en Suisse alémanique, connaissent le référendum obligatoire pour les lois ordinaires. En Suisse romande, le canton de Genève a prévu que les lois votées par le Grand Conseil (parlement cantonal) sont soumises au référendum populaire si 7'000 citoyens en font la demande dans un délai de quarante jours suivant l'adoption de la loi. Les lois touchant le régime fiscal d'une part, suite à une révision de la Constitution cantonale survenue le 2 décembre 2001, et celles qui concernent le logement et la protection des locataires d'autre part, suite à une révision de la Constitution votée le 24 septembre 2006, sont quant à elles soumises au référendum obligatoire. Cette réglementation paraît claire et facile à mettre en œuvre au premier abord. Sur le terrain pratique, elle pose néanmoins des questions délicates. Ainsi, à quel référendum une loi cantonale mêlant questions fiscales, politique du logement et d'autres types de normes passibles du référendum facultatif est-elle sujette ? C'est à cette problématique que le Tribunal fédéral a été confronté à la faveur d'un arrêt rendu le 9 novembre 2010 25 .

24 Sur l'exigence constitutionnelle de l'unité de la matière, voir également A1JC XXIV-2008, p. 846 ; AIJC XIX-2003, p. 857.

25 Arrêt du Tribunal fédéral 1C_28/2010 Alberto Velasco et consorts, publié et commenté in Pratique juridique actuelle 201 1 , p. 263.

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38. L'affaire mettait en cause une loi sur l'énergie votée par le Grand Conseil genevois au mois d'octobre 2009- L'une des particularités de cette loi était qu'elle portait de nombreuses modifications, y compris dans des lois concernant le régime fiscal et la politique du logement. Certaines des clauses qu'elle contenait étaient ainsi soumises au référendum législatif facultatif, alors que d'autres étaient passibles du référendum législatif obligatoire. À l'issue du vote, le gouvernement genevois (Conseil d'État) décida de soumettre l'intégralité de la loi au référendum obligatoire.

Cette décision fut attaquée devant le Tribunal administratif du canton de Genève par une association de défense des locataires et trois personnes physiques, au motif que la loi en question aurait dû être scindée, certaines de ses parties étant sujettes au référendum facultatif et les autres au référendum obligatoire. Le Tribunal administratif confirma la décision du Conseil d'État et rejeta le recours. Les auteurs de ce dernier saisirent alors le Tribunal fédéral en invoquant une violation des droits politiques.

39-Après avoir rappelé que la règle, à Genève, est le référendum législatif facultatif et rappelé les spécificités propres au référendum législatif obligatoire au sens du droit constitutionnel genevois, les juges fédéraux ont souligné la nécessité de ménager un équilibre entre l'harmonie de la loi en cause et la consultation populaire, dans le respect de la garantie des droits politiques telle qu'elle découle de l'article 34 Cst. Le référendum obligatoire impliquant, par définition, la consultation populaire, sa mise en œuvre se révèle plus favorable que le référendum facultatif traditionnel.

De fait, soumettre au référendum obligatoire une disposition qui, prise isolément, aurait été soumise au référendum facultatif n'est pas en soi préjudiciable aux droits populaires, dans la mesure où le peuple est finalement appelé à se prononcer sur celle-ci. Dans une telle situation, l'objectif de garantir une votation populaire pour certaines modifications légales est atteint. Aussi, le principe « in dubio pro populo » trouve sa pleine expression. Quant à l'éventualité d'une scission des normes soumises au scrutin, le Tribunal fédéral l'a écartée, au nom de la cohérence et de l'efficacité de la loi incriminée. En effet, en principe, le référendum doit viser l'acte législatif dans son entier. La Haute Cour a relevé qu'en permettant au peuple de retrancher certains éléments d'une loi, on risque d'en compromettre l'harmonie, la cohérence ou l'efficacité, voire d'entraîner la caducité de l'ensemble de la réglementation. Il convient ainsi d'admettre procédé de la scission législative avec retenue. Fort de ces considérations. Le Tribunal fédéral a finalement rejeté le recours.

C.-Recomptage des voix lors d'une votation fédérale

40. Le 1er octobre 2009 26, le Tribunal fédéral a rendu un arrêt concernant le recomptage des voix à l'occasion d'un résultat serré d'une votation fédérale. Etait en cause l'issue d'un scrutin fédéral au cours duquel, le 17 mai 2009, 50,14%

seulement du corps électoral fédéral avait accepté la loi introduisant une nouvelle réglementation des passeports biométriques inspirée du droit communautaire.

Compte tenu de l'issue très serrée du résultat, plusieurs citoyens domiciliés à Zurich formèrent recours devant le Conseil d'État du canton. Les recours ayant été rejetés, trois d'entre eux saisirent le Tribunal fédéral en concluant à la tenue d'une nouvelle votation fédérale sur la base de l'article 34 Cst.

41. Les juges fédéraux ont rejeté le recours, Pour ce faire, ils ont considéré qu'un résultat très serré d'une votation doit être traité comme une situation particulière, susceptible de générer des soupçons d'irrégularité au sens de la loi fédérale sur les droits politiques. En revanche, un recomptage qui donne à nouveau 26 ATF 136 II 132 Gtintert, Sorg und Besson.

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un résultat très serré ne peut justifier, à lui seul, un nouveau recomptage. Une voie de recours auprès du Tribunal fédéral est ouverte contre un résultat de votation qui n'a pas encore été validé dans toute la Suisse, sur la base de l'article 29a Cst. en lien avec l'article 34 Cst.

D.-Interdiction de fumer dans les lieux publics

42. Le 24 février 2008, le corps électoral genevois a accepté une modification de la Constitution cantonale posant le principe de l'interdiction de fumer dans les lieux publics. Après avoir, dans un premier temps, jugé que cette initiative populaire respectait le droit fédéral 27 , le Tribunal fédéral a, dans un deuxième temps, annulé le règlement par lequel le Conseil d'État genevois avait concrétisé l'initiative, sans législation préalable émanant du Grand Conseil 28 . L'initiative ayant finalement été concrétisée au moyen d'une loi formelle, le Tribunal fédéral a été saisi d'un recours fondé notamment sur la violation des droits politiques. Le Tribunal fédéral a rejeté le recours 29 .

43. Pour la Haute Cour, les moyens soulevés dans le recours revenaient tous à affirmer que la loi ne respectait pas la disposition constitutionnelle cantonale relative à l'interdiction de fumer dans les lieux publics. Or, un tel grief ne relève pas du recours pour violation des droits politiques. En effet, lorsqu'il est prétendu qu'une loi viole la constitution cantonale, il est toujours possible de reprocher au législateur d'avoir violé la volonté du constituant ou celle des auteurs du projet d'article constitutionnel. On peut également lui faire le reproche, dans certains cas, d'avoir fait l'économie d'une révision constitutionnelle soumise au référendum obligatoire.

Cela ne saurait toutefois suffire pour permettre aux requérants d'agir par la voie du recours pour violation des droits politiques. En pareil cas, c'est en effet le recours pour violation des droits fondamentaux qu'il convient d'exercer.

44. Restait donc à examiner si la disposition constitutionnelle genevoise interdisant de fumer dans les lieux publics relevait des droits fondamentaux. Les juges fédéraux ont répondu par la négative à cette question. La norme constitutionnelle cantonale incriminée constitue en effet une norme générale de protection de la santé, qui tend à préserver le public dans son ensemble des effets de la fumée passive. Comme l'avait déjà relevé le Tribunal fédéral, il ne s'agit pas d'une norme d'application immédiate, susceptible de donner lieu à recours. Celle-ci doit en effet être concrétisée par une loi au sens formel, telle la loi attaquée, prévoyant notamment les mesures de contrôle, les sanctions et les dérogations. On ne saurait par conséquent y voir un droit dont les particuliers pourraient directement se prévaloir, le cas échéant devant un juge. Il s'agit en réalité d'une norme de type programmatique pour la concrétisation de laquelle le législateur dispose d'une certaine liberté. Au demeurant, même la loi attaquée, qui vient concrétiser la disposition constitutionnelle, s'analyse davantage comme une norme d'interdiction assortie de mesures de contrôle et de sanctions que comme un droit que l'individu pourrait faire valoir à l'encontre de l'Etat 30.

27 ATF 133 I 110 Slatkine et Pétroz ; voir AIJC XXII-2006, p. 899 et 911 ; Vincent MARTENET, La protection contre le tabagisme passif à l'épreuve du fédéralisme, Pratique juridique actuelle 2011, p. 479-488.

28 ATF 134 I 322 Amaudruz et consorts ; voir AIJC XXIV-2008, p. 850.

29 ATF 136 I 241 Association Oxyromandie, Diethelm et Starobinski.

30 Sur la notion de droit fondamental ouvrant la porte au contrôle de constitutionnalité du Tribunal fédéral, voir l'arrêt Schweizerische Volkspartei des Kantons Solothurn, ATF 131 1 366, cité in AIJC XXI-2005, p. 720.

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45. Un autre arrêt, rendu le 31 janvier 201 1 31 , a permis au Tribunal fédéral de préciser l'interprétation à conférer à la notion de lieu public où la fumée est proscrite. Le cas concernait un passage reliant deux rues fort fréquentées du centre de la ville de Genève. Ouvert au public et librement accessible aux piétons, ce passage est toutefois objet de propriété privée et dûment inscrit ès qualité au registre foncier.

Doté d'une verrière et d'un plafond, il est bordé de divers commerces. La question à trancher consistait à déterminer si un tea-room offrant une terrasse qui donnait sur le passage en question était accessible aux fumeurs. Le Tribunal fédéral, confirmant en cela la position affichée pas les juges cantonaux, a apporté une réponse négative à la question. De l'avis de la Haute Cour, la réglementation genevoise de l'interdiction de la fumée passive englobe les lieux publics ou accessibles au public, que ces derniers soient considérés comme intérieurs ou fermés. La fumée du tabac est, de par la loi, réputée ne pas pouvoir circuler de façon aussi libre dans un espace couvert que, notamment, dans une rue à ciel ouvert, de sorte à risquer d'y diminuer la qualité de l'air respiré. Le Tribunal fédéral a considéré que l'analyse faite par le Tribunal administratif genevois résistait au grief d'interdiction de l'arbitraire au sens de l'article 9 Cst. et il a, sur cette base, rejeté le recours.

E.-Intervention des pouvoirs publics dans une campagne référendaire 46. Par arrêt du 14 décembre 2010 32 , le Tribunal fédéral a statué sur un recours mettant en cause la présentation d'un scrutin par les autorités, en l'espèce une initiative populaire cantonale relative à la répartition du bruit des avions aux alentours de l'aéroport de Zurich. La Haute Cour a jugé que les explications destinées aux électeurs contenaient un rapport explicatif, qui résumait le point de vue des autorités cantonales, ainsi que la prise de position du comité d'initiative.

Selon le rapport explicatif, le but poursuivi par l'initiative s'avérait incompatible avec les principes de la protection de l'environnement et l'intérêt public. Cette argumentation a été considérée par le Tribunal fédéral comme pertinente et conforme aux droits politiques 33 .

VIII.-ACCORD BILATÉRAL SUR LA LIBRE CIRCULATION DES PERSONNES A.-Regroupement familial

47. Par arrêt du 5 janvier 2010 34, le Tribunal fédéral a jugé, confirmant en cela l'approche qu'il avait développée dans un arrêt de principe du 29 septembre 2009 35 , que le droit au regroupement familial rattaché à la libre circulation ne dépend pas d'un séjour antérieur régulier du proche parent, en faveur duquel le regroupement est demandé, dans un État membre. Le droit au regroupement familial s'étend aussi aux beaux-enfants qui possèdent la nationalité d'un État tiers, en vue d'assurer une situation juridique parallèle entre les États membres de la Communauté européenne et entre ceux-ci et la Suisse, en particulier par analogie

31 Arrêt 2C_798/2010 X. c. Département des affaires régionales, de l'économie et de la santé du canton de Genève.

32 ATF 136 I 389 lnitiativkomitee Fairflug, F luglàrmsolidaritàt und Klose.

33 Sur la campagne précédant une votation populaire, voir également l'arrêt Duss und Steffen, ATF 135 I 292, cité in AIJC XXV-2009, p. 859, l'arrêt Clément, ATF 132 I 104, cité in AIJC XXII-2006, p. 909, ainsi que l'arrêt Ziircher Anwaltsverband, ATF 130 I 290, cité in AIJC XX-2004, p. 819.

34 ATF 136 II 65 A. und Mitb.

35 ATF 136 II 5 X. und Y. ; voir AIJC XXV-2009, p.

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avec la jurisprudence de la Cour de justice des communautés européennes 36 et en raison de l'approche systématique.

48. Un arrêt rendu le 22 janvier 2010 37 a aussi permis à la Haute Cour d'aborder à nouveau la question du droit au regroupement familial de la famille de citoyens suisses et le problème de la discrimination à rebours sur la base de l'article 14 CEDH, en relation avec l'article 8 CEDH. Les juges fédéraux ont en la circonstance rendu une décision incitative dans le cadre de l'article 190 Cst. 38, en vue d'inviter le législateur fédéral à ce que le regroupement familial avec des citoyens suisses soit adapté à la nouvelle situation existant dans le domaine de l'ALCP.

B.-Refus de prolongation automatique d'une autorisation de séjour 49. Dans un arrêt du 26 avril 2010 39, le Tribunal fédéral a jugé que l'Accord sur la libre circulation des personnes n'exclut pas les règles de procédure nationales complémentaires au sujet de la prolongation d'autorisations de séjour, respectivement de documents CE/AELE. Certes, de l'avis de la Haute Cour, la portée de l'autorisation n'est pas constitutive, mais simplement déclaratoire. Cet élément ne dispense cependant pas les personnes au bénéfice de l'ALCP de s'annoncer aux autorités et de produire la pièce d'identité requise, respectivement de fournir les indications nécessaires. L'exigence consistant à remettre le livret pour étrangers CE mentionnant son échéance à l'autorité compétente deux semaines avant cette échéance, si la poursuite du séjour ou de l'activité économique en Suisse est envisagée, ne présente pas un caractère discriminatoire et est compatible avec le droit à la libre circulation.

IX.-CEDH

A.-Droits et obligations de caractère civil

50. Le 29 janvier 2010 40, le Tribunal fédéral s'est prononcé sur la validité d'un délai légal de péremption de dix ans dans le cas d'une demande d'indemnité présentée par la veuve d'une victime de l'amiante. Selon cette réglementation, le délai de l'action en dommages-intérêts commence à courir le jour de l'acte ou de l'omission qui a entraîné le dommage. Il n'est par conséquent pas exclu que la péremption de la créance en dommages-intérêts survienne avant le dommage, en l'espèce avant le début de la maladie ou le décès. Après avoir admis que l'action en responsabilité tombait bien sous la garantie conventionnelle des droits et obligation de caractère civil, les juges fédéraux ont souligné que la réglementation de la péremption n'était pas contraire à la garantie du procès équitable au sens de l'article

6 paragraphe 1 CEDH.

51. Par un arrêt du 15 décembre 2010 4l, le Tribunal fédéral a rappelé que les articles 6 paragraphe 1 CEDH et 14 paragraphe 1 du Pacte ONU II offrent les mêmes garanties d'accès au juge pour les contestations de caractère civil et les accusations en matière pénale. Lorsque le droit invoqué par le justiciable sur le

36 Arrêt C-413/1999 Baumbast, du 17 septembre 2002.

37 ATF 136 II 120 X.

38 Sur le pouvoir de décision du Tribunal fédéral, voir AIJC XXI-2005, p. 720 ; AIJC XIX-2003, p.

848 et les autres références citées.

39 ATF 13611 329 X. und Mitb.

40 ATF 136 II 187 H.

41 Arrêt du Tribunal fédéral 2D_4l/2010, X. c. Office cantonal de la population du canton de Genève.

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fondement de la Convention est un « droit de caractère civil » reconnu en droit interne, les exigences de l'article 6 paragraphe 1 CEDH en matière de procédure judiciaire sont plus strictes que celles de l'article 13 CEDH, lesquelles se trouvent absorbées par les premières. En pareil cas, il n'y a aucun intérêt juridique à réexaminer l'allégation sous l'angle des exigences moins sévères de l'article 13 CEDH. Il en va de même de l'article 2 paragraphe 3, lettre a du Pacte ONU II, qui a un contenu identique à celui de l'article 13 CEDH. Une décision relative au séjour d'un étranger dans un pays ou à son expulsion ne concerne ni un droit de caractère civil, ni une accusation en matière pénale au sens de l'article 6 paragraphe 1 CEDH.

À cet égard, le fait pour un ressortissant étranger d'invoquer le droit de demeurer en Suisse dans l'optique d'y exercer une activité lucrative ne suffit pas à conférer au litige la qualité de droit de caractère civil au sens de l'article 6 CEDH.

B.-Droit d'accès au juge

52. Un intéressant arrêt du 12 juillet 2010 42 a permis au Tribunal fédéral de se prononcer sur l'étendue de l'immunité de juridiction des organisations internationales en lien avec le droit d'accès au juge.

53. En l'espèce, les juges fédéraux ont considéré que les valeurs confiées à la Banque des règlements internationaux ainsi que les prétentions contre la Banque ne pouvaient pas être séquestrées sans le consentement préalable et exprès de celle-ci.

Après avoir retenu que la garantie de l'accès au juge au sens de l'article 6 paragraphe 1 CEDH trouve application dans le domaine de l'exécution forcée, les juges fédéraux ont retenu que cette garantie pouvait subir des restrictions, à condition que celles-ci poursuivent un but légitime et qu'elles soient proportionnées, à l'image du régime des privilèges et des immunités consenties aux organisations internationales. Ce régime doit en effet, selon la Haute Cour, pouvoir déployer ses effets en étant à l'abri de mesures décidées de manière unilatérale par les Etats. Compte tenu du but légitime des immunités des organisations internationales, le critère de proportionnalité ne saurait s'appliquer de façon à contraindre une organisation

internationale à se défendre devant les tribunaux nationaux.

54. Se référant à la jurisprudence européenne 43 , le Tribunal fédéral a souligné qu'interpréter l'article 6 paragraphe 1 CEDH et ses garanties d'accès à un tribunal comme exigeant forcément que l'on applique la législation nationale en la matière entraverait le bon fonctionnement des organisations internationales et irait à l'encontre de la tendance actuelle à l'élargissement et à l'intensification de la coopération internationale.

C.-Indépendance des tribunaux

55. Un arrêt rendu le 17 janvier 2011 44 a permis au Tribunal fédéral de préciser que la communication à des tiers des indemnités journalières versées à un juge aurait pour conséquence que la manière de travailler de ce magistrat et, de ce fait, l'issue d'une procédure soient influencés par des éléments étrangers à celle-ci et mettrait en question l'indépendance du tribunal. Dans le cas d'espèce, les juges fédéraux ont considéré que la Commission administrative du Tribunal cantonal zurichois n'avait pas appliqué la loi cantonale sur l'information et la protection des données de manière arbitraire ni violé les articles 29 alinéa 1 Cst., 30 alinéa 1 Cst. et 42 ATF 1 36 III 379 NML Capital Ltd. und EM. Limited.

43 En particulier, ACEDH Waite et Kennedy c. Allemagne, du 18 février 1999- 44 ATF 137 I 1 X. AG.

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6 paragraphe 1 CEDH en considérant que des intérêts publics prépondérants s'opposaient à la communication de cette information. Partant, il n'existe aucun droit à être informé des indemnités journalières versées aux juges.

D.-Principe de la publicité

56. Dans un arrêt du 8 juin 2010 45 concernant le droit à la tenue de débats publics dans un procès de première instance en matière d'assurances sociales, le Tribunal fédéral a précisé qu'il ne peut être renoncé à des débats publics au motif que la procédure porte principalement sur des questions d'ordre médical. Le fait que le litige porte sur le taux d'incapacité de travail d'un assuré dans une procédure relevant de l'assurance-invalidité ne justifie pas une exception à la réalisation de débats publics au sens de l'article 6 paragraphe 1 CEDH. Même si l'objet des débats ne porte que sur la confrontation d'avis médicaux spécialisés au sujet de l'état de santé et de l'incapacité de travail, la mise en œuvre desdits débats ne peut être refusée au motif que la procédure écrite convient mieux pour discuter de questions d'ordre médical46.

E - Droit au respect de la vie privée et familiale

57. Dans un arrêt du 29 mars 2010 47, le Tribunal fédéral a passé en revue les critères à prendre en considération lors de la pesée des intérêts en présence au regard de l'article 8 CEDH. Seule une atteinte d'une certaine gravité à l'ordre et à la sécurité publics peut l'emporter sur le droit de l'enfant suisse de pouvoir rester dans sa patrie avec le parent qui s'occupe de lui. En l'espèce, le comportement délictueux de la requérante qui, pour l'essentiel, était étroitement lié à l'illégalité de son séjour en Suisse, n'a pas été considéré comme atteignant ce degré de gravité.

58. Une autre affaire, jugée le 2 juillet 2010 48, a permis au Tribunal fédéral de préciser que la surveillance d'une personne ordonnée par l'assurance responsabilité civile peut violer la sphère privée de l'assuré, ainsi que le droit de celui-ci à sa propre image. La mesure n'est toutefois pas illicite lorsque l'intérêt à l'empêchement d'une escroquerie à l'assurance l'emporte sur l'intérêt de la personne concernée à l'intégrité de sa personnalité. En l'espèce, après avoir jugé la surveillance conforme aux règles du Code civil sur la protection de la personnalité, les juges fédéraux ont considéré qu'elle était également conforme avec la protection de la sphère privée au sens des articles 13 Cst. et 8 CEDH 49.

F.-Changement de nom d'un conjoint

59. Le contrôle de la conventionnalité permet au Tribunal fédéral d'évaluer la conformité des lois fédérales avec les instruments internationaux de protection des droits de l'homme dotés d'applicabilité directe, au premier rang desquels figure la CEDH 50. La Haute Cour est ainsi habilitée à refuser d'appliquer une norme contenue dans une loi fédérale au motif que cette dernière contrevient au droit conventionnel. Un arrêt du 25 janvier 2010 a toutefois montré les limites de cet exercice 51 .

45 ATF 1361 279 B.

46 Sur le principe de la publicité, voir également AIJC XXIV-2008, p. 845.

47 ATF 1361 285 X.

48 ATF 136 III 410 X. und Y.

49 Sur le sujet, voir également l'arrêt N., ATF 135 I 169, cité in AIJC XXV-2009, p. 854.

50 Sur le sujet, voir AIJC XXV-2009, p. 860 et les autres références citées.

51 ATF 136 III 168 Ma.

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60. Était en cause la demande formée devant les autorités zurichoises par une citoyenne possédant la nationalité suisse et sri-lankaise. L'intéressée souhaitait porter, en lieu et place du nom de famille acquis par le mariage, uniquement le prénom de son mari comme nom de famille, conformément aux règles du droit sri lankais. Après avoir constaté que le refus opposé par les autorités cantonales était conformé au droit international privé et au droit civil suisse, les juges fédéraux ont cependant rappelé 52 que la réglementation en cause contrevenait au principe d'égalité des droits entre hommes et femmes au sens de l'article 8 alinéa 3 Cst.

61. S'agissant de la compatibilité de cette réglementation avec les articles 8 et 14 CEDH, le Tribunal fédéral a posé un constat identique, en lien en particulier avec la raisonnement qu'a tenu la Cour de Strasbourg dans une affaire mettant en cause la Turquie 53 qui, sur ce point connaît un système comparable à celui qui a cours en Suisse. Se référant aux travaux entrepris depuis un certain temps déjà sur le plan parlementaire pour tenter de remédier à cette situation à travers la modification du Code civil, les juges fédéraux n'ont pas souhaité aller plus avant dans le sens d'un

rétablissement, par voie prétorienne, d'une situation conforme au droit européen des droits de l'homme. Citant une jurisprudence aussi ancienne 54 que discutable, qui précise que face à une décision ferme de l'Assemblée fédérale de contrevenir au droit international, le Tribunal fédéral doit respecter cette volonté souveraine, la Cour suprême a rejeté le recours.

X.-RÉPARTITION DES COMPÉTENCES ENTRE LA CONFÉDÉRATION ET LES CANTONS

A.-Assistance au suicide

62. Le statut de l'assistance au suicide a donné lieu à des débats animés en Suisse ces dernières années. En 2006 55 , le Tribunal fédéral a rendu un arrêt de principe sur le sujet, lequel a récemment été confirmé par la Cour européenne des droits de l'homme 56. Dans une affaire jugée le 16 juin 2010 57, les juges fédéraux ont précisé que les cantons ne disposent d'aucune compétence pour infléchir, à leur niveau, le respect de la norme pénale de rang fédéral qui réglemente l'assistance au suicide. Ils ont en conséquence prononcé la nullité d'un accord qui avait été passé entre le Ministère public du canton de Zurich et une organisation d'assistance au suicide, accord qui fixait les modalités concrètes entourant l'assistance au suicide.

63. De l'avis de la Cour suprême, l'article 123 alinéa 1 Cst. précise de manière claire que la compétence en matière pénale ressortit à la Confédération, et non aux cantons. L'accord a été considéré comme contrevenant à la réglementation exhaustive de l'assistance au suicide mise en place par le Code pénal (art. 115) et à la législation en matière de stupéfiants. Aussi, la conclusion d'un contrat de droit administratif dans ce domaine au niveau cantonal n'a pas été jugée admissible.

52 Voir ATF 126 1 1 B., du 2 février 2000 ; ATF 1 16 II 657 B., du 15 novembre 1990.

53 ACEDH tînal Tekeli c. Turquie , du 16 novembre 2004 ; voir également ACEDH Burghartz c. Suisse, du 22 février 1994, Série A, n° 280-B et, plus récemment, ACEDH Losonci Rose et Rose c. Suisse, arrêt du 9 novembre 2010.

54 ATF 99 Ib 39 Schubert, du 2 mars 1973 : « Il faut présumer que le législateur fédéral a entendu respecter les dispositions des traités internationaux régulièrement conclus, à moins qu'il ait en pleine connaissance de cause décidé d'édicter une règle interne contraire au droit international. » 55 ATF 133 I 58 X., cité in A1JC XXII-2006, p. 897 ; sur l'assistance au suicide, voir également

AIJC XXIV-2008, p. 835.

56 ACEDH Haas c. Suisse, du 20 janvier 201 1.

57 ATF 136 II 415 A. und Mitb.

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B.-Mesures contre la violence lors de manifestations sportives

64. Dans le cadre des mesures adoptées par les autorités cantonales en vue de lutter contre la violence lors d'événements sportifs 58, le Tribunal fédéral a rendu un intéressant arrêt en date du 13 octobre 2010 59.

65. L'affaire mettait en cause le concordat intercantonal instituant des mesures contre la violence lors de manifestations sportives. Cet instrument a été élaboré par la conférence des directeurs cantonaux de justice et police et adopté le 15 novembre 2007. Dans le canton de Zurich, la loi donnant effet à cet instrument a été déférée au Tribunal fédéral dans le cadre du contrôle abstrait des normes. La haute Cour a jugé que les mesures prévues dans le concordat telles que l'interdiction de périmètre, l'obligation de s'annoncer et la garde à vue sont de nature policière. Ces mesures ont été considérées comme conformes au droit fédéral et à la présomption d'innocence. Elles ont aussi été jugées conformes à la liberté personnelle et à la liberté de réunion. Pour les juges fédéraux, le concordat constitue en effet un fondement valable aux restrictions à ces libertés au sens de l'article 36 Cst., dans le respect des exigences de base légale, d'intérêt public et de proportionnalité. Ainsi, en tant que mesure de mise en œuvre de l'interdiction de périmètre, la garde à vue a été considérée comme restreignant valablement la liberté personnelle, tout comme la recommandation d'interdiction de stade.

C.-Conditions d'élevage et de détention de chiens

66. La question des conditions d'élevage et de détention de chiens dangereux a préoccupé à plusieurs reprises le Tribunal fédéral ces dernières années 60 . Un arrêt rendu le 13 janvier 2010 a permis à la Haute Cour de confirmer la validité de la législation du canton de Zurich en ce domaine 61 .

67. Les juges fédéraux ont, dans un premier temps, rappelé que les cantons disposent, par comparaison avec la législation fédérale sur la protection des animaux, de la compétence d'édicter des règles de police sur l'élevage des chiens en vue de préserver la sécurité et l'ordre publics, avant de préciser que les dispositions cantonales qui réglementent l'acquisition, l'élevage et le séjour de chiens présentant un haut potentiel de dangerosité en fonction des types de races ne contreviennent pas au droit à l'égalité ni, en ce qui concerne les intérêts des éleveurs, à la liberté économique.

D.-Réglementation des frais accessoires à un contrat de bail

68. Selon une jurisprudence bien établie, le Tribunal fédéral admet que les cantons puissent, au nom de motifs relevant de la politique sociale, adopter des normes destinées à compléter la législation civile de rang fédéral. Ainsi, alors même que la réglementation du bail à loyer ressortit à la compétence de la Confédération, laquelle a édicté des normes présentant un caractère exhaustif, il est communément admis que le législateur cantonal peut, à son niveau, mettre en place un système complémentaire relevant du droit public, en fixant par exemple un régime de logements à caractère social dans lequel le montant des loyers est contrôlé par les

58 Sur le sujet, voir également AIJC XXIV-2008, p. 841.

59 ATF 137131 Zopfi und Mitb.

60 Voir AIJC XXIV-2008, p. 85 1 ; AIJC XXIII-2007, p. 930 ; AIJC XXII-2006, p. 900.

61 ATF 136 I 1 American Pit Bull Terrier Club Schweiz und Mitb.

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