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Le droit international privé des contrats : la Suisse face à l'Europe

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Le droit international privé des contrats : la Suisse face à l'Europe

KAUFMANN-KOHLER, Gabrielle

KAUFMANN-KOHLER, Gabrielle. Le droit international privé des contrats : la Suisse face à l'Europe. La Semaine judiciaire , 1992, vol. 114, no. 16, p. 257-278

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:44113

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LA

SEMAINE JUDICIAIRE

publiée sous les auspices de la

SOCIÉTÉ GENEVOISE DE DROIT ET DE LÉGISLATION

paraissant à G EN È VE chaque semaine Rédaction:

Bernard CORBOZ, juge au Tribunal fédéral Bernard BERTOSSA, procureur général Pierre DINICHERT, juge à la Cour de cassation

André SCHMIDT. juge à la Cour de justice Jacques DROIN, juge suppléant au Tribunal fédéral

Gabriel AUBERT, avocat, professeur à l'Université

SOMMAIRE. - Le droit international privé des contrats: la Suisse face à l'Europe, par M• Gabrielle Kaufmann-Kohler, docteur en droit, avocate. - Tribunal fédéral (Chambre des poursuites et failli-

tes). Staubli c. Autorité de surveillance des offices de poursuite pour dettes et de faillite du canton de Genève. Poursuite en vali- dation de séquestre contestée en raison de l'existence d'un gage.

LE DROIT INTERNATIONAL PRIVÉ DES CONTRATS: LA SUISSE FACE À L'EUROPE*

par

M• Gabrielle KAUFMANN-KOHLER docteur en droit, avocate

Cette contribution traite de l'intégration européenne en matière de droit international privé des contrats et de ses répercussions pour la Suisse. To~t naturellement, elle a pour objet premier la Convention de Rome de 1980 sur le droit applicable aux obligations contractu- elles 1, qui constitue l'instrument principal de cette intégration 2

Texte légèrement remanié et accompagné de notes d'une conférence prononcée le 20 janvier 1992 dans le cadre de la Société genevoise de droit et de législation.

1 Texte de la Convention publié not. Rev crit 1991 414: Rapport: Giuliano/ Lagarde. Rapport concernant la Convention sur la loi applicable aux obligations contractuelles, JOCE C 282/1 du 31 / 10 / 1980.

2 Sur la convention en général, voir en part. Lagarde, Le nouveau droit international privé des contrats après l'entrée en vigueur de la Convention de Rome du 19 juin 1980, Rev crit 1991 287: Gaudemet-Tallon. Le nouveau droit international privé européen des contrats (Commentaire de la Convention CEE n. 80 / 934 sur la loi applicable aux obligations contractuelles. ouverte à la signature à Rome le 19 juin 1980). Rev trim droit européen 1981 216: Foyer. Entrée en vigueur de la Convention de rome du 19 juin 1980 sur la loi appliquable aux obligations contrac- tuelles. Clunet 1991, 601; Lesguillons, La loi applicable aux obligations contractuelles: Entrée en vigueur de la Convention de Rome du 19 juin 1980, RDAI 1991 267; Plender. The European Contracts Convention - The Rome Convention on the Choice or Law for Contracts, Londres 1991.

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Dans une première partie nous tenterons de répondre à la question que la plupart des lecteurs se pose: qu'est-ce que la Convention de Rome (1)? Cela nous amènera à évoquer sa genèse (1.1), son entrée en vigueur officielle et anticipée -une particularité de ce texte (1.2) -et son champ d'application (1.3). Puis - dans une deuxième partie -nous passerons à la question qui suit logi- quement: quel est le contenu principal de la Convention de Rome (Il)? Enfin, dans une troisième et dernière partie, nous cherche- rons à savoir ce que la Convention de Rome signifie pour nous juristes suisses (III).

1. QU'EST-CE QUE LA CONVENTION DE ROME?

1. Genèse

Commençons par le commencement. En 1967, les six Etats fondateurs de la CEE étaient en train de terminer les travaux qui ont abouti l'année suivante à la signature de la Convention de Bruxelles sur la compétence 'judiciaire et l'exécution des juge- ments, convention sur laquelle s'est calquée la Convention de Lugano en vigueur pour nous depuis le début de cette année, quand a surgi l'idée d'étendre aux conflits de lois l'œuvre entreprise par la Convention de Bruxelles pour les conflits de juri- dictions. Autrement dit, d'élaborer un autre texte conventionnel qui déterminerait quel droit matériel devraient appliquer les tribunaux des Etats membres de la Convention de Bruxelles. Cela semblait s'imposer d'autant plus que la Convention de Bruxelles ouvre de nombreux fors, qui vu la diversité des DIP nationaux constituaient autant d'options législatives. On cherchait donc notamment à réduire les inconvénients du forum shopping 3

La Convention de Rome est ainsi en quelque sorte le prolonge- ment de la Convention de Bruxelles dans le domaine des conflits de lois. Aussi les auteurs se sont-ils efforcés d'introduire une· ' certaine cohérence entre les deux conventions, sans toujours y parvenir d'ailleurs 4

3 Rapport Giuliano/Lagarde précité n. 1, introduction, ch. 2; Lagarde, précité n. 1, 290; cela étant, le forum shopping nous semble plus gênant en raison d'inconvénients pratiques que des options de droit matériel qu'il ouvre.

4 Jaymel Kohler. Oas Internationale Privat-und Verfahrensrecht der EG 1991 - Harmonisierungs- modell oder Mehrspurigkeit des Kollisionsrechts, IPAax 1991 362 citant des exemples.

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2. Entrée en vigueur; application anticipée

Après ce coup d'envoi en 1967, il n'aura pas fallu moins de treize ans pour que la Convention soit signée à Rome en 1980 - entre temps le Royaume-Uni, le Danemark et l'Irlande avaient rejoint la Communauté - et de onze ans supplémentaires pour qu'elle entre en vigueur5 . Aujourd'hui et depuis avril ou septem- bre 1991 selon les pays 6, elle est en vigueur pour neuf des douze Etats de la Communauté, soit l'Allemagne, la France, l'Italie, la Belgique, le Luxembourg, les Pays-Bas, le Danemark, le Royaume- Uni et la Grèce7 . Manquent à l'appel l'Irlande, qui a ratifié mais non encore mis en vigueur la Convention 8, l'Espagne et le Portugal qui, parce qu'ils ont adhéré à la Communauté après la signature de la Convention devront comme la Grèce conclure une convention d'adhésion, dont les négociations ne sont pas encore entamées9•

Vingt-quatre ans au total entre le coup d'envoi et l'entrée en vigueur, cela peut paraître très long (on remarquera cependant avec humilité que l:' est moins long que certains processus législatifs suisses) 10• Mais en partie ces longueurs ne sont qu'apparentes.

En effet, sans attendre l'entrée en vigueur officielle de la Conven- tion, quatre des Etats signataires avaient déjà introduit unilatérale- ment les dispositions conventionnelles dans leur droit national.

Tout d'abord le Danemark en 1984, suivi par le Luxembourg, l'Allemagne et la Belgique quelques années après 11

5 Un avant-projet de 1972 couvrait également les obligations extracontractuelles (voir net.

Giuliano/Lagarde/Van Sasse Van Yssell, Rapport concernant l'avant-projet de convention sur la loi applicable aux obligations contractuelles et non contractuelles, European Private Interna·

tional Law of Obligations, Tubingue 1975 241 ou Foyer, L'avant-projet de Convention CEE sur la loi applicable aux obligations contractuelles et non contractuelles, Clunet 1976 555). La réglementation du domaine non contractuel fut abandonnée lors de la renégociation avec le Royaume-Uni, le Danemark el l'Irlande.

6 Avril 1991 pour tous les membres cités, sauf les Pays-Bas.

7 Jayme!Kohler. précités n. 4, 361 (l'état de l'entrée en vigueur publié RSDIE 1991 267 n'étant pas encore à jour); ayant adhéré à la Communauté après la signature de la Convention en 1980, la Grèce a négocié une convention d'adhésion à la Convention de Rome du 10/4/1964, _publiée not. Rev crit 1965 176.

6 Selon information reçue de la Commission.

9 Id.

10 P. ex. révisions du droit de la SA ou du droit d ·auteur.

11 Danemark: Loin. 188 du 9/5/19B4 entrée en vigueur 1 /7/1984, publiée IPRax 1985 113;

Luxembourg: Loi du 27/3/1966 portant approbation de la Convention sur la loi applicable aux obligations contractuelles, signée à Rome le 14 juin 1960, entrée en vigueur le 1/9/1986.

Mémorial du 20/6/19661516; Allemagne: Gesetz zur Neuregelung des lnternationalen Priva·

trechts du 25 / 7 / 1986 entré en vigueur 1 /9 / 1986, RabelsZ 1966 663: Belgique: Loi du 14 / 7 / t987 portant approbation de la Convention sur la loi applicable aux obligations contrac·

tuelles. du Protocole et de deux déclarations communes, faits à Rome le 19 juin 1960, entrée en vigueur le 1/1/1988, Revcrit 1988 398. L'incorporation se fit selon des techniques législati·

ves différentes, voir Pirrung, Die Einführung des EG-Schuldvertragsübereinkommens in die nationalen Rechte, in von Bar (éd.), Europâisches Gemeinschaftsrechl und Internationales Privatrecht, Cologne 1991 21.

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En outre, certaines décisions judiciaires émanant notamment de pays qui n'avaient pas procédé à une telle incorporation unilaté- rale, comme la France ou les Pays-Bas 12, ont appliqué la Conven- tion par anticipation, soit avant son entrée en vigueur. On se trouve ainsi dans la situation inhabituelle où le jour de l'entrée en vigueur d'un texte il existe déjà de la jurisprudence sur ses dispositions.

3. Champ d'application a. Caractère universel

Pour les neuf Etats de la Communauté où elle est en vigueur, la Convention de Rome unifie le droit international privé des contrats. C'est donc une loi uniforme; on dit aussi qu'elle a· un caractère universel 13. Elle s'impose donc aux juges de ces pays comme le DIP du for, sans qu'ils aient à rechercher s'il existe ou non des rattachements avec d'autres Etats membres comme la nationalité, le domicile des parties ou encore le fait que la Conven- tion désigne comme applicable le droit d'un Etat contractant.

Dans le domaine qu'elle couvre, elle périme ainsi complètement le DIP antérieur de ces pays.

Exemple: un demandeur ressortissant américain domicilié à New York intente à Paris une action contre un défendeur saoudien domicilié en Suisse. Admettons que le tribunal parisien est compé- tent à titre de lieu d'exécution de la prestation litigieuse conformé- ment à la Convention de Lugano. Pour déterminer quel droit régit le contrat, le juge français appliquera la Convention de Rome. Il le fera alors même que la cause n'a pas de rattachement avec d'autres Etats contractants et que, par hypothèse, la Convention de Rome désignerait le droit suisse, soit le droit d'un Etat non contractant.

b. Champ d'application quant à la matière

Le caractère universel ne joue bien sûr que tant que l'on se trouve dans le champ d'application matériel de la Convention 14

Sur ce point, trois aspects sont d'importance :

12 Cour d'appel Paris 27/11/1966, Rev crit 1988 314, note Lyon-Caen: Tribunal d'arrondissement La Haye 17 / 9 / 1982 (aff. Sensor), Rev crit 1983 473: au sujet de ce dernier arrêt: Audit, Extra- territorialité et commerce international. L'affaire du gazoduc sibérien, Rev crit 1983 401: pour d'autres réf. de jurisprudence anticipant l'application dè la Convention: Ebke, Erste Ertahrun·

gen mit dem EG-Schuldvertragsübereinkommen, in von Bar, précité n. 11, 94-95 et de Boer, The EEC Contracts Convention and the Dutch Courts -A Methodolog1cal Perspective, RabelsZ 1990 24.

13 Art. 2 Convention; Lagarde. précité n. 1, 291 : R1gaux, Examen de quelques questions laissées ouvertes par la Convention de Rome sur la loi applicable aux obligations contractuelles, cahiers de droit européen 1988 308.

14 Défini par l'art. 1" Convention.

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(i) Tout d'abord, le contrat doit être international. La conven- tion de Rome, il est vrai, n'utilise pas ce terme, mais parle de

"situations comportant un conflit de lois" 15 • Cette terminologie a été choisie pour permettre au Royaume-Uni d'englober les conflits de lois internes, par exemple entre l'Angleterre et l'Ecosse 16

Quand un contrat est-il international? C'est là un débat classique du droit international privé, qui a fait couler beaucoup d'encre 17En pratique, disons simplement que dans la grande majorité des cas le caractère international est évident. Pour les quel- ques autres cas, retenons qu'il faut un ou plusieurs éléments d'extranéité 18 et qu'à notre sens en tout cas, la nationalité d'une partie 19 ou le lieu de conclusion du contrat pris isolément 20 ne sont pas des éléments suffisants pour rendre un contrat interna- tional.

(ii) Deuxième aspect du champ d'application matériel de la Convention, il doit s'agir d'obligations contractuelles21 La convention ne donne pas de définition de ce terme. Toutefois, dans le cadre de l'interprétation de la Convention de Bruxelles, la Cour de justice des Communautés européennes a eu à se prononcer sur cette notion 22Elle a par exemple statué que les droits et obliga- tions du membre d'une association relevaient du droit des contrats23 • Ou encore que l'indemnité due de par la loi pour rupture d'un contrat était de nature contractuelle24• Enfin, elle va pevoir se prononcer sur la qualification de 1' action pour défaut de

" la chose vendue intentée par le sous-acquéreur contre l'auteur de

son vendeur 2·5

Vu la parenté étroite entre la Convention de Bruxelles et la Convention de Rome, ils' impose de se référer à cette jurisprudence pour l'interprétation de la Convention de Rome également26

15 Art. 1•• ch. 1 Convention.

16 Art. 2 (3) The Contracts (Applicable Law) k t 1990 du Royaume-Uni.

17 Récemment. voir p. ex. Schwander. Zum Gegenstand des internationalen Privatrechts. in Mélan- ges Pecrazzini, Berne 1990 355.

18 Rapport Giuliano/ Lagarde, précité n. 1, titre 1, art. 1, ch. 1.

19 Ainsi not., à propos de la LDIP. Vischer. Das Internationale Vertragsrecht nach dem neuen Schweizerischen IPR-Gesetz. in Das neue Bundesgesetz über das Internationale Privatrecht in der praktischen Anwendung, Zurich 1990 16; Knoepf/er, Le contrat dans le nouveau droit Inter- national privé suisse, in Le nouveau droit international privé suisse, Lausanne 1988 81. 20 Id.

21 Art. 1~ ch. 1 Convention.

22 Notion qu'elle qualilie de manière autonome par référence, non à un droit national donné, mais aux objectifs de la convention (CJCE cité note 23).

23 CJCE 22 / 3 / 1983, C/unet 1983 chronique Huet 834.

24 CJCE 8/3/1988, Rev crit 1988 610, note Gaudemet-Tallon.

25 Cour de cassation française 8/1 /1991, décision de renvoi à la CJCE, Rev crit 1991 411. note Y. L.; voir en outre CJCE 27/9/1988, Rev crit 1989112/116, note Gaudemet-Ta/lon, arrêt qui définit la notion de matière contractuelle a contrario, à savoir comme toute demande qui n'est pas délictuelle ou quasi-délictuelle.

26 Ainsi Lagarde, précité n. 1, 293.

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(iii) Enfin, troisième élément du champ d'application de la Convention de Rome quant à la matière, la Convention exclut toute une série de contrats21 Ces exclusions sont en majeure partie dues à l'existence de textes ou de projets de droit commu- nautaire ou international sur les mêmes sujets 28• C'est ainsi que les contrats d'assurance directe, non les contrats de réassurance, ne sont pas couverts par la Convention en raison d'une directive de 1988 qui prévoit des règles de DIP pour les contrats d'assurance 29

Au-delà de cette mention de certains contrats d'assurance, il suffira de renvoyer à l'article premier chiffre 2 de la Convention de Rome pour l'énumération exhaustive des exclusions.

c. Champ d'application dans le temps

En abordant le caractère universel et les matières comprises dans la Convention de Rome, nous n'avons pas encore entièrement couvert la définition de son champ d'application. Il faut en outre se poser la question de l'application dans le temps: la Convention couvre les contrats conclus après l'entrée en vigueur30.

d. Priorité d'autres textes

Mais il faut aussi et surtout déterminer si, sur un sujet parti- culier, d'autres textes prévalent sur les dispositions conventionnel- les. Même si, dans la systématique habituelle, on ne range pas cette question des rapports entre une convention et d'autres textes dans le champ d'application et que les dispositions pertinentes se trouvent d'ailleurs toujours en fin de convention, dans la démarche pratique c'est une question primordiale à poser d'emblée. Devant un problème concret de détermination du droit applicable à un cont_rat, inutile de se jeter à corps perdu dans l'application des dispositions de la Convention de Rome pour découvrir à la fin de l'analyse qu'en fait il aurait fallu se référer à une autre convention.

27 Art. 1" ch. 2.

28 Pour les détails, rapport Giuliano/Lagarde, précité n.1. titre 1, art. 1, ch. 3·11; Lagarde, précité n. 2, 294 ss; Gaudemet-Tallon. précitée n. 2, 23 ss: on remarquera, en particulier, que les exclu- sions de l'art. 1" ch. 2 a et b correspondent largement à certaines des exclusions des Conven- tions de Bruxelles et Lugano et que r exclusion de la lettre e, qui semble conçue de manière large, ne vise toutefois pas les engagements préalables tendant à fonder une société (ainsi Rapport Giuliano/Lagarde, précité n. 1, titre 1, art. 1, ch. 6).

29 L'art. 1" ch. 3 exclut les assurances directes couvrant des risques situés dans la CEE. Le DIP européen des assurances est pour le moins complexe: la Convention couvre l'assurance directe couvrant des risques situés hors CEE et les contrats de réassurance. La directive 88 / 357 du 26/ 6/1988 prévoit des règles de DIP pour les contrats par lesquels un assureur domicilié dans la CEE assure un risque Situé dans la CEE. Le DIP national régit lus contrats par lesquels· un assureur domicilié hors CEE assure un risque situé dans la CEE. La directive 90/619 du 8/1111990 contient des règles de DIP applicables à l'assurance-vie. Voir Huebner. zum Stand der Rechtsvereinheitlichung im internationalen Versicherungsvertragsrecht, in von Bar. précité n. 11, 111 et Jayme/Kohler, précités n. 4. 362-363. not. sur le problème de la qualification lege fori de la situation du risque.

30 Art.17.

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En l'occurrence, la Convention laisse la priorité au droit communautaire31 et à d'autres conventions présentes ou futures32 dans le but de ne pas paralyser l'évolution du DIP dans des matiè- res particulières33 • Toutefois pour éviter des incohérences trop gênantes, les signataires ont émis le vœu que de futures règles de conflit communautaires soient, autant que possible, en harmonie avec les dispositions conventionnelles 34 et la Convention instaure · une procédure de consultation des autres Etats membres au cas où un Etat désirerait adhérer à une convention comprenant des règles de conflit dans .une matière particulière35.

En ce qui concerne les conventions existantes, il faut avant tout retenir d'un point de vue pratique que la Convention de la Haye de 1955 sur le droit applicable à la vente des objets mobiliers cor- porels prime la Convention de Rome, ce qui est d'autant plus important que quatre des Etats contractants y sont parties, à savoir la Belgique, le Danemark, la France et l'Italie. D'une manière semblable, la LDIP renvoie d'ailleurs également à la Convention de 195 5 pour les ventes mobilières 36 .

e. "Mehrspurigkeit" du DIP

Mais ne serait-il pas grand temps d'abandonner le champ d'application - question somme toute préliminaire -pour passer à des considérations plus substantielles? Si nous insistons sur le champ d'application, ce n'est pas par hasard. C'est qu'il s'y greffe une des difficultés croissantes du DIP d'aujourd'hui.

D •une ère d •organisation de la coexistence des droits nationaux, on est passé à une époque d'aménagement de la coopération inter- nationale37. Qui dit coopération dit conclusion de conventions,

31 Art. 20. Cette disposition correspond à l'art. 57 al. 2 Convenhon de Bruxelles et met en œuvre le principe général selon lequel la régie spéciale déroge à la règle générale.

32 Art. 21.

33 Ce souci va jusqu'à autoriser un membre à modifier son droit inlerne par l'adoption d'une règle de conflit particulière, à condition de consulter les autres Etats signataires et de respecter un délai de deux ans (art. 23).

34 Première déclaration commune faite â Rome le 19/6/ 1980. Vœu pieux, si l'on considère p. ex. les régies de DIP de la directive 88/357 sur l'assurance directe (aulre que l'assu- rance-vie) ou la proposition de règlemenl du Conseil du 5/111989 concernant les garanties émises par des établissements de crédit ou des entreprises d'assurance, JOCE C 51 /6 du 28/211989.

35 Art. 24. La procédure de consultation n'est requise que pour les conventions (i) multilatérales dont (ii) l'objet principal (ou l'un des objets principaux) est le règlement du DIP d'une matière particulière régie par la Convention el (iii) auxquelles un Etat membre de la Convention de Rome (ou de l'une des Communautés européennes) n'esl pas déjà partie. Elle ne s'applique pas à la révision d'une convention existante ni aux conventions fondées sur le Traité de Rome.

36 Art. 118 LDIP, tout en réservant l'art. 120, "'réserve" dont la compatibilité avec l'art. 1•• al. 2

LDIP esl discutable: voir Bucher, La LDIP et les Convenhons internationales. Mélanges mn

Overbeck, Fribourg 1990 274 s.

37 Friedman, The Changing Structure of International Law. Londres 1964, cité par Volken, Pro- bleme einer nichl abgestimmten Ratifikationspolitik gegenüber Konventionen EG-fremder Herkunft, in von Bar, précité n. 11, 131.

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édiction de règles communes ou communautaires, qui toutefois n'épuisent que rarement un sujet et n'éliminent donc pas complè- tement le droit national. Afin de s'y retrouver dans cet enchevêtre- ment, cette "Mehrspurigkeit" comme disent les Allemands38 , il est indispensable d'être attentif au champ d'application des textes.

II. QUEL EST LE CONTENU DE LA CONVENTION DE ROME?

La Convention de Rome constitue un édifice complet du droit international privé des contrats avec toutes les règles qui doivent faire partie d'une telle réglementation: on y trouve des règles sur l'autonomie de la volonté, sur le rattachement objectif en l'absence d'élection de droit, sur le rattachement spécial de certains contrats, comme le contrat de travail ou les contrats avec les consommateurs.

Figurent également dans la Convention des rattachements spéciaux pour des questions particulières, telles la forme du contrat ou ses modalités d'exécution. En outre, la Convention contient des règles sur la mise en jeu des mécanismes généraux du DIP: renvoi, ordre public, lois d'application immédiate ou lois de police.

Plutôt que d'égréner les articles de la Convention un par un au risque de ne pas dépasser la paraphrase et de nous perdre dans les détails, nous allons tenter de dégager cinq aspects qui dans la Convention de Rome par comparaison avec la LDIP méritent de retenir l'attention soit en raison de convergences, soit de diver- gences, étant précisé d'emblée que les convergences priment très largement les divergences.

1. Autonomie de la volonté

La liberté des parties de choisir le droit applicable est aujourd'hui une chose acquise. Seules les limites de cette liberté donnent encore lieu à discussion 39

Quelle loi le~ parties peuvent-elles choisir? Réponse : n'importe laquelle. Tant la Convention de Rome que la LDIP renonce à l'exi- gence d'un lien quelconque entre la cause et le droit choisi 40

38 Jayme!Kohler, précités n. 4.

39 Sur le sujet voir en particulier la résolution de l'lnstitu\ de droit international du 311811991 sur l'autonomie de la volonté des parties dans les contrats internationaux entre personnes privées, RSDIE 1991 455 et les travaux préparatoires, Annuaire de l'Institut de droit international, vol.

64 t 113; Heini, Die Rechtswahl im Vertragsrecht und das neue IPA-Gesetz, Mélanges Moser, Zurich 1987 67; Schwander, Zur Rechtswahl im IPR des Schuldvertragsrecht, Mélanges Keller.

Zurich 1989 473; Siehr. Die Parteiautonomie im internationalen Privatrecht. Mélanges Keller, Zurich 1989 485.

40 Art. 3 Convention; Lagarde, précité n. 2, 301 ; art. 117 LDIP; Message concernant une loi fédé- rale sur le droit International privé du 10 novembre 1982. ch. 282.22; Vischer, précité n. 19, 23.

(10)

Peut-on panacher l'élection de droit, en d'autres termes choisir différents droits pour régir différentes par~ies du contrat? C'est la question,, classique en DIP, du dépeçage. La LDIP est muette41 •

La Convention de Rome en revanche admet expressément le dépeçage42Toutefois, le dépeçage ne doit ruiner ni la cohérence du contrat, ni l'autorité de la loi 43La cohérence du contrat est sauvegardée dès lors que l'on applique un droit différent à une partie fonctionnellement détachable du tout. Il pourrait s'agir, par exemple, de parties d'un ensemble conventionnel complexe comme un contrat de joint venture prévoyant notamment la constitution d'une société commune, le financement de l'opération, le transfert de know-how et l'assistance technique44• L'autorité de la loi sera préservée dès lors que le choix partiel n'a pas pour but d'éluder des dispositions impératives d'un droit qui entend s'appliquer à l'état de fait. Si c'était le cas, le juge devrait rétablir la situation en recourant aux dispositions concernant les lois d'application immédiate45, sur lesquelles nous reviendrons.

2. Rattachement objectif

C'est dans le domaine du rattachement objectif, c'est-à-dire du rattachement en l'absence d'élection de droit, que les règles nationales des Etats membres divergeaient le plus. Certes, l'Italie mise à part, tous les Etats membres utilisaient des rattachements flexibles généralement fondés sur le principe de proximité, c'est-à-dire sur le principe du rattachement au droit du pays ayant les liens les plus étroits avec la cause. Cependant, les ressemblances s'arrêtaient là. A un extrême, la loi italienne appliquait le droit de la nationalité commune des parties ou, à défaut, celui du lieu de conclusion du contrat. A l'opposé, le droit anglais recherchait sur la base de l'ensemble des circonstances - aucune n'étant en soi déterminante - le système juridique présentant la ''closest and most real connection". Entre ces deux pôles, on trouvait différentes variantes, par exemple le droit allemand ayant recours à la volonté hypothétique des parties ou, à défaut, au lieu d'exécution des obligations 46•

41 Toutefois, la doctrine majoritaire l'admet; Vischer. précité n. 19, 24 s.; Knoepfler, précité n. 19, 87; Schwander, précité n. 39, 479; Siehr. précité n. 39, 499; Patocchi, Le nouveau droit internatio- nal privé suisse des contrats, in FSA (éd.), Droit international privé I Convention de Lugano, Zurich 1989 93; Heini, précité n. 39, 69 s. n'y voit cependant qu'un renvoi de droit matériel.

42 Art. 3 ch. 1, 3ème phrase.

43 Gaudemet-Tallon, précitée n. 2, 245-citant Lagarde; Rapport Giuliano/Lagarde. précité n. 1.

titre Il, art. 3, ch. 4.

44 Selon le rapport, loc. cit., le choix partiel pourrait aussi s'appliquer à une clause d'indexation du prix, mais il est improbable qu'il soit admis de soumettre la résiliation du contrat pour inexécu- tion à deux droits différents selon le contractant en demeure.

45 Art. 7: dans le même sens, Gaudemet-Tallon, précitée n. 2. 245.

46 Rapport Giuliano I Lagarde, précité n. 1, titre Il, art. 4, ch. 1 avec références.

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Face à cette diversité, que choisir pour mettre tout le monde d'accord sans faire de vexés? C'est là qu'entre en scène la presta- tion caractéristique, "notre" prestation caractéristique, serait-on tenté de dire. "Le développement de ce principe [de la prestation caractéristique] [ ... ] - nous citons le Conseil fédéral dans son message sur la LDIP - est l'un des principaux apports de la Suisse au DIP"47. S'il nous apparaît inexact et prétentieux de revendi- quer la paternité exclusive de la prestation caractéristique, 1' affir- mation est néanmoins largement juste48 L'adoption de la présomption de prestation caractéristique par la Convention de Rome est donc une consécration qui réjouit le cœur du juriste suisse. Par la même occasion, elle lui facilite la compréhension de la Convention, puisqu'il sait que la règle veut que l'on rattache le contrat au droit de la résidence habituelle ou de l'établissement du débiteur de la prestation caractéristique, que la prestation caractéristique est celle qui donne son nom au contrat, ainsi 1' acte de vendre dans le contrat de vente ou de transporter dans un contrat de transport, ou en d'autres termes que la prestation carac- téristique est celle qui s'exécute en nature et non pas en argent.

Si la prestation caractéristique a rallié les suffrages des gouver- nements négociant la Convention de Rome, la doctrine des Etats membres et de pays tiers l'a en partie49 fort mal accueillie. On lui a reproché de n'être que le reflet d'une économie d'exporta- teurs favorisant son industrie 50; on a trouvé absurde de nier toute valeur distinctive à la prestation en argent dans une écono- mie monétaire51; on a même poussé jusqu'à affirmer que la théorie de la prestation caractéristique était "nothing but pure arbitrariness, a fashionnable fad propagated by legal window dressers" 52.

Quelles que soient les passions doctrinales qu'elle a déchaînées, la prestation caractéristique est bien présente dans la Convention

47 Message, précité note 40. ch. 282.23

48 Sur la genèse de cette notion. sa définition, son évolution et adoption en Suisse. ain.si que dans divers droits nationaux et conventions internationales, voir Kaufmann · Kohler, La presta·

tion caractéristique en droit international privé des contrats et l'influence de la Suisse, ASDI 1989 vol. XLV 195.

49 Il y eut aussi des appréciations fort positives, p. ex. Gaudemet-181/on, précitée n. 2, 252; Lando, The EC Draft Conventiçn on the Law Applicable to Contractual Obligations and Non-Contrac·

tuai Obligations, RabelsZ 1974 28; Lagarde, Rapport, Examen de l'avant-projet de Convention C.E.E. sur la loi applicable aux obligations contractuelles el non contractuelles, Travaux du Comité français de droit international privé 1973 156.

50 O'Oliveira, "Characteristic Obligation" in the Draft EEC Obligation Convention, Am J Comp L 1977 328.

51 Juenger, Parteiautonomie und objektive Anknüpfung im EG-Uebereinkommen zum lnternatio·

nalen Vertragsrecht. Eine Kritik aus amerikanischer Sicht. RabelsZ 1982 78.

52 0 'Oliveira, précité n. 50, 326 noie 58.

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et il faut reconnaître qu'elle constitue un outil de travail simple et pratique, donc précieux. Comme tout outil, elle a des limites53 et c'est avec ces limites qu'elle a été incorporée à la Convention de Rome. En effet, la structure du rattachement objectif dans la Convention de Rome est tripartite: tout d'abord, la Convention pose le principe que le contrat est régi par la loi du pays avec lequel il présente les liens les plus étroits 54Ensuite, le texte concrétise ce principe en précisant que ces liens sont présumés exister avec le pays où la partie qui doit fournir la prestation caractéristique a sa résidence habituelle ou son établissement 55 Enfin, si la prestation caractéristique ne peut pas être déterminée ou si un autre droit présente des liens plus étroits avec le contrat, la présomption de prestation caractéristique est écartée et l'on déter- mine le droit applicable par la seule référence au principe de proximité56

En d'autres termes, le rattachement par le biais de la prestation caractéristique n'es~ qu'une présomption qui peut être écartée si les circonstances le justifient. On réalise ainsi souplesse et prévisi- bilité, deux termes antinomiques, contradiction nécessaire du rattachement efficace des contrats.

La pratique judiciaire s'est montrée plus réceptive à l'égard de la théorie de la prestation caractéristique que la doctrine citée plus haut. Jusqu'à présent, les juges étrangers qui ont eu à appliquer la théorie de la prestation caractéristique l'ont fait sans grandes difficultés 57 , quelques confusions et dérapages de méthode sans grande incidence sur le résultat exceptés, surtout dans la jurispru- dence allemande58 . Les tribunaux ont en particulier mis en œuvre la clause échappatoire, c'est-à-dire la clause permettant

53 Ses limites sont dues en partie au fait qu'elle tient peu compte de considérations matérielles qui inspirent de plus en plus la démarche en DIP, tels la protection du faible, les expectatives des parties ou le principe de la bonne foi (voir not. Schwander. Internationales Vertragsschul·

drecht ·Dlrekte Zustândigkeit und objektive Anknüpfung, Mélanges Moser, Zurich 1987 87-88).

En outre, elle n'est pas toujours déterminable, ainsi dans l'échange ou dans les contrats innom- més complexes à l'importance croissante.

54 Art. 4 ch. 1.

55 Art. 4 ch. 2.

56 Art. 4 ch. 5. Outre par cette structure tripartite, la Convention fixe des limites au rattachement au droit de l'Etat de résidence/établissement du débiteur de la prestation caractéristique par l'art. 4 ch. 2 et 3 et les art. 5, 6 et 7.

57 Sur la jurisprudence, voir en part. Ebké et de Boer. précités n. 12, avec de nombreuses référen·

ces ainsi que les chroniques annuelles de Jayme/Koh/er dans IPRax, précités n. 4, pour 1991.

58 Oberlandesgericht Munich 10/3/1988, RIW 1990 226 contrat encore soumis à l'ancien DIP allemand, mais au sujet duquel le tribunal se référa à l'équivalent allemand de l'art. 4 Conven·

lion de Rome en amalgamant rattachement par la prestation caractéristique et volonté hypothé·

tique des parties. Pour une démarche comparable, Oberlandesgericht Dusseldorf 13 / 4 / 1989, WM 1990 323. Voir aussi les commentaires de Ebke, précité n. 12, 95s et les références supplé- mentaires et observations de Jayme!Kohler. précités n. 4, 368s.

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d'écarter la présomption de la prestation caractéristique, sans en abuser pour retourner coûte que coûte à leurs rattachements traditionnels59, comme certains auteurs mal disposés à l'égard de la prestation caractéristique l'avaient prédit 60 .

Il est en tout cas un domaine où la clause échappatoire a été appliquée à bon escient: les locations de vacances 61 , qui ont donné lieu à plusieurs décisions. La Convention de Rome présume -il ne s'agit pas de la présomption de la prestation caractéristique, mais la méthode est la même - que les baux immobiliers présentent les liens les plus étroits avec le lieu de situation de l'immeuble62•

En l'occurrence, un ressortissant hollandais domicilié aux Pays- Bas avait loué pour les vacances son chalet situé en Belgique à un autre national hollandais domicilié aux Pays-Bas, le loyer étant fixé en florins et payé aux Pays-Bas. Malgré la situation du chalet, le juge belge a appliqué le droit néerlandais63 , ce que l'on ne saurait qu'approuver.

3. Protection du faible

Comme la LDIP, la Convention de Rome contient des rattache- ments spéciaux ayant pour objet de protéger la partie faible au contrat en matière de contrats de travail et de contrats conclus avec les consommateurs 64

Arrêtons-nous brièvement aux contrats avec les consommateurs.

Dans un but de protection, la LDIP interdit toute élection de droit 65 • En revanche, la Convention de Rome permet l'élection de droit, à condition qu'elle ne prive pas le consommateur de la protection que lui accordent les dispositions impératives de la loi de sa résidence habituelle dans la mesure où la cause présente certains liens supplémentaires avec ce lieu, par exemple qu'une publicité ou offre a été faite dans ce pays, que le consommateur

y a accompli des actes menant à la conclusion du contrat ou que

59 Il est vrai qu'à notre connaissance, il n'y a pas encore de jurisprudence italienne, qui vu la différence entre le droit antérieur et la Convention sera plus révélatrice que celle d'Etats aux rattachements antérieurs plus proches de la prestation caractéristique. A noter, en outre, un arrêt de la Cour d'appel de Versailles 6/2/ 1991 écartant - à juste titre? -la présomption par application anticipée de l'art. 4 ch. 5 (commenté par Jayme!Kohler. précités n. 4, 368). En revanche, les tribunaux néerlandais appliquent très strictement la présomption de prestation caractéristique; voir de Boer. précité n. 12, 50-56 qui, parmi de nombreuses réf., ne cite qu'une exception. Voir aussi Plender, précité n. 2, 111 ss et références.

60 Fletcher. Conflicts cl Law and European Community Law, Amsterdam, 1982 162; Ja/fey, The English Proper Law Doctrine and the EEC Convention, ICLQ 1984 553.

61 LBgarde, Les locations de vacances dans les conventions européennes de droit international privé, Mélanges Bellet, Paris 1991 281.

62 Art. 4 ch. 3.

63 Tribunal civil Marche-en-Famenne 26/2/1986, Annales de droit de Liège 1988 100; voir aussi Bundesgerichtshof 12/10/ 1989 IPRax 1990 31&

64 Art. 5 et 6.

65 Art. 120 al. 2.

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la commande Y' a été reçue par le contractant66Pour déterminer si l'élection de droit est valable, il faut donc comparer le degré de protection accordé par le droit élu et par le droit de la résidence.

La comparaison ne sera pas toujours aisée et on peut se demander si la solution suisse, plus radicale, n'est pas préférable 67

On peut aussi s'interroger sur l'étendue de la protection accor- dée aux consommateurs et se demander si elle est suffisante. Un état de fait qui a donné lieu à toute une série de décisions allemandes 68 illustre bien la question: un couple de touristes alle- mands en vacances en Espagne se fait piéger, lors d'une excursion organisée, par un individu qui offre à la vente des matelas, couver- tures, oreillers - d'excellente qualité et à très bon prix, bien sûr;

le tout livrable en Allemagne par un fournisseur auquel le vendeur espagnol céde tous ses droits. Dans l'insouciance des vacances, nos touristes acceptent l'offre et signent un contrat-type avec une clause d'élection du droit espagnol. De retour chez eux, ils n'ont hélas plus du tout envie des matelas et autres articles et tentent de révoquer leur consentement. Le droit allemand le leur permet;

le droit espagnol, droit élu, le leur interdit 69• Quel droit le juge allemand doit-il appliquer? Selon la Convention de Rome, l'élec- tion du droit espagnol est valable, puisque les conditions posées pour que le droit plus favorable de la résidence intervienne ne sont pas réalisées. En effet, il n'y a pas eu d'offre, ni de publicité, ni de commande, ni d'acte menant à la conclusion du contrat dans ce pays.

Morale de l'histoire: dans certains cas les touristes ont dû payer leurs matelas. Dans d'autres, les tribunaux ont eu recours à des artifices juridiques pour éviter cette triste issue 70Avec le résultat insatisfaisant d'ouvrir des brèches dans l'application de la Convention tout en posant, à juste titre il est vrai, la question de l'adéquation de la protection accordée au consommateur, question qui, dans le cas d'espèce, se poserait d'ailleurs dans des termes similaires pour la LDIP.

66 Art. 5 ch. 2.

67 Dans le même sens, Patocchi, précilé n. 41, 92.

68 P. ex. Landesgericht Hambourg 21/2/1990 IPRax 1990 239; nombreuses autres réf. jurispru·

dentielles el commenlaire chez Ebke,précité n. 12. 97 ss.

69 La situation était compliquée du fait que l'Espagne n'avail pas mis en œuvre la directive 85 / 577 protégeant les consommaleurs en cas de ventes de porte à porte, directive qui perme!

la révocation de l'acceplation dans les 7 jours.

70 Not. recours à l'ordre public (Amlsgerichl Lichtenfels 24/5/1989 IPRax 1990 235), au para.

27 Ill EGBGB correspondant à l'art. 3 ch. 3 Convention, ou encore â une interprétation exten·

sive du para. 291 (2) et (3) EGBGB correspondant à l'art. 5 ch. 2 Convention (décision précitée n. 68: Oberlandesgerichl Francfort 1 /6/1989 NJW Rechtsprechungs-Report Zivilrecht 1989 1018). Voir aussi Ebke, précité n. 12, 98·100.

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4. Lois de police

A titre d'illustration des lois de police, que l'on appelle aussi lois d'application immédiate 71 , on peut citer les réglementations assurant l'hygiène et la sécurité des travailleurs au lieu de travail, les dispositions protégeant les locataire contre des congés abusifs et permettant la prolongation des baux, les législations de protection du patrimoine culturel national, ou encore les régle- mentations protégeant l'économie locale par exemple par des contingentements des importations.

La Convention de Rome est très proche de la LDIP72 puisqu'elle permet de faire intervenir, à certaines conditions, d'une part les lois de police du for et d'autre part, interférence beaucoup plus controversée, les lois de police d'Etats tiers, tiers voulant dire ne relevant ni de la !ex causae ni de la lex fori.

Illustrons cela par un exemple emprunté à un arrêt du BGH allemand 73: le preneur d'une assurance couvrant le transport de statuettes exportées du Nigéria et disparues en cours de transport actionnait son assureur en paiement de l'indemnité. Le contrat était régi par le droit allemand. Se fondant sur une loi nigériane interdisant l'exportation de biens culturels, souci reconnu par la communauté internationale et en particulier par une convention de l'UNESCO, le BGH a toutefois considéré le contrat d'assu- rance nul et rejeté l'action.

5. Condition de la loi étrangère

La loi étrangère relève-t-elle des faits ou du droit? Le juge doit-il établir d'office le contenu du droit applicable? Ou les parties ont- elles au contraire la charge de la preuve? La cour suprême revoit- elle l'application du droit étranger? Quid si le droit étranger ne peut pas être établi? Contrairement à la LDIP 74, la Convention est muette sur toutes ces questions. C'est donc le DIP du for qui apportera les réponses, ce qui est regrettable car les droits natio- naux sont très différents en la matière 75• Or, dans la pratique quotidienne du droit, ce sont là des questions importantes.

71 Art 7. l'art 22 ch. 1 a permet de faire une réserve excluant l'application de l'art. 7, possibilité dont plusieurs Etats ont fait usage. dont le Luxembourg. l'Allemagne et le Royaume-Uni.

72 Art. 18 et 19 LDIP; sur le sujet. voir not. Vischer. Zwingendes Recht und Eingriffsgesetze nach dem schweizerischen IPA-Gesetz. AabelsZ 1989 438.

73 Bundesgerichtshof 22/6/1972, BGHZ 59.82; voir p. ex. aussi l'arrêt néerlandais dans l'affaire Sensor (précité n. 12) qui admet le principe de l'intervention de dispositions impératives étran·

gères â la lex causae, mais refuse en l'espèce l'application des mesures américaines d'embargo faute de rattachements suttisants entre le contrat et les Etats-Unis.

74 Art. 16 LDIP et art. 43 a OJF.

75 Dans le même sens, Gaudemet-Tallon, précitée n. 2, 259s.

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Avant de clore notre deuxième partie, ajoutons quelques mots encore sur l'interprétation de la Convention. En l'état, la Cour de justice des communautés n'a pas de pouvoirs d'interprétation .comme c'est le cas pour la Convention de Bruxelles. Les Etats de la Communauté ont bien signé deux protocoles à cet effet en 1988 76 , mais leur entrée en vigueur requiert la ratification par les douze membres, ce qui est - hélas - encore loin d'aboutir 77

III. QUE SIGNIFIE LA CONVENTION DE ROME POUR LA SUISSE?

Pour répondre, il faut distinguer entre aujourd'hui et demain.

1. Aujourd'hui

Aujourd'hui la Suisse n'est pas partie à la Convention de Rome, ce qui ne veut pas dire que la Convention est sans répercussions sur notre existence juridique. Les répercussions, nous en voyons surtout trois manifestations.

a. Transparence du procès étranger

Si aujourd'hui vous concluez un contrat pour une entreprise suisse et que vous acceptez une clause d'élection de for aux Pays- Bas, vous sav~z désormais que le juge y déterminera le droit applicable. selon la Convention de Rome. Auparavant, il aura d'ailleurs examiné sa compétence et la validité de la prorogation de for sur la base de la Convention de Lugano.

Par rapport à la situation antérieure, cela augmente grandement la transparence du procès étranger et la prévisibilité de son résultat.

Avant, vous auriez dû consulter la jurisprudence nationale hollan- daise sur le droit applicable (il n'y avait pas de codification du DIP des contrats) et la procédure civile locale à propos de la clause d'élection de for.

76 Premier Protocole concernant l'interprétation par la Cour de 1ustice des Communautés européennes de la Convention sur la loi applicable aux obligations contractuelles, ouverte à la signature à Rome le 19 juin 1980, et deuxième Protocole attribuant à la Cour de justice des Communautés européennes certaines compétences en matière d'interprétation de la c1iinvention sur la loi applicable aux obligations contractuelles, ouverte à la signature à Romé le 19 juin 1980, JOCE L. 48 du 20/211989, Rev cnt 1989 414, note P.L.; le premier protocole Instaure un recours préjudiciel en interprétation, qui est facullatif même pour les juridictions suprêmes, contrairement à l'interprétation de la Convention de Bruxelles (art. 2-4). Le second protocole attribue compétence d'interprétation à la Cour.

77 Le premier protocole entrera en vigueur quand sept Etats contractants l'auront ratifié er que le second sera ratifié par les douze (art. 6, 1" protocole et art. 2, second protocole).

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b. Arbitrage international

Outre cet avantage pratique facilitant l'accès au droit appliqué à l'étranger, il est un domaine, l'arbitrage international, où la Convention de Rome déploiera, déploie déjà d'ailleurs, ses effets ici même.

Le DIP applicable par l'arbitre est un sujet "bateau", qui se distingue surtout par une pluralité de méthodes pas toujours d'une extrême rigueur 78Sans en dire plus, retenons sommaire- ment que le DIP de l'arbitre dépend des règles qui régissent l'arbitrage (ce qui ne veut pas dire des règles de DIP du siège de l'arbitrage, bien évidemment).

Prenons un exemple tiré d'une sentence rendue en 1985 dans un arbitrage CCI avec siège à Lausanne 79Le litige concernait la résiliation d'un contrat d'agence liant une société italienne à son agent français. Les parties n'avaient pas prévu le droit applicable.

Les règles CCI applicables à l'arbitrage précisaient que l'arbitre appliquerait "la loi désignée par la règle de conflit qu'il jugera appropriée en l'espèce'' 80• Le contrat avait été rédigé et conclu en Italie et en italien et contenait, à titre subsidiaire par rapport à la clause arbitrale, une élection de for des tribunaux italiens.

En revanche il avait été exécuté en France. Le tribunal arbitral en a tiré qu'il existait des arguments équivalents en faveur de la règle de conflit italienne et de la règle de conflit française. Il a donc essayé de les appliquer cumulativement. Seulement voilà: elles aboutissaient à des résultats contraires. Le DIP italien désignait la loi italienne et le DIP français désignait la loi française. Que faire? Pour sortir de l'impasse, l'arbitre s'est référé notamment à la Convention de Rome et a appliqué le critère de la prestation caractéristique, en l'occurrence celle de l'agent. Résultat : il a appliqué le droit matériel français.

Dans cet exemple, le litige présentait des liens exclusifs avec des pays signataires de la Convention de Rome. L'application de celle- ci, même anticipée, n'est donc pas surprenante. Toutefois, on peut imaginer que son influence ira bien au-delà et que les arbitres s'y référeront souvent, même dans des situations présentant des liens

78 Pour un exposé général, voir not La/ive, Les règles de conflit de lois appliquées au fond du litige par larbitre international siégeant en Suisse. in L ·arbitrage international privé et la Suisse.

Mémoires publiés par la Faculté de droit de Genève, Genève 1977 57.

79 Sentence CCI 4996/ i985, Clunet 1986 1131.

80 Art. 13 al. 3.

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avec des Etats tiers. Nous avons ainsi notamment repéré des réfé- rences à la Convention de Rome dans des sentences impliquant des entités suisses et yougoslaves 81 •

Si la Convention de Rome peut s'avérer d'une grande aide pour les arbitres, son application au domaine de l'arbitrage n'est pas sans poser un certain nombre de problèmes 82Quid du choix d'une loi non étatique qu'en principe la Convention n'admet pas 83 ? Quid des lois d'application immédiate de pays tiers, que les arbitres sont peut-être moins enclins à faire intervenir au détriment de la volonté des parties que ne le sont les tribunaux étatiques84? Les questions sont posées. Il n'est pas de notre propos de tenter de les résoudre ici 85

c. Interactions - Interdépendance

Au-delà de ces zones concrètes d'action de la Convention de Rome, il y a des processus d'interactions, d'influences réciproques tendant à l'intégration qui dépassent les Etats membres de la Convention de Rome et touchent la Suisse. Il s'agit là de phéno- mènes plus subtils que les précédents et, de ce fait, plus difficiles à mesurer.

Dans ce contexte, ce qui frappe tout d'abord c'est 1' ampleur du mouvement d'uniformisation, ampleur qui nécessairement augmentera son impact. L'Irlande a ratifié la Convention de Rome86 et, dans un délai encore inconnu, il en ira de même de

81 Sentence CCI 273011982, Clunet 1984 914; sentPnce CCI 293011982, Yearbook ICCA IX 1984 105 (il semble s'agir de la même sentence. bien que les extraits publiés ne permettent pas de l'affirmer de manière absolument catégorique; la numérotation différente serait alors due à une erreur typographique). Par ailleurs, nombre de sentences arbitrales recourent à la notion de prestation caractéristique, sans référence spécifique à la Convention de Rome (p. ex.

sentences du 20/6/ 1980, Yearbook ICCA VI 1981 144, du 17 /12/1975, Yearbook ICCA IV 1979 192, du 8 / 7 / 1980, Yearbook ICCA XII 1987 83, du 3 / 11/1977, Yearbook ICCA VII 1982 77: sentences CCI 465011985, Yearbook ICCA XII 1987 Ill, 263711975 Yearbook ICCA 111977 153.

82 La première question est de savoir si les arbitres sont destinataires des règles conventionnelles comme le sont les juges étatiques. A notre sens la réponse devrait être positive dans la mesure les règles régissant l'arbitrage renvoient au DIP d'un pays qui comprend la Convention de Rome; voir aussi Rigaux. précité n. 13, 309-310.

83 Lagarde, précité n.2. 300; Rigaux, précité n.13, 316ss; Plender. précité n. 2, 55. Le choix d'un droit non étatique constituerait alors uniquement un renvoi matériel. non un choix au sens du DIP. Lagarde, loc. cil. On remarquera quand même que les rapports tant sur l'avant-projet que sur le projet n'abordent pas expressément la question. En outre, pour justifier te principe de l'autonomie de la volonté le rapport Giuliano/Lagarde (précité n. 1, titre Il, art. 3, ch. 2) fait not. appel à la jurisprudence arbitrale et à des sentences ayant admis le choix de principes généraux de droit international. A titre de comparaison, l'art. 117 LDIP exclut également le choix d'un droit non étatique: Vischer. précité n. 19, 23-24; Knoepfler. précité n. 19, 87; Heini, précité n. 39, 72; avec certaines nuances. Siehr. précité n. 39, 501. Toutefois, la LDIP contient une règle de conflit spéciale (art. 187) applicable aux arbitrages avec siège en Suisse (art.

176), qui permet l'élection d'un droit non étatique ("règles de droit").

84 Rigaux, précité n. 13. 311.

85 En pratique, on peut imaginer que les arbitres se référeront à la Convention de Rome (à titre de DIP applicable en vertu des règles régissant l'arbitrage, ou de principe général de DIP commun à un nombre représentatif de pays directement liés à la cause ou non) en matière de rattachement objectif. En matière d'autonomie. en revanche, il est fort probable qu'ils res·

pecteront la volonté des parties, comme le commandent d'ailleurs nombre de règles applica- bles à larbitrage (ex. art. 13 règlement CCI; art. 187 al. 1 LDIP), sans égard aux restrictions que pourrait apporter la Convention de Rome.

86 Voir n. 8 ci-dessus.

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