4.2 Th´eor`eme de la limite centrale
4.2.2 Fonctions caract´eristiques
D´efinition 4.2.2 Si Y est une v.a.r, la fonction caract´eristique de Y est la fonction φY :R→R d´efinie par
φY(t) =E(eitY), (o`u i=√
−1).
Remarquei) Pourtfix´e la v.aeitY est born´ee par 1 (puisqueY est `a valeurs r´eelles) et est donc int´egrable.
ii) La fonction caract´eristique d’une v.a ne d´epend que de laloide cette v.a.
iii) On peut d´emontrer (en utilisant le th´eor`eme de convergence domin´ee) que la fonction caract´eristique d’une v.a.r est continue et tend vers 0 en±∞.
On peut pr´eciser le r´esultat de continuit´e pr´ec´edent :
Proposition 4.2.1 SiY est une v.a.r int´egrable, alors la fonction caract´eristique de Y est de classe C1 (d´erivable et de d´eriv´ee continue) et
φ0Y(t) =E
(iY)eitY
.
De mˆeme, si Y est dans Lp(Ω,P) la fonction caract´eristique de Y est de classe Cp et on a
D´emonstration.— Soit tn une suite de r´eels convergeant vers t. Il suffit de d´emontrer que pour toute telle suite
n→∞lim
4.2. TH ´EOR `EME DE LA LIMITE CENTRALE 79 Pour cela, remarquons que la v.a
Zn(ω) = eitnY(ω)−eitY(ω) tn−t ,
converge simplement (c’est-`a-dire pour toutωfix´e) quandntend vers l’infini vers (itY(ω))eitY(ω) (la d´eriv´ee ens =t de s7→eisY(ω)). En outre, d’apr`es la formule des accroissement finis, pour tout ω il existe sn,ω ∈(t, tn) tel que
eitnY(ω)−eitY(ω)
tn−t = (iY(ω)eisn,ωY(ω), et donc
|Zn(ω)| ≤ |Y(ω)|,
d`es que n est assez grand. Or, le membre de droite de l’in´egalit´e pr´ec´edente est une fonction integrable. Le th´eor`eme de convergence domin´ee s’applique et on a donc
n→∞lim E(Zn) =E((iY)eitY).
Ceci conclut la preuve de la proposition quand p = 1. Le cas g´en´eral ne pr´esente pas de difficult´es suppl´ementaires.
2 Exercice : Montrer que siZ =aY +b
φZ(t) =eitbφY(ta).
Calculons `a pr´esent les fonctions caract´eristiques de certaines lois classiques.
v.a discr`etes SiY prend un nombre fini de valeurs y1, . . . , yr et si on note pr =P(Y =yr) on a
φY(t) =E(eitY)
=
r
X
k=1
eitykP(Y =yk)
=
r
X
k=1
(eit)ykP(Y =yk)
et on reconnait (si Y est `a valeurs enti`eres) la fonction g´en´eratrice de Y au point eit. Le calcul des fonctions caract´eristiques de v.a discr`etes est exacte-ment le mˆeme que celui que nous avons effectu´e dans un chapitre pr´ec´edent.
v.a admettant une densit´e ρY Dans ce cas φY(t) =E(eitY)
= Z ∞
−∞
eityρY(y)dy.
On habituellement ˆρY(t) = R∞
−∞eityρY(y)dy et on dit que la fonction ˆρY est latransform´ee de Fourier de la fonction ρY
Exemple : Fonctions caract´eristique d’une gaussienne Rappelons que si Z est une v.a suivant une loi gaussienne N(µ, σ) on peut l’´ecrire sous la forme Z =σY +µo`u Y suit une loi gaussienne normalis´eeN(0,1) de densit´e
ρ(y) = 1
√2πe−y2/2. On a donc
φY(t) = 1
√2π Z ∞
−∞
eitye−y2/2dy.
On a (cf. exercice) :
φY(t) =e−t2/2.
Ainsi, la fonction d’une caract´eristique d’une v.a suivant une loi gaussienne N(µ, σ) est
φZ(t) =eitµ−σ2(t2/2).
Mentionnons que l’on peut ´etendre la notion de fonction g´en´eratrice au cas des vecteurs al´eatoires r´eeels.
D´efinition 4.2.3 Si (Y1, . . . , Yn) est un vecteur al´eatoire, la fonction ca-ract´eristique deY est la fonctionφY :Rn→R d´efinie par
φY(t1, . . . , tn) =E(ei(t1Y1+···+tnYn)), (o`u i=√
−1).
Liens avec la convergence en loi
Les fonctions caract´eristiques jouent un rˆole important dans les probl`emes o`u inteviennent des convergences en loi. Les deux th´eor`emes qui suivent illus-trent ce fait.
4.2. TH ´EOR `EME DE LA LIMITE CENTRALE 81 Th´eor`eme 4.2.3 La loi d’une v.a.r (resp. d’un vecteur al´eatoire) est d´etermin´ee par sa fonction caract´eristique : si Y et Z sont deux v.a.r (resp. vecteurs al´eatoires) tel(le)s que pour tout t∈R (resp. t∈Rn)
φY(t) =φZ(t),
alors la loi de Y et la loi de Z sont les mˆemes : pour tout bor´elien A de R (resp. de Rn) :
P(Y ∈A) =P(Z ∈A).
Th´eor`eme 4.2.4 La suite de v.a.r (resp. de vecteurs al´eatoires) (Yn)n∈N converge en loi vers Y si et seulement si pour tout t∈R (resp. t∈Rn)
n→∞lim φYn(t) =φY(t).
D´emonstration.— Si Yn converge en loi vers Y, pour toute fonction f continue born´ee et en particulier pour la fonction et(y) = eity (t fix´e), on a limn→∞E(et(Yn)) = E(et(Y)). La premi`ere partie du th´eor`eme est donc facile.
La preuve de l’implication r´eciproque est plus d´elicate. Nous ne don-nons donc qu’un sch´ema de preuve. La convergence simple des fonctions carct´eristiques est ´equivalente au fait que pour toute fonction f de la forme et(y) = eity, E(et(Yn)) converge vers E(et(Y)). Il est ´evident que le mˆeme r´esultat est vrai pour les fonctionsg qui sont combinaisons lin´eaires finies des fonctions et. Or, pour tout > 0, tout intervalle [−A, A] et toute fonction continue f on peut trouver une combinaison lin´eaire finie g des fonctions et
telles que
sup
y∈[−A,A]|f(y)−g(y)|< /5, On a donc
|E(f(Y))−E(f(Yn))| ≤ |E(f(Y))−E(g(Y))|+|E(g(Y))−E(g(Yn))|+
|E(g(Yn))−E(f(Yn))|
≤(/5) +P(|Y|> A) +|E(g(Y))−E(g(Yn))|+ (/5) +P(|Yn|> A).
Il est clair que P(|Y|> A) tend vers 0 quand A tend vers l’infini, et que le mˆeme r´esultat est vrai si l’on remplaceY parYn n´etant fix´emais il n’est pas
´evident que cette convergence soit uniforme en n. Ceci est l’objet du lemme suivant dont la d´emonstration sort du cadre de ce cours
Lemme 4.2.1 On a
P(|Yn| ≥A)≤A Z 1/A
−1/A
(1−φYn(t))dt.
Le th´eor`eme de convergence domin´ee et la continuit´e deφY en 0 permettent de d´emontrer qu’il existen(A, ) tel que sin ≥n(A, )
P(|Yn|> A)≤/5
(et ´egalement P(|Y| > A) ≤ /5). L’in´egalit´e pr´ec´edant le lemme permet alors de conclure.
2
Fonctions caract´eristiques et ind´ependance
Th´eor`eme 4.2.5 Les v.a.rY1, . . . , Ynforment une famille de v.a ind´ependantes si et seulement si
φY1,...,Yn(t1, . . . , tn) =φY1(t1)· · ·φYn(tn).
D´emonstration.— 1) Supposons tout d’abord que la familleY1, . . . , Ynsoit ind´ependantes ; on a
E(ei(t1Y1+···+tnYn) =E(eit1Y1· · ·eitnYn),
et puisque la famille de v.a eit1Y1, . . . , eitnYn est ind´ependante on a E(ei(t1Y1+···+tnYn) =E(eit1Y1)· · ·E(eitnYn).
C’est bien la formule annonc´ee.
2) R´eciproquement, supposons que
φY1,...,Yn(t1, . . . , tn) =φY1(t1)· · ·φYn(tn),
et montrons que la famille Y1, . . . , Yn est ind´ependante. Pour cela, rappelons le r´esultat suivant :Pour toute famille de v.a Y1, . . . , Yn (on pourrait prendre une famille infinie), il existe des v.a Y˜1, . . . ,Y˜n qui constituent une famille ind´ependante et telles que pour tout i les lois deY˜i et deYi sont les mˆemes.
i) Montrons que la loi du vecteur ( ˜Y1, . . . ,Y˜n) est la mˆeme que celle du vecteur (Y1, . . . , Yn). Il suffit de d´emontrer que (Y1, . . . , Yn) et ( ˜Y1, . . . ,Y˜n) ont mˆeme fonctions caract´eristiques. Or, comme la famille ( ˜Y1, . . . ,Y˜n) est ind´ependante on a
φ( ˜Y1,...,Y˜n)(t1, . . . , tn) =φY˜1(t1)· · ·φY˜n(tn)
4.2. TH ´EOR `EME DE LA LIMITE CENTRALE 83 et puisque ˜Yi etYi ont mˆeme loi
φ( ˜Y1,...,Y˜n)(t1, . . . , tn) = φY1(t1)· · ·φYn(tn)
(la fonction caract´eristique ne d´epend que de la loi de la v.a). On voit donc que
φ( ˜Y1,...,Y˜n)(t1, . . . , tn) = φ(Y1,...,Yn)(t1, . . . , tn), ce qu’il fallait d´emontrer.
ii) Par cons´equent pour tous bor´eliens (ou mˆeme intervalles) A1, . . . , An
P(Y1 ∈A1, . . . , Yn∈An) =P( ˜Y1 ∈A1, . . . ,Y˜n∈An)
=P( ˜Y1 ∈A1)· · ·P( ˜Yn∈An)
=P(Y1 ∈A1)· · ·P(Yn∈An), ce qui est bien l’ind´ependance annonc´ee.
2 Nous avons ´egalement le r´esultat suivant
Th´eor`eme 4.2.6 Si les v.a.r X1, . . . , Xn forment une famille ind´ependante pour tout t ∈R
φX1+···+Xn(t) =φX1(t)· · ·φXn(t).
D´emonstration.— Il suffit de constater que
φX1+···+Xn(t) =φ(X1,...,Xn)(t, . . . , t), et d’appliquer le th´eor`eme pr´ec´edent.
2