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quèrent la présence dans les eaux des cimetières de pro¬

duits organiques, tels que les composés ammoniacaux, la triméthylamine, la leucine, la tyrosine, l'urée, etc.

Or, en ce qui concerne l'ammoniaque, Boussingault dé¬

montra qu'ily avait à Paris, en 1852, dans l'eau de pluie,

4grammes 34 de cette substance par mètre cube,

c'est-à-dire une proportion relativement très élevée1 ; et, comme le dit Robinet2, « il n'a jamais été établi que les pluies

de Paris aientjamais empoisonné la ville ».

De plus, différentes analyses d'eauxprovenantdes cime¬

tières montrent que la proportion précédente est rare¬

ment atteinte3. C'est qu'en effet les composés organiques

énumérés plus haut, quand ils existent dans une eau issue

de terrains affectés à des inhumations s'y trouvent à un

degré de dissolutiontel qu'ilsne sontplus toxiques, ni sur¬

tout capables de déterminer par eux-mêmes une maladie spécifique. Peut-être même l'instestin, à la suite d'un

usage prolongé de ces eaux, serait-il susceptible de s'a¬

dapter, sans aucune espèce d'inconvénient, à leur con¬

sommation.

Mais si le danger n'existe pas de ce côté, il est permis

de se demander si d'autres produits, de composition très complexe et assez bien connus depuis peu, ne pourraient

pasproduire dans les eaux des cimetières des effets autre¬

ment dangereux que les substances précédentes, dont le

rôle nocif estpresque illusoire.

' Il y enavaitvingt-septfois autant que dans les eaux de la Seine, à la mêmeépoque.

2Surlesprétendusdangersprésentésparles Cimetières.Thèse deParis.

1880.

!Pourne citerqu'un exemple, Boussingault,enanalysant l'eau d'un puits situé non loin du cimetièrede Clignancourt, n'y trouva que 0 gramme 35 dammoniaque parmètrecube.

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Nous voulons parler des jptomaines\ dont le nom est

significatif, comme on le voit.

Ces corps, découverts par Fr. Selmi, professeur de mé¬

decine légale à l'Université de Bologne2, et bien étudiés

ensuite parM. Armand Gautier3, sont des bases très alca¬

lines, analogues aux alcaloïdes engendrés par les végé¬

taux. Elles prennent naissance dans la décomposition des

matières albuminoïdes et sont lesunes liquides, les autres

solides et généralement cristallisées.

Les ptomaïnes liquides, celles qui intéressent le plus

notre sujet*nerenferment pas d'oxygèneetjouissent d'une

odeur pénétrante et tenace, vireuse ou cadavérique rappe¬

lant celle de la fleur d'aubépine3.

Enfin, pourl'bygiéniste, il importe deremarquerqu'elles

sont très instables et qu'elles s'unissent facilement aux acides.

Parmi lesptomaïnescadavériques6,cellesquel'onrencon¬

tre le plus souventdans laputréfaction des cadavres, sont: La neuridine (C3 Hu Az2), découverte en 1884 parle

docteur Brieger7, qui est un des produits les plus cons¬

tants de la décomposition des albuminoïdes;

La cadavèrine (C3 H16 Az2), qui prend naissance parla

1Du grec cadavre.

2Suiprincipii alcaloïdi naturali nei visceri avdepuonazcêre sospetto dialcaloïdiveneffici. 1872.

3 Comptes-rendus du Congrès international d'hygiène de Paris. T. I,

p.266.1878.

*Lesptomaïnes solidesouoxygénéesserventeneffet de transitionentre les ptomaïnesliquides,alcaloïdes de la décomposition microbienne,et les leuco-maines, alcaloïdesphysiologiques.

5«Peut-êtrequ'entrecesproduits de la putréfaction bactérienne destissus

animaux et lesparfumsqu'exhalent les cellulesvégétalesdes fleurs, l'analogie

n'est-elle pasaussiétrangeet aussi fortuitequ'elle leparaît.»Dr Hugounenq,

Thèse d'agrégation. 1886.

6 Leur meilleur réactif est lecyanoferride de potassium qui, additionné

d'unegoutte de perchlorure de fer, donneun précipitébleu dePrusse.

7Professeur à l'Université de Berlin et auteur de beaux travaux sur les bases d'origineanimale.

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putréfaction prolongée

des cadavres humains

et

qui

est

douée d'une odeur désagréable ;

La putrescine (C14 H12 Az2), base puissante qui attire l'anhydride carbonique de l'air pour former un carbonate

cristallisé;

Enfin la saprine (C5 H16 Az2), de composition identique

à la cadavérine.

La production de ces ptomaïnes a évidemment une im¬

portance capitale pour l'hygiéniste, et il reste à savoir si

leurprésencedans l'eau provenant des cimetières entraîne

une action nocive quelconque.

Pour notre part, nous ne croyons pas à la possibilité

de cette action.

Brieger a en effet constaté1 que toutes ces ptomaïnes, neuridine, cadavérine, etc., prises à l'état de pureté, ne sont nullement vénéneuses.

De plus, les ptomaïnesliquides, fort avides d'oxygène,

sont très instables ; elles se combinent aux acides du sol

pour former des sels, doués alors de propriétés diffé¬

rentes, probablement non toxiques.

Enfin, dernière raison et peut-être la meilleure, leur dilution dans une couche d'eau un peu volumineuse se¬

rait telle que ces produits ne présenteraient plus d'incon¬

vénient appréciable.

L'observation journalière est du reste pour appuyer

cefait : nous n'avons jamais lu ou entendu dire qu'à la

suite de l'ingestion d'une eau de cimetière par un indi¬

vidu, il se soit produit chez lui des phénomènes sembla¬

bles à ceux

provoqués chez un lapin par l'inoculation ex¬

périmentale de ptomaïnes douées de propriétés toxiques2.

1Microbes,ptomaïnesetmaladies, 1887.

-Dansdesexpériencesphysiologiques, elles semanifestèrentpar une

dila-a ion puis un resserrement de la pupille, par la perte de la contractilité musculaire et de la sensibilité cutanée, par le ralentissement des mouve¬

mentsdu cœur, enfinpar de latorpeursuiviequelquefois demort.

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Mais, nous objectera-t-on, les eaux des cimetières peu¬

vent encore être polluées par une cause d'ordre biolo¬

gique : par les microbes. Or, au chapitre précédent, nous

avons montré que ces germes infectieux dans le sol sont dans des conditions précaires d'existence, tenant à diver¬

ses raisons, et que leur vie a en conséquence une durée

très limitée pour la majorité d'entre eux. De plus, en admettant que certains puissent résister aux conditions

défavorables qui les entourent, un facteur hygiénique na¬

turel desplus importants entre alors en jeu : nous voulons parler de la merveilleuse 'puissance d'épuration du sol à l'égard des liquides contaminés.

Dans les cimetières comme ailleurs, cette épuration

s'exerce suivant deux modes.

D'une part, chaque particule de sable ou de gravier

s'entoure d'une mince couche de liquide, et l'eau ainsi

divisée s'offre à l'action de l'air du sol, à une combustion

lente qui transforme les matières organiques en azote,

en acide carbonique et en eau.

D'autre part, la terre de structure normale, celle des

cimetières comme celle des autres endroits, exerce sur les

eaux qui latraversentuneaction mécanique, une véritable

filtration : il résulte en effet d'expériences, effectuées par l'ingénieurdes mines Carnot, qu'une couche deterre rela¬

tivementpeu épaisse suffit amplement pour arrêterles

élé¬

ments microbiens les plus ténus en suspension dans l'eau;

son action sur ces saprophytes est du reste si nette que

« les eaux de source jaillissant de la terre à une profon¬

deur même faible sont privées detout germe etne

peuvent

féconder les liquidesles plus susceptibles

d'altération1.

»

* *

A l'appui de notre réfutation de la théorie de la pollu¬

tion de la nappe souterraine par les eaux des

cimetières,

1 Pasteur.

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