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A – Les causes et les conséquences des « crises financières internationales » données par les membres de l’exécutif français

Les membres de l’exécutif français, à travers leurs activités de communication, précisent leur

représentation de la « crise financière internationale ». Cette représentation se perçoit par

l’intermédiaire des causes et des conséquences qu’ils attribuent aux « crises ». Les causes

concernent les origines de la « crise financière internationale » fournies par les membres de

l’exécutif. Nous comprenons qu’il est question de « cause » dans une activité de communication

grâce à trois indicateurs. Le premier est le terme « cause » lui-même et l’adjectif « causal ». Le

deuxième concerne des termes qui explique d’où vient la « crise » comme les ressorts, l’origine,

la logique, le modèle, etc. Le troisième indicateur est un verbe qui consiste à qualifier l’essence

de la « crise », comme le verbe « être », « relever (de) » ou « s’agir » par exemple. À partir de la

lecture d’un corpus exploratoire, composé des activités de communication des ministres et du

Président de la République, cinq catégories de cause et quatre catégories de conséquence ont été

définies. Nous commençons par expliquer ce que ces catégories recouvrent vis-à-vis des causes.

La catégorie de cause « domaine économique » concerne des politiques adoptées par un ou

plusieurs pays en matière économique. Cette catégorie se distingue dans une activité de

communication quand le membre de l’exécutif fait référence à des types de politique

économique comme la réglementation, la régulation, l’ouverture des marchés, le déficit

budgétaire, la libéralisation, la dévaluation, etc. Par exemple, dans un discours de N. Sarkozy

523

,

ce dernier explique que « c’est un problème de régulation des marchés financiers qui a besoin

davantage de transparence » qui a causé la crise. La deuxième catégorie de cause est « marchés

financiers », elle concerne l’organisation et le développement des marchés. Pour saisir la

présence de cette catégorie dans une activité de communication, nous nous sommes appuyé sur

les termes désignant des lieux physiques, des institutions ou des structures où le secteur

financier agit ; la Bourse de Paris, la Bourse de Tokyo, le CAC 40, les hedge funds, les banques

de crédit, etc. Des termes plus généraux, désignant parfois le secteur financier dans sa totalité,

comme le système financier, les structures financières, la bourse, le marché, la finance, etc.

consituent aussi des indicateurs. La troisième catégorie « acteurs financiers » concerne une

pratique ou plusieurs pratiques des acteurs financiers. Dans ce cas, les causes indiquées ont un

rapport avec le comportement des acteurs financiers car les membres de l’exécutif utilisent les

termes qualifiant des individus plutôt que des institutions ; le spéculateur, le trader, certains (en

parlant d’acteurs financiers), les opérateurs, les acteurs des marchés, etc. La quatrième catégorie

de cause, la « coopération internationale », est l’absence de concertation entre les pays. Cette

catégorie se perçoit dans l’utilisation par les membres de l’exécutif de termes désignant un pays

ou un ensemble de pays, comme le Japon, les États-Unis, l’Asie du Sud-Est, etc. Elle se perçoit

aussi grâce à des termes désignant des institutions qui rassemble des pays ou des institutions qui

travaillent pour un ensemble de pays comme le FMI, l’ONU, le G7, etc. Des adjectifs comme

international, mondial ou planétaire situe par ailleurs la cause à une échelle dépassant le cadre

national. Enfin, la cinquième catégorie « situation sociétale » est un constat sur la société au

niveau structurel et idéologique. Pour discerner cette catégorie nous nous sommes aidé des

expressions utilisées par les membres de l’exécutif pour qualifier la société contemporaine,

comme le capitalisme, le libéralisme, l’économie de marché, la globalisation ou la

mondialisation.

Pour les conséquences, les catégories désignent ce que les membres de l’exécutif considèrent

être un effet de la « crise financière internationale ». Différents indicateurs permettent de saisir

quand il s’agit d’une conséquence dans une activité de communication des membres de

l’exécutif. Le premier indicateur est le terme conséquence lui-même. Le deuxième indicateur

repose sur des termes qui décrivent un mouvement ou un changement tel que l’effet, la réaction,

le choc, les répercussions, l’incidence, les turbulences, le ralentissement, etc. Le troisième

indicateur consiste en des verbes qui traduisent un effet comme « faire faire », « peser » (peser

sur la croissance par exemple), « entraîner » ou « engendrer ».

Quatre catégories de conséquence ont été utilisées : les marchés financiers, la situation sociétale,

la situation économique et la situation sociale. Pour les deux premières catégories, les

indicateurs utilisés sont les mêmes que pour les catégories de cause. Nous précisons tout de

même ce sur quoi portent ces catégories de conséquence. La première conséquence « marchés

financiers » des marchés » est présente quand les membres de l’exécutif décrivent ou expliquent

la situation des marchés boursiers (des baisses ou des hausses par exemple). La deuxième

catégorie de conséquence « situation sociétale » évoque une remise en cause d’un modèle

idéologique de société – comme le néo-libéralisme ou l’économie de marché par exemple. La

troisième catégorie « situation sociale » concerne les conséquences sur la population, comme le

chômage et les sentiments de colère de la part de la population. L’adjectif « social » est

l’indicateur principal de cette catégorie. Quand il est utilisé par les membres de l’exécutif, il

souligne que ceux-ci se penchent sur les conséquences concernant la société en dehors du

secteur économique et financier. La quatrième catégorie de conséquence « domaine

économique » vise l’état actuel ou prévu du secteur économique. L’adjectif « économique », tout

comme l’adjectif « social », montre quel secteur est décrit par les membres de l’exécutif. Plus

particulièrement, des termes comme la croissance, la conjoncture, la consommation, les résultats

ou l’investissement situent l’intérêt des membres de l’exécutif dans le secteur économique.

Les tableaux ci-dessous présentent les résultats quant aux causes et aux conséquences d’une

« crise financière internationale » données par les ministres et le Président français dans leurs

activités de communication.

Tableau 3 : causes données par les membres de l’exécutif dans leurs activités de communication Krach boursier de 1987 (52)524 Indicateurs de cause présents 22 (42,5%) Domaine économique 14 (63,5%/27%)525 Marchés financiers 13 (59%/25%) Acteurs financiers 3 (13,5/6%) Coopération internationale 3 (13,5/6%) Situation sociétale 0 (0%/0%) Crise asiatique de 1997-1988 (88) Indicateurs de cause présents 23 (26%) Domaine économique 15 (65%/17%) Marchés financiers 12 (52%/13,5%) Acteurs financiers 5 (21,5%/5,5%) Situation sociétale 4 (17,5%/4,5%) Coopération internationale 1 (4,5%/1%)

Crise des subprimes

de 2007-2008 (171) Indicateurs de cause présents 40 (23,5%) Marchés financiers 22 (52,5%/12,5%) Domaine économique 15 (37,5%/9%) Situation sociétale 9 (22,5%/5,5%) Acteurs financiers 9 (22,5%/5,5%) Coopération internationale 0 (0 %/0%)

524 Le chiffre entre parenthèses correspond au nombre total d’activités de communication analysées par rapport aux « causes données par les membres de l’exécutif dans leurs activités de communication ».

525 Le pourcentage devant la barre oblique est calculé en fonction du nombre d’activités de communication où le domaine économique est présenté comme cause par rapport au nombre d’activités de communication où une cause (peu importe laquelle) est présente. Le pourcentage derrière la barre oblique est calculé en fonction du nombre d’activités de communication dans lesquelles le domaine économique est présenté comme cause par rapport au nombre total d’activités de communication analysées. Cet exemple de lecture est valable pour les autres résultats de ce tableau.

Tableau 4 : conséquences données par les membres de l’exécutif dans leurs activités de communication Krach boursier de 1987 (52)526 Indicateurs de conséquence présents 22 (42,5%) Situation économique 17 (77,5%/32,5%) Marchés financiers 4 (18%/7,5%) Situation sociale 0 (0%/0%) Situation sociétale 0 (0%/0%) Crise asiatique de 1997-1988 (88) Indicateursconséquence de présents 57 (65%) Situation économique 55 (96%/62,5%) Marchés financiers 9 (16%/10%) Situation sociale 6 (10,5%/7%) Situation sociétale 1 (2%/1%)

Crise des subprimes

de 2007-2008 (171) Indicateursconséquence de présents 80 (47%) Situation économique 51 (64%/30%) Marchés financiers 27 (34%/16%) Situation sociale 10 (12,5%/6%) Situation sociétale 1 (1,5%/0,5%)

Les trois premières causes (domaine économique, marchés financiers, comportements des

acteurs financiers dans l’ordre) demeurent les mêmes pour l’ensemble des « crises », avec un

changement d’ordre pour la « crise des subprimes de 2007-2008 », où les marchés financiers

sont évoqués comme la cause principale. Cette « crise » est en effet décrite par les membres de

l’exécutif comme étant plus le fruit des actions des marchés que des politiques économiques

d’un ou plusieurs États, étant donné qu’ils sont déréglementés depuis presque trente ans. À titre

d’exemple, la ministre de l’Économie et des Finances, Christine Lagarde présente devant la

Commission des affaires économiques et monétaires du Parlement européen, le 15 décembre

2008, son programme pour le Conseil ECOFIN

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. Elle explique à ce propos que ce conseil

« tire également une leçon de la crise et notamment des dommages nés de la titrisation qui a

conduit des banques à créer des titres dont elles mesuraient mal le risque et à les faire sortir de

leur bilan. »

528

Dans les deux autres « crises », le domaine économique est présenté par les ministres et le

Président comme origine de la chute des marchés. Durant la « crise asiatique de 1997-1998 », la

politique économique est en effet critiquée à cause d’une libéralisation manquée par les pays de

l’Asie du Sud-Est

529

. Pour le « krach Boursier de 1987 », le manque de coordination entre

l’Allemagne et les États-Unis dans leur politique économique est désigné comme le moteur

526 Le chiffre entre parenthèses correspond au nombre total d’activités de communication analysées par rapport aux « causes données par les membres de l’exécutif dans leurs activités de communication ».

527 Le Conseil ECOFIN est une institution européenne réunissant les ministres des Finances des États membres de l’Union européenne.

528 http://discours.vie-publique.fr/notices/083004020.html

529 C’est ce que l’on a appelé les dragons – Taïwan, Hong Kong, Singapour et la Corée du Sud – et les tigres asiatiques – la Thaïlande, le Vietnam, la Malaisie et les Philippines.

principal des difficultés économiques et financières. Nous donnons un exemple pour chacune de

ces « crises ». Le ministre de l’Économie et des Finances Dominique Strauss-Kahn déclare à

Paris le 21 octobre 1998, lors du 20ᵉ anniversaire du CEPII (centre d’études prospectives et

d’informations internationales) : « les crises récentes [...] illustrent les dangers d’une

libéralisation non maîtrisée »

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. Le 29 octobre 1987, Édouard Balladur, ministres de

l’Économie et des Finances, lors du Conseil économique et social, explique : « Première cause,

l’accumulation depuis plusieurs années de déficits et d’excédents considérables par les trois

principaux pays industriels. »

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Globalement, les membres de l’exécutif mettent toujours les acteurs financiers au rang des

causes principales pendant le « krach boursier de 1987 » et la « crise asiatique de 1997-1998 ».

Dans les activités de communication des membres de l’exécutif sont principalement critiqués la

spéculation, le manque de rationalité et l’aléa moral. Par exemple, Édouard Balladur, ministre

des Finances et de l’Économie, donne comme cause au « krach boursier de 1987 » pendant la

conférence sur les marchés financiers internationaux à Paris, le manque de rationalité,

« l’engouement excessif dont certains ont fait preuve pour des titres qui ne le méritaient pas

toujours »

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.

La situation sociétale est un peu discutée dans la totalité des activités de communications car, les