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Essai sur l'hygiène des cimetières · BabordNum

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(1)

FACULTÉ DE

MÉDECINE ET DE PHARMACIE DE BORDEAUX

ANNÉE 1 899-1 900 M0 40

thèse pour le doctorat en médecine

présentée et soutenue publiquement le 20 Décembre ll'OO

PAR

Charles-Aimé LE 3VE O

TJ T

Né à Saint-Bi'iedc (Gôtes-du-Nord), le 1er Juillet 1876

Élève du Service de Santéde la Marine

MM. LAYET professeur.... Président MORACHE professeur....

RONDOT agrégé (

RÉGIS chargédecours)

\ MORACHE professeur....

Examinateurs de laThèse:

RONDOT agrégé Juges

Le Candidat répondra aux questions qui lui seront faites sur les

diverses parties de l'Enseignement médical.

BORDEAUX

MPIUMKKHi DU MIDI - PAUL CASSIGNOL

91 - RUK PORTK-DIJEAUX 9t 1B99

(2)

Faculté de Médecine et de Pharmacie de Bordeaux

M. DE NABIAS,doyen M. PITRES, doyen honoraire.

itorim&i&i)KM MM. Ml CE

AZAM DUPUY MOUSSOUS.

Clinique interm

MM.

i PICOT.

■( PITRES.

. .

) DEMONS.

Clinique externe < LAN1£L0>;jUE.

Pathologie et théra¬

peutique générales. VERGELY.

Thérapeutique ARNOZAN.

Médecineopératoire. MASSE.

Clinique d'accouche¬

ments LEFOUR.

Anatomie pathologi¬

que COYNE.

Anatomie CANN1EU

Anatomie générale et

histologie VIA CET.

Physiologie JOLYET.

Hygiène LAYET.

A G K K « 85 M J15 A section demédecine (Pat.hol.Oyi

MM. CASSAET. "|

AIJC11É.

SABRAZÈS. I

Professeurs honoraires.

MM.

Médecine légale MORACHE.

Physique BERGONIÉ.

Chimie BLAREZ.

Histoire naturelle ... GUJLLAUD.

Pharmacie FIGUIER.

Matière médicale.... de NABIAS Médecine expérimen¬

tale ;... FERRÉ.

Clinique ophtalmolo¬

gique BAI) AL.

Clinique des maladies chirurgicalesdes en¬

fants.. PIÉCHAUD.

Clinique gynécologique BOURSIER.

Clinique médicaledes

maladiesdes enfants A. MOUSSOUS.

Chimiebiologique... DENIGES.

BO% 100541BCHO :

interna et Médecinelégale.) MM. Ek DANTEG.

HOBBS.

Pathologieexten

section oe oh1hukoie et accouchements MM. DENUCÉ. I

YI LEAR BRAQUEHAYE CHAYANNAZ.

Accouchements tMM. CHAMBRERENT FIEUX.

Anatomii

section dessciencesanatomluues et physiologiques

iMM. PR1NCETEAU | Physiologie \ MM. PACHON.

N. | Histoire naturel.e BEILLE.

section dessciences physiques

Physique MM. SIGALAS. | Pharmacie M. BARTHE.

1)4M)KM i KjSIS" S< KSI 35 A 'S' * fi » 10 M :

Clinique des maladies cutanées etsyphilitiques MM. DUBREIJIEH.

Clinique des maladies des voies urinaires POUSSON.

Maladies du larynx, des oreilles etdu ne/. MOURE.

Maladies mentales R^GIS.

Pathologie interne RONDOT.

Pathologieexterne DENUC^.

Accouchements CHAMBREEENT.

Chimie DUPOUY.

Physiologie PACHON.

Embryologie N.

Ophtalmologie ' LAGRANGE.

HydrologieetMinéralogie CARRES.

LeSecrétaire de la Pacuité: REMAIRE.

Par délibération du 5 août1879, la Faculté aarrêté que les opinions émises dans les Thèses qui luisontprésentées doiventêtre considérées commepropres à leurs auteurs,et qu'elle n'entend leur donnerniapprobation ni improbation.

(3)

A mon Père et à ma Mère;

A ma Sœur;

A tous ceux qui m'ont un peu aimé ou témoigné quelque intérêt;

A ceux de mes Maîtres qui ont été bienveillants à

mon égard,

Je dédie ce modeste et premier travail.

Ce queje suis, ce que je sais, je le leur dois.

Ch. Le M.

(4)
(5)

A mon Président de Thèse

MONSIEUR LE DOCTEUR LAYET

PROFESSEUR D'HYGIÈNE A LUNIVERSITÉ DE BORDEAUX MEMBRE CORRESPONDANT DE L'ACADÉMIE DE MÉDECINE

MÉDECIN PRINCIPAL DE LA MARINE EN RETRAITE OFFICIER DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE

OFFICIER DE LA LÉGION D'HONNEUR

(6)
(7)

AYANT-PROPOS

De toutes les questions qui relèvent de l'Hygiène ur¬

baine, une des moins élucidées, quoique d'importance ca¬

pitale, est la Question des Cimetières. De prime-abord,

il semblerait pourtant que les hygiénistes contemporains

dussent posséder sur ce sujet des bases d'appréciation

définitives et pouvoir se prononcer en pleine connaissance

de cause sur ce litige scientifique, puisque le mode de

destruction des cadavres appelé inhumation remonte à

une époque très reculée.

Deux causes semblent être responsables de cet état de choses, déplorable à tous égards : d'abord les médecins d'autrefois, s'étant désintéressés de tout ce qui concernait l'hygiène publique, ont accepté presque sans contrôle et

sans discussion les idées de nature peu scientifique trans¬

mises sur elle de génération en génération, et n'ont fait accomplir qu'un progrès très minimeàl'hygiène desvilles.

Pais, quand, à une époque plus rapprochée de nous, cer¬

tains savants, à la fois biologistes et médecins, s'adonnè¬

rent sérieusement à l'étude de cette question, il se trouva

que les deuxsciences qui devaient surtout les guider dans leurs travaux, la chimie biologique et la bactériologie,

n'existaient pas encore ou du moins n'étaient pas arrivées

à un état de connaissances suffisamment positives.

*

* *

Commenous venonsde le dire, cette Question désCime¬

tières avait néanmoins pris date à une époque avancée

(8)

10

dans l'histoire de la Civilisation. Elle fut posée pour la première fois le jour où un desplus grands conducteursde peuples de l'Antiquité, Moïse, dénonçales cadavrescomme

une cause d'impureté et prescrivit leur ensevelissement

dans le sol en donnant une sanction religieuse à l'exécu¬

tion de cette loi d'hygiène qu'il pressentait, savoir : la

nécessité de la destruction de la matière organique précé¬

demment vivante.

Puis, la coutume des inhumations s'étant probablement généralisée, ce serait, au dire de Cicéron, Thalès, qui, au vi9 siècle avant notre ère, voulant en fixer une fois pour toutes le lieu, aurait amené les Grecs à déposer les morts

dans des cimetières\ « afin que les corps mis en terre

subissent l'influence de l'humidité etfinissent par se résou¬

dre eux-mêmes en eau », celle-ci, selon l'opinion de ce

philosophe, constituant le principe essentiel de toutes cho¬

ses. Plus tard, une loi d'Athènes, inspirée autant par le

souci de la salubrité publique que par le respectdu senti¬

mentpieux s'attachant aux restes d'un semblable, ordonna

aux passants de jeter de la terre sur tout corps resté

inenseveli ; et le législateur, comprenant déjà toute l'im¬

portance du méphitismecausé par une putréfaction àl'air libre, alla mêmejusqu'à reconnaîtrecomme sacrée la terre qui recouvrait le corps d'un esclave.

A Rome, des fosses communes (puticuli) existaient depuis la Loi des Douze Tables dans le quartier des Es- quilies2, et où les monuments servant de sépulture aux personnages célèbres bordaient les belles voies qui s'éloi¬

gnaient decette ville, le souci desprécautions hygiéniques semble, à une certaine époque, l'avoir complètement em¬

porté sur le culte du souvenir, pourtant enraciné et vivace

dans l'esprit des Romains. Aussi Sénèque était-il l'inter¬

prèteexact des idées hygiéniques desontempsen écrivant:

1 Du grec lieu du repos, formé de jedors.

2 Plustard, le terrain quileur était afïcc.té fut donné par Augusteà Mé«

cène qui le transforma en un magnifique jardin.

(9)

11

« Non defunctorum causa inventa est sepultura, sed ut

corporaet visuet odore fœda submoverentur », et Diocté¬

tien pressentaitbien l'importance d'une rigoureuseprophy¬

laxie en s'exprimant ainsi dans un rescrit adressé à Vic-

torinus : « Mortuorum reliquiasnesanctum municiporum jus polluatur intra civitatem condi jampridem vetitum

est. »

Avec le Christianisme, les cimetières qui avaient été rejetés hors des villes par le paganisme, devinrent une

dépendance de l'église qui vit les tombes segrouper autour d'elle. Bien plus, la vanité des familles riches alla même jusqu'à envahir le sol des sanctuaires, et ceprivilège pri¬

mitivement réservé à des personnages célèbres, dégénéra

si vite en un abus que les pouvoirs spirituel et temporel

durent s'en émouvoir : des bulles papales et des édits royaux1 du Moyen-Age, appuyés par la grande voix des Conciles2, limitèrent strictement le nombre des cas une

inhumation pouvait se faire dans l'intérieur même d'une église.

Quant aux cimetières, qui étaient très souvent enclos

par de nombreuses habitations, leur exiguité amena au bout d'un certain tempsles fossoyeurs à déposer dans des

tranchées plus ou moins grandes la dépouille mortelle des

gens de petite ou de basse condition, et à ne plus tenir compte, pour ces fosses communes, de l'ordonnance de Childéric III, rendue au vin0 siècle et interdisant sous aucun prétexte la superposition des corps. Malgré les

graves inconvénients résultant d'un pareil état de choses

on persista néanmoins, dans toute la Chrétienté, à enter¬

rer les corps dans ces cimetières intra-muros, et le mal alla grandissant avec les années jusqu'à la fin du xvin8 siècle.

A cette époque, les dangers que présentaient certains

Lecapitulaire XX de Charlemagne, par exemple.

Conciles deTréguier (374), de Mayence (813), de Marciac (1326), de Châ- lons(1343),de Rouen (1450).

(10)

12

cimetières, créés depuis plusieurs siècles et exploités sans aucune précaution hygiénique, attirèrent l'attention de différents membres du Parlement de Paris qui, le 20Mars 1765, ordonna le transfert hors de la capitale des né¬

cropoles situées autour des paroisses ; et, neuf ans plus tard1, une mesure semblable de salubrité publique était prise par les membres du Parlement de Toulouse.

Le pouvoir central en la personne de Louis XVI voulut alors étendre à tout le royaume ces deux édits provin¬

ciaux: le monarque, par une ordonnance du 10 mars1776,

interdisait définitivementles inhumations dans les églises,

et prescrivait l'agrandissement des cimetières alors exis¬

tants ou leur transfert hors des villes ou des communes;

pour faciliter l'exécution de ces mesures il exemptait, le

10 mars 1783, les acquisitions faites dans ce but sanitaire du « droit de lods et ventes, centième denier et amortis¬

sement ».

MaisLouisXVI avaitcompté sans l'opposition desmem¬

bres du Clergé etsans les dépenses considérables nécessi¬

tées par l'exécution decesmesures; aussi les prescriptions royales restèrent-elles lettre morte : il fallut la violente se¬

cousse révolutionnaire pour mettre un terme au mauvais vouloir des uns et à l'incroyable négligence des autres.

L'Assemblée constituante, par la loi du 10-24 août 1790,

confia en effet la police des cimetières aux Municipalités,

et l'Assemblée législative, parla loi du 8-17 mai 1791, en attribua la propriété aux Communes ; enfin, en l'espace

de quelques années, plusieurs autres lois et décrets2 vin¬

rent compléter ces mesures dont l'ensemble constitue la

législation régissant actuellement nos cimetières.

* *

En agissant ainsi les pouvoirs publics avaient fait

oeuvre sensée, et par la suite la législation des cimetières

1 Le 3 septembre 1774.

2Décretsdu 23 Prairial anXII, du 4ThermidoranXIII, du 7mars1808.

(11)

13

n'eut pu que

bénéficier des heureuses modifications qu'une

expérience

attentive etraisonnée

y

aurait certainement

ap¬

portées. Or, vers

la moitié de notre siècle, des médecins

s'inspirant de certains

travaux1, et notamment de l'oeuvre

de Tardieu2, adoptèrent comme classique

la doctrine de

la nocuité des cimetières et proposèrent leur suppression.

D'idées hygiéniques trop

radicales

pour

adopter l'un des

nombreux moyens termes proposés alors,

ils cherchèrent

un mode de séparation plus complet des

vivants d'avec

les morts et manifestèrent l'intention de revenir au pro¬

cédé des premiers Grecs qui brûlaient

les cadavres des

soldats tués sur les champs de bataille de l'Antiquité. Le principe arrêté, on passa à son

application. Après de la¬

borieux essais, des appareils spéciaux, de types

variés,

mais rappelant tous la forme de fours, furent

construits,

et cette incinération des corps fut baptisée du nom

de

crémation.3

Sans nous instituer l'adversaire absolu de la crémation, qui est et restera toujours, à cause même de la brutalité

de son procédé, le mode le plus parfait de

destruction

des cadavres, nous rééditerons cependant4 ici les repro¬

ches qui furent adressés à ceux qui voulurent alors en gé¬

néraliserl'usage.8

D'abord une partie des populations, se basant sur

l'in¬

terprétation de certain dogme qu'il ne nous appartient

nullement de discuter, était hostile à l'implantation et ré-

fractaire à l'emploi de ce procédé froissant plusieurs

de

ses croyances religieuses.

En outre la crémation ressemblait un peu trop à une

1 Ceux-ci, ayant trait à la Légende desCimetières, seront étudiés dans le chapitrequi lui est consacré.

2 Sur les Voiries etCimetières.

"

Dulatincremare, brûler.

4Nous nepouvons pas en effet nous y attacher davantage sans sortir du planque nous nous sommes imposés dans notre travail, qui n'est pas une étudecritique surlacrémation.

°TrélatetLacassagneenFrance;Pini et de Christoforisen Italie,

(12)

14

opération industrielle ou de laboratoire, et il fallait, sinon

vaincre l'instinct des foules, du moins compter avec le culte profond que les Français professent à l'égard de

leurs morts, sentiment évidemment très légitime que l'on

devait éviter de blesser.

Puis une question d'ordre financier surgissait alors:

car le prix de revient de la crémation1 étant assez éle¬

pour les "gens d'humble condition auxquels elle était

surtout destinée, il devait en résulter pour les budgets municipaux une charge obligatoire qui aurait été beau¬

coup plus forte que le prix de l'entretien des cime¬

tières.

Enfin l'un des plus sérieux obstacles à l'adoption de

cette pratique était une raison d'ordre médico-légale:

quand les corps auraient été brûlés, il n'étaitplus évidem¬

ment possible de rechercher des traces de blessures ou

d'empoisonnement, alors qu'une autopsie judiciaire est toujours possible après une inhumation datant de plu¬

sieurs mois.

*

* *

En présencede ces difficultés matérielles et morales, et

de la tiédeur des populations à l'égard de la crémation,

même facultative, il fallut revenir à la vieille coutume

des inhumations, mais en recherchantles conditions dans lesquelles elle pouvait se faire avec le moins d'inconvé¬

nients possibles.

A cette Question des Cimetières revenant à l'ordre du jour, les préoccupations des hygiénistes contemporains

donnèrent un caractère d'acuité très vif. Les populations

obéissaienten effet à la loi del'accroissement, quipourêtre

peu marquée dans certains pays, n'en était pas moins

très appréciable dans d'autres; de plus, les centres indus-

1 AMilan, il est d'environ 50francs, sanscompter les frais delocationd'unç

urnedans le cinerarium.

(13)

15 -

triels et commerciaux,

grâce à la facilité des communica¬

tions, à un travail

plus rémunérateur et

aux

commodités

del'existence, voyaient le nombre

de leurs habitants

aug¬

menter dans des proportions

élevées, quelquefois fantas¬

tiques. La

mortalité

y

subissait

un

contre-coup très mar¬

qué; et, «faute

d'y

songer

à temps ou de trouver des

solutions activant la destruction des

débris humains,

on

aurait vu se restreindre insensiblement

l'espace réservé

aux vivants au profit des morts, et

les grands centres

de population se

seraient trouvés

peu

à

peu

enserrés

dans une ceinture de débris accumulés des

générations

disparues. »1

Aussi, vers 1875, dans toute

l'Europe et particulière¬

ment en Allemagne, en Suisse et en

France, des Commis¬

sions furent-elles nommées par les gouvernements

de

ces

pays pour étudier la

question

sur

des bases nouvelles et

avecdes moyensréellement

scientifiques, et

pourse pronon¬

cer unefois pourtoutes surlavaleur

hygiénique des cime¬

tières.Elles se mirent àcette oeuvre ardue, firent des expé¬

riences nombreuses etvariées, etil arriva que le résultat

de leurs enquêtes, que nous étudierons et que nous

discute¬

rons plus loin, fut plutôt favorable au

maintien de la

pratique des inhumations, méthodiquement

accomplies tou¬

tefois.

Mais leurs conclusions, optimistesen somme, furent

loin

d'être unanimement acceptées par tous les

hygiénistes.

Suivantl'expression pittoresque du docteur

Kusby, d'Augs-

bourg, c'était « un coup de poing dans la figure

de

toutes

lesautorités sanitaires, la négation de tous les faits admis

et accumulés pendant des siècles ». Aussi ne

faut-il

pas

s'étonner que des polémiques assez violentes

2

se

soient

quelquefois engagées entre les hygiénistes contempo-

1Extrait d'un rapportdeMM. Brouardel, 0. du Mesnilet Ogier,adressé en 1891aupréfet de laSeine.

2Desconsidérations,souvent totalementétrangères à laScience et dénotant

un parti-pris absolu,enfurent souventaussi lacause.

(14)

16

rains, les uns défenseurs de l'innocuité, les autres parti¬

sans de la nocuité des cimetières.

Sans partager d'aucune façon les idées de ces derniers,

nous admettrons cependant avec eux que les expériences,

faites il j a quelque vingt ans, furent quelquefois inspirées

par des conceptions scientifiques, reconnues aujourd'hui inexactes, etqu'elles ne furent pas toujours conduites avec une méthode très rigoureuse.

De plus, pendantces quinze dernières années où, à part quelques articles insérés dans des revues spéciales, aucun travail sérieux et de longue haleinen'a paru sur la Ques¬

tion des Cimetières, des découvertes importantes ont été effectuées dans le domaine si vaste des sciencesmédicales,

dans celui de la chimie biologique et de la bactériologie

enparticulier, et des conceptions nouvelles ont acquis droit

de cité en Hygiène.

Aussi cette question, telle qu'elle a été traitée par les

auteurs français et étrangers, n'est-elle plus à jour, et

certaines de ses parties, jusque-là laissées dans l'ombre,

ont maintenant besoin d'être mises fortement en relief.

* *

Une étude critique, passant en revue tout ce qui a été

écrit surcette Question desCimetières et apportant sa part

de faits nouveaux, viendrait donc à son heure. En outre,

un essai didactique sur les principales règles hygiéniques

à observer dans la création et dans l'exploitation d'un cimetière, composé en ne tenant compte que de données

réellement positives, seraitla suite logique de notre étude critique et constituerait un document original d'hygiène urbaine, peut-être pas tout à fait dépourvu d'intérêt.

(15)

17

Ce sont cesdeuxraisons qui nous ont

poussé à choisir

ce travail comme sujet de thèse

inaugurale. Sans doute, il

esttrès vaste, compliqué et délicat à plus

d'un titre

;

peut-

être même est-il au-dessus de nos forces. Mais nous

n'a¬

vons euqu'un but: essayer

de combler

une

lacune existant

dans une des parties les plus intéressantes

de l'hygiène

publique. Nous

n'aurons aussi qu'un désir

:

celui de voir

notre oeuvre modeste,reprise et corrigée par un autre

plus

compétent et plus

autorisé

que nous en

la matière.

(16)
(17)

PREMIÈRE PARTIE

EXAMEN

DE LA VALEUR

HYGIÉNIQUE DES CIMETIÈRES

CHAPITRE PREMIER

La Légende des

Cimetières

Dans l'Histoire médicale, on désigne sous le nom

de

Légende des Cimetières, un

ensemble de faits plus

ou

moins vagues, reposant sur des

observations incomplètes

et ayant donné lieu à de nombreuses

dissertations ayant

la prétention de prouver l'insalubrité de nos

nécropoles.

La première allégation de ce genre est un

travail

paru

en 1771 à Avignon etintitulé: Mémoire sur les

dangers

des inhumations. L'auteur, un nommé Haguenot,

s'atta¬

chait surtout à mettre en évidence les accidents produits,

dans une des «caves communes » de l'église Notre-Dame,

par une « vapeur puante, imprégnant les vêtements...

et

si maligne qu'elle conservait toutes ses qualités,

même

après avoir été puisée dans des bouteilles ».

Deuxans plus tard, Maret1 lui aussi citait des

observa¬

tions paraissant assez concluantes sur les dangers

des

« exhalaisons animales » et allait même jusqu'à attribuer

une épidémie de « fièvre nerveuse putride

maligne

1 Mémoiresurl'usage où l'onest d'enterrer lesmortsdans les églises et dansl'enceintedesvilles.Dijon, 1773,

(18)

_ 20

différant de la fièvre catarrliale par la nature des érup¬

tions1 » à des émanations cadavéreuses provenant du sol de l'église de la petite ville de Saulieu. Il prétendait en outre expliquer l'action nocive des cimetières par une ap¬

plication des lois de la physique au mode de dégagement

et d'expansion dans l'atmosphère des produits volatils de la décomposition des cadavres.

A son tour, Toussaint Navier, conseiller-médecin du

Roi, dans un mémoire2 lu à l'Académie de Médecine de

Champagne, dénonçait « les combinaisons bizarres, d'une

fétidité insupportable, délétère et destructive de tous les êtres vivants » résultant de la décomposition des cadavres,

et mettait ses contemporains en garde contre « ces poi¬

sons subtils, lèthifères ».

Enfin Vicq d'Azyr, dans son Essaisur les lieux et les

dangers des sépultures3, il se proposait de « démon¬

trer par la conviction des preuves physiques et par la

force de l'expérience, les dangers des inhumations dans les églises et dans l'enceinte des villes », expliquait, sui¬

vant une conception toute personnelle et nullementvérifiée,

la présence dans l'air d'émanations dangereuses se déga¬

geant des corps en putréfaction.

Ces observations, faites à une époque où les connais¬

sances chimiques étaient presque nulles, furent cependant

tenues comme probantes, et ces dissertations, de valeur

toute hypothétique, furent acceptées comme l'expression

de lavérité, dans un siècle « tout ce qui était présenté

avec le vernis de la science séduisait immédiatement l'es¬

prit des lettrés et frappait profondément l'imagination des

masses ».

1 IIdevaitprobablements'agird'uneépidémiede lièvretyphoïde.

2 Réflexions sur lesdangersdes exhumations précipitées et les abusdes inhumationsdans les églises. Amsterdam, 1775,

3 Paris, 1805,

(19)

21

Mais le fait qui contribua surtout à étayer la Légende

des Cimetières, fut la suppression du Cimetière où, pour mieux s'exprimer, du Charnier des Innocents, à la fin du

xviif siècle.

Qu'était-ce que ce Charnier des Innocents ?

C'était un terrain d'une étendue de dix-sept centstoises

carrées1 que Philippe-Auguste avait enclos de murs en

1186, mais qui, avant cette date, avait déjà servi de lieu

de sépulture à la grande majorité des Parisiens.

Depuis longtemps on enterrait auxInnocents une moyen¬

ne annuelle de deux mille cinq cents à trois mille person¬

nes; mais, dans les trente dernières années, plus de qua¬

tre-vingt-dix mille cadavres y auraient été inhumés, dans

des fosses communes, dont Fourcroy nous fait la saisis¬

sante description suivante:

« On appelait ainsi des cavités de trente pieds de pro¬

fondeur etde vingt de largeur dans leurs deux diamètres,

dans lesquelles on plaçaitpar rangs très serrés les corps des pauvres renfermés dans leurs bières.

» La nécessité d'en entasser un grand nombre obligeait

les hommes chargés de cet emploi de placer les bières si près les unes des autres, qu'on peut se figurer ces fosses remplies comme d'un massif de cadavres, séparés seule¬

ment par des planches d'environ six lignes d'épaisseur ;

ces fosses contenaient chacune mille à quinze cents cada¬

vres. Lorsqu'elles étaient pleines, on chargeait la dernière

couche des corps d'environun pied de terre et on creusait

une nouvelle fosse à quelque distance. Chaque fosse res¬

taitau moins trois ans ouverte et il fallait ce temps pour laremplir.

»... Cependant, le solgonflé parces dépôtssi nombreux,

excédait deplus de huit à dix pieds le niveau des ruesT

1 IIconstituait un îlotà peuprès carré, formé par les rues Saint-Denis

aunord, de laLingerie ausud,auxFers à l'ouest et de la Ferronnerie à l'est.

Cetîlot était bordé de maisons hautesetgrandes surtrois côtés, et decons¬

tructionsbassessurlarue auxFers. Dans l'angle nord-ouestsetrouvait l'é¬

glisedesInnocents.

(20)

22

avec lequel il fallait parvenir à l'accorder. D'ailleursnulle

interruptionn'avaiteulieu dansles inhumations del'église.

Des corps récemment inhumés reposaient dans ses parois.

Enfin d'innombrables milliers d'ossements, successivement rejetés du sein de cette terre, qui depuis longtemps ras¬

sasiée de funérailles, s'ouvrait encore chaque jour pour s'en pénétrer de nouveau, étaient entassés sous lestoitsdes charniers et contenaient les débris de plusieurs généra¬

tions que le temps avait englouties.»

En 1781, l'Inspecteur général des objets de salubrité,

Cadet de Vaux1, décrivait dans un style quelquefois pom¬

peux, les accidents causés dans le quartier voisin par la présence de ce charnier.

«... Dans le courant du mois de février 1780, le sieur Gravelot, principal locataire d'une maison, vit avec sur¬

prise la lumière s'éteindre à l'entrée d'une de ses caves;

un flambeau qu'il voulut substituer aux chandelles et aux

lampes qu'il avait allumées s'éteignit pareillement. »

Puis, à propos du déménagement de ces caves qu'il

était impossible de protéger contre l'arrivée des gaz du cimetière, Cadet de Vaux ajoutait: «... Des tonneliers éprouvèrent tous les symptômes avant-coureurs de l'as¬

phyxie, suffocation, tremblement, pâleur, vertiges, etcela malgré la communication immédiate que l'ouverture des trappes établissait avec l'air extérieur ; les accidents à la

vérité se dissipaient au moment on respirait dans une

atmosphère moins impure, mais pour faire place à des

accidents d'un autre genre qui se manifestaient cinq ou six heures après; c'est ce qui arriva aux deux tonneliers; sur le soir, ils se mirent aulit, attaqués de vomissements affreux, ayant une douleur de tête cruelle et touchant au

point de périr. »

De ces faits et de plusieurs autres identiques, Cadet de Vaux, en physicien qu'il était, concluait que le méphi-

1 Mémoire historique etphysique sur le Cimetière des Innocents, lu à l'AcadémiedesSciences.

(21)

tisme cle ces caves était compliqué « d'une sorte

de

gaz

cadavéreux, qui lui donnait le caractère

d'un poison réel

et dont le principeactifse

portait

sur

le système

nerveux. » Il allaitmême jusqu'à incriminer l'humidité

cadavéreuse.

« Je peux citer,

disait-il,

une preuve

de

son

action

sur

les

substances organisées. Fondé à soupçonner

d'infection la

légère portion d'humidité

qui régnait à la surface du

mur

de ces caves, je donnai le conseil de s'en isoler. Un ma¬

çony posa imprudemmentla

main

et, au

lieu de la laver

surle champ avecdu vinaigre, commeje lui

prescrivis, il

se contenta de l'essuyer. Au bout de trois jours, la main

etl'avant-bras setuméfièrent avec douleur, ce qui avait été précédé par un engourdissement général. Il

survint des

boutons à la surface de la peau, et cela se termina par un suintement acre et séreux quidétruisit l'épiderme. »

Ces faits furent lesprincipaux griefs relevés à la charge

du Charnier desInnocents. Enles commentant, lessavants

et les écrivains du temps en firent un tableau tragique et

lesreprésentèrentcomme une véritable calamité publique.

Mais, d'une part, ils ignoraient l'existence de l'acide car¬

bonique, sesconditions de production et ses effets d'intoxi¬

cation; et, del'autre, la théorie des inoculations acciden¬

telles, maintenant encore presque récente, n'était certes

pas soupçonnéepar les médecins de l'époque.

Ces faits furent aussi les seuls qu'on imputa au Cime¬

tière des Innocents, et, ni dans les mémoires de Cadet de Vaux, ni dans ceux de Fourcroy ou de Thouret, on ne trouverait une relation d'accidents sérieux produits par le déplacement de ce charnier, ordonné en 1785par une dé¬

cision du Lieutenant général de police.

Pendant le cours de cette opération, qui fut exécutée en

plusieurs fois, les ouvriers relevèrent des corps

qui étaient

(22)

24

à toutes les périodes de la décomposition et, pour le be¬

soin destravaux, une couche de huit à dix pieds deterre,

infectée par les débris de cadavres ou par les immondices

des maisons voisines, fut enlevée à toute la surface duci¬

metière ; «plus de quatre-vingts caveauxfunéraires furent

ouverts et fouillés; quarante à cinquante des fosses com¬

munes furent creusées à huit et dix pieds de profondeur, quelques-unes jusqu'au fond, etplus de 15 à 20.000 cada¬

vres appartenant à toutes sortes d'époques furentexhumés

avec leurs bières. Exécutées principalement pendant l'hi¬

ver et ayant eu lieu aussi en grande partie dans les temps

des plus grandes chaleurs ; commencées d'abord avec tousles soins possibles, avec toutes les précautions conve¬

nues, et continuées presque en entier, sans en employer

pour ainsi dire aucune, nuldanger ne s'est manifesté'pen¬

dant le cours de ces opérations. Nid accident n'a troublé

la santé publique. »

Mais cette absence d'accidents pendant le transfert de

ces cadavres en putréfaction n'éveilla pas l'attention des contemporains; leur esprit était trop imbu du souvenir

de tous les faits d'insalubrité rapportés à tort et à tra¬

vers dans les mémoires originaux dont nous avons fait

mention. Un courant d'opinions, fondées surdesobserva¬

tions souventincomplètes, mais toujours malinterprétées,

ne tarda pas à se former : ainsi naquit une légendeque des « terreurs superstitieuses » propagèrent dans les fou¬

les et qua la publication de deux ouvrages retentissants,

l'un de Guérard *, l'autre de Tardieu 2, accrédita auprès

du monde savant.

* *

Pour ramener cette Légende des Cimetières à son

véri¬

table point de départ et à ses justes proportions, il

est

1 Thèse deconcours surlesInhumationset les exhumationssous le rap»

$ortde l'hygiène, 1838.

2 Thèse deconcours surles Voiries et Cimetières«

(23)

25

donc nécessaire de lui faire subir un contrôle scientifique rigoureux et

méthodique.

Aussi, dans les chapitres qui vont suivre,

étudierons-

nous d'abord la nature intime et le rôle des phéno¬

mènes de putréfaction qui se

produisent chez les cada¬

vres inhumés; puis, nous arrêtant aux

produits

tant

inter¬

médiaires qu'ultimes ayant pris naissance au cours

de

ces phénomènes, nous

examinerons s'ils possèdent à l'égard

du sol, de l'eau et de l'atmosphère, le rôle nocif

qu'on

leur a attribué.

3

(24)
(25)

CHAPITRE II

La Putréfaction cadavérique

Quand la vie cesse chez un être, les oxydations multi¬

ples et énergiques, qui étaient le principe essentiel des phénomènes vitaux, ne [cessent pas d'une façon brusque

et complète ; elles font place à une combustion organi¬

que particulière, plus lente, et donnent alors naissance à

un «mouvement moléculaire » particulier, qui entraîne la désagrégation de la matière organisée et la production,

aux dépens de celle-ci, d'un certain nombre de corps, à

formule plus ou moins bien établie.

Cette série de décompositions partielles et de dédouble¬

ments chimico-biologiques constitue ce qu'on appelle les 'phénomènes de la putréfaction.

Ils commencent quelques heures après la mort de l'in¬

dividu, mais ne s'accomplissent pas spontanément ; ils se trouvent en effet sous la dépendance de deux genres d'or¬

ganismes : les uns inférieurs, auxquels les microbiolo¬

gistes d'aujourd'hui s'accordent à reconnaître l'aspect et les propriétés de bactéries ou de vibrions ; les autres, plus élevés dans l'échelle des êtres, appartenant à la

classe des Insectes et qui ont été très bien étudiés par

Mégnin dans son livre sur la Faune des cadavres.

Les premiers forment des espèces variées, rangées par lesunsdans le règne animal etclassées parles autres dans

les Champignons ; leurs générations, qui se livrent à un travail chimico-biologiquedont les différentes phases nous sont encore

peu connues, se succèdent jusqu'à la dispari-

(26)

28

tion, ou pour mieux dire jusqu'à la digestion à peu près complète de la matière organique.1

Quant aux seconds, ils ne jouent qu'un rôle secondaire,

mais ayant cependant son importance, dans la destruc¬

tion des cadavres: « ces travailleurs de la mort », comme on les a pittoresquement appelés, ont une action en quel¬

que sorte macroscopique, purement mécanique, c'est-à-

dire n'entraînant avec elle aucun processus chimique.

Leur présence dans les sépultures est dû à ce fait que les

cadavres sont toujours exposés à l'air avant leur inhu¬

mation ; des mouches viennent alors déposer leurs œufs à

leur surface,, etceux-ci, à leur éclosion, donnent naissance

à des larves qui grandissent et se fécondent à leur tour.

Des générations vont alors se multipliant presque à l'in¬

fini etparticipent à l'anéantissement des corps sur lesquels

ils vivent en parasites.2

Mais, pour que cette destruction des matières organi¬

ques puisse, avec l'aide des agents précédents, s'opérer normalement, il est absolument indispensable que certai¬

nes conditions de milieux3, relevant de la nature du ter¬

rain, soient réunies, et surtout que l'air aitun accès rela¬

tivement facile sur les cadavres : car, envisagée au point

1 Parmi ces microbes,d'observationdifficile, Ehrenberg aurait reconnu la présence de:

Vibrio tremulans,

lineola,

subtilis,

rugula,

prolifer.

Plus tard, différents microbiologistes mirent en relief l'action du Coli

bacilluscommùnis, du Bacillus subtilis et du Protococcus.

2 Parmi lesinsectes trouvés dans les fosses des cimetières, les entomolo¬

gistes ontsignalé les différentsgenressuivants: Muscasimplex,

vomitoria,

domestica,

carnaria,

fuscata;

Necroforus;Plenusfur; Taquinus; Scarites.

3 Nous les étudieronsplus loin.

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