Editorial
Lorsque nous avons cre6 il a trente cinq ans la premiere consultation fran()aise consacree aux cephalees, nous faisions quelque peu figure de << franc-tireur >>, parfois regarde avec commiseration par des collegues plutSt portes vers les cas anatomo-cliniques les plus exceptionnels. Le neuro-psychiatre que j'etais, tres feru egalement de medecine interne, voyait dans le champs des cephalees de quoi deployer un exercice clinique large oQ sur un socle de connaissances diversifiees pouvaient s'allier la rigueur de la semeiologie et la profon- deur de I'approche psycho-pathologique. Quoi de plus satisfaisant que de pouvoir diagnostiquer et traiter, avec les seules ressources de la cli- nique, une nevralgie du trijumeau, une maladie de Horton, une algie vasculaire de la face, un probleme d'ATM, une migraine avec aura aty- pique, une cephalee expression d'un etat depressif ou d'un conflit nevrotrique plus complexe, etc.
Bien sQr, rapidement la migraine est apparue comme la Reine des Cephalees par sa frequence, une prevalence estimee entre 12 et 17% selon les travaux les plus recents, mais aussi du fait d'une physiopathologie complexe, veritable puzzle dont nous pouvons analy- ser et reconstituer les pieces principales. Que de progres accomplis depuis cette 6poque Iointaine de nos trente ans oQ la theorie vasculaire seduisait les plus modernes tandis que les obscurantistes, les plus nombreux, s'accrochaient desesperement ~ la theorie hepato-biliaire.
Les donnees les plus modernes de la genetique, de la biolo- gie moleculaire, de I'imagerie fonctionnelle, de la psycho-physiologie et de la psycho-pathologie permettent de donner un schema coherent de cette affection ~ multiples facettes qui paraft incoherente a ceux qui peuvent ou ne veulent croire qu'aux examens complementaires pour faire un diagnostic et engager une therapeutique.
L'algie vasculaire de la face, terme franco-fran?ais pour par- ler du cluster headache, est un autre exemple de pathologie oQ la cli- nique est Reine. Comment des Iors accepter qu'il faille six ans en moyenne pour que le diagnostic en soit fait alors qu'un interrogatoire bien conduit donne la clef du probleme immediatement. L~ encore une pathogenie neuro-vasculaire mais avec beaucoup d'incertitudes sur la nature des perturbations des horloges biologiques declenchant cet orage vegetatif.
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L'interet des neurologues pour les phenomenes douloureux est relativement recent, I'exercice intellectuel d'un diagnostic brillant suffisant ~ beaucoup. Les choses commencent ~ changer et les plus jeunes generations, probablement parce qu'elles ont a portee de la main des therapeutiques plus diversifiees, savent integrer la douleur dans leur suivi global des malades neurologiques chroniques. La scle- rose en plaques est un exemple oQ une approche methodique des phenom~nes douloureux, aux mecanismes fort divers, 3ermet de sou- lager bien des malades.
Tout medecin confronte aux douloureux chroniques et ~fl leurs plaintes est rapidement persuade de I'importance de la dimension psy- chique de la douleur chronique. Dans les congres consacres a la douleur, on nous ressasse jusqu',~ la nausee le fameux modele bio-psycho-social.
Bien souvent, on ne va guere plus loin que ces trois mots et on embraye rapidement sur le trouble organique et son approche pharmacologique.
II faut aller au dela des mots et voir ce que peuvent nous apporter diffe- rentes approches 6tiopathogeniques. Elles fournissent des approches differentes qui peuvent se completer mais la encore mefions-nous des modes de pensee totalitaires et esperons avec Kandel!
~On peut esperer qu'une discipline unifiee de neurobiologie, de psy- chologie cognitive et de psychanalyse, forge une nouvelle et plus profonde comprehension de I'esprit,~.
R Henry
Departement de Neurologie et Unite de Soutien la Prise en Charge de la Douleur (USPPD) de Bordeaux- Hepital Pellegrin
Place Amelie Raba Leon F-33076 Bordeaux Cedex
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