L’approche constructiviste permet de comprendre dans notre recherche ce travail obligatoire des
membres de l’exécutif de représentation des événements. La communication de l’État contribue
donc à prendre part à la construction de l’événement. Une construction dont l’analyse dévoile
les multiples relations entretenues entre les différents acteurs.
2.3 – L’analyse constructiviste : les relations de l’État aux autres
acteurs de la construction d’une « crise financière internationale »
Dans les précédents chapitres, nous avons insisté sur la formation de l’État moderne, au travers
de luttes pour la monopolisation de capitaux. Ces luttes sont formées de relations de concurrence
et de collaboration. La communication de l’État y prend une part entière. Les théories
constructivistes nous permettent justement de saisir les relations qui se nouent dans la
construction d’un événement. Il s’agit de voir la construction en tant que telle et de l’analyser
pour saisir les rapports de force qu’elle a cristallisés, et non pas simplement de dire que le réel se
construit. Nous voulons déjà expliquer en quoi les théories constructivistes permettent une mise
en avant des relations entretenues par les représentants-incarnant de l’État, c’est-à-dire les
membres de l’exécutif.
La posture constructiviste n’implique pas que les acteurs construisent la « crise » par un discours
unique et unilatéral. Les membres de l’exécutif ont le capital symbolique étatique pour s’assurer
de l’effet de conviction de leur définition de l’événement, mais celle-ci sera toujours relative ou
plutôt confrontée à d’autres définitions. Il ne faut pas oublier non plus la capacité
d’interprétation des individus, en mesure de juger, avec plus ou moins de facilité en fonction de
leurs connaissances sur le secteur financier, de la justesse des propos tenus par l’exécutif
français. Par ailleurs, il existe une multitude d’acteurs qui proposent publiquement leur
définition de l’événement de « crise financière internationale » ; les journalistes, les « experts »,
les hommes politiques élus et non-élus, les économistes, etc. Dans le cadre de notre thèse, nous
avons saisi uniquement le travail de définition des journalistes à l’aide d’un corpus spécifique.
Tout d’abord, il semblait impossible (en termes de faisabilité) de constituer un corpus pour
chaque acteur construisant l’événement de « crise financière internationale ». Ensuite, le choix
des journalistes et des médias s’est imposé dans la mesure où nous nous attardons à la
construction publique de l’événement de « crise » par l’État. Il s’avère que les membres de
l’exécutif utilisent les médias justement pour pouvoir expliquer publiquement ce qu’ils font ou
comptent faire pour gérer la « crise financière internationale ». Ainsi, nous avons cherché à
comprendre précisément les relations entre les membres de l’exécutif et les médias – dans la
troisième partie seront exposées ces relations qui transparaissent par l’intermédiaire des activités
de communication des membres de l’exécutif (faisant l’objet d’un corpus spécifique) et des
productions journalistiques (faisant l’objet d’un corpus spécifique).
En définitif, l’événement de « crise financière internationale » est le fruit des relations
entretenues par les différents acteurs de sa construction. Leurs relations, notamment celles qui se
traduisent par et dans des discours, parce que ceux-ci sont publics et publicisés, soulignent que
cet événement construit ne peut pas l’être par un seul et unique acteur. C’est une configuration
éliasienne
503qui se joue, où les différents acteurs ne peuvent contrôler entièrement les relations,
car chacun dépend des actes d’autrui. Cette situation sociale aboutit à la perception de la « crise
financière internationale », comme un ensemble de définitions en contradiction ou en harmonie,
mouvantes et remises en question.
Le constructivisme donne de ce fait la possibilité d’insister sur les relations entre acteurs. La
compréhension de la communication de l’État profite d’une approche constructiviste dans la
mesure où les activités de communication sont situées socio-historiquement. Dans cette
recherche, nous nous intéressons à trois « crises financières internationales ». La communication
de l’État se comprend, en partie, en fonction de sa participation à la construction de ces
événements. Elle devient en conséquence une action située dans un cadre précis, dans l’histoire
et dans des groupes sociaux en interrelation. Ce serait presque un avantage heuristique
puisqu’un cadre dégagé de cette façon, le « terrain » se dessine plus clairement. C’est pour cette
raison que plus haut nous avons écrit que le constructivisme ne pouvait suffire à montrer que la
réalité est construite. Il faut aller plus loin et chercher à analyser l’aspect pratique ouvert par le
constructivisme, soit précisément là où se nouent les relations pour la construction d’un
événement.
Dans ce deuxième sous-chapitre, nous avons vu quelle était la définition de l’événement
mobilisée dans cette thèse. Cette définition appelle de façon plus ou moins directe un
rapprochement avec le constructivisme. En effet, elle souligne le travail de construction causé
par la mise en récit et en histoire d’un événement. L’approche constructiviste choisie pour
503 Pour un détail du concept de configuration voir particulièrement ELIAS Norbert, Qu'est-ce que la sociologie ?