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Oncologie : Article pp.140-145 du Vol.7 n°3 (2013)

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ARTICLE ORIGINAL /ORIGINAL ARTICLE

Perception de l ’ activité physique adaptée par les parents d ’ enfants hospitalisés en oncologie – hématologie pédiatrique

Parents’perception of the adapted physical activity with their children hospitalized in pediatric oncology

S. Scaon · S. Leblanc · C. Moreau · P. Blouin · P. Colombat

Reçu le 28 juin 2013 ; accepté le 10 juillet 2013

© Springer-Verlag France 2013

RésuméLa place de l’activité physique adaptée (APA) en cancérologie de l’adulte devient de plus en plus importante de par son impact sur la fatigue, la qualité de vie mais aussi la survie des patients. Par contre, il n’existe que très peu de données chez l’enfant. Notre étude rapporte les résultats de la perception des parents sur une APA mise en place dans un service d’oncohématologie pédiatrique pour des enfants par- fois en chambre stérile. Si l’effectif est faible (n= 13), il apparaît que l’horaire des séances (en particulier pour les jeunes enfants) et l’état de fatigue initial des enfants sont des facteurs importants pour les parents. Concernant la satis- faction des parents, ceux-ci apparaissent globalement satis- faits sans qu’il soit constaté de corrélation entre la satisfac- tion et le nombre de séances. Dans l’évaluation positive apparaissent les notions d’autonomie, de potentialités, de plaisir dans la relation, de détente et de relaxation. Cette activité semble permettre aux parents de modifier leur regard porté sur l’enfant et sa relation à lui. Ces premiers résultats invitent à mettre en place une étude de plus grande envergure.

Mots clésOncologie pédiatrique · Activité physique adaptée · Satisfaction des parents

Abstract The role of adapted physical activity (APA) in adult oncology is becoming increasingly important due to its effect on fatigue and quality of life, but also on patient survival. In contrast, there is very little data concerning children. Our study reports the results of the perception of parents regarding adapted physical activity implemented in a paediatric onco-haematology department for children some- times in sterile rooms. Although the effect is low (N= 13), it would appear that the timing of the sessions (particularly for young children) and the initial state of tiredness of the chil- dren are significant factors for parents. With regards to parent satisfaction, overall they appear to be satisfied without any correlation between satisfaction and the number of sessions being observed. Notions of independence, poten- tial, pleasure in relationships and relaxation appear in the positive evaluation. This activity seems to enable parents to change their perceptions about their child and their rela- tionship to him/her. These initial results suggest the imple- mentation of a wider study.

KeywordsPaediatric oncology · Adapted physical activity · Parent satisfaction

Introduction

Selon l’article 1 de la Charte internationale de l’Unesco (1978), « Tout être humain a le droit d’accéder à l’éducation physique et au sport, qui sont indispensables à l’épanouisse- ment de sa personnalité. (…) Des conditions particulières doivent être offertes aux jeunes, y compris les enfants d’âge préscolaire, aux personnes âgées et aux handicapés afin de permettre le développement intégral de leur personnalité

S. Scaon (*) · S. Leblanc

Psychologue, unité oncologie–hématologie pédiatrique, CHRU Clocheville, 49, boulevard Béranger,

F-37044 Tours cedex 09, France e-mail : s.scaon@chu-tours.fr C. Moreau

Éducatrice sportive, unité oncologiehématologie pédiatrique, CHRU Clocheville, 49, boulevard Béranger,

F-37044 Tours cedex 09, France P. Blouin

PH, unité oncologiehématologie pédiatrique, CHRU Clocheville, 49, boulevard Béranger, F-37044 Tours cedex 09, France

P. Colombat

Hématologie thérapie cellulaire, CHRU Bretonneau, Tours cedex 09 France

DOI 10.1007/s11839-013-0433-3

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grâce à des programmes d’éducation physique et de sport adaptés à leurs besoins. »

Certains traitements du cancer de l’enfant nécessitent un isolement pour protéger l’enfant de certaines infections. Ces périodes d’isolement peuvent durer sur plusieurs semaines, avec une limitation des visites à la famille proche. Les enfants sont en rupture de relations familiales telles qu’ils les connaissent habituellement (avec leurs parents, leurs fra- tries…). Ils sont également coupés de leurs activités quoti- diennes et de leurs amis (scolarité en groupe, jeux en exté- rieur, activités parascolaires…).

Cette épreuve bouleversante pour les parents et l’enfant a un impact sur le rapport au corps de l’enfant. En effet le corps, très souvent sollicité, est objet de nombreux soins, parfois intrusifs. La perte d’autonomie et la perte de confiance dans ses ressources physiques par l’enfant repré- sentent des risques non négligeables pour le développement de l’enfant, celles-ci auront des incidences sur le regard que porte le parent sur son enfant [7].

Si les premières années de vie sont déterminantes pour la poursuite du développement sensorimoteur [2], la pratique d’une activité physique s’oriente en fonction des besoins et des goûts de chacun. Les activités s’organisent autour de l’enfant à un moment précis de son développement. Elles lui permettent au cours des tentatives successives de mener à bien des activités. Tous ces apprentissages où le corps est sollicité favorisent le développement tonique, émotionnel et affectif de l’enfant dans son rapport au monde [1,3].

Dans le contexte de la maladie grave, une revue de la littérature a montré que chez l’adulte l’activité physique pou- vait diminuer la fatigue liée au cancer et à la chimiothérapie [6] et améliore la survie des personnes [9]. En pédiatrie, des publications au CHU de Nancy [4,8] développent l’intérêt de l’activité physique pour l’enfant hospitalisé. Une interven- tion comme l’activité physique adaptée (APA) apparaît particulièrement pertinente en oncologie pédiatrique afin d’améliorer le bien-être et la qualité de vie de l’enfant hos- pitalisé. Cette intervention prend son sens dans le projet de soin de l’enfant en complémentarité des interventions des différents professionnels des soins de support. L’éducateur sportif qui sollicite les enfants en hospitalisation doit possé- der une licence STAPS ou un brevet d’État d’éducateurs sportifs avec une spécialité APA pour la santé. L’objectif de l’activité est de favoriser chez l’enfant ou l’adolescent une perception positive de son corps dans le contexte de vulnérabilité qu’il traverse. Cette perception différente des possibilités de mobiliser son corps favorise chez l’enfant une autre disponibilité corporelle que celle requise par le soin. Dans le service d’oncologie pédiatrique du CHU de Tours, des intervenants sont présents pour maintenir chez l’enfant un lien social et contribuer à son développement (instituteur, éducatrice de jeunes enfants, clowns, magiciens, socioesthéticienne, artthérapeute…), mais aucune activité

physique n’est encouragée dans ces temps d’expression.

Notre intérêt, en tant que psychologues cliniciens, pour l’APA entre en résonance avec le regard que nous portons sur la qualité de vie de l’enfant. Dans ce contexte particulier, la prise en charge psychologique de l’enfant est indissociable de la communication avec les parents sur les activités solli- citant l’enfant. Après une année de mise en place de l’APA en oncologie pédiatrique, notre objectif était de connaître la perception des parents sur la prise en charge d’une activité sportive de leur enfant par une éducatrice sportive.

En effet, nous pensons que l’APA peut apporter un béné- fice à l’enfant, et que cette dernière contribue à apporter aux parents une perception différente de leur enfant et plus spé- cifiquement de ses ressources dans un contexte où le corps est plutôt envisagé dans le cadre des soins. Aucune étude à ce jour ne s’est penchée sur le vécu des parents dont l’enfant bénéficie d’activité physique en secteur protégé. Comment une telle initiative est-elle accueillie par les familles ?

Méthode

Le service de cancérologie pédiatrique du CHU de Tours accueille des enfants de 0 à 18 ans traités pour une patho- logie maligne ou plus rarement pour une affection hémato- logique bénigne. Il est composé de six chambres d’isolement pour tous les enfants hospitalisés. Ce sont des chambres indi- viduelles avec un sas à flux positif. Notre enquête s’est déroulée en deux temps :

les enfants et adolescents hospitalisés ont été invités à bénéficier d’un temps favorisant la mobilisation de leur corps ;

les parents ont été sollicités ensuite pour répondre à un questionnaire sur leur perception de cette activité sur la période de septembre 2009 à juin 2010.

L’APA a lieu une fois par semaine de 14 à 16 heures. Le nombre de séances dépend du calendrier des soins et des protocoles des chimiothérapies. Le temps de la séance varie selon l’état général de l’enfant et sa fatigabilité au cours de l’activité. La durée moyenne d’une séance est d’environ 15 minutes. Les activités proposées selon l’âge de l’enfant sont exposées (Tableau 1). Nous avons utilisé un question- naire constitué par un ensemble de huit questions dont la première portait sur l’âge de l’enfant. Pour connaître l’opi- nion des parents sur l’horaire, la durée et l’APA ou non à l’enfant, nous avons privilégié des questions à réponses dichotomiques oui/non. En ce qui concerne le nombre de séances, le temps de l’activité et la qualification de ce temps, des questions à choix multiples étaient proposées. Nous avons évalué le niveau de satisfaction du parent concernant cette activité physique pour leur enfant par une échelle

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visuelle analogique de 10 cm qui allait de 0 « pas satisfait du tout » à 10 « tout à fait satisfait ».

Résultats

Nos résultats montrent que les enfants ayant bénéficié de l’APA sont âgés de 18 mois à plus de 14 ans, avec une pro- portion plus importante d’enfants en dessous de six ans : neuf enfants (Tableau 2).

Nos données montrent que les parents sont dans l’ensem- ble (9 sur 13) satisfaits de l’horaire de l’activité physique, deux ne se prononcent pas et deux disent ne pas être satis- faits de cet horaire, ces derniers ont un enfant âgé de moins de trois ans. La durée et le choix de cette activité sont bien perçus par les parents, seul un parent répond négativement à ces questions. Le nombre de séances d’APA dont a bénéficié l’enfant est présenté ci-après (Tableau 3). Nous observons que six enfants ont eu plus de trois séances d’activité phy- sique. L’APA constituait, pour 11 parents sur 13, un temps Tableau 1 Présentation des activités physiques adaptées.

Habiletés motrices sollicitées Besoins et intérêts de lenfant

Activités et jeux proposés

18 mois à 3 ans

Motricité générale Déplacement et équilibre Apprentissage de lespace Manipulation dobjets

Ballons (faire rouler, lancer, pousser) Comptines à gestes

3 à 5 ans Motricité plus fine Imitation

Orientation/latéralité

Ballons (lancer et viser) Cache tampon/chasse au trésor Gym des zigotos

Ballons de baudruche Musique et danse Quilles

5 à 8 ans Latéralisation

Équilibre et orientation dans lespace Petites performances (exercices comptés) Orientation sportive

Ballon de baudruche Danse, mimes, imaginaire Jeu de mini-basket

Jeux de raquettes (équilibrer une balle sur la raquette, jeu au mur) Jeux de marelle, élastique, corde à sauter

8 à 12 ans Engagement dans la performance Geste précis avec action mesurable Besoin de défoulement

Intérêt sportif

Jonglerie (balles, diabolo) Fléchettes

Mini-baby-foot

Tennis de table sur mini-table

« Boxing » dans un sac adapté 12 à 15 ans Identité corporelle en lien avec léducation

et la culture

Engagement sportif prononcé (compétiteur ou non compétiteur)

Jonglerie (balles, diabolo) Fléchettes

Tennis de table sur mini-table Mini-volley

Mini-baby-foot Stepper

Exercices dentretien corporel

Tableau 2 Répartitions du nombre denfants en fonction des classes dâges.

Enfants entre 18 mois3 ans 4

Enfants entre 46 ans 5

Enfants entre 710 ans 1

Enfants entre 1114 ans 2

Enfants de plus de 14 ans 1

Tableau 3 Répartitions des enfants en fonction du nombre de séances dactivité physique adaptée (APA).

Enfants qui nont pas pu bénéficier de lAPA 1 Enfants ayant bénéficié 1 seule fois de lAPA 2 Enfants ayant bénéficié de lAPA entre 1 et 3 fois 2 Enfants ayant bénéficié de plus de 3 séances 6 Les parents ne peuvent pas se prononcer 2

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partagé avec une personne différente des soins, deux parents pensent que c’est un temps d’expression corporelle.

Globalement, lorsque nous analysons les réponses des parents à la question ouverte « comment avez-vous senti votre enfant après l’activité », l’état de détente et de plaisir est majoritairement évoqué par neuf parents sur 13. Parmi les autres réponses, cinq parents constatent que leur enfant n’est pas fatigué après l’APA, l’absence de fatigue chez l’enfant était donnée comme condition nécessaire à cette activité.

Pour cinq parents, c’est le plaisir d’être en relation avec quel- qu’un d’autre qu’un soignant qui est important. L’idée de divertissement est également évoquée par un parent. Enfin, sur une échelle à 10 points, le score de satisfaction moyen de cette activité physique perçu par les parents est de 7,5 sur 10.

Discussion

L’objectif de notre travail était de connaître la perception des parents sur une activité sportive dont les enfants ont bénéfi- cié au cours de leurs hospitalisations. Notre étude se carac- térise par son faible effectif. À ce sujet, il semble que le fonctionnement hospitalier ait joué un rôle et constitué un biais important. En effet, il n’est pas rare qu’un enfant soit hospitalisé à titre exceptionnel alors qu’il est habituellement pris en charge par un autre service ou centre hospitalier, qu’il soit hospitalisé pour une durée très courte ou pour le début d’une prise en charge qui se poursuivra ailleurs, plus près de son domicile. Il y a aussi les périodes de fin de traitement où les enfants viennent moins et où les familles sont moins accessibles. Cette dynamique hospitalière ne facilite pas les retours dans l’après-coup…Cela explique sûrement le petit nombre de participants. Toutefois, étant donné le peu de recherches sur ce sujet, les données recueillies nous sem- blent intéressantes à explorer et analyser. Nous observons plusieurs thèmes dans les contenus exprimés par les familles, permettant de modifier la prise en charge de l’enfant afin de la rendre plus appropriée.

Tout d’abord, concernant l’horaire

Il est intéressant de constater que les familles qui n’ont pas exprimé leur satisfaction à l’égard de l’horaire de l’APA ont un enfant de moins de trois ans. Cela pose la question de l’adéquation de l’organisation du projet d’activité physique au regard du développement de l’enfant. L’horaire inadapté est d’ailleurs parfois clairement exprimé par les parents. En effet, pour les petits, les temps de repos de l’après-midi sont affaires courantes au-delà de la notion de fatigabilité liée à la pathologie. Or, dans l’organisation des journées, nous obser- vons que l’ensemble des prises en charge (hors soins médi- caux) se succèdent principalement en première partie de l’après-midi (14–16 heures). S’il nous semble fondamental

que les matinées restent prioritairement dédiées aux soins, la fin d’après-midi pourrait être plus propice à l’APA. Ces don- nées nous montrent combien il est important pour un parent d’être entendu dans ses choix et soulèvent la question de l’alliance thérapeutique en clinique infantile.

Pour ce qui est de la fatigue

Quel que soit l’âge de l’enfant, la fatigue est également un critère auquel les parents sont attentifs et demandeurs d’une sérieuse observation : toute fatigue est donnée comme un frein strict à l’APA. Ces données semblent nous montrer combien il est difficile, dans la mobilisation qui peut être faite du corps, de mettre la notion de maladie grave entre parenthèses. Le corps ne se pense plus en notion de plaisir et de jeux sans qu’il y soit associé la notion d’un risque.

Dans ce contexte, le discours tenu par l’éducatrice spor- tive est essentiel : à défaut de pouvoir mobiliser le corps, la présence et les échanges avec elle peuvent être envisagés comme une source de réassurance pour la famille : « si l’édu- catrice sportive est venue proposer un temps avec mon enfant c’est qu’il est potentiellement capable de… ». En effet, la proposition de l’APA peut évoquer le fait que l’enfant, même très malade, peut retrouver à un moment ses potentialités d’échanges, de plaisir et d’autonomie. Ce message apparaît aux parents, d’autant plus fort qu’il est donné dans le cadre hospitalier qui coordonne les soins à l’enfant et valide cette prise en soin. Aussi, la récurrence de ce thème nous amène à réfléchir aux enjeux psycholo- giques autour de la notion de fatigue et à ce qu’elle peut recouvrir pour la famille. Elle peut être synonyme de l’urgence éprouvée à se replier sur soi, à restaurer un « cocon protecteur », loin des sollicitations continues et constantes du service. Elle peut être également l’expression d’un besoin de rester en famille, dans un contexte où les mesures stériles sont nombreuses et où recevoir une visite nécessite souvent de faire sortir le ou les parent(s). Dans cette perspective en tant que psychologue, il nous apparaît alors fondamental de développer un lien interpersonnel positif avec les parents de l’enfant pour connaître et comprendre leurs difficultés et leurs attentes. La question de l’alliance thérapeutique avec les parents dont l’enfant est en psychothérapie nous donne un modèle intéressant, dont nous nous inspirons dans cette recherche [5]. Dans ce travail, avec les familles à l’écoute de leurs ressentis au regard des prises en charge, nous nous donnons tous les moyens de respecter et protéger la sphère familiale, déjà considérablement soumise à effraction et en proie à la violence de la maladie grave.

En qui concerne la satisfaction des parents

Nous n’observons pas de corrélation entre le nombre de séances d’APA et la satisfaction des parents. Cela nous

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pousse à nous interroger sur la notion et la valeur du

« contentement ». Il semble qu’il s’agisse davantage d’un travail dans la rencontre dans l’instant de l’activité et non d’un travail dans la continuité comme on aurait pu le présu- mer. Ainsi, l’APA s’avère pertinente même pour des hospi- talisations « courtes » (d’une semaine ou d’une dizaine de jours).

Dans le regard que portent les parents sur le bénéfice de l’APA, c’est la notion de plaisir dans la relation qui domine.

Le rapport à l’autre met le corps en jeu autrement que dans une relation soins–maladie. En effet, dans ce contexte, la relation s’articule autour du plaisir du fonctionnement corporel permettant de réaliser des actes agréables et valori- sants. L’enfant est placé dans une dynamique où l’expression est attendue (l’espace de la chambre est transformé en espace d’expression où la confrontation à l’autre ou la rébellion sont rendues possibles par le jeu ; les exercices sont propices à son autonomie : maîtrise des mouvements, apprentissages des limites et des potentialités du corps dans l’espace). Son corps n’est plus investi dans ce qu’il peut contenir de dou- loureux et d’effrayant (corps qui peut être investi et vécu comme un mauvais objet), mais dans ce qu’il peut contenir de potentiel créatif. L’analyse de contenu révèle que les parents saisissent parfaitement les enjeux de l’APA se situant autour de la restauration du corps dans sa dimension identi- taire et narcissique (au-delà du traumatisme lié à la pathologie).

Par ailleurs, il est intéressant de remarquer que les notions de détente et de relaxation sont données comme éléments de satisfactions pour la plupart des familles. Cela ne va pas sans faire écho aux notions de stress, d’épreuves et de tensions fréquemment retrouvées dans la pratique clinique. Cette dimension que l’on pourrait associer à la notion d’apaise- ment renforce l’idée que les parents investissent l’APA pour ce qu’elle véhicule de « réparateur », « régénérant » ou

« reconstituant », pour leur enfant.

La perception de l’APA par les parents, telle qu’elle est proposée dans le service, nous invite à d’autres réflexions.

Quelles articulations sont possibles entre le point de vue des familles et l’activité hospitalière ? Par notre démarche de recherche, nous souhaitions maintenir les parents dans leur fonction, dans une position libre et active à l’égard d’une nou- velle activité. D’une part, leurs regards étaient d’autant plus importants à connaître que ce sont eux, parents, qui incarnent les figures d’attachement et d’autorité pour l’enfant. Il n’est pas possible d’accéder à l’enfant sans la bienveillance du parent [5]. Cela est d’autant plus vrai que l’enfant est jeune ou soumis à un sentiment de loyauté familiale puissant. De manière générale, nous savons que plus l’enfant se sent sou- tenu plus il peut s’investir davantage. Cette recherche contri- bue donc par elle-même à créer du lien avec la famille pour permettre de développer intelligemment l’APA. Nous

n’aurions pas pu nous permettre d’envisager la poursuite de cette activité si les parents avaient été réticents.

D’autre part, lorsque l’activité est bien accueillie, le regard porté sur l’enfant est également primordial. Il est clair qu’un parent confiant dans les ressources corporelles de son enfant sera un soutien considérable au moment venu pour que celui-ci retrouve confiance et autonomie dans la vie quotidienne.

Par l’apport de l’éducatrice sportive sur les potentialités de l’enfant, l’APA nous apparaît comme un outil tout à fait adéquat pour améliorer la relation enfant–parents dans le contexte de la maladie grave. Cette activité semble permettre aux parents et à l’enfant de modifier leurs regards tant sur la chambre d’hôpital que sur le corps de l’enfant malade.

Compte tenu de nos résultats, l’APA nous semble d’autant plus intéressante qu’elle peut permettre, par toutes ses poten- tialités, de changer la relation au corps de l’enfant et le regard que chacun porte sur l’enfant atteint de maladie grave (parents et soignants).

Conclusion

Bien que notre effectif de participants soit peu important, nos résultats mettent en avant l’intérêt de l’APA auprès des enfants hospitalisés en oncologie. C’est une prise en charge qui se démarque des activités récréatives habituelles par la mobilisation du corps dans l’espace qu’elle suscite. À ce titre, elle semble jouer un rôle particulièrement positif dans le vécu des familles et des enfants, en allant au-delà des représentations corporelles anxiogènes si fréquentes dans la clinique en oncologie pédiatrique.

C’est une activité qui est d’autant mieux accueillie, que les parents y perçoivent des possibilités favorables, voire nécessaires, pour le développement et la vie de leurs enfants.

L’APA par sa façon de mobiliser l’enfant permet à ses parents de penser : autonomie et potentialités dans un plaisir partagé pour leur enfant, ce qui nous apparaît offrir un sou- tien. C’est une approche dont ils peuvent se saisir pour trou- ver des points positifs dans le vécu corporel et émotionnel en toutes circonstances malgré la violence de la pathologie.

Parce qu’elle modifie le regard porté sur l’enfant malade et sa relation avec lui, l’APA est particulièrement intéressante pour ses répercussions psychologiques sur les familles quelle que soit l’issue de la pathologie. Compte tenu du biais important du fonctionnement hospitalier dans les activités, notre perspective serait de pouvoir mener une enquête de plus grande ampleur afin de pallier ce biais. Nous pourrions ainsi mieux étudier le vécu et les répercussions de cette acti- vité pour les enfants et leurs familles.

Conflit d’intérêt : Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflit d’intérêt.

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