TRANSCENDANCE ET IND ´ EPENDANCE ALG ´ EBRIQUE DE VALEURS DE FONCTIONS MODULAIRES
par Michel WALDSCHMIDT
L’expos´ e donn´ e ` a l’Universit´ e d’Ottawa le 21 Aoˆ ut 1996 dans le cadre de la cinqui` eme conf´ e- rence de l’Association de Th´ eorie des Nombres du Canada pr´ esentait, dans un contexte historique, les deux principaux r´ esultats r´ ecents sur la transcendance de valeurs de fonctions modulaires:
• le th´ eor` eme st´ ephanois (K. Barr´ e-Sirieix, G. Diaz, F. Gramain, G. Philibert), selon lequel, pour tout nombre complexe ou p-adique q satisfaisant 0 < |q| < 1, l’un au moins des deux nombres q, J(q) est transcendant
• le th´ eor` eme de Yu.V. Nesterenko, qui donne l’ind´ ependance alg´ ebrique sur Q des trois nombres π, e π et Γ(1/4).
Ces r´ esultats font l’objet d’un expos´ e au S´ eminaire Bourbaki [26], o` u on trouvera d’autres infor- mations sur ce sujet, ainsi qu’une liste de r´ ef´ erences.
Nous donnons ici des variantes des d´ emonstrations originales de chacun de ces deux r´ esultats, seulement esquiss´ ees dans [26]. Pour le th´ eor` eme st´ ephanois, la variante a ´ et´ e sugg´ er´ ee par D.
Bertrand, tandis que pour le th´ eor` eme de Nesterenko, c’est P. Philippon qui l’a propos´ ee. Nous compl´ etons ce texte par quelques remarques sur la conjecture des quatre exponentielles, en liaison avec les propri´ et´ es arithm´ etiques de la fonction J.
Ce texte a b´ en´ efici´ e de remarques pertinentes de Guy Diaz que je suis heureux de remercier ici.
Nous utiliserons les notations suivantes: la longueur L(A) d’un polynˆ ome A ` a coefficients dans Z est la somme des valeurs absolues (ordinaires) de ses coefficients. La mesure de Mahler d’un nombre alg´ ebrique γ de polynˆ ome minimal a 0 (z − γ 1 ) · · · (z − γ d ) est le nombre
M(γ) = a 0 d
Y
i=1
max{1, |γ i |}, tandis que sa hauteur est
h(γ) = 1
d log M(γ).
L’in´ egalit´ e de Liouville s’´ ecrit
log |γ | ≥ −[ Q (γ ) : Q ]h(γ) pour tout nombre γ alg´ ebrique non nul.
On d´ esignera par C soit le corps C des nombres complexes, soit le compl´ et´ e C p d’une clˆ oture
alg´ ebrique de Q p , pour p premier; la valeur absolue sur C sera le plus souvent not´ ee | · |. Pour un
nombre rationnel a ∈ Q , s’il y a risque de confusion, on notera |a| ∞ sa valeur absolue ordinaire (archim´ edienne) et, pour p premier, |a| p sa valeur absolue p-adique.
Soient r un nombre r´ eel ≥ 0 et f une fonction analytique dans un ouvert de C contenant le disque |z| ≤ r. Si C = C , on pose |f | r = sup |z|=r |f (z)|. Supposons maintenant C = C p . On d´ esigne par G le groupe des valeurs: c’est l’image de C p dans R ≥0 par l’application x 7→ |x|, et c’est un sous-groupe dense de R ≥0 . Si r appartient ` a G, on pose encore |f | r = sup |z|=r |f (z)|. Si r n’appartient pas au groupe des valeurs, on d´ efinit
|f | r = lim
%∈G
%→r
|f | % . Ainsi le principe du maximum s’´ ecrit, dans tous les cas,
|f (z)| ≤ |f | r pour z ∈ C, |z| ≤ r.
1. Le th´ eor` eme St´ ephanois
On consid` ere les s´ eries d’Eisenstein de poids 2, 4 et 6:
P (z) = 1 − 24
∞
X
n=1
nz n 1 − z n , Q(z) = 1 + 240
∞
X
n=1
n 3 z n 1 − z n , R(z) = 1 − 504
∞
X
n=1
n 5 z n 1 − z n . On d´ efinit ( 1 )
∆ = 12 −3 (Q 3 − R 2 ) et J = Q 3 /∆.
Ainsi
J(z) = 1
z + 744 + 196884z + · · · Le th´ eor` eme suivant [5] est appel´ e th´ eor` eme st´ ephanois.
Th´ eor` eme 1. – Soit q ∈ C v´ erifiant 0 < |q| < 1. Alors l’un au moins des deux nombres q, J(q) est transcendant.
Suivant une suggestion de Bertrand [7] (voir aussi [4], lemme 2), nous utiliserons le lemme suivant:
Lemme 1. – Il existe une constante absolue C 1 > 0 ayant la propri´ et´ e suivante: pour N et k entiers rationnels v´ erifiant 0 ≤ k ≤ N et N ≥ 1, on ´ ecrit le d´ eveloppement de Taylor de ∆ 2N J k ` a l’origine:
∆(z) 2N J(z) k =
∞
X
n=1
c N k (n)z n .
Alors, pour tout n ≥ 1, le nombre c N k (n) est entier rationnel, de valeur absolue (usuelle) major´ ee par
|c N k (n)| ≤ C 1 N n 12N .
( 1 ) La fonction not´ ee ∆ dans [25] est le produit de la nˆ otre par (2π) 12
D´ emonstration du lemme 1. Les coefficients de Taylor du d´ eveloppement de la fonction Q ` a l’origine sont clairement des entiers rationnels:
Q(z) = 1 + 240
∞
X
n=1
σ 3 (n)z n , avec σ 3 (n) = X
d|n
d 3 .
Il en est de mˆ eme pour ∆, comme le montre le produit infini de Jacobi (q-d´ eveloppement)
∆(z) = z Y
n≥1
(1 − z n ) 24 . Par cons´ equent on a c N k (n) ∈ Z pour tout n ≥ 1.
Afin d’estimer les valeurs absolues de ces entiers, on reprend la d´ emonstration du th´ eor` eme de Hecke majorant les coefficients du d´ eveloppement de Taylor d’une forme modulaire ([25], th´ eor` eme 5, §4.3, Chap. VII; voir aussi [4], lemme 2).
Pour τ = x + iy ∈ C avec x et y r´ eels, si on pose z = e 2iπτ , on a log(1/|z|) = 2πy. Les fonctions
∆(e 2iπτ ) 2 et (∆ 2 J )(e 2iπτ ) sont des formes modulaires paraboliques de poids 24. Cela permet de montrer que chacune des deux fonctions
ϕ 1 (z) = |∆(z) 2 | log(1/|z|) 12
et ϕ 2 (z) = |∆(z) 2 J(z)| log(1/|z|) 12
est born´ ee sur le disque unit´ e du plan complexe. On d´ efinit une constante absolue C 2 > 0 par C 2 = max
1 , sup
|z|<1
ϕ 1 (z) , sup
|z|<1
ϕ 2 (z) . Pour |z| < 1 et 0 ≤ k ≤ N on a donc
|∆ 2N (z)J (z) k | ≤ C 2 N log(1/|z|) −12N
. On d´ eduit alors le lemme 1 des in´ egalit´ es de Cauchy.
Le deuxi` eme lemme ([5], lemme 2) fait intervenir la fonction arithm´ etique ψ(n) = n Y
p|n
1 + 1
p
, qui satisfait
lim sup
n→∞
n(log log n) −1
ψ(n) < ∞.
Lemme 2. – Il existe une constante absolue c > 0 ayant la propri´ et´ e suivante. Soit n un entier positif. Il existe un polynˆ ome non nul Φ n ∈ Z [X, Y ], sym´ etrique en X et Y , de degr´ e ψ(n) en chaque variable, de longueur ≤ e cn2, tel que
Φ n J(q), J (q n )
= 0.
Le r´ esultat de P. Cohen [11] cit´ e dans [5] donne une borne n cψ(n) pour la longueur, mais nous aurons besoin seulement de l’estimation plus faible que nous avons ´ enonc´ ee, et qui r´ esulte de la borne ant´ erieure e cn3/2 donn´ ee par K. Mahler [14].
Un troisi` eme lemme permettra d’estimer la hauteur d’un nombre alg´ ebrique connaissant un polynˆ ome (` a coefficients alg´ ebriques) dont il est racine: c’est le lemme 5 de [5]. A propos, le lemme 3 ci-dessous peut ˆ etre remplac´ e par le lemme 2 de [7]; on dispose donc de deux outils diff´ erents.
Lemme 3. – Soit P ∈ Z [X, Y ] un polynˆ ome en deux variables ` a coefficients entiers et soient α, β deux nombres alg´ ebriques. On suppose que le polynˆ ome P (α, Y ) ∈ Q (α)[Y ] a un degr´ e ≥ 1 et s’annule au point β. Alors
log M(β) ≤ [ Q (α) : Q ] log L(P ) + deg X (P )h(α)
.
D´ emonstration du th´ eor` eme 1 dans le cas complexe
Nous utiliserons la m´ ethode de [5] qui introduit une fonction auxiliaire. Notons cependant que P. Philippon ([23], §6a) ´ evite le recours au lemme de Thue-Siegel grˆ ace ` a la m´ ethode des d´ eterminants d’interpolation de M. Laurent.
Premier pas: choix des param` etres
La premi` ere ´ etape consiste ` a introduire des param` etres pour que les estimations qui vont suivre soient valides. On choisit deux entiers positifs suffisamment grands L et N . Un choix convenable consiste a prendre pour N un entier, suffisamment grand, puis ` a d´ efinir L = [N 2 /2]. Pendant les quatre premiers pas, il suffit que N soit plus grand qu’une constante absolue (effectivement calculable) pour que les estimations soient valables. On d´ esignera par C 3 , . . . , C 6 des constantes absolues. A partir du cinqui` eme pas, on fera intervenir des constantes C 7 , . . . , C 13 d´ ependant de q.
Au septi` eme et dernier pas, pour obtenir la conclusion, on fera tendre N vers l’infini.
Deuxi` eme pas: la fonction auxiliaire
On va montrer l’existence d’un polynˆ ome non nul A ∈ Z [X, Y ], de degr´ e < N par rapport ` a chaque variable, tel que la fonction analytique F (z) = ∆(z) 2N A z, J (z)
ait un z´ ero ` a l’origine de multiplicit´ e ≥ L.
Ecrivons le polynˆ ome inconnu
A(X, Y ) =
N−1
X
i=0 N−1
X
k=0
a ik X i Y k .
En utilisant les notations du lemme 1, on peut ´ ecrire F(z) =
N −1
X
i=0 N −1
X
k=0
a ik z i ∆(z) 2N J (z) k =
N−1
X
i=0 N−1
X
k=0
∞
X
n=1
a ik c N k (n)z i+n . Le syst` eme d’´ equations que l’on veut r´ esoudre est
min{ν,N−1}
X
i=0
N −1
X
k=0
a ik c N k (ν − i) = 0, (0 ≤ ν < L).
Il s’agit d’un syst` eme lin´ eaire homog` ene de L ´ equations en N 2 inconnues, ` a coefficients dans Z.
Grˆ ace ` a la condition N 2 ≥ 2L et ` a la borne
0≤ν<L max
min{ν,N−1}
X
i=0
N−1
X
k=0
|c N k (ν − i)| ≤ N 2 C 1 N L 12N ,
on d´ eduit du lemme de Thue-Siegel (voir par exemple [5], lemme 3) qu’il existe une solution non triviale v´ erifiant
L(A) =
N −1
X
i=0 N −1
X
k=0
|a ik | ≤ C 3 N L 12N .
Comme N est suffisamment grand, on peut majorer simplement la longueur de A par N 25N . Troisi` eme pas: d´ efinition de M
Les fonctions z et J (z) sont alg´ ebriquement ind´ ependantes (cf. [5], lemme 4), donc la fonction F
n’est pas identiquement nulle. On d´ esigne par M = ord 0 F sa multiplicit´ e ` a l’origine. D’apr` es le
second pas, on a M ≥ L.
Quatri` eme pas: majoration de |F | sur le disque unit´ e On ´ etablit l’estimation suivante:
|F (z)| < C 4 N M 30N |z| M
(1 − |z|) 12N +1 pour |z| < 1.
En effet, comme F a un z´ ero de multiplicit´ e M ` a l’origine, la fonction G(z) = z −M F (z) est analytique dans le disque unit´ e |z| < 1. Ecrivons son d´ eveloppement de Taylor ` a l’origine:
G(z) = X
ν≥0
b ν z ν avec b ν =
N −1
X
i=0 N −1
X
k=0
a ik c N k (M + ν − i).
Du lemme 1 et de la construction de A on d´ eduit, pour tout ν ≥ 0,
|b ν | ≤ C 5 N L 12N (M + ν) 12N . On a, pour |z| < 1,
∞
X
ν=0
(M + ν) 12N |z| ν ≤ (M + 1) 12N 1 +
∞
X
ν=1
ν 12N |z| ν
!
≤ 2M 12N (12N )!
(1 − |z|) 12N +1 . On en d´ eduit, encore pour |z| < 1,
|G(z)| ≤ C 5 N L 12N
∞
X
ν=0
(M + ν) 12N |z| ν ≤ C 6 N (LM N ) 12N 1
(1 − |z|) 12N +1 . On trouve ainsi, toujours pour |z| < 1,
|F (z)| ≤ |z| M C 6 N (LM N ) 12N 1
(1 − |z|) 12N+1 . Pour conclure on utilise les majorations L ≤ M et N 2 < 2(L + 1).
On utilisera la majoration de |F (z)| sous la forme suivante: pour tout nombre r´ eel r dans l’intervalle 0 < r < 1, si N est suffisamment grand en fonction de r, on a
|F (z)| ≤ |z| M M 31N pour |z| ≤ r.
Cinqui` eme pas: d´ efinition et majoration de S
C’est maintenant que q rentre en sc` ene. Pour l’instant, q est un nombre complexe v´ erifiant 0 <
|q| < 1, et N est suffisamment grand par rapport ` a q. On d´ esigne par S le plus petit entier ≥ 1 tel que F (q S ) 6= 0. L’existence de S vient du fait que la fonction F n’est pas identiquement nulle. On va ´ etablir la majoration S 2 ≤ γN log M, avec γ = 63 log(1/|q|) −1
.
Soit r = (1 + |q|)/2. On applique le principe du maximum |H(0)| ≤ |H| r ` a la fonction H(z) = F (z)
z M
S−1
Y
s=1
r 2 − zq s
r(z − q s ) .
D’apr` es le quatri` eme pas, on a
|H| r = r −M |F | r ≤ M 31N .
D’un autre cˆ ot´ e, puisque les coefficients du d´ eveloppement de Taylor de ∆ 2 et de ∆ 2 J ` a l’origine sont des entiers rationnels, le nombre G(0) = b 0 = (1/M !)F (M) (0) est un entier rationnel non nul.
Comme C = C, on minore sa valeur absolue usuelle par 1, et on trouve
|H(0)| ≥ r S−1 |q| −S(S−1)/2 . On obtient ainsi
S(S − 1) log(1/|q|) ≤ 2(S − 1) log(1/r) + 62N log M.
On peut supposer S ≥ 189. Alors (S − 2)(S − 1) > 62 63 S 2 , donc S(S − 1) log(1/|q|) − 2(S − 1) log(1/r) > 62
γ S 2 ; on en d´ eduit la majoration annonc´ ee pour S 2 .
Sixi` eme pas: minoration de |F (q S )|
On suppose maintenant que q est un nombre complexe, 0 < |q| < 1, tel que q et J(q) soient alg´ ebriques. On va montrer l’existence d’une constante C 7 > 0, ne d´ ependant que de q, telle que
|F (q S )| ≥ exp
−C 7 N S(S + log N ) log log(3S) .
On reprend pour cela le quatri` eme pas de la d´ emonstration de [5]. On majore la hauteur logarith- mique absolue du nombre alg´ ebrique
ξ = ∆(q S ) −2N F(q S ) = A q S , J (q S ) de la mani` ere suivante:
h(ξ) ≤ log L(A) + N h(q S ) + N h J (q S )
≤ 25N log N + N Sh(q) + N h J (q S ) . On utilise une premi` ere fois le lemme 2 qui donne Φ S J (q), J (q S )
= 0, puis on applique le lemme 3 avec P = Φ S , α = J(q), β = J (q S ):
[ Q J (q S )
: Q ]h J(q S )
≤ [ Q J(q) : Q ]
log L(Φ S ) + ψ(S)h J(q) . On utilise encore le lemme 2, qui donne d’abord
[ Q J(q S )
: Q ] ≤ C 8 ψ(S), puis
log L(Φ S ) ≤ C 9 S 2 . Par cons´ equent on a
[Q J (q S )
: Q]h J (q S )
≤ C 10 S 2 , ce qui permet de conclure
[ Q (ξ) : Q ]h(ξ) ≤ C 11 N S(S + log N ) log log(3S).
Comme |q −S ∆(q S )| est minor´ e par C 12 > 0, la minoration annonc´ ee pour |F (q S )| r´ esulte de l’in´ egalit´ e de Liouville:
log |ξ| ≥ −[Q(ξ) : Q]h(ξ).
Septi` eme pas: conclusion
En rapprochant la majoration du quatri` eme pas
|F (q S )| ≤ |q| M S M 31N de la minoration du sixi` eme, on trouve
M ≤ C 13 N (S + log M ) log log(3S).
Mais cette majoration n’est pas compatible avec les in´ egalit´ es M ≥ L = [N 2 /2], S 2 ≤ γN log M.
Cela montre que l’hypoth` ese faite au sixi` eme pas, suivant laquelle q et J (q) sont tous deux alg´ ebriques, n’est pas r´ ealisable.
D´ emonstration du th´ eor` eme 1 dans le cas p-adique Pas 1, 2 et 3.
On suppose C = C p . On utilise les trois premiers pas de la d´ emonstration pr´ ec´ edente. En particulier on dispose d’un polynˆ ome non nul A ∈ Z [X, Y ], de degr´ e < N en chaque variable, de longueur
≤ N 25N , tel que la fonction F = ∆ 2N A(z, J) ait un z´ ero de multiplicit´ e M ` a l’origine, avec M ≥ [N 2 /2].
Quatri` eme pas: majoration de |F | sur le disque unit´ e
Comme le d´ eveloppement de Taylor ` a l’origine de la fonction G(z) = z −M F (z) a ses coefficients dans Z , on a |G(z)| ≤ 1 pour |z| < 1, donc
|F (z)| ≤ |z| M pour |z| < 1.
La d´ emonstration est donc plus simple (et l’estimation plus pr´ ecise) que pour la quatri` eme
´
etape du cas complexe. Cependant nous aurons besoin d’une information qui a ´ et´ e d´ emontr´ ee dans le cas complexe: il s’agit de la majoration de la valeur absolue ordinaire |b 0 | ∞ du nombre rationnel b 0 = G(0):
|b 0 | ∞ ≤ C 5 N (LM ) 12N . Cinqui` eme pas: d´ efinition et majoration de S
Soit q un ´ el´ ement de C p v´ erifiant 0 < |q| < 1. On suppose que N est suffisamment grand par rapport ` a q, et on d´ esigne par S le plus petit entier ≥ 1 tel que F (q S ) 6= 0. On va ´ etablir la majoration S 2 ≤ γN log M , avec γ = 51 log(1/|q|) −1
.
Soit r = (1 + |q|)/2. On applique le principe du maximum |H(0)| ≤ |H| r ` a la fonction H(z) = F(z)
z M
S−1
Y
s=1
r z − q s . D’apr` es le quatri` eme pas, on a
|H| r = r −M |F| r ≤ 1.
D’un autre cˆ ot´ e le nombre G(0) = b 0 = (1/M !)F (M ) (0) est un entier rationnel non nul, et sa valeur absolue (p-adique – on la notera |b 0 | p pour ´ eviter toute confusion) est minor´ ee par l’inverse de sa valeur absolue archim´ edienne:
|b 0 | p ≥ |b 0 | −1 ∞ ≥ C 5 −N (LM ) −12N . On en d´ eduit
|H(0)| = |b 0 | p r S−1 |q| −S(S−1)/2 ≥ M −25N r S−1 |q| −S(S−1)/2 . On obtient ainsi
S(S − 1) log(1/|q|) ≤ 2(S − 1) log(1/r) + 50N log M.
Sixi` eme pas: minoration de |F (q S )|
On suppose maintenant que q est un ´ el´ ement de C p , 0 < |q| < 1, tel que q et J (q) soient alg´ ebriques.
La mˆ eme d´ emonstration que dans le cas complexe entraˆıne l’existence d’une constante C 7 > 0, ne d´ ependant que de q, telle que
|F (q S )| ≥ exp
−C 7 N S(S + log N ) log log(3S) .
Pour ´ etablir cette estimation on a besoin de la majoration de la longueur de A ´ etablie dans le second pas. Ainsi, mˆ eme dans le cas C = C p , il faut contrˆ oler les valeurs absolues archim´ ediennes des coefficients a ik de A.
Septi` eme pas: conclusion
La majoration du quatri` eme pas s’´ ecrit ici
|F (q S )| ≤ |q| M S . La conclusion s’obtient donc comme dans le cas complexe.
Remarque. Le lemme de z´ eros suivant, dˆ u ` a G. Philibert [19], permet de v´ erifier la majoration M ≤ 19L. La d´ emonstration de [19] est donn´ ee dans le cas complexe, mais le cas p-adique s’en d´ eduit.
Proposition 1. – Soient L 1 ≥ 0 et L 2 ≥ 1 deux entiers et A ∈ C[X, Y ] un polynˆ ome non nul v´ erifiant deg X A ≤ L 1 et deg Y A ≤ L 2 . Alors
ord 0 A z, J (z)
≤ 9L 1 L 2 + 3 2 L 2 − 1
2 .
Pour majorer M par 19L, on applique la proposition 1 avec L 1 = L 2 = N , L = [N 2 /2], et on utilise la relation
ord 0 F (z) = 2N + ord 0 A z, J (z) .
Remarque. Le cinqui` eme pas montre qu’il existe un entier s, dans l’intervalle 1 ≤ s ≤ (γN log M ) 1/2 , tel que F (q s ) ne soit pas nul. On peut aussi minorer le module d’un de ces nombres par voie analytique (en l’absence de toute hypoth` ese arithm´ etique). Au lieu d’utiliser un lemme de Schwarz, on utilise une formule d’interpolation [4] lemme 6 (comparer avec les lemmes 5 et 6 ci-dessous).
Cela est utile pour obtenir des r´ esultats quantitatifs, comme l’a fait K. Barr´ e dans [3] et [4].
2. Le th´ eor` eme de Nesterenko
Le r´ esultat principal de [16] et [17] s’´ enonce ainsi:
Soit q ∈ C satisfaisant 0 < |q| < 1. Alors le degr´ e de transcendance sur Q du corps Q q, P (q), Q(q), R(q)
est sup´ erieur ou ´ egal ` a 3.
Nous allons le d´ emontrer sous l’hypoth` ese additionnelle que J (q) est alg´ ebrique, ce qui s’´ enonce
ainsi:
Th´ eor` eme 2. – Soit q ∈ C satisfaisant 0 < |q| < 1 et tel que J (q) soit alg´ ebrique. Alors les trois nombres q, P (q) et ∆(q) sont alg´ ebriquement ind´ ependants.
Il est int´ eressant de noter que le th´ eor` eme de Chudnovsky [10] sur l’ind´ ependance alg´ ebrique des deux nombres ω/π et η/π, ainsi que son analogue p-adique (dˆ u ` a D. Bertrand [6]; voir aussi [2]) peuvent ˆ etre formul´ es de la mani` ere suivante:
Soit q ∈ C v´ erifiant 0 < |q| < 1. On suppose que J (q) est alg´ ebrique. Alors les deux nombres P (q) et ∆(q) sont alg´ ebriquement ind´ ependants.
On obtient l’ind´ ependance alg´ ebrique des nombres π, e π et Γ(1/4), ainsi que celle des nombres π, e π
√ 3 et Γ(1/3) en sp´ ecialisant q = e −2π et q = −e −π
√ 3 respectivement (cf. par exemple [1]). En appendice on donne les valeurs sp´ eciales non seulement des fonctions P , Q, R et ∆, mais aussi des trois fonctions thˆ eta θ 2 , θ 3 et θ 4 (voir [26]), ainsi que de leurs d´ eriv´ ees logarithmiques, aux points e 2iπτ pour les quatre premi` eres et e iπτ pour les suivantes, avec τ = i, puis τ = % = e 2iπ/3 .
La d´ emonstration de Y.V. Nesterenko [16], [17] utilise le crit` ere d’ind´ ependance alg´ ebrique de P. Philippon [20]. Elle n´ ecessite aussi un nouveau lemme de z´ eros ([17], Th´ eor` eme 3). Suivant une suggestion de P.Philippon ([22], §5), nous allons remplacer ces deux ingr´ edients par une mesure d’ind´ ependance alg´ ebrique; c’est elle qui impose l’hypoth` ese que J (q) est alg´ ebrique. La mesure que nous utiliserons (th´ eor` eme 3 ci-dessous) a ´ et´ e ´ etablie par G. Philibert [18]. Un raffinement s´ eparant degr´ e et hauteur est du ` a E.M. Jabbouri [13]; l’´ enonc´ e encore plus pr´ ecis propos´ e par G.V. Chudnovsky dans le chap.8 de [10] a r´ ecemment ´ et´ e enfin d´ emontr´ e par P. Philippon [24].
Il est vrai que le th´ eor` eme 3 demande encore une d´ emonstration transcendante, faisant inter- venir un crit` ere d’ind´ ependance alg´ ebrique et un lemme de z´ eros. Cependant ces deux outils sont plus faciles ` a ´ elaborer dans le cadre de [18]: le crit` ere d’ind´ ependance alg´ ebrique de P. Philippon utilis´ e dans [18] ne fait intervenir que deux nombres alg´ ebriquement ind´ ependants, tandis que le lemme de z´ eros (lemme 6 de [18], et [8]) repose sur des arguments analytiques plus simples que la d´ emonstration de Nesterenko. On peut d’ailleurs aussi utiliser le lemme de z´ eros de Philippon sur les groupes alg´ ebriques [21].
Le but de l’argument transcendant est de construire une suite de polynˆ omes non nuls qui, au point q, P (q), Q(q), R(q)
, prennent des valeurs non nulles dont on peut majorer le module.
Proposition 2. – Soit q ∈ C, 0 < |q| < 1. Il existe deux constantes positives c et κ, (d´ ependant de |q|), ayant la propri´ et´ e suivante: pour tout entier N suffisamment grand, il existe un entier M ≥ N 4 et un polynˆ ome non nul A N ∈ Z [z, X 1 , X 2 , X 3 ] tel que
deg A N ≤ cN log M, log H(A N ) ≤ cN (log M ) 2 , et
0 <
A N q, P (q), Q(q), R(q)
≤ e −κM . D´ emonstration de la proposition 2 dans le cas complexe
Ici encore nous utiliserons le lemme de Thue-Siegel pour construire une fonction auxiliaire.
Voir [23], §7a pour une d´ emonstration ne faisant intervenir que des d´ eterminants d’interpolation.
Premier pas: choix des param` etres
On d´ esigne par N un entier suffisamment grand. On pose L = [N 4 /2].
Deuxi` eme pas: la fonction auxiliaire: [17], lemme 2.1
Il existe un polynˆ ome non nul A ∈ Z [z, X 1 , X 2 , X 3 ], de degr´ e ≤ N par rapport ` a chacune des quatre variables, tel que la fonction F (z) = A z, P (z), Q(z), R(z)
ait, ` a l’origine, un z´ ero de multiplicit´ e
≥ L. Le lemme de Thue-Siegel permet de majorer la longueur d’un tel polynˆ ome A:
L(A) ≤ N 85N .
Troisi` eme pas: d´ efinition de M
Soit M = ord 0 F l’ordre de F en z = 0. La construction de A donne M ≥ L. Contrairement ` a Nesterenko nous ne majorons pas M par cN 4 avec c = 2 · 10 45 .
Quatri` eme pas: majoration de |F | sur le disque unit´ e
En utilisant le fait que la fonction F a un z´ ero de multiplicit´ e M ` a l’origine, on d´ eduit (par des arguments analogues ` a ceux du quatri` eme pas du paragraphe 1 — cf. [17] lemme 2.2)
|F (z)| ≤ |z| M N 103N (M + 1) 17N (17N )!
(1 − |z|) 17N+1 .
En particulier, pour tout r dans l’intervalle 0 < r < 1, si N a ´ et´ e choisi suffisamment grand par rapport ` a r, on a
|F(z)| ≤ |z| M M 48N pour |z| ≤ r.
Cinqui` eme pas: d´ efinition et majoration de T
Posons r = min{(1 + |q|)/2, 2|q|}. Notons que l’on a |q| < r < 1. Le but de ce cinqui` eme pas est de montrer que le nombre T = ord q F est major´ e par T ≤ γN log M , avec γ = 48 log(r/|q|) −1
. Pour cela on introduit la fonction
H(z) = F (z) z M ·
r 2 − qz r(z − q)
T . Comme H est holomorphe dans |z| < 1, on d´ eduit du quatri` eme pas,
|H| r = r −M |F | r ≤ M 48N .
D’un autre cˆ ot´ e le nombre (1/M !)F (M ) (0) est entier et n’est pas nul, donc
|H(0)| ≥ (r/|q|) T . Du principe du maximum |H(0)| ≤ |H| r on d´ eduit donc
(r/|q|) T ≤ M 48N , ce qui fournit la majoration annonc´ ee pour T .
Sixi` eme pas: construction de A N
Les trois fonctions P , Q, R v´ erifient le syst` eme d’´ equations diff´ erentielles DP = 1
12 (P 2 − Q), DQ = 1
3 (P Q − R), DR = 1
2 (P R − Q 2 ), avec D = z(d/dz). On introduit donc l’op´ erateur de d´ erivation
D = z d dz + 1
12 (X 1 2 − X 2 ) ∂
∂X 1
+ 1
3 (X 1 X 2 − X 3 ) ∂
∂X 2
+ 1
2 (X 1 X 3 − X 2 2 ) ∂
∂X 3
sur l’anneau C[z, X 1 , X 2 , X 3 ], de telle sorte que la d´ eriv´ ee de notre fonction auxiliaire F v´ erifie z d
dz F(z) = (DA) z, P (z), Q(z), R(z) . On pose
A N (z, X 1 , X 2 , X 3 ) = (12z) T (z −1 D) T A(z, X 1 , X 2 , X 3 ).
On v´ erifie
deg A N ≤ 4N + T ≤ (γ + 1)N log M,
L(A N ) ≤ N 85N 5 4N (48N + 24T ) T ≤ exp{2γN(log M ) 2 } et
|A N q, P (q), Q(q), R(q)
| ≤ 12 T T !(r − |q|) −T r M M 48N ≤ e −κM .
Ceci termine la d´ emonstration de la proposition 2 dans le cas complexe.
D´ emonstration de la proposition 2 dans le cas p-adique.
Nous avons vu, dans la situation du th´ eor` eme st´ ephanois, quels changements il convenait d’apporter pour passer du cas complexe au cas p-adique. Ici, comme le nombre entier b 0 = G(0) n’est pas nul, il suffit de remarquer que la valeur absolue usuelle |b 0 | ∞ de b 0 est major´ ee par
|b 0 | ∞ ≤ C N M 16N ,
avec une constante absolue C > 0, et d’utiliser l’in´ egalit´ e |b 0 | p ≥ |b 0 | −1 ∞ . On v´ erifie en effet que, pour k 0 , k 1 , k 2 , k 3 entiers dans l’intervalle [0, N − 1], le coefficient de z n dans le d´ eveloppement de Taylor de
z k0P (z) k1Q(z) k2R(z) k3
Q(z) k2R(z) k3
est major´ e par le coefficient de z n dans le d´ eveloppement de Taylor de (24 · 2!) k1(240 · 4!) k2(504 · 6!) k3
(504 · 6!) k3
(1 − z) k0+3k
1+5k
2+7k
3 . On majore k 0 + 3k 1 + 5k 2 + 7k 3 par 16N .
Dans le cinqui` eme pas de la d´ emonstration, on veut montrer que le nombre T = ord q F est major´ e par T ≤ γN log M, avec γ = 17 log(r/|q|) −1
et r = min{(1 + |q|)/2, 2|q|}. Pour cela on introduit la fonction
H(z) = F (z) z M ·
r z − q
T
.
Puisque le d´ eveloppement de Taylor de la fonction G(z) = z −M F (z) a ses coefficients dans Z, on a
|H| r = r −M |F| r ≤ 1.
Comme H(0) = b 0 (−r/q) T , la minoration pr´ ec´ edente pour |b 0 | p donne
|H(0)| ≥ (r/|q|) T C −N M −16N . De l’in´ egalit´ e |H(0)| ≤ |H| r on d´ eduit donc
T log(r/|q|) ≤ 17N log M.
Pour d´ eduire le th´ eor` eme 2 de la proposition 2, on utilise la mesure d’ind´ ependance alg´ ebrique de G. Philibert [18] pour les nombres ω/π et η/π: quand B est un polynˆ ome non nul ` a coefficients complexes, on d´ esigne par t(B) la somme du degr´ e total de B et du logarithme de sa longueur.
Proposition 3. – Soit ℘ une fonction elliptique de Weierstraß d’invariants g 2 et g 3 alg´ ebriques.
Soit ω une p´ eriode non nulle de ℘ et soit η la quasi-p´ eriode correspondante de la fonction ζ de Weierstraß attach´ ee ` a ℘:
ζ 0 = −℘, ζ(z + ω) = ζ(z) + η.
Pour tout > 0 il existe une constante C = C(, g 2 , g 3 , ω) > 0 v´ erifiant la propri´ et´ e suivante: si B ∈ Z [X, Y ] est un polynˆ ome non nul, on a
|B(ω/π, η/π)| > exp{−Ct(B) 3+ }.
On utilisera encore le petit lemme suivant
Lemme 4. – Soient θ 1 , . . . , θ t , ξ 1 , . . . , ξ m des ´ el´ ements de C. On suppose que chacun des m nombres ξ i , (1 ≤ i ≤ m) est alg´ ebrique sur le corps Q (θ 1 , . . . , θ t ). Il existe une constante positive C telle que, si T est un nombre r´ eel ≥ 1 et A ∈ Z [Y 1 , . . . , Y m ] un polynˆ ome non nul v´ erifiant t(A) ≤ T et A(ξ 1 , . . . , ξ m ) 6= 0, alors il existe un polynˆ ome B ∈ Z[X 1 , . . . , X t ] tel que t(B) ≤ CT et
0 < |B(θ 1 , . . . , θ t )| ≤ e CT |A(ξ 1 , . . . , ξ m )|.
D´ emonstration. Pour 1 ≤ i ≤ m, comme ξ i est alg´ ebrique sur le corps Q (θ 1 , . . . , θ t ), il ex- iste un polynˆ ome A i ∈ Z[X 1 , . . . , X m , Y ] tel que A i (θ 1 , . . . , θ t , Y ) soit irr´ eductible dans l’anneau Q (θ 1 , . . . , θ t )[Y ] et s’annule au point ξ i .
La d´ emonstration consiste ` a ´ eliminer, dans l’anneau Z [X 1 , . . . , X t , Y 1 , . . . , Y m ], les m variables Y 1 , . . . , Y m entre les m + 1 polynˆ omes A, A 1 , . . . , A m .
Quitte ` a remplacer t par t + m, on peut supposer θ i = ξ i pour 1 ≤ i ≤ t. Par r´ ecurrence, il suffit alors de traiter le cas m = t + 1. On ´ ecrira ξ pour ξ t+1 .
Comme A t+1 (θ 1 , . . . , θ t , Y ) s’annule au point ξ, il ne divise pas A(θ 1 , . . . , θ t , Y ) dans l’anneau Q (θ 1 , . . . , θ t )[Y ]. Mais il est aussi irr´ eductible dans cet anneau. Donc le r´ esultant de A(θ 1 , . . . , θ t , Y ) et A t+1 (θ 1 , . . . , θ t , Y ) est un ´ el´ ement non nul de Z[θ 1 , . . . , θ t ]; on l’´ ecrit B(θ 1 , . . . , θ t ), o` u B appar- tient ` a l’anneau Z [X 1 , . . . , X t ] et v´ erifie les propri´ et´ es voulues.
D´ emonstration du th´ eor` eme 2. Soit q un nombre complexe, 0 < |q| < 1, tel que le nombre J (q) soit alg´ ebrique. Il existe τ dans le demi-plan sup´ erieur H tel que q = e 2iπτ . On choisit aussi une racine douzi` eme de ∆(q) et on pose ω = 2π∆(q) 1/12 . La fonction elliptique ℘ de Weierstraß attach´ ee au r´ eseau ( Z + Z τ )ω a pour invariants g 2 , g 3 des nombres alg´ ebriques, et on a, avec les notations de la proposition 3,
P (q) = 3 ω π · η
π , Q(q) = 3 4
ω π
4
g 2 , R(q) = 27 8
ω π
6
g 3
et
∆(q) = ω 2π
12
(g 3 2 − 27g 2 3 ).
Si les trois nombres q, P (q) et ∆(q) sont alg´ ebriquement d´ ependants, alors (ω/π, η/π) est une base de transcendance sur Q du corps Q g 2 , g 3 , q, P (q), Q(q), R(q)
. Grˆ ace ` a la proposition 2, on peut appliquer le lemme 4 avec t = 2, m = 4, θ 1 = ω/π, θ 2 = η/π, ξ 1 = q, ξ 2 = P (q), ξ 3 = Q(q), ξ 4 = R(q) et T = 2N(log M) 2 . On trouve ainsi une contradiction avec la mesure de transcendance fournie par la proposition 3 avec = 1/2.
Remarque. Au cinqui` eme pas on s’est content´ e de trouver une valeur non nulle pour une d´ eriv´ ee de F en z = q. On peut faire un peu mieux et trouver une telle valeur qui ne soit pas trop petite en module:
|D T F (q)| ≥ 1
2 |q|
2M
.
L’existence de cet entier T repose sur une formule d’interpolation (voir la d´ emonstration du lemme 2.3 de [17]). Bien que cela n’ait pas d’utilit´ e directe dans la d´ emonstration pr´ ec´ edente du th´ eor` eme 2, nous indiquons comment se fait cette autre approche car elle est utile pour obtenir des ´ enonc´ es d’approximation diophantienne.
Voici donc le r´ esultat, d’abord dans le cas complexe C = C , puis dans le cas ultram´ etrique.
Lemme 5. – Soient M et T deux entiers ≥ 0, r un nombre r´ eel et q un nombre complexe v´ erifiant 0 < |q| ≤ r. Soit F une fonction analytique dans un ouvert du plan complexe contenant le disque
|z| ≤ r. On suppose que F a un z´ ero de multiplicit´ e ≥ M ` a l’origine. Alors
r M
M ! |F (M ) (0)| ≤ r
|q|
−T
|F | r + 2 M+T r
|q|
M
·
T−1
X
t=0
|q|
2 t
1
t! |F (t) (q)|.
D´ emonstration. Pour |q| = r, ainsi que pour T = 0, la majoration r´ esulte des in´ egalit´ es de Cauchy (et le second terme est alors superflu). On peut donc supposer |q| < r et T ≥ 1. La d´ emonstration consiste ` a int´ egrer la fonction m´ eromorphe
G(z) = F (z) z M+1
r 2 − qz r(z − q)
T
sur le cercle |z| = r. L’int´ egrale
I = 1 2iπ
Z
|z|=r
G(z)dz est clairement major´ ee par
|I| ≤ r −M |F| r . Le r´ esidu en z = 0 est
− r q
T
1
M ! F (M ) (0), tandis que le r´ esidu en z = q peut s’´ ecrire (cf. [17] p.72)
1 (T − 1)!
d dz
T−1
F(z)(r 2 − qz) T z M +1 r T
z=q
=
T −1
X
t=0
c t
F (t) (q) t!r T , avec des nombres complexes
c t = 1 (T − t − 1)!
d dz
T−t−1
(r 2 − qz) T z M+1
z=q
= 1 2iπ
Z
|z−q|=|q|/2
(r 2 − qz) T (z − q) T−t · dz
z M+1 qui satisfont
|c t | ≤ r 2T (2/|q|) M +T−t , (0 ≤ t < T );
(on a major´ e |r 2 − qz| par r 2 sur le cercle |z − q| = |q|/2). Ceci termine la d´ emonstration du lemme 5.
Passons au cas ultram´ etrique.
Lemme 6. – Soient p un nombre premier, M et T deux entiers ≥ 0, r un nombre r´ eel dans l’intervalle 0 < r < 1 et q un ´ el´ ement de C p v´ erifiant 0 < |q| ≤ r. Soit F une fonction analytique dans le disque unit´ e de C p , ayant un z´ ero de multiplicit´ e ≥ M ` a l’origine. Alors
r M
1
M! F (M) (0)
≤ max (
r
|q|
−T
|F | r ; r
|q|
M 0≤t<T max
q t
t! F (t) (q)
) .
D´ emonstration. Les in´ egalit´ es de Cauchy permettent de supposer |q| < r. On ´ ecrit le d´ eveloppe- ment de Taylor de F en z = 0 et en z = q:
F (z) =
∞
X
m=M
a m z m =
∞
X
n=0
b n (z − q) n , et on pose
B = max
0≤t<T |q t b t |.
Ainsi la conclusion s’´ ecrit
r M |a M | ≤ max (
r
|q|
−T
|F | r ; r
|q|
M
B )
.
On va d´ ej` a montrer qu’il existe des ´ el´ ements c 0 , . . . , c T−1 de C p tels que la fonction G(z) = F (z) − z M
T −1
X
t=0
c t (z − q) t
admette en z = q un z´ ero de multiplicit´ e ≥ T . En ´ ecrivant le d´ eveloppement de Taylor en z = q de z M :
z M =
M
X
m=0
M m
q M −m (z − q) m , on peut ´ ecrire celui de la fonction G cherch´ ee:
G(z) =
∞
X
n=0
b n − X
0≤m≤M 0≤t<T m+t=n