Probabilit´es et Statistiques
Rapha¨el KRIKORIAN Universit´e Paris 6
Ann´ee 2005-2006
Table des mati` eres
1 Rappels de th´eorie des ensembles 5
1.1 Op´erations sur les ensembles . . . 5
1.2 Applications entre ensembles . . . 6
1.3 D´enombrement . . . 8
1.4 D´enombrabilit´e . . . 11
2 Espaces Probabilis´es et variables al´eatoires 13 2.1 Espace probabilis´e . . . 13
2.1.1 Tribus . . . 13
2.1.2 Probabilit´e . . . 15
2.1.3 Exemples . . . 17
2.2 Variables Al´eatoires . . . 24
2.2.1 Le cas particulier des v.a `a valeurs dans un ensemble fini ou d´enombrable . . . 25
2.2.2 Loi d’une variable al´eatoire . . . 26
2.2.3 Loi des variables al´eatoires `a valeurs dans un ensemble fini ou d´enombrable . . . 27
2.2.4 Loi de variables al´eatoires admettant une densit´e . . . 29
2.3 Esp´erance d’une v.a. . . 30
2.3.1 Esp´erance d’une v.a. `a valeurs dans un ensemble fini (ou d´enombrable) . . . 30
2.3.2 Esp´erance d’une v.a. positive . . . 31
2.3.3 Esp´erance des v.a int´egrables . . . 32
2.3.4 Formule de transfert . . . 35
2.3.5 Application au calcul de densit´e . . . 40
2.4 EspacesL2, variance et Bienaym´e-Tch´ebychev . . . 42
2.4.1 Variance . . . 44
2.4.2 Calculs de variance . . . 44
2.4.3 In´egalit´e de Markov et de Bienaym´e-Tchebychev . . . . 48 3
3 Vecteurs al´eatoires et Ind´ependance 51
3.1 Vecteurs al´eatoires . . . 51
3.1.1 Tribu bor´elienne de Rm . . . 51
3.1.2 Vecteurs al´eatoires . . . 52
3.1.3 Loi d’un vecteur al´eatoire . . . 52
3.1.4 Marginales . . . 53
3.1.5 Esp´erance et variance des vecteurs al´eatoires . . . 54
3.1.6 Formule de transfert . . . 56
3.1.7 Calcul de densit´e de vecteurs al´eatoires . . . 56
3.2 Variables al´eatoires ind´ependantes . . . 60
3.2.1 Cas des v.a `a valeurs dans un ensemble discret . . . 61
3.2.2 Cas des v.a admettant des densit´es . . . 63
3.2.3 Esp´erance des produits de v.a ind´ependantes . . . 63
3.2.4 Crit`eres d’ind´ependance . . . 66
3.3 Ev`enements ind´ependants . . . 68
4 Sommes de variables al´eatoires ind´ependantes 71 4.1 Lois des grands nombres dans le cas L2 . . . 72
4.1.1 Loi faible des grands nombres . . . 72
4.1.2 Loi forte des grands nombres . . . 73
4.2 Th´eor`eme de la limite centrale . . . 75
4.2.1 Convergence en loi . . . 76
4.2.2 Fonctions caract´eristiques . . . 78
4.2.3 D´emonstration du th´eor`eme de la limite centrale . . . . 83
4.3 Quelques remarques sur les diverses notions de convergence . . 85
5 Esp´erance conditionnelle 87 5.1 Probabilit´es conditionnelles . . . 87
5.2 Esp´erance conditionnelle : cas discret . . . 88
5.3 Cas des v.a admettant des densit´es . . . 91
5.4 Ind´ependance . . . 93
Chapitre 1
Rappels de th´ eorie des ensembles
Nous rappelons dans ce chapitre quelques notions ´el´ementaires de th´eorie des ensembles.
1.1 Op´ erations sur les ensembles
Un ensemble est intuitivement une collection d’´el´ements. Etant donn´es un ensemble E et un ´el´ement aon ´ecrita∈E sia est un ´el´ement deE. Il existe un unique ensemble ne contenant aucun ´el´ement ; on le note ∅.
Si E et A sont deux ensembles on dit que F est inclus dans E ou que A est un sous-ensemble de E si tout ´el´ement de A est un ´el´ement de E et on
´ecrit A ⊂ E. On peut alors d´efinir le compl´ementaire de A dans E qui est l’ensemble des ´el´ements deE qui n’appartiennent pas `aA. On le notera dans ce cours E −A ou Ac; cette derni`ere notation cesse d’ˆetre ambig¨ue si l’on suppose E fix´e une fois pour toute, ce que nous ferons.
SiE est un ensemble, l’ensemble constitu´e des sous-ensembles deE s’appelle l’ensemble des parties de E et se note P(E).
Si (Ai)i∈I est une collection d’ensembles inclus dans E, la r´eunion desAi est l’ensemble S
i∈IAi des a∈ E pour lesquels il existe i∈ I tel que a∈Ai. De mˆeme l’intersection des Ai est l’ensemble T
i∈IAi des a ∈ E pour lesquels a ∈ Ai pour tout i ∈ I. On dit que deux ensembles sont disjoints si leur intersection est vide. On dit que les ensembles Ai, i ∈ I constituent une partitionde l’enemble E si i) ils sont non vides, ii) leur union sur i∈I vaut E iii) ils sont disjoints deux `a deux (Ai ∩Aj =∅ si i6=j) ; on dit aussi que E est union disjointe des Ai, i∈I.
5
On a les formules
[
i∈I
Ai c
=\
i∈I
Aci,
\
i∈I
Ai c
=[
i∈I
Aci.
Si A1, . . . , An sont des ensembles on peut d´efinir le produit cart´esien de ces ensembles comme ´etant l’ensemble des n-uplets (a1, . . . , an) o`u a1 ∈ A1, . . . , an ∈ An. On note cet ensemble A1 × · · · ×An. Quand les Ai sont finis son cardinal est le produit des cardinaux des Ai.
1.2 Applications entre ensembles
Si A etB sont deux ensembles, une application associe `a tout ´el´ement a deAun unique ´el´ement not´ef(a) de B. On dit quef(a) est l’image deapar f. Un ´el´ement deB peut n’ˆetre l’image d’aucun ´el´ement deAou au contraire ˆetre l’image de plusieurs ´el´ements de A. On dit qu’une application est injec- tive si tout ´el´ement de B est l’image d’au plus un ´el´ement de A, surjective si tout ´el´ement de B est l’image d’au moins un ´el´ement de A et bijective si elle est injective et surjective. On note BA l’ensemble des applications deA dans B. QuandA et B son finis son cardinal vaut (#B)#A.
Si E est un ensemble fix´e, l’ensemble des parties de E est en bijection avec l’ensemble des applications de E dans l’ensemble `a deux ´el´ements {0,1}. Cette bijection est la suivante : `a tout ensembleA⊂E on associe safonction caract´eristiqueoufonction indicatrice 1A:E → {0,1} d´efinie par 1A(e) = 1 si e ∈ A et 1A(e) = 0 sinon. R´eciproquement si f est une application de E dans{0,1}l’ensembleA dese∈E tels que f(e) = 1 est tel que 1A(·) =f(·).
En particulier, ceci d´emontre que quand E est fini le cardinal de P(E) est 2#E.
Si A1, . . . , An sont des sous-ensembles de E on a 1A1∩···∩An =
n
Y
i=1
1Ai.
Sif est une application deE dans F on d´efinit pour toutB ⊂F l’ensemble f−1(B) comme ´etant l’ensemble dese∈Etels quef(e)∈B. (Cette d´efinition a un sens mˆeme sif n’est pas inversible.) On dit quef−1(B) est la pr´e-image deB par f.
On a toujours f−1
[
i∈I
Ai
=[
i∈I
f−1(Ai), f−1
\
i∈I
Ai
=\
i∈I
f−1(Ai), f−1(Ac) =
f−1(A) c
.
1.2. APPLICATIONS ENTRE ENSEMBLES 7 Attention le comportement par image directe n’est pas aussi bon.
Exercice i) Montrer que si A, B sont deux sous-ensembles de E on a 1−1A∪B = (1−1A)(1−1B),
et en d´eduire que
#(A∪B) = #A+ #B−#(A∩B).
ii) En g´en´eralisant la formule pr´ec´edente montrer que
#(A1 ∪ · · · ∪An) =
n
X
p=1
(−1)p−1 X
1≤i1<...<ip≤n
#(Ai1 ∩ · · · ∩Aip).
Solution. i) Pour tout ensemble F ⊂E 1Fc = 1−1F. Donc
1−1A∪B =1Ac∩Bc
=1Ac1Bc
= (1−1A)(1−1B).
On a donc
1A∪B =1A+1B−1A·1B
=1A+1B−1A∩B. Or, pour tout ensemble F ⊂E
#F =X
e∈E
1F(e).
On a donc bien la conclusion.
ii) De fa¸con g´en´erale,
1−1A1∪···∪An =
n
Y
i=1
(1−1Ai), et donc
1−1A1∪···∪An = 1 +
n
X
p=1
(−1)p X
1≤i1<...<ip≤n
1Ai1· · ·1Aip
= 1 +
n
X
p=1
(−1)p X
1≤i1<...<ip≤n
1Ai1∩···∩Aip, et en sommant sur e∈E on obtient bien la formule annonc´ee.
1.3 D´ enombrement
Cardinal d’une union disjointe finie. SiA1, . . . , An sont des ensembles finis disjoints deux `a deux tels que A1∪ · · · ∪=E alors E et fini et
#E =
n
X
i=1
#Ai.
Cardinal d’un produit. SiA1, . . . , Ansont des ensembles finis le cardinal du produit A1× · · · ×An est donn´e par
#(A1× · · · ×An) = (#A1)· · ·(#An).
Cardinal de l’ensemble des applications de A dans B. Si A et B sont des ensembles finis, l’ensemble des applications de A dans B est fini et
`a pour cardinal
#(BA) = (#B)#A.
Nombre d’injections entre deux ensmbles finis. SiA etB sont deux ensembles finis avec #A=p, #B =n, l’ensemble des applications injectives deA vers B a un cardinal ´egal `a
( 0 si #A >#B
n(n−1)· · ·(n−p+ 1) si p≤n.
En effet, supposons A = {a1, . . . , ap}; si p > n, il ne peut y avoir d’appli- cations injective de A vers B, tandis que si p ≤ n, il y a n choix possibles pour la valeur f(a1), n−1 choix possibles pour la valeur de f(a2) (comme f est injective f(a2) ne peut pas prendre la mˆeme valeur que f(a1)) etc.
n−(p−1) =n−p+ 1 choix possibles pour f(ap)
C’est aussi le nombre de p-uplet (ordonn´es) (e1, . . . , ep) o`u ei ∈E.
Nombre de bijections deA vers A. SiAest un ensemble de cardinaln, une application de A vers A est bijective si et seulement si elle est injective et par cons´equent le nombre de bijection deAvers A(on dit aussi le nombre depermutations de A) ´egale
n! =n(n−1)· · ·1.
1.3. D ´ENOMBREMENT 9 Cardinal deP(E). SiEest fini de cardinaln, le nombre de sous-ensembles deE est ´egal au nombre d’applications de E vers {0,1} et vaut donc
#P(E) = 2n.
Nombre de sous-ensembles de cardinalpd’un ensemble `an´el´ements.
SiE est un ensemble fini de cardinal n, le nombre de sous-ensemble de E de cardinal exactement p´egale
n p
=Cnp = n(n−1)· · ·(n−p+ 1)
p! = n!
p!(n−p)!.
En effet, un sous-ensemble {a1, . . . , ap} de E peut ˆetre vu comme un p- uplet d’´el´ement deE o`u l’on oublie l’ordre des ´el´ements. Or, ´etant donn´es p
´el´ements de E on peut former p! (nombre de bijections de {a1, . . . , ap} dans lui mˆeme) p-uplets. Ainsi, le nombre de sous-ensembles de cardinal p d’un ensemble `a n ´el´ements ´egale le nombre d’injection de l’ensemble {1, . . . , p} dans E (i.e le nombre de p-uplets de E) divis´e par p!.
Une autre preuve de ce r´esultat est la suivante : consid´erons le polynˆome (1 +X)n = (1 +X)· · ·(1 +X). Quand on d´eveloppe le produit, on obtient une somme de produits de 1 et de X et on voit que le coefficient de Xp est
´egal au nombre de fa¸cons de choisir p´el´ements parmi n. Or, on sait d’apr`es la formule du binˆome de Newton, que le coefficient deXp est Cnp.
Cardinal et fonctions caractristiques SiA ⊂E on a
#A =X
x∈E
1A(x).
ExerciceUne urne contient N boules noires et M boules blanches.
i) On effectue n tirages sans remise. Quel est le nombre total de tels tirages ? Combien de tirages donnent x (x≤n) boules noires ?
ii) ) On effectue n tirages avec remise. Quel est le nombre total de tels ti- rages ? Combien de tirages donnent x (x≤n) boules noires ?
Solution.
On note {1, . . . , N} l’ensemble des boules noires et {N + 1, . . . , N +M} l’ensemble des boules blanches.
i) Un tirage sans remise est ´equivalent `a la donn´ee d’une injection de{1, . . . , n} dans {1, . . . , N + M} (ou `a une suite ordonn´ee, un n-uplet (x1, . . . , xn),
xi ∈ {1, . . . , N +M}). Il y a donc (N +M)· · ·(N +M − n+ 1) tirages sans remise.
Un tirage o`uxboules noires sont tir´ees est ´equivalent `a la donn´ee d’un sous- ensemble A de {1, . . . , n} `a x ´elements (si on pense au tirage comme `a une exp´erience, Aest l’ensemble des temps o`u le r´esultat de notre exp´erience est
“boule noire”) et de deux injections, une de A dans l’ensemble des boules noires, une seconde du compl´ementaire deA dans{1, . . . , n}dans l’ensemble des boules blanches : on a donc
n x
·N(N −1)· · ·(N −x+ 1)·M(M −1)· · ·(M −(n−x) + 1) choix possibles, c’est-`a-dire
n x
·N(N −1)· · ·(N −x+ 1)·M(M −1)· · ·(M −n+x+ 1) choix possibles.
Remarquons que la proportion du nombre de tirages sans remise o`uxboules noires sortent dans l’ensemble des tirages sans remise est
n x
·N(N −1)· · ·(N −x+ 1)·M(M −1)· · ·(M−n+x+ 1) (N +M)· · ·(N +M−n+ 1)
=
n x
· Nx
x!· n−xM
(n−x)!
N+M n
n!
=
N x
M
n−x
N+M n
ii) Un tirage avec remise est ´equivalent `a la donn´ee d’une application (pas n´ecessairement injective) de{1, . . . , n} vers{1, . . . , N +M} (ou encore d’un n-uplet (e1, . . . , en) de{1, . . . , N+M}n) ; il y a donc (N+M)nchoix possibles.
Un tirage o`uxboules noires sont tir´ees est ´equivalent `a la donn´ee : d’un sous- ensembleAde{1, . . . , n}`ax´elements, d’une application (pas n´ecessairement injective) de A dans {1, . . . , N} (ou encore d’un x-uplet de {1, . . . , N}x) et d’une application de{1, . . . , n} −A dans{N+ 1, . . . , N+M} (ou encore un (n−x)-uplet de {N + 1, . . . , N +M}). Il y a donc
n x
·Nx·Mn−x
choix possibles. Remarquons que la proportion du nombre de tirages avec
1.4. D ´ENOMBRABILIT ´E 11 remise o`ux boules noires sortent dans l’ensemble des tirages avec remise est
n x
NxMn−x (N +M)n =
n x
px(1−p)n−x, o`up=N/(N +M).
1.4 D´ enombrabilit´ e
D´efinition 1.4.1 Un ensemble est dit d´enombrable s’il est en bijection avec l’ensemble N des entiers naturels.
Nous ´etendrons cette d´efinition en disant qu’un ensemble est d´enombrable s’il est fini ou en bijection avec N.
De fa¸con plus concr`ete, un ensemble est d´enombrable si on peut ´enum´erer ses ´el´ements.
Proposition 1.4.1 Si A et B sont deux ensembles.
a) S’il existe une injection de A dans B et si B est d´enombrable alors A est d´enombrable
b) S’il existe une surjection de A dans B et si A est d´enombrable, alors B est d´enombrable.
Th´eor`eme 1.4.1 a) SiA1, . . . , An sont des ensembles d´enombrables, le pro- duit A1× · · · ×An est ´egalement d´enombrable.
b) Si (Ai)i∈I est une famille d´enombrable (c’est-`a-dire I est d´enombrable) d’ensembles d´enombrables (pour tout i ∈ I, Ai est d´enombrable) alors la r´eunion S
i∈IAi est ´egalement d´enombrable.
D´emonstration.—
a) On peut supposer A1 = . . . = An = N. Notons p1, . . . , pn les n premiers nombres premiers (p est premier s’il est divisble uniquement par 1 et par p) et consid´erons l’application qui `a (l1, . . . , ln)∈ Nn associe le nombre 2l1 · 3l2· · ·plnn est une injection de Nn dans N car la d´ecomposition en facteurs premiers d’un nombre est unique. La proposition 1.4.1 a) permet de conclure.
b) Consid´erons l’application de N×N dans S
i∈IAi qui au couple (n, m) associe le m-i`eme ´el´ement de l’ensemble Ain o`u in est le n-i`eme ´el´ement de I. C’est une surjection. La proposition 1.4.1 b) donne la conclusion.
2 Corollaire 1.4.1 L’ensemble des entiers relatifsZet l’ensemble des nombres rationnels Q sont d´enombrables.
D´emonstration.—
L’ensembleZest d´enombrable car l’application de l’ensemble d´enombrable {1,−1} ×Ndans Z qui au couple (, n) associe le produitn est une surjec- tion. De mˆeme,Qest d´enombrable car l’application de l’ensemble d´enombrable Z×(N− {0}) dans Q qui au couple (p, q) associe le rationnel p/q est une surjection.
2 On peut d´emontrer que
Th´eor`eme 1.4.2 L’ensemble des nombres r´eels R n’est pas d´enombrable.
Corollaire 1.4.2 L’ensemble des nombres irrationnels n’est pas d´enombrable.
D´emonstration.—
Car sinon,Rqui est r´eunion deQ et de l’ensemble des nombres irration- nels serait d´enombrable (comme union d´enombrable d’ensembles d´enombrables).
2
Chapitre 2
Espaces Probabilis´ es et variables al´ eatoires
2.1 Espace probabilis´ e
Un espace probabilis´e est la donn´ee
– d’un espace Ω que l’on appelle l’espace des ´etats. Quand on mod´elise une situation concr`ete Ω est l’ensemble des ´etats du syst`eme que l’on consid`ere. Bien souvent cet espace est inaccessible `a l’exp´erience ; – d’un sous-ensemble BdeP(Ω) qui estl’ensemble des ´ev`enements. Dans
une situation concr`ete c’est l’ensemble de tous les r´esultats d’exp´eriences que l’on peut effectuer sur le syst`eme. En th´eorie des probabilit´es (donc quand on fait des math´ematiques) cet ensembleBsera unetribuou en- core (c’est ´equivalent) uneσ-alg`ebre (cf. d´efinition 2.1.1 ;
– d’une probabilit´e P : pour tout ´ev`enement A ∈ B le r´eel P(A) est le degr´e de vraisemblance de l’´ev`enement A; c’est un nombre compris entre 0 et 1. Math´ematiquement, une probabilit´e est une application P:B → [0,1] v´erifiant les propri´et´es d´ecrites en dans la d´efinition 2.1.2.
Nous pr´ecisons dans la suite les deux derniers points.
2.1.1 Tribus
Soit Ω un ensemble fix´e (l’espace des ´etats).
D´efinition 2.1.1 Une tribu ou encore une σ-alg`ebre de Ω est un ensemble de parties de Ω (donc un sous-ensemble de P(Ω), l’ensemble des parties de Ω) qui contient l’ensemble vide, est stable par passage au compl´ementaire et est stable par union d´enombrable :
– ∅ ∈ B
13
– pour tout A∈ B on a Ac ∈ B
– pour toute famille d´enombrable (Ai)i∈N d’´el´ements de B l’union [
i∈N
Ai
est ´egalement dans B.
Il est clair que Ω est toujours ´el´ement de la tribu (c’est le compl´ementaire de l’ensemble vide) et qu’une intersection d´enombrable d’´el´ements de la tribu est encore dans la tribu (car∩i∈NAi = (∪i∈NAci)c).
Exemples
1) Si Ω est un ensemble quelconque on peut toujours d´efinir deux tribus : la tribu trivialequi est B ={∅,Ω}
la tribu totale qui est B=P(Ω).
2) Si Ω ={1,2,3} le sous-ensemble de P(Ω), B={∅,{1},{2,3},Ω} est une tribu de Ω.
3)(Exercice :)Si Ωest un ensemble le sous-ensemble deP(Ω)constitu´e des ensembles qui sont d´enombrables ou dont le compl´ementaire est d´enombrable est une tribu.
Sauf dans le cas o`u l’espace Ω est fini, les exemples pr´ec´edents de tri- bus sont trop simples pour ˆetre utiles. La proposition donne un moyen tr`es commode de construire des tribus non-triviales.
Proposition 2.1.1 Soit Ω un ensemble et S un sous-ensemble de parties de Ω (un sous-ensemble de P(Ω)) sans structure particuli`ere. Il existe une unique tribu B qui contient S et qui est minimale pour cette propri´et´e c’est-
`a-dire :
– (S ⊂ B) : pour tout A∈ S on a A∈ B
– (minimale) : si B0 est une autre tribu telle que S ⊂ B0 alors B ⊂ B0. On appelle B la tribu engendr´ee par la partieS et on la note (dans ce cours) B=B(S).
D´emonstration.—
Consid´erons l’ensemble E des tribusC de Ω tel que S ⊂ C. Cet ensemble Eest non vide puisqu’il contient la tribuP(Ω) et puisque S ⊂ P(Ω). Notons Bl’intersection des C quandC d´ecrit E. C’est un sous-ensemble deP(Ω) qui contientS mais c’est ´egalement une tribu comme il est facile de v´erifier (nous
2.1. ESPACE PROBABILIS ´E 15 recommandons au lecteur de v´erifier ce point). Ainsi, B est une tribu conte- nant S et appartient donc `a E. CommeB est l’intersection des C d´ecrivant E on a pour toute tribu C contenant S l’inclusion B ⊂ C : ceci qui signifie que B est la plus petite trbibu contenant S.
2
2.1.2 Probabilit´ e
D´efinition 2.1.2 Si Ω est un ensemble et B est une tribu de Ω, une proba- bilit´e P est une application de B dans [0,1] telle P(Ω) = 1 et telle que pour toute famille d´enombrable(Ai)i∈N d’´ev`enements de B disjoints 2 `a 2 on a
P
[
i∈N
Ai
=
∞
X
i=0
P(Ai).
o`u l’´egalit´e pr´ec´edente signifie la chose suivante : la probabilit´e P(∪i∈NAi) est ´egale `a la limite de la suite croissante de nombres r´eelsPN
i=0P(Ai)quand N tend vers l’infini.( Cette limite existe toujours car la suite en question est croissante et born´ee.)
Remarque L’int´erˆet d’autoriser la stabilit´e par unions (intersections) d´enombrables dans la d´efinition d’une tribu permet de construire `a partir d’´ev`enements
simples des ´ev`enements beaucoup plus int´eressants que ceux qu’on obtien- drait en ne supposant que la stabilit´e par unions (intersections) finies. En re- vanche, si on autorisait la stabilit´e par unions (intersections) quelconques on ne pourrait pas construire beaucoup de probabilit´es. La stabilit´e par unions (intersections) d´enombrable est donc le bon compromis.
Mentionnons tout d’abord deux propri´et´es imm´ediates des probabilit´es : Proposition 2.1.2 Soit (Ω,B,P) un espace probabilis´e.
a) Si A∈ B,
P(Ac) = 1−P(A).
b) P(∅) = 0
c)(Positivit´e) Si A, B ∈ B v´erifient A⊂B alors P(A)≤P(B).
d) Si A, B ∈ B alors
P(A∪B) =P(A) +P(B)−P(A∩B).
D´emonstration.—
a) Il suffit d´ecrire Ω comme l’union disjointe finie Ω =A∪Ac : commePest une probabilit´e 1 =P(Ω) =P(A) +P(Ac).
b) suit de la formule pr´ec´edente et du fait queP(Ω) = 1.
c) On ´ecrit B comme l’union disjointe B =A∪(B∩Ac) etP(B) =P(A) + P(B∩Ac). Comme P(B∩Ac)≥0 on a bienP(B)≥P(A).
d) De l’union disjointe A∪B =A∪(B∩Ac) on d´eduit P(A∪B) =P(A) + P(B ∩Ac). Mais de l’union disjointe B = (B ∩Ac)∪(B ∩A) on obtient P(B) =P(B∩Ac) +P(A∩B). De ces deux ´egalit´es on d´eduit la formule d) 2 La preuve des propri´et´es qui suivent n’est pas difficile mais, `a la diff´erence de la d´emonstration des propri´et´es pr´ec´edentes, ne pourrait se faire sans autoriser des unions d´enombrables:
Proposition 2.1.3 a) Si Ai, i ∈ N est une famille croissante d’´el´ements de B dont l’union est A alors A ∈ B et la suite P(An) (qui est croissante born´ee) converge vers P(A) :
n→∞lim P(An) =P(A);
b) Si Ai, i∈Nest une famille d´ecroissante d’´el´ements de B dont l’union est A alorsA ∈ B et la suiteP(An) (qui est d´ecroissante positive) converge vers P(A) :
n→∞lim P(An) =P(A);
c) Si Ai, i∈N est une famille d´enombrable d’ensembles appartenant `a B on a toujours (mˆeme si les Ai ne sont pas disjoints deux `a deux)
P
[
i∈N
Ai
≤
∞
X
i=0
P(Ai),
(o`u le membre de droite de l’in´egalit´e pr´ec´edente qui est la limite de la suite croissante peut ´eventuellement ˆetre infini).
D´emonstration.—
a) D´efinissons les ensembles Bn, n ≥ 0 de la fa¸con suivante : B0 = A0, et pour n ≥ 1, Bn = An∩Acn−1. Les Bn constituent une famille d´enombrable d’ensembles disjoints deux `a deux d’´el´ements de B et on peut donc ´ecrire
∞
X
k=0
P(Bk) = P
[
k∈N
Bk
.
2.1. ESPACE PROBABILIS ´E 17 c’est-`a-dire
N→∞lim
N
X
k=0
P(Bk) =P
[
k∈N
Bk
,
ou encore, puisque les Bk sont disjoints deux `a deux
N→∞lim P N
[
k=0
Bk
=P
[
k∈N
Bk
,
Mais N
[
k=0
Bk =AN,
∞
[
k=0
Bk =A ce qui ´etablit la preuve de a).
b) Il suffit de passer au compl´ementaire et d’utiliser a)
c) Pourω∈Ω d´efinissons l’entierν(ω) comme ´etant le plus petit entierk ≥0 pour lequel ω ∈ Ak. L’ensemble Cn des ω ∈ Ω pour lesquels ν(ω) = n est l’ensemble
Cn ={ω ∈Ω, ν(ω) =n}=An∩(An−1∪ · · · ∪A0)c
qui est clairement dans B. Les ensembles Cn sont de toute ´evidence disjoints deux `a deux et leur union pour n ≥ 0 est ∪n∈NAn car pour tout ω dans
∪n∈NAn il existe un n tel que ν(ω) = n c’est-`a-dire il existe un n tel que ω∈Cn. On a donc
P
[
n≥0
An
=P
[
n≥0
Cn
=
∞
X
n=0
P(Cn),
et commeP(Cn)≤P(An) (puisqueCn ⊂An) on obtient la conclusion du c).
2 Les deux propri´et´es pr´ec´edentes a) et b) sont des propri´et´es decontinuit´e (dans un sens `a pr´eciser) des probabilit´es.
2.1.3 Exemples
Mesures de Dirac
Sur tout ensemble Ω muni d’une tribu B il est possible de construire des mesures de la fa¸con suivante : pour tout α∈ Ω d´efinissons l’application δα : B → [0,1] qui `a un ensemble A ∈ B associe le r´eel 1 si α ∈ A et 0
sinon. Cette application δα est une mesure de probabilit´e que l’on appelle la mesure de Dirac au pointα. V´erifions rapidement que c’est bien une mesure : d´ej`a δα(Ω) = 1 puisque α ∈Ω ; par ailleurs si Ai ∈ B, i ≥ 0 est une famille d´enombrable d’ensembles de la trbibu disjoints deux `a deux on a
δα
[
i≥0
Ai
=δα(Ai), car :
– soitα appartient `a∪i≥0Ai; mais alors il existe un i≥0 pour lequelα∈Ai et cet indice i est unique car les Ai sont disjoints deux `a deux. L’´egalit´e pr´ec´edente se r´eduit `a 1 = 1 ;
– soit α n’appartient pas `a ∪i≥0Ai et de ce fait n’apartient `a aucun desAi : l’´egalit´e se r´eduit `a 0 = 0.
Probabilit´es sur un ensemble fini
Les espaces probabilis´es les plus simples sont ceux o`u l’espace des ´etats Ω est fini. On choisit en g´en´eral comme tribu B l’ensemble P(Ω) de toutes les parties de Ω (qui est bien une tribu). C’est ce que nous ferons (car le cas o`uB est une tribu plus petite que P(Ω) s’y ram`ene). Ceci ´etant, il reste
`a d´efinir la probabilit´e. Remarquons que tout ensemble A ∈ B = P(Ω) est fini (car inclus dans Ω qui est fini) et est par cons´equent l’union (finie donc d´enombrable) des singletons {a} o`ua d´ecrit A :
A = [
a∈A
{a}.
Comme cette union est disjointe et finie on a P(A) =X
a∈A
P({a}).
Si Ω ={c1, . . . , cn} et si on note pi =P({ci}) on a P(A) = X
i,ci∈A
pi.
Remarquons que les pi sont dans [0,1] et v´erifient
n
X
i=1
pi = 1.
2.1. ESPACE PROBABILIS ´E 19 En conclusion :dans le cas o`u Ωest fini, une probabilit´e Psur B=P(Ω) est d´etermin´ee par ses valeurs sur les singletons de Ω. R´eciproquement si on se donnennombres r´eels positifsp1, . . . , pndont la somme vaut 1 (p1+· · ·+pn= 1) alors, l’applicationP:P(Ω)→[0,1] qui `aA∈ P(Ω) associe le r´eel (dans [0,1])
P(A) = X
{i:ci∈A}
pi
est une probabilit´e
Exercice : D´emontrer l’´enonc´e pr´ec´edent.
Probabilit´es uniformes et lien avec la combinatoireUn cas important est celui o`u tous lespi, 1≤i≤n pr´ec´edents sont ´egaux. Comme leur somme doit valoir 1 ceci signifie que p1 = · · · = pn = 1n. On dit dans ce cas que la probabilit´e Pest uniforme. On a alors, pour tout sous-ensemble A de Ω
P(A) = X
{i:ci∈A}
pi = #{i∈ {1, . . . , n}, ci ∈A}.1 n
soit
P(A) = #A
#Ω.
Ainsi, quand on travaille avec une probabilit´e uniforme sur un ensemble fini, d´eterminer la probabilit´e d’un ´ev`enement revient `a calculer son cardinal : on voit apparaˆıitre le lien avec la combinatoire.
Exercice :On tire cinq cartes d’un jeu de 32 cartes. Quelle est la probabilit´e d’obtenit un full c’est-`a-dire deux cartes de mˆeme valeur et trois autres cartes de mˆeme valeur. On supposera chaque tirage ´equiprobable
Exercice : Une urne contient n boules noires et b boules blanches.
a) On effectue N tirages avec remises. Quelle est la probabilit´e d’obtenir x boules noires ?
b) Mˆeme question si les tirages sont sans remises.
On supposera les tirages ´equiprobables.
Jeu de n Pile ou Face On se propose de mod´eliser un jeu o`u l’on lancen fois une pi`ece (Pile/Face). De fa¸con ´equivalente un exp´erimentateur r´ealise n exp´erience le r´esultat de chaqu’une d’entre elles pouvant ˆetre positif (1) ou n´egatif (0). Il est naturel de d´ecrire le jeu ou l’exp´erience pr´ec´edentes de la fa¸con suivante : on choisit comme espace des ´etats l’ensemble Ω de toutes les suites de longueur n constitu´ees de 0 ou de 1. Une telle suite est donc un
n-uplet ω = (ω1, . . . , ωn) chaque ωi, 1 ≤ i ≤ n appartenant `a l’ensemble `a deux ´el´ements {0,1}. Ainsi
Ω ={0,1}n,
et a 2n ´el´ements. Nous choisirons comme tribu B = P(Ω), l’ensemble des parties de Ω (qui a donc 22n mais cela n’a pas d’importance). Cette tribu nous permet de d´ecrire des ´ev`enements. Par exemple l’´ev`enement (A) “obtenir k Pile lors des n lancers” est d´ecrit par l’ensemble A∈ B (Pile=1, Face=0)
A={ω= (ω1, . . . , ωn),
n
X
i=1
ωi =k.}.
L’´ev`enement (B) “on tire au moins un Pile” est d´ecrit par l’ensemble B ={ω= (ω1, . . . , ωn),∃i∈ {1, . . . , n} ωi = 1}.
L’´ev`enement “(A) et (B)” est d´ecrit par l’intersection A∩B, l’ev`enement
“non A” est d´ecrit par Ac, l’´ev`enement “A ou B” par A∪B etc.
Le choix de la probabilit´e sur notre ensemble est dict´e par le jeu ou l’exp´erience que l’on mod´elise. Ainsi, on ne mod´elisera pas de la mˆeme fa¸con un jeu ou pile et face ont les mˆemes chances de sortir qu’un jeu o`u pile a deux fois plus de chance de sortir que face. Dans le premier cas, il est naturel
1 de choisir comme probabilit´e Pla probabilit´e uniforme P(A) = #A
Ω = #A 2n .
Noter que la probabilit´e d’un ´ev`enement ´el´ementaire “on a tir´e la suite (1, . . . , n)” c’est-`a-dire la probabilit´e du singleton {(1, . . . , n)} vaut 1/2n (ceci quel que soit 1, . . . , n). En revanche, dans le second cas, on d´efinira la probabilit´e d’un ´ev`enement ´el´ementaire{1, . . . , n)}comme ´etant (2/3)k(1/3)n−k o`uk est le nombre de 1 dans la suite1, . . . , n.
Exercice : Calculer dans chacun des cas pr´ec´edents les probabibilit´es des
´ev`enements A et B.
Le jeu infini de pile ou face
Nous pr´esentons dans ce paragraphe la mod´elisation du jeu de pile ou face o`u l’on joue une infinit´e de fois. Il est naturel d’introduire comme espace des ´etats l’ensemble Ω des suitesω = (ω1, ω2, . . .) o`u les ωi valent 0 ou 1. On a ainsi Ω = {0,1}N−{0}. Un probl`eme plus d´elicat est de trouver une tribu
1en fait cela sera encore plus naturel quand on aura d´efini la notion d’ind´ependance
2.1. ESPACE PROBABILIS ´E 21 raisonnable sur cet ensemble. On aimerait par exemple pouvoir d´ecrire un
´ev`enement du type : “en moyenne pile sort deux fois plus souvent que face”
qui de fa¸con ensembliste est l’ensemble des ω = (ω1, . . .) ∈ Ω pour lesquels la limite quandn tend vers l’infini de la suite
1 n
n
X
i=1
ωi
existe et vaut 2/3. Un moment de r´eflexion montre que cet ´ev`enement n’ap- partient `a aucune des tribus Fn qui mod´elisent un jeu de n pile/face2.
Nous d´efinirons la tribu B sur Ω de la fa¸con suivante : la tribu B est la tribu engendr´ee (au sens de la proposition 2.1.1) par tous les ´ev`enements Ci,
Ci, ={ω ∈Ω, ωi =}, o`ui d´ecrit N− {0} et d´ecrit{0,1}.
Il reste `a pr´esent `a construire une probabilit´e sur B ce qui est assez d´elicat. Si on joue avec une pi`ece qui donne Pile (resp. Face) avec proba- bilit´e 1/2 il est naturel d’attribuer `a tout ´ev`enement Ci, la probablit´e (1/2) (ind´ependamment de la valeur de) et il est ´egalement naturel de demander que la probabilit´e d’un ´ev`enement de la forme3
{ω∈Ω, ωi1 =1, . . . , ωir =r}=Ci1,1∩ · · · ∩Cir,r
soit ´egale `a (1/2)r. Il n’est en revanche pas du tout clair que l’on puisse attribuer `a tout ´ev`enement de la tribuB une probabilit´e qui soitcompatible avec ces choix. En fait c’est possible :
Th´eor`eme 2.1.1 Il existe une unique mesure de probabilit´e P d´efinie sur (Ω,B) telle que pour tous r ≥1, i1, . . . , ir ∈ N− {0}, 1, . . . , r ∈ {0,1} on ait
P(Ci1,1 ∩ · · · ∩Cir,r) = 1 2r. Probabilit´e sur R
Il est important de savoir d´ecrire des probabilit´es sur R, l’ensemble des nombres r´eels. L’espace des ´etats est alors Ω =R et la tribu que l’on choisit est la tribu engendr´ee par les intervalles ouverts de R. On l’appelle la tribu bor´elienneet on la note Bor(R). Retenons la d´efinition :
2On peut toujours consid´erer un jeu denpile/face comme un cas particulier d’un jeu infini de pile/face : Il suffit d’associer `a toute suite ω = (ω1, . . . , ωn) de {0,1}n la suite
˜
ω∈ {0,1}N− {0}d´efinie par ˜ωi=ωi si 1≤i≤net ˜ωi= 0 sii≥n+ 1
3Cet ´ev`enement d´ecrit l’exp´erience suivante : au tempsi1, . . . , ir, on observe1, . . . , r et on ne pr´ecise pas ce qui se passe aux autres temps
D´efinition 2.1.3 La tribu bor´elienne de R est la tribu engendr´ee par les intervalles ouverts de R.4. On la note Bor(R).
Exercice : Montrer que la tribu bor´elienne de R est ´egalement la tribu en- gendr´ee par les intervalles de la forme ]− ∞, a].
Solution: NotonsC la tribu engendr´ee par les intervalles de la forme ]−∞, a].
Remarquons pour cela que si ]c, d[ est un intervalle ouvert (c < d peuvent ˆetre infinis) on a
]c, d[=]− ∞, c]c∩]− ∞, d[.
Mais ]− ∞, d[ s’´ecrit comme union d´enombrable d’intervalles de C : ]− ∞, d[= [
n∈N∗
]− ∞, d− 1 n].
Ainsi,C´etant une tribu (donc stable par union d´enombrable) ]−∞, d[ appar- tient `aC. Comme ]−∞, c] est dansC, l’intersection ]c, d[=]−∞, c]c∩]−∞, d[
est ´egalement dans C (C est stable par compl´ementaire et intersections finies ou d´enombrables). Nous avons donc d´emontr´e que la tribu C contenait les intervalles ouverts. Or, la tribu bor´elienne est la plus petite tribu contenant les intevalles ouverts. Par cons´equent, Bor(R)⊂ C. L’inclusion r´ecipoque se d´emontre de fa¸con similaire (c’est plus facile).
Exercice : 1) Montrer qu’un singleton {a} est bor´elien.
2) Montrer que Q l’ensemble des rationnels est bor´elien.
3) L’ensemble des irrationnels est-il bor´elien.
4) Montrer qu’un intervalle ferm´e [a, b] est bor´elien (on observera que [a, b] =
∩p≥1]a− 1p, b+ 1p[.)
D´efinition 2.1.4 Si µ est une probabilit´e sur (R, Bor(R)) on introduit Fµ
la fonction d´efinie par Fµ(x) =µ(]− ∞, x]). On appelle Fµ(·) la fonction de r´epartition de la mesure de probabilit´eµ.
Proposition 2.1.4 La fonction Fµ : R → [0,1] d´efinie par F(x) = µ(]−
∞, x])
i) est croissante
ii) admet des limites en +∞ et −∞ qui valent :
x→∞lim F(x) = 1, lim
x→−∞F(x) = 0
4elle est ´egalement engendr´ee par les intervalles ou les intervalles de la forme ]− ∞, a]
ou encore les intervalles ferm´esetc.
2.1. ESPACE PROBABILIS ´E 23 iii) est continue `a droite en tout point x∈R c’est-`a-dire
t→x,x<tlim F(t) =F(x).
D´emonstration.—
i) Si x ≤y on a ]− ∞, x] ⊂]− ∞, y] et d’apr`es la proposition 2.2.1 c) on a bien µ(]− ∞, x])≤µ(]− ∞, y]).
ii) Pour tout suitexncroissant vers∞(resp. d´ecroissant vers−∞) la suite de bor´eliens ]−∞, xn] est croissante pour l’inclusion (resp. d´ecroissante pour l’in- clusion) et leur union vaut Ω (resp. leur intersection vaut∅). Par cons´equent d’apr`es la proposition 2.1.3 a) (resp. b)) limn→∞µ(]− ∞, xn]) = 1 (resp.
limn→∞µ(]− ∞, xn]) = 0 ) ce qui d´emontre ii)
iii) Pour toute suitetnd´ecroissante et convergeant versx, la suite de bor´eliens ]− ∞, tn] est d´ecroissante et leur intersection vaut ]− ∞, x] ce qui d´emontre que limn→∞µ(]− ∞, tn]) =µ(]− ∞, x]).
2 Remarque : Attention, la fonction de r´epartition d’une mesure n’est pas toujours continue `a gauche.Consid´erons en effet la mesure de Dirac en 0 que nous notons δ0 : par d´efinition c’est la mesure qui `a tout bor´elien A de R associe 1 si 0 appartient `a A et 0 sinon ; on sait que c’est une mesure. Sa fonction de r´epartition est : F(x) = 0 si x < 0 et F(x) = 1 si x ≥ 0 (c’est une fonction en escalier) qui est bien continue `a droite en 0 mais n’est pas continue `a gauche en 0.
Le th´eor`eme qui suit (dont la d´emonstration d´epasse le cadre de ce cours) permet de construire de tr`es nombreuses mesures de probabilit´es sur la droite r´eelle munie de sa tribu bor´elienne.
Th´eor`eme 2.1.2 Si F : R → [0,1] est une fonction croissante, qui admet une limite nulle en −∞ et une limite ´egale `a 1 en ∞, et qui est continue `a droite en tout point de R alors il existe une unique mesure de probabilit´eµ d´efinie sur (R, Bor(R))qui admet F comme fonction de r´epartition.
Ce th´eor`eme illustre l’´equivalence entre la notion de probabilit´e sur (R, Bor(R)) et celle de fonction de r´epartition.
Donnons un exemple fondamental et typique d’une telle construction : la fonction F d´efinie par : F(x) = 0 si x < 0, F(x) = x si 0 ≤ x < 1 et F(x) = 1 si x ≥ 1 v´erifie bien les hypoth`eses du th´eor`eme 2.1.2 et d´efinit donc une mesure de probabilit´eλque l’on appelle la mesure de Lebesguesur l’intervalle [0,1]. Si I est un intervalle de R on a
λ(I) = longueur(I∩[0,1]).
2.2 Variables Al´ eatoires
D´efinition 2.2.1 Une variable al´eatoire r´eelle (en abr´eg´e v.a) est une ap- plication X : Ω→ R telle que pour tout intervalle ouvert I de R l’ensemble X−1(I) des ω ∈Ω tels que X(ω)∈I, appartient `a B.
En fait
Proposition 2.2.1 Si X : Ω→R est une application alors les trois propo- sitions suivantes sont ´equivalentes
a) pour tout bor´elienA∈Bor(R) X−1(A)∈ B. b) X est une variable al´eatoire ;
c) pour tout intervalleI de la forme I =]− ∞, a], X−1(I)appartient `a B; D´emonstration.— Que a) implique b) et que b) implique c) est ´evident.
D´emontrons donc que c) implique a). L’ensemble E des A ⊂ R tels que X−1(A) ∈ B est une tribu (exercice). Or, cet ensemble E contient d’apr`es c) les intervalles de la forme ]− ∞, a] et par cons´equent la tribu engendr´ee par les intervalles de la forme ]− ∞, a]. Mais on sait, d’apr`es l’exercice qui suit la d´efinition 2.1.3, que cette tribu ´egale la tribu bor´elienne. Ainsi, pour tout bor´elien A,X−1(A)∈ B.
2 Notation Dans la suite du cours, quand X est une v.a etA un bor´elien de R nous noterons {X ∈ A} ou [X ∈ A] ou (X ∈ A) l’ensemble {ω ∈ Ω : X(ω)∈A}.
La proposition qui suit permet de construire de v.a.
Proposition 2.2.2 a) Si Xn, n ≥ 1 est une famille de v.a alors Z = supn≥1Xn (resp. Z = infn≥1Xn) est une v.a
b) Si X1, . . . , Xn sont des v.a et f : Rn → R est une application continue alors Z =f(X1, . . . , Xn) est une v.a
D´emonstration.—
a) Soit ω tel que supn≥1Xn(ω) > a. Alors par d´efinition du sup, il existe un n pour lequel Xn(ω) > a et ω est donc dans l’union ∪n≥1{Xn > a}. R´eciproquement si ω ∈ ∪n≥1{Xn > a} alors il existe n tel que Xn(ω)> a et a fortiorisupnXn(ω)> a. Nous avons donc d´emontr´e que les deux ensembles {Z > a}et∪n≥1{Xn> a}sont ´egaux. Mais ce dernier ensemble est une union d´enombrable d’´el´ements de la tribuB(car chaque Xi est une v.a). Ainsi pour
2.2. VARIABLES AL ´EATOIRES 25 toutal’´ev`enement{supn≥1Xn(ω)> a}est dansBet il en est de mˆeme de son compl´ementaire {supn≥1Xn(ω)≤a}. La proposition ?? permet de conclure.
b) Si I est un intervalle de R, Z−1(I) est l’ensmble des ω ∈ Ω tels que (X1(ω), . . . , Xn(ω)) ∈ f−1(I). Comme f est continue, f−1(I) est un en- semble ouvertdeRn et, par consquent, est une union d´enombrable de pav´es ouverts c’est -`a-dire d’ensembles P de la forme ]a1, b1[× · · · ×]an, bn[. Par cons´equent l’ensmble des ω ∈ Ω tels que (X1(ω), . . . , Xn(ω)) ∈ f−1(I) est une union d´enombrable d’ensembles de la forme{ω∈Ω,(X1(ω), . . . , Xn(ω)∈ ]a1, b1[× · · · ×]an, bn[} c’est-`a-dire d’ensembles de la forme {ω ∈ Ω, X1(ω) ∈ ]a1, b1[, . . . , Xn(ω) ∈]an, bn[} = X1−1(]a1, b1[) ∩ · · · ∩ Xn−1(]an, bn[) qui sont clairement dansB.
2 En particulier
Proposition 2.2.3 a) Si X : Ω → R est une v.a. et f : R → R est une application continue, alors la fonction Y : Ω → R d´efinie par Y = f ◦X (c’est-`a-dire Y(ω) = f(X(ω)) pour tout ω ∈ Ω) est encore une v.a. On la note Y =f(X).
b) Si X, Y sont deux v.a l’application Z = max(X, Y) est une v.a c) Si X et Y sont deux v.a, aX+bY est ´egalement une v.a.
2.2.1 Le cas particulier des v.a ` a valeurs dans un en- semble fini ou d´ enombrable
Il s’agit du cas o`u X(Ω) l’ensemble des valeurs prises par X est un en- semble fini ou d´enombrable deR. Dans ce cas la caract´erisation des variables al´eatoires est plus simple :
Proposition 2.2.4 Si X : Ω → R est `a valeurs dans un ensemble fini ou d´enombrableE alors X est une variable al´eatoire si et seulement si pour tout e∈E, X−1({e})∈ B.
D´emonstration.— Il s’agit de d´emontrer que pour tout intervalle ouvert de la forme ]a, b[ (avec a et b finis par exemple) l’ensemble des ω ∈ Ω tels X(ω)∈]a, b[ est dansB. On a alorsX(ω)∈]a, b[∩E. Mais ce dernier ensemble est au plus d´enombrable et comme
X−1(]a, b[) = [
e∈]a,b[∩E
X−1({e}) on voit que X−1(]a, b[) est dans B.
2 ExempleRevisitons l’exemple du jeu infini de Pile/Face : Ω ={0,1}N etB est la tribu engendr´ee par les ensembles Ci,i ={ω = (ω0, . . .)∈ Ω, ωi = i}. Pourn ∈Nl’applicationXn:{0,1}N → {0,1}qui `aω = (ω0, ω1, . . .) associe ωn est une variable al´eatoire. Il suffit en effet de v´erifier que pour = 0 ou = 1 l’ensemble desω pour lesquelsωn=appartient `a B. Or, cet ensemble est le cylindre Cn, qui par d´efinition est dans B. En fait, la tribu B a ´et´e construite de fa¸con que toutes les applications Xn : Ω → {0,1} (n ≥ 0) soient des variables al´eatoires (c’est d’ailleurs la plus petite tribu ayant cette propri´et´e).
Exercice On consid`ere le jeu infini de Pile/Face (Ω,B,P) et on garde les notations de l’exemple pr´ec´edent. D´efinissons pour tout ω ∈Ω, l’entier ν(ω) comme ´etant le plus petit entierk pour lequel Xk(ω) = 1 (en d’autres termes ν(ω)est le premier temps o`u on tire Pile). D´emontrer que ν est une variable al´eatoire.
Solution :Si{ν = 0}={X0 = 1}est dans B carX0 est une v.a et pour tout n∈N, (n ≥1)
{ν =n}={X0 = 0} ∩ · · · ∩ {Xn−1 = 0} ∩ {Xn= 1};
c’est une intersection finie d´el´ements de B (car, puisque chaque Xi est une v.a, les ensembles {Xi = 0}, 1≤i≤n−1 et {Xn= 1}c sont dansB)
2.2.2 Loi d’une variable al´ eatoire
SoitX : Ω →Rune v.a. On sait que pour tout bor´elienAdeRl’ensemble X−1(A) est un ´ev`enement (appartient `aB). Il est donc possible de parler de la probabilit´eP(X ∈A) de l’´ev`enement {X ∈A}.
Proposition 2.2.5 L’application µX : Bor(R) → [0,1] qui `a tout bor´elien de R associe le r´eel P(X ∈A) de [0,1] est une probabilit´e sur (R, Bor(R)).
On appelle cette probabilit´e la loide la v.a X.
D´emonstration.— Il suffit de d´emontrer que si (Ai)i∈N est une famille d´enombrable de bor´eliens deR disjoints deux `a deux alors
P(X ∈ [
i∈N
Ai) =
∞
X
i=0
P(X ∈Ai),
ce qui est clair car l’´ev`enement {X ∈ ∪i∈NAi} est l’union d´enombrable dis- jointe des ´ev`enements {X ∈ Ai}. Enfin la condition P(X ∈ R) = 1 ach`eve la preuve.
2.2. VARIABLES AL ´EATOIRES 27 Il faut retenir que la loi d’une v.a est une probabilit´e sur R (muni de sa tribu bor´elienne). Ceci illustre le fait qu’il est possible de construire de nombreuses mesures de probablilit´es sur R muni de sa tribu bor´elienne.
2
2.2.3 Loi des variables al´ eatoires ` a valeurs dans un en- semble fini ou d´ enombrable
Si X : Ω → R prend ses valeurs dans un ensemble E = {e0, e1, . . .} qui est fini ou d´enombrable la loi µX de X est la mesure sur (R, Bor(R))
µX =X
e∈E
P(X =e)δe. En effet pour tout bor´elien (ou tout intervalle) A P(X ∈A) =P(X ∈A∩E) = X
e∈A∩E
P(X =e), et cette somme n’est rien d’autre que
X
e∈E
P(X =e)δe(A).
La loi deXest donc parfaitement d´etermin´ee par les r´eelspX(e) = P(X = e), (e∈E) et dans la pratique quand on demande de d´eterminer la loi de X on demande de calculer les r´eels pX(e) =P(X =e).
Quelques lois classiques de variables al´eatoires `a valeurs dans un ensemble fini ou d´enombrable
Loi g´eom´etrique On dit qu’une v.a X : Ω → N (`a valeurs dans N) suit une loi g´eom´etrique de param`etre a (0< a <1) si
P(X=n) = (1−a)an. On remarquera que l’on a bien P∞
k=0P(X =k) = 1 (P
k≥0ak= 1/(1−a)).
La v.a ν de l’exercice de la section 2.2.1 suit une loi g´eom´etrique de param`etre 1/2. En effet
ν−1(n) ={ω = (ω0, ω1, . . .)∈Ω, ω0 = 0, . . . , ωn−1 = 0, ωn= 1}
=C0,0∩ · · · ∩Cn−1,0∩Cn,1
et d’apr`es le th´eor`eme 2.1.1
P(ν =n) = (1/2)n.(1/2).
Loi binomiale On dit qu’une variable al´eatoireZ `a valeurs dans{0, . . . , n} suit une loi binomiale (n, p) si
P(Z =k) = n
k
pk(1−p)n−k. o`u nk
est le coefficient binomial n
k
=Cnk = n!
(n−k)!k! = n(n−1)· · ·(n−k+ 1)
k! .
On a bien (formule du binˆome de Newton)P∞
k=0P(X =k) = (p+1−p)n= 1.
ExempleJouons n fois au jeu de pile/face o`u pile sort avec probabilit´ep et face avec probabilit´e 1−pet notonsZla variable al´eatoire :Zest le nombre de pile qui sortent (apr`es avoir jou´enfois). Si on noteXi les variables al´eatoires Xi(ω) =ωi (ω = (ω1, . . . , ωn)) on a
Z =X1+· · ·+Xn.
C’est bien une variable al´eatoire Z : B → N `a valeurs dans l’ensemble fini {0, . . . , n} (B=P(Ω)) et
P(Z =k) = n
k
pk(1−p)n−k.
Loi de Poisson Une variable al´eatoire Z : Ω→N suit une loi de Poisson de param`etre λ >0 si
P(Z =n) =e−λλk k!. On v´erifie encore que P∞
k=0P(X =k) = 1 (cf. le d´eveloppement en s´erie de eλ).
Exercice Soit Xn une v.a suivant une loi binomiale (n, pn). Montrer que si limn→∞npn =λ on a pour tout k∈N
n→∞lim P(Xn =k) =e−λλk k!.
(On dit que Xn converge en loi vers une loi de Poisson de param`etre λ)
2.2. VARIABLES AL ´EATOIRES 29
2.2.4 Loi de variables al´ eatoires admettant une densit´ e
D´efinition 2.2.2 On dit que la variable al´eatoire X : Ω → R admet une densit´e continue (resp. continue par morceauxetc.) si sa loi (qui est une me- sure de probabilit´e sur(R, Bor(R))) admet une densit´e continue (resp. conti- nue par morceaux etc.) c’est-`a-dire s’il existe une fonction positive continue (resp. continue par morceauxetc.) ρX :R→[0,∞[telle queR∞
−∞ρX(t)dt= 1 et telle que pour tout intervalle ]a, b[
µX(]a, b]) =P(X ∈]a, b]) = Z b
a
ρX(t)dt.
Faisons une remarque importante : si une v.a. X admet une densit´e ρX
alors sa fonction de r´epartition
FX(x) =µX(]− ∞, x]) = Z x
−∞
ρX(t)dt
est continue. Il existe donc des variables al´eatoires n’admettant pas de den- sit´e : par exemple une v.a X `a valeurs dans R ne prenant que deux valeurs 0 ou 1 et telle queP(X = 0) =p avec 0< p <1 ne peut poss´eder de densit´e car sa fonction de r´epartition FX(x) vaut 0 si x <0, 1/2 si 0≤x <1 et 1 si 1≤x : elle est discontinue en 0 et en 1 (mais bien continue `a droite).
Quelques exemples de loi admettant une densit´e
Loi uniforme La variable al´eatoire X : Ω → R suit une loi uniforme sur l’intervalle [a, b] si sa densit´e est donn´ee par
ρX(x) = 1
b−a ·1[a,b]. On a bienρX(t)≥0 pour tout t etR
RρX(t)dt= 1. Cette loi est caract´eris´ee par
P(X ∈[c, d]) = 1
b−alongueur([a, b]∩[c, d]).
(En effet,
P(X ∈[c, d]) = Z
[c,d]
1
b−a ·1[a,b](x)dx
= 1
b−a Z
R
1[c,d](x)·1[a,b](x)dx
= 1
b−a Z
R
1[c,d]∩[a,b](x)dx.
Loi exponentielle de param`etre θ La v.a admet une densit´e ρX expo- nentielle de param`etre θ si
ρX(x) =θe−θx1[0,∞[(x).
La fonction de r´epartition est FX(x) =
Z x
−∞
ρX(t)dt= (1−e−θx)1[0,∞[(x),
et converge bien vers 1 en ∞. Intuitivement, la loi uniforme sur l’intervalle [a, b] mod´elise une exp´erience o`u la probabilit´e d’un point de tomber dans un intervalle de taille 2∆x, ]x−∆x, x+ ∆x[⊂ [a, b] ne d´epend pas de x(et est lin´eaire en ∆x).
Loi normale N(µ, σ) C’est la loi de densit´e ρX(x) = 1
√2πσ2e−(x−µ)2/2σ2. Il n’est pas compl`etement ´evident que R
RρX(x)dx = 1 (ce qui est indispen- sable pour que ρX soit une densit´e). Ceci r´esulte, apr`es le changement de variable u= (x−µ)/σ de l’´egalit´e (cf. *** pour une preuve)
Z ∞
−∞
e−u2/2du=√ 2π.
La loi normaleN(0,1), donc de densit´e,
√1
2πe−x2/2, est dite loi normale centr´ee r´eduite.
2.3 Esp´ erance d’une v.a.
2.3.1 Esp´ erance d’une v.a. ` a valeurs dans un ensemble fini (ou d´ enombrable)
Soit X : Ω → R une variable al´eatoire ne prenant qu’un nombre fini de valeurs x1, . . . xr. On d´efinit l’esp´erance de X comme ´etant le nombre r´eel
E(X) =
r
X
i=1
xi·P(X =xi).
2.3. ESP ´ERANCE D’UNE V.A. 31 Remarquons que siXprend ses valeurs dans un ensemble infini d´enombrable la quantit´e
E(X) =
∞
X
i=1
xi·P(X =xi),
qui semble ˆetre un bon candidat pour la d´efinition de l’esp´erance peut ne pas exister car la s´erie peut ne pas converger. Pour garantir cette convergence il suffit de demander que la s´erie pr´ec´edente soit absolument convergente.
2.3.2 Esp´ erance d’une v.a. positive
Nous d´efinissons dans cette section l’esp´erance d’une variable al´eatoire X : Ω → R qui ne prend que des valeurs positives ou nulles. Pour cela on d´efinit pour n≥1 la variable al´eatoire Xn de la fa¸con suivante : on d´ecoupe [0,∞) en intervalles [0,1[, [1,2[,..., [n−1, n[, [n,∞) puis on red´ecoupe chacun des n intervalles [0,1[, [n −1, n[ en 2n intervalles d’´egale longueur (on ne touche pas `a [n,∞[) : on obtient n2n−1 intervalles de taille 2−n de la forme [k/2n,(k+ 1)/2n[ (0 ≤k≤n2n−1) ; on pose alors
Xn(ω) =n si Xn(ω)≥n
Xn(ω) = (k/2n) si Xn(ω)∈[k/2n,(k+ 1)/2n[.
Il n’est pas tr`es difficile de v´erifier que pour tout ω la suite de v.a Xn(ω) est croissante (et converge vers X(ω)) ; la suite de nombre r´eels E(Xn) est donc croissante (mais pas n´ecessairement born´ee). On pose
E(X) = lim
n→∞E(Xn), o`u la limite pr´ec´edente peut ˆetre finie ou infinie.
On peut d´emontrer
Th´eor`eme 2.3.1 L’esp´erance v´erifie les conditions suivantes : a) si A∈B on a E(1A) =P(A).
b) Si X, Y sont des v.a positives telle que X ≤ Y (c’est-`a-dire pour tout ω ∈Ω X(ω)≤Y(ω)) alors E(X)≤E(Y).
c) Si X, Y sont des v.a positives et a, b∈R on a (lin´earit´e de l’esp´erance) E(aX+bY) =aE(X) +bE(Y).
d) Si X est une v.a positive telle que E(X) = 0 alors X est nulleP-presque sˆurement c’est-`a-dire que l’ensemble des ω∈Ωpour lesquels X(ω)>0a une probabilit´e nulle.
Notons que E(a) =a si a est une constante.
Remarque On dit qu’une propri´et´e Pω qui d´epend deω ∈Ω est vraie P- presque sˆurement si l’ensemble des ω ∈ Omega pour lesquels Pω est fausse est de P-probabilit´e nulle (P({ω:Pω fause}) = 0).
Mentionnons le th´eor`eme suivant qui permet de calculer l’esp´erance d’une v.a obtenue comme limite d’autres v.a
Th´eor`eme 2.3.2 (Th´eor`eme de convergence monotone) SiXnest une suite de v.a Xn : Ω→[0,∞] qui
i) est croissante : pour tout ω ∈Ω, Xn(ω)≤Xn+1(ω)
ii) converge vers X : Ω → [0,∞] : pour tout ω ∈Ω la suite Xn(ω) converge vers X(ω).
Alors,
a) l’application X : Ω→[0,∞] est une v.a ;
b) la suite E(Xn) converge vers E(X) (limn→∞E(Xn) =E(X)).
En particulier, si Yn est une suite de v.a positives ou nulles on a
E(
∞
X
n=0
Yn) =
∞
X
n=0
E(Yn)
(on peut intervertir le signe de sommation infini et l’esp´erance).
2.3.3 Esp´ erance des v.a int´ egrables
Nous pouvons d´efinir `a pr´esent l’esp´erance de v.a qui ne sont pas n´ecessairement positives. Pour cela, on constate que toute v.a X : Ω → R peut s’´ecrire comme diff´erence de deux v.a positivesX+etX−: si on poseX+= max(0, X) etX−= max(0,−X) on a bien queX+, X−sont des v.a `a valeurs positives et queX =X+−X−. Il est donc naturel de d´efinirE(X) comme ´etant la quan- tit´eE(X+)−E(X−). Cependant, siE(X+) etE(X−) valent∞on obtient de cette fa¸con une expression ind´etermin´ee de la forme∞−∞. Pour que la quan- tit´eE(X+)−E(X−) ait un sens il faut donc queE(X+)<∞etE(X−)<∞ (c’est-`a-dire soient des quantit´es finies). Ceci est ´equivalent (puisqueE(X+) etE(X−) sont positives ou nulles) au fait que E(X+) +E(X−)<∞. Or il est facile de voir que
X++X−=|X|,
et la quantit´e E(X+) + E(X−) est finie si et seulement si E(|X|) l’est.
R´esumons :
D´efinition 2.3.1 SiXest une v.a telle queE(|X|)<∞on d´efinit l’esp´erance de X comme ´etant
E(X) =E(X+)−E(X−),