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Chronique de jurisprudence constitutionnelle suisse : année 2009

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Chronique de jurisprudence constitutionnelle suisse : année 2009

HOTTELIER, Michel

HOTTELIER, Michel. Chronique de jurisprudence constitutionnelle suisse : année 2009.

Annuaire international de justice constitutionnelle, 2010, vol. 25-2009, p. 849-864

DOI : 10.3406/aijc.2010.2006

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:125077

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Suisse

M. Michel Hottelier

Citer ce document / Cite this document :

Hottelier Michel. Suisse. In: Annuaire international de justice constitutionnelle, 25-2009, 2010. Le juge constitutionnel et la proportionnalité - Juge constitutionnel et droit pénal. pp. 849-864;

doi : https://doi.org/10.3406/aijc.2010.2006

https://www.persee.fr/doc/aijc_0995-3817_2010_num_25_2009_2006

Fichier pdf généré le 11/07/2018

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CHRONIQUES

SUISSE

par Michel HOTTELIER *

I - Acte attaquable dans le cadre de la juridiction constitutionnelle — II - Liberté personnelle ; A - Exhumation d'une dépouille mortelle ; B - Mesures privatives de liberté ;

C - Mesures d'éloignement d'un périmètre — III - Droit au respect de la vie privée — IV - Garantie de la propriété — V - Garanties de l'Etat de droit ; A - Droit à un tribunal impartial ; B - Assistance judiciaire ; C - Droit à une décision motivée — VI - Droits politiques ; A - Récolte de signatures sur le domaine public ; B - Contrôle de la validité d'une initiative populaire ; C - Invalidation d'un scrutin populaire - VII - Accord bilatéral sur la libre circulation des personnes ; A - Non discrimination ; B - Regroupement familial — VIII - CEDH ; A - Révision d'arrêts du Tribunal fédéral ; B - Principe du non-refoulement ; C - Principe ne bis in idem ; D - Droits et obligations de caractère civil ; E - Accusation en matière pénale — IX - Répartition des compétences entre la Confédération et les cantons.

* * *

I - ACTE ATTAQUABLE DANS LE CADRE DE LA JURIDICTION CONSTITUTIONNELLE

1 . D'après le système de juridiction constitutionnelle qu'aménage l'article 82 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (ci-après : LTF) 1, le Tribunal fédéral connaît en particulier des recours dirigés contre les décisions rendues dans des causes de droit public (let. a) et contre les actes normatifs cantonaux (let. b). La qualification des actes attaqués au titre de décision ou d'acte normatif au sens de cette disposition présente une grande importance pour déterminer l'ordre des juridictions susceptibles d'être saisies. Dans le premier cas en effet, le recours n'est recevable devant le Tribunal fédéral que s'il existe une voie de droit cantonale devant une autorité judiciaire précédente (art. 86 al. 1 let. d et al. 2 LTF) alors que dans le second cas, le recours est directement recevable contre les actes normatifs cantonaux qui ne peuvent faire l'objet d'un recours cantonal (art. 87 al. 1 LTF). Il s'ensuit que, le plus souvent, la présentation du recours dirigé contre une décision devant la Cour

* Professeur à l'Université de Genève.

1 Au sujet de cette loi, voir AIJC XXI-2005, p. 717.

Annuaire international de justice constitutionnelle, XXV -2009

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suprême suppose l'épuisement des voies de recours cantonales. En revanche, lorsque le recours est dirigé contre un acte normatif de rang cantonal, il est généralement adressé directement au Tribunal fédéral, sauf si le canton dont émane l'acte a lui- même mis en place un système de juridiction constitutionnelle permettant d'opérer un contrôle abstrait, portant sur l'acte normatif lui-même. Seuls quelques cantons connaissent un système de juridiction constitutionnelle permettant d'opérer un contrôle abstrait 2 .

2. Un intéressant arrêt rendu le 16 juillet 2009 3 a permis au Tribunal fédéral de se prononcer sur la qualification juridique des actes cantonaux soumis à la juridiction constitutionnelle au sens de l'art. 82 LTF. Était en cause dans cette affaire un plan d'affectation adopté dans le canton de Fribourg concernant l'installation de maisons de vacances au bord du lac de Neuchâtel. Pour les juges fédéraux, la notion de « décision » au sens du droit public vise traditionnellement toute résolution que prend une autorité et qui est destinée à produire un certain effet juridique ou à constater l'existence ou l'inexistence d'un droit ou d'une obligation. Au sens étroit, il s'agit d'un acte qui, tout en répondant à cette définition, intervient dans un cas individuel et concret. En droit fédéral comme en droit cantonal, sont considérées comme des décisions les mesures de caractère obligatoire prises dans un cas d'espèce en application du droit public et qui ont pour objet de créer, de modifier ou d'annuler des droits ou des obligations, de constater l'existence, l'inexistence ou le contenu de droits ou d'obligations ou de rejeter ou de déclarer irrecevables des demandes tendant à créer, modifier, annuler ou constater des droits ou des obligations. Au contraire, ce qui caractérise les actes normatifs est le fait qu'ils sont généraux et abstraits. Un acte est général lorsqu'il s'applique à un nombre indéterminé de personnes. Il est abstrait lorsqu'il se rapporte à un nombre indéterminé de situations ou encore lorsque le nombre de ses cas d'application peut varier durant la période de sa validité.

3. Le Tribunal fédéral a poursuivi en relevant qu'il existe des actes présentant un caractère mixte, qui les situe entre la norme et la décision. Leur nature juridique précise doit par conséquent être déterminée de cas en cas. Il en va ainsi du plan d'affectation dans le domaine de l'aménagement du territoire. Selon la jurisprudence, un plan d'affectation peut être assimilé matériellement à une décision lorsqu'il contient des mesures suffisamment détaillées pouvant préjuger d'une procédure d'autorisation subséquente. Ainsi, un plan d'affectation spécial réglant la protection des marais et des sites marécageux d'une beauté particulière et d'importance nationale a par exemple été qualifié matériellement de décision, au sens du droit fédéral de la protection de la nature et du paysage. Au vu des mesures suffisamment précises et détaillées qu'elle contenait, l'ordonnance litigieuse a en l'occurrence été assimilée matériellement à un plan d'affectation comparable à une décision. Le Tribunal fédéral a en conséquence annulé l'arrêt rendu par le Tribunal cantonal du canton de Fribourg, qui avait refusé d'entrer en matière sur cet acte au motif qu'il constituait un acte général et abstrait dont il n'avait pas compétence à connaître.

2 Sur l'agencement de la juridiction constitutionnelle dans les cantons, voir Andreas AUER/Giorgio MALINVERNI/Michel HOTTELIER, Droit constitutionnel suisse, vol. I, L'État, 2e éd., Berne 2006, p. 793 ss.

3 Recueil officiel des arrêts du Tribunal fédéral suisse (ci-après : ATF) 135 II 328 Association suisse pour la protection des oiseaux (ASPO) et consorts. Les arrêts du Tribunal fédéral suisse peuvent être consultés en ligne sur le site www.bger.ch.

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SUISSE 851 4. Dans un autre arrêt, rendu le 28 août 2009 4, le Tribunal fédéral a jugé que les arrêtés adoptés par le Conseil d'État du canton de Neuchâtel et fixant de manière individuelle pour chaque home accueillant des personnes âgées les taxes journalières maximales applicables aux pensionnaires bénéficiant de prestations sociales complémentaires constituaient des composants d'une réglementation assimilables à des actes normatifs cantonaux au sens de l'article 82 lettre b LTF. En l'absence de contrôle abstrait de constitutionnalité dans le canton de Neuchâtel, le recours en matière de droit public dirigé contre les arrêtés en question a en

l'occurrence été considéré par le Tribunal fédéral comme directement recevable.

II - LIBERTÉ PERSONNELLE

A - Exhumation d'une dépouille mortelle

5. Le Tribunal fédéral a rendu le 4 février 2010 5 un arrêt fort intéressant concernant l'exhumation de la dépouille mortelle d'une personne en vue de son transfert dans un cimetière différent de celui où elle avait été inhumée dans un premier temps. Cet arrêt a permis aux juges fédéraux de rappeler la jurisprudence qu'ils ont développée au sujet de la liberté personnelle au sens de l'article 10 alinéa 2 Cst., jurisprudence selon laquelle les effets de cette garantie ne se limitent pas à la vie de son titulaire, mais déploient une certaine protection au-delà de la mort 6.

6. Suite à son décès, un homme fut inhumé dans un cimetière du canton de Vaud, à proximité du lieu de domicile de sa mère et de sa sœur. De son vivant, l'intéressé avait signé un document dans lequel il avait exprimé le souhait d'être enterré, pour des raisons affectives, dans le cimetière du village valaisan où résidait sa compagne. À l'issue de l'inhumation, la compagne du défunt sollicita des autorités vaudoises l'autorisation de faire exhumer le cercueil en vue de son transfert et de sa ré-inhumation dans le cimetière valaisan choisi par le défunt. Un différend ayant résulté des circonstances dans lesquelles le défunt avait, dans un premier temps, été inhumé dans le canton de Vaud plutôt qu'en Valais, l'affaire fut finalement portée devant le Tribunal fédéral. La Haute Cour a pris acte de la volonté exprimée de son vivant par l'intéressé et confirmé la validité du transfert de sa dépouille en Valais.

7. Pour le Tribunal fédéral, la liberté personnelle ancrée à l'article 10 alinéa 2 Cst. protège l'ensemble des éléments indispensables à l'épanouissement de la personne humaine et dont devrait disposer tout être humain. Elle oblige le détenteur de la puissance publique à un comportement envers le justiciable qui soit compatible avec le respect de sa personnalité. Elle protège intégralement la dignité de l'homme et sa valeur propre. La portée de cette liberté ne peut cependant être définie de manière générale, mais doit être déterminée de cas en cas, en tenant compte des buts de la liberté, de l'intensité de l'atteinte qui y est portée, ainsi que de la personnalité de ses destinataires. La garantie constitutionnelle de la liberté personnelle ne se limite pas à la durée de la vie des individus. Elle prolonge ses effets, dans une certaine mesure, au-delà du décès. Du point de vue constitutionnel, le défunt doit être considéré comme le titulaire prioritaire des droits protégeant sa dépouille contre des atteintes contraires aux mœurs et aux usages.

4 5 ATF 135 V309X., Y., W.et V. Arrêt du Tribunal fédéral lC_430/2009 A. et B. c. C.

6 Sur le sujet, voir également AIJC XIX-2003, p. 846.

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8. Toute personne a ainsi le droit de déterminer, de son vivant, le sort de sa dépouille après sa mort et de décider des modalités relatives à son ensevelissement.

Cette prétention comporte notamment une liberté de choix, dans le cadre tracé par la loi, l'ordre public et les bonnes mœurs, quant à la forme des funérailles, au mode et au lieu d'inhumation, l'être humain disposant, quel que soit le rang qu'il a occupé dans la société, d'un droit constitutionnel à un enterrement et à une sépulture décents. Il s'agit d'un droit qui découle directement de la protection de la dignité humaine. En l'espèce, le Tribunal fédéral a considéré que la protection de la liberté personnelle du défunt l'emportait sur la protection des droits de sa famille domiciliée dans le canton de Vaud. La mesure n'a par ailleurs pas été jugée disproportionnée, le cimetière valaisan n'étant éloigné que d'une quarantaine de kilomètres du domicile de la famille, les sentiments de piété et de recueillement de cette dernière étant ainsi préservés.

B - Mesures privatives de liberté

9. Un arrêt rendu le 29 janvier 2009 7 a permis au Tribunal fédéral de statuer sur la durée de la détention dans le domaine du droit des étrangers. Par le jeu des diverses dispositions permettant la privation de liberté au sens de la loi fédérale sur les étrangers qui est entrée en vigueur le 1er janvier 2008, la détention en phase préparatoire et la détention en vue de l'exécution du renvoi ou de l'expulsion d'un étranger peuvent s'étendre sur une durée maximale de deux ans, alors même que l'intéressé n'a commis aucune infraction pénale. Conformément au principe de la proportionnalité applicable aux restrictions à la liberté personnelle, le Tribunal fédéral a précisé que ce délai est un délai maximum qui ne peut être atteint que dans le cadre de ce qui est admissible constitutionnellement et conventionnellement. Il a en l'espèce considéré qu'une détention d'une durée supérieure à vingt mois excédait ce qui est admissible dans le cas du refoulement d'un ressortissant marocain qui, après avoir épousé une Suissesse dont il eut un enfant, s'était séparé de celle-ci et avait vu son titre de séjour ne pas être renouvelé.

10. Dans un autre arrêt, rendu le 16 février 2009 8, les juges fédéraux ont rappelé les principes qui gouvernent le renvoi d'étrangers indésirables au sens — en particulier — du droit conventionnel. Ils ont précisé que l'expulsion d'un réfugié dont l'asile a été révoqué se justifie seulement quand, fondée sur l'ensemble des circonstances déterminantes, elle apparaît proportionnée. À cet égard, seul l'examen des aspects qui concernent l'inadmissibilité de l'exécution du renvoi peut être renvoyé à la procédure d'admission provisoire. L'expulsion, respectivement la révocation de l'autorisation d'établissement malgré le statut reconnu de réfugié suppose un risque de récidive suffisamment concret, et pas uniquement abstrait.

11. Par arrêt du 25 septembre 2009 9, le Tribunal fédéral a décidé qu'une peine privative de liberté de plus d'une année est une peine de longue durée qui constitue un motif de révocation de l'autorisation de séjour au sens de la loi fédérale sur les étrangers. Les juges fédéraux ont ajouté que la proportionnalité de la révocation doit être examinée dans chaque cas. À cet égard, il convient en principe de s'en tenir à la pratique du Tribunal fédéral selon laquelle un étranger qui n'a séjourné en Suisse que peu de temps et qui a été condamné à une peine privative de 7 ATF 135 II 105 Bundesamt f tir Migration.

8 ATF 135 II 110 X.

9 ATF 135 II 377 X. undY.

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suisse 853 liberté de deux ans ou plus ne peut plus bénéficier d'un titre de séjour en Suisse, cela même lorsqu'on ne peut pas — ou difficilement — exiger de son épouse suisse qu'elle quitte son pays pour l'accompagner.

C - Mesures d'éloignement d'un périmètre

12. Dans le but de renforcer les libertés et de restaurer la sécurité publique, le Grand Conseil genevois a adopté le 19 février 2009 une loi modifiant la loi cantonale sur la police. Entre autres mesures, cette loi prévoit que la police peut éloigner une personne d'un lieu ou d'un périmètre déterminé en cas de rassemblement menaçant l'ordre ou la sécurité publics. La loi prévoit également la possibilité pour la police de signifier verbalement une mesure d'éloignement valable 24 heures, de même que la possibilité de conduire une personne hors du lieu ou du périmètre concerné.

Attaquée devant le Tribunal fédéral dans le cadre du contrôle abstrait de constitutionnalité des normes cantonales 10, cette loi a donné lieu à un intéressant arrêt au sujet de la portée et des limites opposables à la liberté personnelle n.

13. La Haute Cour a commencé par rappeler que, dans le cadre du contrôle abstrait des normes cantonales, elle examine en principe librement la conformité de l'acte attaqué au droit constitutionnel. Elle s'impose cependant une certaine retenue, eu égard notamment aux principes découlant du fédéralisme et de la proportionnalité 12. Dans ce contexte, ce qui est décisif, c'est que la norme mise en cause puisse, en fonction des principes d'interprétation reconnus, se voir attribuer un sens compatible avec les droits fondamentaux qui sont invoqués par la partie recourante. Le Tribunal fédéral n'annule dès lors une norme cantonale que lorsque celle-ci ne se prête à aucune interprétation conforme à la Constitution ou à la CEDH.

Pour en juger, il faut notamment tenir compte de la portée de la restriction aux droits fondamentaux en cause, de la possibilité d'obtenir ultérieurement, au moyen d'un contrôle concret de la norme, une protection juridique suffisante et des circonstances concrètes dans lesquelles ladite norme sera appliquée.

14. Ainsi, le juge constitutionnel ne doit pas se borner à traiter le problème de manière purement abstraite. Il lui incombe au contraire de prendre en compte dans son analyse la vraisemblance d'une application conforme aux droits fondamentaux. À cet égard, les explications de l'autorité cantonale sur la manière dont elle applique ou envisage d'appliquer la disposition en cause doivent également être prises en considération. Si une réglementation de portée générale apparaît comme défendable au regard du droit supérieur dans des situations normales telles que le législateur pouvait les prévoir, l'éventualité que, dans certains cas, elle puisse se révéler inconstitutionnelle ne saurait en principe justifier à elle seule une intervention du juge au stade du contrôle abstrait des normes.

15. Le Tribunal fédéral a ensuite précisé que la liberté personnelle garantie par l'article 10 alinéa 2 Cst. ne tend pas seulement à assurer le droit d'aller et de venir, ainsi qu'à protéger l'intégrité corporelle et psychique. Cette garantie protège, de manière générale, toutes les libertés élémentaires dont l'exercice est indispensable 10 11 Sur le sujet, voy. également supra, ch. 1 et les références citées. Arrêt du Tribunal fédéral lC_226/2009 Jean-Luc Ardite et Anne-Marie Peysson c. Grand Conseil du canton de Genève , du 16 décembre 2009- 12 Sur ces questions, voy. le rapport suisse sur « Le juge constitutionnel et la proportionnalité » présenté lors de la Table ronde de justice constitutionnelle des 4 et 5 septembre 2009, publié dans cet Annuaire.

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à l'épanouissement de la personne humaine et que devrait posséder tout être humain, afin que la dignité humaine ne soit pas atteinte par le biais de mesures étatiques. En particulier, la liberté des particuliers de circuler à leur gré dans le pays sans autorisation préalable et sans entraves autres que celles nécessitées impérativement par l'ordre public et la sécurité de tous est sans doute l'élément qui caractérise le mieux l'État de droit par rapport à l'Etat policier. La liberté personnelle se conçoit, dans cette perspective, comme une garantie générale et subsidiaire à laquelle le citoyen peut se référer pour la protection de sa personnalité ou de sa dignité, en l'absence d'un droit fondamental plus spécifique.

16. Passant ensuite à l'examen des dispositions législatives attaquées, le Tribunal fédéral a jugé que celles-ci respectaient les conditions de restriction aux libertés énoncées par l'article 36 Cst : prévues par une loi atteignant un degré de précision suffisant, elles poursuivaient un motif légitime — la protection de l'ordre et de la sécurité publics - et respectaient le principe de la proportionnalité. Sur un point cependant, le Tribunal fédéral a donné raison aux recourants : la loi attaquée prévoyait la possibilité pour la police d'éloigner d'un lieu ou d'un périmètre déterminé une personne ou un rassemblement empêchant « sans motif l'usage normal du domaine public ». Les motifs énoncés étant considérés comme flous et imprévisibles, le Tribunal fédéral a partiellement admis le recours sur ce point et annulé la disposition en cause 13.

HI - DROIT AU RESPECT DE LA VIE PRIVÉE

17. Dans un arrêt rendu le 15 juin 2009 14, le Tribunal fédéral a jugé que l'instance en charge de l'assurance-accidents est autorisée à faire surveiller une personne assurée par un détective privé. Ce type de mesure n'est pas considéré comme contraire à la protection constitutionnelle de la vie privée au sens de l'article 13 alinéa 1 Cst. En l'espèce, l'intérêt public à ce que l'assurance n'accorde pas ses prestations de manière injustifiée a été considéré comme prépondérant par rapport à l'intérêt privé de l'assuré et conforme au principe de la proportionnalité.

IV - GARANTIE DE LA PROPRIÉTÉ

18. Par arrêt du 23 avril 2009 15, le Tribunal fédéral a été amené à se prononcer sur des mesures visant à protéger le patrimoine. Etaient en cause dans cette affaire des cabanons de pêcheurs situés dans une commune vaudoise, le long de la côte du lac Léman, à proximité immédiate d'un port. D'après la jurisprudence, les restrictions de la propriété ordonnées pour protéger les monuments et les sites naturels ou bâtis sont en principe d'intérêt public. En l'espèce, les juges fédéraux ont considéré que le critère esthétique n'était pas le seul à pouvoir être appliqué : est également protégé ce qui est typique d'une époque ou représentatif d'un style, même relativement récent. Tout objet ne méritant pas une protection, il faut procéder à un examen global, objectif et basé sur des critères scientifiques, qui prenne en compte le contexte culturel, historique, artistique et urbanistique du bâtiment concerné. Les constructions qui sont les témoins et l'expression d'une situation historique, sociale, économique et technique particulière, doivent être conservés. Le Tribunal fédéral a

13 Sur les mesures d'interdiction d'un périmètre, voir également AIJC XXIV-2008, p. 836 ; AIJC XXII-2006, p. 898.

14 ATF 135 I 169 N.

15 ATF 135 1 176 A. et B.

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suisse 855 ajouté que la mesure ne doit pas être destinée à satisfaire uniquement un cercle restreint de spécialistes. Elle doit au contraire apparaître légitime aux yeux du public ou d'une grande partie de la population, pour afficher en quelque sorte une valeur générale.

19. Sur cette base, la concentration de petits cabanons de pêcheurs situés à proximité immédiate du lac constitue un patrimoine digne de protection en tant que témoin d'une activité et d'une époque révolues et également en raison de ses particularités typologiques et de sa rareté. Les deux mesures de protection envisagées - un plan partiel d'affectation et un classement - ont été jugées nécessaires à la sauvegarde du site et, partant, limitant valablement la garantie de la propriété.

20. Appelé à statuer, dans le cadre du contrôle abstrait de constitutionnalité des normes cantonales, sur la validité d'une réglementation adoptée par plusieurs communes valaisannes fixant des quotas et le contingentement des résidences secondaires dans le but de favoriser la création et l'occupation de résidences principales, le Tribunal fédéral a jugé le 26 mai 2009 16 que cette réglementation constituait une base légale au sens tant matériel que formel permettant de limiter valablement la garantie constitutionnelle de la propriété. L'acte en question avait en effet été adopté par les organes législatifs compétents — soit les assemblées primaires des communes concernées, soit l'assemblée de citoyens prévue par la Constitution du canton du Valais - et il avait été soumis à un vote populaire. Le Tribunal fédéral a ajouté que, dans ces conditions, l'acte législatif communal offrait les mêmes garanties, du point de vue de la légitimité démocratique, qu'une loi cantonale.

21. Dans la suite de son arrêt, le Tribunal fédéral a relevé que les communes valaisannes disposent de la compétence d'édicter ce type de réglementation relevant de l'aménagement du territoire. La mesure restrictive de la propriété a été considérée comme répondant de surcroît à un but d'intérêt public prépondérant — l'utilisation rationnelle et mesurée du territoire communal ainsi qu'une offre suffisante de logements pour les personnes résidant effectivement sur place —, tout en respectant le principe de la proportionnalité.

V - GARANTIES DE L'ÉTAT DE DROIT A - Droit à un tribunal impartial

22. Un arrêt rendu le 6 octobre 2008 17 a permis au Tribunal fédéral de préciser les conditions entourant la récusation des membres de tribunaux arbitraux.

Les juges fédéraux ont précisé en la circonstance que les principes généraux, applicables aux juridictions étatiques, doivent également être appliqués aux tribunaux arbitraux privés. L'avocat qui exerce les fonctions de juge, respectivement d'arbitre, apparaît comme partial non seulement lorsque, dans le cadre d'une autre procédure, il représente ou a représenté récemment l'une des parties à la procédure dans laquelle il siège, mais également lorsqu'il représente ou a représenté la partie adverse de cette partie.

16 ATF 135 1 233 Commune de Chermignon et consorts.

17 ATF 135 1 14 X.

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B - Assistance judiciaire

23. Au chapitre des garanties générales de procédure, l'article 29 alinéa 3 Cst.

énonce que toute personne qui ne dispose pas de ressources suffisantes a droit — à moins que sa cause paraisse dépourvue de toute chance de succès — à l'assistance judiciaire gratuite. Elle a en outre droit à l'assistance gratuite d'un défenseur, dans la mesure où la sauvegarde de ses droits le requiert. Le Tribunal fédéral a rendu le 1er

juillet 2009 18 un arrêt dans lequel il a précisé que les dettes d'impôt échues, dont le montant et la date d'exigibilité sont établis, doivent être prises en considération pour l'examen de l'exigence d'indigence au sens de l'article 29 alinéa 3 Cst. de la personne qui sollicite l'assistance judiciaire gratuite, pour autant qu'elles soient effectivement payées.

24. Une personne est indigente au sens de la jurisprudence lorsqu'elle n'est pas en mesure d'assumer les frais de la procédure sans porter atteinte au minimum nécessaire à son entretien et à celui de sa famille. Pour déterminer l'indigence, dont l'existence conditionne l'accès à l'assistance judiciaire gratuite garantie par la Constitution, il convient de prendre en considération l'ensemble de la situation

financière du requérant au moment où la demande est présentée. Celui-ci est tenu d'indiquer de manière complète ses revenus, sa situation de fortune et ses charges. Il y a lieu de mettre en balance, d'une part, la totalité des ressources effectives du requérant et, d'autre part, l'ensemble de ses engagements. Concernant ces derniers, seules les charges réellement acquittées sont susceptibles d'entrer dans le calcul du minimum vital. Des dettes anciennes, sur lesquelles le débiteur ne verse plus rien, ne priment pas l'obligation du justiciable de payer les services qu'il requiert de l'État.

25. S'agissant de déterminer les charges grevant le budget de celui qui requiert le bénéfice de l'assistance judiciaire, le Tribunal a précisé que le refus de tenir compte des montants effectivement payés par le requérant pour solder des dettes d'impôt échues n'apparaissait guère justifiable. Pareil refus se concilie mal avec la règle générale commandant de prendre en considération l'ensemble de la situation financière du requérant pour vérifier si l'indigence alléguée existe ou non.

Les sommes affectées par le requérant au paiement des arriérés d'impôt doivent par conséquent être prises en compte dans l'examen de la condition d'indigence au sens de l'article 29 alinéa 3 Cst.

C - Droit à une décision motivée

26. Un important arrêt rendu le 7 juillet 2009 19, rendu dans le sillage du statut constitutionnel entourant la procédure de naturalisation des étrangers 20 , a permis au Tribunal fédéral de rappeler que les autorités municipales chargées de statuer sur des demandes de naturalisation d'étangers sont tenues de respecter les droits fondamentaux.

27. La règle découle de l'article 35 alinéa 2 Cst., qui oblige toute personne ou tout organe chargé d'une tâche étatique à respecter et à contribuer à la réalisation des 18 ATF 135 I 221 H. X. et F. X.

19 ATF 135 I 265 A. und Mitb.

20 Sur la question, voir les deux arrêts de principe rendus le 9 juillet 2003 par le Tribunal fédéral au sujet de la procédure de naturalisation dans les cantons de Zurich et de Lucerne, AIJC XIX-2003, p. 858 ; voir également AIJC XXIV-2008, p. 843 et les autres références citées.

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SUISSE 85 7 droits fondamentaux. L'autorité saisie d'une demande de naturalisation doit par conséquent se prononcer sur cette dernière de façon motivée et statuer dans un délai raisonnable au sens des garanties générales de procédure prévues à l'article 29 alinéas 1 et 2 Cst.

VI - DROITS POLITIQUES

A - Récolte de signatures sur le domaine public

28. Pour être effectifs, les droits démocratiques doivent fréquemment s'exercer sur le domaine public. Que ce soit dans le cadre de campagnes électorales, d'exercice du droit d'initiative ou de référendums populaires, la mise à disposition des trottoirs, des rues et des places publiques représente un moyen à la fois privilégié et incontournable pour présenter à la population les candidats aux élections, de même que pour diffuser et faire connaître les messages et les programmes politiques.

Comme les formes d'exercice de la démocratie directe, pour être efficaces, appellent souvent des rassemblements collectifs de citoyens, elles constituent un usage accru du domaine public soumis à autorisation, donc au droit de regard de l'État. La question se pose dès lors de déterminer à partir de quel nombre de participants la mobilisation des voies publiques, par exemple lors de la récolte de signatures, constitue un usage accru de ce dernier, de même que les cas dans lesquels

l'autorisation de mise à disposition du domaine public peut être refusée.

29. C'est à ces questions qu'est consacré un arrêt fort intéressant rendu le 28 septembre 2009 par le Tribunal fédéral 21 . Etait en la circonstance en cause un groupement opposé à l'armée suisse, qui entendait récolter des signatures en ville de Saint-Gall en faveur d'une initiative populaire tendant à réviser la Constitution fédérale en interdisant l'exportation de matériel de guerre. Les lieux et les heures de mise à disposition du domaine public sollicités par le groupement ayant été sensiblement réduits par décision de la police locale, le Tribunal administratif du canton constata que l'obligation d'obtenir une autorisation pour récolter des signatures en faveur d'une initiative populaire sur la voie publique ne reposait pas sur une base légale. Le Tribunal cantonal ajouta que des rassemblements de citoyens sur le domaine public n'excédant pas trois personnes ne constituaient pas un usage accru du domaine public, mais au contraire un usage commun, pour lequel aucune autorisation étatique ne pouvait être requise.

30. Le Tribunal fédéral a rejeté le recours exercé par la commune contre cet arrêt. Les juges fédéraux ont commencé par rappeler que les notions d'usage commun ou accru du domaine public sont définies par le droit cantonal. Précisant leur jurisprudence antérieure, ils ont ajouté que le fait de considérer que les récoltes de signatures litigieuses ne constituaient pas un usage accru et qu'elles n'étaient pas soumises à autorisation ne violait pas l'autonomie dont la commune bénéficie dans la gestion de son domaine public. Que ce soit au regard de la garantie des droits politiques ou de la protection de l'exercice d'autres droits fondamentaux, il a finalement été jugé qu'il n'y avait aucun intérêt constitutionnel suffisant pour soumettre, en l'occurrence, la récolte de signatures litigieuse à autorisation 22 .

21 ATF 135 1 302 Politise/se Gemeinde St. Gallen.

22 Au sujet des conditions d'exercice des droits fondamentaux sur le domaine public, voir AIJC XIX- 2003, p. 848 ; AIJC XVIII-2002, p. 826.

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B - Contrôle de la validité d'une initiative populaire

31. Une constitution cantonale peut -elle contenir une disposition habilitant l'État à instaurer un salaire minimum dans tous les domaines d'activité économique, afin que toute personne exerçant une activité salariée puisse disposer d'un salaire lui garantissant des conditions de vie décentes ? C'est à cette question qu'est consacré un important arrêt rendu le 8 avril 2010 23 par le Tribunal fédéral à propos du canton de Genève. En l'espèce, une initiative populaire tendant à la révision partielle de la Constitution genevoise fut lancée au mois d'octobre 2008. Après avoir recueilli le nombre de signatures prescrit, l'initiative fut cependant déclarée contraire au droit fédéral par le Grand Conseil du canton et invalidée. Saisi d'un recours, le Tribunal a annulé cette décision 24.

32. La Haute Cour a précisé que, d'une manière générale, une initiative populaire cantonale, quelle que soit sa formulation, est tenue de respecter les conditions matérielles qui lui sont imposées. Elle ne doit, en particulier, rien contenir de contraire au droit supérieur, qu'il soit de rang cantonal, intercantonal, fédéral ou international. En vertu du principe de la primauté du droit fédéral ancré à l'article 49 alinéa 1 Cst., les cantons ne sont en effet pas autorisés à légiférer dans les matières exhaustivement réglementées par le droit fédéral. Dans les autres domaines, ils peuvent édicter des règles de droit pour autant que celles-ci ne violent ni le sens ni l'esprit du droit fédéral, et qu'elles n'en compromettent pas la réalisation. Cela concerne en particulier les règles de droit public cantonal qui sont en concours avec le droit civil fédéral, dans leurs rapports avec ce droit. De telles règles, que les cantons peuvent édicter en vertu de l'article 6 du Code civil, ne sont admissibles qu'à la triple condition que le législateur fédéral n'ait pas entendu réglementer la matière de manière exhaustive, que les règles cantonales soient justifiées par un intérêt public pertinent et, enfin, qu'elles n'éludent ni ne contredisent le sens ou l'esprit du droit civil fédéral.

33. Selon la pratique constante qui a cours en Suisse, l'autorité appelée à statuer sur la validité d'une initiative doit en interpréter les termes dans le sens le plus favorable aux initiants. Lorsque, à l'aide des méthodes reconnues, le texte d'une initiative populaire se prête à une interprétation qui la fait apparaître comme conforme au droit supérieur, elle doit être déclarée valable et soumise au peuple.

L'interprétation conforme doit ainsi permettre d'éviter autant que possible les déclarations d'invalidité. Aux termes de l'article 66 alinéa 3 de la Constitution genevoise, le Grand Conseil déclare partiellement nulle l'initiative dont une partie est manifestement non conforme au droit si la ou les parties qui subsistent sont en elles-mêmes valides. À défaut, il déclare l'initiative nulle dans son ensemble. Il découle de cette règle qu'une invalidation, qu'elle soit partielle ou totale, ne peut reposer que sur une violation manifeste du droit supérieur.

34. En l'occurrence, après avoir relevé que l'introduction d'un salaire minimum a fait l'objet de nombreuses analyses comme d'avis divers et partagés en Suisse, les juges fédéraux ont retenu que la violation du droit supérieur n'atteignait vraisemblablement pas le degré d'évidence voulu par la norme constitutionnelle 23 Arrêt du Tribunal fédéral lC_357/2009 Solidarités et consorts c. Grand Conseil de la République et canton de Genève.

24 Plus généralement, sur le contrôle de validité des initiatives populaires par le Tribunal fédéral, voir AIJC XXIV-2008, p. 846 ; AIJC XXII-2006, p. 908 ; AIJC XIX-2003, p. 857.

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suisse 859 genevoise pour invalider l'initiative en cause. Certes, l'initiative pose des problèmes délicats de complexité au regard de la réglementation fédérale de la protection des travailleurs et du contrat de travail, domaines dans lesquels les cantons ne disposent pas de compétences étendues. Elle pose aussi des problèmes au regard de la liberté économique, en particulier de la liberté contractuelle protégée par la Constitution fédérale. Toutefois, même si le cadre et les strictes conditions posées par le respect du droit fédéral rendent l'initiative « très difficile à mettre en œuvre », le Tribunal fédéral a jugé que ces éléments ne suffisaient pas à la rendre d'emblée manifestement contraire au droit supérieur. Il a donc admis le recours et renvoyé le dossier aux autorités cantonales afin qu'elles soumettent l'initiative au vote du peuple genevois.

C - Invalidation d'un scrutin populaire

35. La garantie des droits politiques au sens de l'article 34 Cst. comprend la libre formation de même que l'expression fidèle et sûre de la volonté populaire. Il s'agit d'une facette centrale de cette garantie, issue historiquement d'un important travail jurisprudentiel et qui alimente une casuistique soutenue de la Cour suprême.

Dans un arrêt rendu le 12 août 2009 23 concernant une votation qui s'était déroulée dans une commune alémanique, le Tribunal fédéral a souligné que la présentation inexacte d'un document essentiel provenant de privés, lequel avait été porté à la connaissance des citoyens seulement lors de l'assemblée communale, atteignait la formation de l'opinion des citoyens et violait, partant, la liberté de vote. Il a sur cette base annulé la décision prise par l'assemblée en question dans le cadre d'un processus de remaniement en matière d'aménagement du territoire.

VII - ACCORD BILATÉRAL SUR LA LIBRE CIRCULATION DES PERSONNES A - Non discrimination

36. Par un arrêt de principe rendu le 26 janvier 2010 26, le Tribunal fédéral a jugé que le système d'imposition à la source pratiqué sur les revenus des travailleurs frontaliers employés dans le canton de Genève contrevenait à l'interdiction de discrimination contenue dans l'ALCP. Était en cause dans cette affaire la situation d'un ressortissant suisse domicilié en Haute-Savoie, mais qui travaillait à Genève en qualité de comptable. Les revenus que l'intéressé réalisait en Suisse étant taxés à la source, compte tenu de son domicile en France voisine, sans possibilité de déduire certaines dépenses, il a fait valoir devant le Tribunal fédéral une discrimination au sens des articles 2 ALCP et 9 alinéa 2 de l'annexe I à cet instrument par rapport aux travailleurs domiciliés à Genève, pour lesquels des possibilités plus larges de déduction fiscale sont prévues. En particulier, le travailleur imposé à la source dans le canton de Genève ne peut pas, contrairement au contribuable soumis au régime d'imposition ordinaire, obtenir la déduction de ses frais effectifs de transport, de ses dépenses effectives en matière de frais professionnels ni la déduction des primes et cotisations d'assurances à sa charge, puisque ces dépenses sont déjà comprises forfaitairement dans le barème qui lui est appliqué. Il ne peut en outre obtenir des déductions supplémentaires que pour certains postes énumérés de manière limitative.

25 ATF 135 I 292 Duss und Steffen.

26 Arrêt du Tribunal fédéral 2C_3 19/2009 X. c. Administration fiscale du canton de Genève.

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37. Le Tribunal fédéral a donné raison au recourant sur la base des dispositions précitées, en se référant abondamment à la jurisprudence développée par la Cour de justice des communautés européennes. De l'avis des juges fédéraux, la jurisprudence communautaire en matière de fiscalité directe constitue un cas d'application des règles générales d'égalité de traitement. Ces règles prohibent non seulement les discriminations ostensibles fondées sur la nationalité (discriminations directes), mais encore toutes les formes dissimulées de discrimination qui, par application d'autres critères de distinction, aboutissent en fait au même résultat (discriminations indirectes). À moins qu'elle ne soit objectivement justifiée et proportionnée à l'objectif poursuivi, une disposition de droit national doit, selon cette jurisprudence, être considérée comme indirectement discriminatoire dès lors qu'elle est susceptible, par sa nature même, d'affecter davantage les ressortissants d'autres Etats membres que les ressortissants nationaux et qu'elle risque, par conséquent, de défavoriser plus particulièrement les premiers. La Cour de justice a jugé que, si la fiscalité directe relève certes de la compétence des États membres, il n'en demeure pas moins que ces derniers doivent l'exercer dans le respect du droit communautaire. Ils sont tenus, par conséquent, de s'abstenir de toute discrimination ostensible ou déguisée fondée sur la nationalité.

38. Au final, le Tribunal fédéral a relevé que, alors même que d'après la règle de l'article 190 Cst., les juges fédéraux ne sont pas légitimés à refuser d'appliquer une loi fédérale, la jurisprudence qu'ils ont développée depuis une quinzaine d'années les a conduits à faire prévaloir le droit international public sur les lois fédérales dans le domaine des droits de l'homme comme dans les autres domaines 27 . En application de cette jurisprudence, l'article 9 alinéa 2 de l'Annexe I à l'ALCP et l'interdiction de discrimination l'emportent sur le droit interne contraire et déploient ainsi un effet direct en ce qui concerne, en particulier, le régime de l'imposition à la source des travailleurs frontaliers contenu dans la législation de rang fédéral. Le recours a ainsi été admis et la cause renvoyée aux instances cantonales afin que le recourant se voie appliquer, lors de son imposition à la source, le même régime de déductions fiscales que les contribuables résidant en Suisse qui sont soumis au régime d'imposition ordinaire.

39- Le 24 mars 2009 28, le Tribunal fédéral a été amené à préciser sa jurisprudence sur les moyens financiers « suffisants » requis des personnes qui revendiquent un droit de séjour et qui n'exercent pas d'activité économique dans l'État de résidence au sens des articles 1 lettre c ALCP et 24 alinéas 1, 2 et 8 de l'annexe I à cet accord. Les juges fédéraux ont souligné que la réglementation sur les conditions économiques du séjour a pour but d'éviter que les finances publiques du pays d'accueil ne soient excessivement grevées. Ce but est atteint si l'intéressé dispose de moyens d'existence suffisants quelle que soit leur origine, propre ou étrangère.

40. Il sied cependant d'examiner si les moyens provenant d'un tiers sont effectivement à disposition de l'intéressé. Si l'intéressé devait ensuite quand même prétendre à l'aide sociale ou à des prestations complémentaires, le droit de séjour cesserait conformément à l'article 24 alinéa 8 de l'annexe I à l'ALCP et des mesures mettant fin au séjour pourraient être prises. En l'espèce, les conditions de l'octroi du 27 Sur le sujet, voir par exemple ATF 131 II 352 A. et ATF 133 V 367 Segretariato di Stato dell'economia.

28 ATF 135 II 265 X.

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SUISSE 861 titre de séjour ont été considérées comme remplies en tout cas aussi longtemps que l'aide sociale ou des prestations complémentaires n'étaient pas revendiquées dans le cas d'une ressortissante allemande qui s'était domiciliée dans le canton de Lucerne pour y rejoindre sa fille mariée à un citoyen suisse.

B - Regroupement familial

41. Le Tribunal fédéral a adapté sa jurisprudence à la nouvelle pratique de la Cour de justice des communautés européennes en matière de regroupement familial dans l'affaire Metock 29 . Par arrêt du 29 septembre 2009 30, les juges fédéraux ont ainsi précisé qu'en vue d'assurer une situation juridique parallèle entre les États membres de la Communauté européenne et entre ceux-ci et la Suisse, il doit désormais être renoncé à la condition voulant qu'une personne ayant la nationalité d'un Etat tiers ait préalablement déjà séjourné légalement en Suisse ou dans une autre partie contractante pour rejoindre un ressortissant communautaire en Suisse au titre du regroupement familial.

42. Dans un autre arrêt rendu le 24 mars 2009 31 , le Tribunal fédéral, se référant à la jurisprudence de la Cour de justice des communautés européennes, a jugé que la disposition sur le regroupement familial de l'article 3 annexe 1 ALCP est applicable aux personnes qui, à côté de leur nationalité suisse, possèdent aussi la nationalité d'un autre Etat partie à l'Accord.

VIII - CEDH

A - Révision d'arrêts du Tribunal fédéral

43-Par arrêt du 30 juin 2009 32, la Grande Chambre de la Cour européenne des droits de l'homme a condamné la Suisse pour violation de l'article 10 CEDH dans le cas du refus répété des autorités suisses de diffuser à la télévision un message d'une association vouée à la protection des animaux, qui dénonçait en l'occurrence les conditions d'élevage des porcs en batterie. Cette affaire, qui remonte à l'année 1994 33 avait donné lieu le 28 juin 2001 à un arrêt de la Cour de Strasbourg constatant une violation de l'article 10 CEDH 34 .

44. La révision de l'arrêt du Tribunal fédéral s'étant révélée incomplète sur le terrain du droit interne 35 — le Tribunal fédéral ayant considéré que c'était au moyen d'une procédure civile, et non par la voie de la révision, qu'il appartenait à l'association de demander la diffusion du spot télévisé litigieux 36 —, la Cour de Strasbourg fut saisie une deuxième fois. Par arrêt du 4 octobre 2007, elle donna à nouveau raison à l'association requérante au motif que le maintien de l'interdiction de la diffusion du spot télévisé litigieux après la constatation par la Cour d'une atteinte à l'article 10 CEDH constituait une nouvelle violation de la liberté 29 Arrêt C-127/08 Metock et autres du 25 juillet 2008.

30 ATF 136 II 5 X. und Y.

31 ATF 135 II 369 X.

32 ACEDH Verein gegen T ierfabriken (VgT) c. Suisse (n° 2).

33 ATF 123 II 402 Verein gegen Tierfabriken.

34 ACEDH Verein gegen Tierfabriken c. Suisse du 28 juin 2001, Rec. 2001-VI, p. 243.

35 Sur la procédure de révision d'arrêts du Tribunal fédéral suite à un constat de violation de la CEDH émanant de la Cour européenne des droits de l'homme, voy. AIJC XXIV-2008, p. 849.

36 Arrêt du Tribunal fédéral 2A. 526/2001 Verein gegen Tierfabriken Schweiz, du 29 avril 2002.

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d'expression. Et dans son arrêt du 30 juin 2009, la Grande Chambre, saisie par le Gouvernement suisse, confirma à son tour le constat de violation de l'article 10 CEDH, à la majorité de onze voix contre six.

45. À la suite de cet arrêt, le Tribunal fédéral a été saisi d'une nouvelle demande en révision, en application de l'article 122 LTF. Les juges fédéraux ont, par arrêt du 4 novembre 2009 37 , accepté cette demande et prononcé l'annulation des deux arrêts qui avaient successivement conduit à la saisine de la Cour européenne.

Quelque seize ans après les faits, la diffusion du message litigieux a finalement été autorisée. Celui-ci a été diffusé sur les ondes de la télévision suisse alémanique au début de l'année 2010.

46. Dans l'arrêt Emre qu'elle a rendu le 22 mai 2008, la Cour européenne des droits de l'homme a condamné la Suisse pour violation du droit au respect de la vie privée et familiale au sens de l'article 8 CEDH. Etait en cause dans cette affaire un ressortissant turc né en Turquie en 1980, mais qui a résidé en Suisse de façon ininterrompue depuis 1986. Après avoir commis de multiples infractions, l'intéressé se vit notifier une décision d'expulsion administrative pour une durée indéterminée.

Les recours exercés contre cette décision devant les instances cantonales, puis devant le Tribunal fédéral furent rejetés au motif que la protection de la sécurité publique primait sur l'intérêt privé de l'intéressé, même si ce dernier avait passé la plus grande partie de sa vie en Suisse et n'entretenait que des rapports extrêmement ténus avec son pays d'origine. La Cour de Strasbourg a jugé quant à elle que la mesure d'expulsion présentait en l'occurrence un caractère disproportionné au regard de l'article 8 paragraphe 2 CEDH. La Cour a estimé que cette mesure ne ménageait pas un juste équilibre entre les intérêts du requérant et de sa famille d'une part, et l'intérêt propre à contrôler l'immigration, d'autre part, compte tenu en particulier de la gravité relative des condamnations prononcées contre le requérant, de la faiblesse des liens qu'il entretenait avec son pays d'origine ainsi que du caractère définitif de la mesure d'éloignement.

47. Par arrêt du 6 juillet 2009 38, le Tribunal fédéral a admis la demande de révision présentée par l'intéressé. Annulant l'arrêt qui avait donné lieu à la saisine de la Cour européenne, les juges fédéraux ont retenu qu'il se justifiait de limiter l'expulsion prononcée contre le requérant à une durée de dix ans. Ils ont précisé que, passé ce délai, l'intéressé pourrait déposer une demande d'autorisation de séjour, laquelle devrait être examinée par l'autorité compétente à la lumière du droit applicable et des circonstances qui prévaudront alors, en fonction de sa situation familiale et personnelle, de son comportement depuis son expulsion.

B - Principe du non-refoulement

48. Conformément à une jurisprudence solidement établie 39 , le Tribunal fédéral considère que la responsabilité internationale de la Suisse peut être engagée en cas de remise d'une personne à l'étranger lorsque le risque d'une violation des droits de l'homme de l'intéressé est avéré, tout particulièrement sous l'angle de

37 Arrêt du Tribunal fédéral 2F_6/2009 Verein gegen Tierfabriken Schweiz VgT c. SRG SSR idée suisse Schweizerische Radio-und Fernsehgesellschaft.

38 Arrêt du Tribunal fédéral 2F_1 1/2008 Emrah Emre c. Département de l'économie du canton de Neuchâtel et Tribunal administratif du canton de Neuchâtel.

39 Sur le sujet, voy. AIJC XXIV-2008, p. 849 et les références citées.

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suisse 863 l'interdiction de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants au sens de l'article 3 CEDH. L'article 25 alinéa 3 Cst. reprend ce cas de figure en énonçant que nul ne peut être refoulé sur le territoire d'un État dans lequel il risque la torture ou tout autre traitement ou peine cruels ou inhumains. Ces dispositions ont pour but d'éviter que la Suisse ne prête son concours à des procédures qui ne garantiraient pas à la personne poursuivie un standard de protection minimal correspondant à celui des États démocratiques. Elles sont fréquemment invoquées en lien avec les procédures d'extradition.

49. Dans un arrêt rendu le 12 mars 2009 40 , le Tribunal fédéral s'est interrogé sur l'application du principe du non-refoulement dans le cas d'une personne déjà condamnée. L'affaire concernait un ressortissant letton condamné dans le canton de Vaud à la peine de quinze ans de réclusion pour assassinat, vol et infraction à la législation sur les stupéfiants.

50. La question du transfèrement des personnes condamnées entre la Suisse et la Lettonie est réglée par une Convention du 21 mars 1983. Pour le Tribunal fédéral, les principes qui gouvernent le non-refoulement d'une personne doivent également s'appliquer à la procédure de transfèrement. La Convention repose en effet essentiellement sur des motifs humanitaires : il s'agit d'éviter les souffrances qui peuvent résulter, pour la personne condamnée, d'une incarcération éloignée de son milieu familial et culturel et de favoriser sa réinsertion dans son pays d'origine.

L'autorité suisse est donc tenue, avant de requérir le transfèrement, de s'assurer elle- même que la personne concernée n'est pas sérieusement menacée d'un traitement prohibé de la part de l'État destinataire. Si les risques sont réels, la Suisse doit renoncer à la demande de délégation de l'exécution. Dans le cas d'espèce, au vu des conditions générales de détention dans l'État concerné et compte tenu de la situation particulière du recourant, notamment de son état de santé, les juges fédéraux ont considéré qu'il y avait lieu de s'enquérir des conditions prévisibles de détention et de la possibilité de recevoir des soins appropriés.

C - Principe ne bis in idem

5 1 . En dépit de son apparente simplicité, le principe ne bis in idem au sens des articles 4 du Protocole additionnel n° 7 à la CEDH et 14 paragraphe 7 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques pose des problèmes d'application et d'interprétation souvent délicats. Dans un arrêt rendu le 4 novembre 2008 41 , le Tribunal fédéral s'est prononcé sur le cas d'un ressortissant étranger dont la demande d'asile avait été rejetée et qui résidait de manière irrégulière en Suisse.

52. Les juges fédéraux ont précisé à cette occasion que le fait de résider en situation irrégulière sur le sol suisse de manière durable et ininterrompue constitue un délit continu. Une condamnation survenue en raison de ce délit opère toutefois une césure. Ainsi, le fait de perpétuer cette situation après le jugement constitue un acte indépendant, sujet à ce titre à de nouvelles poursuites. Par conséquent, le principe ne bis in idem ne s'oppose pas à une nouvelle condamnation à raison des faits qui ne sont pas couverts par le premier jugement.

40

41 ATF 135 I 191 A. ATF 135 IV 6 X.

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D - Droits et obligations de caractère civil

53. Par deux arrêts rendus le 7 avril 2010 42, le Tribunal fédéral a jugé que la détermination du statut et, en particulier, de la classe de traitement appliqués aux formateurs d'enseignants de l'instruction publique dans le canton de Genève tombait sous le coup de la notion de droits et obligations de caractère civil au sens de l'article 6 paragraphe 1 CEDH.

54. Pour les juges fédéraux, qui ont en cela suivi la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, il y a désormais une présomption que la norme conventionnelle s'applique aux contestations relatives aux employés de la fonction publique. Pour que ces litiges soient soustraits à la protection offerte par l'article 6 paragraphe 1 CEDH, deux conditions doivent être remplies. En premier lieu, le droit interne de l'Etat concerné doit avoir expressément exclu l'accès à un tribunal s'agissant du poste ou de la catégorie de salariés en question. En second lieu, cette dérogation doit reposer sur des motifs objectifs liés à l'intérêt de l'Etat. Le simple fait que l'intéressé relève d'un secteur ou d'un service qui participe à l'exercice de la puissance publique ne présente pas en soi un caractère déterminant. Encore faut-il que l'objet du litige soit lié à l'exercice de l'autorité étatique, de sorte que les conflits ordinaires du travail — comme ceux qui portent sur un salaire, une indemnité ou d'autres droits de ce type - ne sont en principe pas soustraits aux garanties de l'article 6 CEDH. Le Tribunal fédéral a sur cette base admis les recours dirigés contre les deux arrêts par lesquels le Tribunal administratif du canton de Genève s'était déclaré incompétent pour connaître de ce type de litige.

E - Accusation en matière pénale

55. Dans un arrêt daté du 18 juin 2009 43, le Tribunal fédéral a jugé que les amendes infligées pour violation de la discipline de procédure n'entrent pas dans le champ d'application de l'article 6 paragraphe 1 CEDH. Etait en cause dans cette affaire un particulier convoqué par le ministère public de Zurich et qui s'était vu infliger une amende de 300 francs en raison de son comportement lors de son audition. De l'avis du Tribunal fédéral, l'aspect disciplinaire de la sanction présentait en l'occurrence un caractère prépondérant, qui faisait obstacle à l'application du volet pénal de la garantie du procès équitable au sens de la norme conventionnelle.

IX - RÉPARTITION DES COMPÉTENCES ENTRE LA CONFÉDÉRATION ET LES CANTONS

56. Dans un arrêt du 29 janvier 2009 44 , le Tribunal fédéral a jugé que l'autorité cantonale compétente en matière d'aide sociale est liée par la décision par laquelle l'autorité tutélaire a ordonné le placement d'un enfant mineur dans un internat. Cette autorité ne saurait par conséquent refuser la prise en charge des frais en se fondant sur des dispositions de la législation cantonale en matière d'aide sociale. La décision de placement étant rendue en application du droit fédéral, l'autorité cantonale n'est en effet pas habilitée à invoquer les règles cantonales relatives à l'aide sociale pour faire échec à la mise en oeuvre de la mesure fondée sur les dispositions relevant du code civil fédéral.

42 Arrêts du Tribunal fédéral 8C_45 3/2009 C. c. État de Genève et 8C_457/2009 S. c. État de Genève.

43 ATF 135 1 313 X.

44 ATF 135 V 134 S.

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