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Chronique de jurisprudence constitutionnelle suisse : année 2013

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Chronique de jurisprudence constitutionnelle suisse : année 2013

HOTTELIER, Michel

HOTTELIER, Michel. Chronique de jurisprudence constitutionnelle suisse : année 2013.

Annuaire international de justice constitutionnelle, 2014, vol. 29-2013, p. 871-891

DOI : 10.3406/aijc.2014.2209

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:43094

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Suisse

M. Michel Hottelier

Citer ce document / Cite this document :

Hottelier Michel. Suisse. In: Annuaire international de justice constitutionnelle, 29-2013, 2014. Pluralisme des garanties et des juges et droits fondamentaux - Les droits culturels. pp. 871-891;

doi : https://doi.org/10.3406/aijc.2014.2209

https://www.persee.fr/doc/aijc_0995-3817_2014_num_29_2013_2209

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CHRONIQUES

SUISSE

par Michel HOTTELIER *

1. - Applicabilité directe de la Constitution fédérale ? - II. - Interdiction dfe la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants ; A - Conditions de détention ; B - Détention de personnes âgées ; C - Renvoi d'un étranger par avion ; D - Principe de non-refoulement — III. - Droit à des conditions minimales d'existence

—IV. - Liberté personnelle ; A - Détention de chiens ; B - Manifestations sportives violentes -V. - Droit au respect de la vie privée et familiale — VI. - Liberté religieuse ; A - Port du foulard islamique ; B - Interdiction de manuels scolaires religieux ; C - Liberté de religion et relations privées — VII. - Liberté d'expression ; A - Diffusion de publicité ; B - Obligation de présentation fidèle d'événements lors de débats télévisés ; C - Statut des manifestations — VIII. - Liberté de la langue — IX. - Garantie de la propriété ; lumineuses - X. - Liberté économique ; A - Publicité des avocats ; B - Horaires d'exploitation délai référendaire — XIII. - Accord bilatéral sur la libre circulation des personnes — XII. - Droits politiques ; A - Validité d'une initiative populaire ; B - Computation du A - Maintien d'une discothèque —XI. - Interdiction du patrimoine bâti ; B - Limitation des discriminations — d'émissions

XIV. — Cour européenne des droits de l'homme ; A - Interdiction du travail forcé;

B - Notion d'accusation en matière pénale; C-Tribunal indépendant et impartial ; D - Renvoi d'étrangers ; E - Prestations d'assurances sociales - XV. - Principe de la séparation des pouvoirs - XVI. - Répartition des compétences entre la Confédération et les cantons ; A - Bail à loyer ; B - Protection contre le tabagisme passif ; C - Remboursement de prestations sociales ; D - Interdiction du travail dominical.

*

I.-APPLICABILITÉ DIRECTE DE LA CONSTITUTION FÉDÉRALE ?

1. A diverses reprises, la présente Chronique a évoqué la question de l'applicabilité directe des normes contenues dans la Constitution fédérale comme condition permettant l'exercice de la juridiction constitutionnelle. Tel est en

* Professeur à la Faculté de droit de l'Université de Genève.

Annuaire international de justice constitutionnelle, XXIX-2013

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particulier le cas des garanties contenues dans le catalogue de droits fondamentaux1.

Cela étant, d'autres normes constitutionnelles sont-elles aussi susceptibles de présenter des contours suffisamment précis pour permettre une application directe,

sans intervention préalable du législateur ?

2. Le Tribunal fédéral s'est prononcé sur cette intéressante question à l'occasion d'un arrêt de principe rendu le 12 octobre 20122 au sujet de l'article 121 alinéa 3 Cst. Cette disposition, adoptée par le peuple et les cantons le 28 novembre 2010, prescrit l'expulsion automatique des étrangers condamnés pour certains types d'infractions. La Haute Cour a jugé que l'article 121 alinéa 3 Cst. ne présente pas un degré de précision suffisant pour pouvoir être appliqué tel quel, sans législation d'exécution revêtant la forme d'une loi votée à cet effet par l'Assemblée fédérale.

L'éventuelle application d'un principe constitutionnel passe donc en principe par le vote préalable d'une loi fédérale au sens de l'article 164 Cst., une loi elle-même

soumise au référendum législatif de l'article 141 Cst.

3. Un arrêt rendu le 22 mai 20133 a permis au Tribunal fédéral d'aborder à nouveau la problématique de l'applicabilité directe de normes constitutionnelles attributives de compétences à la Confédération. Était cette fois en cause l'article 75b Cst. qui, adopté le 11 mars 2012 par le peuple et les cantons, limite à 20 % au plus du parc des logements et de la surface brute au sol habitable de chaque commune suisse le nombre des résidences secondaires. Après avoir relevé que cette disposition est, conformément à l'article 195 Cst., entrée en vigueur le jour de son adoption en scrutin populaire, les juges fédéraux ont souligné qu'elle contient, en relation avec l'article 197 chiffre 9 alinéa 2 Cst., une interdiction de construire immédiatement applicable aux résidences secondaires situées dans les communes où la proportion de 20 % est déjà atteinte. Les juges fédéraux ont indiqué que cette interdiction vaut pour toutes les autorisations de construire délivrées en première instance par les communes concernées à partir du 11 mars 2012. Les permis délivrés avant le 1er janvier 2013 sont annulables sur recours, alors que ceux qui ont été délivrés après cette date sont quant à eux nuls de plein droit en vertu de la clause prévue à l'article 197 chiffre 9 alinéa 2 Cst.

4. Dans un autre arrêt prononcé le même jour4, le Tribunal fédéral a aussi admis que la limitation de la construction de résidences secondaires selon l'article 75b Cst. représente une tâche de la Confédération qui tend à protéger la nature et l'aspect caractéristique du paysage. Les autorisations de construire peuvent dès lors faire l'objet d'un recours au sens de la législation fédérale sur la protection de la nature pour violation de l'article 75b Cst. et de ses dispositions transitoires et d'exécution. Aussi, l'association qui avait lancé l'initiative populaire à l'origine de l'article 75b Cst., pour faire partie des organisations habilitées à recourir dans le domaine de la protection de la nature et du paysage, s'est-elle vu reconnaître la qualité pour recourir sur la base de cette disposition. Un nombre important d'arrêts a par la suite été rendu par la Haute Cour sur la base de ce raisonnement5.

1 Voir AIJC XXVII-2011, p. 1013 ; AIJC XXI-2005, p. 720. Sur la question, voir également Andreas AUER, Giorgio MALINVERNI, Michel HOTTELIER, Droit constitutionnel suisse, vol. I, L'État, y éd., Berne 2013, pp. 688 ss et les références citées.

2 Recueil officiel des arrêts du Tribunal fédéral suisse (ci-après : ATF) ATF 139 I 16 X., évoqué in AIJC XXVIII-2012, p. 927. Les arrêts du Tribunal fédéral suisse, dont sont issus les extraits cités dans la présente chronique, peuvent être consultés en ligne sur le site www.bger.ch.

3 ATF 139 II 243 A. und Mitb. Voir également ATF 139 II 263 A. und Mitb.

4 ATF 1 39 II 27 1 Helvetia Nostra.

5 Voir par exemple l'arrêt du Tribunal fédéral 1C_483/2013 du 22 octobre 2013 Helvetia Nostra c. A., B. et Municipalité d'Ormont-Dessous.

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suisse 873 II.-INTERDICTION DE LA TORTURE ET DES PEINES OU TRAITEMENTS

INHUMAINS OU DÉGRADANTS A.-Conditions de détention

5. Lorsqu'elle vient à être invoquée, l'interdiction de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants concerne le plus souvent la manière dont les personnes privées de liberté sont traitées par les autorités. Les contours de cette garantie constitutionnelle et conventionnelle sont toutefois plus larges. Un arrêt de principe daté du 5 février 20136 avait par exemple permis au Tribunal fédéral d'étendre le contexte entourant l'application de la garantie au cadre architectural et aux conditions matérielles de la privation de liberté dans le cas du placement d'un prévenu durant quatorze jours dans la cellule d'un commissariat de police prévue en principe pour une rétention de 48 heures maximum. La Haute Cour a eu l'occasion d'examiner de façon plus détaillée les conditions applicables aux établissements pénitentiaires à la faveur de plusieurs arrêts de principe discutés en délibération publique le 26 février 20147.

6. Les quatre affaires portaient sur les conditions de détention au sein de la prison de Genève. Principalement voué à la détention provisoire l'établissement, bâti en 1977, offre une capacité d'accueil de 37 6 places. Au mois de juin 2012, il accueillait 671 détenus, dont 218 en exécution de peine. Ce taux d'occupation - près de 200 % à l'époque des faits - présente un caractère chronique depuis plusieurs années. La surpopulation carcérale n'a en effet pas baissé, en dépit de l'ouverture, en 2008, d'un établissement d'exécution de peine de 68 places et la création, en 2011, de 100 places supplémentaires dans une nouvelle aile du bâtiment. Devant le Tribunal fédéral, l'un des requérants, placé en détention provisoire dans le cadre d'une procédure pénale pour participation à un important trafic de cocaïne, faisait valoir une violation de l'interdiction de la torture et des peines ou traitements

inhumains ou dégradants en raison des conditions de sa détention.

7. Le Tribunal fédéral a partiellement admis le recours. Relevant que l'interdiction de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants est prévue aussi bien par la Constitution fédérale, par le Code de procédure pénale fédéral, par la Constitution du canton de Genève que par l'article 3 CEDH, la Haute Cour a passé en revue la jurisprudence, jusqu'alors très ponctuelle, qu'elle avait consacrée à la question des conditions de détention. Relevant l'importance que revêt le principe de la dignité humaine dans ce contexte, elle a ensuite jugé l'affaire principalement à l'aune de l'article 3 CEDH, en lien d'une part avec les règles pénitentiaires édictées au sein du Conseil de l'Europe et la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme et, d'autre part, avec les constatations du Comité européen et de la Commission nationale pour la prévention de la torture. Ce dernier organe avait d'ailleurs visité la prison genevoise au mois de juin 2012.

8. Le Tribunal fédéral a jugé sur la base de tous ces éléments que l'occupation d'une cellule prévue pour trois personnes par six détenus, avec une surface individuelle inférieure à 3,83 m2 - surface restreinte, de surcroît, par le mobilier - peut contrevenir à l'article 3 CEDH si elle s'étend sur une longue période et si, en outre, elle s'accompagne d'autres mauvaises conditions de détention. Les juges fédéraux ont précisé qu'une durée qui s'approche de trois mois consécutifs (délai que l'on retrouve en matière de contrôle périodique de la détention provisoire au regard 6 ATF 139 IV 41 A ; voir AIJC XXVIII-2012, p. 929.

7 Arrêt du Tribunal fédéral 1B_369/2013 A. c. Ministère public du canton de Genève. Voir également les arrêts 1B_335/2013 A. c. Ministère public du canton de Genève, 1B _336/2013 A. c. Ministère public du canton de Genève et 1B_404/2013 A. c. Ministère public du canton de Genève.

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du Code de procédure pénale fédéral) apparaît comme la limite au-delà de laquelle de telles conditions ne peuvent plus être tolérées. En effet, si les conditions de détention provisoire peuvent être plus restrictives lorsque les risques de fuite, de collusion et de récidive sont plus élevés ou lorsque l'ordre et la sécurité dans la prison sont particulièrement mis en danger, cela ne vaut pas lorsque la durée de la détention provisoire est de l'ordre de trois mois. La Haute Cour a ajouté que ce délai ne saurait être compris comme un délai au sens strict du terme, mais plutôt comme une durée indicative à prendre en compte dans le cadre de l'appréciation globale de l'ensemble des conditions concrètes entourant une privation de liberté.

9. En définitive, au regard de ces éléments, l'effet cumulé de l'espace individuel inférieur à 3,83 m2, d'un nombre de 157 jours consécutifs passés par l'intéressé dans ces conditions de détention difficiles et, surtout, de son confinement en cellule 23 heures sur 24 avaient rendu la détention subie pendant cette période incompatible avec le niveau de souffrance inhérent à toute mesure de privation de liberté. Selon le Tribunal fédéral, un tel mode de détention a procuré au requérant, sur la durée, une détresse ou une épreuve qui dépassait le minimum de gravité requis, ce qui s'apparentait à un traitement dégradant, incompatible avec les exigences de respect de la dignité humaine et de la vie privée.

B.-Détention de personnes âgées

10. Le maintien en détention d'un condamné âgé et malade est-il susceptible de constituer une violation de l'article 3 CEDH ? C'est à cette intéressante question que le Tribunal fédéral a été confronté à l'occasion d'un arrêt rendu le 13 septembre 201 38. Était en cause dans cette affaire une personne condamnée par la Cour d'assises du canton de Genève pour plusieurs infractions contre l'intégrité sexuelle à une peine de dix ans de privation de liberté. L'intéressé, âgé de 89 ans, était atteint d'un cancer généralisé. Une interruption de l'exécution de la peine ayant été refusée par l'autorité de dernière instance cantonale, il fît valoir une violation de l'article 3 CEDH devant le Tribunal fédéral. La Haute Cour a rejeté le recours.

11. De l'avis des juges fédéraux, un traitement ne tombe sous le coup de l'interdiction des peines et traitements inhumains ou dégradants que s'il atteint un minimum de gravité. Au regard des standards posés par la jurisprudence, l'appréciation de ce minimum est relative par essence. Elle dépend de l'ensemble des données de la cause et, notamment, de la nature et du contexte du traitement, des modalités entourant son exécution, de sa durée, de ses effets physiques ou mentaux, ainsi que, parfois, du sexe, de l'âge et de l'état de santé de la personne concernée. Le Tribunal fédéral a ajouté que, si aucune disposition n'interdit en tant que telle la détention au-delà d'un certain âge, le tableau clinique d'un détenu constitue toutefois l'une des situations pour lesquelles la question de la capacité à la détention est posée sous l'angle de l'article 3 CEDH. Citant la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, la Haute Cour a ajouté que l'examen de la compatibilité d'un état de santé préoccupant avec un maintien en détention suppose la prise en compte de trois éléments particuliers : la condition du détenu, la qualité des soins dispensés et l'opportunité de maintenir la détention au vu de l'état de santé du requérant.

12. En l'espèce, pour être sans conteste mauvais, l'état de santé du requérant n'avait pas été jugé incompatible avec sa détention, ni été sérieusement mis en danger par celle-ci. En outre, les faits ne permettaient pas de retenir que le requérant serait mal soigné en détention, qu'il n'y bénéficierait pas de soins auxquels il 8 Arrêt du Tribunal fédéral 6B_504/2013 A. c. Ministère public de la République et canton de Genève.

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SUISSE 875 pourrait avoir accès en liberté ou qu'il ne pourrait pas disposer d'une hospitalisation rapide et adéquate dans le cadre de l'exécution de sa peine dans l'hypothèse d'une dégradation de son état.

C.-Renvoi d'un étranger par avion

13. Le 20 août 2013, le Tribunal fédéral a rendu un arrêt fort intéressant au sujet du renvoi forcé d'un étranger par voie aérienne9. En l'espèce, l'intéressé avait fait l'objet d'un rapatriement sous escorte policière de l'aéroport de Genève à destination de la Gambie en exécution d'une décision de renvoi. Le matin du vol, il avait été menotté. Une fois arrivé à l'aéroport, il avait été ligoté sur une chaise et un casque avait été posé sur sa tête en vue de son embarquement dans l'avion. Les policiers qui l'escortaient lui avaient pulvérisé un gaz dans les narines à plusieurs reprises pour l'empêcher de crier. Le casque avait ensuite été enlevé, mais l'intéressé était resté attaché sur sa chaise pendant toute la durée du vol, y compris lors du retour, l'avion n'ayant finalement pas pu atterrir en Gambie. À son retour à Genève, il avait porté plainte pour contrainte, séquestration, voies de fait et lésions corporelles simples. La plainte n'ayant pas été suivie d'effet, il saisit le Tribunal fédéral.

14. La Haute Cour a admis le recours au regard en particulier du droit à une enquête officielle au sens des articles 3 et 13 CEDH. Elle a rappelé que l'article 3 CEDH procure un droit de nature procédurale à tout individu qui prétend de manière défendable avoir été torturé ou soumis à des traitements inhumains ou dégradants, indépendamment du mérite susceptible d'être finalement reconnu à ses allégations. En outre, la Convention des Nations Unies contre la torture et les autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants oblige les États à se doter d'une loi qui punisse de manière appropriée les actes de torture, ainsi que les actes constitutifs de peines ou de traitements cruels, inhumains ou dégradants, de même qu'à instituer des tribunaux pour appliquer cette loi. L'article 12 de cet instrument oblige aussi les États à veiller à ce que les autorités compétentes procèdent immédiatement à une enquête impartiale chaque fois qu'il y a des motifs raisonnables de croire qu'un tel acte a été commis sur un territoire soumis à leur juridiction10.

15. En l'espèce, l'enquête qui avait été ordonnée par le Ministère public genevois ne semblait pas avoir satisfait à l'obligation de célérité. Les juges fédéraux ont retenu que près d'une année s'était écoulée entre les faits et le prononcé de l'ordonnance de non-entrée en matière. De plus, ni le médecin ni l'observateur indépendant qui accompagnaient l'intéressé durant le vol n'avaient été entendus, alors même qu'il existait des divergences importantes entre les versions des faits et que la nécessité et la proportionnalité de l'intervention médicale n'avaient pas été démontrées. Le Tribunal fédéral a sur cette base considéré que le droit du requérant à une enquête officielle approfondie et effective n'avait pas été respecté.

9 10 Arrêt du Tribunal fédéral 1B_771/2012 X. c. Ministère public de la République et canton de Genève, publié et commenté in Pratique juridique actuelle, 2013, p. 1688. Sur l'obligation d'enquêter, voir déjà AIJC XXVIII-2012, p. 930 ; AIJC XXVII-2011, p. 1015 ; voir également l'arrêt du Tribunal fédéral 1B_281/2013 A. c. Ministère public de la République et canton de Genève, du 14 février 2014.

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D.-Principe de non-refoulement

16. Dans un arrêt rendu le 12 février 201411, le Tribunal fédéral a rappelé les conditions d'application du principe de non-refoulement. La Haute Cour a rappelé à cette occasion les conditions qui, selon la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, entourent le renvoi de personnes susceptible de mettre en cause leur état de santé et l'absence de traitement médical apte à soigner leur maladie dans l'État de destination. Les juges fédéraux ont retenu que, bien que l'accès aux médicaments nécessaires puisse s'avérer aléatoire, que la distribution d'un traitement demeure marginale et que la privation de médicaments pourrait avoir pour conséquence une détérioration de l'état de santé de la personne concernée, voire même d'engager son pronostic vital à terme, de telles circonstances n'étaient pas suffisantes pour emporter violation de l'article 3 CEDH.

17. Dans le cas d'espèce, le Tribunal fédéral a retenu que la dépendance de l'état de santé du requérant à l'administration d'un traitement régulier et onéreux, l'aggravation des complications de la maladie qui l'affectait avec les années et que le système sanitaire de l'État de destination ne permettait pas de garantir l'accomplissement de certaines mesures d'ordre médical ne présentaient pas un caractère insurmontable. De l'avis des juges, la licéité du renvoi dépend directement de l'état de santé du requérant avant son exécution. Or, en l'occurrence, l'intéressé ne se trouvait pas dans un état critique et aucune considération humanitaire impérieuse ne justifiait le maintien de son séjour en Suisse.

III.-DROIT À DES CONDITIONS MINIMALES D'EXISTENCE

18. Les conditions entourant l'octroi de l'aide d'urgence à un étranger menacé de renvoi sont-elles compatibles avec l'interdiction des traitements inhumains ou dégradants ? Un intéressant arrêt rendu le 10 janvier 201 412 a permis au Tribunal fédéral d'examiner l'application de cette garantie constitutionnelle au domaine du droit des étrangers. En l'espèce, le requérant, qui bénéficiait de l'aide d'urgence depuis plusieurs années dans le canton de Vaud, avait vécu en hébergement collectif.

Il faisait valoir qu'il devait se déplacer à pied sur plusieurs kilomètres pour recevoir ses repas, aucune prestation ne lui étant délivrée pour le transport. La contrainte des repas distribués sur place ne lui laissait pas d'autre choix qu'un confinement dans un centre ou un long déplacement à pied. Il relevait en outre que l'aide d'urgence avait, par essence, un caractère transitoire. Dans le cas présent, en raison de la longue durée de la dépendance à l'aide d'urgence, des prestations financières devraient remplacer les prestations en nature. Enfin, l'intéressé avait été soumis, des années durant, au même régime alimentaire, soit un petit-déjeuner le matin, un sandwich à midi et une barquette à réchauffer dans un four à micro-ondes le soir.

19. Le Tribunal fédéral a relevé que la fourniture de l'aide d'urgence exclusivement en nature pour le logement et la nourriture ne contrevenait pas, en soi, au droit d'obtenir de l'aide au sens de l'article 12 Cst. Pour ce qui est de l'hébergement, l'intéressé n'avait pas un droit à un logement individuel, mais il pouvait être logé dans un centre d'hébergement collectif, ce d'autant qu'il s'agissait d'un homme jeune, sans enfants. En ce qui concerne la nourriture, les juges fédéraux ont précisé qu'il convient d'opérer une distinction entre les personnes qui séjournent régulièrement en Suisse, celles dont le séjour n'est que provisoire et les personnes qui font l'objet d'une décision de renvoi et dont le séjour est illégal. Pour ces dernières, 11 Arrêt du Tribunal fédéral 2C_654/2013 X. c. Service de la population du canton de Vaud.

12 Arrêt du Tribunal fédéral 8C_102/2013 B. c. Etablissement vaudois d'accueil des migrants.

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suisse 877 les prestations en nature doivent en principe être préférées aux prestations en espèces.

En ce qui concerne plus particulièrement la violation alléguée de l'article 3 CEDH, les juges fédéraux ont aussi souligné qu'un mauvais traitement doit atteindre un minimum de gravité. Dans le cas particulier, l'inconvénient lié à un déplacement pour prendre les repas au sein d'un foyer d'accueil a été considéré comme n'atteignant pas le minimum de gravité requis par la norme conventionnelle.

L'analyse des prestations alimentaires octroyées au requérant ne révélait pas non plus que ces repas représentaient une nourriture inappropriée sur le long terme.

20. Un autre arrêt, prononcé le 22 novembre 201313, avait déjà permis au Tribunal fédéral de préciser que le fait pour un célibataire en bonne santé de devoir passer la nuit dans un abri de protection civile ne contrevient pas, en tant que tel, aux exigences minimales garanties par l'article 12 Cst. et, en particulier, n'entre pas en conflit avec le droit au respect de la dignité humaine. Les juges fédéraux ont précisé que les inconvénients liés à l'hébergement provisoire dans un abri de protection civile n'atteignent pas le minimum de gravité requis pour tomber sous le coup de l'article 3 CEDH14. Compte tenu de la situation personnelle et familiale de l'intéressé, ces conditions n'ont pas constitué non plus une atteinte à la vie privée, ni touché au droit au respect du domicile au sens de l'article 8 paragraphe 1 CEDH.

Pour le surplus, la Haute Cour a rappelé que le droit fondamental à des conditions minimales d'existence selon l'article 12 Cst. ne garantit pas un revenu minimum, mais uniquement la couverture des besoins élémentaires pour survivre d'une manière conforme aux exigences de la dignité humaine, tels que la nourriture, le logement, l'habillement et les soins médicaux de base.

21. Dans un autre arrêt, rendu le 29 juillet 201 315, le Tribunal fédéral a jugé que la fourniture de l'aide matérielle requise par l'article 12 Cst. peut être assortie d'une charge consistant pour le bénéficiaire à participer à un programme d'occupation limité dans le temps sous forme d'emplois tests. Une telle mesure n'a été considérée ni comme disproportionnée, ni comme constitutive d'une atteinte à la liberté personnelle, mais comme un travail convenable. Si la personne concernée a la possibilité d'intégrer le marché du travail en tout temps et si cette occupation lui assure un revenu minimum d'existence, les prestations d'aide financière peuvent être suspendues pendant la durée probable de la mesure.

IV.-LIBERTÉ PERSONNELLE A.-Détention de chiens

22. À plusieurs reprises, le Tribunal fédéral a été ces dernières années saisi de recours mettant en cause la constitutionnalité de mesures cantonales limitant la détention de chiens par des particuliers16. Un arrêt daté du 10 février 20 14 17 a permis à la Haute Cour de revenir sur le sujet. Était en cause dans cette affaire une personne qui, accompagnée d'un tiers, ne promenait pas moins de seize chiens dans une commune du canton d'Argovie. Deux chiens seulement étaient tenus en laisse,

13 ATF 139 I 272 S.

14 Le Tribunal fédéral a confirmé ce raisonnement dans un autre arrêt de principe (cause 8C_221/2013, F. c. Etablissement vaudois d'accueil des migrants), rendu le 11 mars 2014, en ajoutant que les fluctuations, parfois très importantes, du nombre des demandes d'asile ne permettent pas toujours d'éviter l'hébergement provisoire de requérants dans les locaux de la protection civile.

15 ATF 1391 218 R.

16 Voir A1JC XXVI-2010, p. 792 ; AIJC XXIV-2008, p. 851 s ; AIJC XXIII-2007, p. 930 ; AIJC XXII-2006, p. 900.

17 Arrêt 2C_856/2013 X. c. Gemeinderat Wettingen.

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alors que les quatorze autres étaient libres de toute entrave. Aussi, le conseil de la commune en cause décida-t-il que l'intéressé ne pourrait désormais promener que cinq chiens, dont quatre devraient être tenus en laisse. Après avoir été confirmée par les autorités judiciaires locales, l'affaire fut portée devant le Tribunal fédéral par l'intéressé, lequel se prévalut notamment de la liberté personnelle garantie par l'article 10 alinéa 2 Cst.

23. Le Tribunal fédéral a rejeté le recours. Au chapitre de la liberté personnelle, la Haute Cour a souligné que, pour certes protéger le droit à l'autodétermination et le libre choix du mode de vie, cette garantie constitutionnelle ne s'étend qu'aux manifestations élémentaires de l'épanouissement de la personnalité humaine, sans contenir une liberté générale d'action. Ainsi, l'interdiction d'utiliser un bateau dans certaines zones d'un lac ne rentre par exemple pas dans le champ d'application de la liberté personnelle, tout comme l'interdiction d'emprunter pendant quelques heures un chemin donnant accès à une résidence secondaire. Les juges fédéraux ont également cité l'arrêt dans lequel ils ont récemment jugé qu'en principe, le droit de se promener nu en public constitue une atteinte grossière aux mœurs et aux convenances et ne relève pas de cette liberté18. En l'espèce, la limitation municipale du nombre de chiens qu'une personne est autorisée à promener en public n'a pas été considérée comme faisant partie du champ d'application matériel de la liberté personnelle. L'examen des conditions de restriction opposables à cette liberté au sens de l'article 36 Cst. n'entrait par conséquent pas en ligne de compte et le recours a finalement été rejeté.

B.-Manifestations sportives violentes

24. Dans un important arrêt rendu le 7 janvier 201 419 dans le cadre du contrôle abstrait de constitutionnalité des actes normatifs cantonaux, le Tribunal fédéral s'est prononcé sur diverses mesures restrictives de la liberté personnelle prévues par le concordat intercantonal instituant des mesures contre la violence lors de manifestations sportives.

25. Les juges fédéraux ont rappelé à cette occasion la jurisprudence qu'ils ont développée sur le sujet20. Ils ont confirmé la constitutionnalité de mesures telles que l'interdiction de périmètre, l'obligation de se présenter ou encore la garde à vue en lien avec des comportements violents et le soutien à l'une des équipes lors de manifestations sportives. La Haute Cour a précisé à cette occasion que le prononcé de mesures concrètes dépend de la nature et de la gravité du comportement violent et doit en particulier respecter le principe de proportionnalité. Elle a sur cette base notamment considéré que la durée minimale d'une année prévue pour l'interdiction de périmètre n'était pas compatible avec le principe de la proportionnalité permettant de restreindre la liberté personnelle au sens de l'article 36 alinéa 3 Cst.

En outre, la disposition qui prévoyait un doublement automatique de la durée de l'obligation de se présenter, si celle-ci était violée sans motif excusable, n'a pas non plus été considérée comme compatible avec le principe de la proportionnalité.

18 ATF 138 IV 13 X. ; Voir AIJC XXVII-2011, p. 1016.

19 ATF 140 I 2 A. und Mitb.

20 Voir AIJC XXVI-2010, p. 792 ; AIJC XXIV-2008, p. 841.

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SUISSE 879 v.-DROIT AU RESPECT DE LA VIE PRIVÉE ET FAMILIALE

26. Dans un arrêt de principe prononcé le 23 septembre 201321, le Tribunal fédéral a jugé que le refus d'accorder une rente de veuve à une femme de moins de 45 ans sans enfant, qui avait cessé de travailler pour s'occuper entièrement de son mari gravement atteint de maladie jusqu'au décès de celui-ci, ne violait pas le droit fédéral. Si la réglementation prévue par la loi fédérale sur l'assurance vieillesse et survivants est certes contraire au principe de l'égalité entre hommes et femmes et qu'elle devrait être adaptée - les hommes veufs étant, à cet égard, traités d'une manière plus favorable -, les juges fédéraux ont rappelé qu'ils sont contraints d'appliquer les lois fédérales, même si celles-ci sont anticonstitutionnelles, conformément à la règle prévue à l'article 190 Cst. Ils ont également souligné qu'un tel refus de rente n'entre pas dans le champ d'application du droit au respect de la vie privée et familiale, dès lors que cette garantie ne fonde pas un droit direct à des prestations d'assurance sociale.

27. En particulier, l'article 8 CEDH a été interprété comme n'imposant pas une obligation à la charge de l'Etat de fournir certaines prestations financières ou de garantir un certain niveau de vie. Selon la Haute Cour, il n'existe pas de principe général selon lequel l'État devrait assumer la prise en charge collective de l'ensemble des aléas de la vie, un régime social d'assurance n'étant matériellement pas à même de répondre à l'ensemble des risques et des besoins sociaux. De l'avis du Tribunal fédéral, le contenu et les conditions de l'intervention de l'État sont définis en première ligne par le législateur, en fonction des objectifs de politique sociale que celui-ci se fixe. Il n'appartient par conséquent pas aux juges de s'immiscer dans des compétences qui relèvent traditionnellement de l'Assemblée fédérale.

28. Dans le sillage de ce raisonnement, l'arrêt relève également que l'article 9 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, qui fixe le principe d'un droit pour toute personne à la sécurité sociale, a une portée très générale qui ne saurait fonder concrètement le droit à une prestation d'assurance donnée. L'article 2 paragraphe 2 du même instrument est pour sa part réputé ne pas avoir de portée autonome. Comme cela ressort de sa lettre, la disposition formule des garanties en liaison seulement avec des obligations programmatiques que les États s'engagent à réaliser progressivement, en particulier le droit de toute personne à la sécurité sociale formulé par l'article 9 du Pacte précité.

29. Le Tribunal fédéral a aussi relevé qu'il ne saurait en aller différemment concernant l'article 11 lettre e de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, qui fixe le principe de l'interdiction des discriminations à l'égard des femmes dans le domaine de l'emploi et de la sécurité sociale, dès lors que cette disposition est une norme de type programmatique, non directement contraignante.

VI.-LIBERTÉ RELIGIEUSE

A.-Port du foulard islamique

30. Un intéressant arrêt daté du 11 juillet 201322 a permis au Tribunal fédéral de préciser que l'interdiction du port du foulard islamique à l'école constitue une restriction grave à la liberté de conscience et de croyance. Conformément à l'article 36 alinéa 1 Cst., une mesure de ce genre exige par conséquent une base 21 ATF 139 I 257 R.

22 ATF 139 I 280 Volksschulgemeinde Biïrglen.

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légale formelle. En l'occurrence, les juges fédéraux ont retenu que la législation sur l'école publique du canton de Thurgovie ne contenait pas une base légale permettant d'interdire le port du foulard dans les établissements d'enseignement secondaire.

Cela étant, les juges fédéraux ne se sont pas prononcés plus avant sur la question de savoir si un motif légitime serait de nature à justifier, de manière générale, l'interdiction du port du foulard dans les établissements scolaires et si le principe de la proportionnalité serait, le cas échéant, respecté en pareille hypothèse.

B.-Interdiction de manuels scolaires religieux

31. Dans un autre arrêt, prononcé le 28 août 20 1323, le Tribunal fédéral s'est penché sur l'interprétation d'une initiative populaire lancée dans le canton de Thurgovie et sur l'examen de sa validité au regard de la motivation figurant sur le formulaire de récolte des signatures. Bien que la volonté des auteurs ne présente pas à elle seule un caractère décisif pour l'interprétation, la Haute Cour a précisé que celle-ci doit tenir compte de la volonté claire des auteurs de l'initiative et des citoyens qui ont signé ce document.

32. En l'espèce, l'initiative était rédigée et visait à compléter la loi cantonale sur l'école publique par une disposition interdisant l'utilisation de certains manuels scolaires religieux. Même si la disposition proposée était formulée de manière neutre, l'initiative a été déclarée non valable. La volonté de ses auteurs, clairement exprimée en particulier dans le formulaire permettant la récolte des signatures, visait à interdire exclusivement les fondements écrits d'une seule religion, l'islam. Une telle interdiction, discriminatoire et contraire au principe de la neutralité religieuse, a été considérée comme contraire à la Constitution par le Tribunal fédéral.

C.-Liberté de religion et relations privées

33. Un arrêt daté du 25 janvier 201424 a permis au Tribunal fédéral de se pencher sur la question de la mise en œuvre éventuelle de la liberté religieuse au sens de l'article 15 Cst. dans les rapports de droit privé. Était en cause en l'occurrence le refus des autorités genevoises de renouveler le permis de séjour d'un ressortissant tunisien dont l'épouse suissesse s'était plainte du comportement de son conjoint et avait déposé une requête en mesures protectrices de l'union conjugale. Devant le Tribunal fédéral, l'intéressé faisait notamment valoir que le comportement de son épouse constituait une ingérence grave dans sa vie en ce qu'elle l'empêchait de pratiquer ses rites religieux.

34. La Haute Cour a rejeté le grief et précisé que l'application - sinon immédiate, du moins indirecte - des règles constitutionnelles aux relations entre les particuliers n'est certes pas exclue, s'agissant notamment de l'interprétation de clauses générales et de notions juridiques indéterminées propres au droit privé. Les juges fédéraux ont cependant ajouté que la reconnaissance d'un tel effet horizontal des droits fondamentaux (Dritt - und Horizontalwirkung ) n'empêche pas que les rapports entre les particuliers relèvent directement des lois civiles et pénales. C'est donc par l'entremise de ces dernières que l'individu est protégé contre les atteintes que d'autres sujets de droit privé pourraient porter à ses droits constitutionnels. En

23 ATF 139 I 292 Initiativ-Komitee Volksinitiative Gegen frauenfeindliche, rassistische und môrderische Lehrbiicher und Mitb.

24 Arrêt du Tribunal fédéral 2C_822/2013 A. c. Office cantonal de la population.

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SUISSE 881 conséquence, les juges ont considéré que le requérant ne saurait se prévaloir directement de la garantie constitutionnelle de la liberté religieuse25.

VII.-LIBERTÉ D'EXPRESSION A.-Diffusion de publicité

35. Dans un arrêt daté du 16 novembre 201326, le Tribunal fédéral a jugé que, dans le cadre de l'activité de droit privé qu'elle déploie dans le domaine de la publicité, la Société suisse de radiodiffusion est tenue de respecter les droits fondamentaux. Cette entité doit, en particulier, tenir compte du contenu idéal des libertés. À cet égard, la simple crainte qu'une publicité controversée à caractère idéal soit susceptible de nuire à sa réputation ne représente pas un intérêt suffisant pour fonder un refus de diffuser un spot publicitaire critique à son égard, du moins tant que le mandant n'agit pas de manière illicite.

B.-Obligation de présentation fidèle d'événements lors de débats télévisés

36. Un autre arrêt, rendu le 11 octobre 201 327, a permis au Tribunal fédéral d'évoquer les exigences qui entourent la présentation de débats télévisés consacrés à des questions de nature politique. De l'avis de la Haute Cour, lors d'émissions de ce genre, les diverses opinions à propos du thème traité doivent être identifiables par le public et, à cette fin, être présentées globalement sans manipulation. L'obligation prévue par la loi de présenter fidèlement les événements n'est pas violée du simple fait que certains aspects ne sont pas évoqués. À défaut, les émissions de débats durant lesquelles les invités présentent leurs positions sur des thèmes politiques ne seraient quasiment plus possibles.

37. Dans le cas d'espèce, les juges fédéraux ont retenu que le seul fait que l'on aurait pu, lors d'une émission consacrée à une initiative populaire fédérale intitulée

« Pour un revenu de base inconditionnel », faire porter l'accent davantage sur certains aspects, comme ceux qui sont spécifiques aux conditions salariales des femmes, ne conduisait pas à sanctionner une violation de l'obligation de présentation fidèle des événements.

C-Statut des manifestations

38. Le 9 juin 2011, le Grand conseil du canton de Genève a adopté une loi renforçant la loi sur les manifestations sur le domaine public. Intitulées

« Manifestations à potentiel violent », les nouvelles dispositions faisaient suite à une manifestation qui, le 28 novembre 2009, avait dégénéré en occasionnant l'incendie de plusieurs voitures et des dégâts matériels. Parmi les modifications légales figurait l'obligation faite au bénéficiaire d'une autorisation de manifester sur le domaine public de se tenir à disposition de la police pendant la manifestation et de se conformer aux injonctions des forces de l'ordre. La nouvelle loi prévoyait aussi la possibilité d'imposer aux organisateurs de manifestations l'obligation de mettre sur pied un service d'ordre, la possibilité de refuser aux contrevenants à la loi

25 Sur l'application des droits fondamentaux aux rapports régis par le droit privé, voir également l'arrêt Integration Handicap, ATF 138 I 475, AIJC XXVIII-2012, p. 941, à propos du refus signifié à une personne handicapée physiquement d'accéder à un cinéma.

26 ATF 139 I 306 Verein gegen Tierfabriken Schweiz VgT.

27 ATF 139 II 519 Schweizerische Radio-und Fernsehgesellschaft.

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l'autorisation d'organiser une manifestation durant un à cinq ans, de même qu'une amende susceptible de s'élever à 100 000 francs.

39. Saisi d'un recours, le Tribunal fédéral a, par arrêt du 10 juillet 201328, confirmé dans le cadre du contrôle abstrait de constitutionnalité des normes cantonales la validité de la loi genevoise. La Haute Cour a toutefois annulé la disposition qui permettait d'imposer un délai de carence avant l'octroi d'une nouvelle autorisation de manifester. Cette mesure a en effet été jugée trop générale et excessive, car susceptible d'être imposée indépendamment des caractéristiques et des risques liés à l'organisation d'un nouvel événement. Les autres mesures ont par contre toutes été jugées conformes à la liberté d'opinion et d'information (art. 16 Cst.), ainsi qu'à la liberté de réunion (art. 22 Cst.).

40. Un autre arrêt, prononcé le 3 décembre 201329 a permis au Tribunal fédéral de rappeler sa jurisprudence relative à l'octroi des autorisations de manifester sur le domaine public. L'affaire mettait en cause l'organisation, en vieille ville de Lucerne, d'un défilé consacré au statut des étrangers. Les autorités municipales acceptèrent le tracé de la manifestation, mais n'autorisèrent toutefois son organisation qu'à partir de 16 heures, alors que les organisateurs avaient demandé de pouvoir commencer à 14 heures.

41. Le Tribunal fédéral a rappelé à cette occasion que les manifestations sur le domaine public tombent sous le coup de la liberté d'expression et de la liberté de réunion au sens des articles 16 et 22 Cst. Ces droits fondamentaux garantissent à leurs titulaires un certain droit à se livrer sur le domaine public à un usage excédant l'usage commun. Lors de l'examen de la demande d'autorisation, l'autorité doit prendre en compte non seulement les enjeux liés à l'autorisation ou à l'interdiction de la manifestation, mais aussi les conditions, les charges et les éventuelles mesures alternatives.

42. La Haute Cour a ensuite jugé que la pratique administrative consistant à refuser par principe la tenue d'un rassemblement sur le domaine public durant les heures d'ouverture des magasins le samedi peut poser problème sur le terrain des libertés précitées. Toutefois, lorsque cette approche n'est pas schématique, mais résulte d'une pesée concrète des intérêts qui s'opposent, elle ne saurait être déclarée d'emblée inconstitutionnelle. En l'espèce, les juges fédéraux ont retenu que la manifestation n'avait pas été interdite, mais seulement décalée dans le temps, dans le respect de l'itinéraire choisi par ses organisateurs. Le choix d'un autre horaire s'avérait proportionné, compte tenu notamment de l'exiguïté des rues de la vieille ville de Lucerne dans laquelle le rassemblement était prévu, afin de prendre en compte au mieux les intérêts des tiers. Le recours a par conséquent été rejeté.

VIII.-LIBERTÉ DE LA LANGUE

43. Le 12 juillet 201330, le Tribunal fédéral a jugé que la décision du Conseil d'Etat du canton des Grisons par laquelle un changement de la langue scolaire du Rumantsch Grischun vers un idiome, ou l'inverse, n'est en principe possible qu'à partir de la première année primaire n'entre pas dans le champ de protection de la liberté de la langue et n'est pas non plus contraire à la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires.

28 Arrêt du Tribunal fédéral 1C_225/2012 Communauté genevoise d'action syndicale, Parti socialiste genevois et consorts.

29 Arrêt du Tribunal fédéral 1C_485/2013 X. c. Dienstabteilung Stadtraum und Veranstaltungen der Stadt Luzern, Stadtrat Luzern.

30 ATF 139 I 229 X. und Mitb.

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SUISSE 883 IX.-GARANTIE DE LA PROPRIÉTÉ

A.-Maintien du patrimoine bâti

44. Dans un arrêt prononcé le 1er novembre 201331, le Tribunal fédéral a rappelé que la garantie de la propriété ancrée à l'article 26 alinéa 1 Cst. ne présente pas un caractère absolu. Comme tout droit fondamental, cette garantie peut être restreinte aux conditions générales énoncées à l'article 36 Cst. Une restriction du droit de propriété est tenue pour particulièrement grave lorsque la propriété foncière est enlevée de force ou lorsque des interdictions ou des prescriptions positives rendent impossible ou beaucoup plus difficile une utilisation du sol actuelle ou future conforme à sa destination.

45. La jurisprudence considère par exemple que les mesures de conservation ou de protection du patrimoine bâti constituent une limitation traditionnellement opposable au droit de propriété32. En règle générale, ce genre de mesures ne porte pas une atteinte particulièrement grave au droit de propriété. La Haute Cour a sur cette base rejeté le recours exercé contre un plan d'utilisation du sol de la ville de Genève, soit une mesure de planification qui tendait à favoriser les activités accessibles au public dans les surfaces situées au rez-de-chaussée des bâtiments, lorsque celles-ci donnent sur des lieux de passage ouverts au public.

L'encouragement d'une certaine diversité des activités dans l'agglomération urbaine, qui implique de protéger les branches menacées, relève selon les juges fédéraux de l'intérêt public et ne saurait contrevenir à la garantie de la propriété.

B.-Limitation d'émissions lumineuses

46. Le 12 décembre 201333, le Tribunal fédéral a rendu un intéressant arrêt dans lequel il a précisé que les limitations préventives d'émissions lumineuses prévues par la législation fédérale sur la protection de l'environnement, en lien avec les éclairages décoratifs pour la période de Noël et durant le reste de l'année, ne restreignent que légèrement le droit de propriété. Relevant d'un intérêt public en général et, en particulier, durant la période de repos nocturne comprise entre vingt- deux heures et six heures du matin, les mesures de ce genre sont conformes au principe de proportionnalité.

X.-LIBERTÉ ÉCONOMIQUE A.-Publicité des avocats

47. Dans un arrêt daté du 25 janvier 201334, le Tribunal fédéral s'est interrogé sur la question de la publicité faite par les avocats. La Haute Cour a jugé à cette occasion que, conformément à la portée donnée par la Constitution et concrétisée par la loi, ce n'est pas la publicité des avocats, mais plutôt sa limitation qui doit être justifiée. Les juges fédéraux ont ajouté qu'une publicité discrète et limitée aux faits objectifs répond à un besoin d'information du public et s'avère admissible, au regard en particulier de la liberté économique consacrée par l'article 27 Cst. et de la liberté d'expression au sens des articles 10 CEDH et 19 Pacte II.

31 Arrêt du Tribunal fédéral 1C_253/201 3 Chambre Genevoise Immobilière et consorts c. Ville de Genève.

32 Sur le sujet, voir Andreas Auer/Giorgio Malinverni/Michel Hottelier, Droit constitutionnel suisse, vol. II, Les droits fondamentaux, 3e éd., Berne 2013, pp. 391 ss.

33 ATF 140 II 33 A. und B.

34 ATF 139 II 173 X. AG.

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L'exigence de discrétion concerne toutefois aussi bien le contenu que les formes et les méthodes de publicité. Dans le cas d'espèce, le Tribunal fédéral a jugé inadmissible une publicité extérieure consistant en une inscription sur la façade d'un immeuble, en raison d'un manque de retenue dans la réalisation.

B.-Horaires d'exploitation d'une discothèque

48. Les horaires de fermeture d'une discothèque ont été au coeur d'un arrêt prononcé le 18 février 2014 par le Tribunal fédéral35. Etait en cause en l'occurrence l'exploitation d'une discothèque dans le centre historique de la ville de Lausanne durant des tranches horaires oscillant entre dix-sept heures et une à trois heures du matin. La demande des exploitants requérant la possibilité d'obtenir des prolongations ' jusqu'à cinq heures du matin ayant été repoussée par les autorités

locales, les intéressés saisirent le Tribunal fédéral en faisant notamment valoir une violation de la liberté économique au sens de l'article 27 Cst. La Haute Cour a rejeté

le recours.

49-Selon les juges fédéraux, la subordination de la licence d'exploitation d'une discothèque au respect d'heures d'ouverture relève bien du champ d'application de la liberté économique. En l'espèce, la mesure en cause était toutefois fondée sur une base légale valable - en l'occurrence, un règlement municipal - et elle poursuivait un but de police tendant à assurer la tranquillité publique, ainsi qu'à garantir des plages de repos à la population. Le grief tiré de la violation de la garantie de la propriété a été rejeté sur la base des mêmes motifs, tout comme celui de l'égalité de traitement. Sur ce point, le Tribunal fédéral a relevé que le fait d'opérer des distinctions parmi les horaires de fermeture des établissements publics en fonction de leur localisation est admissible.

XI.-INTERDICTION DES DISCRIMINATIONS

50. La liste des motifs de discrimination proscrits par l'article 8 alinéa 2 Cst.

comprend notamment une référence aux déficiences corporelles, mentales ou psychiques. Dans un arrêt daté du 13 mai 20 1336, le Tribunal fédéral a jugé que le fait pour une autorité communale d'exclure les personnes handicapées mentales de la naturalisation suisse, faute pour ces personnes de pouvoir manifester clairement leur volonté, ne correspondait pas à l'ordre légal et se révélait discriminatoire au sens de l'article 8 alinéa 2 Cst.

51. Le 22 février 201337, le Tribunal fédéral a rendu un intéressant arrêt au sujet des conditions d'accueil dans les trains de personnes souffrant d'un handicap physique. La Haute Cour a précisé à cette occasion que l'interdiction des discriminations et des inégalités frappant les personnes handicapées s'applique également au domaine des transports publics. Cela étant, un choix de place nettement plus restreint pour les personnes handicapées que pour les personnes valides ne constitue pas, en soi, une discrimination.

52. Les juges fédéraux ont ajouté que le regroupement à l'étage inférieur d'un wagon-restaurant du compartiment réservé aux fauteuils roulants avec le compartiment de ravitaillement pour les personnes disposant d'une mobilité réduite ne conduit pas à une discrimination ou à une inégalité des personnes handicapées.

35 Service de la promotion économique et commerce et Municipalité de Lausanne. Arrêt du Tribunal fédéral 2C_881/2013 A. et B. Sari c. Département de l'économie du canton de Vaud, 36 ATF 139 I 169 Politische Gemeinde Amriswil.

37 ATF 139 II 289 Schweizerische Bundesbahnen SBB.

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SUISSE 885 XII.-DROITS POLITIQUES

A.-Validité d'une initiative populaire

53. Dans le canton de Genève, une initiative populaire de rang législatif intitulée « Pas de cadeaux aux multinationales. Initiative pour la suppression des allégements fiscaux » fut lancée en vue de modifier la loi cantonale sur l'imposition des personnes morales. Le Grand conseil invalida partiellement cette initiative, au motif qu'elle contrevenait au droit supérieur. Dans un arrêt rendu le 24 septembre 201 338, le Tribunal fédéral a partiellement admis le recours exercé contre cette décision pour violation des droits politiques au sens de l'article 34 Cst. La Haute Cour a jugé que la partie de l'initiative proposant d'abolir les forfaits fiscaux accordés aux personnes morales dans le canton de Genève était compatible avec le droit fédéral.

B.-Computation du délai référendaire

54. L'article 141 Cst. prévoit que le référendum législatif facultatif peut être déclenché si 50 000 citoyens et citoyennes ayant le droit de vote ou si huit cantons le demandent dans les cent jours à compter de la publication officielle des actes normatifs qui sont visés par cette disposition. Mais comment ce délai se calcule-t-il ? Le Tribunal fédéral a abordé cette intéressante question dans un arrêt daté du 5 juin 201339.

55. La Haute Cour a précisé à cette occasion que le délai référendaire de cent jours débute avec la publication de l'acte dans la Feuille fédérale de la Confédération suisse et qu'il n'existe aucune règle contraignante prévoyant que ce délai ne débuterait que plusieurs jours après la décision des Chambres fédérales. Les juges fédéraux ont ajouté que la demande de référendum, comprenant le nombre requis de signatures, ainsi que les attestations de la qualité d'électeur des signataires, doivent être retournées à la Chancellerie fédérale avant l'expiration du délai prévu par l'article 14 1 Cst. La responsabilité d'obtenir suffisamment tôt les attestations d'électeur incombe aux auteurs du référendum eux-mêmes. Ceux-ci doivent, dans la planification de leur campagne, prendre en considération le fait que des imprévus sont susceptibles de survenir au cours de la procédure d'attestation.

56. Dans le cas d'espèce, le dépôt pour authentifïcation d'un grand nombre de signatures le 97e jour seulement du délai référendaire ne garantissait pas que ces signatures pussent être encore retournées avant l'échéance des cent jours prévue par la Constitution fédérale. Aussi, le Tribunal fédéral a-t-il jugé que la Chancellerie fédérale avait considéré avec raison que les signatures déposées tardivement n'étaient en l'occurrence pas valables.

XIII - ACCORD BILATÉRAL SUR LA LIBRE CIRCULATION DES PERSONNES 57. Dans un arrêt prononcé le 22 mars 201340, le Tribunal fédéral a confirmé la jurisprudence selon laquelle les règles sur le regroupement familial prévues par l'Accord sur la libre circulation des personnes n'ont pas pour but de permettre aux ressortissants d'États tiers qui se prévalent d'un mariage vidé de sa substance et n'existant plus que formellement de conserver leur titre de séjour en Suisse.

38 Arrêt du Tribunal fédéral 1C_659/2012 A., B. et consorts c. Grand conseil du canton de Genève.

39 ATF 139 II 303 Verein Aktion fur eine unabhàngige und neutrale Schweiz (AUNS, Referendumskomitee Stopp fremde Steuervôgte), Schwander und Keller.

40 ATF 139 II 393 X. und Mitb.

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58. La Haute Cour a précisé à cette occasion qu'elle ne s'écarte qu'en cas de motifs sérieux de l'interprétation donnée par la Cour de justice de l'Union européenne aux règles européennes pertinentes pour l'ALCP en vue d'assurer la situation juridique parallèle voulue par les États parties à cet instrument. Un séjour fondé sur l'article 3 alinéa 6 de l'annexe I de l'ALCP est soumis à la condition que le retour de l'enfant dans son pays d'origine n'apparaisse pas exigible et qu'une formation commencée avant que ne cesse la communauté familiale dont dépend le droit de présence doive encore être achevée.

59. Le cas d'espèce portait sur l'autorisation de séjour d'une ressortissante de Mongolie qui avait épousé en Suisse un Portugais, dont elle avait eu une petite fille.

Le permis de séjour en Suisse octroyé au fils que la ressortissante de Mongolie avait eu d'une union antérieure fut révoqué, une fois l'union conjugale dissoute. Le Tribunal fédéral a conclu à l'absence en l'occurrence de violation de l'ALCP et de

l'article 8 CEDH.

XIV.-COUR EUROPÉENNE DES DROITS DE L'HOMME A.-Interdiction du travail forcé

60. Le Tribunal fédéral n'a guère souvent l'occasion de se prononcer sur l'interdiction du travail forcé au sens de l'article 4 CEDH. Un intéressant arrêt rendu le 18 juillet 20 1341 l'a toutefois conduit à préciser que l'obligation faite aux détenus de travailler dans le cadre de l'exécution des peines et des mesures, indépendamment de leur âge — en l'espèce, l'intéressé était âgé de plus de 65 ans —, ne contrevient ni au droit pénal fédéral, ni au droit constitutionnel, ni aux articles 4 et 7 CEDH.

S'agissant de l'article 4 CEDH, les juges fédéraux ont souligné que le troisième paragraphe (lettre a) de cette disposition permet précisément de requérir de toute personne soumise à la détention selon les conditions prévues par l'article 5 CEDH de travailler.

B.-Notion d'accusation en matière pénale

61. Un arrêt prononcé le 5 novembre 201 342 a permis au Tribunal fédéral de faire le point sur l'application de la garantie du procès équitable au sens de l'article 6 paragraphe 1 CEDH au domaine du droit fiscal. Si cette disposition ne trouve pas application dans les procédures fiscales dépourvues de caractère pénal, la Haute Cour a néanmoins précisé que, contrairement aux procédures de taxation et de rappel d'impôt, la procédure réprimant la soustraction fiscale relève bien de la notion d'accusation en matière pénale. Il résulte de cette qualification que, sauf circonstances particulières et s'agissant en principe des seuls aspects liés aux infractions fiscales, le contribuable est fondé à se prévaloir d'un droit à être entendu oralement par un tribunal disposant d'une pleine juridiction.

62. Le Tribunal fédéral a aussi eu l'occasion de préciser que les garanties attachées à l'article 6 paragraphe 1 CEDH s'appliquent à la procédure de retrait d'admonestation du permis de conduire, dès lors que ce type de mesure relève d'une sanction poursuivant à la fois un but répressif et préventif et, partant, constitue une décision sur le bien-fondé d'une accusation en matière pénale au sens de la disposition conventionnelle. En revanche, le contentieux relatif au retrait dit de sécurité du permis de conduire - qui vise un but sécuritaire — ne tombe pas dans le 41 ATF 1 391 180 X.

42 ATF 140 I 68 X.

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SUISSE 887 champ de protection de l'article 6 paragraphe 1 CEDH, à moins toutefois que le permis de conduire ne soit directement nécessaire à l'exercice de la profession de l'intéressé43.

63. Un autre arrêt, prononcé le 29 juin 201244, a vu le Tribunal fédéral préciser que les sanctions prévues par la législation fédérale sur les cartels présentent un caractère de droit pénal ou similaire au droit pénal. Les garanties des articles 6 et 7 CEDH, ainsi que celles des articles 30 et 32 Cst., leur sont en conséquence applicables.

C.-Tribunal indépendant et impartial

64. Comme chaque année, le Tribunal fédéral a eu à plusieurs reprises l'occasion de se prononcer sur l'exigence d'indépendance et d'impartialité des tribunaux au sens de l'article 6 paragraphe 1 CEDH. Le 26 février 20 1 345, il a par exemple rendu un arrêt dans lequel il a souligné que l'avocat qui exerce la fonction de juge assesseur au sein d'une cour d'appel en matière de baux et loyers apparaît objectivement partial non seulement lorsque, dans le cadre d'une autre procédure, il représente ou a représenté l'une des parties à la procédure dans laquelle il siège, mais également lorsqu'il représente ou a représenté récemment la partie adverse de cette partie.

65. Le 12 avril 20 1346, le Tribunal fédéral a jugé que le fait que le représentant d'une partie dans d'autres procédures exerce une fonction judiciaire accessoire dans le tribunal n'est pas de nature à faire naître en tant que tel un doute quant à l'impartialité des membres du tribunal en général. Les juges fédéraux ont ajouté que, s'il n'existe pas d'interdiction pour les juges suppléants de comparaître en qualité de représentant d'une partie, il doit exister, outre les aspects extérieurs de nature fonctionnelle et organisationnelle, des circonstances qui peuvent fonder une apparence de prévention et un risque de parti pris de la part d'un membre du tribunal en particulier.

66. Dans un autre arrêt, daté du 27 août 20 1347, la Haute Cour a conclu à l'apparence de prévention d'un avocat-conseil en brevets agissant comme juge suppléant au Tribunal fédéral des brevets lorsqu'il existe un mandat en cours entre son étude ou son cabinet et une partie au procès ou une personne étroitement liée à celle-ci.

D.-Renvoi d'étrangers

67. Un arrêt prononcé le 15 mars 201348 a permis au Tribunal fédéral d'opérer une récapitulation des critères qu'il utilise pour juger de l'admissibilité du renvoi des étrangers sur la base de l'article 8 CEDH. Ainsi, le principe selon lequel un étranger qui n'a séjourné que peu de temps en Suisse et qui a été condamné à une peine privative de liberté de deux ans ou plus ne peut en règle générale plus bénéficier d'un titre de séjour, même lorsqu'on ne peut pas - ou difficilement - exiger de l'épouse suisse qu'elle quitte son pays a-t-il été confirmé.

43 Arrêt du Tribunal fédéral 1C_580/2012 X. c. Service des automobiles et de la navigation du canton de Vaud, du 13 novembre 2013.

44 ATF 139 I 72 Publigroupe SA und Mitb.

45 ATF 139 III 120 X.

46 ATF 1391 121 R.

47 ATF 139 III 433 Société des Produits Nestlé S.A.

48 ATF 139 I 145 X.

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68. Cette règle dite des deux ans, sans égard au type de délit commis, ne présente toutefois pas un caractère absolu. Ce qui compte avant tout aux yeux de la Haute Cour, c'est l'appréciation globale de chaque cas particulier. Cette appréciation doit s'effectuer en fonction de l'ensemble des critères déterminants. Dans le cas d'espèce, en dépit d'une condamnation à une peine privative de liberté de deux ans, la non-prolongation de l'autorisation de séjour du requérant a été jugée contraire au principe de proportionnalité, au regard notamment de sa situation familiale.

F.-Prestations d'assurances sociales

69-Dans un arrêt daté du 15 avril 201349, le Tribunal fédéral a abordé la question de l'exigence du domicile en Suisse comme condition du droit à une prestation d'assurance sociale sous l'angle du droit au respect de la vie privée et familiale.

70. La Haute Cour a précisé à cette occasion que la suppression du droit à une rente extraordinaire d'invalidité et du droit à une allocation pour impotent, en raison de l'absence de domicile suisse d'une personne qui s'était installée au Brésil - État avec lequel la Suisse n'a pas conclu de convention de sécurité sociale —, n'entrait pas dans le champ d'application de l'article 8 CEDH. Les prestations sociales en cause n'ont, de l'avis des juges fédéraux, pas pour but de favoriser la vie familiale ou d'intervenir dans les relations personnelles ou familiales.

7 1 . Dès lors que la norme conventionnelle ne fonde pas un droit à un certain niveau de vie ou une obligation positive de fournir une prestation d'assurance sociale, la suppression des prestations en cause en raison du départ de leur bénéficiaire de Suisse ne saurait constituer une atteinte à la vie privée ou familiale. Le constat d'inapplication de l'article 8 CEDH a en l'espèce dispensé les juges fédéraux d'examiner l'existence d'une éventuelle discrimination au sens de l'article 14 CEDH.

72. Dans un arrêt de principe prononcé le 23 septembre 201350, le Tribunal fédéral a aussi jugé que le refus d'accorder une rente de veuve à une femme âgée de moins de 45 ans et sans enfant, qui avait cessé de travailler pour s'occuper entièrement de son mari gravement malade jusqu'au décès de celui-ci, ne violait pas le droit fédéral. Les juges fédéraux ont ajouté qu'un tel refus n'entre pas non plus dans le champ d'application de l'article 8 CEDH et ne contrevient pas à d'autres engagements pris par la Suisse au niveau international comme le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels ou encore la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes.

73. Selon la Haute Cour, l'article 9 du Pacte I, qui fixe le principe d'un droit pour toute personne à la sécurité sociale, doit être considéré comme doté d'une portée très générale et ne saurait, pour ce motif, fonder concrètement le droit à une prestation d'assurance déterminée. L'article 2 paragraphe 2 du même Pacte est quant à lui dépourvu de portée autonome. L'article 1 1 lettre e CEDEF, qui fixe le principe de l'interdiction des discriminations à l'égard des femmes dans le domaine de l'emploi et de la sécurité sociale, ne saurait pas, lui non plus, de l'avis des juges fédéraux entrer en ligne de compte, dès lors que cette disposition a été décrite comme une norme de type programmatique, qui n'est à ce titre pas directement contraignante, à l'instar de l'article 9 du Pacte I.

74. Un autre arrêt, daté du 6 décembre 201351, a permis au Tribunal fédéral de préciser que le plafonnement des rentes prévu par la loi fédérale sur l'assurance- 49 ATF 1391 155 C. et A.

50 ATF 139 I 257 R.

51 ATF 140 I 77 F.

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