• Aucun résultat trouvé

Communication de l’État en contexte de crise financière internationale. : Le cas des crises : krach boursier de 1987, crise asiatique de 1997-1998, subprimes en 2007-2008

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2021

Partager "Communication de l’État en contexte de crise financière internationale. : Le cas des crises : krach boursier de 1987, crise asiatique de 1997-1998, subprimes en 2007-2008"

Copied!
484
0
0

Texte intégral

(1)

HAL Id: tel-01952814

https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-01952814

Submitted on 12 Dec 2018

HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of sci- entific research documents, whether they are pub- lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers.

L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou privés.

Communication de l’État en contexte de crise financière internationale. : Le cas des crises : krach boursier de

1987, crise asiatique de 1997-1998, subprimes en 2007-2008

Mathieu Fusi

To cite this version:

Mathieu Fusi. Communication de l’État en contexte de crise financière internationale. : Le cas des crises : krach boursier de 1987, crise asiatique de 1997-1998, subprimes en 2007-2008. Sci- ences de l’information et de la communication. Université Grenoble Alpes, 2018. Français. �NNT : 2018GREAL009�. �tel-01952814�

(2)

THÈSE

Pour obtenir le grade de

DOCTEUR DE LA

COMMUNAUTÉ UNIVERSITÉ GRENOBLE ALPES

Spécialité : Sciences de l'Information et de la Communication

Arrêté ministériel : 25 mai 2016

Présentée par

MATHIEU FUSI

Thèse dirigée par Isabelle PAILLIART, Professeure

préparée au sein du Laboratoire Groupe de Recherche sur les Enjeux de la Communication

dans l'École Doctorale Langues, Littératures et Sciences Humaines

Communication de l'État en contexte de crise financière internationale. Le cas des crises : krach boursier de 1987, crise

asiatique de 1997-1998, subprimes en 2007- 2008

State communication in the context of international financial crisis. The case of crises: stock market crash of 1987, Asian crisis of 1997-1998, subprime in 2007-2008

Thèse soutenue publiquement le 26 octobre 2018, devant le jury composé de :

Madame Isabelle PAILLIART

Professeur, Université Grenoble Alpes, Directeur de thèse Monsieur Benoit LAFON

Professeur, Université Grenoble Alpes, Examinateur Madame Caroline OLLIVIER-YANIV

Professeur, Université Paris-Est Créteil , Rapporteur Monsieur Stéphane OLIVESI

Professeur, Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines, Président Monsieur Pierre LEROUX

Professeur, Université catholique de l'Ouest, Rapporteur

(3)
(4)

Remerciements

« Chimpazees scream and shout, bang doors, throw objects, call for help, and afterward they may make up by a friendly touch or embrace. » Frans de Waal, Chimpanzee politics : power and sex among apes, 2007 Cette citation, prise au hasard, d’un primatologue néerlandais me sert à évacuer une frustration ; celle de n’avoir pu discuter de ces animaux fascinants que sont les chimpanzés et les grands singes en général. Si nous n’avons pas encore trouvé le premier ancêtre commun de tous les primates, nous pouvons déjà affirmer qu’il existe chez ces derniers un partage de la lutte autour du pouvoir de domination dans les groupements sociaux. Bref, je m’arrête là sinon je me sens capable de disserter pendant des pages et des pages. Il y aurait tant à dire : la prégnance plus ou moins étendue selon l’espèce de primates (humains compris) des ordres biologiques sur les ordres sociaux, le rôle de la néoténie (ou de la foetalisation) dans le développement d’un écart entre conditions biologiques et conditions sociales, etc.

Sans transition donc, je remercie ma directrice de thèse, Isabelle Pailliart, d’avoir pris le temps de lire mes travaux et de s’être figurée en démonstration, tant implicite et explicite, des attentes concernant un doctorant.

Je remercie aussi les membres de mon jury, Caroline Ollivier-Yaniv, Benoit Lafon, Pierre Leroux et Stéphane Olivesi pour le temps qu’ils ont consacré à cette thèse et avoir accepté de faire partie de mon jury.

Ci-dessous, je vais lister, sans ordre particulier, des éléments qui m’ont permis de traverser l’épreuve – le rite – de la thèse avec l’excitation et la méfiance d’un chiot qui prend connaissance de son environnement :

• les spéculoos et le thé

• une boule de poils couleur patate (on dit « fauve » pour les spécialistes)

• les « tu préfères ? »

• certaines œuvres vidéoludiques, cinématographiques, télévisuelles, musicales, etc.

• les ouvrages scientifiques en tous genre

• des séances plus ou moins improvisées de rattrapage épistémologique chez celui-dont-

on-ne-doit-pas-prononcer-le-nom

(5)

• un arbre généalogique transalpin et transméditerranéen, où se mêlent pizza et makrout Pour finir, un court poème à destination de celui qui est, et restera, un exemple :

Nobert ô Norbert, tu es mon nord Tu guides mes pas vers le savoir Norbert ô Norbert, tu es mon or

Tu enrichis ces vers sans le vouloir [notamment parce que tu es mort…]

(6)

Résumé

Les « crises financières internationales » sont des événements forts qui remettent en cause l’ordre du secteur financier tout en impactant le reste de la société, notamment aux niveaux économique (baisse des crédits par exemple) et social (chômage par exemple). Elles présentent donc l’intérêt de situer clairement les valeurs et les normes que l’État et ses représentants défendent lorsque ceux-ci communiquent sur ces « crises ». Notre recherche s’appuie sur les activités de communication des membres de l’exécutif (les ministres et le Président de la République) pendant le « krach boursier de 1987 », la « crise asiatique de 1997-1998 » et la

« crise des subprimes de 2007-2008 ». Il existe en effet un lien symbolique entre les activités de communication des membres de l’exécutif et la communication de l’État. Les ministres et le Président sont légitimes pour incarner l’État et le faire agir au travers de leurs activités communicationnelles. À partir de ce lien, il est possible de comprendre le rôle de la communication de l’État pendant une « crise financière internationale ». Cette thèse interroge la participation de la communication étatique au gouvernement de la société française. Elle porte également sur les rapports de collaboration et de concurrence que les représentants de l’État entretiennent, par l’intermédiaire de la communication, avec des acteurs différents – comme les journalistes ou les acteurs politiques d’autres États – participant à la construction d’une

« crise ». En somme, notre recherche propose d’inclure la communication de l’État dans des logiques de domination et de rapports de force.

Mots-clés : communication de l’État – crise financière internationale – gouvernement –

domination – légitimité – exécutif

(7)

Abstract

"International financial crises" are meaningful events who question the order of the financial sector while impacting the rest of the society, notably at economic (drop of credits for example) and social levels (unemployment for example). In consequence, they clearly show values and norms that the state and its representatives stand up for when they communicate. Our research is based on communication activities of the members of the executive (ministers and the president of the Republic) during the "stock market crash of 1987", the "asian crisis of 1997-1998", and the "subprimes crisis of 2007-2008". Indeed there is a symbolic link between communication activities of the members of the executive and State communication. Ministers and the President are legitimate to embody the State and make it act through their communication activities. From this link, it is possible to understand the role of the State communication during an "international financial crisis". This thesis examines the participation of State communication in the government of French society. It also addresses the collaborative and competitive relationships, through of communication, that State officials have with different actors - such as journalists or political actors of other States - involved in building a "crisis". In short, our research suggests to include the communication of the State in logics of domination and power relations.

Keywords : communication of the State – International financial crisis – government –

domination – legitimacy – executive

(8)

Riassunto

Le « crise finanziarie internazionali » sono eventi forti che mettono in discussione l’ordine del settore finanziario mentre influiscono sul resto della società, in particolare ai livelli economico (abbassamento dei prestiti ad esempio) e sociale (disoccupazione ad esempio). Presentono dunque l’interesse de situare chiaramente i valori e i normi che lo Stato e i suoi rappresentanti difendono quando comunicano su queste "crise". La nostra ricerca si basa sulle attività di comunicazione dei membri dell'esecutivo (i ministri e il Presidente della Repubblica) durante il

"crollo del mercato azionario del 1987", la "crisi asiatica del 1997-1998" e la "crisi dei subprime del 2007-2008 ». Esiste infatti un legame simbolico tra le attività di comunicazione dei membri dell'esecutivo e la comunicazione dello Stato. I ministri e il presidente sono legittimi a incarnare lo Stato e farlo agire attraverso le loro attività di comunicazione. Da questo legame, è possibile capire il ruolo della comunicazione dello Stato durante una "crisi finanziaria internazionale".

Questa tesi interroga la partecipazione della comunicazione dello Stato al governo della società francese. Affronta anche le relazioni collaborative e competitive che i rappresentanti dello Stato, attraverso la comunicazione, hanno con diversi attori - come giornalisti o attori politici di altri stati - partecipano nella costruzione di « una crisi ». In breve, la nostra ricerca si propone di includere la comunicazione dello Stato nella logica del dominio e delle relazioni di potere.

Parole chiavi : comunicazione dello Stato – crisi finanziaria internazionali – governo – dominio

– legitimità – esecutivo

(9)

Sommaire

Remerciements...2

Résumé...4

Abstract...5

Riassunto...6

Introduction...10

1 – La posture scientifique de cette thèse...12

2 – La problématique...15

3 – Les hypothèses...20

4 – La méthodologie...24

5 – L’annonce du plan...30

Partie 1 : La communication de l’État dans l’organisation politique française...33

Chapitre 1 : la dimension symbolique de la communication de l’État ...38

1 – L’État, monopoles et capitaux...39

2 – Le monopole d’un groupe de la représentation-incarnation de l’État...64

3 – L’expression de l’État agissant...81

Conclusion du chapitre 1...96

Chapitre 2 : Le gouvernement du social par la communication de l’État...97

1 – La domination et l’autorité étatiques dans la communication de l’État...98

2 – Les capacités étatiques de la définition de la « réalité »...124

(10)

Conclusion du chapitre 2...142

Partie 2 : Les « crises financières internationales » : la construction d’un événement international...144

Chapitre 3 : La représentation par l’État d’un événement de « crise financière international »...148

1 – La présentation des trois événements de « crise financière internationale »...149

2 – L’approche constructiviste : la communication de l’État au prisme de la construction d’un événement...155

3 – La concentration des relations de l’État avec les autres acteurs de la construction d’un « événement »...165

Conclusion du chapitre 3...217

Chapitre 4 : Les processus sociaux généraux dans l’événement de « crise financière internationale »...218

1 – L’amplification des processus sociaux généraux...219

2 – Le processus d’intégration sociale globale dans la communication de l’État...235

3 – La mondialisation et les luttes entre États dans la communication de l’État...260

Conclusion du chapitre 4...282

Partie 3 : La communication de l’État dans des « configurations de champs »...285

Chapitre 5 : L’intégration de la communication de l’État dans la politique nationale...286

1 – Les apports de la « configuration de champs » dans l’analyse de la communication de l’État...287

2 – La politique nationale française : un processus de « dominants assistés »...298

3 – Les invariants de la communication de l’État...328

Conclusion du chapitre 5...359

Chapitre 6 : Les luttes entre membres de l’exécutif et journalistes pendant une « crise financière internationale »...360

1 – La coopération et la concurrence entre les membres de l’exécutif et les journalistes des médias centraux...363

2 – Les routines : la démonstration d’un statu quo entre l’État et les médias ?...392

(11)

Conclusion du chapitre 6...451

Conclusion générale...456

Bibliographie...461

Table des matières...479

(12)

Introduction

En octobre 2008, un événement d’ampleur internationale fait l’objet d’une attention particulière de la part du gouvernement de François Fillon, de la présidence de Nicolas Sarkozy, des médias nationaux, des spécialistes des secteurs économique et financier, des économistes libéraux et hétérodoxes, etc. À cette époque, cet événement, appelé « crise des subprimes », constitue un nœud de relations et de représentations complexes significatives, bien que nous ne parvenions pas à en saisir les implications totales. De là est née une curiosité pour les mécanismes financiers – credit default swap, collateralized debt obligation, securitazation

1

, etc. – à l’origine de cette « crise financière internationale » et un intérêt pour des représentations, le capitalisme et le libéralisme qui donnent lieu à des pratiques spécifiques. En parallèle, nous nous sommes intéressé à la communication de l’État, en particulier celle des ministres et du Président de la République. Pourquoi la communication est-elle utilisée pendant la « crise des subprimes » ? À quels objectifs correspond cette utilisation ? Ces deux questions ont commencé à être traitées dans notre mémoire de Master 2

2

, qui pose les fondations d’un questionnement ayant mené à la formulation du présent travail de thèse.

Ce questionnement porte sur la communication de l’État, c’est-à-dire sur le recours de certains représentants de l’État à la communication pour gouverner la société française. Il porte sur la légitimité de ces représentants à faire usage de la communication. Il se penche également sur les formes que la communication peut et doit prendre compte-tenu de la légitimité et de la crédibilité institutionnelles dont bénéficient les membres de l’exécutif. Cette expression désigne, dans le sens constitutionnel, le Président de la République et les ministres. Notre réflexion sur la communication de l’État s’articule alors autour de deux éléments centraux. D’un côté, les membres de l’exécutif sont ceux qui, de manière symbolique, communiquent en tant qu’État – ils font agir l’État. De l’autre côté, cette capacité à faire communiquer l’État s’accompagne de contraintes et de bénéfices particuliers liés à leur statut de membre de l’exécutif. Afin d’inclure cette réflexion dans une dimension historique, ces deux éléments ont été analysés dans des contextes de « crise financière internationale » entre 1987 et 2009. Ces événements répondent à

1 Un credit default swap (permutation de l’impayé) est un contrat qui lie l’acheteur d’une protection, en cas de défaut de paiement, et le vendeur de cette protection qui s’engage à payer une somme à l’acheteur au cas où il y a effectivement défaut de paiement. Un collateralized debt obligation (obligation adossée à des actifs) est un produit financier constitué de créances bancaires. La securitazation (titrisation) est une technique financière permettant de transformer des dettes en produit financier.

2 FUSI Mathieu, La communication de l’État en contexte de crise financière internationale, Mémoire de Master 2, sous la direction d’Isabelle Pailliart, Université Sendhal-Grenoble3, 2014, Grenoble

(13)

des logiques et des processus sociaux nombreux et en interaction – par exemple la libéralisation du secteur financier ou le recours à la communication dans la démocratie pour gouverner – qui mettent en lumière les fonctions de la communication de l’État. Ne s’arrêtant pas uniquement à une description empirique de ces fonctions, l’inclusion d’une réflexion sur la communication étatique dans un contexte historique déterminé cherche les implications politiques et sociales de cette communication. Quelle est la légitimité de l’État et de ses représentants à communiquer pendant une « crise financière internationale » ? Quel est le rôle l’État dans la construction de cet événement ? Ce rôle est-il unique, partagé ou disputé ? Qui sont les collaborateurs et les adversaires de cette construction ? Comment saisir les relations de l’État avec ses collaborateurs et ses concurrents ? En bref, notre thèse s’intéresse à l’utilisation par les membres de l’exécutif français de la communication pour gouverner dans une période de « crise », période qui présente à l’analyse l’avantage de souligner ce qui est « normal » et « anormal » dans la société française.

Les membres de l’exécutif démontrent au travers de leurs interventions ce qui correspond à une situation normale ou anormale dans le secteur financier. En outre, selon Y. Delahaye, sémioticien français, les « crises » « donnent [...] la possibilité d’observer à la fois le normal et l’anormal dans le fonctionnement de la communication et la production de la signification. »

3

Les membres de l’exécutif communiquent pour régler une situation exceptionnelle qui contrevient au fonctionnement habituel du secteur financier puis du secteur économique. Ils sont légitimes à le faire en tant que représentants d’un État qui, malgré des politiques de libéralisation du secteur financier, demeure en mesure d’intervenir dans un secteur déréglementé.

Les « crises financières internationales » dont nous avons choisi d’analyser la construction par la communication de l’État sont les suivantes : le « krach boursier de 1987 », la « crise asiatique de 1997-1998 » et la « crise des subprimes de 2007-2008 ». Trois raisons principales motivent le choix de ces « crises ». Premièrement, elles interviennent après les politiques de déréglementation du secteur financier mises en œuvre par les différents gouvernements. Ces

« crises » sont, en quelque sorte, le résultat des politiques de déréglementation puisque celles-ci ont permis le développement de pratiques qui se sont avérées dangereuses pour la stabilité du secteur financier. Deuxièmement, elles sont la démonstration de l’existence d’un secteur mondialisé. En effet, des difficultés au niveau des bourses dans un ou plusieurs pays se répercutent à un ensemble plus grand de pays. L’évolution du secteur financier en France correspond donc à une volonté de l’État qui est partagée au niveau mondial. Troisièmement,

3 DELAHAYE Yves, La frontière et le texte : pour une sémiotique des relations internationales. Paris : Payot, 1977, p. 136 (Langages et sociétés)

(14)

elles constituent des temps de « crise » ayant été assez forts pour avoir mobilisé des actions de la part de l’État français. L’intérêt de ces trois « crises financières internationales » s’inscrit ainsi dans le projet de cette thèse qui est d’interroger la domination de l’État pendant un événement fort. Ce dernier témoigne de la nécessaire présence étatique malgré un contexte où il a retiré peu à peu son autorité du secteur financier. Il démontre également les relations inter-étatiques qui se développent autour du secteur financier. Au total, l’analyse de la communication de l’État pendant le « krach boursier de 1987 », la « crise asiatique de 1997-1998 » et la « crise des subprimes de 2007-2008 » permet de saisir le rôle de cette communication dans la gestion d’une situation de « crise », dans les relations entre États et dans le développement de politiques néo- libérales.

Avant de présenter la problématique, nous nous arrêtons sur la posture scientifique choisie pour réaliser notre thèse.

1 – La posture scientifique de cette thèse

1.1 – La consubstantialité des structures mentales et des structures sociales chez l’être humain

Nous reprenons les postures épistémologiques assez proches de N. Elias et de P. Bourdieu, qui ont toujours accordé une grande place à l’interdépendance entre les structures mentales et les structures sociales dans leurs travaux. Avec le concept d’habitus, P. Bourdieu démontre l’intériorisation des structures sociales chez les individus. Cette intériorisation amène à adopter certains types de comportement et de réflexion

4

. Avec le processus de civilisation des mœurs

5

, N. Elias souligne quant à lui la pacification et la sophistication des comportements. Celles-ci ont justement eu lieu parce que l’être humain est capable de se détacher de ses conditions biologiques et d’apprendre, en fonction de sa société, des normes et valeurs particulières. L’être humain possède en somme quelque chose d’« unique » par rapport aux autres animaux, selon la formule du biologiste anglais J. Huxley

6

, dans sa capacité à utiliser une pensée conceptuelle.

Cette dernière permet à l’être humain d’interroger le sens des mots, la valeur des sentiments, la fonction des objets, le coût des actions, etc. En somme, les êtres humains sont les seuls animaux à poser des questions et à recourir au symbolique pour critiquer leurs institutions.

4 BOURDIEU Pierre, Le sens pratique. Paris : Les Éditions de Minuit, 1980, 474 p. (Le sens commun) 5 ELIAS Norbert, La civilisation des mœurs. Paris : Pocket, 2002, 509 p. (Agora)

6 HUXLEY Julian, L'Homme, cet être unique. Paris : O. Zeluck, 1947, p. 20

(15)

La notion de symbolique est à lire dans le sens défini par le philosophe C. Castoriadis. Celui-ci rattache les symboles aux institutions humaines qui fonctionnent avec des « systèmes symboliques sanctionnés »

7

. La société constitue un ordre symbolique sur lequel s’appuie les individus qui la composent à un temps donné. Il n’existe donc pas de symboles donnés dans la nature humaine mais, au contraire, les institutions, prenant part à la formation des sociétés, construisent des symboles, notamment au travers d’un imaginaire qui témoigne du lien entre le signifiant et le signifié. Ainsi, d’après C. Castoriadis, « tout ce qui se présente à nous, dans le monde social-historique, est indissociablement tissé au symbolique »

8

. Nous aborderons la question du symbolique dans cette thèse en nous demandant quelle est l’institution la plus à même de fixer l’ordre symbolique en France et la façon dont elle transmet ces symboles à l’aide de la communication pendant une « crise financière internationale ». Il sera aussi question du lien symbolique entre les activités de communication des membres de l’exécutif et la communication de l’État, c’est-à-dire de l’existence d’un rapport entre les activités menées par des individus spécifiques et les agissements d’une institution.

La nature socio-biologique humaine favorise l’intrication entre les structures mentales et les structures sociales. Les institutions ne sont pas seulement vécues comme des contraintes extérieures. Comme dit P. Bourdieu, l’État « existe sous deux formes : dans la réalité objective, sous la forme d’un ensemble d’institutions comme des règlements, des bureaux, des ministères, etc. et aussi dans les têtes »

9

. En conséquence, la communication de l’État s’interroge en prenant en considération les interactions qu’elle favorise entre les structures mentales et les structures sociales des citoyens français. C’est, nous le verrons au cours de cette thèse, en se déployant avec une autorité spécifique que l’État est en mesure de gérer une « crise financière internationale » en partie par la communication. Les membres de l’exécutif sont légitimes à représenter l’État et à démontrer l’autorité de ce dernier pour assurer le fonctionnement du secteur financier. La prise en compte de la consubstantialité des structures mentales et des structures sociales permet de concevoir la communication de l’État de manière relationnelle.

Notre réflexion inclut la communication de l’État dans des rapports de force qu’entretiennent les membres de l’exécutif, au lieu de l’inscrire dans un déterminisme – l’État décide de toutes les relations – ou un centrisme – l’État est l’origine et la destination de toutes les relations. Ainsi, notre objectif est de penser la communication de l’État dans ses pleines implications socio-

7 CASTORIADIS Cornelius, L'institution imaginaire de la société. Paris : Éditions du Seuil, 1975, p. 162 (Esprit)

8 Ibid., p. 162

9 BOURDIEU Pierre, Contre-feux. Propos pour servir à la résistance contre l'invasion néo-libérale. Paris : Liber-Raisons d'agir, 1998, p. 38 ; c’est nous qui soulignons.

(16)

politiques. Nous comptons démontrer les raisons qui expliquent que la communication des membres de l’exécutif est la communication de l’État et que, en conséquence, la communication participe à la domination de l’État.

1.2 – Une critique de la communication de l’État

Notre objectif second est de contribuer à la critique de la communication de l’État. En cela, nous partageons le projet critique des sciences humaines et sociales avec, entre autres, F. Granjon et E. George

10

, chercheurs en sciences de l’information et de la communication. Pour ces derniers,

« la critique doit amoindrir la tendance d’adaptation au réel et dans le même mouvement projeter de nouvelles manières de dépasser le réel vers des possibles émancipateurs. »

11

La critique en sciences sociales et sciences de l’information et de la communication s’engage là dans une lutte politique, au sens où elle remet en question les représentations dominantes de la société

12

et participe à l’élaboration de représentations en rupture avec celles-ci. Cette conception est en franche contradiction avec la neutralité axiologique adoptée par certains chercheurs. Selon F. Granjon, la neutralité est une prétention des chercheurs se pensant détachés de leur environnement

13

. En conséquence, un chercheur neutre ne formule pas de jugement et n’engage pas ses recherches dans une volonté de changement

14

. Au contraire, la conception

« politique » de la science entraîne le chercheur à se saisir de ses objets de recherche de manière critique, soit non-neutre, afin d’assumer le rôle que peut jouer les sciences sociales dans la société mais aussi à saisir l’intérêt d’une praxis pour « un agir conscient sur le monde à des fins de changements progressistes »

15

.

10 GEORGE Éric, GRANJON Fabien (dir.), Critique, sciences sociales, communication. Paris : Mare & Martin, 2014, 359 p.

11 GEORGE Éric, GRANJON Fabien, « Présentation. Critique, sciences sociales, communication : deux ou trois choses que nous savons d’elles », IN : GEORGE Éric, GRANJON Fabien (dir.), Critique, sciences sociales, communication. Paris : Mare & Martin, 2014, pp. 11-12

12 Comme le souligne P. Bourdieu, le « jeu politique » est composé en partie d’une lutte symbolique engageant des représentations du monde ; BOURDIEU Pierre, « la représentation politique [éléments pour une théorie du champ politique] » [Document en ligne] Actes de la recherche en sciences sociales, 36-37, 1981, p. 8.

Disponible sur : http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/arss_0335- 5322_1981_num_36_1_2105 (consulté en août 2014)

13 GRANJON Fabien, « La critique est-elle indigne de la sociologie ? » [Document en ligne] Sociologie, n°1, 2012, volume 3. Disponible sur : https://sociologie.revues.org/1176 (consulté en décembre 2016)

14 Notons que la question de l’engagement du chercheur ou de sa position neutre ne fait pas l’unanimité.

Notamment, selon N. Heinich, sociologue française, il est possible d’avoir une neutralité engagée, consistant à jouer le rôle de médiateur dans les conflits. Ce point de vue a toutefois été critiqué par F. Grandon pour qui cette forme d’engagement neutre cache une normativité ne se reconnaissant pas comme telle. HEINICH Nathalie, « Pour une neutralité engagée » [Document en ligne] Questions de communications, n°2, 2002, pp.

117-127. Disponible sur : http://questionsdecommunication.revues.org/7084 (consulté en décembre 2016) ; GRANJON Fabien, op. cit., 2012

15 GRANJON Fabien, « Codicille : la critique est-elle soluble dans les sciences de l'information et de la communication  » In : GEORGE Éric, GRANJON Fabien (dir.), Critique, sciences sociales, communication.

(17)

La critique de la communication de l’État que nous proposons interroge l’utilisation de la communication dans l’objectif du maintien de la domination de l’État. Elle questionne aussi la situation politique où seuls quelques individus sont en mesure d’incarner l’État et de le faire agir en communiquant. Nous souhaitons que ce travail de thèse permette de lancer un travail de critique sociale, mené conjointement par des citoyens hors du monde universitaire et des universitaires. La communication étatique participe au gouvernement de la société française, elle n’est donc jamais uniquement une façade ou une tentative de séduction. Elle s’inscrit dans une organisation politique spécifique, la démocratie représentative. Cette dernière implique d’un côté un lien de représentation entre les gouvernants et les gouvernés, et, de l’autre côté, un rapport de domination entre ceux qui prennent les décisions pour gouverner et ceux qui n’en prennent pas. La communication entretient le lien de représentation. Les ministres et le Président s’expriment en public pour expliquer leurs politiques, mais aussi pour l’entretien des rapports de domination, la communication n’étant pas au service d’un renversement ou d’un équilibre de ces rapports. C’est tout cela que nous comptons mettre en interrogation avec une critique de la communication de l’État.

2 – La problématique

La notion de communication de l’État utilisée dans cette thèse est à mi-chemin entre la communication politique et la communication publique. D’un côté, elle relève de la légitimation des gouvernants

16

dans l’objectif de maintenir leur position dans le champ politique et leurs crédits auprès des électeurs. De l’autre côté, elle a trait à la catégorie de l’intérêt général et concerne les discours des institutions dans l’objectif de gérer les représentations et les comportements des citoyens

17

. Les acceptions que nous prenons pour ces deux notions sont en rapport avec les pratiques des acteurs plutôt qu’un domaine d’étude scientifique. Malgré tout, les définitions données plus haut ne font pas l’unanimité et certains auteurs élargissent la notion de communication politique au niveau des acteurs concernés ou la font remplacer celle de communication publique. Dans le premier cas, D. Wolton, chercheur en sciences de l’information et de la communication, définit la communication politique comme les échanges de discours entre trois catégories d’acteurs « légitimes à s’exprimer publiquement sur la

Paris : Mare & Martin, 2014, p. 340 (MediaCritic)

16 RIUTORT Philippe, Sociologie de la communication politique. Paris : La Découverte, 2013, p. 6 (Repères.

Sciences politiques-droit)

17 OLLIVIER-YANIV Caroline, « La communication publique : communication d'intérêt général et exercice du pouvoir. », In : OLIVESI S. (dir.), Sciences de l'information et de la communication. Objets, savoirs, discipline, Grenoble, Presses universitaires de Grenoble, 2006, p. 111

(18)

politique »

18

– ces trois acteurs étant les acteurs politiques au sens large (dont les acteurs syndicaux par exemple), les journalistes et l’opinion publique. Dans le deuxième cas, É.

Dacheux identifie deux types de communications politiques ; la communication politique qui

« concerne la gestion des affaires publiques »

19

et qui est une « « communication d’intérêt général » »

20

et la communication politique partisane concernant les luttes de pouvoir. É.

Dacheux souligne justement que ces deux types sont fortement liés. Les notions de

« communication politique » et de « communication publique » désignent des réalités pratiques qui se mélangent et nous préférons rattacher la communication à une institution centrale dans la gestion politique de la société, l’État.

La communication de l’État recouvre ces deux dimensions. La première dimension est promotionnelle et partisane. Elle est rattachée à la participation des membres de l’exécutif à la politique nationale. Elle est plus individuelle, bien qu’elle démontre également que l’appartenance des membres de l’exécutif à l’institution particulière qu’est l’État est à l’origine de capitaux spécifiques. Entre autres, il s’agit, selon P. Bourdieu, d’un « capital délégué d’autorité politique »

21

, c’est-à-dire un capital transmis et contrôle par une institution. La seconde dimension est politique et symbolique. Elle concerne la capacité de l’État à déterminer un universel

22

. L’État français est en mesure de définir la catégorie de « l’intérêt général », il incarne en quelque sorte le « bien commun » de la société française.

La communication de l’État désigne donc le recours à la communication pour gouverner. Elle est utilisée à des fins politiques pour donner une direction à la société et prend part à l’institutionnalisation récurrente voire permanente de l’État en France. Cette institutionnalisation favorise le maintien et la reproduction de la domination étatique. La communication de l’État répond à ce que Y. de la Haye, chercheur en sciences de l’information et de la communication, appelle « la nécessité de trouver des styles de domination sociale »

23

. Y. de la Haye pose comme hypothèse que « les balbutiements et le développement des politiques publiques de communication »

24

visent à reconfigurer le gouvernement de la société en fondant « d’autres habitudes de délégation et de représentation plus souples »

25

. La communication de l’État est ici

18 WOLTON Dominique, Penser la communication. Paris : Flammarion, 1997, p. 377 (Champs. Essais)

19 DACHEUX Éric, Les stratégies de communication persuasive dans l’Union européenne. Paris : L’Harmattan, 1994, p. 175 (Logiques sociales)

20 Ibid., p. 175

21 BOURDIEU Pierre, op. cit., 1981, p. 18.

22 BOURDIEU Pierre, Sur l'État. Cours au Collège de France (1989-1992). Paris : Seuil : Raisons d'agir, 2011, pp. 161-166 (Cours et travaux)

23 de la HAYE Yves, Dissonances : critique de la communication. Grenoble : La pensée sauvage, 1984, p. 87 (Collection media discours)

24 Ibid., p. 87 25 Ibid., p. 87

(19)

une manière de gouverner qui cherche à légitimer et à maintenir les rapports de domination au sein de la société. Nous nous centrons plus particulièrement sur des acteurs qui sont autorisés par l’État et par les citoyens à mettre en œuvre cette communication de façon publique. Ces acteurs sont les ministres et le Président de la République.

Pour désigner ces mises en public de l’État et de ses actions, nous utilisons la notion d’activité de communication. Ces activités sont différentes et peuvent être aussi bien un discours, une conférence de presse, une interview, un article, un communiqué, etc. Les membres de l’exécutif effectuent donc des activités de communication pour incarner l’État et gouverner.

La réflexion développée dans cette thèse intègre la communication de l’État dans un contexte de

« crise financière internationale ». Notre intérêt ne se porte pas tellement sur les « crises financières internationales » en elles-mêmes que sur les actions menées par l’État afin de juguler les effets négatifs qu’elles entraînent ou pourraient entraîner. Les « crises financières internationales » sont des événements qui nécessitent une construction car elles n’ont pas de sens immanent. Pour être comprises ou tout simplement pour que leur existence soit dévoilée – puisque ce n’est pas l’ensemble de la population française qui s’intéresse au secteur financier –, elles doivent être décrites par des activités de communication, comme celles des membres de l’exécutif. La notion de construction renvoie alors au travail de différents acteurs (les médias ou l’État par exemple) pour expliquer publiquement l’événement de « crise financière internationale ». C’est en tant que participant à cette construction, qui est un processus social complexe auquel participent plusieurs types d’acteurs (journaliste, professionnel de la politique,

« experts »), que l’État agit sur la société française. Il existe alors une dynamique relationnelle à l’origine de la construction de l’événement de « crise financière internationale » se traduisant par une configuration éliasienne, c’est-à-dire une structure de relations sociales sur laquelle aucun acteur ne possède un contrôle total ou la capacité de deviner où cette configuration aboutira

26

.

Toutefois, ce sont les membres de l’exécutif qui, à travers leurs activités de communication, contribuent majoritairement à la définition commune

27

des « crises financières internationales ».

26 ELIAS Norbert, Qu'est-ce que la sociologie ? La Tour-d'Aigues : Édition de l'Aube, 1993, p. 157

27 La définition commune, au sens où l’entendent M. Barthélémy et L. Quéré, sociologues français, n’est pas le calque de la réalité mais plutôt un accord basique sur l’événement servant d’appui aux actions et aux discussions ; BARTHÉLÉMY Michel, QUÉRÉ Louis, La mesure des événements publics. Structure des événements et formation de la conscience publique [Document en ligne] Centre d’Étude des Mouvements sociaux, 1991, p. 9. Disponible sur : https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00542618 (consulté en avril 2015)

(20)

Ils agissent et communiquent en tant qu’État, c’est le principe de la représentation-incarnation

28

. Cette capacité d’incarnation peut également s’expliquer par la théorie des deux corps, développée par E. Kantorowicz

29

. Le Président de la République et les ministres ont un corps physique et un corps mystique. Ce dernier est pour notre société le corps politique de la nation, celui qui symbolise l’État-nation français. Une fois élu (dans le cas du Président) ou désignés (dans le cas des ministres), les membres de l’exécutif incarnent l’État et peuvent alors gouverner, en partie par leurs activités de communication, en toute légitimité.

Nous concevons la communication de l’État comme s’inscrivant dans des rapports de domination et des rapports de force. Son analyse apporte, en tant que la communication étatique est partie prenante et déterminante de l’organisation politique, des éléments éclairants sur la société française actuelle. La communication de l’État participe à la construction des « crises financières internationales ». Pour cette raison, elle n’est pas juste une réponse formelle adressée à un secteur en danger, elle est une mise en scène et en action de l’État agissant pour le fonctionnement du secteur financier. Par exemple, les activités de communication des membres de l’exécutif laissent voir le rôle de l’État dans le maintien de la confiance des citoyens envers le secteur financier. Cette capacité procède du monopole symbolique étatique, qui est, selon P.

Bourdieu, la capacité de l’État à déterminer et à mettre en scène l’universel en France

30

. Les membres de l’exécutif font usage de ce monopole pendant les « crises financières internationales ». Plus généralement, ils utilisent les monopoles et les capitaux étatiques – économique, de « force physique », symbolique et informationnel

31

. Ces monopoles et capitaux garantissent aux membres de l’exécutif domination et autorité auprès des citoyens français, ce qui ne signifie pas pour autant qu’ils sont des souverains absolus. Dans la construction de l’événement de crise, ils prennent en effet part à une configuration, formée par différents acteurs, dont les journalistes par exemple, et de laquelle découle une situation d’interdépendance. Par ailleurs, les membres de l’exécutif doivent assumer la participation de la

28 SINTOMER Yves, « Les sens de la représentation politique : usages et mésusages d'une notion » [Document en ligne] Raisons politiques, n°50, 2013, volume 2, p. 21. Disponible sur : http://www.cairn.info.sidnomade- 1.grenet.fr/revue-raisons-politiques-2013-2-page-13.htm (consulté en mai 2016)

29 KANTOROWICZ Ernst Hartwig, Les deux corps du roi. Paris : Gallimard, 1989, 638 p. (Bibliothèque des histoires)

30 BOURDIEU Pierre, Sur l'État. Cours au Collège de France (1989-1992). Paris : Seuil : Raisons d'agir, 2011, p.

54 (Cours et travaux)

31 P. Bourdieu définit ces quatre capitaux d’État comme procédant d’un processus de concentration qui a contribué à la formation de l’État. Nous détaillerons ce point dans la première partie ; BOURDIEU Pierre,

« Esprits d'État. Genèse et structure du champ bureaucratique » [Document en ligne] Actes de la recherche en sciences sociales, 1993 (b), volume 96-97, pp. 49-62. Disponible sur : http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/arss_0335-5322_1993_num_96_1_3040 (consulté en mars 2015)

(21)

France à une association supranationale, contraignant de fait et de droit leurs actions politiques

32

.

La communication étatique témoigne de la possibilité pour l’État de reprendre le contrôle du secteur financier. Les membres de l’exécutif font en effet preuve d’une volonté de réglementer le secteur afin de corriger les défauts qui ont amené à « une » crise et, plus spécifiquement, expliquent les actions qu’ils entreprennent pour gérer ce secteur en « difficulté ». La communication de l’État démontre également pourquoi cette possibilité n’est pas menée jusqu’au bout à cause de l’appartenance de la France à une association supranationale et de la participation des membres de l’exécutif à la politique nationale. Étant membre de l’Union européenne, la France n’a pas la possibilité de prendre des décisions seules dans le domaine de la réglementation. En outre, les conditions, socialement situées, de production de la communication étatique expliquent pourquoi cette possibilité n’est pas réalisée. Les membres de l’exécutif sont membres de partis politiques (le Parti socialiste, le Rassemblement pour la République et l’Union pour un mouvement populaire) ayant soutenu ce mouvement de déréglementation et, encore plus important, ils participent à la politique nationale où les idées néo-libérales sont dominantes

33

. Il paraît alors difficile, compte-tenu de l’absence hors période de « crise » de programmes politiques de re-réglementation financière, pour les membres de l’exécutif de s’opposer à leur parti, de qui dépend leur soutien politique pour le gouvernement de la nation.

Pour résumer notre problématique est la suivante : la construction de l’événement de « crise financière internationale » par les activités de communication des membres de l’exécutif éclaire sur les implications et les enjeux de la communication de l’État. Celle-ci représente à la fois une manière de gouverner, une participation des ministres et du Président au champ politique national, une gestion des rapports internationaux et une gestion des rapports entre les membres de l’exécutif et d’autres acteurs nationaux et extérieurs à la nation. La communication de l’État prend donc part à des rapports de domination et des rapports de force qui se déroulent au travers de configurations de relations. C’est dans ces relations, que l’État entretient par l’intermédiaire de ses représentants légitimes qui l’incarnent, qu’apparaît une construction de la « crise

32 Par exemple, le pénultième traité, le Traité de Lisbonne signé le 13 décembre 2007, engage les États membres dans une économie où la concurrence n’est pas faussée, ce qui remet en question la possibilité de prendre des mesures protectionnistes. Pour plus de détails sur le Traité de Lisbonne se référer à ZARKA Jean-Claude, L’essentiel des institutions de l’Union européenne. Issy-les-Moulinuex : Gualino-Lextenson, 2014, pp. 28-31 (Les Carrés. Droit, science politique)

33 En témoigne notamment l’engagement successif des gouvernements depuis, plus particulièrement, les années 1980 dans des politiques de déréglementation et de privatisation. Nous présenterons dans le chapitre 3 les politiques qui concernent le secteur financier.

(22)

financière internationale ». Cette construction témoigne de l’engagement de l’État dans des politiques néo-libérales.

3 – Les hypothèses

Pour analyser la communication de l’État en contexte de « crise financière internationale », nous avons formulé trois hypothèses que nous présentons ici avant de les détailler. En premier lieu, la communication de l’État se déroule avec deux contraintes formelles, une retenue et un respect du régime politique. En deuxième lieu, la communication étatique traduit les relations de l’État aux autres acteurs de la construction d’une « crise financière internationale ». Ces relations s’inscrivent notamment dans des dynamiques paradoxales. En troisième lieu, la communication de l’État participent à des rapports de collaboration et de concurrence entre acteurs dominants de leur champ dans le cadre de la construction et du règlement de la « crise financière internationale ».

3.1 – Les contraintes formelles de la communication de l’État

Les membres de l’exécutif ne sont pas libres de communiquer comme ils le souhaitent. Leurs activités de communication répondent à des contraintes particulières. Dans un premier temps, ces contraintes existent parce que leurs activités de communication sont rattachées directement à leur position institutionnelle. Ces positions correspondent à un régime politique particulier. La communication de l’État s’accorde avec des canons particuliers démocratiques. Sur ce point, un rapprochement des activités de communication avec des activités de propagande serait fortement nuisible pour les membres de l’exécutif. C. Ollivier-Yaniv, chercheuse en sciences de l’information et de la communication, souligne en effet que la communication publique correspond à un effort pour se détacher de la propagande, qui renvoie à « l’absence de pluralisme des sources d’information des citoyens, à la présentation tronquée, voire mensongère, des faits politiques par le gouvernement en place »

34

. Pour C. Ollivier-Yaniv, la communication publique qui émerge dans les années 1980 permet de contourner les deux interdits de la propagande : « la monopolisation des sources d’information […] et […] la diffusion

34 OLLIVIER-YANIV Caroline, « De l’opposition entre « propagande » et « communication publique » à la définition de la politique du discours : proposition d’une catégorie analytique » [Document en ligne]

Quaderni, n° 72, 2010, volume 2, p. 88. Disponible sur : http://www.cairn.info/revue-quaderni-2010-2-page- 87.htm (consulté en juillet 2015)

(23)

d’informations partielles »

35

. Toutefois, ce contournement n’est pas la répétition de la manipulation et du monopole d’information, mais plutôt une reconfiguration des relations qui mènent à l’exposition publique de l’État. Par la propagande, l’État contrôle totalement l’information qu’il diffuse et sélectionne précisément les éléments qu’il souhaite mettre en avant. Par la communication publique, il peut « s’adresser directement aux citoyens »

36

, mais ne contrôle pas directement les médias qui transmettent sa communication, et se dirige vers une

« transparence de l’action publique »

37

. En somme, la communication de l’État s’inscrit bien dans ces contraintes de la transparence et de l’absence de contrôle des sources d’information.

Les interdits posés à la propagande sont reportés sur la communication de l’État, même si la situation de « crise financière internationale », de par sa nature extra-ordinaire pourrait amener des changements vis-à-vis de ces interdits, dans l’objectif notamment de garantir le fonctionnement le secteur financier (par exemple en n’autorisant par la diffusion d’information sur la « crise financière internationale » autrement que par ses canaux officiels ou en ne dévoilant pas la gravité de la « crise »).

Dans un second temps, le contexte de « crise financière internationale » entraîne à chercher des contraintes spécifiques liées à sa survenue. Notre hypothèse est que la gravité de la situation nécessite une retenue de la part des ministres et du Président de la République en ce qui concerne la mise en scène de leurs activités de communication et la dimension promotionnelle explicite de celles-ci. Il s’agit pour les membres de l’exécutif de respecter l’aspect solennel ou habituel de leurs activités de communication. L’innovation, au sens de la présentation d’une nouveauté dans l’aspect scénique de ces activités, est limitée par le contexte de « crise » où il existe des attentes de la part d’acteurs (politique et médiatique par exemple) et des citoyens vis- à-vis de la communication de l’État. Dans sa forme, elle ne surprend pas et se déroule de façon ordinaire. De plus, dans leurs activités de communication, les membres de l’exécutif doivent mettre en avant uniquement leurs actions pour l’intérêt général et cacher tout possible gain pour leurs intérêts personnels. Cela correspond au « désintéressement » que P. Bourdieu désigne comme une nécessité pour les gouvernants

38

. Les représentants de l’État ont en effet une capacité à déterminer l’universel mais cette capacité doit se mettre en œuvre de manière désintéressée, c’est-à-dire en se soumettant explicitement au principe de l’intérêt général.

35 Ibid., p. 88 36 Ibid., p. 88 37 Ibid., p. 88

38 BOURDIEU Pierre, op. cit., 1993 (b), pp. 61-62

(24)

3.2 – Les dynamiques paradoxales de la communication de l’État

L’État nécessite une action symbolique de représentation pour agir. P. Birnbaum, historien et sociologue français précise que, contre une vision « réificatrice »

39

de l’État, « il est en effet indispensable de se souvenir que l’action de l’État, en tant qu’institution, dépend pour beaucoup du personnel qui le dirige »

40

. En effet, l’État n’étant pas une figure anthropomorphique

41

, ce sont les représentants de l’État qui mettent en œuvre la communication de l’État. Cette dernière est utilisée pour entretenir des relations. Dans le contexte de « crise financière internationale », la communication étatique sert à l’entretien de relations entre l’État et les autres acteurs (journalistes, acteurs politiques européens, acteurs financiers, etc.) qui participent à la construction ou au règlement de la « crise ». Dans la construction de cet événement donc, apparaît les actions de l’État et la description de la « crise ». Ce faisant, les représentants de l’État entretiennent des relations spécifiques : avec qui comptent-ils collaborer pour le règlement de la « crise » ? Qui désignent-ils comme responsable de la « crise » ? Quelles causes et quelles solutions donnent-ils à celle-ci ? Ces éléments soulignent la position de l’État par rapport aux acteurs avec lesquels il a des relations.

Par ailleurs, les relations qui transparaissent dans la communication de l’État participent à des dynamiques paradoxales. Il existe deux paradoxes principaux. Le premier concerne le paradoxe d’une critique du secteur financier accompagnée par un soutien envers l’idéologie et les politiques néo-libérales. D’un côté, les membres de l’exécutif font montre d’un reproche de l’État envers les comportements des acteurs financiers et le fonctionnement de ce secteur qui a amené la situation de « crise ». De l’autre côté, la dimension critique est assez faible dans les activités de communication des ministres et du Président, soulignant par là que l’objectif de ces activités n’est pas une remise en question totale de l’idéologie néo-libérale. En outre, les membres de l’exécutif ne soulignent pas un désengagement de l’État envers les politiques de libéralisation, malgré leur monstration de l’intervention de l’État pour régler la « crise ». Le deuxième paradoxe s’inscrit dans les relations entre l’État, les autres États et les institutions supranationales et internationales. Les membres de l’exécutif mettent en lumière la nécessité de régler la « crise financière internationale » et d’empêcher la survenue d’une nouvelle « crise » à l’aide d’une collaboration à l’échelle internationale et notamment européenne. Tout particulièrement, les membres de l’exécutif défendent la construction de l’Union européenne

39 BIRNBAUM Pierre, Les sommets de l'État : essai sur l'élite du pouvoir en France. Paris : Éditions du Seuil, 1994, p. 14 (Points. Essais)

40 Ibid., p. 11

41 JOBERT Bruno, MULLER Pierre, L’État en action : politiques publiques et corporatisme. Paris : Presses universitaires de France, 1987, p. 14 (Recherches politiques)

(25)

dans cet objectif. Néanmoins, l’Union européenne vient disputer ou reprendre des compétences qui appartenaient auparavant à l’État

42

. Les membres de l’exécutif participent donc à la promotion d’une modalité de gestion politique qui est destiné à les priver de « pouvoir ». Au total, il existe deux parties à cette hypothèse ; la première s’arrête sur la démonstration des relations de l’État par la communication et la seconde concerne les dynamiques paradoxales de ces relations qui apparaissent dans la communication de l’État.

3.3 – L’insertion de la communication de l’État dans des rapports de collaboration et de concurrence

Dans sa dimension plus individuelle et politique – au sens de compétition partisane –, la communication de l’État est une activité mise en œuvre par les ministres et le Président de la République. Ces derniers prennent part à des rapports de force pour le maintien de leur position dans le champ politique, mais aussi, de manière plus générale, de leur position dominante au sein de la société française. La communication de l’État participe donc à des rapports de collaboration et de concurrence entre acteurs dominants de leur champ. À titre d’exemple, pendant les « crises financières internationales », les membres de l’exécutif entretiennent des relations avec des journalistes des médias nationaux (TF1, Les Échos, etc.). Il s’agit d’une configuration de relations faite de collaborations et de concurrences. D’un côté, une rencontre permet à ces deux acteurs dominants de leur champ respectif de remplir leurs fonctions : les journalistes fabriquent de l’« information » en interviewant un ministre ou le Président, et les membres de l’exécutif s’adressent aux citoyens français par l’intermédiaire des médias. De l’autre côté, une concurrence s’effectue sur la définition de l’événement, c’est-à-dire sur les solutions à choisir pour régler la situation de « crise » ou sur les conséquences de cette situation.

Cette hypothèse s’appuie sur les travaux de P. Bourdieu et de N. Elias. Le concept de champ à P.

Bourdieu

43

permet de comprendre les rapports de force dans lesquels sont situés les membres de l’exécutif et le rôle de la communication dans ces rapports. Le champ est un effet un espace social où des agents luttent pour leur position à partir de leurs capitaux. Le concept de

42 Pour J.-L. Quermonne, politologue français, il s’agit de la stratégie d’intégration de l’Union européenne, consistant à « réaliser l’Union économique et politique de l’Europe en transférant progressivement certaines compétences relevant de la souveraineté des États à des instances administratives ou électives transnationales. » ; QUERMONNE Jean-Louis, Le système politique de l’Union européenne. Paris : Montchrestien – Lextenso, 2010, p. 13 (Clefs. Politique)

43 Sur le concept de champ voir notamment l’article synthétique : BOURDIEU Pierre, « Séminaires sur le concept de champ, 1972-1975. Introduction de Patrick Champagne » [Document en ligne] Actes de la recherche en sciences sociales, n° 200, 2013, pp. 4-37. Disponible sur : http://www.cairn.info/revue-actes-de-la-recherche- en-sciences-sociales-2013-5-page-4.htm (consulté en septembre 2015)

(26)

configuration de N. Elias

44

offre une conception dynamique des relations entre acteurs. Celles-ci sont prises dans des logiques d’interdépendance et d’interpénétration

45

. Un acteur ne peut mener, seul de son côté, une activité et nécessite la participation d’autres acteurs. Par ailleurs, les actions qu’il entreprend pour mener une activité ont des effets sur autrui. Ce sont ces logiques d’interdépendance et d’interpénétration qui permettent d’inclure la communication de l’État dans des rapports de collaboration et de concurrence.

Les membres de l’exécutif entretiennent donc des relations avec d’autres acteurs dominants dans leur champ. Ces acteurs ont une position centrale et dominante du fait de leur position géographique – comme le rappelle P. Bourdieu la localisation géographique est un témoin de la position sociale

46

– et de leur situation hiérarchique. L’idée sous-jacente de cette hypothèse est que l’État et ses représentants entretiennent peu de relations avec les niveaux locaux – institutions locales ou titres de presse régionale par exemple. Pendant une « crise financière internationale », la communication de l’État sert ainsi aux relations entre acteurs dominants et centraux, avant les relations avec les acteurs locaux.

4 – La méthodologie

Pour répondre aux hypothèses exposées plus haut, nous avons utilisé deux méthodes, l’analyse de contenu et les entretiens. La première méthode est constituée de trois corpus ; un corpus portant sur les activités de communication des membres de l’exécutif, un corpus portant sur les productions journalistiques du Monde, des Échos et de Libération, et un corpus portant sur les rencontres entre les journalistes de l’audiovisuel et les membres de l’exécutif. Au total, les trois corpus comportent 1002 documents. Cette première méthode consiste à relever dans un premier temps les activités de communication des membres de l’exécutif pour comprendre leur construction de l’événement de « crise financière internationale ». Dans un second temps, elle concerne la construction des journalistes de trois titres de presse nationale afin de saisir la façon dont les journalistes se positionnent face à la construction des membres de l’exécutif. La deuxième méthode est composé d’une série de 15 entretiens auprès de trois catégories d’acteurs ; les journalistes (5 entretiens), les acteurs politiques (6 entretiens) et les membres de

44 Sur le concept de configuration voir notamment : ELIAS Norbert, op. cit., 1993, pp. 154-161

45 Sur les notions d’interdépendance et d’interpénétration voir de manière respective notamment : ELIAS Norbert, La société des individus. Paris : Pocket, 1991 (a), pp. 47-52 (Agora) ; DUNNING Eric, ELIAS Norbert, Sport et civilisation : la violence maîtrisée. Paris : Pocket, 1998, pp. 69-71 (Agora)

46 BOURDIEU Pierre, « Effets de lieu », IN : BOURDIEU Pierre (dir.), La misère du monde. Paris : Éditions du Seuil, 1993 (a), pp. 159-167 (Libre examen)

(27)

service administratif (4 entretiens). L’objectif des entretiens est d’obtenir des informations factuelles sur la communication de l’État et la représentation des acteurs vis-à-vis de celle-ci.

4.1 – Le premier corpus : les activités de communication des membres de l’exécutif

Partant de notre intérêt pour la communication de l’État mise en œuvre par les membres de l’exécutif, nous avons constitué un premier corpus composé de 311 activités de communication.

Cette expression désigne les interventions des ministres et du Président de la République ; c’est-

à-dire, principalement, les discours, les interviews et les conférences de presse, mais aussi les

articles rédigés par les membres de l’exécutif dans des titres de presse et les communiqués

portant leur signature. Aux trois « crises financières internationales » correspondent trois

périodes d’analyse ; du 01 octobre 1987 au 31 décembre 1988 pour le « krach boursier de

1987 », du 01 juin 1997 au 31 décembre 1999 pour la « crise asiatique de 1997-1998 » et du 01

juin 2007 au 01 mars 2009 pour la « crise des subprimes de 2007-2008 ». Les périodes

d’analyse ont été déterminées à partir des activités de communication des ministres et du

Président de la République. Ces périodes concordent avec le moment où les membres de

l’exécutif commencent à prononcer des discours sur la « crise » et le moment où ils commencent

à arrêter d’en parler. Cela s’est traduit par un nombre en diminution voire nul d’activités de

communication correspondant à des critères de sélection. Ceux-ci ont été conçus avec l’idée de

ne pas analyser toutes les activités de communication des ministres et du Président, mais

seulement celles susceptibles d’éclairer l’utilisation des membres de l’exécutif de la

communication pour la construction et la gestion d’une « crise financière internationale ». Le

premier critère porte sur la nécessité que la « crise financière internationale » soit discutée par le

membre de l’exécutif dans son activité de communication. Le second critère concerne la

distinction entre une « crise économique » et une « crise financière » dans l’activité de

communication. Plus précisément, pendant les « crises financières internationales », et en

particulier pendant la « crise des subprimes », la notion de « crise économique » remplace peu à

peu celle de « crise financière ». Par ailleurs, les périodes ont été arrêtées en fonction du

vocabulaire des membres de l’exécutif, qualifiant la situation de « crise économique » et non

plus de « crise financière » – logiquement comme ce sont les « crises financières » qui nous

intéressent. Cette délimitation est certes artificielle mais elle permet de ne pas multiplier les

indicateurs d’analyse ou élargir, au risque de compliquer inutilement la tâche, les champs

d’intérêt à connaître pour l’analyse (comme les réglementations et les régulations économiques

(28)

ou les acteurs dominants de l’économie française). En bref, ajouter la « crise économique » n’apporte rien par rapport à notre problématique et nos hypothèses. Cependant, se saisir de la distinction entre ces deux types de crise, distinction effectuée dans les activités de communication par les membres de l’exécutif, offre la possibilité de borner les périodes du corpus.

L’analyse effectuée sur ce premier corpus se rapproche d’une analyse de contenu du fait de sa dimension quantitative. Par contre, nous avons diminué la prédétermination des éléments à chercher dans les activités de communication. Le travail de catégorisation d’une analyse de contenu est en effet une « opération de classification d’éléments constitutifs d’un ensemble par différentiation puis regroupement par genre (analogie) d’après des critères préalablement définis »

47

. Les différentes catégories sont en accord avec nos hypothèses et qui, plus généralement, permettent de comprendre la construction de la « crise financière internationale » par les membres de l’exécutif. Toutefois, les indicateurs utilisés pour décrire ces catégories ont été déterminés après la lecture d’un corpus exploratoire destiné à tester notre grille d’analyse.

Par exemple, la catégorie « cause » concerne les origines de la « crise » données par les membres de l’exécutif au travers de leur activité de communication. Les indicateurs de cause sont la politique économique, les évolutions des marchés, le comportement des acteurs financiers, la coopération internationale et la situation sociétale. Tous ces indicateurs ont été choisis à partir du corpus exploratoire. En lisant les activités de communication de ce corpus, des indicateurs en rapport avec chaque catégorie se sont dégagés. Au final, ces indicateurs se retrouvent dans une grille

48

utilisée pour l’analyse des activités de communication des membres de l’exécutif.

En plus des indicateurs de catégorie, nous nous sommes inspiré des registres utilisés par Y. de la Haye pour son analyse des articles de presse

49

. Il décrit cinq registres ; le politique, le polémique, le révérenciel, le technocratique et le prudentiel. À partir d’un découpage assez proche, nous avons décrit cinq registres adaptés à l’analyse des activités de communication des membres de l’exécutif ; le registre promotionnel, le registre polémique, le registre technique, le registre pédagogique et le registre prudentiel. La définition de chaque registre sera détaillée dans le corps de thèse.

47 BARDIN Laurence, L'analyse de contenu. Paris : Presses Universitaires de France, 2013, p. 151 (Quadrige Manuels)

48 Cf. « Annexe 2 : grilles d’analyse de corpus », pp. 6-18

49 de la HAYE Yves, Journalisme, modes d'emploi : des manières d'écrire l'actualité. Paris : L'Harmattan, 2005, pp. 166-176 (Logiques sociales)

Références

Documents relatifs

On pourrait suggérer, mais ce serait vanité, que l’ADN du protestant le conduit à une gestion spontanée des confl its d’intérêts : vision globale, respect des personnes et de

À côté de la crise écologique se profi le une crise anthropologique et sociétale d’une tout autre ampleur, dont les racines sont à trouver dans cette même perte de sens qui, loin

Bien sûr le premier mot qui vient à l’esprit est la cupidité de tous les acteurs que nous avons cités dans l’histoire : monsieur Smith lui-même, ceux qui l’ont séduit

L’intégration limitée du secteur bancaire dans la sphère financière internationale a permis aux pays en développement exportateurs de pétrole de ressentir les effets de

En apportant les liquidités nécessaires, soit aux institutions individuelles qui ne les trouvaient pas sur le marché (cas des États-Unis, où le Système fédéral

Résumé : Les questions politiques aux incidences fortes sur les variables économiques sont rarement prises en compte par la théorie économique, comme si l’économie de

Pour étayer cette hypothèse, nous utilisons des corrélations entre un ensemble de variables portant sur des données économiques à la fois sur les pays d’accueil et d’origine..

En effet, la réglementation différenciée imposée par la Banque de Thaïlande aux banques commerciales et aux sociétés financières concernant la répartition