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Le recrutement des Visitandines de Condrieu aux XVIIe et XVIIIe siècles

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Academic year: 2021

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Le recrutement des Visitandines de Condrieu aux XVIIe

et XVIIIe siècles

Mémoire

Pierre-Louis Mongrain

Maîtrise en histoire - avec mémoire

Maître ès arts (M.A.)

(2)

Le recrutement des Visitandines de Condrieu aux

XVIIe et XVIIIe siècles

Mémoire

Pierre-Louis Mongrain

Sous la direction de :

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Résumé

Dans le cadre du renouveau religieux du XVIIe siècle, François de Sales et Jeanne de Chantal fondent l’Ordre de la Visitation en 1610. Rapidement populaires, les Visitandines ouvrent plusieurs monastères dans les premières années de leur existence. En 1630, elles s’implantent dans la ville de Condrieu, située à la frontière des provinces du Lyonnais et du Dauphiné et faisant partie du diocèse de Vienne. L’analyse des entrées en religion permet de montrer que, jusqu’à la fermeture du couvent en 1792, les effectifs restent élevés. Après l’extension rapide des premières années, le recrutement fluctue au gré des reculs et des reprises, des chutes et des redressements. La proximité de la ville de Lyon teinte de manière importante l’origine géographique des postulantes et désavantage l’accueil des jeunes filles condriotes. L’origine socioprofessionnelle met en lumière l’appartenance des nouvelles religieuses à l’élite sociale, malgré le glissement d’un recrutement nobiliaire à un recrutement roturier. Notre recherche vise à saisir ces changements et à les remettre dans leur contexte, afin d’en comprendre les causes.

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Table des matières

Résumé ... iii

Table des matières ... iv

Liste des tableaux ... v

Liste des graphiques ... vi

Liste des figures ... vii

Liste des cartes ... viii

Liste des annexes ... ix

Listes des abréviations et des sigles ... x

Remerciement... xii

Introduction ... 1

Problématique et hypothèse ... 3

Bilan historiographique ... 10

Ordre de la Visitation : état de l’historiographie ... 16

Corpus de sources ... 18

Méthodologie de recherche ... 22

Plan du mémoire ... 23

1. Les Visitandines de Condrieu : l’établissement et l’organisation interne du couvent (1630-1792) . 24 1.1. Condrieu à l’Époque moderne : contexte historique ... 25

1.1.1. Les conflits pré-XVIIe siècle... 26

1.1.2. Le portrait socio-économique de Condrieu aux XVIIe et XVIIIe siècles ... 29

1.2. Fondation et développement du monastère de la Visitation de Condrieu (1630-1792) ... 36

1.2.1. La fondation du couvent des Visitandines de Condrieu : entre dévotion et nécessité.... 36

1.2.2. Développement du monastère : espace conventuel et patrimoine foncier ... 40

1.3. Entre les murs de la Visitation; l’organisation interne, l’entrée en religion et les charges ... 49

1.3.1. L’organisation conventuelle : les catégories de religieuses... 49

1.3.2. L’entrée en religion : les critères d’une vocation ... 51

1.3.3. La charge de Supérieure : l’importance de la charge dans la vie du couvent ... 54

2. Le recrutement des Visitandines de Condrieu aux XVIIe et XVIIIe siècles ... 63

2.1. L’évolution des effectifs des Visitandines de Condrieu aux XVIIe et XVIIIe siècles ... 64

2.1.1. Le flux des entrées ... 65

2.1.2. Les effectifs du couvent : la population des Visitandines ... 76

2.2. Les origines géographiques des Visitandines de Condrieu aux XVIIe et XVIIIe siècles ... 80

2.2.1. Le rayonnement limité de monastère de Condrieu ... 80

2.2.2. Le cas particulier des sœurs domestiques... 90

2.3. Les origines sociales et familiales des religieuses de la Visitation de Condrieu aux XVIIe et XVIIIe siècles ... 93

2.3.1. L’évolution du recrutement nobiliaire ... 94

2.3.2. L’évolution du recrutement roturier ... 104

Conclusion ... 113

Sources manuscrites ... 118

Sources imprimées ... 122

Bibliographie ... 126

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Liste des tableaux

Tableau 1 - Nombre d’habitants de Condrieu distribué par quartiers ou bourgs ... 33

Tableau 2 - Naissances et décès à Condrieu aux XVIIe et XVIIIe siècles ... 35

Tableau 3 - Triennat des mères supérieures au monastère de la Visitation de Condrieu aux XVIIe et XVIIIe siècles ... 56

Tableau 4 - Âge des religieuses lors de leur profession au couvent des Visitandines de Condrieu (1630- 1792) ... 65

Tableau 5 - Nombre d’entrées au noviciat des sœurs choristes et associées dans le monastère de la Visitation de Condrieu (1630-1792) ... 68

Tableau 6 - Durée de la profession et âge de décès ... 70

Tableau 7 - Effectif du monastère de la Visitation de Condrieu (1694-1792) ... 76

Tableau 8 - Pourcentages et nombres des religieuses du monastère de la Visitation de Condrieu selon les provinces de la France (1630-1792) ... 81

Tableau 9 - Nombre d'habitants selon le lieu d’origine des religieuses de la Visitation de Condrieu ... 82

Tableau 10 - L’origine géographique des religieuses de la Visitation de Condrieu entre 1630 et 1792 ... 87

Tableau 11 - Pourcentages et nombres des religieuses selon le diocèse d’origine ... 88

Tableau 12 - Caractéristiques des converses du monastère de la Visitation de Condrieu au XVIIIe siècle ... 90

Tableau 13 - Origine socioprofessionnelle des sœurs choristes et associées du monastère de la Visitation de Condrieu (1630-1792) ... 95

Tableau 14 - Les entrées selon le type de noblesse ... 97

Tableau 15 - Familles dont au moins deux membres entrent à la Visitation de Condrieu au XVIIe siècle ... 99

Tableau 16 - Familles dont au moins deux membres font profession à Condrieu au XVIIIe siècle ... 102

Tableau 17 - Répartition des religieuses selon le secteur d’activité des pères sous l’Ancien Régime ... 105

Tableau 18 - Répartition des religieuses issues du monde de la justice et de la finance (1630-1792) ... 106

Tableau 19 - Répartition des religieuses issues du monde du commerce (1630-1792) ... 109

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Liste des graphiques

Graphique 1 – Nombre d’entrées au noviciat au monastère de la Visitation de Condrieu (1630-1792) ... 69

Graphique 2 – Évolution des entrées au noviciat au monastère de la Visitation de Condrieu (1630-1792) ... 74

Graphique 3 – Effectif du monastère de la Visitation de Condrieu (1683-1792) ... 77

Graphique 4 – Effectif des pensionnaires au monastère de la Visitation de Condrieu (1683-1792) ... 79

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Liste des figures

Figure 1 - Plan type d’un monastère de la Visitation, rez-de-chaussée ... 41 Figure 2 - Plan type d’un monastère de la Visitation, premier étage ... 42 Figure 3 - Profil du monastère de la Visitation de Condrieu en 1655 ... 44

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Liste des cartes

Carte 1 – Diocèse de France en 1715 ... 7 Carte 2 - Quartiers de résidence des pères des religieuses du monastère de la Visitation de Condrieu dans la province lyonnaise aux XVIIe et XVIIIe siècles ... 84 Carte 3 - Fondations des monastères de la Visitation dans la province de Lyon aux XVIIe et XVIIIe siècles .... 86

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Liste des annexes

Annexe 1 - Contrat de donation de la maison paternelle de Claude Villars, IIIe de nom, aux

religieuses de la Visitation de Condrieu, le 1er août 1631. Page 1 de 2 ...148

Annexe 2 - Contrat de donation de la maison paternelle de Claude Villars, IIIe de nom, aux religieuses de la Visitation de Condrieu, le 1er août 1631. Page 2 de 2 ...150

Annexe 3 - Plan du rez-de-chaussée du monastère de la Visitation de Condrieu ...152

Annexe 4 - Plan du premier étage du monastère de la Visitation de Condrieu ...153

Annexe 5 - Plan du deuxième étage du monastère de la Visitation de Condrieu ...154

Annexe 6 - Plan du troisième étage du monastère de la Visitation de Condrieu ...155

Annexe 7 - Contrat de réception de sœur Marie Marthe Ratier ...156

Annexe 8 - Extrait du registre de vêtures, probation de Marie-Angélique Fournier le 1er novembre 1741, page 1 ...157

Annexe 9 - Extrait du registre de vêtures, probation de Marie-Angélique Fournier le 1er novembre 1741, page 2 ...159

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Listes des abréviations et des sigles

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À la mémoire de mon frère Francis

(12)

Remerciement

Il y a tant de choses qui ont changé entre le début et la fin de cette maîtrise, qu’en dresser une liste reviendrait à faire un second mémoire. Mon plan initial, à mon entrée à l’Université, était de suivre la voie déjà tracée, me semblait-il, des études supérieures. Mais, le plan parfait n’existe pas et la vie étant ce qu’elle est, j’ai été tiré hors du chemin que je m’étais toujours imaginé suivre, par les doutes et les obligations du quotidien.

Ce mémoire est la preuve qu’il ne faut jamais abandonner à poursuivre ses rêves.

Mes remerciements vont d’abord à mon directeur de recherche, Michel De Waele, pour avoir accepté de suivre mon projet, un peu atypique avec son champ d’expertise. Par ses commentaires, ses suggestions, sa rigueur et son encadrement, il m’a permis de mener à bien ce projet qui attendait depuis bien longtemps. Je remercie également Pierre-Yves Saunier, directeur des programmes de 2e et 3e cycles en histoire, d’avoir accepté de me réintégrer à la maîtrise en histoire, malgré le temps passé depuis mes débuts. Je suis reconnaissant envers Lynda Morin, agente de gestion des études en histoire, pour s’être admirablement occupée de mon dossier, aussi complexe fût-il, pour me permettre de déposer.

De même, j’ai une pensée spéciale pour ces professeurs qui ont eu une influence énorme sur l’étudiant que je suis : Pierre Riebe, Denis Leclerc, Jean-Pierre Desbiens, Claire Dolan, Louis Painchaud et Alain Bouchard. Par leurs connaissances, leurs travaux, leur écoute, leurs conseils, leurs disponibilités, leurs personnalités, ils ont été des moteurs importants dans la poursuite de mon cheminement scolaire, de ma curiosité intellectuelle, de ma construction en tant qu’humain. Ils m’ont impressionné, chacun à leur manière, et c’est, selon moi, l’un des objectifs d’un professeur. Il en devient ainsi un modèle.

Un merci tout spécial à ma mère, Diane Lafond, sans qui cette maîtrise n’existerait certainement pas. Merci de m’avoir accompagné à Lyon pour débusquer les archives. Merci pour ta curiosité qui m’a permis d’explorer de nouvelles directions. Ton support a été inestimable. Tu es et resteras mon modèle académique. Merci à mon père Pierre, déjà de ne pas avoir insisté pour m’appeler Pierre Jr. Je te serai à jamais reconnaissant. Merci surtout d’avoir été là pour m’encourager, pour m’avoir montré qu’il n’existe aucun problème sans solution, et pour t’être tenu à mes côtés dans les moments les plus sombres.

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Une pensée particulière pour mon frère Francis, parti beaucoup trop tôt. Je vois mes garçons se faire rire, se chamailler, se coller, s’inquiéter les uns pour les autres, et je m’imagine que c’est ce qu’on aurait été, toi et moi. Je serai toujours fier d’être ton grand frère. Ce que je fais, je le ferai toujours pour nous, mon frère. À jamais.

Enfin, merci à ma conjointe, Julie Beaupré-Bériau, qui me pousse continuellement à entreprendre ce qui me tient à cœur. Elle est la première ligne face à mes drames, à mes peurs, à mes doutes. Elle est mon meilleur public. Seigneur, pauvre elle! Merci d’être là, d’être mon pilier, ma fondation, merci d’être toi. Rien de tout ceci ne serait réel sans ton support. Je t’aime.

J’ai mentionné, au début des remerciements, que bien des choses avaient changé entre les premiers pas à la maîtrise et la fin de la route. J’ai commencé, en 2010, en étant un étudiant qui revenait d’une session d’étude à l’Université de Franche-Comté, à Besançon. Je la termine en étant père de 6 enfants.

Ça, c’est du changement sur un moyen temps…

Alors, à Nelly, à Kélia, à Félix, à Liam, à Logan et à Livia, cette maîtrise est pour vous. C’est vous qui lui donnez un sens. Peu m’importe que vous la lisiez un jour, j’espère juste qu’elle vous donnera envie de vous battre, de continuer, de creuser et d’apprendre pour atteindre vos rêves. Même si elles peuvent paraître insurmontables, les difficultés ne sont qu’une marche qui vous permet de vous élever plus près du sommet. N’abandonnez jamais.

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Introduction

Ma fille, que demandes vous ? declares vostre intention devant toute cette assemblee. Et la fille respondra : Une chose ay je demandé au Seigneur, c’est celle que je requiers : que j’habite en cette mayson du Seigneur tout le tems de ma vie1.

Aux XVIIe et XVIIIe siècles, des milliers de jeunes filles et de femmes à travers de l'Europe, dont la France, s'engagent en religion. Poussées par le renouveau religieux qui émane de la Réforme catholique et qui se traduit par le renouvellement des ordres anciens et la naissance d'une multitude d'ordres nouveaux, ces religieuses choisissent leurs congrégations en vertu de la règle, des dévotions, des constitutions et du genre de vie qu'elles proposent. À son entrée en religion, la religieuse termine un noviciat d’au moins un an, précédé d’une période de quelques mois à titre de postulante. Ces étapes, uniformes à toutes les communautés religieuses féminines de l’Ancien Régime, représentent le chemin que doit emprunter une femme qui souhaite devenir religieuse. Elles ont pour objectif d’intégrer la candidate à la communauté, à s’en faire apprécier et à démontrer qu’elle a le goût et les aptitudes indispensables à la vie religieuse. Elles permettent aussi à la communauté de s’assurer de l’authenticité des vœux et éviter, dans la mesure du possible, les vocations forcées. La première supérieure de la Visitation de Condrieu, Marie-Denise Goubert, suit par exemple cette voie : elle fait profession chez les Visitandines du monastère de Bellecour, à Lyon, le 16 septembre 16262. À la signature de son contrat de réception, qui officialise son entrée en religion, ainsi que certaines modalités financières, Marie Denise Goubert termine un noviciat d'au moins un an, précédé d'une période de quelques mois à titre de postulante.

À l’Époque moderne, la vie religieuse reste « sur le plan des idées, une des formes de vie (sinon la seule) considérées comme les plus parfaitement conformes à l’idéal de recherche du salut personnel3 ». Les raisons qui déterminent l’entrée dans une communauté religieuse régulière sont

1 François de Sales, Œuvres de saint François de Sales, évêque de Genève et docteur de l’Église, tome 25, volume 4,

Annecy, Imprimerie J. Abry, 1931, p. 178.

2 Archives Départementales du Rhône (A.D.R.), « Contract de constitution et reception du monastère Ste-Marie de la

ville de Lyon de soeur Marie Denise Goubert » 34H21 Réceptions, constitutions de dot, actes divers (ordre

alphabétique), 1615-1789 – Gabel – Yon de Jonage (non-folioté).

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multiples, et certaines d’entre elles restent inconnues, puisqu’elles relèvent de décisions personnelles ou intuitives. Néanmoins, elles peuvent se regrouper en trois catégories : le dégoût du monde, la séduction du cloître et les déchirements affectifs4. L’influence de la famille est aussi un facteur dans l’établissement de l’état religieux. En effet, les parents peuvent s’opposer à l’entrée en religion de leurs enfants, mais peuvent aussi les y inciter ou les y contraindre5. D’ailleurs, dans plusieurs établissements En règle générale, c’est doté d’une sincère vocation, bien que parfois conditionnée par un milieu familial fervent très attaché à la religion, que les enfants prennent le chemin de la vie religieuse. Le couvent symbolise alors la rupture entre la vie religieuse et la vie civile, en plus d’être un pôle autour duquel se développe la société urbaine. Ainsi, sous l’Ancien Régime, la présence des religieux est importante et bien souvent, les habitants d’un lieu situent leur habitation par rapport aux couvents6.

Les XVIIe et XVIIIe siècles font entrer le catholicisme dans une nouvelle ère, qui se caractérise par une certaine féminisation de l'Église. Une attention particulière à l'éducation spirituelle de la gent féminine se propage partout en Europe7. En France, des salons dévots et de nouvelles écoles se consacrent à l'instruction religieuse des filles et des garçons, afin de contrer les établissements protestants. Le renouveau catholique inscrit la femme au cœur même de l'impulsion de la Contre-Réforme8. L'effervescence religieuse amène les ordres contemplatifs à vouloir revenir à une observance traditionnelle en respectant la clôture et la séparation du monde, alors que les ordres nouveaux, tels que les Filles de la Charité, les Ursulines, les Carmélites et l'Ordre de la Visitation, s'orientent vers une vie active. Les religieuses jouent donc un rôle important de service et d'apostolat9.

siècles, Saint-Étienne, Publications de l'Université de Saint-Étienne, 1993, p. 22

4 Dominique Dinet, Religion et société : Les Réguliers et la vie régionale dans les diocèses d'Auxerre, Langres et Dijon

(fin XVIe-fin XVIIIe siècles), Paris, Publications de la Sorbonne, 1998, p. 837. ; Cyrille Fayolle, « L'entrée en religion :

détermination sociales et décision personnelle », Bernard Dompier (dir.), Vocation d'Ancien Régime. Les gens d'Église

en Auvergne aux XVIIe et au XVIIIe siècles, Clermont-Ferrand, Publications de l'Alliance universitaire d'Auvergne, 1999. p. 114.

5 Alexandra Roger, « Contester l'autorité parentale : les vocations religieuses forcées au XVIIIe siècle en France »,

Annales de démographie historique, no. 1 (2013), p. 43. Jean-Marc Lejuste, « Vocation et famille : l'exemple de la

Lorraine aux XVIIe et XVIIIe siècle», Chrétiens et société, no 18 (2012), p. 39-41.

6 Françoise Bayard, Vivre à Lyon sous l'Ancien Régime, Paris, Perrin, 1997, p. 149.

7 Luc Oreskovic, « La construction de l'identité catholique des jeunes filles dans un diocèse de frontière au XVIIIe siècle »,

Clio, Histoire, femmes et sociétés, no 24 (novembre 2006), p. 76. Elizabeth Rapley, The Dévotes : Women and Church in Seventeenth-Century France, Kingston, McGill Queen's University Press, 1990, p. 193-196.

8 Pierre Chaunu, Essai sur la réforme et contre réforme, Paris, Société d’Édition d’Enseignement supérieur, 1981. p. 24.

René Taveneaux, Le catholicisme dans la France classique, Paris, Sedes, 1994, p. 45. Voir aussi : Natalie Zemon Davis,

Juive, catholique, protestante : trois femmes en marge au XVIIe siècle, Paris, Seuil, 1997 [1995]. Barbara B. Diefendorf, From Penitence to Charity. Pious Women and the Catholic Reformation in Paris, Oxford, Oxford University Press, 2004.

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De ce fait, l'impulsion apostolique féminine qui touche l'Europe de la première moitié du XVIIe siècle, veut mettre de côté la sédentarité forcée et la séparation qui caractérisent la clôture, afin de favoriser l’interaction avec la population. C'est de cette manière que les femmes peuvent être un instrument de Dieu et des alliées de l'Église dans l'effort de reconquête des chrétiens. Cependant, et malgré le désir féminin de promouvoir l'Église, celle-ci réaffirme avec vigueur les décrets du Concile de Trente (1545-1563) dans lesquels toutes congrégations féminines se doivent d’observer la clôture. Ainsi, l'effort des femmes dans la reconquête catholique se traduit par l'abandon de tout engagement dans le monde10. D'ailleurs, selon l'historienne Elisja Schulte Van Kessel, l'Ancien Régime est synonyme d'une chute de la reconnaissance de la sainteté féminine, dans la mesure où les seuls lieux de perfection deviennent les monastères11.

Problématique et hypothèse

Ce mémoire de maîtrise portera sur le recrutement du couvent de l'Ordre de la Visitation de Condrieu aux XVIIe et XVIIIe siècles. Il s'intéressera à l'évolution de ses effectifs, de sa création en 1630, jusqu’à sa fermeture, en 1792. L'objectif de cette recherche est double. D'une part, nous cherchons à montrer les flux d'entrées et de sorties du couvent, à en examiner les causes et à mettre en lumière le rapport du couvent avec la communauté dans laquelle il se situe. D'autre part, nous montrons les stratégies du recrutement, afin d'en déterminer les origines géographiques et socioprofessionnelles. En résumé, ce travail tentera de déterminer comment s'articule le recrutement dans le diocèse de Vienne.

La première moitié du XVIIe siècle marque un temps fort dans le développement et l’expansion des ordres religieux féminins. Les deux tiers des trois-cent-soixante maisons réparties entre les différentes communautés religieuses féminines en 1790, en France, ont été fondées entre 1610 et

Lyon II, 2001, p. 16.

10 Laurence Lux-Sterrit, « Les religieuses en mouvement. Ursulines françaises et Dames anglaises à l'aube du XVIIe

siècle », Revue d'histoire moderne & contemporaine, 2004, no. 52, p. 8.

11 Elisja Schulte Van Kessel, « Vierges et Mères entre ciel et terre », Nathalie Zemon Davis et Arlette Farge (dir), Histoire

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166012. L’intense ferveur spirituelle qui touche l’ensemble de la société française depuis le Concile de Trente, se traduit par une abondance de vocations religieuses et de nouvelles fondations.

C’est en 1610 que l’Ordre de la Visitation est fondé par François de Sales et Jeanne de Chantal à Annecy. Le succès est immédiat et les établissements se multiplient dans tout le royaume13. L'historien Bernard Dompnier explique ainsi cette popularité :

[...] la Visitation se définit [...] à son point de départ par l’inventivité de sa réponse à une demande sociale, dans le contexte de “l’humaniste dévot” du premier XVIIe siècle; elle peut ainsi être tenue pour une illustration du renouvellement de la vie en religion au temps de la Réforme catholique, aussi bien que pour les modalités pratiques qu’elle adopte que par la spiritualité qu’elle propose14.

Malgré une réticence constante de la fondatrice face à un trop grand nombre de fondations, c’est quatre-vingt-sept monastères qui sont déjà établis à sa mort en 164115, pour atteindre cent-quarante-neuf à la fin du XVIIe siècle16. Dominique Julia a démontré que la majorité des implantations des établissements de la Visitation se fait dans des villes réunissant des fonctions administrative, judiciaire, économique ou ecclésiastique17. La proximité de ces charges de pouvoirs permet aux monastères de la Visitation d’avoir accès aux milieux dévots, constitués des élites urbaines. Ainsi, un pourcentage des nouvelles religieuses provient de ces milieux de pouvoirs et amène aux monastères des dots conséquentes, qui aident la vie économique du couvent. De plus, les nouvelles fondations dépendent, conformément aux souhaits de François de Sales, des évêques des diocèses dans

12 Dominique Julia, « Présentation », Dompnier, Bernard et Dominique Julia (dir.), Visitation et Visitandines aux XVIIe et

XVIIIe siècles, Saint-Étienne, Publications de l'Université de Saint-Étienne, 2001, p. 111.

13 Sophie Collette, « Les religieuses de la Visitation Sainte-Marie de la ville d'Amiens aux XVIIe et XVIIIe siècle », Revue

du Nord, no. 341 (2001), p. 519.

14 Bernard Dompnier, « Introduction : Les Visitandines, les monastères et la Visitation. Parcours dans les sources et

l'historiographie », Dompnier, Bernard et Dominique Julia (dir.), Visitation et Visitandines aux XVIIe et XVIIIe siècles, Saint-Étienne, Publications de l'Université de Saint-Étienne, 2001, p. 9-10.

15 Dominique Julia, « L'expansion de l'Ordre de la Visitation », Dompnier, Bernard et Dominique Julia (dir.), Visitation et

Visitandines aux XVIIe et XVIIIe siècles, Saint-Étienne, Publications de l'Université de Saint-Étienne, 2001, p. 116.

16 Philippe Sarret, « Les visitandines d'Aurillac. Le recrutement d'un ordre récent », Bernard Dompnier (dir.), Vocations

d'Ancien Régime. Les gens d'Église en Auvergne aux XVIIe et XVIIIe siècles, Clermont-Ferrand, Publications de

l'Alliance universitaire d'Auvergne, 1999, p. 73.

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lesquels elles s’implantent. Néanmoins, les Visitandines peuvent aussi accepter l’ouverture d’un monastère dans des cités beaucoup plus petites, ne dépassant pas les 4000 habitants18. C’est par un système de filiation que le réseau des monastères visitandins prend de l’expansion. Ainsi, après qu’une demande de fondation est acceptée par l’Ordre, des religieuses d’un couvent sont nommées pour fonder le nouvel établissement19. Le monastère qui envoie des religieuses vers un nouveau lieu, est ainsi appelé un monastère-fondateur.

Dominique Julia et Marie-Ange Duvignacq-Glessgen ont démontré qu’outre la Visitation d’Annecy, au premier plan de par sa primauté dans l’Ordre, ce sont les monastères des grandes métropoles telles que Paris20 et Lyon21, qui ont fondé le plus de couvents, afin de se décharger du trop grand nombre de vocations. Dans la « ville-monastère22 » qu’est Lyon, les Visitandines obtiennent rapidement un grand succès, et ce, malgré la présence d’une multitude d’autres ordres religieux. L'implantation à Lyon marque un tournant dans l'histoire de l'Ordre. En effet, si les Visitandines d'Annecy bénéficient d’une « clôture aménagée », c'est-à-dire qu'elles sortent, après leur noviciat, pour s'occuper des malades, les Visitandines de Lyon devront avoir une clôture stricte à la demande de l’archevêque de Lyon, Mgr de Marcquemont23. Dorénavant, les nouveaux couvents devront se munir de cette clôture.

Les Constitutions de l’Ordre fixent le nombre de professes à trente-trois et, plus précisément, à vingt-neuf sœurs choristes et associées24. Cependant, il n’est pas rare que les couvents des grandes villes dépassent ce nombre25. Afin de répondre à la demande, ces couvents se déchargent des excès de vocations en fondant de nouveaux monastères. Ainsi, le couvent de Bellecour, le premier à être

18 Ibid., p. 142.

19 N. Favre, Les Visitandines de Condrieu…, p. 8.

20 Marie-Ange Duvignacq-Glessgen, L'Ordre de la Visitation à Paris aux XVIIe et XVIIIe siècles, Paris, Éditions du Cerf,

1994, p. 245-250.

21 D. Julia, « L'expansion de l'Ordre de la Visitation… », p. 161-162.

22 L'auteur Paul Chopelin utilise cette expression pour décrire Lyon puisque la structure urbaine de cette ville s’entremêle

à un réseau de chapelles, d'églises et de couvents. Paul Chopelin, Ville patriote et ville martyr, Lyon, l'Église et la

Révolution 1788-1805, Paris, Éditions Letouzay et Ané, 2010, p. 15.

23 Jean-Paul Bergeri, Histoire du Moûtiers. Capitale de la Tarentaise, Montmélian, Éditions La Fontaine de Siloé, 2007,

pp. 242-243.

24 Il existe trois catégories de religieuses. Les choristes, les associées et les domestiques.

25 Roger Devos, L'origine sociale des Visitandines d'Annecy aux XVIIe et XVIIIe siècles, Annecy, Académie salésienne,

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établi à Lyon en 1615, fonde cinq monastères avant 1630, dont le deuxième couvent des Visitandines à Lyon, celui de l’Antiquaille, et aide à la fondation de deux autres26 dans les quinze premières années de son existence. C’est en 1630, à Condrieu, que le monastère de Bellecour fonde son sixième couvent.

C’est en voulant honorer la mémoire de François de Sales, que Claude de Villars III, dont la famille est omniprésente dans la vie religieuse, politique et militaire de la France27, propose l’expansion de l’Ordre de la Visitation à Condrieu. Située à l'est du royaume, sise sur les bords du Rhône à sept lieues au sud de Lyon, Condrieu fait partie, au niveau judiciaire et administratif, de la Généralité de Lyon. Au niveau ecclésiastique, cependant, la ville fait partie du diocèse de Vienne28.

26 Les couvents fondés par le premier monastère des Visitandines de Lyon sont ceux de Valence (1621), St-Étienne

(1622), Avignon (1624), Paray (1626) et le seconde couvent de Lyon (1627). Elles participent également aux fondations des couvents de Montferrand (1620) et de Marseille (1623). La liste complète des fondations des Visitandines de 1610 à 1893, incluant les monastères fondateurs, l'année de fondation et l'année de suppression lorsque celle-ci s'applique peut être trouvé dans Émile Bougaud, St. Chantal and the Foundation of the Visitation vol. 2, New York, Benziger, 1895, pp. 447-460.

27 Marc Gauer, Histoire et généalogie de la famille Villars et ses alliances, Collection Cahiers ardéchois, 2016, p. 7. 28 Maurice Garden, Paroisses et communes de France : Rhône. Paris, Éditions du CNRS, 1978. p. 116.

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Carte 1 – Diocèses de France en 171529.

Sous l'Ancien Régime, le recrutement des religieuses varie selon plusieurs facteurs internes et externes au couvent. Au début du XVIIe siècle, la nouveauté et l'originalité de l'Ordre attirent de nombreuses prétendantes30. Ainsi victimes de leur popularité, les monastères sont complets et ne

29 Carte remaniée en provenance du livre de Joseph Bergin sur les changements religieux en France entre 1580 et

1730. Voir Joseph Bergin, Church, society and religious change in France, 1580-1730, New Haven, Londres, Yale University Press, 2009, p. 19.

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peuvent accueillir de nouvelles postulantes. La fin du XVIIe siècle et le XVIIIe siècle amènent une stagnation du recrutement et, bientôt, une baisse des effectifs. Selon Roger Devos, celle-ci est généralisée pour l'ensemble de l'Ordre de la Visitation au XVIIIe siècle, surtout entre les années 1727-1730 et 179031. La baisse des effectifs, qui entraine une réduction des revenus, place les monastères dans des situations économiques difficiles. La faillite du système de Law, en 1720, touche inégalement les communautés et finit d'endetter celles dont les aptitudes à la gestion ne peuvent affronter pareille crise. Edgar Faure avance même que « les communautés les plus éprouvées [sont] les communautés religieuses féminines issues de la Contre-Réforme et qui, n'ayant pas de patrimoine foncier, tir[ent] la plus grande partie des revenus des rentes et des fondations32 ». Ainsi, criblés de dettes, ces couvents doivent fermer leurs portes. C'est le cas de Montluel en 175133, de Saine-Marie-des-Chaînes, le troisième couvent lyonnais, en 175334, et de Melun, en 176835, pour ne nommer que ceux-là. D'un autre côté, le développement de la querelle janséniste trouble les entrées en religion. En effet, au nom de l'orthodoxie, le recrutement devient plus sélectif et les filtres servant à assurer une honnête vocation deviennent plus nombreux36. Les examens servant à déterminer la sincérité de la vocation d'une prétendante, sont menés de manière plus rigoureuse.

Un changement dans l'origine géographique et sociale du recrutement touche l'ensemble des communautés religieuses féminines au XVIIIe siècle. Selon Dominique Dinet, les milieux urbains, dans lesquels la grande majorité des ordres effectuent leur recrutement, sont plus réticents à envoyer leurs filles dans les couvents après 173537. La réserve des milieux dévots, si étroitement imbriqués dans l'approvisionnement de postulants pour les cloîtres, pénalise durablement les monastères. Ce changement d'origine sociale des nouvelles religieuses, qui passent du monde noble au monde bourgeois, touche le niveau des rentes dont dépendent essentiellement les ordres religieux féminins. De plus, si la querelle janséniste a pu éloigner des jeunes filles du cloître, un changement d'attitude vis-à-vis du monachisme, auquel les idées des Lumières ne sauraient être étrangères, se produit

31 R. Devos, L'origine sociale des Visitandines…, pp. 81-83.

32 Edgar Faure, La banqueroute de Law, : 17 juillet 1720, Paris, Gallimard, 1977, p. 545-547. 33 D. Julia, « L'expansion de l'Ordre… », p. 142.

34 Laurent Lecomte, Religieuses dans la ville : l'architecture des Visitandines XVIIe et XVIIIe siècles, Paris, Éditions du

patrimoine, Centre des monuments nationaux, 2013. p. 273.

35 Ibid., p. 274.

36 Dominique Dinet, Vocation et fidélité : le recrutement des Réguliers dans les diocèses d’Auxerre, Langres et Dijon,

XVIIe-XVIIIe, Paris, Economica, 1988, p. 275.

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durant le XVIIIe siècle38. Ainsi, à Lyon, les couvents de religieuses perdent jusqu'à 30% de leurs effectifs entre 1759 et 178939.

À la lumière de nos recherches, il apparaît que les Visitandines de Condrieu ont eu un fort recrutement initial, au XVIIe siècle, en vertu des nombreuses places disponibles au couvent suite à son ouverture en 1630. Malgré l’atteinte du nombre maximal de religieuses fixé par les Constitutions de François de Sales, la Visitation continue d’accueillir de nouvelles professes, si bien que les effectifs sont constamment au-dessus de ce nombre recommandé de trente-trois religieuses. Un ralentissement plus important se fait sentir au début du XVIIe siècle, qui peut trouver ses causes dans la désaffectation des familles dévotes dans l’envoi de jeunes filles au couvent. De multiples reprises au cours du XVIIIe siècle tendent à démontrer que l’influence des idées du jansénisme et des Lumières n’ont pas freiné les ardeurs de vocations à la Visitation de Condrieu. De plus, le recrutement géographique est fortement influencé par la proximité de la ville de Lyon qui fournit, pendant tout l’Ancien Régime, la majorité du contingent de professes. Enfin, l’évolution du profil social des nouvelles religieuses semble être tributaire d’un changement dans la fécondité des élites et d’une complexification de l’accession au second ordre, la noblesse, qui a pour conséquence de gonfler les rangs de religieuses provenant de la bourgeoisie. Ainsi, le glissement de l'origine géographique et socio-professionnelles des religieuses de l'Ordre de la Visitation de Condrieu, de sa fondation en 1630 à sa fermeture, le 4 octobre 179240 est une conséquence des changements sociaux de l'Ancien Régime.

L'étude du recrutement du monastère des Visitandines de Condrieu, qui est le monastère-fondateur issu de la plus petite cité et le seul ordre religieux féminin de cette municipalité, s'avère digne d'intérêt, car aucune analyse sérieuse s'intéressant spécifiquement au phénomène du recrutement n'a encore porté sur ce bourg. De plus, le recrutement des ordres religieux offre un outil privilégié qui permet de capter les « aspects fondamentaux des comportements religieux [...]41 » de l'époque et

38 D. Dinet, « Les entrées en religion à la Visitation (XVIIe et XVIIIe siècles), Bernard Dompnier et Dominique Julia (dir.),

Visitation et Visitandines aux XVIIe et XVIIIe siècles Acte du colloque d'Anncy 3-5 juin 1999, Saint-Étienne, Publications

de l'Université de Saint-Étienne, 2001. p. 193.

39 F. Bayard, Vivre à Lyon…, p. 184.

40 De notre monastère de Condrieu, le 8 février 1826. Lyon, J.M. Barret, 1826, p. 2.

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d'appréhender les relations entre le couvent et la société. Cette recherche se révèle pertinente en vertu de son orientation particulière, qui permettra d'amener de nouveaux éléments à l'histoire de l'Ordre de la Visitation, en plus de nuancer certaines conceptions ancrées dans l'historiographie actuelle.

Bilan historiographique

L'historiographie religieuse est un des champs d'intérêt de la recherche historique depuis une trentaine d'années. L'histoire des gens d'Église, autant séculiers que réguliers, se fait selon deux angles d'approche : la sociologie du recrutement et l'anthropologie de la vie religieuse42. Bien que Bernard Dompnier mentionne que l'histoire des « ordres religieux à l'Époque moderne a encore de beaux jours devant elle, [il ajoute que] le renouvellement, considérable, de l'historiographie religieuse s'est surtout effectué à partir de l'étude des diocèses43 ». En effet, dans les années 1960, la sociologie religieuse de Gabriel Le Bras s’applique à connaître les pratiques religieuses d'autrefois. En ce sens, le clergé séculier est devenu le centre du propos de l'historien, puisqu'il était responsable de l'encadrement des fidèles et est devenu la première cible des réformes de l'épiscopat au XVIIe siècle. De ce fait, le clergé séculier et les mutations qu'il connaît dans la France d'Ancien Régime, ont été précisément étudiés dans les dernières décennies. Parallèlement, le clergé régulier est un sujet qui a été négligé44. Dominique Dinet mentionne, à la fin des années 1990, que la recherche sur les ordres religieux réguliers de l'Époque moderne souffre d'un retard considérable par rapport à la recherche sur le clergé séculier de la même époque45.

Malgré tout, des études ont été faites sur le clergé régulier. Contrairement à la direction sociologique prise par les études sur le clergé séculier, les recherches sur le clergé régulier ont continué à privilégier une approche largement biographique centrée sur les personnages majeurs des différentes familles religieuses. Ces études étaient destinées à garder la mémoire des glorieux Vocations d'Ancien Régime : les gens d'Église en Auvergne aux XVIIe et XVIIIe siècles, Clermont-Ferrand, Publications de l'Alliance universitaire d'Auvergne, 1999, p. 16.

42 B. Dompnier, « Nouveaux regards sur les gens d'Église… », p. 11. 43 B. Dompnier, Enquête au pays…, p. 10.

44 B. Dompnier, « Nouveaux regards sur les gens d'Église… », p. 14. 45 D. Dinet, Religion et société… p. 15.

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prédécesseurs dans le but de faire ressortir des modèles pour les temps présents. De ce fait, Bernard Dompnier affirme que « toute histoire d'une famille religieuse tendait de la sorte à n'être que celle d'une fidélité à un idéal original46 ». L'apport de la sociologie religieuse renouvelle l’historiographie des réguliers de manière à mettre l’accent sur les attitudes et les mentalités religieuses, de même que sur les groupes sociaux et leurs cultures.

Les nouveaux regards sur les problématiques concernant les ordres réguliers permettent alors de s'extirper du schéma réducteur qui oppose les réguliers du XVIIe siècle, inscrit dans la période faste des nouvelles créations de la Réforme catholique, aux réguliers du XVIIIe siècle, considérés comme décadent et loin de l'idéal religieux. L'un des premiers auteurs à utiliser les sciences sociales afin d'aller plus loin que la comparaison aride entre religieux des XVIIe et XVIIIesiècles, est Bernard Plongeron. Ce dernier étudie les réactions des réguliers de Paris devant le serment constitutionnel exigé par les révolutionnaires à la fin du XVIIIe siècle. Ainsi, devant ce serment, « l'esprit communautaire explique […] le désarroi des réguliers, infiniment plus grave que celui du clergé séculier formé pour vivre dans l'isolement du ministère47 ». L'étude avance que la disparition des ordres lors de la Révolution a transformé une aventure collective en piste individuelle pour laquelle beaucoup n'étaient pas préparés. Elle démontre surtout, lors des années 1960, les lacunes importantes dans l'étude des réguliers et la méconnaissance des manières de vivre et de penser de ces communautés. De plus, l'auteur pose un constat important. Les ordres religieux réguliers, loin d'être en processus de lente agonie pendant le siècle des Lumières, connaissent des reprises à la veille même de la Révolution48. Dès lors, les recherches tentent de saisir la réalité de ces hommes et de ces femmes qui s'engagent dans la vie religieuse régulière. Leurs œuvres et leurs actions « dépassent infiniment l'action pastorale ou la prière contemplative49 ». Dominique Dinet démontre que les sympathies religieuses des réguliers et des séculiers ont une influence sur l'ensemble de la vie religieuse du XVIIIe siècle. Par exemple, l'arrivée en 1704 de Daniel-Charles-Gabriel de Thubières de Caylus, favorable au jansénisme, sur le siège épiscopal d'Auxerre, mine le mouvement des ordinations en plus d'exacerber les tensions religieuses

46 B. Dompnier, « Nouveaux regards sur les gens d'Église… », p. 14.

47 Jean Leflon, « Les Réguliers de Paris devant le serment constitutionnel : sens et conséquence d'une option

(1789-1801) », Annales historiques de la Révolution française, no. 182 (Octobre-Décembre 1965), p. 494

48 Bernard Plongeron, Les réguliers de Paris devant le serment constitutionnel : sens et conséquence d'une option,

1789-1801 Paris, Vrin, 1964, p. 65-72.

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de la région50. Il en découle une baisse des vocations. Autant les moniales que les moines ont un rapport avec la société dans laquelle ils évoluent et de laquelle ils sont loin d'être à l'écart, et ce, malgré leur état. Pour sa part, Claude-Alain Sarre cerne, dans son étude sur les Ursulines provençales et comtadines, le quotidien de ces religieuses. Il traite de la vie interne des couvents avec les entrées en religion, les choix de noms en religion, les élections de postes à charge et les relations avec les évêques et les directeurs spirituels. Il analyse ensuite leurs conditions matérielles, leur implantation dans la société environnante et leur vocation d'enseignante. En s'attardant au XVIIIe siècle, l'auteur aborde la réaction des religieuses face aux crises auxquelles elles sont confrontées. Au niveau de l'enseignement, il mentionne que « [l]'action de la Commission des secours51, les fermetures de nombreux couvents féminins, la montée de nouvelles congrégations enseignantes, le développement – même médiocre et chaotique – des écoles publiques tenues par des maîtresses laïques, [sont toutes des] décisions qui sont autant de contestations, implicites ou non, des méthodes de vie et d'actions des couvents d'Ursulines52 ». L'auteur conclut en disant que, malgré leur implication enseignante, les Ursulines provençales et comtadines n'ont assumé que des enjeux de pouvoir mineurs. En étudiant les Réguliers des diocèses d'Auxerre, de Langres et de Dijon aux XVIIe et XVIIIe siècles, Dominique Dinet constate que, malgré leur désir de se couper du monde, la réalisation de leur vocation les amenait à s'insérer à des niveaux divers dans la société. Leur importance est considérable et beaucoup plus visible que celle des séculiers, et ce, même avec les disparitions de certains couvents53. En effet, les bâtiments des communautés régulières sont souvent plus grands et plus imposants que plusieurs églises paroissiales ou collégiales54. Quant à Bernard Hours, il présente la multiplicité des ordres religieux qui s’installent à Paris et les impacts qu’ils amènent sur la société lors des XVIe, XVIIe et XVIIIe siècle. Il soulève d’ailleurs l’étape décisive que représente Paris dans le développement d’un grand nombre de congrégations55.

50 Dominique Dinet, « Les ordinations sacerdotales dans les diocèses d'Auxerre, Langres et Dijon (XVIIe-XVIIIe siècles) »,

Revue de l'histoire de l'Église de France, tome 66, no. 177 (1980), p. 222-223.

51 La Commission des secours est mise sur pied en 1726. Elle a pour objectifs d'étudier les couvents qui se trouvent dans

des situations difficiles. Elle a le pouvoir de fermer des couvents qui ont des revenus si faibles qu'ils ne peuvent subsister par eux-mêmes ou de réunir plusieurs communautés d'une même famille religieuse dans le même couvent. Les consignes de cette Commission des secours sont de supprimer, réunir, secourir. Pour en savoir plus sur la commission des secours : Armelle Sabbagh-Sentilhes, La politique royale à l'égard des communautés de filles religieuses : la

Commission des Secours, 1727-1788, thèse de l'École des Chartes, Paris, 1969, 304 p.

52 C.-A. Sarre, Vivre sa soumission…, p. 426. 53 D. Dinet, Religion et société…, p. 430-434.

54 Jean-Pierre Bardet, Maisons rurales et urbaines dans la France traditionnelle, Paris, Mouton 1971, p. 231-240. 55 Bernard Hours, Des moines dans la cité, Paris, Belin, 2016, p. 19.

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Les différentes communautés religieuses ne recrutent pas dans n'importe quelles couches de la société. Certains couvents accueillent plus de roturiers, sans toutefois accepter n’importe quelles prétendantes, alors que d'autres privilégient les aristocrates. Roger Devos le démontre bien avec des effectifs de la composition sociale et l'origine géographique des deux couvents de Visitandines de la ville d'Annecy. L’analyse des catégories socio-professionnelles montre cependant que le recrutement non noble s’effectue au sein des franges supérieures du tiers-états. En mettant en lumière la question des stratégies familiales et sociales, ainsi que des représentations sociales des couvents qui déterminent le choix de tel couvent au lieu de tel autre, Roger Devos démontre que les couvents visitandins sont bien insérés dans la société et qu’ils en sont devenus un rouage nécessaire dans l’équilibre des familles qui envoient leurs filles en religion56. Toujours sur l'ordre de la Visitation, Marie-Ange Duvignacq-Glessgen étudie les trois monastères présents à Paris aux XVIIe et XVIIIe siècles. Son étude révèle les grandes différences entre les monastères parisiens et provinciaux, en plus de montrer leur proximité des pouvoirs. De plus, elle démontre la capacité des monastères parisiens à mettre en mouvement un réseau relationnel pour une cause commune à l'ordre, telle qu’une canonisation57. Le prestige d'une communauté religieuse et sa vocation influencent le processus de recrutement. Ainsi, l'activité charitable est une vocation qui semble dévolue aux jeunes filles dépourvues de fortune, tandis que les jeunes filles de familles fortunées se dirigent vers les ordres contemplatifs. De plus, le manque de religieuses de familles fortunées, comme chez les Augustines de Clermont et de Riom en Auvergne, démontre bien souvent le manque de prestige de l'ordre58. Cependant, Corinne Blavignac démontre dans son étude des ordres religieux féminins que l'implication des religieuses envers les jeunes filles et le soin des malades les rendent très populaires dans la société dans laquelle elles sont implantées59.

Ces travaux montrent bien l'étroite imbrication des ordres religieux dans la société de leur temps. L'influence de ceux-ci se constate aussi bien au niveau social que religieux. Les communautés religieuses féminines à vocation charitable cultivent un modèle de sainteté qui attire la sympathie de

56 R. Devos, L'origine sociale des Visitandines…, p. 259-273.

57 M.-A. Duvignacq-Glessgen, , L'Ordre de la Visitation à Paris…, p. 67.

58 Fabien Fontanier, « Un cas particulier de recrutement ? Les augustines hospitalières », B. Dompnier, Vocation d'Ancien

Régime..., p. 101.

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la population60. Le recrutement est un rouage important de la communauté, car il constitue, à long terme, la survie de celle-ci. En effet, l'entrée en religion s'accompagne de dots qui construisent le patrimoine financier de la communauté. Par l'achat de terrain et la construction de bâtiments, tels que le couvent, la communauté religieuse accroît son influence et s'affirme comme une force économique dans les espaces où elle s'installe. La gestion matérielle est une preuve de l'enracinement de ces communautés religieuses61. Parallèlement, le recrutement permet de saisir la religiosité d'un milieu donné. De plus, les origines géographiques des religieuses permettent d'étudier l'impact de la communauté sur l'espace géographique dans laquelle elle s'insère. Philippe Sarret mentionne que l'envoi de jeunes filles au couvent reflète l'attitude religieuse de la société62. Au niveau religieux, Gaël Rideau mentionne que l'influence d'une communauté religieuse se traduit par la mise de l'avant des dévotions qu'elle privilégie, ainsi que sa capacité à faire participer la population aux grâces spirituelles dont la communauté religieuse bénéficie63.

L'apport de la sociologie religieuse a mis en lumière les dynamiques internes des différents ordres. Ainsi, l'étude du recrutement permet de voir l'évolution des effectifs, ainsi que l'origine sociale et géographique des religieuses. Ces données permettent de voir la bonne santé des communautés religieuses féminines, ainsi que les couches de la société que les ordres privilégient. Le choix du nom en religion est un reflet des tendances dévotionnelles à la fois du couvent et d'une région en particulier64.

Bien que dépassant légèrement notre cadre temporel, il convient de noter qu'une part importante des études portant sur les Réguliers s'intéresse à la coupure que représente la Révolution française, qui voit la fermeture du couvent de Condrieu. Bernard Plongeron affirme que le thème central de ce pan de l'historiographie est la question du serment65. En 1992, une importante rencontre de la Faculté de théologie de Lyon, initiée par Yves Krumenacker, étudie les réactions des différents ordres

60 Gaël Rideau, « Vie régulière et ouverture au monde… », p. 49.

61 Alain Duran, « Les revenus fonciers des Orléanais en 1790-1791 d'après la matrice de la contribution mobiliaire »,

Bulletin de la Société archéologique et historique de l'Orléanais, t. XIV, no. 115 (1997), p. 43.

62 P. Sarret, « Les visitandines d'Aurillac. Le recrutement… », p. 74. 63 G. Rideau « Vie régulière et ouverture au monde… », p. 39.

64 Philippe Loupès, « Un palmarès des saints dans le Sud-Ouest à la fin de l'Ancien Régime : Introduction à l'étude des

noms en religion », Histoire et sainteté, Angers, Presses de l'Université d'Angers, 1982, p. 133.

65 Bernard Plongeron, Paule Lerou et Raymond Dartevelle (dir.), Pratiques religieuses dans l'Europe révolutionnaire

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religieux face à la Révolution selon les régions66. Dans la même lignée, Gwénaël Murphy met en lumière les différents itinéraires collectifs et individuels des religieuses contemplatives ou actives, qui vivent la Révolution française. L'historienne fait ressortir que, devant les nouvelles donnes révolutionnaires, les religieuses sont craintives, défendent leurs vœux et ont une peur sociale de l'avenir. Elle mentionne également que la construction d'une mémoire de l'événement révolutionnaire fait place à la victimisation, à la sainteté et au martyr des religieuses, et occulte complètement les quelques religieuses qui s'adaptent à la vie séculière67. Elizabeth Rapley mentionne que la fidélité des religieuses envers leur communauté et à la vie commune, les amène à recréer ces contextes hors des murs de leur couvent une fois leur monastère clos68. D'autres auteurs se rapportent au contexte social de l'époque pour expliquer ce phénomène. Monique Cubells mentionne que les hommes lisent plus et qu'ils sont plus ouverts aux idées des Lumières. Ainsi, il est plus facile pour eux de s'adapter aux conditions nouvelles qu'exige la fermeture des monastères69. En ce sens, Laurence Lux-Sterrit fait le constat que « la mobilité spatiale est à peine acceptable [chez la femme] lorsqu'elle est laïque, mais semble anathème à la définition de la femme d'Église [...]70 ». De ce fait, lorsque la Révolution française ouvre les portes des couvents, très peu de religieuses opteront pour un retour à la vie séculière, contrairement aux hommes, préférant recréer une communauté qui leur permet de montrer leur attachement à l'état religieux71.

Les facteurs de dynamique interne et de relations des couvents avec la société sont utiles, afin de percevoir comment ceux-ci s'imbriquent dans leur contexte spatio-temporel. Dans le cadre de mon mémoire, il sera ainsi possible de saisir la réalité des couvents et de leur recrutement, afin d'expliquer les différentes causes qui l'affectent.

66 Philippe Bourdin et Philippe Boutry, « L'Église catholique en Révolution : l'historiographie récente », Annales historiques

de la Révolution française, no. 355, vol. 1 (2009), p. 17.

67 Gwénaël Murphy, Les religieuses dans la Révolution française, Paris, Bayard, 2005, p. 288-310.

68 Elizabeth Rapley, « profiles of convent society in ancien régime France », Hubert Watalet (dir.), De France en

Nouvelle-France, Ottawa, Presses de l'Université d'Ottawa, 1994, p. 134.

69 Monique Cubells, Les horizons de la liberté. Naissance de la Révolution en Provence, 1787-1789, Aix, Edisud, 1987,

p. 141.

70 L. Lux-Sterrit, « Les religieuses en mouvement… », p. 23. 71 C. Blavignac, « Les ordres religieux… », p. 54.

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Ordre de la Visitation : État de l'historiographie

En mettant de côté les nombreuses monographies parues depuis le XVIIe siècle sur les personnalités importantes de l'Ordre, avec en première place les fondateurs François de Sales et Jeanne de Chantal, les études portant sur la Visitation ont porté sur des couvents spécifiques. Et pour cause, « En théorie au moins, chacun des monastères a légué à ses historiens une série documentaire riche et diverse, dont la composition est arrêtée par les Coustumier et la Petite Coutume72 ». Cette richesse d'archives fait en sorte que la quasi-totalité des couvents européens a eu droit à une monographie, sinon à un article scientifique tout au long du XXe siècle73. Mais, considérant la forte autonomie des monastères visitandins entre eux, l'historiographie de l'Ordre semble se construire par une « juxtaposition d'études locales74 ». De ce fait, même les études de références dans l'histoire de la Visitation, c'est-à-dire les ouvrages d'Étienne Catta en 195475, de Roger Devos en 197376, et de Marie-Ange Duvignacq-Glessgen en 199477, s'attardent respectivement aux monastères des villes de Nantes, d’Annecy et de Paris.

Bien que Bernard Dompnier mentionne, dans sa préface du livre Religieuses dans la ville : l'architecture des Visitandines, XVIIe et XVIIIe siècles de Laurent Lecomte paru en 2013, que la Visitation est un chantier prioritaire pour l'historiographie78, force est de constater que ce n'est plus le cas depuis le début XXIe siècle. En effet, mis à part deux colloques internationaux, l'un tenu en 1999 et l'autre en 201079,la Visitation a surtout été l'objet d'une multitude de mémoires de maîtrise et de

72 Bernard Dompnier, « Nouveaux regards sur les gens d'Église… », p. 22.

73 Bien qu’elle date de 2001, la bibliographie de Bernard Dompnier et Dominique Julia permet de bien voir l'étendue des

recherches sur la Visitation. Bernard Dompnier et Dominique Julia (dir.), Visitation et Visitandines aux XVIIe et XVIIIe

siècles Acte du colloque d'Anncy 3-5 juin 1999, Saint-Étienne, Publications de l'Université de Saint-Étienne, 2001. pp.

568-588.

74 L. Lecomte, Religieuses dans la ville..., p. 8.

75 Étienne Catta, La Visitation Sainte-Marie de Nantes : 1630-1792; la vie d'un monastère sous l'Ancien Régime, Paris,

Vrin, 1954, 574 p.

76 R. Devos, L'origine sociale des Visitandines…, p. 260

77 M-A Duvignacq-Glessgen, L'Ordre de la Visitation à Paris…, p. 6. 78 L. Lecomte, Religieuses dans la ville..., p. 8-9.

79 Marie-Élisabeth Henneau et al (dir.), Pour Annecy et pour le monde. L'ordre de la Visitation (1610-2010), Milan, Silvana

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quelques articles épars. C'est aussi bien l'éducation80, les pratiques de piété et la dévotion81, les mentalités82, la lecture83, la vie quotidienne84 et les espaces de la vie conventuelle85, qui sont mis en lumière, lorsque ce n'est pas l'histoire générale d'un couvent particulier.

C'est aussi bien différents aspects de l'Ordre que l'histoire générale d'un couvent particulier que ces mémoires permettent d'appréhender. Ainsi, et toujours dans la perspective d'une étude globale d'un couvent donné, plusieurs études dressent un portrait plus ou moins égal des réalités sociales, économiques et religieuses des couvents qu'elles étudient, de leur fondation à leur fermeture86. De son côté, France Christophle-Debermardi87 compare ces mêmes réalités entre les Visitandines, un ordre nouveau issu des fondations post-tridentines, et un ordre ancien, les Bénédictines, à Vienne, dans le Dauphiné. Ce mémoire est intéressant, puisqu'il met en lumière les différences de réalités, notamment économiques, entre les deux ordres. Enfin, Gaël Rideau88, dans son article sur la Visitation d'Orléans, fait ressortir l'étroite imbrication du couvent dans la société qui l'entoure, et révèle son influence au niveau social et religieux.

80 Estelle Maridet, L'éducation chez les visitandines aux XVIIe et XVIIIe siècles, Mémoire de maîtrise, Clermont-Ferrand,

Université de Clermont-Ferrand II, 1997.

81 Marylin Masse, Pratiques de piété et dévotions des visitandines aux XVIIe et XVIIIe siècles, Mémoire de maîtrise,

Clermont-Ferrand, Université de Clermont-Ferrand II, 1997.

82 Philippe Riverieux, Les Visitations de Lyon aux XVIIe et XVIIIe siècles : mentalité et idéal féminin, Mémoire de maîtrise

Lyon, Université de Lyon II, 1983.

83 Sonia Rouez, La lecture chez les visitandines aux XVIIe et XVIIIe siècles, Mémoire de maîtrise, Clermont-Ferrand,

Université de Clermont-Ferrand II, 1997.

84 Isabelle Soler, La vie quotidienne dans un monastère de la Visitation aux XVIIe et XVIIIe siècles, Mémoire de maîtrise,

Clermont-Ferrand, Université de Clermont-Ferrand II, 1997.

85 Maxime Williams, Les espaces de la vie conventuelle dans les maisons de la Visitation aux XVIIe et XVIIIe siècles,

Mémoire de maîtrise, Clermont-Ferrand, Université de Clermont-Ferrand II, 1997.

86 Débora Boudier, Le temporel de la Visitation de Crest, Mémoire de maîtrise, Lyon, Université Jean Moulin, 2004, 158

p., Patricia Mellet, Les Visitandines de Sainte-Marie de Sainte-Colombe aux XVIIème-XVIIIème siècles, Mémoire de maîtrise, Lyon, Université Lumière, 2001, 129 p., Sophie Collette, L'ordre de la Visitation dans la ville d'Amiens de 1640

à 1792, 1999, Mémoire de maîtrise, Amiens, Université d'Amiens, 1999, 166 p., L. Locatelli, Les visitandines à Besançon aux XVIIe et XVIIIe siècles : 1630-1789. Mémoire de maîtrise, Besançon, Université de Besançon, 1990., I.

Guion-Schmitt, La Visitation en Haute-Provence aux XVIIe et XVIIIe siècles (monastères de Digne, Sisteron,

Forcalquier et Castellane), Mémoire de maîtrise, Provence, Université de Provence, 1995, 2 vol., Jean-Marie Marquis, Les Monastères de l'ordre de la Visitation en Italie et en Autriche au XVIIe et au XVIIIe siècles, Mémoire de maîtrise,

Lyon, Université Lumière, 1982, Thèse de doctorat.

87 France Christophle-Debernardi, Les Bénédictines et les Visitandines de Sainte-Colombe-les-Vienne aux XVIIe et XVIIIe

siècles, Lyon, Université Lumière, 1995, Mémoire de maîtrise, 196 p.

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Il convient de mentionner que le mémoire de maîtrise de Nadège Favre sur les Visitandines de Condrieu89 offre un premier aperçu de la situation. Elle y aborde la question du recrutement, mais d’une manière uniquement quantitative, sans replacer les résultats dans un contexte historique plus global, comme nous l’envisageons dans notre étude.

Corpus de Sources

Afin de mener à bien cette recherche, nous nous appuyons essentiellement sur des sources manuscrites. Notre corpus de sources se compose principalement sur le fonds d'archives 36 H 1-60 – Visitandines (Condrieu)90 conservé aux Archives départementales du Rhône, situé à Lyon. Dans ce fonds, nous avons utilisé les dossiers 36 H 10 Vêtures, noviciats, professions et sépultures, 1737-178791 et 36 H 11 Contrats de réceptions de religieuses professes, 1631-176292.

Les registres de vêtures et de professions et les registres de sépultures apparaissent comme les sources les plus importantes, puisqu'elles permettent de connaître les religieuses condriotes. C'est le point de départ de toute enquête sur le recrutement. En effet, le contenu des registres de vêtures et de profession permet, d'une part, d’établir l'état civil des postulantes et de leurs parents et, d'autres part, d'appréhender l'identité religieuse des moniales. Les registres de sépultures, quant à eux, fournissent l'année du décès, l'âge au moment de la mort et, parfois même le nombre d'années en religion. Comme le souligne Claude-Alain Sarre, ces archives ont le mérite de donner des dates sûres93. Le recoupement des informations nous permet d'établir l'identité civile avec les renseignements concernant les noms et prénoms de baptême, le lieu et l'année de naissance et l'âge, la date et l'année du décès, ainsi que l'âge au moment de la mort. Parallèlement, il est aussi possible de connaître ce qu'on peut appeler l'identité religieuse de la postulante, avec les informations sur le rang – choriste, associée ou domestique - sur le jour et l'année de la réception et de la profession, l'âge à la réception

89 N. Favre, Les Visitandines de Condrieu…, 176 p.

90 A.D.R., 36 H 1-60 – Visitandines (Condrieu), 1446-1791, non-folioté.

91 A.D.R., 36 H 10 – Vêtures, noviciats, professions et sépultures,1737-1787, non-folioté. 92 A.D.R., 36 H 11 – Contrats de réceptions de religieuses professes, 1631-1762, non-folioté. 93 C.-A. Sarre, Vivre sa soumission…, p. 142.

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et à la profession, le couvent de profession, la distance entre le couvent et le lieu de naissance, le montant de la dot, les principaux offices tenus, et le nombre d'années en religion. À plus grande échelle, les informations quantitatives obtenues permettent de saisir les flux d'entrées au noviciat et à la profession, ainsi que les flux de sorties.

Si elles permettent de bien saisir les origines socioprofessionnelles et géographiques des Visitandines de Condrieu, les archives manuscrites présentent néanmoins certaines limites. Les sources disponibles ne sont pas exhaustives, surtout pour le XVIIe siècle. Les écrits se font beaucoup sur des feuilles volantes. Les archives disponibles sont donc bien souvent des papiers épars et il est impossible d'évaluer le pourcentage des documents qu'ils représentent. La situation s'améliore au XVIIIe siècle, notamment en ce qui concerne les actes de vêtures, de profession et de sépultures qui sont mis en registres. En effet, la déclaration royale du 9 avril 1736 oblige la tenue de deux registres de vêtures, de professions et de sépultures, dont l'un doit être déposé aux greffes. De ce fait, ceux qui sont intéressés à les consulter peuvent obtenir des extraits auprès du greffe ou de l'église94. Avant cette date, la tenue de ce type de documents se fait de manière plus ou moins rigoureuse, selon les couvents et les documents produits restant à l'intérieur des murs. Lorsqu'elles se conforment à la déclaration royale, les communautés religieuses ne retranscrivent pas les actes faits avant 1736.

Tout comme à Condrieu, les Visitandines de Sainte-Colombe, à Vienne, font débuter le registre de vêtures et de professions en 1761, date qui peut représenter la première réception au couvent depuis 1736, alors que la communauté est fondée en 164495. Si les registres semblent être bien tenus à partir de ce moment, la conservation se fait parfois de manière plus laborieuse. Certains actes sont endommagés et pratiquement illisibles, malgré les tentatives de restauration des archives. Ainsi, les registres de vêtures, de noviciats, de professions et de sépultures, ne couvrent pas l'intégralité de la période étudiée. Outre l'état lacunaire des sources, nous sommes confrontés à l'imprécision des termes en ce qui concerne l'activité ou la qualité sociale du père. Ainsi, le simple « marchand » peut définir une multitude de réalités sous l'Ancien Régime. Nous ne pouvons, bien souvent, définir exactement ce que font ces « marchands » comme activité, ni même s'ils sont toujours en activité au

94 Vincent Denis, Une histoire de l'identité, France, 1715-1815, Seyssel, Champ Vallon, 2008, p. 337. 95 A.D.R., 35H4 – Registre de vêtures et de professions, 1761-1789, p. 1.

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moment de la rédaction des actes. La consultation des registres d'état civil, notamment les côtes 64GG202 à 64GG30 qui recouvrent les registres de baptême, de mariage et de sépultures entre 1600 et 1793 à Condrieu, ne nous a pas permis d'en arriver à des bonifications concluantes sur l'exacte activité du père marchand. Certains auteurs mentionnent qu'il y a une tendance, dans les registres paroissiaux, « d'amplifier les titres ou à les inventer […]. Il y a là volonté d'affirmation d'une position sociale plus élevée96 ».

Afin de pallier ces lacunes et de compléter les informations, nous avons consulté le fonds 106 J 1-105 Ferdinand Frécon, érudit97. Ce fonds contient des documents amassés par Ferdinand Frécon, Eugène Vial et Amédée d’Avaize98 sur la généalogie des principales familles consulaires et non consulaires de Lyon du XVIe au XXe siècle. Il est composé de quatorze volumes – les dossiers rouges – dans lesquels figure la généalogie des familles consulaires lyonnaises et de 17 volumes – les dossiers bleus – qui comportent la généalogie des familles notables de Lyon, hors membres du Consulat. Le répertoire des familles lyonnaises, classé sous la cote F.F.1, donne de précieuses informations, à partir desquelles il est possible de trouver le nom de membres qui entrent en religion.

Étant donné l'origine lyonnaise du couvent de Condrieu, par la fondation de celui-ci par les Visitandines du couvent de Bellecour, nous avons ajouté à notre corpus le fonds 34 H 1-239 – Visitandines (Lyon) 1266-179099 comme complément d'information. Dans ce fonds, nous avons pu retrouver l'acte de réception de la première supérieure des Visitandines de Condrieu, Marie-Denise Goubert en 1626.

Notre corpus de sources, bien que tout indiqué pour l'étude du recrutement, comporte certaines limites théoriques et techniques, qu'il est nécessaire de souligner. D'abord, afin de bien connaître le monde des réguliers que nous nous proposons d'étudier, la possession d'actes s'étalant

96 Maurice Garden, Lyon et les Lyonnais au XVIIIe siècle, Paris, Les Belles Lettres, 1970, p. 215. 97 Archives départementales du Rhône, 106 J 1-105 – Ferdinand Frécon, érudit, XIXe siècle, non-folioté

98 Marie-Thérèse Chabord, Ferdinand Frécon, érudit XIXe siècle,Lyon, Répertoire des archives départementales du

Rhône, 1944, p. 3-4.

Figure

Graphique 1 - Nombre d’entrées au noviciat au monastère de la  Visitation de Condrieu (1630 - 1792)
Graphique 2 - Évolution des entrées au noviciat au monastère de la  Visitation de Condrieu (1630 - 1792)
Graphique 3 -Effectif du monastère de la Visitation de  Condrieu (1683-1792)
Graphique 4- Effectif des pensionnaires au monastère de la  Visitation de Condrieu (1683-1792)

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