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• le th´ eor` eme de Yu.V. Nesterenko, qui donne l’ind´ ependance alg´ ebrique sur Q des trois nombres π, e π et Γ(1/4).

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Texte intégral

(1)

TRANSCENDANCE ET IND ´ EPENDANCE ALG ´ EBRIQUE DE VALEURS DE FONCTIONS MODULAIRES

par Michel WALDSCHMIDT

L’expos´ e donn´ e ` a l’Universit´ e d’Ottawa le 21 Aoˆ ut 1996 dans le cadre de la cinqui` eme conf´ e- rence de l’Association de Th´ eorie des Nombres du Canada pr´ esentait, dans un contexte historique, les deux principaux r´ esultats r´ ecents sur la transcendance de valeurs de fonctions modulaires:

• le th´ eor` eme st´ ephanois (K. Barr´ e-Sirieix, G. Diaz, F. Gramain, G. Philibert), selon lequel, pour tout nombre complexe ou p-adique q satisfaisant 0 < |q| < 1, l’un au moins des deux nombres q, J(q) est transcendant

• le th´ eor` eme de Yu.V. Nesterenko, qui donne l’ind´ ependance alg´ ebrique sur Q des trois nombres π, e π et Γ(1/4).

Ces r´ esultats font l’objet d’un expos´ e au S´ eminaire Bourbaki [26], o` u on trouvera d’autres infor- mations sur ce sujet, ainsi qu’une liste de r´ ef´ erences.

Nous donnons ici des variantes des d´ emonstrations originales de chacun de ces deux r´ esultats, seulement esquiss´ ees dans [26]. Pour le th´ eor` eme st´ ephanois, la variante a ´ et´ e sugg´ er´ ee par D.

Bertrand, tandis que pour le th´ eor` eme de Nesterenko, c’est P. Philippon qui l’a propos´ ee. Nous compl´ etons ce texte par quelques remarques sur la conjecture des quatre exponentielles, en liaison avec les propri´ et´ es arithm´ etiques de la fonction J.

Ce texte a b´ en´ efici´ e de remarques pertinentes de Guy Diaz que je suis heureux de remercier ici.

Nous utiliserons les notations suivantes: la longueur L(A) d’un polynˆ ome A ` a coefficients dans Z est la somme des valeurs absolues (ordinaires) de ses coefficients. La mesure de Mahler d’un nombre alg´ ebrique γ de polynˆ ome minimal a 0 (z − γ 1 ) · · · (z − γ d ) est le nombre

M(γ) = a 0 d

Y

i=1

max{1, |γ i |}, tandis que sa hauteur est

h(γ) = 1

d log M(γ).

L’in´ egalit´ e de Liouville s’´ ecrit

log |γ | ≥ −[ Q (γ ) : Q ]h(γ) pour tout nombre γ alg´ ebrique non nul.

On d´ esignera par C soit le corps C des nombres complexes, soit le compl´ et´ e C p d’une clˆ oture

alg´ ebrique de Q p , pour p premier; la valeur absolue sur C sera le plus souvent not´ ee | · |. Pour un

(2)

nombre rationnel a ∈ Q , s’il y a risque de confusion, on notera |a| sa valeur absolue ordinaire (archim´ edienne) et, pour p premier, |a| p sa valeur absolue p-adique.

Soient r un nombre r´ eel ≥ 0 et f une fonction analytique dans un ouvert de C contenant le disque |z| ≤ r. Si C = C , on pose |f | r = sup |z|=r |f (z)|. Supposons maintenant C = C p . On d´ esigne par G le groupe des valeurs: c’est l’image de C p dans R ≥0 par l’application x 7→ |x|, et c’est un sous-groupe dense de R ≥0 . Si r appartient ` a G, on pose encore |f | r = sup |z|=r |f (z)|. Si r n’appartient pas au groupe des valeurs, on d´ efinit

|f | r = lim

%∈G

%→r

|f | % . Ainsi le principe du maximum s’´ ecrit, dans tous les cas,

|f (z)| ≤ |f | r pour z ∈ C, |z| ≤ r.

1. Le th´ eor` eme St´ ephanois

On consid` ere les s´ eries d’Eisenstein de poids 2, 4 et 6:

P (z) = 1 − 24

X

n=1

nz n 1 − z n , Q(z) = 1 + 240

X

n=1

n 3 z n 1 − z n , R(z) = 1 − 504

X

n=1

n 5 z n 1 − z n . On d´ efinit ( 1 )

∆ = 12 −3 (Q 3 − R 2 ) et J = Q 3 /∆.

Ainsi

J(z) = 1

z + 744 + 196884z + · · · Le th´ eor` eme suivant [5] est appel´ e th´ eor` eme st´ ephanois.

Th´ eor` eme 1. – Soit q ∈ C v´ erifiant 0 < |q| < 1. Alors l’un au moins des deux nombres q, J(q) est transcendant.

Suivant une suggestion de Bertrand [7] (voir aussi [4], lemme 2), nous utiliserons le lemme suivant:

Lemme 1. – Il existe une constante absolue C 1 > 0 ayant la propri´ et´ e suivante: pour N et k entiers rationnels v´ erifiant 0 ≤ k ≤ N et N ≥ 1, on ´ ecrit le d´ eveloppement de Taylor de ∆ 2N J k ` a l’origine:

∆(z) 2N J(z) k =

X

n=1

c N k (n)z n .

Alors, pour tout n ≥ 1, le nombre c N k (n) est entier rationnel, de valeur absolue (usuelle) major´ ee par

|c N k (n)| ≤ C 1 N n 12N .

( 1 ) La fonction not´ ee ∆ dans [25] est le produit de la nˆ otre par (2π) 12

(3)

D´ emonstration du lemme 1. Les coefficients de Taylor du d´ eveloppement de la fonction Q ` a l’origine sont clairement des entiers rationnels:

Q(z) = 1 + 240

X

n=1

σ 3 (n)z n , avec σ 3 (n) = X

d|n

d 3 .

Il en est de mˆ eme pour ∆, comme le montre le produit infini de Jacobi (q-d´ eveloppement)

∆(z) = z Y

n≥1

(1 − z n ) 24 . Par cons´ equent on a c N k (n) ∈ Z pour tout n ≥ 1.

Afin d’estimer les valeurs absolues de ces entiers, on reprend la d´ emonstration du th´ eor` eme de Hecke majorant les coefficients du d´ eveloppement de Taylor d’une forme modulaire ([25], th´ eor` eme 5, §4.3, Chap. VII; voir aussi [4], lemme 2).

Pour τ = x + iy ∈ C avec x et y r´ eels, si on pose z = e 2iπτ , on a log(1/|z|) = 2πy. Les fonctions

∆(e 2iπτ ) 2 et (∆ 2 J )(e 2iπτ ) sont des formes modulaires paraboliques de poids 24. Cela permet de montrer que chacune des deux fonctions

ϕ 1 (z) = |∆(z) 2 | log(1/|z|) 12

et ϕ 2 (z) = |∆(z) 2 J(z)| log(1/|z|) 12

est born´ ee sur le disque unit´ e du plan complexe. On d´ efinit une constante absolue C 2 > 0 par C 2 = max

1 , sup

|z|<1

ϕ 1 (z) , sup

|z|<1

ϕ 2 (z) . Pour |z| < 1 et 0 ≤ k ≤ N on a donc

|∆ 2N (z)J (z) k | ≤ C 2 N log(1/|z|) −12N

. On d´ eduit alors le lemme 1 des in´ egalit´ es de Cauchy.

Le deuxi` eme lemme ([5], lemme 2) fait intervenir la fonction arithm´ etique ψ(n) = n Y

p|n

1 + 1

p

, qui satisfait

lim sup

n→∞

n(log log n) −1

ψ(n) < ∞.

Lemme 2. – Il existe une constante absolue c > 0 ayant la propri´ et´ e suivante. Soit n un entier positif. Il existe un polynˆ ome non nul Φ n ∈ Z [X, Y ], sym´ etrique en X et Y , de degr´ e ψ(n) en chaque variable, de longueur ≤ e cn

2

, tel que

Φ n J(q), J (q n )

= 0.

Le r´ esultat de P. Cohen [11] cit´ e dans [5] donne une borne n cψ(n) pour la longueur, mais nous aurons besoin seulement de l’estimation plus faible que nous avons ´ enonc´ ee, et qui r´ esulte de la borne ant´ erieure e cn

3/2

donn´ ee par K. Mahler [14].

Un troisi` eme lemme permettra d’estimer la hauteur d’un nombre alg´ ebrique connaissant un polynˆ ome (` a coefficients alg´ ebriques) dont il est racine: c’est le lemme 5 de [5]. A propos, le lemme 3 ci-dessous peut ˆ etre remplac´ e par le lemme 2 de [7]; on dispose donc de deux outils diff´ erents.

Lemme 3. – Soit P ∈ Z [X, Y ] un polynˆ ome en deux variables ` a coefficients entiers et soient α, β deux nombres alg´ ebriques. On suppose que le polynˆ ome P (α, Y ) ∈ Q (α)[Y ] a un degr´ e ≥ 1 et s’annule au point β. Alors

log M(β) ≤ [ Q (α) : Q ] log L(P ) + deg X (P )h(α)

.

(4)

D´ emonstration du th´ eor` eme 1 dans le cas complexe

Nous utiliserons la m´ ethode de [5] qui introduit une fonction auxiliaire. Notons cependant que P. Philippon ([23], §6a) ´ evite le recours au lemme de Thue-Siegel grˆ ace ` a la m´ ethode des d´ eterminants d’interpolation de M. Laurent.

Premier pas: choix des param` etres

La premi` ere ´ etape consiste ` a introduire des param` etres pour que les estimations qui vont suivre soient valides. On choisit deux entiers positifs suffisamment grands L et N . Un choix convenable consiste a prendre pour N un entier, suffisamment grand, puis ` a d´ efinir L = [N 2 /2]. Pendant les quatre premiers pas, il suffit que N soit plus grand qu’une constante absolue (effectivement calculable) pour que les estimations soient valables. On d´ esignera par C 3 , . . . , C 6 des constantes absolues. A partir du cinqui` eme pas, on fera intervenir des constantes C 7 , . . . , C 13 d´ ependant de q.

Au septi` eme et dernier pas, pour obtenir la conclusion, on fera tendre N vers l’infini.

Deuxi` eme pas: la fonction auxiliaire

On va montrer l’existence d’un polynˆ ome non nul A ∈ Z [X, Y ], de degr´ e < N par rapport ` a chaque variable, tel que la fonction analytique F (z) = ∆(z) 2N A z, J (z)

ait un z´ ero ` a l’origine de multiplicit´ e ≥ L.

Ecrivons le polynˆ ome inconnu

A(X, Y ) =

N−1

X

i=0 N−1

X

k=0

a ik X i Y k .

En utilisant les notations du lemme 1, on peut ´ ecrire F(z) =

N −1

X

i=0 N −1

X

k=0

a ik z i ∆(z) 2N J (z) k =

N−1

X

i=0 N−1

X

k=0

X

n=1

a ik c N k (n)z i+n . Le syst` eme d’´ equations que l’on veut r´ esoudre est

min{ν,N−1}

X

i=0

N −1

X

k=0

a ik c N k (ν − i) = 0, (0 ≤ ν < L).

Il s’agit d’un syst` eme lin´ eaire homog` ene de L ´ equations en N 2 inconnues, ` a coefficients dans Z.

Grˆ ace ` a la condition N 2 ≥ 2L et ` a la borne

0≤ν<L max

min{ν,N−1}

X

i=0

N−1

X

k=0

|c N k (ν − i)| ≤ N 2 C 1 N L 12N ,

on d´ eduit du lemme de Thue-Siegel (voir par exemple [5], lemme 3) qu’il existe une solution non triviale v´ erifiant

L(A) =

N −1

X

i=0 N −1

X

k=0

|a ik | ≤ C 3 N L 12N .

Comme N est suffisamment grand, on peut majorer simplement la longueur de A par N 25N . Troisi` eme pas: d´ efinition de M

Les fonctions z et J (z) sont alg´ ebriquement ind´ ependantes (cf. [5], lemme 4), donc la fonction F

n’est pas identiquement nulle. On d´ esigne par M = ord 0 F sa multiplicit´ e ` a l’origine. D’apr` es le

second pas, on a M ≥ L.

(5)

Quatri` eme pas: majoration de |F | sur le disque unit´ e On ´ etablit l’estimation suivante:

|F (z)| < C 4 N M 30N |z| M

(1 − |z|) 12N +1 pour |z| < 1.

En effet, comme F a un z´ ero de multiplicit´ e M ` a l’origine, la fonction G(z) = z −M F (z) est analytique dans le disque unit´ e |z| < 1. Ecrivons son d´ eveloppement de Taylor ` a l’origine:

G(z) = X

ν≥0

b ν z ν avec b ν =

N −1

X

i=0 N −1

X

k=0

a ik c N k (M + ν − i).

Du lemme 1 et de la construction de A on d´ eduit, pour tout ν ≥ 0,

|b ν | ≤ C 5 N L 12N (M + ν) 12N . On a, pour |z| < 1,

X

ν=0

(M + ν) 12N |z| ν ≤ (M + 1) 12N 1 +

X

ν=1

ν 12N |z| ν

!

≤ 2M 12N (12N )!

(1 − |z|) 12N +1 . On en d´ eduit, encore pour |z| < 1,

|G(z)| ≤ C 5 N L 12N

X

ν=0

(M + ν) 12N |z| ν ≤ C 6 N (LM N ) 12N 1

(1 − |z|) 12N +1 . On trouve ainsi, toujours pour |z| < 1,

|F (z)| ≤ |z| M C 6 N (LM N ) 12N 1

(1 − |z|) 12N+1 . Pour conclure on utilise les majorations L ≤ M et N 2 < 2(L + 1).

On utilisera la majoration de |F (z)| sous la forme suivante: pour tout nombre r´ eel r dans l’intervalle 0 < r < 1, si N est suffisamment grand en fonction de r, on a

|F (z)| ≤ |z| M M 31N pour |z| ≤ r.

Cinqui` eme pas: d´ efinition et majoration de S

C’est maintenant que q rentre en sc` ene. Pour l’instant, q est un nombre complexe v´ erifiant 0 <

|q| < 1, et N est suffisamment grand par rapport ` a q. On d´ esigne par S le plus petit entier ≥ 1 tel que F (q S ) 6= 0. L’existence de S vient du fait que la fonction F n’est pas identiquement nulle. On va ´ etablir la majoration S 2 ≤ γN log M, avec γ = 63 log(1/|q|) −1

.

Soit r = (1 + |q|)/2. On applique le principe du maximum |H(0)| ≤ |H| r ` a la fonction H(z) = F (z)

z M

S−1

Y

s=1

r 2 − zq s

r(z − q s ) .

(6)

D’apr` es le quatri` eme pas, on a

|H| r = r −M |F | r ≤ M 31N .

D’un autre cˆ ot´ e, puisque les coefficients du d´ eveloppement de Taylor de ∆ 2 et de ∆ 2 J ` a l’origine sont des entiers rationnels, le nombre G(0) = b 0 = (1/M !)F (M) (0) est un entier rationnel non nul.

Comme C = C, on minore sa valeur absolue usuelle par 1, et on trouve

|H(0)| ≥ r S−1 |q| −S(S−1)/2 . On obtient ainsi

S(S − 1) log(1/|q|) ≤ 2(S − 1) log(1/r) + 62N log M.

On peut supposer S ≥ 189. Alors (S − 2)(S − 1) > 62 63 S 2 , donc S(S − 1) log(1/|q|) − 2(S − 1) log(1/r) > 62

γ S 2 ; on en d´ eduit la majoration annonc´ ee pour S 2 .

Sixi` eme pas: minoration de |F (q S )|

On suppose maintenant que q est un nombre complexe, 0 < |q| < 1, tel que q et J(q) soient alg´ ebriques. On va montrer l’existence d’une constante C 7 > 0, ne d´ ependant que de q, telle que

|F (q S )| ≥ exp

−C 7 N S(S + log N ) log log(3S) .

On reprend pour cela le quatri` eme pas de la d´ emonstration de [5]. On majore la hauteur logarith- mique absolue du nombre alg´ ebrique

ξ = ∆(q S ) −2N F(q S ) = A q S , J (q S ) de la mani` ere suivante:

h(ξ) ≤ log L(A) + N h(q S ) + N h J (q S )

≤ 25N log N + N Sh(q) + N h J (q S ) . On utilise une premi` ere fois le lemme 2 qui donne Φ S J (q), J (q S )

= 0, puis on applique le lemme 3 avec P = Φ S , α = J(q), β = J (q S ):

[ Q J (q S )

: Q ]h J(q S )

≤ [ Q J(q) : Q ]

log L(Φ S ) + ψ(S)h J(q) . On utilise encore le lemme 2, qui donne d’abord

[ Q J(q S )

: Q ] ≤ C 8 ψ(S), puis

log L(Φ S ) ≤ C 9 S 2 . Par cons´ equent on a

[Q J (q S )

: Q]h J (q S )

≤ C 10 S 2 , ce qui permet de conclure

[ Q (ξ) : Q ]h(ξ) ≤ C 11 N S(S + log N ) log log(3S).

Comme |q −S ∆(q S )| est minor´ e par C 12 > 0, la minoration annonc´ ee pour |F (q S )| r´ esulte de l’in´ egalit´ e de Liouville:

log |ξ| ≥ −[Q(ξ) : Q]h(ξ).

(7)

Septi` eme pas: conclusion

En rapprochant la majoration du quatri` eme pas

|F (q S )| ≤ |q| M S M 31N de la minoration du sixi` eme, on trouve

M ≤ C 13 N (S + log M ) log log(3S).

Mais cette majoration n’est pas compatible avec les in´ egalit´ es M ≥ L = [N 2 /2], S 2 ≤ γN log M.

Cela montre que l’hypoth` ese faite au sixi` eme pas, suivant laquelle q et J (q) sont tous deux alg´ ebriques, n’est pas r´ ealisable.

D´ emonstration du th´ eor` eme 1 dans le cas p-adique Pas 1, 2 et 3.

On suppose C = C p . On utilise les trois premiers pas de la d´ emonstration pr´ ec´ edente. En particulier on dispose d’un polynˆ ome non nul A ∈ Z [X, Y ], de degr´ e < N en chaque variable, de longueur

≤ N 25N , tel que la fonction F = ∆ 2N A(z, J) ait un z´ ero de multiplicit´ e M ` a l’origine, avec M ≥ [N 2 /2].

Quatri` eme pas: majoration de |F | sur le disque unit´ e

Comme le d´ eveloppement de Taylor ` a l’origine de la fonction G(z) = z −M F (z) a ses coefficients dans Z , on a |G(z)| ≤ 1 pour |z| < 1, donc

|F (z)| ≤ |z| M pour |z| < 1.

La d´ emonstration est donc plus simple (et l’estimation plus pr´ ecise) que pour la quatri` eme

´

etape du cas complexe. Cependant nous aurons besoin d’une information qui a ´ et´ e d´ emontr´ ee dans le cas complexe: il s’agit de la majoration de la valeur absolue ordinaire |b 0 | du nombre rationnel b 0 = G(0):

|b 0 | ≤ C 5 N (LM ) 12N . Cinqui` eme pas: d´ efinition et majoration de S

Soit q un ´ el´ ement de C p v´ erifiant 0 < |q| < 1. On suppose que N est suffisamment grand par rapport ` a q, et on d´ esigne par S le plus petit entier ≥ 1 tel que F (q S ) 6= 0. On va ´ etablir la majoration S 2 ≤ γN log M , avec γ = 51 log(1/|q|) −1

.

Soit r = (1 + |q|)/2. On applique le principe du maximum |H(0)| ≤ |H| r ` a la fonction H(z) = F(z)

z M

S−1

Y

s=1

r z − q s . D’apr` es le quatri` eme pas, on a

|H| r = r −M |F| r ≤ 1.

D’un autre cˆ ot´ e le nombre G(0) = b 0 = (1/M !)F (M ) (0) est un entier rationnel non nul, et sa valeur absolue (p-adique – on la notera |b 0 | p pour ´ eviter toute confusion) est minor´ ee par l’inverse de sa valeur absolue archim´ edienne:

|b 0 | p ≥ |b 0 | −1 ≥ C 5 −N (LM ) −12N . On en d´ eduit

|H(0)| = |b 0 | p r S−1 |q| −S(S−1)/2 ≥ M −25N r S−1 |q| −S(S−1)/2 . On obtient ainsi

S(S − 1) log(1/|q|) ≤ 2(S − 1) log(1/r) + 50N log M.

(8)

Sixi` eme pas: minoration de |F (q S )|

On suppose maintenant que q est un ´ el´ ement de C p , 0 < |q| < 1, tel que q et J (q) soient alg´ ebriques.

La mˆ eme d´ emonstration que dans le cas complexe entraˆıne l’existence d’une constante C 7 > 0, ne d´ ependant que de q, telle que

|F (q S )| ≥ exp

−C 7 N S(S + log N ) log log(3S) .

Pour ´ etablir cette estimation on a besoin de la majoration de la longueur de A ´ etablie dans le second pas. Ainsi, mˆ eme dans le cas C = C p , il faut contrˆ oler les valeurs absolues archim´ ediennes des coefficients a ik de A.

Septi` eme pas: conclusion

La majoration du quatri` eme pas s’´ ecrit ici

|F (q S )| ≤ |q| M S . La conclusion s’obtient donc comme dans le cas complexe.

Remarque. Le lemme de z´ eros suivant, dˆ u ` a G. Philibert [19], permet de v´ erifier la majoration M ≤ 19L. La d´ emonstration de [19] est donn´ ee dans le cas complexe, mais le cas p-adique s’en d´ eduit.

Proposition 1. – Soient L 1 ≥ 0 et L 2 ≥ 1 deux entiers et A ∈ C[X, Y ] un polynˆ ome non nul v´ erifiant deg X A ≤ L 1 et deg Y A ≤ L 2 . Alors

ord 0 A z, J (z)

≤ 9L 1 L 2 + 3 2 L 2 − 1

2 .

Pour majorer M par 19L, on applique la proposition 1 avec L 1 = L 2 = N , L = [N 2 /2], et on utilise la relation

ord 0 F (z) = 2N + ord 0 A z, J (z) .

Remarque. Le cinqui` eme pas montre qu’il existe un entier s, dans l’intervalle 1 ≤ s ≤ (γN log M ) 1/2 , tel que F (q s ) ne soit pas nul. On peut aussi minorer le module d’un de ces nombres par voie analytique (en l’absence de toute hypoth` ese arithm´ etique). Au lieu d’utiliser un lemme de Schwarz, on utilise une formule d’interpolation [4] lemme 6 (comparer avec les lemmes 5 et 6 ci-dessous).

Cela est utile pour obtenir des r´ esultats quantitatifs, comme l’a fait K. Barr´ e dans [3] et [4].

2. Le th´ eor` eme de Nesterenko

Le r´ esultat principal de [16] et [17] s’´ enonce ainsi:

Soit q ∈ C satisfaisant 0 < |q| < 1. Alors le degr´ e de transcendance sur Q du corps Q q, P (q), Q(q), R(q)

est sup´ erieur ou ´ egal ` a 3.

Nous allons le d´ emontrer sous l’hypoth` ese additionnelle que J (q) est alg´ ebrique, ce qui s’´ enonce

ainsi:

(9)

Th´ eor` eme 2. – Soit q ∈ C satisfaisant 0 < |q| < 1 et tel que J (q) soit alg´ ebrique. Alors les trois nombres q, P (q) et ∆(q) sont alg´ ebriquement ind´ ependants.

Il est int´ eressant de noter que le th´ eor` eme de Chudnovsky [10] sur l’ind´ ependance alg´ ebrique des deux nombres ω/π et η/π, ainsi que son analogue p-adique (dˆ u ` a D. Bertrand [6]; voir aussi [2]) peuvent ˆ etre formul´ es de la mani` ere suivante:

Soit q ∈ C v´ erifiant 0 < |q| < 1. On suppose que J (q) est alg´ ebrique. Alors les deux nombres P (q) et ∆(q) sont alg´ ebriquement ind´ ependants.

On obtient l’ind´ ependance alg´ ebrique des nombres π, e π et Γ(1/4), ainsi que celle des nombres π, e π

√ 3 et Γ(1/3) en sp´ ecialisant q = e −2π et q = −e −π

√ 3 respectivement (cf. par exemple [1]). En appendice on donne les valeurs sp´ eciales non seulement des fonctions P , Q, R et ∆, mais aussi des trois fonctions thˆ eta θ 2 , θ 3 et θ 4 (voir [26]), ainsi que de leurs d´ eriv´ ees logarithmiques, aux points e 2iπτ pour les quatre premi` eres et e iπτ pour les suivantes, avec τ = i, puis τ = % = e 2iπ/3 .

La d´ emonstration de Y.V. Nesterenko [16], [17] utilise le crit` ere d’ind´ ependance alg´ ebrique de P. Philippon [20]. Elle n´ ecessite aussi un nouveau lemme de z´ eros ([17], Th´ eor` eme 3). Suivant une suggestion de P.Philippon ([22], §5), nous allons remplacer ces deux ingr´ edients par une mesure d’ind´ ependance alg´ ebrique; c’est elle qui impose l’hypoth` ese que J (q) est alg´ ebrique. La mesure que nous utiliserons (th´ eor` eme 3 ci-dessous) a ´ et´ e ´ etablie par G. Philibert [18]. Un raffinement s´ eparant degr´ e et hauteur est du ` a E.M. Jabbouri [13]; l’´ enonc´ e encore plus pr´ ecis propos´ e par G.V. Chudnovsky dans le chap.8 de [10] a r´ ecemment ´ et´ e enfin d´ emontr´ e par P. Philippon [24].

Il est vrai que le th´ eor` eme 3 demande encore une d´ emonstration transcendante, faisant inter- venir un crit` ere d’ind´ ependance alg´ ebrique et un lemme de z´ eros. Cependant ces deux outils sont plus faciles ` a ´ elaborer dans le cadre de [18]: le crit` ere d’ind´ ependance alg´ ebrique de P. Philippon utilis´ e dans [18] ne fait intervenir que deux nombres alg´ ebriquement ind´ ependants, tandis que le lemme de z´ eros (lemme 6 de [18], et [8]) repose sur des arguments analytiques plus simples que la d´ emonstration de Nesterenko. On peut d’ailleurs aussi utiliser le lemme de z´ eros de Philippon sur les groupes alg´ ebriques [21].

Le but de l’argument transcendant est de construire une suite de polynˆ omes non nuls qui, au point q, P (q), Q(q), R(q)

, prennent des valeurs non nulles dont on peut majorer le module.

Proposition 2. – Soit q ∈ C, 0 < |q| < 1. Il existe deux constantes positives c et κ, (d´ ependant de |q|), ayant la propri´ et´ e suivante: pour tout entier N suffisamment grand, il existe un entier M ≥ N 4 et un polynˆ ome non nul A N ∈ Z [z, X 1 , X 2 , X 3 ] tel que

deg A N ≤ cN log M, log H(A N ) ≤ cN (log M ) 2 , et

0 <

A N q, P (q), Q(q), R(q)

≤ e −κM . D´ emonstration de la proposition 2 dans le cas complexe

Ici encore nous utiliserons le lemme de Thue-Siegel pour construire une fonction auxiliaire.

Voir [23], §7a pour une d´ emonstration ne faisant intervenir que des d´ eterminants d’interpolation.

Premier pas: choix des param` etres

On d´ esigne par N un entier suffisamment grand. On pose L = [N 4 /2].

Deuxi` eme pas: la fonction auxiliaire: [17], lemme 2.1

Il existe un polynˆ ome non nul A ∈ Z [z, X 1 , X 2 , X 3 ], de degr´ e ≤ N par rapport ` a chacune des quatre variables, tel que la fonction F (z) = A z, P (z), Q(z), R(z)

ait, ` a l’origine, un z´ ero de multiplicit´ e

≥ L. Le lemme de Thue-Siegel permet de majorer la longueur d’un tel polynˆ ome A:

L(A) ≤ N 85N .

(10)

Troisi` eme pas: d´ efinition de M

Soit M = ord 0 F l’ordre de F en z = 0. La construction de A donne M ≥ L. Contrairement ` a Nesterenko nous ne majorons pas M par cN 4 avec c = 2 · 10 45 .

Quatri` eme pas: majoration de |F | sur le disque unit´ e

En utilisant le fait que la fonction F a un z´ ero de multiplicit´ e M ` a l’origine, on d´ eduit (par des arguments analogues ` a ceux du quatri` eme pas du paragraphe 1 — cf. [17] lemme 2.2)

|F (z)| ≤ |z| M N 103N (M + 1) 17N (17N )!

(1 − |z|) 17N+1 .

En particulier, pour tout r dans l’intervalle 0 < r < 1, si N a ´ et´ e choisi suffisamment grand par rapport ` a r, on a

|F(z)| ≤ |z| M M 48N pour |z| ≤ r.

Cinqui` eme pas: d´ efinition et majoration de T

Posons r = min{(1 + |q|)/2, 2|q|}. Notons que l’on a |q| < r < 1. Le but de ce cinqui` eme pas est de montrer que le nombre T = ord q F est major´ e par T ≤ γN log M , avec γ = 48 log(r/|q|) −1

. Pour cela on introduit la fonction

H(z) = F (z) z M ·

r 2 − qz r(z − q)

T . Comme H est holomorphe dans |z| < 1, on d´ eduit du quatri` eme pas,

|H| r = r −M |F | r ≤ M 48N .

D’un autre cˆ ot´ e le nombre (1/M !)F (M ) (0) est entier et n’est pas nul, donc

|H(0)| ≥ (r/|q|) T . Du principe du maximum |H(0)| ≤ |H| r on d´ eduit donc

(r/|q|) T ≤ M 48N , ce qui fournit la majoration annonc´ ee pour T .

Sixi` eme pas: construction de A N

Les trois fonctions P , Q, R v´ erifient le syst` eme d’´ equations diff´ erentielles DP = 1

12 (P 2 − Q), DQ = 1

3 (P Q − R), DR = 1

2 (P R − Q 2 ), avec D = z(d/dz). On introduit donc l’op´ erateur de d´ erivation

D = z d dz + 1

12 (X 1 2 − X 2 ) ∂

∂X 1

+ 1

3 (X 1 X 2 − X 3 ) ∂

∂X 2

+ 1

2 (X 1 X 3 − X 2 2 ) ∂

∂X 3

sur l’anneau C[z, X 1 , X 2 , X 3 ], de telle sorte que la d´ eriv´ ee de notre fonction auxiliaire F v´ erifie z d

dz F(z) = (DA) z, P (z), Q(z), R(z) . On pose

A N (z, X 1 , X 2 , X 3 ) = (12z) T (z −1 D) T A(z, X 1 , X 2 , X 3 ).

On v´ erifie

deg A N ≤ 4N + T ≤ (γ + 1)N log M,

L(A N ) ≤ N 85N 5 4N (48N + 24T ) T ≤ exp{2γN(log M ) 2 } et

|A N q, P (q), Q(q), R(q)

| ≤ 12 T T !(r − |q|) −T r M M 48N ≤ e −κM .

Ceci termine la d´ emonstration de la proposition 2 dans le cas complexe.

(11)

D´ emonstration de la proposition 2 dans le cas p-adique.

Nous avons vu, dans la situation du th´ eor` eme st´ ephanois, quels changements il convenait d’apporter pour passer du cas complexe au cas p-adique. Ici, comme le nombre entier b 0 = G(0) n’est pas nul, il suffit de remarquer que la valeur absolue usuelle |b 0 | de b 0 est major´ ee par

|b 0 | ≤ C N M 16N ,

avec une constante absolue C > 0, et d’utiliser l’in´ egalit´ e |b 0 | p ≥ |b 0 | −1 . On v´ erifie en effet que, pour k 0 , k 1 , k 2 , k 3 entiers dans l’intervalle [0, N − 1], le coefficient de z n dans le d´ eveloppement de Taylor de

z k

0

P (z) k

1

Q(z) k

2

R(z) k

3

est major´ e par le coefficient de z n dans le d´ eveloppement de Taylor de (24 · 2!) k

1

(240 · 4!) k

2

(504 · 6!) k

3

(1 − z) k

0

+3k

1

+5k

2

+7k

3

. On majore k 0 + 3k 1 + 5k 2 + 7k 3 par 16N .

Dans le cinqui` eme pas de la d´ emonstration, on veut montrer que le nombre T = ord q F est major´ e par T ≤ γN log M, avec γ = 17 log(r/|q|) −1

et r = min{(1 + |q|)/2, 2|q|}. Pour cela on introduit la fonction

H(z) = F (z) z M ·

r z − q

T

.

Puisque le d´ eveloppement de Taylor de la fonction G(z) = z −M F (z) a ses coefficients dans Z, on a

|H| r = r −M |F| r ≤ 1.

Comme H(0) = b 0 (−r/q) T , la minoration pr´ ec´ edente pour |b 0 | p donne

|H(0)| ≥ (r/|q|) T C −N M −16N . De l’in´ egalit´ e |H(0)| ≤ |H| r on d´ eduit donc

T log(r/|q|) ≤ 17N log M.

Pour d´ eduire le th´ eor` eme 2 de la proposition 2, on utilise la mesure d’ind´ ependance alg´ ebrique de G. Philibert [18] pour les nombres ω/π et η/π: quand B est un polynˆ ome non nul ` a coefficients complexes, on d´ esigne par t(B) la somme du degr´ e total de B et du logarithme de sa longueur.

Proposition 3. – Soit ℘ une fonction elliptique de Weierstraß d’invariants g 2 et g 3 alg´ ebriques.

Soit ω une p´ eriode non nulle de ℘ et soit η la quasi-p´ eriode correspondante de la fonction ζ de Weierstraß attach´ ee ` a ℘:

ζ 0 = −℘, ζ(z + ω) = ζ(z) + η.

Pour tout > 0 il existe une constante C = C(, g 2 , g 3 , ω) > 0 v´ erifiant la propri´ et´ e suivante: si B ∈ Z [X, Y ] est un polynˆ ome non nul, on a

|B(ω/π, η/π)| > exp{−Ct(B) 3+ }.

On utilisera encore le petit lemme suivant

Lemme 4. – Soient θ 1 , . . . , θ t , ξ 1 , . . . , ξ m des ´ el´ ements de C. On suppose que chacun des m nombres ξ i , (1 ≤ i ≤ m) est alg´ ebrique sur le corps Q (θ 1 , . . . , θ t ). Il existe une constante positive C telle que, si T est un nombre r´ eel ≥ 1 et A ∈ Z [Y 1 , . . . , Y m ] un polynˆ ome non nul v´ erifiant t(A) ≤ T et A(ξ 1 , . . . , ξ m ) 6= 0, alors il existe un polynˆ ome B ∈ Z[X 1 , . . . , X t ] tel que t(B) ≤ CT et

0 < |B(θ 1 , . . . , θ t )| ≤ e CT |A(ξ 1 , . . . , ξ m )|.

(12)

D´ emonstration. Pour 1 ≤ i ≤ m, comme ξ i est alg´ ebrique sur le corps Q (θ 1 , . . . , θ t ), il ex- iste un polynˆ ome A i ∈ Z[X 1 , . . . , X m , Y ] tel que A i (θ 1 , . . . , θ t , Y ) soit irr´ eductible dans l’anneau Q (θ 1 , . . . , θ t )[Y ] et s’annule au point ξ i .

La d´ emonstration consiste ` a ´ eliminer, dans l’anneau Z [X 1 , . . . , X t , Y 1 , . . . , Y m ], les m variables Y 1 , . . . , Y m entre les m + 1 polynˆ omes A, A 1 , . . . , A m .

Quitte ` a remplacer t par t + m, on peut supposer θ i = ξ i pour 1 ≤ i ≤ t. Par r´ ecurrence, il suffit alors de traiter le cas m = t + 1. On ´ ecrira ξ pour ξ t+1 .

Comme A t+1 (θ 1 , . . . , θ t , Y ) s’annule au point ξ, il ne divise pas A(θ 1 , . . . , θ t , Y ) dans l’anneau Q (θ 1 , . . . , θ t )[Y ]. Mais il est aussi irr´ eductible dans cet anneau. Donc le r´ esultant de A(θ 1 , . . . , θ t , Y ) et A t+1 (θ 1 , . . . , θ t , Y ) est un ´ el´ ement non nul de Z[θ 1 , . . . , θ t ]; on l’´ ecrit B(θ 1 , . . . , θ t ), o` u B appar- tient ` a l’anneau Z [X 1 , . . . , X t ] et v´ erifie les propri´ et´ es voulues.

D´ emonstration du th´ eor` eme 2. Soit q un nombre complexe, 0 < |q| < 1, tel que le nombre J (q) soit alg´ ebrique. Il existe τ dans le demi-plan sup´ erieur H tel que q = e 2iπτ . On choisit aussi une racine douzi` eme de ∆(q) et on pose ω = 2π∆(q) 1/12 . La fonction elliptique ℘ de Weierstraß attach´ ee au r´ eseau ( Z + Z τ )ω a pour invariants g 2 , g 3 des nombres alg´ ebriques, et on a, avec les notations de la proposition 3,

P (q) = 3 ω π · η

π , Q(q) = 3 4

ω π

4

g 2 , R(q) = 27 8

ω π

6

g 3

et

∆(q) = ω 2π

12

(g 3 2 − 27g 2 3 ).

Si les trois nombres q, P (q) et ∆(q) sont alg´ ebriquement d´ ependants, alors (ω/π, η/π) est une base de transcendance sur Q du corps Q g 2 , g 3 , q, P (q), Q(q), R(q)

. Grˆ ace ` a la proposition 2, on peut appliquer le lemme 4 avec t = 2, m = 4, θ 1 = ω/π, θ 2 = η/π, ξ 1 = q, ξ 2 = P (q), ξ 3 = Q(q), ξ 4 = R(q) et T = 2N(log M) 2 . On trouve ainsi une contradiction avec la mesure de transcendance fournie par la proposition 3 avec = 1/2.

Remarque. Au cinqui` eme pas on s’est content´ e de trouver une valeur non nulle pour une d´ eriv´ ee de F en z = q. On peut faire un peu mieux et trouver une telle valeur qui ne soit pas trop petite en module:

|D T F (q)| ≥ 1

2 |q|

2M

.

L’existence de cet entier T repose sur une formule d’interpolation (voir la d´ emonstration du lemme 2.3 de [17]). Bien que cela n’ait pas d’utilit´ e directe dans la d´ emonstration pr´ ec´ edente du th´ eor` eme 2, nous indiquons comment se fait cette autre approche car elle est utile pour obtenir des ´ enonc´ es d’approximation diophantienne.

Voici donc le r´ esultat, d’abord dans le cas complexe C = C , puis dans le cas ultram´ etrique.

Lemme 5. – Soient M et T deux entiers ≥ 0, r un nombre r´ eel et q un nombre complexe v´ erifiant 0 < |q| ≤ r. Soit F une fonction analytique dans un ouvert du plan complexe contenant le disque

|z| ≤ r. On suppose que F a un z´ ero de multiplicit´ e ≥ M ` a l’origine. Alors

r M

M ! |F (M ) (0)| ≤ r

|q|

−T

|F | r + 2 M+T r

|q|

M

·

T−1

X

t=0

|q|

2 t

1

t! |F (t) (q)|.

(13)

D´ emonstration. Pour |q| = r, ainsi que pour T = 0, la majoration r´ esulte des in´ egalit´ es de Cauchy (et le second terme est alors superflu). On peut donc supposer |q| < r et T ≥ 1. La d´ emonstration consiste ` a int´ egrer la fonction m´ eromorphe

G(z) = F (z) z M+1

r 2 − qz r(z − q)

T

sur le cercle |z| = r. L’int´ egrale

I = 1 2iπ

Z

|z|=r

G(z)dz est clairement major´ ee par

|I| ≤ r −M |F| r . Le r´ esidu en z = 0 est

− r q

T

1

M ! F (M ) (0), tandis que le r´ esidu en z = q peut s’´ ecrire (cf. [17] p.72)

1 (T − 1)!

d dz

T−1

F(z)(r 2 − qz) T z M +1 r T

z=q

=

T −1

X

t=0

c t

F (t) (q) t!r T , avec des nombres complexes

c t = 1 (T − t − 1)!

d dz

T−t−1

(r 2 − qz) T z M+1

z=q

= 1 2iπ

Z

|z−q|=|q|/2

(r 2 − qz) T (z − q) T−t · dz

z M+1 qui satisfont

|c t | ≤ r 2T (2/|q|) M +T−t , (0 ≤ t < T );

(on a major´ e |r 2 − qz| par r 2 sur le cercle |z − q| = |q|/2). Ceci termine la d´ emonstration du lemme 5.

Passons au cas ultram´ etrique.

Lemme 6. – Soient p un nombre premier, M et T deux entiers ≥ 0, r un nombre r´ eel dans l’intervalle 0 < r < 1 et q un ´ el´ ement de C p v´ erifiant 0 < |q| ≤ r. Soit F une fonction analytique dans le disque unit´ e de C p , ayant un z´ ero de multiplicit´ e ≥ M ` a l’origine. Alors

r M

1

M! F (M) (0)

≤ max (

r

|q|

−T

|F | r ; r

|q|

M 0≤t<T max

q t

t! F (t) (q)

) .

D´ emonstration. Les in´ egalit´ es de Cauchy permettent de supposer |q| < r. On ´ ecrit le d´ eveloppe- ment de Taylor de F en z = 0 et en z = q:

F (z) =

X

m=M

a m z m =

X

n=0

b n (z − q) n , et on pose

B = max

0≤t<T |q t b t |.

(14)

Ainsi la conclusion s’´ ecrit

r M |a M | ≤ max (

r

|q|

−T

|F | r ; r

|q|

M

B )

.

On va d´ ej` a montrer qu’il existe des ´ el´ ements c 0 , . . . , c T−1 de C p tels que la fonction G(z) = F (z) − z M

T −1

X

t=0

c t (z − q) t

admette en z = q un z´ ero de multiplicit´ e ≥ T . En ´ ecrivant le d´ eveloppement de Taylor en z = q de z M :

z M =

M

X

m=0

M m

q M −m (z − q) m , on peut ´ ecrire celui de la fonction G cherch´ ee:

G(z) =

X

n=0

b n − X

0≤m≤M 0≤t<T m+t=n

M m

q M −m c t

(z − q) n .

Pour obtenir l’existence de G, il suffit de remarquer que le syst` eme d’´ equations X

m+t=n

M m

q M −m c t = b n , (0 ≤ n < T )

est triangulaire; il admet donc une solution unique. De plus on v´ erifie, par r´ ecurrence sur t,

|c t | ≤ |q| −M−t B, (0 ≤ t < T ).

La fonction

H(z) = z −M G(z) = z −M F(z) −

T−1

X

t=0

c t (z − q) t

a un z´ ero de multiplicit´ e ≥ T en z = q. Le lemme de Schwarz ultram´ etrique, que l’on obtient en appliquant le principe du maximum ` a la fonction (z − q) −T H(z), donne:

|H(0)| ≤ r

|q|

−T

|H| r .

Or

H(0) = a M −

T−1

X

t=0

c t (−q) t et

|H| r ≤ max (

r −M |F| r ; |q| −M r

|q|

T

B )

.

(15)

D’o` u

|a M | ≤ max

|H(0)| ; |q| −M B avec

|H(0)| ≤ max (

r

|q|

−T

r −M |F | r ; |q| −M B )

.

Finalement

|a M | ≤ max (

r

|q|

−T

r −M |F| r ; |q| −M B )

.

Remarque. La d´ emonstration du lemme 6 s’adapte au cas archim´ edien et fournit une variante du lemme 5: on y remplace la conclusion par

r M

M ! |F (M ) (0)| ≤ r

|q|

−T

|F | r + (2 T + 1)(2M ) T r

|q|

M

· max

0≤t<T

|q| t

t! |F (t) (q)|.

Pour obtenir ce r´ esultat on remplace, dans la d´ emonstration du lemme 6, le corps C p par C . La majoration de |c t | devient

|c t | ≤ 2M

|q|

t

|q| −M B, (0 ≤ t < T ).

Le lemme de Schwarz

|H(0)| ≤ r

|q|

−T

|H| r

s’obtient en appliquant le principe du maximum ` a la fonction

H(z)

r 2 − qz r(z − q)

T .

On a

|a M | ≤ |H(0)| + (2M ) T |q| −M B et

|H| r ≤ r −M |F | r + (2M ) T |q| −M B r

|q| + 1 T

, donc

H(0) = r

|q|

−T

r −M |F | r + (4M ) T |q| −M B.

(16)

3. Liens avec la conjecture des quatre exponentielles

Dans le cas complexe, le th´ eor` eme st´ ephanois peut ˆ etre vu comme un cas particulier d’un probl` eme des quatre exponentielles mixtes, pour un produit du groupe multiplicatif par une courbe elliptique.

La version “usuelle” du probl` eme des quatre exponentielles (pour un tore G 2 m ) peut s’´ enoncer de plusieurs mani` eres ´ equivalentes; en voici une (voir par exemple [26], §1.1). On d´ esigne par L le Q sous-espace vectoriel de C form´ e des logarithmes de nombres alg´ ebriques:

L = exp −1 ( Q

× ) =

z ∈ C ; e z ∈ Q },

o` u Q d´ esigne le corps des nombres alg´ ebriques (clˆ oture alg´ ebrique de Q dans C ).

Conjecture des quatre exponentielles. – On consid` ere une matrice M =

` 1 ` 3

` 2 ` 4

dont les coefficients sont des ´ el´ ements de L. Si les deux lignes sont lin´ eairement ind´ ependantes sur Q, et si les deux colonnes sont aussi lin´ eairement ind´ ependantes sur Q, alors le d´ eterminant de M ne s’annule pas.

G. Diaz [12] a remarqu´ e que cette conjecture avait des cons´ equences tr` es int´ eressantes sur la fonction modulaire J . Supposons en effet qu’elle soit vraie. On commence par en d´ eduire:

• pour z ∈ C , z non rationnel, la condition |z| 2 ∈ Q implique la transcendance du nombre e 2iπz . En effet, si z est un nombre complexe tel que e 2iπz soit alg´ ebrique, alors le nombre ` = 2iπz appartient ` a L, de mˆ eme que son conjugu´ e complexe ` = −2iπz. Si, de plus, le nombre r = |z| 2 est rationnel, la conjecture des quatre exponentielles, appliqu´ ee ` a la matrice

` −2iπr

2iπ `

,

entraˆıne que z = `/(2iπ) est rationnel.

Ainsi, selon la conjecture des quatre exponentielles, la courbe w = e 2iπz pour |z| = 1 (voir la figure annex´ ee ` a l’appendice 2), devrait ´ eviter tous les points alg´ ebriques ` a part w = 1. Un ph´ enom` ene semblable s’observe pour certaines droites ou certains cercles (par exemple les cercles centr´ es en un point alg´ ebrique et de rayon transcendant). Comme me le fait remarquer F. Amoroso, un autre exemple est la courbe plane z = t+ie t , t ∈ R, qui ne passe que par des points transcendants,

`

a part le point z = i.

M. Kaneko a not´ e que cette remarque de G. Diaz (avec |z| = 1) avait la cons´ equence imm´ ediate suivante: d´ esignons par D le domaine fondamental usuel du demi-plan sup´ erieur H pour l’action de SL 2 ( Z ):

D =

τ ∈ H ; − 1

2 ≤ <eτ < 1

2 , |τ | > 1

[

τ ∈ H ; − 1

2 ≤ <eτ ≤ 0 , |τ | = 1

;

si τ ∈ D est tel que j(τ ) appartienne ` a l’intervalle r´ eel [0, 1728], alors le nombre q = e 2iπτ est transcendant. En effet, on sait ([9], Chap. VI, §4) que les seuls ´ el´ ements, dans D, o` u j prenne une valeur dans l’intervalle r´ eel [0, 1728], sont situ´ es sur le cercle unit´ e.

On peut ´ etendre cette remarque ` a H (toujours en admettant la conjecture des quatre exponen-

tielles):

(17)

• Soit τ ∈ H tel que j(τ ) appartienne ` a l’intervalle r´ eel [0, 1728] et tel que le nombre q = e 2iπτ soit alg´ ebrique. Alors on peut ´ ecrire

τ = 1

2 + k + iy, avec k ∈ Z et 1 2 √

3 < y <

√ 3 2 . Ainsi le nombre q appartient ` a l’intervalle r´ eel [−e −π/

√ 3 , −e −π

√ 3 ].

Notons que la conclusion est optimale: pour tout entier k ∈ Z et tout nombre alg´ ebrique α dans l’intervalle r´ eel e π/

√ 3 < α < e π

√ 3 , le nombre τ = 1 2 + i log α v´ erifie les deux propri´ et´ es j(τ ) ∈ [0, 1728] et q = e 2iπτ ∈ Q (les bornes de l’intervalle sont exclues car e π

√ 3 est transcendant). Il s’agit donc de voir qu’il n’y a pas d’autre solution (sous la conjecture des quatre exponentielles).

Supposons donc j(τ ) ∈ [0, 1728] et q = e 2iπτ ∈ Q. Alors le nombre ` = 2iπτ appartient ` a L.

Comme j(τ ) ∈ [0, 1728], il existe une matrice a b

c d

∈ SL 2 (Z) telle que le nombre τ 0 = aτ + b

cτ + d satisfasse |τ 0 | = 1.

En ´ ecrivant τ 0 = 1/τ 0 , on trouve

a` − 2iπb

c` − 2iπd = c` + 2iπd a` + 2iπb , c’est-` a-dire que le d´ eterminant de la matrice

M =

a` − 2iπb c` + 2iπd c` − 2iπd a` + 2iπb

est nul. Mais on a H ∩ Q = ∅, donc τ 0 est irrationnel, et par cons´ equent les lignes de M sont lin´ eairement ind´ ependantes sur Q . Donc les colonnes sont lin´ eairement d´ ependantes sur Q :

λa` − µc` − 2iπ(λb + µd) = 0 λc` − µa` − 2iπ(λd + µb) = 0

avec (λ, µ) ∈ Q 2 \ {0}. Comme ni ` ni ` n’est multiple rationnel de 2iπ, les deux formes lin´ eaires (z 0 , z 1 , z 2 ) 7→ λaz 1 − µcz 2 − (λb + µd)z 0 et (z 0 , z 1 , z 2 ) 7→ λcz 1 − µaz 2 − (λd + µb)z 0

sont proportionnelles:

a 2 = c 2 , c(λb + µd) = a(λd + µb).

En utilisant encore la relation ad − bc = 1, on d´ eduit

a 2 = c 2 = 1, b = c(ad − 1), λ = µac, ` − ` = 2iπa(2b + c).

On trouve ainsi τ = 1 2 + k + iy avec k ∈ Z et y ∈ R , y > 0. On v´ erifie enfin que sur la demi-droite ( 1 2 + i R ) ∩ H, les τ ´ equivalents, modulo SL 2 ( Z ), ` a un ´ el´ ement de D de module 1 sont ceux dont la partie imaginaire appartient ` a l’intervalle [1/(2 √

3), √ 3/2].

Suivant [12], nous d´ eduisons maintenant de la conjecture des quatre exponentielles l’´ enonc´ e

suivant:

(18)

• La fonction J est injective sur l’ensemble des nombres alg´ ebriques α du domaine 0 < |α| < 1.

Supposons J(α 1 ) = J(α 2 ) avec α 1 et α 2 alg´ ebriques, 0 < |α h | < 1, (h = 1, 2). Pour h = 1 et h = 2 on choisit τ h ∈ H tel que α h = e 2iπτ

h

et on pose ` h = 2iπτ h . Ainsi ` h appartient ` a L. L’hypoth` ese J (α 1 ) = J (α 2 ) implique l’existence d’entiers rationnels a, b, c, d v´ erifiant ad − bc = 1 et

τ 1 = aτ 2 + b cτ 2 + d . Alors le d´ eterminant de la matrice

` 1 a` 2 + 2iπb 2iπ c` 2 + 2iπd

est nul. Comme les nombres τ 1 = ` 1 /2iπ et τ 2 = ` 2 /2iπ sont irrationnels (ils sont dans le demi- plan sup´ erieur), la conjecture des quatre exponentielles implique c = 0, donc τ 1 − τ 2 est un entier rationnel, et α 1 = α 2 .

La conjecture suivante, propos´ ee par D. Bertrand ([7], conjecture 2), fait apparaˆıtre un autre lien entre le probl` eme des quatre exponentielles et les propri´ et´ es arithm´ etiques de la fonction mod- ulaire :

Conjecture. – Si α 1 et α 2 sont deux nombres alg´ ebriques multiplicativement ind´ ependants dans le disque point´ e {z ∈ C ; 0 < |z| < 1}, alors les deux nombres J(α 1 ) et J(α 2 ) sont alg´ ebriquement ind´ ependants.

Suivant [7], montrons que cette conjecture contient le cas particulier de la conjecture des quatre exponentielles o` u deux des nombres alg´ ebriques α i = e `

i

sont des racines de l’unit´ e, tandis que les deux autres sont de module 6= 1. Il n’y a pas de restriction ` a supposer que les deux racines de l’unit´ e sont α 2 et α 3 . Il s’agit donc de d´ emontrer que si une matrice

` 2iπa 2iπb ` 0

, avec ` et ` 0 dans L \ iR, a et b dans Q × ,

a un d´ eterminant nul, alors `/2iπ et ` 0 /2iπ sont tous deux rationnels. Apr` es multiplication

´

eventuelle des lignes ou des colonnes par un nombre rationnel convenable, on peut aussi supposer que ` et ` 0 ont une partie r´ eelle strictement n´ egative. Alors, si on pose

τ = `/(2iπ), α = e ` = e 2iπτ et τ 0 = ` 0 /(2iπ), α 0 = e `

0

= e 2iπτ

0

, on a

τ ∈ H, |α| < 1 et τ 0 ∈ H, |α 0 | < 1.

La nullit´ e du d´ eterminant montre que le nombre τ τ 0 est rationnel. Utilisant l’´ equation modulaire, on en d´ eduit que j(τ ) et j(τ 0 ) sont alg´ ebriquement d´ ependants. La conjecture de Bertrand entraˆıne alors que α 1 et α 2 sont multiplicativement d´ ependants, d’o` u il r´ esulte que les trois nombres τ, τ 0 , 1 sont lin´ eairement d´ ependants sur Q . Utilisant encore la rationalit´ e du nombre τ τ 0 , on voit que

`/2iπ est alg´ ebrique (de degr´ e ≤ 2 sur Q ), donc (th´ eor` eme de Gel’fond-Schneider) rationnel. On obtient ainsi la conclusion souhait´ ee.

Voici un analogue elliptique de la conjecture des quatre exponentielles (pour le carr´ e d’une

courbe elliptique — on peut aussi ´ enoncer une conjecture semblable pour le produit de deux courbes

elliptiques non isog` enes), suivi d’une analogue “mixte” pour le produit du groupe multiplictatif par

une courbe elliptique.

(19)

On introduit la notation suivante. Soit E une courbe elliptique d´ efinie sur le corps des nombres alg´ ebriques. On choisit un plongement de Weierstraß de E dans P 2 et on note exp E : C → E(C) l’application qui envoie z ∈ C sur 1 : ℘(z) : ℘ 0 (z)

, de sorte que les invariants g 2 et g 3 de ℘ sont alg´ ebriques. On d´ esigne alors par L E l’image inverse dans C du groupe E ( Q ) par exp E . C’est un module sur l’anneau des endomorphismes End E de E (c’est mˆ eme un espace vectoriel sur le corps End 0 E = End E ⊗ Z Q des endomorphismes de E ).

La conjecture pour le carr´ e d’une courbe elliptique s’´ enonce ainsi:

Conjecture. - Soient E une courbe elliptique d´ efinie sur Q et soient u 1 , u 2 , u 3 , u 4 des ´ el´ ements de L E . On suppose que les deux lignes de la matrice

M =

u 1 u 3

u 2 u 4

sont lin´ eairement ind´ ependantes sur End E , et aussi que les deux colonnes de cette matrice sont lin´ eairement ind´ ependantes sur EndE. Alors le d´ eterminant de M n’est pas nul.

Pour finir, on ´ enonce la conjecture pour le produit d’une courbe elliptique par le groupe multiplicatif:

Conjecture. - Soient E une courbe elliptique d´ efinie sur Q , u 1 , u 2 deux ´ el´ ements de L E et ` 1 , ` 2

deux ´ el´ ements de L. On suppose (u 1 , u 2 ) 6= (0, 0) et (` 1 , ` 2 ) 6= (0, 0). On suppose de plus que les deux lignes de la matrice

M =

u 1 ` 1

u 2 ` 2

sont lin´ eairement ind´ ependantes sur Z . Alors le d´ eterminant de M n’est pas nul.

Le th´ eor` eme st´ ephanois r´ esout cette derni` ere conjecture dans le cas de trois p´ eriodes: u 1 et u 2

sont dans le noyau de exp E , et ` 1 est un multiple rationnel de 2iπ. On verra dans [26] des r´ ef´ erences

`

a cette question dans le cas de deux p´ eriodes (soit u 1 et u 2 , soit u 1 et ` 1 ). Le cas particulier

` 1 = 2iπ, u 1 ∈ ker exp E fait l’objet de [15], mais la d´ emonstration n’est pas convaincante (dans le membre de droite de la relation (12) de [15], il faut remplacer f par g).

Appendice 1

Nous indiquons dans le tableau ci-dessous les valeurs des fonctions P , Q, R et ∆ aux points e −2π et −e −π

3 . Nous consid´ erons aussi les valeurs, aux points e −π et ie −π

3/2 , des trois fonctions thˆ eta de Jacobi

θ 2 (z) = 2z 1/4 X

n≥0

z n(n+1) , θ 3 (z) = X

n∈ Z

z n

2

, θ 4 (z) = θ 3 (−z)

et de leurs d´ eriv´ ees logarithmiques Dθ i /θ i , avec D = z(d/dz). Ces nombres satisfont les relations θ 3 4 = θ 2 4 + θ 4 4 , Q(z 2 ) = 2 −1 θ 2 (z) 8 + θ 3 (z) 8 + θ 4 (z) 8

,

∆(z 2 ) = 2 −8 θ 2 (z)θ 3 (z)θ 4 (z) 8

et

θ 4 2 = 4(Dθ 3 /θ 3 − Dθ 4 /θ 4 ), θ 4 4 = 4(Dθ 2 /θ 2 − Dθ 3 /θ 3 ),

(20)

P (z 2 ) = 4 Dθ 2 /θ 2 + Dθ 3 /θ 3 + Dθ 4 /θ 4 )(z),

On notera que les nombres θ i (z) 4 , (i = 2, 3, 4) sont racines du polynˆ ome X 3 −XQ(z 2 ) 2

−2 8 ∆(z 2 ).

Les trois premi` eres lignes concernent la courbe elliptique y 2 = 4x 3 − g 2 x − g 3 , dont l’invariant modulaire est j, tandis que ω 1 est la plus petite p´ eriode r´ eelle positive, τ = ω 2 /ω 1 est le quotient de deux p´ eriodes fondamentales et enfin η 1 , η 2 les quasi-p´ eriodes de la fonction ζ de Weierstraß.

LEMNISCATE

g 2 = 4, g 3 = 0, j = 1728, τ = i ω 1 = Γ(1/4) 2

8π = 2.6220575542 . . . η 1 = iη 2 = π

ω 1

P (e −2π ) = 3 π Q(e −2π ) = 3 ω 1

π 4

R(e −2π ) = 0

∆(e −2π ) = 1 2 6

ω 1

π 12

θ 2 (e −π ) = ω 1

π 1/2

θ 3 (e −π ) = 2 1/4 ω 1

π 1/2

θ 4 (e −π ) = ω 1

π 1/2

Dθ 2

θ 2

(e −π ) = 1 4π + 1

4 ω 1

π 2

Dθ 3

θ 3

(e −π ) = 1 4π Dθ 4

θ 4

(e −π ) = 1 4π − 1

4 ω 1

π 2

ANHARMONIQUE g 2 = 0, g 3 = 4, j = 0, τ = % ω 1 = Γ(1/3) 3

2 4/3 π = 2.428650648 . . . η 1 = %η 2 = 2 √

3 3 · π

ω 1

P (−e −π

3 ) = 2 √ 3 π Q(−e −π

√ 3 ) = 0 R(−e −π

√ 3 ) = 27 2

ω 1

π 6

∆(−e −π

√ 3 ) = − 27 256

ω 1

π 12

θ 2 (ie −π

√ 3/2

) = e iπ/8 3 1/8 ω 1

π 1/2

θ 3 (ie −π

3/2 ) = e iπ/24 3 1/8 ω 1

π 1/2

θ 4 (ie −π

√ 3/2 ) = e −iπ/24 3 1/8 ω 1

π 1/2

Dθ 2

θ 2

(ie −π

√ 3/2 ) =

√ 3 6π + 1

4 ω 1

π 2

Dθ 3

θ 3

(ie −π

√ 3/2 ) =

√ 3 6π + 1

4 ω 1

π 2

% Dθ 4

θ 4

(ie −π

√ 3/2 ) =

√ 3 6π + 1

4 ω 1

π 2

% 2

Appendice 2: la courbe de Guy Diaz e 2iπz , |z| = 1

Les dessins ci-dessous (je remercie Claude Leclerc, de l’Universit´ e de Saint-Etienne, qui en a trac´ e une version ant´ erieure - celle-ci est produite avec Grapher sur Mac) repr´ esentent la courbe e 2iπz quand z d´ ecrit le cercle unit´ e. D’apr` es la conjecture des quatre exponentielles, le seul point alg´ ebrique sur cette courbe est 1 (correspondant ` a z = ±1).

Pour que les petites boucles soient bien visibles, deux zooms ont ´ et´ e n´ ecessaires. Le premier

dessin donne l’allure g´ en´ erale de la courbe; le second montre plus pr´ ecis´ ement ce qui se passe au

voisinage de l’intervalle r´ eel [0, 1], et le troisi` eme est un agrandissement au voisinage de l’origine.

(21)

La courbe de Guy Diaz e 2iπz , |z| = 1

(22)

R ´ EF ´ ERENCES

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(23)

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Bourbaki 49` eme ann´ ee (1996/97), N 824; ` a paraˆıtre dans Ast´ erisque.

Michel WALDSCHMIDT

Institut de Math´ ematiques de Jussieu Probl` emes Diophantiens Case 247 4, place Jussieu

F–75252 PARIS CEDEX 05 e-mail: miw@math.jussieu.fr

internet: http://www.math.jussieu.fr/∼miw/

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