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La crise financière de l été 2007

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Academic year: 2022

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Comment une crise sur un segment limité du marché hypothécaire aux États-Unis a-t-elle pu se transformer en crise de confiance planétaire ? Comment les banques centrales ont-elles « fait leur métier » pour éviter le blocage complet du système financier et amorcer le retour au calme ?

À l’origine : la défaillance des emprunteurs américains à haut risque

Subprime ! Le mot est lâché. Le ministère français de l’Économie vient de rappeler qu’il s’agit en fait d’un adjectif signifiant « risqué ». Les subprime mortgage sont donc des prêts hypothécaires accordés à des ménages dont la solvabilité est faible, bien en dessous d’un prêt prime, c’est-à-dire de première qualité. Et c’est à partir de ce segment de marché limité – il représente 13 % de l’encours des prêts immobiliers aux États-Unis – que la crise a démarré.

Pourquoi ? D’abord, parce que ces prêts se sont développés rapidement dans les dernières années : 190 milliards de prêts nouveaux en 2001, 335 en 2003, 600 en 2006. Les banques spécialisées dans ce type de crédit ont en effet fortement développé leur octroi à des clients peu solvables ou sans apport personnel significatif, en considérant que la clé de leur solvabilité ne résidait pas dans leur capacité de remboursement mais dans la valeur future de leur bien, elle-même en progression régulière en raison du boom de l’immobilier.

Toutefois, avec le ralentissement de l’activité aux États-Unis et l’orientation à la baisse des prix immobiliers, de plus en plus de ménages américains se sont trouvés dans l’incapacité d’honorer leurs remboursements. En mars 2007, une forte hausse du taux de défaillance sur les crédits à haut risque est annoncée : alors que ce taux s’établissait à 10 % dans les années précédentes, il est passé au 4e trimestre 2006 à 12 %. Estimé à 14 % en août 2007, il pourrait se situer aujourd’hui dans une fourchette de 20 à 30 %.

Les premières faillites apparaissent dès le mois d’avril : New Century Finance Corp., l’un des acteurs majeurs du segment, se place sous le régime de l’article 11 de la loi américaine sur les faillites le 2 avril. Et annonce le licenciement de 3 200 personnes, plus de la moitié de son personnel.

L’impact des mécanismes de transfert du risque de crédit : les banques sont touchées

Au-delà des montants en cause, toutefois, c’est toute la mécanique des transferts du risque de crédit qui est à l’origine de la diffusion de la crise. En effet, seul un tiers de ces crédits hypothécaires à risque figurait encore dans le bilan des prêteurs d’origine. Les deux tiers restants, soit 850 milliards de dollars, avaient en fait été transférés via des mécanismes de titrisation* successifs vers de nombreux investisseurs dans le monde entier : organismes de placement en valeurs mobilières (OPCVM), compagnies d’assurance ou fonds d’investissement

La crise financière de l’été 2007

novembre 2007

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les trois grandes agences de notation – Moody’s, Standard&Poor’s, Fitch – annoncent une dégradation de la note de plus de 1 000 fonds de titrisation adossés à des crédits hypothécaires risqués. Beaucoup d’investisseurs découvrent ainsi brusquement que, en direct ou via des OPCVM, ils sont en situation de risque. Ils cherchent immédiatement à se désengager soit en tentant de vendre les titres qu’ils détiennent en direct, soit en demandant le rachat des parts de fonds communs détenant de tels titres, soit en ne souscrivant plus aux émissions de billets de trésorerie qui servent au financement des structures de titrisation intermédiaires.

Confrontées au reflux des investisseurs, les banques se retrouvent en première ligne : en l’absence de marché secondaire actif sur ces produits, certaines acceptent de racheter les titres placés auprès de leur clientèle, d’autres se substituent au marché pour activer des lignes de crédit au profit des structures qui ne parviennent plus à placer leur billets de trésorerie. D’autres encore suspendent les opérations des fonds concernés. Exemple, BNP Paribas qui suspend le 9 août les souscriptions/remboursements de trois de ses fonds spécialisés.

La raison est simple. Le mandat de gestion d’un gérant de fonds lui permet de constituer un portefeuille composé d’actions, d’obligations, de titres courts, de dérivés, etc., avec un objectif de rendement et un certain niveau de risque ; il s’engage par ailleurs à valoriser et assurer la liquidité quotidienne des parts de ce fonds, c’est-à-dire à permettre aux détenteurs de parts de les revendre à tout moment. À partir du moment où le portefeuille du fonds contient un pourcentage significatif, 15 ou 20 %, de titres qui ne peuvent plus eux-mêmes être évalués faute d’acheteurs et de vendeurs, ce schéma n’est plus tenable.

Les banques à la recherche de refinancements : le marché se dérobe

De nombreuses banques se retrouvent ainsi début août devant des besoins de refinancement croissants : les demandes de remboursement excédant largement les souscriptions, leurs fonds ont besoin de volants de liquidité plus importants. Les banques elles-mêmes souffrent du climat de défiance qui s’installe. Moins de placement de la part des investisseurs, c’est moins de ressources. Les banques se tournent alors vers le marché monétaire. Or, celui-ci ne fonctionne bien que si les banques excédentaires en trésorerie prêtent effectivement à celles qui en manquent, et sur toute la gamme des échéances du court terme : de 24 heures à un an.

Début août, toutefois, le marché monétaire se dérobe : les banques excédentaires refusent de s’engager au-delà de quelques jours, soit qu’elles aient des doutes sur la solidité des banques emprunteuses, soit qu’elles souhaitent conserver, dans ce contexte incertain, une trésorerie de sécurité pour faire face à leurs propres besoins dans le futur.

La demande de liquidité excédant largement l’offre, les taux interbancaires s’envolent : alors que le spread* ne dépasse guère habituellement 15 à 20 points de base (0,15/0,2 %), il passe début août à 200 points de base aux États-Unis, et à 100 points de base dans la zone euro. Les prêteurs se détournent donc des banques pour acheter des bons du Trésor : c’est la fuite vers la qualité (flight to quality).

D’autres signes traduisent cette perte de confiance envers les banques : l’écart de taux entre les transactions en blanc (sans garantie) et celles avec des titres en garantie explose. On observe en outre un manque de liquidité pour les prêts à plus longue échéance : 3 à 12 mois.

Le marché interbancaire risque de se bloquer et, avec lui, tout le système financier.

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Pour enrayer la crise, « les banques centrales font leur métier »

Face à cette situation, comme l’a expliqué Christian Noyer dans le Financial Times du 18 septembre, « l’alternative pour les autorités monétaires est claire : répondre positivement au besoin temporaire de liquidité, ou ne pas le faire, auquel cas les taux d’intérêt devront augmenter pour rétablir l’équilibre sur le marché interbancaire. »

Or, rappelait le gouverneur, ce que dit la théorie économique en la matière est sans ambiguïté : en cas d’incertitude sur la demande de monnaie, la réponse optimale consiste à stabiliser le taux d’intérêt, en permettant à l’offre de monnaie de s’ajuster aux variations de la demande.

« Les taux d’intérêt à court terme étant, pour toutes les banques centrales, le principal instrument de politique monétaire, une hausse des taux interbancaires au-dessus du niveau du taux officiel équivaudrait en fait à un changement de la politique monétaire. En revanche, avec la fourniture de liquidités par les banques centrales, l’orientation générale de la politique monétaire demeure inchangée. »

En apportant les liquidités nécessaires, soit aux institutions individuelles qui ne les trouvaient pas sur le marché (cas des États-Unis, où le Système fédéral de réserve a abaissé le « taux de pénalité » de ces financements), soit à l’ensemble du marché, comme l’a fait l’Eurosystème en injectant plus de 200 milliards d’euros au total entre le 9 et le 13 août, les banques centrales ont donc tout simplement « fait leur métier », selon le mot du gouverneur qui concluait : « Une distinction claire a été, et sera maintenue entre la fourniture temporaire de liquidité, d’une part, et l’orientation à moyen terme de la politique monétaire, d’autre part […] Si, à l’avenir, la politique monétaire devait faire l’objet d’un ajustement, ce ne serait pas en vue d’atténuer les tensions financières, mais pour répondre à son propre objectif de moyen terme et prendre en compte la situation économique. »

Cette action volontariste a permis de calmer le jeu, en fournissant les liquidités nécessaires, y compris sur les durées plus longues pour lesquelles les transactions interbancaires avaient le plus de mal à se nouer : plus de 60 % des liquidités ont ainsi été fournies à 3 mois alors que la proportion est habituellement inverse (60 % à 7 jours) Dès lors, les banques ont pu disposer des ressources stables dont elles avaient besoin dans ce climat d’incertitude, sans changement significatif du montant global de la liquidité fournie dans la zone euro : autour de 500 milliards d’euros.

Deux mois après : un mauvais souvenir ?

Au final, les marchés se sont relativement bien tenus : pas de liquidation massive de portefeuilles, pas de fuites de capitaux hors des pays émergents. Sous l’effet d’une recherche de placements sûrs et liquides, les taux d’intérêt sur les emprunts d’État ont beaucoup baissé : l’OAT* 10 ans est ainsi passée de 4,74 % le 6 juillet à 4,47 % le 9 août, 4,25 % début septembre avant de revenir à près de 4,50 %.

Mais avec le retour à une appréciation plus réaliste du risque, les spreads sont revenus au niveau habituel : 15 à 20 points de base pour les meilleures signatures. Le coût du financement n’a au total que peu augmenté, même si les conditions financières se différencient désormais plus nettement selon la qualité de l’emprunteur.

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remplacement des financements par le marché qui font défaut. Les principales incertitudes qui apparaissent alors sont de nature macroéconomique, moins en Europe qu’aux États-Unis où le marché immobilier continue de se replier.

Les leçons de la crise : le retour aux basiques

Coup de tonnerre en plein cœur de l’été, la crise illustre ainsi trois vérités de base que les acteurs financiers ont parfois tendance à oublier. La première, c’est qu’il n’y a pas de bonne finance sans appréciation correcte du risque. Or, c’est son essence même, la titrisation masque l’actif d’origine, le « sous-jacent ». À l’issue de titrisations en cascade, plus personne n’est en mesure d’évaluer le risque réel. Ce sera donc aux autorités de supervision d’inciter les acteurs à être plus transparents sur les actifs sous-jacents des produits structurés ou dérivés qu’ils détiennent.

Deuxième leçon : il n’y a de prix pour un actif que lorsqu’il y a la rencontre d’un acheteur et d’un vendeur. Or, la valeur de ces produits complexes dépend rarement de transactions effectives ; elle est en fait déterminée de manière théorique en s’appuyant sur des données historiques et des calculs de probabilités sur les taux de défaut. Quand les données de base se dégradent rapidement, cela a été le cas des prêts hypothécaires à risques, la valeur affichée du produit devient sujette à caution. Une réflexion devra donc être engagée pour que les modèles de valorisation intègrent désormais les principaux facteurs de risque, l’assèchement de la liquidité, par exemple.

Enfin, troisième leçon : la sortie de certains actifs des bilans bancaires ne signifie pas que les banques ne sont plus exposées au risque associé. En fait, via divers liens – garanties de crédit, lignes de liquidité, risque de réputation, etc. –, celles-ci doivent assumer ce risque dès que la situation se détériore, en rachetant les actifs qu’elles avaient vendus à l’origine, et/ou en faisant jouer les différents mécanismes de soutien financier prévus. Les gestionnaires de risques doivent donc s’y préparer, le cas échéant avec des fonds propres supplémentaires.

La Banque mobilisée pour sortir de la crise

Pendant toute la période, de nombreuses unités de la Banque se sont mobilisées pour agir.

Cela a concerné en particulier la direction générale des Opérations autour de trois fonctions essentielles :

• les interventions pour assurer la liquidité du marché, dans le cadre de la politique de refinancement des banques menée par l’Eurosystème ;

• la gestion des garanties, puisque les opérations de politique monétaire se font contre garanties. Lors des opérations lourdes menées pendant l’été, cela a supposé d’évaluer et de valoriser en permanence une multitude de lignes de garanties : obligations d’État, bien sûr, mais aussi créances privées, produits adossés à des créances titrisées, etc. ;

• la bonne fin des opérations dans les systèmes de paiement et de règlement/livraison titres, pour éviter qu’un éventuel accroc ou retard ne soit interprété comme un défaut de solvabilité.

Beaucoup d’autres secteurs ont été mobilisés : la direction de la Stabilité financière et le secteur des statistiques monétaires et financières sur lesquels tout le travail d’analyse, de croisement d’informations et de diagnostic des marchés et des produits a pu s’appuyer. Mais aussi le Secrétariat général de la Commission bancaire qui, grâce à sa connaissance de la liquidité et

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de la solvabilité des établissements, a permis à la Banque de disposer d’une vision systémique complète des marchés financiers.

Enfin, la Banque a maintenu des contacts permanents avec le ministère des Finances et les autorités de régulation de place : Commission bancaire, Autorité des marchés financiers, et Autorité de contrôle des assurances et des mutuelles, au niveau des gouverneurs, bien sûr, mais aussi des services. De son côté, la direction de la Communication, à travers le service de Presse, a permis d’assurer la bonne compréhension par les médias des actions menées par la Banque.

Lexique

OAT Obligation assimilable du Trésor : valeur mobilière émise par l’État français. C’est le principal support de sa dette négociable. La technique de « l’assimilation » permet à l’émetteur de réémettre plusieurs fois un titre de mêmes caractéristiques, ce qui permet de faire émerger un encours suffisamment important pour rendre les titres liquides et donc créer un marché recherché.

Spread Écart entre le taux d’un placement de risque zéro (bon du Trésor américain par exemple) et un emprunt interbancaire, un plus risqué mais néanmoins sûr compte tenu de la surveillance exercée par les superviseurs bancaires sur les établissements.

Titrisation Technique financière qui permet de convertir des créances inscrites à l’actif des établissements de crédit (par exemple des crédits hypothécaires) en titres négociables. Les créances sont rassemblées en blocs homogènes sur le plan de la durée et du risque. Ces blocs sont cédés à un fonds commun de créances dont on vend ensuite les parts à des investisseurs sous la forme d’obligations. Cela permet aux banques d’améliorer mécaniquement leur ratio d’engagement sur fonds propres et de retrouver des marges pour accorder d’autres prêts. Le versement des intérêts et les remboursements en capital du fonds s’appuient sur les flux financiers générés par les crédits d’origine.

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