Th´ eor` eme de la progression arithm´ etique de Dirichlet
Gilles Auriol
auriolg@free.fr — http ://auriolg.free.fr
Pr´ esentation
Depuis Euclide, on sait qu’il existe une infinit´e de nombres premiers. Naturellement, on peut se demander si ´etant donn´esa et b premiers entre eux, il existe une infinit´e de nombres premiers de la forme an+b (si a et b ne sont pas premiers entre eux, il est clair qu’aucun des nombres an+b ne sera premier).
Euler r´esolut de fa¸con purement alg´ebrique la question dans le cas des nombres de la forme an+ 1. La d´emonstration de cette proposition fera l’objet de la premi`ere section de ce m´emoire.
Plus tard, en 1835, Dirichlet d´emontra le th´eor`eme dans toute sa g´en´eralit´e, par des m´ethodes analytiques. La preuve classique passe par l’analyse complexe ; nous pr´esentons ici une variante utilisant l’analyse r´eelle, tir´ee de [Cha03]. Auparavant, il nous faudra prouver quelques r´esultats de th´eorie des groupes et des propri´et´es ´el´ementaires sur la fonction ζ de Riemann.
Table des mati` eres
1 Un cas particulier du th´eor`eme de Dirichlet 1 1.1 Polynˆomes cyclotomiques . . . . 1 1.2 Une infinit´e de nombres premiers de la formeλn+ 1, n ∈N∗ . . . . 3
2 Caract`eres des groupes ab´eliens finis 4
2.1 Premi`eres propri´et´es des caract`eres et dual d’un groupe . . . . 4 2.2 Relations d’orthogonalit´e des caract`eres . . . . 6 2.3 Caract`eres de Dirichlet . . . . 6
3 La fonction ζ de Riemann 6
4 L-fonctions de Dirichlet 8
5 Preuve du th´eor`eme de Dirichlet 14
1 Un cas particulier du th´ eor` eme de Dirichlet
Dans cette section nous allons d´emontrer par une m´ethode purement alg´ebrique l’existence d’une infinit´e de nombres premiers de la forme λn+ 1, n∈N∗.
1.1 Polynˆomes cyclotomiques
1.1 D´efinition (Racines primitives de l’unit´e dans C). — Soitm∈N∗. L’ensemble Um = {z ∈ C/zm = 1} des racines m-i`emes de l’unit´e dans C est un groupe cyclique d’ordre m. On appelle racine primitive m-i`eme de l’unit´e tout g´en´erateur de Um, c’est-`a-dire tout ´el´ement ξ de Um tel que ξd6= 1 pour 16d < m. On notera Pm(C) l’ensemble des racines primitives m-i`emes de l’unit´e.
1.2 Remarque. — L’applicationk 7→exp
2iπk m
est un isomorphisme de groupes entreZ/mZ etUm.
D’apr`es les r´esultats classiques sur les groupes cycliques, il en r´esulte imm´ediatement la
1.3 Proposition. — Soit m∈N∗. Soit ξ une racine primitive m-i`eme de l’unit´e dans C. Alors les racines primitives m-i`emes de l’unit´e sont les ξk avec 16 k 6m et k premier avec m, donc Pm(C) a pour cardinal ϕ(m) o`u ϕ d´esigne l’indicatrice d’Euler.
1.4 D´efinition (Polynˆome cyclotomique). — Soit m ∈ N∗. On appelle m-i`eme polynˆome cyclotomique le polynˆome
Φm(X) = Y
ξ∈Pm(C)
(X−ξ).
Il est unitaire, de degr´e ϕ(m).
1.5 Lemme. — Soit m ∈ N∗. Les Pd(C), d d´ecrivant l’ensemble des diviseurs de m dans N∗, forment une partition de Um.
Preuve. — Si d divise m, Pd(C) ⊂ Ud ⊂ Um. Chaque racine m-i`eme de l’unit´e dans C a un unique ordre qui est un diviseur de m d’apr`es le th´eor`eme de Lagrange ; autrement dit chaque
´el´ement de Um appartient `a un et un seul desPd(C),d diviseur de m.
On d´eduit ce r´esultat la proposition suivante.
1.6 Proposition. — Soit m∈N∗. On a
Xm−1 =Y
d|m
Φd(X).
Notons au passage l’´egalit´e amusante m=X
d|m
ϕ(d) obtenue en comparant les degr´es.
Une propri´et´e importante des polynˆomes cyclotomiques est d’ˆetre `a coefficients entiers. Pour d´emontrer ce r´esultat, nous avons besoin d’un lemme.
1.7 Lemme. — Soit P, A, B trois ´el´ements non nuls de Q[X]. On suppose que P ∈ Z[X], que P =AB, et que P et A sont unitaires. Alors A et B appartiennent `a Z[X].
Preuve. — Il est que clair queB est lui aussi unitaire. Notons A(X) =Xn+
n−1
X
i=0
aiXi,
lesai ∈Q. Pour chaquei, notons ai = pi
qi, o`u pi ∈Z etqi ∈N∗ sont premiers entre eux. Soit q un multiple commun `a q0, . . . , qn−1. Alors
A(X) = Xn+ 1 q
n−1
X
i=0
ziXi,
les zi ∈ Z. Quitte `a diviser z0, . . . , zn−1 et q par PGCD(z0, . . . , zn−1, q), on peut supposer que PGCD(z0, . . . , zn−1, q) = 1.
Notant
A1(X) = qXn+
n−1
X
i=0
ziXi,
on a A1(X) ∈ Z[X], A(X) = 1
qA1(X), et le polynˆome A1(X) est primitif. De mˆeme il existe r∈N∗ tel queB(X) = 1
rB1(X), o`u le polynˆomeB1(X)∈Z[X] est primitif. Il vientqrP =A1B1, et d’apr`es le lemme de Gauss (le produit de deux polynˆomes primitifs est primitif), le polynˆome A1B1 est primitif. Or γ(qrP) = qrγ(P) = qr car P est unitaire. Donc qr = 1, d’o`u q = r = 1.
AinsiA=A1 ∈Z[X] et B =B1 ∈Z[X].
1.8 Proposition. — Pour tout n∈N∗, on a Φn(X)∈Z[X].
Preuve. — On proc`ede par r´ecurrence sur n ∈ N∗. Pour n = 1, c’est clair puisque Φ1(X) = X−1. Supposons la propri´et´e vraie jusqu’au rang n−1, o`un >2. Posons
F(X) = Y
d|n, d<n
Φd(X).
Par hypoth`ese de r´ecurrenceF(X)∈Z[X].F(X) est clairement unitaire. Le polynˆomeXn−1 est un polynˆome unitaire deZ[X]. L’´egalit´eXn−1 = F(X)Φn(X) montre d’abord que Φn(X)∈Q[X]
par division euclidienne deXn−1 par F(X) dans Q[X], puis, en appliquant le lemme pr´ec´edent, que Φn(X)∈Z[X]. Ainsi la propri´et´e est vraie au rang n.
1.9 Remarque. — Le calcul des premiers polynˆomes cyclotomiques laisse `a penser que les co- efficients sont dans{−1,0,1}. Il n’en est rien, le premier contre-exemple est fourni par Φ105(X) dont deux des coefficients sont−2.
1.2 Une infinit´e de nombres premiers de la forme λn+ 1, n ∈ N∗
1.10 Th´eor`eme (Cas particulier du th´eor`eme de Dirichlet). — Soit n ∈N∗ fix´e.
1. Si un nombre premier p divise Φn(a), o`u a est un entier, mais aucun Φd(a) o`u d d´ecrit l’ensemble des diviseurs stricts de n, alors p≡1 [n].
2. Il existe une infinit´e de nombre premiers de la forme λn+ 1, n∈N∗.
Preuve. — 1) Si p divise Φn(a), p divise an−1, soit (a)n = 1 dans Fp, soit a∈F∗p et l’ordre ω dea dans F∗p divisen. Comme
aω−1 =Y
d|ω
Φd(a),
si ω < n, il existe d diviseur strict de n tel que p divise Φd(a), ce qui est exclu. Ainsi ω =n, et puisque a est d’ordre n dans le groupe F∗p d’ordre p−1, d’apr`es le th´eor`eme de Lagrange, on a n|p−1, c’est-`a-dire p≡1 [n].
2) SoitN ∈N∗. Posons a= 3N!, alors Φn(a) est un entier et
|Φn(a)|= Y
PGCD(k,n)=1 16k6n
|a−exp
2ikπ n
|> Y
PGCD(k,n)=1 16k6n
(a−1)>2ϕ(n) >2.
Soit pun diviseur premier de Φn(a).
Si p 6 N, alors p divise a, donc divise tout entier de la forme
k
X
i=1
ziai, avec zi ∈ Z, et en particulierpdivise Φn(a)−Φn(0). Par suitepdivise Φn(0) =±1, ce qui est absurde. Ainsip > N.
Supposons qu’il existeδ diviseur de strict den tel que pdivise Φδ(a). Comme Xn−1 = Y
d|n
Φd(X),
a est racine de multiplicit´e > 2 du polynˆome Xn −1 de Fp[X]. Ceci contredit que le fait que le polynˆome Xn−1 et sa d´eriv´ee nXn−1 sont premiers entre eux dans Fp[X], comme le prouve l’´egalit´e de Bezout
1
nXnXn−1−(Xn−1) = 1.
Ainsi p divise Φn(a) mais aucun des Φd(a) o`u d est un diviseur strict de n. Par le premier point,p≡1 [n].
En r´esum´e,∀N ∈N∗,∃ppremier tel quep > N etp≡1 [n], ce qui traduit exactement qu’il existe une infinit´e de nombres premiers de la formeλn+ 1, n∈N∗.
2 Caract` eres des groupes ab´ eliens finis
Nous allons ´etudier les homomorphismes d’un groupe ab´elien fini dansC∗. Apr`es s’ˆetre int´eres- s´es aux propri´et´es de ces homomorphismes et avoir muni leur ensemble d’une structure de groupe, nous verrons les relations dites d’orthogonalit´e, qui seront utilis´ees dans la d´emonstration du th´eor`eme de Dirichlet. Enfin nous d´efinirons les caract`eres de Dirichlet.
2.1 Premi`eres propri´et´es des caract`eres et dual d’un groupe
2.1 D´efinition (Caract`ere). — Soit G un groupe. Un homomorphisme multiplicatif χ : G→ C∗ est appel´e caract`ere. Le caract`ereχ0 tel que χ0(a) = 1pour tout a∈Gest dit caract`ere trivial.
Notons que pour tout a∈ G, on a que |χ(a)|= 1, puisque part le th´eor`eme de Lagrange, en posantn =|G|, on a an =e d’o`u 1 =χ(e) =χ(an) = χ(a)n.
2.2 D´efinition (Dual d’un groupe). — Soitχ1 etχ2 deux caract`eres d’un groupe ab´elien fini G. On d´efinit le produitχ1χ2 de ces deux caract`eres en posant χ1χ2(a) = χ1(a)χ2(a). L’ensemble des caract`eres de G muni de cette op´eration forme un groupe ab´elien `a |G| ´el´ements not´e G,b appel´e dual de G, dont l’´el´ement neutre est χ0.
Il est imm´ediat de v´erifier que Gb est bien un groupe ab´elien. En effet, pour χ1, χ2 ∈ G, on ab χ1χ2(ab) = χ1(ab)χ2(ab) = χ1(a)χ1(b)χ2(a)χ2(b) = χ1χ2(a)χ1χ2(b), donc χ1χ2 est encore un caract`ere. L’inverse χ−11 de χ1 est d´efini par χ−11 (a) = 1
χ1(a), ou encore puisque χ1(a) est de module 1 parχ−11 (a) =χ(a) =χ(a) (la derni`ere ´egalit´e ´etant juste une notation). Le fait que χ0 est l’identit´e de Gb et que Gb est commutatif est ´evident. Enfin que Gb soit d’ordre |G| r´esulte du th´eor`eme 2.4 ci-dessous.
2.3 Th´eor`eme. — Soit H un sous-groupe d’un groupe fini ab´elien G, et supposons que le quo- tient G/H soit cyclique. Alors chaque caract`ere de H est la restriction de [G : H] caract`eres de G.
Preuve. — Soit m = [G : H], et soit aH un g´en´erateur de G/H. Alors am ∈ H et chaque
´element de G s’´ecrit de fa¸con unique ajh avec 06j 6m−1 et h∈H.
Soit χ∈Hb et supposons que χ=χ|eH avec χe∈G. Posonsb η=χ(a). Alorse ηm =χ(a)e m =χ(ae m) =χ(am)
et pour 06j 6m−1 et h∈G,
χ(ae jh) =χ(a)e jχ(h) =e ηjχ(h).
Ainsi χe est d´etermin´e par χ et η. Il y a m fa¸cons de choisir η, ce sont les racines m-i`emes de χ(am). V´erifions alors que la formule ci-dessous donne bien des caract`eres deG.
Prenons pour η une racine m-i`eme de χ(am). Soit 0 6 j, k 6 m−1 et h, h0 ∈ H. Alors en utilisant la commutativit´e de G
χ(ae jh)χ(ae kh0) =ηj+kχ(h)χ(h0) =ηj+kχ(hh0).
Sij+k 6m−1, alors
χ(ae jh)χ(ae kh0) = χ(ae j+khh0) =χ((ae jh)(akh0)).
Sinon 06j+k−m6m−1 et donc
χ(ae jh)χ(ae kh0) = ηj+k−mηmχ(hh0) = ηj+k−mχ(am)χ(hh0)
= ηj+k−mχ(amhh0) = χ(ae j+k−mamhh0) =χ((ae jh)(akh0)).
Ce qui montre queχeest un caract`ere deG.
Plus g´en´eralement, on peut ´enoncer
2.4 Th´eor`eme. — Soit H un sous-groupe d’un groupe fini ab´elien G. Chaque caract`ere de H est la restriction de [G:H] caract`eres de G. En particulier |G|b =|G|.
Preuve. — SoitG=ha1, . . . , ari. PosonsHj =H+ha1, . . . , aji pour 06j 6r. Ainsi H0 =H, Hr = G, Hj ⊂Hj+1 pour 06j 6 r−1 et Hj+1/Hj est cyclique. En appliquant le th´eor`eme 2.3 il vient qu’un caract`ere de H est la restriction de
r−1
Y
j=0
[Hj+1 :Hj] = [G:H]
caract`eres de G.
Le groupe trivial n’a qu’un seul caract`ere, donc en appliquant le r´esultat `aH ={e}, on obtient
|G|b = [G:{e}] =|G|.
2.5 Remarque (Caract`eres d’un groupe cyclique). — Soit G = hai d’ordre m. Il est ais´e d’exhiber ses caract`eres. Soit ψ ∈G. En reprenant la d´b emonstration du th´eor`eme 2.3 avec H = {e} il vient que ψ(a) est l’une des racines m-i`emes de l’unit´e, donc ψ(a) = exp(2πij/m) avec 06j 6m−1. De plus la connaissance deψ(a) d´etermine enti`erement le caract`ere, puisque pour tout 0 6 k 6 m−1, on a ψ(ak) = ψ(a)k = exp(2πijk/m). De fa¸con pratique, on retiendra que les caract`eres deG sont les ψj :ak 7→exp(2πijk/m) pour 06j 6m−1.
2.2 Relations d’orthogonalit´e des caract`eres
2.6 Th´eor`eme. — Soit G un groupe fini ab´elien. On a (i) X
g∈G
χ(g) =
|G| si χ=χ0,
0 sinon et (ii) X
χ∈Gb
χ(g) =
|G| sig =e, 0 sinon.
Preuve. — (i) Remarquons que χ ´etant un homomorphisme, son noyau H est un sous-groupe de G et on a l’isomorphisme G/H ' Im(χ). Comme Im(χ) est un sous-groupe fini de C∗, c’est un groupe de racines de l’unit´e. Le caract`ere χ envoie sur chaque racine d-i`eme de l’unit´e un mˆeme nombre d’´el´ements de G. Siχ6=χ0, le groupe quotient G/H a au moins 2 ´el´ements et par l’isomorphisme, il en est de mˆeme de Im(χ). Ainsi la somme de ses ´el´ements vaut 0. Siχ=χ0, le r´esultat est clair puisque χ(g) = 1 pour tout g ∈G et|G|b =|G|.
(ii) Le r´esultat est acquis pourg =ecar dans ce cas χ(e) = 1 pour tout caract`ere χ. Sig 6=e, consid´erons le sous-groupe H = hgi. Il est cyclique d’ordre n > 2, son dual Hb est aussi d’ordre n, et si ψ(g) = 1 pour tout ψ ∈ H, il vient que ψ(gk) = 1 pour tout 0 6 k 6 n−1, donc Hb est trivial, ce qui contredit n>2. Il existe donc ψ1 ∈Hb tel queψ1(g)6= 1. Par suite il existe χ1 ∈Gb tel que χ1(g)6= 1, par prolongement de ψ1 `aG (th´eor`eme 2.4). Finalement puisque χ7→χ1χ est une permutation de G,b
X
χ∈Gb
χ(g) =X
χ∈Gb
χ1χ(g) = χ1(g)X
χ∈Gb
χ(g)
et doncX
χ∈Gb
χ(g) = 0 vu le choix χ1(g)6= 1.
2.3 Caract`eres de Dirichlet
Soit N ∈ N∗. On note (Z/NZ)∗ le groupe des entiers inversibles modulo N. L’ordre de ce groupe estϕ(N), et a appartient `a (Z/NZ)∗ si et seulement sia et N sont premiers entre eux.
Un caract`ere de Dirichlet modulo N est un caract`ere du groupe (Z/NZ)∗ que l’on ´etend en une fonction d´efinie sur Z en posant
χ(a) =
χ(a) sia et N sont premiers entre eux, 0 sinon.
La fonction ainsi d´efinie est multiplicative. En effet si a et b sont premiers `a N alors ab l’est aussi, et la multiplicativit´e r´esulte de la d´efinition du caract`ere. si a ou b n’est pas premier `a N le produitab n’est pas non plus premier `a N et on a bien χ(a)χ(b) =χ(ab) = 0. De plus elle est N-p´eriodique.
On noteXN l’ensemble des caract`eres de Dirichlet moduloN etχ0 le caract`ere trivial ´etendu.
Il y aϕ(N) caract`eres de Dirichlet.
3 La fonction ζ de Riemann
La fonction ζ peut ˆetre d´efinie sur le corps des complexes, mais nous nous contenterons ici d’une d´efiniton dans un cadre r´eel.
3.1 D´efinition (Fonction ζ de Riemann). — Soit s un nombre r´eel. On pose ζ(s) =
+∞
X
n=1
1 ns quand cette s´erie converge.
Pour s60, la s´erie diverge grossi`erement, on peut donc supposer s >0. Dans ce cas 1
ns >
Z n+1 n
dt
ts > 1 (n+ 1)s, donc
M
X
n=1
1 ns >
Z M 1
dt ts >
M+1
X
n=2
1
ns. (1)
et la s´erie converge si et seulement si Z +∞
1
dt
ts converge. On a alors le r´esultat suivant.
3.2 Th´eor`eme. — La s´erie ζ(s) converge si et seulement si s >1. Dans ce cas s
s−1 > ζ(s)> 1 s−1. En particulier
lim
s→1+(s−1)ζ(s) = 1.
Preuve. — On a
Z N 1
dt ts =
1−N1−s
s−1 si s6= 1, lnN si s= 1, donc l’int´egrale
Z +∞
1
dt
ts converge vers 1
s−1 si et seulement sis >1. En passant `a la limite dans (??), il vient
ζ(s)> 1
s−1 > ζ(s)−1 d’o`u
s
s−1 > ζ(s)> 1 s−1.
En multipliant pars−1 et en faisant tendre s vers 1+, on a le r´esultat souhait´e.
Nous prouvons maintenant la formule d’Euler pour la fonctionζqui fait le lien avec les nombres premiers.
3.3 Th´eor`eme (D´eveloppement eul´erien). — Soit s >1. Alors ζ(s) =Y
p
1− 1
ps −1
o`u le produit est pris sur les entiers premiers.
Preuve. — Soit M un entier naturel. Alors Y
p6M
1− 1
ps −1
= Y
p6M +∞
X
m=0
1
pms = X
n∈AM
1 ns
o`u AM est l’ensemble des entier naturel dont aucun des facteurs premiers n’exc`ede M. Puisque AM contient tous les entiers n6M, il vient
M
X
n=1
1
ns 6 Y
p6M
1− 1
ps −1
6ζ(s).
En faisant tendreM vers +∞, on a le r´esultat souhait´e.
4 L-fonctions de Dirichlet
Dans la suite, N d´esignera un entier >1.
4.1 D´efinition (L-fonction de Dirichlet). — Soit χ∈XN ets∈R. On d´efinit la L-fonction de Dirichlet L(s, χ) par L(s, χ) =
∞
X
n=1
χ(n)
ns quand cette s´erie converge.
Avant de regarder des conditions pour que les L-fonctions convergent, nous allons prouver un lemme qui nous servira plusieurs fois.
4.2 Lemme. — Soit χ ∈ XN et supposons que χ 6= χ0. Posons an =
n
X
j=1
χ(j). Alors pour tout n∈N, |an|6N.
Preuve. — On suppose N > 2, car pour N = 1, on ne peut pas trouver de χ 6= χ0. Par le th´eor`eme 2.6,
N
X
j=1
χ(j) = 0 pour N > 2. Soit maintenant n > N. En effectuant la division euclidienne de n par N, il existe q∈N et 06r < N tel que n=qN +r, d’o`u
an=
n
X
j=1
χ(j) =
N
X
j=1
χ(j) +
2N
X
j=N+1
χ(j) +· · ·+
qN
X
j=(q−1)N+1
χ(j) +
qN+r
X
j=qN+1
χ(j)
Tous les termes du membre de droite sont nuls, sauf le dernier qui peut se r´e´ecrire
r
X
j=1
χ(j) =ar
par d´efinition du caract`ere de Dirichlet. Par suite
|an|=|ar|6
r
X
j=1
|χ(j)|6r6N,
comme attendu.
4.3 Th´eor`eme. — Soit χ∈XN. Si χ=χ0, la s´erie L(s, χ) converge pour s >1. Si χ6=χ0, la s´erie converge pour s >0.
Preuve. — Lorsque χ=χ0, on a χ(n)∈ {0,1}pour tout n∈N, donc 06
M
X
n=1
χ(n) ns 6
M
X
n=1
1 ns
et par comparaison `a la s´erie ζ(s), cette s´erie converge pour s >1.
Supposons `a pr´esent χ6=χ0. Posons
a0 = 0 et an=
n
X
j=1
χ(j) si n >1.
On a alorsχ(n) =an−an−1 pourn >1, et une transformation d’Abel conduit `a
M
X
n=1
χ(n) ns =
M
X
n=1
an−an−1 ns
=
M
X
n=1
an ns −
M
X
n=1
an−1
ns
=
M
X
n=1
an ns −
M−1
X
n=1
an (n+ 1)s
= aM Ms +
M−1
X
n=1
an 1
ns − 1 (n+ 1)s
.
Par le lemme 4.2, il existe A tel que |an| 6 A pour tout n. Si s > 0, alors aM/Ms → 0 quand M → ∞ et
M−1
X
n=1
an 1
ns − 1 (n+ 1)s
6A
1− 1
Ms
Il en r´esulte que la s´erie L(s, χ) converge pour s >0. De plus, L(s, χ) =
∞
X
n=1
an 1
ns − 1 (n+ 1)s
Cette formule nous servira un peu plus loin.
A l’instar de la s´erieζ(s), la s´erieL(s, χ) peut s’´ecrire comme un produit infini. Plus pr´ecis´ement, on dispose du th´eor`eme suivant
4.4 Th´eor`eme. — Soit χ∈XN et s >1. Alors L(s, χ) =Y
p
1− χ(p) ps
−1
Preuve. — Puisque
L(s, χ) = 1 + χ(2)
2s +χ(3)
3s +. . . , on a par exemple
χ(2)
2s L(s, χ) = χ(2)
2s +χ(4)
4s +χ(6)
6s +. . . , d’o`u en soustrayant membre `a membre
1− χ(2) 2s
L(s, χ) = 1 + χ(3)
3s +χ(5) 5s +. . . On recommence alors le proc´ed´e : on a
χ(3) 3s
1−χ(2) 2s
L(s, χ) = χ(3)
3s +χ(9)
9s +χ(15) 15s +. . . puis en soustrayant ces deux derni`eres ´equations
1− χ(2)
2s 1−χ(3) 3s
L(s, χ) = 1 +χ(5)
5s +χ(7) 7s +. . .
En it´erant ce proc´ed´e pour chaque premier p, on obtient Y
p
1− χ(p) ps
L(s, χ) = 1,
ce qui est le r´esultat attendu.
Les deux th´eor`emes suivants concernent le comportement de L(s, χ) quands →1+. 4.5 Th´eor`eme. — Pour χ=χ0 ∈XN, on a
lim
s→1+(s−1)L(s, χ) = ϕ(N) N .
Preuve. — Soit s > 1. Puisque χ(p) = 0 si p|N et χ(p) = 1 si p - N, on peut ´ecrire par le th´eor`eme 4.4
L(s, χ) =Y
p-N
1− 1
ps −1
=Y
p
1− 1
ps −1
Y
p|N
1− 1
ps
, ou encore
L(s, χ) = ζ(s)Y
p|N
1− 1
ps
. Mais
lim
s→1+(s−1)ζ(s) = 1, donc
s→1lim+(s−1)L(s, χ) = lim
s→1+
Y
p|N
1− 1
ps
=Y
p|N
1− 1
p
= ϕ(N) N , d’o`u le r´esultat.
4.6 Th´eor`eme. — Soit χ∈XN avec χ6=χ0. On a
L(s, χ) = L(1, χ) +O(s−1)quand s→1+. Preuve. — Soit 1< s <2. Par la preuve du th´eor`eme 4.3,
L(s, χ)−L(1, χ) =
∞
X
n=1
an 1
ns − 1 (n+ 1)s
− 1
n − 1 n+ 1
En appliquant le th´eor`eme des accroissements finis `as 7→n−s−(n+ 1)−s de d´eriv´ee s7→ ln(n+ 1)
(n+ 1)s −lnn ns ,
il existe sn∈]1;s[ tel que
L(s, χ)−L(1, χ) = (s−1)
∞
X
n=1
an
ln(n+ 1)
(n+ 1)sn − lnn nsn
.
Une nouvelle application du th´eor`eme des accroissements finis `a la fonction x7→ lnx
xsn de d´eriv´ee x7→ 1−snlnx
xsn+1