Énoncé
Soit V un espace vectoriel réel
1et L(V ) l'espace vectoriel de ses endomorphismes.
Lorsque f ∈ L(V ) et k ∈ N, on note
f 0 = Id V , f k = f ◦ · · · ◦ f
| {z }
k
foisOn désigne par E l'espace des polynômes à coecients réels et, pour un entier n , par E n
l'espace des polynômes de degré inférieur ou égal à n . E = R [X ], E n = R n [X]
Soit D l'endomorphisme de dérivation de E qui à un polynôme Q associe son polynôme dérivé Q
0et D n la restriction de D à E n qui à un polynôme Q de degré inférieur ou égal à n associe son polynôme dérivé Q
0.
L'objet du problème est de rechercher les réels λ pour lesquels
∃g ∈ L(E) tel que λ Id E +D = g 2
et de préciser éventuellement cet endomorphisme g . On se pose la même question pour l'endomorphisme λ Id E
n+D n .
Préliminaires : noyaux itérés
Soit V un espace vectoriel réel et f un endomorphisme de V .
1. Montrer que la suite des noyaux des endomorphismes f k pour k = 1, 2, · · · est une suite de sous-espaces vectoriels de V emboitée croissante :
ker f 0 ⊂ ker f 1 ⊂ · · · ⊂ ker f k ⊂ ker f k+1 ⊂ · · · 2. Montrer que s'il existe un entier p tel que ker f p = ker f p+1 , alors :
∀k ≥ p, ker f k = ker f p
3. Montrer que lorsque V est de dimension nie n , la suite des dimensions des ker f k est constante à partir d'un rang p ≤ n . En déduire en particulier ker f n = ker f n+1 . 4. Soit u un endomorphisme d'un espace vectoriel V de dimension nie n pour lequel
il existe un entier q ≥ 1 tel que u q soit l'endomorphisme nul. On dit alors que u est nilpotent. Montrer que u n est l'endomorphisme nul.
1
Préliminaires, Première et Deuxième partie de la première épreuve du Concours Commun Mines-Ponts 2001 PC.
Partie I.
Dans cette partie, on se donne un λ ∈ R pour lequel il existe g satisfaisant à la relation étudiée et on établit des propriétés de g . On donne aussi un exemple.
1. Restrictions et commutations.
a. Soit n ∈ N et g n ∈ L(E n ) (on rappelle que E n = R n [X ] ) tel que g n 2 = λId E
n+D n . Montrer que g n commute avec D n c'est à dire g n ◦ D n = D n ◦ g n .
Montrer que, pour tout p ∈ J 0, n K, le sous-espace E p est stable par g n . On note g p la restriction de g n à E p , montrer que :
g 2 p = λId E
p+ D p
b. Soit g ∈ L(E) (on rappelle que E = R [X ] ) tel que g 2 = λId E + D . Montrer que g commute avec D c'est à dire g ◦ D = D ◦ g .
Montrer que, pour tout n ∈ N, le sous-espace E n est stable par g . On note g n la restriction de g à E n , montrer que :
g n 2 = λId E
n+ D n
2. Caractérisation des sous-espaces stables.
Soit g ∈ L(E) tel que g 2 = λId E + D et n ∈ N.
a. Soit F un sous-espace vectoriel de dimension n + 1 de E et stable par D . On note D F ∈ L(F ) la restriction de D à F .
Montrer que D F est nilpotent. En déduire que F = E n = R n [X] .
Déterminer les sous-espaces vectoriels (de dimension nie ou non) de E stables par D .
b. Montrer qu'un sous-espace vectoriel G de E est stable par g si et seulement si il est stable par D .
3. Une application immédiate : le cas λ < 0 .
a. Préciser une condition nécessaire sur λ ∈ R pour qu'il existe g 0 ∈ L(E 0 ) (on rappelle que E 0 = R 0 [X] ) tel que g 2 0 = λId E
0+ D 0 .
b. Soit λ < 0 et n ∈ N, déduire des questions précédentes les propriétés suivantes.
Il n'existe pas de g ∈ L(E) tel que g 2 = λId E + D .
Pour tout n ∈ N, il n'existe pas de g n ∈ L(E n ) tel que g 2 n = λId E
n+ D n .
4. Base adaptée à un endomorphisme nilpotent.
a. Soit V un espace vectoriel de dimension nie n + 1 et f ∈ L(V ) tel que f n+1 soit l'endomorphisme nul sans que f n le soit.
Montrer qu'il existe un vecteur y ∈ V tel que
B = (y, f (y), f 2 (y), · · · , f n (y))
soit une base de V .
b. Lorsque V = E n et f = D n , comment peut-on choisir Y ∈ R n [X ] = E n pour que B n = (Y, D n (Y ), D n 2 (Y ), · · · , D n n (Y ))
soit une base de V ? 5. Un exemple avec n = 2 et λ > 0 .
a. Montrer que, pour tout h ∈ L(E 2 ) ,
h commute avec D 2 ⇔ ∃(a, b, c) ∈ R 3 tels que h = aId E
2+ bD 2 + cD 2 2 b. Montrer que Id E
2, D 2 , D 2 2 est une famille libre. Dans quel espace vectoriel ?
c. En déduire qu'il existe exactement deux g ∈ L(E 2 ) que l'on précisera vériant g 2 = λId E
2+ D 2
Partie II.
On étudie ici le cas λ = 0 puis on considére une relation plus générale.
1. Soit n ∈ N.
a. Montrer que, s'il existe g n ∈ L(E n ) tel que g n 2 = D n , alors g n est nilpotent et dim(ker g n 2 ) ≥ 2.
b. En déduire qu'il n'existe pas de g n ∈ L(E n ) tel que g n 2 = D n . Montrer qu'il n'existe pas de g ∈ L(E) tel que g 2 = D .
2. Soit m et k entiers avec m ≥ 1 et k ≥ 2 , soit g ∈ L(E) tel que g k = D m
a. Montrer que les deux endomorphismes D et g sont surjectifs.
b. Pour q ∈ J 0, k K, montrer que ker g q est de dimension nie.
c. Soit p ∈ J 2, k K. et Φ l'application dénie dans ker g p par :
∀P ∈ ker g p : Φ(P ) = g(P )
Montrer que Φ est linéaire de ker g p et à valeurs dans ker g p−1 . Préciser son noyau et son image. En déduire une relation entre les dimensions de ker g p et de ker g p−1 . Quelle est la dimension de ker g p en fonction de ker g ?
3. Établir une condition nécessaire et susante sur m et k pour qu'il existe g ∈ L(E) tel que g k = D m .
Partie III.
Dans cette partie, on utilise des coecients d'un développement limité pour exprimer des solutions du problème étudié.
1. On considère la fonction à valeurs réelles ϕ dénie dans [−1, +∞[ :
∀x ∈ [−1, +∞[, ϕ(x) = √ 1 + x
a. Montrer que ϕ admet en 0 des développements limités à tous les ordres. Pour k ∈ N, on note b k le coecient de x k dans ces développements limités en 0 .
∀n ∈ N , ϕ(x) = b 0 + b 1 x + · · · + b n x n + o(x n ) b. Préciser b 0 , b 1 , b 2 , b 3 . Montrer que
∀k ≥ 1, b k = (−1) k−1 (2k − 1)2 2k−1
2k − 1 k
c. Montrer que
∀m ∈ N ,
m
X
k=0
b k b m−k =
( 1 si m ≤ 1 0 si m ≥ 2 2. Soit n ∈ N
∗, on dénit g n ∈ L(E n ) (on rappelle que E n = R n [X] ) par :
g n =
n
X
k=0
b k D n k avec la convention D n 0 = Id E
nMontrer que g 2 n = Id E
n+D n .
3. Soit λ > 0 et n ∈ N
∗, montrer qu'il existe un g n ∈∈ L(E n ) (à préciser) tel que g 2 n = λ Id E
n+D n
Justier l'expression d'un g ∈ L(E) tel que g 2 = λ Id E +D
Corrigé
Préliminaires
1. Comme f 0 est l'identité, son noyau {0 V } est inclus dans ker f . Pour k ∈ N
∗,
∀x ∈ V, x ∈ ker f k ⇒ f k (x) = 0 V ⇒ f f k (x)
= f (0 V ) = 0 V ⇒ x ∈ ker f k+1 Ce qui montre la chaîne d'inclusions demandée.
2. Soit p un entier tel que ker f p = ker f p+1 , nous allons montrer que ker f p+2 ⊂ ker f p+1
Cela entrainera que ker f p = ker f p+1 = ker f p+2 à cause de l'inclusion toujours valide ker f p+1 ⊂ ker f p+2 . On peut alors déduire par récurrence l'égalité de tous les noyaux suivants.
Il s'agit donc de montrer que ker f p+2 ⊂ ker f p+1 . Cela résulte de
∀x ∈ V, x ∈ ker f p+2 : f p+1 (f (x)) = 0 V ⇒ f (x) ∈ ker f p+1 = ker f p
⇒ f p+1 (x) = f p ( f (x
|{z}
∈ker
f
p)) = 0 V ⇒ x ∈ ker f p+1
3. On suppose que V est de dimension nie, tous les sous-espace de V sont alors de dimension nie. La suite dim ker f k
k∈
Ndénit une fonction croissante de N dans l'ensemble ni J 0, dim V K. Une telle suite ne peut pas être strictement croissante car elle serait injective. Il existe donc des entiers k tels que dim f k < dim f k+1 soit faux ce qui entraine dim f k = dim f k+1 car dim f k ≤ dim f k+1 . Soit p le plus petit de ces k . Il vérie
0 = dim(ker f 0 ) < dim(ker f 1 ) < · · · < dim(ker f p ) = dim(ker f p+1 ) ≤ dim V = n Comme les premières inégalités sont strictes et qu'il y en a p , on obtient
p ≤ dim(ker f p ) ≤ n
D'après un résultat de cours sur les sous-espaces en dimension nie : dim(ker f p ) = dim(ker f p+1 )
ker f p ⊂ ker f p+1 )
⇒ ker f p = ker f p+1
L'égalité se propage alors (d'après 2.) à tous les k ≥ p parmi lesquels gure n ce qui entraine ker f n = ker f n+1 .
4. Dans cette question, l'endomorphisme u est nilpotent. D'après la question précédente, la suite croissante des ker u k se stabilise avant n à sa valeur nale qui est V tout entier. On en déduit qu'il existe un p ≤ n tel que V = ker u p .
On en tire que V = ker u n c'est à dire que u n est l'endomorphisme nul.
Partie I.
1. a. La relation g n 2 = λId E
n+ D n (entre des éléments de L(E n ) ) permet d'exprimer D n en fonction de g n :
D n = −λId E
n+ g 2 n
Sous cette forme, il est évident que D n commute avec g n .
Pour montrer qu'un sous-espace E p (avec 0 ≤ p ≤ n ) est stable par g , on remarque que c'est un noyau. En eet :
E p = R p [X ] = ker D p+1 n
Comme g n commute avec D n , il commute aussi avec les puissance de D n . En particulier
x ∈ E p = ker D n p+1 ⇒ D n p+1 (g n (x)) = g n (D p+1 n (x)) = g n (0 E
n) = 0 E
n⇒ g n (x) ∈ ker D p+1 n = E p
Une fois prouvée la stabilité de E p par g n , on peut considérer la restriction g p de g n à E p . Elle vérie évidemment la même relation que g n .
b. Le raisonnement est le même que pour la question précédente. Le fait que E ne soit pas de dimension nie ne change rien. Si g vérie la relation, il commute donc avec l'opérateur de dérivation.
Comme plus haut, E n est stable par g car c'est un noyau d'une puissance de D n
et la restriction g n de g vérie la même relation avec la restriction D n de D . 2. a. L'opérateur D F est la restriction à F de l'opérateur de dérivation. Comme F est
de dimension nie, il existe un entier k qui est le degré maximal d'un polynôme quelconque de F . Alors D k+1 F est nul.
D'après la partie préliminaire, comme D F est nilpotent dans un espace de dimen- sion n + 1 , l'endomorphisme D n+1 F est nul. Ceci montre que F ⊂ R n [X ] . Comme les deux espaces sont de même dimension, ils sont égaux.
On peut en conclure que les seuls sous-espaces de dimension nie stables par D sont les R n [X ] .
Un seul sous-espace de dimension innie est stable par D , il s'agit de R [X ] lui
même. En eet, un tel espace doit contenir des polynômes de degré arbitrairement grand (sinon il serait de dimension nie) et tous leurs polynômes dérivés.
b. Soit G un sous-espace de E . Supposons G stable par g et exploitons la relation fondamentale pour montrer que G est stable par D .
∀P ∈ G, D(P ) = g 2 (P )
| {z }
∈G
− λP
|{z}
∈G